SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

(Société du Monument National à la Gloire de la Gendarmerie Française)

Un certain nombre d’officiers et de sous-officiers de gendarmerie, rentrés dans la vie civile, après une carrière dignement remplie, avaient eu, depuis longtemps, la pensée de rendre un hommage à l’arme dont ils avaient eu l’honneur de porter l’uniforme, en faisant élever un monument à la mémoire de ses morts tombés héroïquement au champ d’honneur et rappelant son glorieux passé.
Au cours de la Grande Guerre – alors que la gendarmerie, avec ses minimes effectifs, avait déjà offert en sacrifice un grand nombre des siens et rendu de grands services à la patrie, aux armées comme à l’intérieur – des officiers des prévôtés avaient songé à commémorer ces dévouements et cette vaillance par l’érection d’un Mémorial.

Après la signature de l’Armistice, dès le mois de novembre 1918, dans la joie de la victoire, alors que la VIe armée, après avoir contribué à la libération de la Belgique, se trouvait stationnée dans la région de Bruxelles, cette idée de faire édifier un monument en l’honneur de nos héros fut évoquée à l’état-major de la prévôté de l’armée. Le colonel Pacault, grand prévôt, et le capitaine Lélu, son adjoint, se montrèrent chauds partisans de cette réalisation qui réunit tous les suffrages.
La paix signée et les armées démobilisées, chacun rentra à son poste à l’intérieur, fort occupé par les lourdes obligations résultant des réorganisations et remises au point ayant suivi la cessation de l’état de guerre.

Cependant, graduellement, les groupes de retraités de la gendarmerie reprirent leur action en faveur de la considération de l’arme.
Enfin, en 1933, fut fondée la Société Nationale des Anciens Officiers de la Gendarmerie et des Gardes Républicaines, à laquelle adhérèrent individuellement la plupart de nos anciens généraux et de nombreux officiers de l’active, autorisés alors par le ministre de la Guerre à en faire partie comme membres honoraires. (Sous le ministère de front populaire, cette autorisation fut retirée, l’association n’étant sans doute pas assez dans les idées d’alors et se vouant corps et âme au culte de la patrie.)
Par solidarité et par fraternité d’armes cette société, composée d’une élite, aux idées larges et généreuses, dont tous les membres étaient animés du plus pur esprit patriotique et du plus profond sentiment de la discipline, prit aussitôt contact avec toutes les autres associations de retraités militaires et, en particulier, avec celles de la gendarmerie.

À ce moment-là, dans la plupart des villes et villages de France, des monuments avaient été élevés, par souscription publique, à la mémoire des enfants du pays, morts pour la patrie. Aussi, en vue de réaliser un projet depuis longtemps formé, une des premières idées qui se présentèrent à l’attention de nos associations, fut qu’il fallait, sans aucun retard, honorer par un monument digne d’eux, le sacrifice de nos camarades tombés glorieusement dans l’accomplissement de leur devoir. Mais, pour cela, il fallait réunir les fonds indispensables. Dans ce but, il convenait d’ouvrir une souscription, et nous savions d’avance que l’arme tout entière donnerait avec enthousiasme. En effet, chaque fois qu’il fut fait appel à sa générosité en vue de glorifier un sacrifice ou une action héroïque, de secourir une infortune ou d’honorer des hommes ayant bien servi la patrie, elle fut toujours au premier plan.
Au début de l’année 1934, M. le colonel Lélu, président-fondateur de la Société Nationale des Anciens Officiers de Gendarmerie, et M. Madelaine, maréchal des logis retraité, président général de la Fédération Nationale des Retraités de la Gendarmerie (chefs de brigade, gendarmes et gardes), se concertèrent en vue d’aboutir à une réalisation.

Il fut décidé d’adresser à M. le Ministre de la Guerre une demande en vue d’obtenir l’autorisation, pour les militaires de l’arme, de verser une souscription en faveur de l’érection du monument.
Cette demande, établie au nom des deux principales associations et signée du colonel Lélu et de M. Madelaine, fut adressée au cabinet de M. le Ministre de la Guerre, le 27 janvier 1934.

Certains troubles s’étant produits en France, vers cette époque, firent différer la réponse du ministre. Enfin, le 11 décembre 1934, une circulaire de M. le Ministre de la Guerre, cabinet, 3e bureau, correspondance générale, n° 15897K, insérée au « Bulletin Officiel », autorisait les militaires de la gendarmerie, en activité, qui le désireraient, à participer, dans les conditions réglementaires, à la souscription ouverte en vue d’élever un monument à la mémoire des militaires de la gendarmerie, morts pour la patrie ou dans l’accomplissement de leur devoir.

Par la suite, sur nouvelle demande, une décision du 19 juin 1935, n° 8743 K. étendit cette autorisation à tous les militaires de l’armée active.

Dès le courant de décembre 1934, des avis avaient été adressés aux présidents des diverses associations de retraités et des mutualités de la gendarmerie, en les priant de désigner des délégués, pour participer à une réunion au cours de laquelle on envisagerait la constitution d’un comité exécutif pour l’érection du monument projeté.
Dès qu’avait été obtenue de M. le Ministre de la Guerre l’autorisation pour les militaires de l’arme de participer à la souscription, le président de la Société Nationale des Anciens Officiers avait fait toutes diligences nécessaires, auprès des plus hautes personnalités, pour la constitution d’un comité de patronage. Il reçut sans retard toutes les adhésions sollicitées, qui furent accordées avec les marques de la plus haute bienveillance et de la plus haute estime en faveur de la gendarmerie.

M. le général de division Pacault, du cadre de réserve, ancien inspecteur général de l’arme, et le colonel Lélu firent une démarche au Palais de l’Élysée, pour solliciter le haut patronage de M. le Président de la République.
Reçus par M. Magre, secrétaire général civil de la présidence, ils bénéficièrent du plus aimable accueil et, quelques jours après, parvenait une lettre spécifiant que « M. le Président de la République, désireux de témoigner tout l’intérêt qu’il porte à la gendarmerie, autorisait volontiers que fût placé sous son patronage le Comité du monument ».

Les comités

Le Comité de patronage fut ainsi constitué :

Comité de patronage

M. le Président de la République, chef de l’État
MM. le Président du Conseil des ministres, les Ministres d’État
le Ministre de la Guerre, le ministre de la Justice. le ministre de l’Intérieur. le Ministre de la Marine. le Ministre de l’Air
le Ministre des Colonies
le Ministre des Pensions et Anciens Combattants. le Maréchal Pétain
le Maréchal Franchet d’Espérey
le Général vice-président du Conseil supérieur de la guerre, chef d’état-major général. le Général Gouraud, membre du Conseil supérieur de la guerre, gouverneur militaire de Paris
le Préfet de la Seine. le Préfet de police
le Premier président de la cour d’appel de Paris. le Procureur général près la cour d’appel de Paris. le Procureur de la République près le tribunal de la Seine

De nouvelles démarches furent faites alors pour la mise sur pied d’un Comité d’Honneur, composé spécialement de personnalités exerçant ou ayant exercé de grands commandements dans la gendarmerie ou ayant autorité sur elle.
M. le général de division Billotte, membre du conseil supérieur de la guerre, inspecteur général de la gendarmerie, décédé au cours de la guerre, voulut bien accepter la présidence de ce Comité d’Honneur.
Toutes les hautes personnalités sollicitées acceptèrent avec le plus grand empressement d’en faire partie, et il eut finalement la composition suivante…

Comité d’honneur

Président : M. le général d’armée Billotte, membre du conseil supérieur de la guerre, inspecteur général de la gendarmerie ;
(puis) M. le général d’armée Dosse, membre du conseil supérieur de la guerre, inspecteur général de la gendarmerie, inspecteur général des écoles de perfectionnement.

Membres :
MM. les Généraux de division de gendarmerie
Vérand, du cadre de réserve, ancien élève de l’École polytechnique, ancien inspecteur général de gendarmerie, ancien commandant supérieur des troupes de Tunisie. Bouchez, du cadre de réserve, ancien inspecteur général de gendarmerie, ancien commandant de la 32e division d’infanterie pendant la grande guerre, ancien inspecteur de la gendarmerie aux armées (1917-1918). Jouffroy, du cadre de réserve, ancien inspecteur général de gendarmerie.
Crinon, du cadre de réserve, ancien inspecteur de gendarmerie, ancien directeur de la gendarmerie au ministère de la guerre.
Pacault, du cadre de réserve, ancien élève de l’École polytechnique, ancien inspecteur général de gendarmerie.
Moinier, inspecteur du 1er arrondissement de gendarmerie à Paris.
MM. les Généraux de brigade de gendarmerie, anciens inspecteurs de l’arme Audié, du cadre de réserve, ancien inspecteur de gendarmerie.
Bonnet (Bruno), du cadre de réserve, ancien élève de l’École polytechnique, ancien commandant de la force publique en Silésie, ancien inspecteur de gendarmerie. Grimard, du cadre de réserve, ancien directeur de la gendarmerie au ministère de la guerre, ancien inspecteur de gendarmerie.
Emond, du cadre de réserve, ancien élève de l’École polytechnique, ancien inspecteur de gendarmerie.
Paul, du cadre de réserve, ancien élève de l’École polytechnique, ancien commandant de groupe de subdivisions, ancien inspecteur de gendarmerie.
Girardot, du cadre de réserve, ancien inspecteur de gendarmerie. Larrieu, du cadre de réserve, ancien inspecteur de gendarmerie. Huot, du cadre de réserve, ancien inspecteur de gendarmerie. Bucheton, inspecteur du 5e arrondissement de gendarmerie (puis général de division). Simon, inspecteur du 2e arrondissement de gendarmerie.
Gest, sous-directeur de la gendarmerie au ministère de la guerre (puis général de division). Et M. Oudinot, directeur civil du contentieux, de la justice militaire et de la gendarmerie au ministère de la guerre.

Nota. – En 1936, M. le général Billotte, devenu inspecteur général des troupes coloniales, fut remplacé à la présidence du Comité d’Honneur par M. le général Dosse, membre du conseil supérieur de la guerre, inspecteur général de la gendarmerie, de la préparation militaire et des écoles de perfectionnement. M. Oudinot, directeur civil, fut de même remplacé, en 1938, par M. Léonard.

Création d’un comité exécutif

Sous l’égide des hautes personnalités du Comité de patronage et du Comité d’honneur qui avaient bien voulu marquer leur sympathie à la gendarmerie, le bureau de la Société Nationale des Anciens Officiers de Gendarmerie prit l’initiative d’adresser des convocations aux présidents de toutes les autres associations de retraités et de mutuelles de l’arme. Il les priait de vouloir bien envoyer des délégués de leur groupement à une réunion devant avoir lieu le jeudi 7 février 1935, rue de Rivoli, n° 37, à Paris, en vue de désigner les membres d’un Comité Central Exécutif et d’envisager les grandes lignes d’un programme d’action.

Cette réunion fut tenue sous la présidence de M. le général de division Pacault, ancien inspecteur de la gendarmerie à Paris, qui a toujours porté le plus vif intérêt aux œuvres philanthropiques et aux œuvres tendant à accroître le prestige et la considération de l’arme.
Le président de la Société des Anciens Officiers, après avoir donné connaissance des excuses des absents, exposa aux membres qui avaient bien voulu répondre à son appel, que l’œuvre qu’il s’agissait d’entreprendre devait, pour avoir toute sa valeur et toute sa portée, être réalisée dans un sentiment d’entente parfaite entre les groupements, en oubliant toutes questions d’ordre personnel. Le monument qu’il s’agit d’ériger, dit-il, étant désiré du fond du cœur par tous ceux qui ont servi ou servent dans la gendarmerie, pour commémorer, en même temps que les hauts faits de l’arme, la mémoire des militaires du corps tombés héroïquement pour le pays, c’est dans des conditions d’union générale, absolue et sans arrière-pensée, que la chose doit être entreprise. Nul doute que ce projet ne recueille les encouragements de tous nos camarades et des nombreux amis de l’arme, dont la sympathie et la générosité ne seront point en défaut.
M. le général de division Pacault exprima ensuite, en termes d’une haute élévation, le sentiment que personne ne devait rester étranger à l’œuvre de haute piété que nous avions la volonté d’élever à la mémoire de ceux des nôtres ayant donné leur vie pour la patrie ou pour la société. Cette œuvre demandant, par son caractère élevé et sacré, à être réalisée dans l’unanimité, elle est, dit-il, au-dessus des questions de personnes. Nos morts ont sacrifié leur existence, nous pouvons leur sacrifier nos sentiments personnels. Et d’ailleurs, il ne s’agit pas de nous-mêmes, mais de la dignité de notre arme et de son prestige devant l’opinion publique. Nous devons collaborer tous, sans distinction, à la glorification de nos grands morts.

Dans ces sentiments si nettement exprimés, on décida aussitôt qu’un nouvel appel serait adressé à toutes les associations et mutuelles pour attirer leur attention sur la nécessité d’obtenir une concorde complète, sans distinction de personnes ou d’opinions, pour la réalisation artistique et grandiose du monument à ériger.
On envisagea ensuite la création d’un Comité exécutif, chargé de prendre toutes mesures utiles pour mener à bonne fin l’œuvre entreprise, comité dans lequel tous les groupements seraient représentés.
On prit ensuite, à l’unanimité des présents, la décision d’ouvrir une souscription dans l’ensemble de l’arme (active et retraités) et parmi les autorités et personnalités amies de la gendarmerie.
Il fut admis que chaque association recueillerait les fonds dans son milieu, dans ses comités, parmi ses membres et auprès des personnes sympathiques à l’arme, grouperait ces souscriptions et les verserait en bloc, au trésorier du Comité central exécutif. Toutes publications utiles à ce sujet seraient faites dans la presse et spécialement dans les organes techniques.
Puis la Société Nationale des Anciens Officiers de Gendarmerie prit charge de faire toutes diligences voulues pour l’ouverture immédiate de la souscription dans les corps et formations de l’active, de la métropole et des colonies, et s’inscrivit de suite pour deux mille francs.
La séance fut levée dans une entente parfaite de tous les présents, étant entendu que, dans une prochaine réunion, le Comité central exécutif serait définitivement constitué au complet.

Dès le 21 janvier 1934, un premier article paru dans l’Écho de la Gendarmerie, intitulé « Gloire aux Héros de la Gendarmerie », annonçant la prochaine ouverture d’une souscription, avait sonné le ralliement, en demandant l’union et la concorde entre tous, en faveur du projet à réaliser. Cet article, suivi, à répétition, de beaucoup d’autres, parus dans l’Écho de la Gendarmerie, dans la France Militaire, dans le Progrès et dans les Bulletins des associations, tinrent chacun au courant des mesures prises et de l’activité du Comité directeur.
Enfin, le 24 mars 1935, eut lieu, sous la présidence de M. le général de division Pacault, une nouvelle réunion à laquelle assistèrent, dans une entière communion de pensées des membres de tous les groupements des retraités de l’arme.
Société Nationale des Anciens Officiers de la Gendarmerie et des Gardes Républicaines ;
Fédération Nationale des Retraités ; Association Fraternelle ;
Le Trèfle (mutuelle des officiers) ; L’Aiguillette (mutuelle des sous-officiers).
C’est au cours de cette assemblée que fut constitué définitivement le Comité Central Exécutif.
Voici quelle fut sa composition :

Comité central exécutif du monument national a la gloire de la gendarmerie

Président général
MM. le général de division Pacault, 66, rue de Rennes, Paris-VIe, et Clion (Loire inférieure)
Président
le colonel Lélu, ancien inspecteur de gendarmerie de réserve, 7, boulevard de Denain, Paris (Xe), et Avallon (Yonne).

Vice-Présidents
le colonel Bolotte, ancien inspecteur de gendarmerie de réserve, 17, avenue Baudard, Bois-Colombes (Seine)
Madelaine, président général de la F.N.R., 148, r. V.-Hugo, Bois-Colombes. le lieutenant-colonel Marrassé, vice-président du Trèfle, 167 boulevard Montparnasse, Paris VIe
Féry, président de l’Aiguillette, 10, cité Riverin, Paris-Xe
Souche, président de la Fraternelle, 4, rue Maître-Albert, Paris-Ve. Secrétaire général
le lieutenant-colonel Gaillardan, 64, boulevard Soult, Paris-XXe. Secrétaire adjoint
Jourdan, 164, boulevard Davout, Paris-XXe. Secrétaire général suppléant :
le commandant Boiziau, 6, rue Guynemer, Paris-VIe

Chanceliers
le capitaine E. Leroy, 14, rue du Petit-Musc, Paris IVe. Secrétaire-Trésorier
le capitaine Charle, 19, rue des Vignerons, Vincennes (Seine). Secrétaire-Trésorier suppléant
le capitaine Payebien, 116, avenue Jean-Jaurès, Pantin (Seine)

Assesseurs
le commandant Bataillard, 41, rue de Jussieu, Paris-Ve
le capitaine Favreau, 45, rue Monge, Paris-Ve
le capitaine Boisson, 100, avenue de Versailles, Paris-XVIe
Pons, vice-président de la F.N.R., 5, rue Maurice-Berteaux, Herblay (Seine-et-Oise)
Cullière, vice-président de la F.N.R., 5, r. Georges-Marie, Issy-les-Moulineaux (Seine)
le lieutenant Nicolas, président de l’A. de Seine-et-Oise, 52, rue Albert-Joly, Versailles (Seine-et-Oise)
Aubry, de l’Aiguillette, 12, place de la République, Paris-XIe
Poiroux, de l’Aiguillette, 7, rue de l’Égalité, à Joinville-le-Pont (Seine)
Delage, de l’A.F., 99, rue Saint-Antoine, Paris-IVe
Bourgeois, de l’A. F., 22, rue Vauquelin, Paris-Ve

Délégués à la Propagande
le lieutenant-colonel Marrassé, Président, 167, boul. Montparnasse, Paris-VIe le capitaine Boisson, 100, avenue de Versailles, Paris-XVIe
Mollard, 9 cité Dupent-Thouars, Paris-IXe. Delage, de l’A.F., 99, rue Saint-Antoine, Paris-IVe
Par la suite, du fait de décès, départs ou motifs divers, quelques modifications furent apportées parmi les membres du Comité : MM. le commandant Boiziau, le capitaine Favreau, décédés, MM. Cullière, Poiroux, Delage, Mollard furent remplacés par M. le capitaine Doidy et MM. Chollet, Audibert, Ballion, Radou, Gabarre, retraités de la gendarmerie.

Décisions prises :

Au cours de cette réunion du 24 mars 1935, le Comité examina les diverses questions se rapportant à l’œuvre à réaliser et, tout spécialement, la méthode de propagande à employer pour obtenir le succès de la souscription.
Il créa donc une commission de propagande, dont la composition a été donnée ci-dessus.
Il fut admis également que de nombreux articles seraient publiés dans la presse et que des circulaires et bulletins de souscription seraient adressés en aussi grand nombre que possible.
On envisagea, aussi, la question de l’emplacement du monument, que l’on voyait, naturellement, sur une place publique de la capitale.
Il fut décidé aussi que le trésorier pourrait centraliser les fonds par le moyen d’un compte de chèques postaux.
Tous ces éléments de base étant fixés, il ne restait plus au Comité qu’à agir pour atteindre le but proposé.
– 1 ° Réunir des fonds suffisants par une propagande appropriée
– 2° Obtenir un emplacement convenable
– 3° Ouvrir un concours entre grands artistes, prix de Rome
– 4° Faire un choix entre les projets présentés
– 5° Faire exécuter l’œuvre retenue par un jury spécial
– 6° Organiser des cérémonies solennelles d’inauguration
– 7° Dans une séance ultérieure fut décidée l’édition d’un Grand Livre d’Or Historique, monument bibliographique à la glorification de l’arme.

Par la suite, le Comité central exécutif se réunit périodiquement et, chaque fois qu’il en fut besoin, à la salle d’honneur de la caserne des Minimes, 12, rue de Béarn, à Paris, mise toujours gracieusement à la disposition du Comité par les colonels Vohl et Balley, commandants successifs de la légion de Paris, pendant cette période, pour régler, au fur et à mesure, les questions de détails qui se présentaient.
Le 13 avril 1935, conformément aux lois en vigueur, une déclaration d’association fut faite à la Préfecture de police par le colonel Lélu, dans les formes réglementaires.

Propagande et réunion des fonds

Sans aucune perte de temps, la commission de propagande, créée sous la présidence du lieutenant-colonel Marrassé, s’occupa de saisir l’opinion générale et de provoquer de nombreuses souscriptions.
Dans ce but, elle fit paraître dans la grande presse et dans la presse militaire, des articles spéciaux, faisant connaître le but poursuivi, intéressant le public aux services rendus par la gendarmerie et rappelant la considération dont elle est digne.
En outre, la propagande s’exerça par l’envoi de milliers de circulaires, distinctes, suivant les destinataires :

1 ° Aux généraux de l’armée française
2° aux préfets pour les conseils généraux
3° aux officiers de gendarmerie
4° aux brigades
5° aux unités des gardes républicaines
6° aux détachements d’outre-mer
7° aux divers corps des armées métropolitaine et coloniale
8° aux groupes d’anciens combattants
9° à la magistrature et aux fonctionnaires en relations avec la gendarmerie
10° aux autorités et aux personnalités ayant des sympathies pour la gendarmerie, ainsi qu’aux amis de l’arme que l’on rencontre un peu partout.

En juin suivant (1935), au cours d’une réunion, le Comité exécutif décida d’accentuer encore la propagande qui avait donné déjà d’excellents résultats. II estima qu’il convenait de saisir les petits journaux de province, très lus par les populations et capables de provoquer grandement la générosité des nombreux amis de l’arme n’ayant pu encore être touchés.
Le résultat ne se fit pas attendre longtemps et de nombreuses souscriptions affluèrent, marquant ainsi de quelle estime jouit la gendarmerie dans nos campagnes.

On réitéra ensuite périodiquement l’envoi de circulaires et de bulletins de souscription à nos camarades de l’active et aux retraités. Chacun comprit son devoir. Le Comité put ainsi réunir des sommes importantes, qui arrivèrent à dépasser les prévisions les plus optimistes. La gendarmerie métropolitaine et coloniale et les gardes républicaines firent en la circonstance preuve d’un merveilleux esprit de corps, d’un parfait sentiment de solidarité et d’une admirable générosité.
Le compte rendu final, qui sera établi par M. le capitaine Charle, trésorier du Comité, permettra à tous de juger du succès de la souscription. Mais que chacun sache bien que ce succès fut le fruit d’un effort inlassable, constant et prolongé et d’une propagande généralisée, ayant employé les méthodes les mieux appropriées.

Emplacement du monument

Quand les fonds nécessaires eurent été réunis, le Comité envisagea l’érection du monument dans la capitale, le mettant ainsi à portée d’être admiré par les nombreux visiteurs de la ville de Paris et, en particulier, par les gendarmes des légions provinciales ayant l’occasion de venir dans la métropole pour le service ou pour leur satisfaction.

C’est dans cet esprit qu’au mois de juillet 1935 une demande et des démarches furent faites par M. le général Pacault, président général, et par le président et les vice-présidents du Comité exécutif, auprès de M. le Ministre de la guerre, en vue de l’obtention d’un emplacement sur un terrain appartenant à l’administration de la guerre, dans les quartiers des Invalides ou de l’École Militaire, pour y ériger le monument.
M. le Ministre fit connaître, après quelques mois, qu’il n’était pas possible de donner un emplacement sur les terrains envisagés.
C’est alors que, courant décembre 1935, de nouvelles démarches furent faites auprès du conseil municipal de la ville de Paris, pour qu’il veuille bien accorder un terrain, à proximité de la caserne des Célestins, située boulevard Henri IV : soit au carrefour Morland, soit à l’extrémité de la bibliothèque de l’Arsenal, soit dans le square Henri-Galli qui semblait particulièrement convenir. M. le docteur Brunerye, conseiller municipal du quartier et secrétaire du conseil, prit l’affaire en mains et s’y intéressa vivement. Malheureusement, des objections furent soulevées par les directions des services, pour des causes diverses intéressant le sous-sol encombré de ces emplacements. M. Brunessaux, conseiller municipal, rapporteur du budget de la garde, s’intéressa aussi beaucoup à la résolution de la question. Finalement, aucune de ces solutions ne put aboutir. Aucun refus ne fut formulé, mais la demande du Comité, malgré de nombreuses instances, demeura en suspens, sans qu’aucune nouvelle proposition fût faite.

En présence de ces retards, se prolongeant pendant des mois, le Comité apprit que, tout proche de Paris, à Vincennes, ville militaire, se trouvait, derrière le château, un terrain que M. Beauvoisin, maire de cette cité, signalait comme très favorable à la réalisation de notre projet.
Une visite des lieux par les délégués du Comité fit très bonne impression par sa position à proximité d’une station du métropolitain, du terrain de manœuvres de la garnison et sur un sol dégagé de toute servitude, ayant comme fond le bois magnifique, si fréquenté des Parisiens.
Hélas ! par suite d’échanges de terrains, cette partie de la commune de Vincennes avait été récemment englobée par la ville de Paris.
Une nouvelle demande, adressée au conseil municipal de la capitale, demeura en instance, sans solution, comme une autre ayant trait au square de l’Île-de-France, à la pointe amont de la Cité.
Entre-temps, on avait envisagé l’érection du monument sur-le-champ de bataille d’Hondschoote (Nord), où la 32e division de gendarmerie avait, en 1793, par sa vaillance, décidé de la victoire. Ce projet fut écarté comme se rapportant à un point frontière trop éloigné de la capitale. Mais le temps pressait, les fonds étaient réunis depuis longtemps, et le comité estima qu’il ne pouvait attendre davantage et qu’il importait de donner satisfaction aux souscripteurs.

Dès le début de l’année 1937, des recherches avaient été faites à Versailles – ancienne garnison, sous la monarchie, de la « Gendarmerie de la Maison du Roi », ville où l’Assemblée Constituante avait créé la « Gendarmerie nationale » et où est installée l’École d’application de Gendarmerie – en vue d’y placer le monument.

En présence des difficultés rencontrées, et un membre du comité, M. le lieutenant Nicolas, ayant déjà pressenti la municipalité, MM. le général Pacault, le lieutenant-colonel Marrassé, le commandant Boiziau, le lieutenant Nicolas, désignés comme membres d’une commission chargée de se renseigner et d’examiner les possibilités, se rendirent à diverses reprises à Versailles et prirent contact avec M. Henry Haye, sénateur-maire et diverses personnalités, auprès de qui ils reçurent l’accueil le plus bienveillant.

Trois emplacements furent présentés :
1° Derrière l’Hôtel de Ville, près de la rive gauche.
2° Près du Palais de Justice.
3° Au carrefour Saint-Antoine, à l’extrémité du boulevard du Roi.

C’est ce dernier qui retint l’attention de la commission. Enfin, le 30 juillet 1937, après une nouvelle étude, sur place, à Versailles, complétant les renseignements déjà rassemblés, eut lieu une séance plénière du Comité exécutif, en vue de prendre une décision.
Le président fit un exposé des démarches successives faites, depuis plus de deux ans, pour obtenir l’emplacement destiné à l’érection du monument. Toutes celles concernant la capitale ou son voisinage immédiat n’ayant pas encore abouti, le comité décida de retenir les offres de la ville de Versailles, et à l’unanimité de vingt votants, le rond-point Saint-Antoine fut choisi.
Il fut ensuite décidé, séance tenante, qu’une lettre de remerciements serait adressée à. M. Henry Haye, sénateur-maire, et à la Municipalité de Versailles, qui avaient fait si bon accueil aux demandes de la commission.
Il fut également convenu que tous les groupes d’artistes ayant demandé à participer au concours seraient, sans retard, avisés du futur emplacement du monument, en même temps que le programme arrêté le 23 mai 1937 leur serait adressé.

Mise au concours

Dès le 23 mai 1937, le Comité, au cours de l’une des nombreuses séances qu’il dut tenir, durant cette année, pour régler les diverses questions qui se présentaient et arrêter certains détails qu’il serait oiseux de rapporter ici, examina le projet de programme de mise au concours et de cahier des charges pour l’exécution du monument. Ce projet, établi par le colonel Lélu, fut, après discussion, et après avoir reçu quelques légères retouches et additions, adopté à l’unanimité. Il fut décidé qu’il serait remis aux concurrents dès que serait connu l’emplacement réservé à l’érection.
Nous n’indiquerons pas ici les démarches répétées faites par le président général, par le président, par les vice-présidents, par le secrétaire général et divers membres du Comité, en vue de résoudre, de mettre au point ou de faciliter toutes choses et d’obtenir les concours, les appuis et les approbations nécessaires à la bonne réalisation de l’œuvre.

Conditions du concours

Généralités. – Le monument, par son importance, sa valeur artistique et architecturale, devra honorer la gendarmerie tout entière et les glorieux héros de l’arme tombés aux champs d’honneur de la guerre et de la paix. Il sera, en principe, de style classique appareillé au cadre où il s’élèvera.

Cette œuvre, qui devra être magistrale et constituer un ensemble symbolique, rappellera les vertus et qualités civiques et guerrières de nos plus vaillants soldats, qui, quelles que soient les missions qu’ils aient à remplir, en temps de paix comme en temps de guerre, et cela depuis les temps les plus anciens, les remplissent avec la plus pure abnégation, allant sans la moindre hésitation jusqu’au suprême sacrifice.

Le Monument National, rappelant tout le glorieux passé de l’arme et les incomparables qualités des militaires qui la composent, semble devoir, pour permettre d’évoquer les belles pages de l’histoire de la gendarmerie, nécessiter, en façade, un certain développement, de dimensions à adapter à l’emplacement qui sera accordé.

La hauteur maxima sera modérée et la flèche axiale semble devoir être réduite à quelques mètres de profondeur (4 à 5 mètres). Le Monument pourra, dans son ensemble, être rectiligne ou incurvé.

Suivent quelques indications et renseignements sur l’histoire de la gendarmerie pouvant être utiles aux artistes.
Il y aura lieu de ménager, dans le soubassement de la partie centrale du Monument, un petit hypogé pour recevoir l’urne funéraire contenant les cendres de l’un des plus anciens combattants, exactement identifié, de France : le Prévôt des Maréchaux Le Gallois de Fougières, tué à Azincourt (Pas-de-Calais), en 1415, dont mention devra figurer sur le monument.

Conditions du concours et cahier des charges

Le concours sera à un seul degré et anonyme.
Les demandes de participation au concours seront adressées sous recommandation au secrétariat du Comité ou pourront y être déposées avant le 25 juillet 1937, dernier délai. Elles seront accompagnées des pièces françaises officielles, dûment établies et légalisées, établissant pour chaque candidat sa qualité de français, issu de père et de mère nés eux-mêmes français.
Chaque groupe concurrent (artiste statuaire et architecte, dont l’un devra être titulaire d’un Premier Grand Prix de Rome de l’État) ne pourra présenter qu’un seul projet.
Il sera adressé récépissé, au chef du groupe.
Les projets présentés ne seront pas signés par les concurrents. Ceux-ci prendront une devise qui sera inscrite sur la maquette et sur les plans, dessins et devis.
La maquette du Monument projeté, présentée par les concurrents, sera établie au vingtième.
La maquette, les plans et les dessins seront déposés simultanément le 15 janvier 1938 à Versailles, Salle des Fêtes de l’Hôtel de Ville.
La maquette sera accompagnée d’un plan de mise en place complet à l’échelle d’un vingtième, comprenant les abords du monument, avec dessins à la même échelle, représentant.

1° La face principale du projet.
2° Une face latérale.
3° La face arrière qui, comme la face antérieure, pourra si possible, comporter des motifs, attributs et inscriptions à l’éloge de l’arme.

Les concurrents remettront, le jour du dépôt, au Secrétaire général ou à son représentant, en même temps que leur projet, un pli, sous deux enveloppes fermées et scellées, la première portant la mention « Monument National de la Gendarmerie », la seconde indiquant à l’extérieur, la devise du groupe correspondant, sans autre mention. Ce pli contiendra dans l’enveloppe intérieure le report de la devise avec les noms et adresses respectives des concurrents. Les enveloppes seront fournies par le Comité du Monument.
Un devis descriptif détaillé y sera joint, avec indication du prix de l’exécution, y compris les fondations, soubassements, infrastructures, socle et tous travaux et frais annexes, y compris modèles, métaux, fonte, etc., etc.
Le cahier des charges officiel sera établi au moment de l’attribution de l’exécution du monument.
En cas d’ex aequo dans le classement, l’auteur du travail comportant le devis du montant le moins élevé aura priorité.
Le monument sera en pierre blanche dure, non gélive, et bronze. Il sera entouré d’une forte grille de 2 mètres, surmontant un petit mur avec porte d’accès (condition supprimée par la suite).

Les soubassements seront établis de manière à donner aux parties artistiques du monument une position surélevée par rapport au sol, les mettant hors de portée des atteintes faciles des malveillants.
Au devis sera annexé un engagement forfaitaire global d’exécution, comprenant tout l’ensemble du travail complètement achevé dans le délai fixé.
Le prix total du monument, tous travaux et aménagements achevés, ne devra, en aucun cas, dépasser un million cent mille francs, constituant le maximum.
Les auteurs, statuaire et architecte du projet classé n° 1 au scrutin secret et retenu à la majorité absolue, mettront ledit projet à exécution dans un délai maximum de huit mois à compter du jour de la notification du classement.
Le Comité exécutif de la Société du Monument se réserve toutefois de demander aux auteurs dudit projet, telles légères modifications de détail jugées opportunes à ce projet. En cas de retard dans les délais d’exécution, il pourra être, par décision du Comité Central exécutif, retenu, au groupe réalisateur, une somme de cinq cents francs par journée de retard (supprimé par la suite).
Des acomptes seront donnés au fur et à mesure de l’avancement des travaux, dans la limite des deux tiers du maximum. Le dernier tiers sera payé à la réception finale, sauf une somme de cent mille francs qui ne sera payée que deux ans après l’inauguration du monument, portant durant ce délai, intérêt au taux de quatre pour cent au bénéfice des auteurs. Les paiements seront effectués entre les mains du plus âgé des artistes du groupe.
Dès que le travail d’érection du monument aura été confié, les auteurs devront approvisionner en matériaux de toute nature, aux fins nécessaires pour éviter les imprévus.

Les auteurs des projets classés ensuite recevront une indemnité :

– le N° 2 : 12.000 francs ;
– le N° 3 : 8.000 francs ;
– le N° 4 : 6.000 francs ;
– le N° 5 : 4.000 francs.

Suivant la valeur des projets, des indemnités pouvant aller jusqu’à 2.000 francs pourront, s’il y a lieu, être accordées à quelques concurrents classés immédiatement après, dont les travaux seraient reconnus méritoires.
Le siège du Comité Central Exécutif de la Société du Monument National est à Vincennes, chez le Capitaine Charle, 19, rue des vignerons CCP 1851-74 Paris. Adresser toute la correspondance à cette adresse.
NOTA. – L’emplacement du Monument sera connu et communiqué prochainement. Paris, le 25 mai 1937.

Le Comité Central Exécutif.

Groupes concurrents

Comme on a pu le lire, dans ce programme, tout groupe participant au concours devait comprendre un artiste Premier Grand Prix de Rome, ce qui était une garantie de la valeur des projets qui seraient présentés.
Seize demandes parvinrent au Comité. Par la suite, il y eut quelques désistements pour des causes diverses et finalement onze groupes seulement déposèrent des projets et participèrent au concours.
Dans le courant du dernier trimestre de 1937, les présidents et membres du bureau du Comité firent de nouvelles visites en vue d’obtenir l’adhésion de personnalités qualifiées devant entrer dans la composition du jury de concours, chargé de classer les projets présentés. Dans sa séance du 20 décembre, la liste des membres de ce jury fut arrêtée comme suit.

COMPOSITION NOMINATIVE DU JURY DE CONCOURS

Président d’honneur :
MM. Henry Haye, ambassadeur de France, sénateur-maire de Versailles, conseiller général de Seine-et-Oise.

Président du jury :
Le Sidaner, artiste-peintre, président de l’Académie des Beaux-Arts.

Vice-présidents :
P. Gasq, sculpteur, membre de l’Institut.
H. Bouchard, sculpteur, membre de l’Institut.
Patrice Bonnet, architecte en chef du Gouvernement, conservateur des Palais nationaux de Versailles et de Trianon, membre de l’Institut.

Conseil général et municipalité :
Fourcault de Pavant, député et conseiller général de Seine-et-Oise.
Marcel Batillat, premier adjoint au maire, président de la Commission municipale des Beaux-Arts.
Le Général Sutterlin, ingénieur diplômé de l’École Polytechnique, adjoint au maire.
Denis, conseiller général de Versailles, grand mutilé de guerre.

Sculpture :
Alexandre Morlon, sculpteur hors-concours, médaille d’honneur des A. F. Services urbains : Architecture, Voirie.
Tasourier, architecte en chef de la ville de Versailles.
Pitrois, ingénieur-voyer de la ville de Versailles.
Président d’Honneur du Comité pour l’érection du Monument le général Dosse, membre du Conseil supérieur de la Guerre, inspecteur général de la Gendarmerie.
Président Général de la Société du Monument le Général de division Pacault, ingénieur diplômé de l’École Polytechnique, ancien inspecteur de la Gendarmerie.
Président du Comité Exécutif le colonel Lélu, président de la Société nationale des Anciens Officiers de Gendarmerie et des Gardes.

Secrétaire général du comité :
Le lieutenant-colonel Gaillardan.
Délégués des Grandes Associations de la Gendarmerie et des Gardes Républicaines.
Le colonel Bolotte, vice-président de la Société des Anciens Officiers, commandeur de la Légion d’honneur, Croix de guerre.
Madelaine, président général de la Fédération Nationale des Retraités. Féry, président de l’Aiguillette.
Souche, président général de la Fraternelle.
Le lieutenant-colonel Marrassé, vice-président du Trèfle. Représentant du Comité à Versailles.
Le lieutenant Nicolas, président de l’Amicale de Versailles.
Représentants de l’armée active, le lieutenant-colonel Bridié de la Garde républicaine de Paris, le lieutenant-colonel Schilte de la 1re Légion de Garde républicaine mobile à Montrouge, le colonel Balley commandant la Légion de Paris et le chef d’escadron Bourgoin.

Dans cette même séance du 20 décembre 1937, il fut décidé que le dépôt des maquettes qui devait, d’après le programme, être fait à Paris, pour le 15 janvier, aurait lieu à l’Hôtel de Ville de Versailles, Salle des Fêtes, le 25 janvier 1938 et que la réunion du jury s’y tiendrait le jeudi 27 janvier.

Réunion du jury

Le 13 janvier 1939, les membres du jury du concours appelé à juger les maquettes, dessins et devis devant être présentés, se réunirent en séance préparatoire à l’hôtel de ville de Versailles, à 10 H. 30 du matin, au nombre de vingt, sous la présidence de M. Henry Haye, sénateur-maire de la ville de Versailles, président d’honneur du jury, et de M. Le Sidaner, membre de l’Institut, président de l’Académie des Beaux-Arts, président du jury.
M. le Général Dosse, membre du Conseil supérieur de la Guerre, inspecteur général de la gendarmerie, éloigné de Paris, s’était fait représenter. MM. Gasq et Bouchard, sculpteurs, membres de l’Institut ; M. Madelaine, président général de la Fédération nationale des retraités de la Gendarmerie, et M. Féry, président de la Mutuelle de la gendarmerie, l’Aiguillette, éloignés ou souffrants, s’étaient excusés.
M. le Sénateur-Maire de la ville de Versailles, après avoir ouvert la séance, souhaita la bienvenue aux membres du jury et dit combien la municipalité et la ville qu’il administre étaient honorées d’accueillir le monument qui sera érigé à la gloire de la gendarmerie, et exposa que la ville de Versailles mettait à la disposition du Comité central exécutif, le Rond-Point Saint-Antoine, sous réserve que serait respectée la magnifique perspective de ce site, en direction de l’église du Chesnay.
M. Le Sidaner, président du jury, s’étant fait confirmer que toutes indications nécessaires avaient été données aux artistes, concernant l’emplacement projeté, posa ensuite la question de savoir si, après le vote du jury, il y aurait obligation de passer à l’exécution. Il fut adopté, à l’unanimité, que l’obtention par un projet de la majorité des voix recueillies, au vote secret, serait considérée comme la solution affirmative de cette question, et entraînerait l’exécution et l’envoi de la demande d’agrément à M. le ministre des Beaux-Arts.
Ceci réglé, M. le président du jury fit remarquer que le délai de huit mois, accordé pal le programme, pour l’exécution, était trop court, et devait être plus étendu, ce qui fut admis sans nulle objection (La durée des travaux fut de trois années au travers de l’état de guerre et des difficultés qui en découlèrent).

Ensuite, un exposé complet, auquel participèrent MM. les représentants des services urbains, fit ressortir l’inconvénient présenté par la traversée du Rond-Point Saint-Antoine, par une voie ferrée départementale et par une voie de tramways. On estima, d’accord avec M. le maire de Versailles, que des mesures devaient être prises, en vue d’obtenir le détournement ou la suppression de ces voies et l’aménagement des abords de la place.
Il fut admis que le conseil général du département de Seine-et-Oise devait être saisi d’urgence, afin qu’une décision pût être prise, à sa plus prochaine session, pour permettre. le commencement des travaux et de devancer toute fluctuation financière pouvant gêner la réalisation du projet.

Pour assurer l’impartialité du jugement des œuvres présentées, il fut spécifié qu’aucun membre du jury n’assisterait à la réception des maquettes. Cette réception et le placement seraient assurés par les soins des services municipaux, dans l’ordre d’arrivée. Chaque projet recevrait alors un numéro, reporté sur tous les documents annexes s’y rattachant (rouleaux de plans, dessins, devis, etc.). Ces services voulurent bien également se charger d’aménager la salle et de procéder à l’installation des maquettes pour lesquelles les artistes furent priés de fournir une sellette et un plateau tournant, la ligne de vue devant se trouver à 1 m. 50 au-dessus du parquet, pour les opérations du jury.

En fin de séance, il fut confirmé, sur proposition de M. le Président Le Sidaner, que la date de la réunion solennelle du jury demeurait fixée au jeudi 27 janvier à 8 H. 30, à l’hôtel de ville de Versailles.
-1re opération : visite au Rond-Point Saint-Antoine.
-2e opération : examen des maquettes et projets et votes sans désemparer.

Choix des projets jugement du concours

Séance du 27 janvier 1938, tenue à l’Hôtel de Ville de Versailles.

M. Bouchard, sculpteur, membre de l’Institut ; M. Madelaine, président de la Fédération des Retraités de la Gendarmerie ; M. Féry, président de l’Aiguillette, empêchés, avaient adressé leurs excuses.
Tous les autres membres du jury étaient présents, sous la présidence de M. Henry Haye, sénateur-maire, et de M. Le Sidaner, membre de l’Institut.

-1re opération : emplacement. – Le jury se rendit d’abord sur l’emplacement choisi pour l’érection du monument et en examina les dispositions et l’encadrement, puis il revint à l’hôtel de ville, salle des fêtes, où étaient rangées les maquettes.
-2e opération : examen. – Les membres du jury réunis à huis clos, firent le tour de l’exposition des œuvres et se livrèrent à un premier examen, suivi de discussion, des onze projets reçus, ces projets étant anonymes et désignés par les numéros donnés à leur arrivée à l’hôtel de ville.

Après cet examen d’ensemble, le jury tint à reconnaître l’excellente qualité de l’ensemble du concours et décida de procéder à un premier choix de cinq projets, pouvant être reconnus comme présentant les qualités les plus évidentes.
En conséquence furent retenus au premier tour les projets n° 6, 1, 10, 11, sans classement. Il y eut encore trois tours dont le dernier donna la majorité au n° 8.
Le jury décida alors de reconnaître l’excellente qualité du concours par la création d’une prime supplémentaire pour laquelle le n° 3, ayant obtenu la majorité, fut retenu.

Le nombre de cinq projets, plus un supplémentaire, étant acquis, le jury procéda à un nouvel examen et à une discussion détaillée des projets, en vue de l’attribution du premier prix.
Les œuvres restant en discussion, à savoir les projets portant les numéros 6, 1, 10, 11, 8,3 (sans classement), furent rapprochées et mises en lumière égale et examinées avec soin.

Vote pour le prix

-3e opération : votes – On procéda ensuite au vote secret. Majorité absolue, 12 voix.
Au premier tour, le projet n° 6 obtient 17 voix. Les auteurs de ce projet seront, suivant le règlement, chargés de l’exécution du monument.

Votes pour les primes

1re PRIME : 12.000 francs. 3 tours. – Au 3e tour, la première prime de 12.000 francs est attribuée au projet portant le n° 8.
2e PRIME : 8.000 francs. 3 tours. – Au 3e tour, la deuxième prime de 8.000 francs est attribuée au projet portant le n° 1.
3e PRIME : 6.000 francs. 3 tours. – Au 3e tour, la troisième prime de 6.000 francs est attribuée au projet portant le n° 10.
4e PRIME : 4.000 francs. – Le projet admis cinquième se voit attribuer, sans nécessité de vote, la 4e prime de 4.000 francs, projet n° 11.
5e PRIME : supplémentaire, de 2.000 francs, est de même attribuée au projet portant le n° 3.

Résultats nominatifs du concours

Après l’ouverture des plis cachetés, contenant les noms des auteurs, il a été reconnu que le projet retenu, en première ligne, pour l’exécution avait pour auteurs :

Architectes : MM. Nicod, 1er Grand Prix de Rome, 1907, et Auzelle, architectes.
Sculpteur. M. Rispal, sculpteur,

et que les primes se trouvaient ainsi réparties :

Projet n° 8 – Première Prime : 12.000 francs.
Architecte : M.Hourlier, 1er Grand Prix de Rome 1926. Sculpteurs : MM. G. Schmitt et Letourneur, 1er Grand Prix de Rome 1926.

Projet n° 1 – Deuxième Prime : 8.000 francs.
Architecte : M. Martineau, architecte.
Sculpteur : M.Couvegne, sculpteur, 1er Grand Prix de Rome 1927.

Projet n° 10 – Troisième Prime : 6.000 francs.
Architecte : M. Chailleux, architecte.
Sculpteurs : MM. Courbier et Guéry, sculpteur, Grand Prix de Rome.

Projet n° 11 – Quatrième Prime : 4.000 francs. Architecte : M. Mathon, architecte.
Sculpteurs : MM. Vézien, 1er Grand Prix de Rome, et Delandre, sculpteurs.

Projet n° 3 – Prime supplémentaire : 2.000 francs. Architecte : M. Monestés, architecte.
Sculpteurs : MM. Descatoire, 2e Grand Prix de Rome 1902, et Petit, sculpteurs. Les cinq autres projets, également très étudiés et ayant une réelle valeur artistique, ne purent être retenus, si dignes qu’ils fussent d’être pris en considération. Leurs auteurs peuvent être assurés que les membres du Comité leur ont gardé toute leur reconnaissance de l’effort qu’ils ont fourni, dans leur projet de glorification de la Gendarmerie.

Projet n° 2 : Noël, architecte ; de Bus, sculpteur, 1er Grand Prix de Rome 1937.

Projet n° 4 : Barge, architecte ; Jofre, sculpteur, 1er Grand Prix de Rome 1929.

Projet n° 5 : Letélié, architecte, 1er Grand Prix de Rome ; Bizette-Lindet, sculpteur, Grand Prix de Rome.

Projet n° 7 : Vandenbeusch, architecte, Grange, sculpteur, 1er Grand Prix de Rome 1911.

Projet n° 9 : Tambuté, architecte ; Lagriffoul, sculpteur, 1er Grand Prix de Rome 1932.

Enfin, le jury, très satisfait des résultats du concours, tint à motiver son jugement et fit les observations suivantes.

Projet numéro 6 (exécution)

Ce projet a retenu la meilleure attention du jury, par sa compréhension extrêmement, claire du programme et du problème architectural posé. La répartition des masses, tant pour l’architecture que pour la sculpture, le très heureux placement de la figure principale, 1er grand sentiment d’art qui caractérise ce projet, lui ont paru assurer au futur monument, un équilibre général plastique tout à fait remarquable. D’autre part, la claire entente des perspectives et des prospects prévus par cette composition, lui ont semblé répondre, très judicieusement, aux exigences de l’emplacement choisi.
Le Comité exécutif a fait une réserve en vue de quelques modifications de détails qu’il conviendra de demander aux auteurs de ce projet, pour la caractéristique des groupes sculpturaux, afin que soient traduites, avec le plus grand souci d’exactitude, les idées morales visées par le Monument.

Projet N° 8 (première prime.)
Ce projet dont le jury a apprécié la belle tenue de masses et l’heureuse compréhension des exigences de l’emplacement occupé, a motivé des réserves sur l’opportunité du défoncement central du Rond-Point et sur la justesse des proportions des différents motifs.

Projet N° 1 (deuxième prime)
Ce projet s’est fait remarquer par une interprétation très exacte des données écrites du programme, mais les dispositions générales et l’étude ont paru moins heureusement adaptées à la disposition des lieux.

Projet N° 10 (troisième prime)
Composition vivante, mais compliquée. Effet de masse très déchiqueté. Motifs trop nombreux qui détruisent l’effet général.

Projet N° 11 (quatrième prime)
Projet dont la simplicité générale et le caractère du détail ont retenu l’attention du jury. La partie basse architecturale a paru fort peu opportune, autant pour le caractère du monument lui-même que pour l’aménagement de la place.

Projet N° 3 (prime supplémentaire)
Ce projet, dont le parti général manque d’ampleur et répond mal à la situation choisie, a, au contraire, retenu l’attention du jury, par la qualité du groupe central qui eût pu être d’une heureuse venue.

Exécution du projet modifications

Comme il avait été prévu, au moment du prononcé du jugement par le jury, le Comité se préoccupa des modifications à apporter à certains détails des groupes sculpturaux. C’est ainsi qu’il fut décidé, dans une réunion du 12 mars 1938, que ces groupes, en pierre dure, représenteraient uniquement des personnages de la maréchaussée et de la gendarmerie, aux différentes phases de l’histoire de l’arme. On arrêta également le texte des diverses inscriptions devant figurer sur les colonnes et le sujet des motifs ornementaux devant compléter la décoration des pylônes. Il fut prévu, également, qu’une formule lapidaire serait gravée à la partie antérieure du socle de la statue monumentale, représentant une femme tenant dans la main, le bras droit élevé au-dessus de la tête, le flambeau de la vérité (première conception).
Dans une séance du 10 juillet 1938, les auteurs du projet présentèrent une nouvelle édition de la maquette primitive, au dixième de grandeur naturelle, comportant les modifications antérieurement demandées.

Le sujet principal ayant subi un important changement, le Comité du Monument, à l’unanimité, vota pour le maintien de la figure de la première maquette. Il accepta les groupes de statues de gendarmes à pied, mais demanda que les faces latérales des pylônes figurassent, respectivement deux cavaliers à cheval (un gendarme et un garde).
Par ailleurs, à la suite d’un examen approfondi, les grands artistes membres du jury avaient estimé que la statue principale, située au centre du monument, pouvait recevoir une impression de force et de décision symbolisant, plus exactement la gendarmerie que le premier modèle présenté. M. Rispal, sculpteur, fut prié de faire une nouvelle étude.
Le 29 octobre 1938, les membres du jury de concours et les membres du comité d’érection se réunirent de nouveau dans l’atelier de M. Rispal, à Châtillon-sous-Bagneux, en vue d’arrêter définitivement la composition du futur monument.
L’ensemble de l’œuvre, les motifs secondaires et les inscriptions devant figurer furent acceptés sans discussion.
Ensuite, le maître Le Sidaner, président du jury de concours, fit un bref exposé de la question du choix du sujet principal. Deux nouvelles maquettes étaient présentées concurremment avec le modèle primitif. Le maître fit valoir combien le monument gagnerait à abandonner celui-ci, dont la valeur et l’expression symbolique étaient loin d’atteindre celles des nouveaux projets faisant l’objet de cette présentation. M. le général Pacault, partageant cette manière de voir, appuya très fermement l’avis de M. Le Sidaner.
Après quelques observations échangées entre les membres présents, il fut décidé, à main levée, à la majorité, que la figure du projet initial ne serait pas maintenue et qu’un vote déciderait de l’adoption de l’une des deux autres figures portant les n° 2 et 3.
Ce fut le n° 2 qui l’emporta par 14 voix sur 21 votants : il devint ainsi, définitivement, le sujet principal du monument.
On procéda ensuite à un nouveau vote pour décider de la formule à inscrire sur le socle de la statue monumentale, qui fut la suivante :
Pour – La Patrie – La justice… et… Le Droit.
(N.D.L.D. – Le droit représente ici la « suprema lex » des Romains. Ce droit, indépendant de la variabilité des sentiments, de l’esprit partisan et des mesures éphémères, englobe en lui nos lois nationales et la justice intégrale toujours l’accord avec l’honneur et le salut du pays. Il peut y avoir (il y a eu) des lois injustes, œuvres de sectarisme, que rejette l’âme profonde du pays. Celles-ci ne sauraient rentrer dans le droit, pur de toute compromission, car elles font injure à la conscience intègre des loyaux serviteurs de la France.)
Par la suite, le comité exécutif, réduit du fait des événements, ayant, au moment de faire l’inscription, considéré que les termes : la justice et le Droit constituaient une répétition, crut nécessaire de remplacer les mots La justice par L’Honneur, qui représente pour la gendarmerie, une vertu de premier plan, dont elle s’inspire toujours dans l’exécution de ses devoirs.
C’est ainsi que figure sur le monument la belle devise de l’arme :

Pour – La Patrie – L’Honneur – et – Le Droit

Comme conséquence de cette séance du 29 octobre 1938, les membres administratifs du comité exécutif passèrent le 12 novembre suivant, avec les artistes et les entrepreneurs, les marchés et cahiers des charges, afin de procéder à l’exécution des travaux qui commencèrent au début de décembre 1938.
Malheureusement, les événements politiques se précipitèrent, le pays fut plusieurs fois en alerte et, en septembre 1939, alors que le monument était en bonne voie d’achèvement, la guerre éclata et vint retarder grandement une réalisation tant désirée.
Par un bonheur providentiel, au cours des hostilités, le monument, dont, les travaux demeurèrent suspendus, ne reçut aucune atteinte des bombardements et fut respecté. Il fut seulement noirci par la fumée des incendies.
Quelques mois après la signature de l’Armistice, les travaux furent repris au ralenti et purent être terminés, enfin, en novembre 1941.

Dégagement de l’emplacement

Après que la ville de, Versailles eut bien voulu accorder au comité l’emplacement du Rond-Point Saint-Antoine pour l’érection du monument, on eut pu croire que les travaux pourraient commencer très prochainement. Il n’en était rien, car de nombreuses difficultés allaient surgir et il fallait obtenir des autorisations officielles d’édification.
Aussitôt après le jugement du concours des demandes furent adressées :

1° À Monsieur le Sénateur-Maire de Versailles, pour l’obtention officielle de l’emplacement du monument au Rond-Point Saint-Antoine, terrain considéré comme appartenant à la ville.

2° À Monsieur le Ministre des Beaux-Arts, en vue d’obtenir son agrément pour l’érection du monument sur une place publique de Versailles.

3 ° À Monsieur le Préfet de Seine-et-Oise, afin de soumettre au conseil général la question du détournement ou de la suppression de la voie ferrée départementale de Versailles à Meaule, qui traverse la place en son milieu.

Mais le comité apprit, au début de mars 1938, que deux routes nationales pavées, dépendant de l’administration des Ponts et chaussées, se croisaient sur l’emplacement envisagé pour le monument.
Que d’autre part, le sous-sol, sous le même emplacement, était occupé par des canalisations d’eau, par des conduites de gaz, par des lignes électriques allant desservir la ville du Chesnay et, qu’en outre, le réseau téléphonique souterrain traversait également les terrains de la place.
Que de démarches, que de demandes, que de déplacements fallut-il répéter, avec les lenteurs du formalisme administratif, pour résoudre tous ces problèmes qui n’en finissaient pas d’aboutir et qui en faisaient parfois surgir de nouveaux.
La question du détournement ou de la suppression de la voie ferrée ne pouvait recevoir de décision rapide. On put obtenir de M. Mallet, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées de Seine-et-Oise, et de la compagnie intéressée, que quelques mètres de rails fussent enlevés à l’endroit où ils gêneraient les travaux, le service étant suspendu.
Et petit à petit, au fur et à mesure qu’après des interventions répétées on pouvait obtenir les autorisations sollicitées, on faisait à grands frais, détourner telle canalisation, exécuter tel travail.

Il fallait aussi songer à dégager la future façade du monument et faire enlever les trolleys des lignes de tramways traversant le rond-point et les pylônes candélabres éclairant la place.
Tout cela demanda des mois et même des années, car certaines demandes n’aboutissaient pas et ne reçurent solution qu’au dernier moment.
Nous manquerions à notre devoir le plus élémentaire si nous ne rendions ici un respectueux hommage de reconnaissance à Monsieur Henry Haye, sénateur-maire de Versailles, devenu ensuite ambassadeur de France aux États-Unis d’Amérique, qui nous accorda toujours le bénéfice de sa haute influence, pour nous aider à aplanir les plus difficiles obstacles (Par l’intermédiaire de M. Nicod, architecte en chef, des marchés forfaitaires furent passés par M. le Colonel Lélu, président du Comité, avec M. Echard, entrepreneur, et les établissements Civet et Pommier, fournisseurs de pierre de taille de Chauvigny (Vienne) pour la construction de l’encadrement du monument et l’édification du terre-plein circulaire).

Nous n’oublions pas dans ce témoignage de gratitude, toute la municipalité de Versailles et spécialement MM. Batilliat, premier adjoint, M. le général Sutterlin, adjoint ; M. Denis conseiller général ; M. Fourcault de Pavant, député, sans oublier M. l’Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Mallet, M. l’ingénieur Pitrois et toutes les personnalités qui nous ont prêté leur concours avec tant de bienveillance.
M. le lieutenant de gendarmerie retraité Nicolas, délégué permanent du comité à Versailles rendit aussi les plus grands services, par sa connaissance de la grande cité et par les diligences incessantes qu’il apporta à s’intéresser à tous les détails de la réalisation de l’œuvre entreprise. Malgré les difficultés rencontrées au début, on ne pouvait indéfiniment attendre pour commencer les travaux.
Dans une séance du comité tenue le 10 juillet 1938, et en accord complet avec M. Henry Haye, sénateur-maire, et la municipalité de la ville de Versailles, il fut décidé que le premier coup de pioche serait donné, sur le terrain, le samedi 23 juillet à 10 heures.

Organisation et célébration des cérémonies

Les comptes rendus des solennités et cérémonies figurent au Chapitre XXV et en Annexe, les solennités n’ayant pu, du fait des événements, avoir lieu en temps utile, pour la parution du présent ouvrage.

Le grand livre d’or historique

Dans sa séance du 26 octobre 1935, le comité décida qu’en plus de l’œuvre artistique devant être érigée à Versailles en l’honneur de l’arme d’élite, il serait établi un monument d’un autre genre, consistant en UN GRAND LIVRE D’OR HISTORIQUE, abondamment illustré et comportant de nombreuses planches en couleurs, venant compléter l’œuvre de glorification de la gendarmerie.
C’est pour répondre à ce sentiment qu’a été conçu le présent ouvrage, d’ordre documentaire, par le colonel Lélu, président du comité exécutif du monument et président de la société des officiers de gendarmerie en retraite, donnant, sommairement, un historique général de la Gendarmerie et les abrégés des historiques particuliers de ses divers corps. Il relate les fastes de l’arme et les faits et gestes les plus marquants de ceux qui, individuellement ou en troupe, l’ont honorée de leur valeur et de leur héroïsme. Il présente un relevé très synthétique du passé de la gendarmerie, dont l’histoire complète reste à faire. Le champ libre demeure vaste pour ceux qui, aimant l’étude du passé, nous ont succédé ou entreront plus tard dans la carrière. Que ceux-là veuillent bien consacrer leurs efforts à poursuivre, dans l’avenir, l’œuvre que nous avons commencée, en faveur de l’accroissement du prestige et de la considération de la plus belle et de la plus utile des armes, dans laquelle nous avons servi avec cœur et avec une légitime fierté. On peut facilement trouver matière, aussi bien aux archives des départements qu’aux Archives nationales et même dans certaines archives communales, à écrire de belles pages pour établir l’histoire complète de la gendarmerie : ce sera, nous osons l’espérer, l’œuvre de nos successeurs. (La chose peut être entreprise par département, les archives départementales et locales renfermant, généralement, une base intéressante de documentation, pouvant être utilisée comme point de départ d’une étude d’ensemble.)

Le prévôt des maréchaux de France : Le Gallois de Fougières

On a pu lire, dans le programme du concours, que les artistes devaient ménager dans l’infrastructure du monument un hypogée destiné à recevoir les restes de l’illustre combattant.

Nous donnons ici, à ce propos, quelques détails historiques sur la bataille d’Azincourt où il tomba au service du pays, avec une partie de la chevalerie française, en 1415.

Nous donnons le récit des circonstances qui ont permis la découverte et l’identification des cendres de ce preux, grand ancêtre des officiers de notre gendarmerie, qui a toujours été une arme combattante depuis les temps les plus reculés et qu’un Gouvernement insoucieux, qui a mené la France au désastre, a laissé frustrer de cette prérogative séculaire, abandonnant à l’incompétence le soin de juger les titres de valeureux soldats qu’elle ne connaît pas et dont elle ignore la mission militaire, en opérations de guerre.

Le prévôt des maréchaux de France

Un officier de gendarmerie très distingué, M. le capitaine Benoit-Guyod érudit en matière historique et s’intéressant particulièrement aux questions se rapportant aux origines et au passé de l’arme, fit, au cours de l’année 1934, des recherches concernant le prévôt des maréchaux de France, tué à Azincourt le 25 octobre 1415. Il avait acquis à peu près la certitude, à la suite de ses travaux, que ce grand ancêtre des officiers de gendarmerie était inhumé, non loin de l’ancien champ de bataille, dans la basilique d’Auchy-les-Hesdin (Pas-de-Calais).
M. le capitaine Benoit-Guyod, tenant à élucider ce point d’histoire s’adressa à la Société du Monument national de la gendarmerie pour lui demander son concours. Au cours de la séance du comité exécutif du 26 octobre 1935, le capitaine Benoit-Guyod, commandant l’arrondissement de gendarmerie de Melun, exposa qu’au cours de recherches historiques intéressant les glorieux morts de l’arme, il avait découvert le lieu où devait reposer le corps de l’un des premiers chefs de la maréchaussée, mort à l’ennemi et digne d’être Honoré (Le prévôt des maréchaux symbolise les qualités combatives de l’arme remontant aux temps les plus anciens). Le sujet souleva un vif intérêt et fut mis à l’étude. Dans sa séance du 26 janvier 1936, le comité, après avoir entendu le rapport établi par M. le lieutenant-colonel Marrassé sur la question, décida, à l’unanimité, de prendre à sa charge les frais de recherches dans l’église d’Auchy-les-Hesdin (anciennement Aucy-les-Moines). En outre, il fut prévu qu’en cas de succès, l’inhumation et le transport du corps, dans un hypogée, à construire sous le monument projeté, à Versailles, se feraient également aux diligences du comité.

Avant de donner, plus loin, le brillant résultat des fouilles dont la relation a été établie par M. Benoit-Guyod, nous croyons intéressant d’insérer ici un court résumé de la campagne d’Azincourt de 1415, d’après les récits figurant dans divers ouvrages d’histoire, notamment dans ceux de MM. Ernest Lavisse, Gabriel Hanotaux, J. Janin et de Barante.

Cet abrégé permettra de se rendre compte de la nécessité de la discipline dans les armées, qui n’existait pas suffisamment à cette époque reculée, où les troupes réunies formaient, trop souvent, des bandes sans cohésion.

La bataille d’Azincourt

On sait qu’au début du XVe siècle, une grave crise sévissait en France. Des rivalités entre la France et l’Angleterre créaient constamment des difficultés, d’autant que le parti bourguignon était d’accord avec les Anglais. Vers la fin de l’année 1414, les Armagnacs proposèrent au roi d’Angleterre d’épouser une fille de France, ce qui, en raison de l’état des esprits, paraissait bien aléatoire. Cependant, le roi Henri V feignit d’accepter, tout en pressant la levée de troupes. Une trêve qui était intervenue fut prolongée jusqu’au 2 février 1415. Mais alors, ses ambassadeurs lui ayant donné l’assurance de l’alliance bourguignonne, il n’hésita plus à démasquer ses projets.

Il réclama au roi de France : la Normandie, la Touraine, l’Anjou, le Maine, la Bretagne et exigeait une dot de deux millions d’écus d’or, pour épouser sa fille, Catherine de France. Devant ces prétentions, le vieux duc de Berri songea à négocier, en offrant l’Agenois, la Saintonge et le Périgord, occupés jadis par Édouard 1er, et une partie des Flandres à la Bourgogne. Malgré l’envoi à Londres d’une ambassade de six cents personnes en juin 1415, Henri V refusa. Loin de s’entendre, on rapporte que des propos piquants furent échangés avec l’archevêque de Bourges, chef de l’ambassade. L’invasion de la France était préparée depuis plusieurs mois, aussi, le 7 août, le roi d’Angleterre partit de Southampton à la tête d’une flotte de 1.400 voiliers qui se dirigèrent vers l’estuaire de la Seine. Le 13 août, le vaisseau royal jetait l’ancre au Chef de Caux (La Hève) où 30.000 hommes débarquèrent, avec leur matériel comprenant des canons servis par des Allemands. Henri V alla aussitôt mettre le siège devant Harfleur, pillant toute la contrée. Le maréchal Boucicaut, cantonné à Caudebec, n’intervint pas. La garnison de Harfleur, sous les ordres de Gaucourt, ne comprenait que 700 hommes qui ne purent recevoir de renfort. Elle résista courageusement jusqu’au 24 septembre où elle dut se rendre.

Le roi expulsa tous les habitants, réorganisa la place et y mit une forte garnison. Malgré tout, son armée était en mauvais état. Elle avait perdu 5.000 hommes par la dysenterie et il avait dû renvoyer un nombre égal de malades en Angleterre, avec le butin. En outre, il se produisait des désertions. De plus, du fait du mauvais état de la mer, une bonne partie de la 204 ème flotte avait été dispersée. Dans ces conditions, ne pouvant ni faire une guerre de conquêtes, ni se rembarquer, Henri V se trouva très embarrassé, d’autant qu’il savait que le roi de France réunissait des troupes dans le voisinage. Il prit la résolution d’aller se rembarquer à Calais, en longeant la côte, laissant à Harfleur son artillerie et son matériel. Il se mit en marche le 8 octobre sur Calais, emmenant avec lui 2.000 hommes d’armes et 6.000 archers, son armée constituant, dans l’ensemble, un effectif total atteignant à peine 20.000 hommes. Mais, bien que les Anglais fussent en situation critique, la prise de Harfleur avait fait mauvaise impression.

L’opinion se tourna vers la noblesse, dont le rôle, alors, était de défendre le pays. Pris au dépourvu, le roi de France n’avait pu, qu’au début d’octobre, réunir des forces autour de lui, du dauphin et du connétable, dans la région de Rouen. Il avait fait appel à la noblesse de France qui, en présence de cette invasion, fit l’union et se groupa, en, un beau geste pour défendre le pays. Dès le courant de septembre, des troupes seigneuriales et des milices s’étaient groupées, non seulement en Normandie, mais aussi sur la Somme et à Cambrai et, du centre et du midi, d’autres groupes se portaient sur la Loire. En dépit de la défense de Jean-Sans-Peur, qui eut même beaucoup de peine à retenir son fils, les Bourguignons eux-mêmes fournirent un contingent. Un beau sentiment national se manifesta également dans les villes qui fournirent des canons, des machines, des charrois et même des archers et des arbalétriers.

Le duc de Bourgogne, sollicité par les deux rois, était demeuré dans l’équivoque et n’avait envoyé aucun contingent à Charles VI, en défendant à ses vassaux de participer aux opérations ; ce fut malgré lui qu’un certain nombre s’armèrent et prirent rang. Cependant, Henri V poursuivait son itinéraire et, vivant sur le pays, il se dirigea sur la baie de la Somme en passant par Montivilliers, Goderville, Fécamp, Cany, Saint-Valéry, Arques, Eu, Mareuil-les-Abbeville. Il comptait franchir le fleuve au gué de Blanquetaque, mais celui-ci était gardé. Il remonta la vallée par Picquigny et Boves, cherchant un passage. Le maréchal Boucicaut, sortant de son inaction, dès qu’il eut appris la marche de l’ennemi, le suivit et le harcela sur son flanc droit, le rejetant vers la côte. Enfin, l’armée anglaise, continuant sa marche, réussit à franchir la rivière, non loin de Péronne (à Éclusiers, sans doute), le 19 octobre. Entre-temps, comme la situation était critique, Henri V avait cherché à négocier et offert de rendre Harfleur.

Sur le refus qu’il essuya, il hâta sa marche vers le nord par Acheux et Frévent, malgré un temps très pluvieux, cherchant à se rapprocher de la mer. Il savait que le roi de France avait à sa disposition un effectif plus fort que le sien et il tenait à se dégager rapidement. Pour aller au-devant de toute complication, il avait interdit tout pillage et réprimait tout désordre. Son armée avait une telle hâte d’atteindre le port d’embarquement qu’elle vivait constamment en état d’alerte, au point de ne faire ni pain, ni cuisine, dans la crainte d’une attaque. En même temps que s’opéraient ces mouvements, l’armée française marchait de loin, à peu près parallèlement aux forces anglaises, en suivant l’itinéraire : Gournay, Beauvais, Saint-Just, Montdidier, Ham, Bapaume, et elle était venue occuper la région de Saint-Pol, où le connétable d’Albret l’avait établie sur une ligne d’environ quarante kilomètres : Montreuil, Saint-Pol, Aubigny-en-Artois. Un cartel du duc d’Alençon offrit la bataille à Aubigny, mais Henri V, poussant sa marche, gagna Frévent et Blangy, avec l’intention de foncer sur la ligne française, de la traverser et de gagner Calais. Le maréchal Boucicaut, qui était au contact, éventa la manœuvre et l’armée française se concentra vers Ruisseauville, formant un arc autour de Maisoncelles où arrivaient les Anglais, convaincus que la route du nord était libre. C’était jusque-là, une belle manœuvre, digne du succès.

Le 24 octobre, les deux armées se trouvèrent donc en présence, non loin de la petite ville d’Auchy, sur le plateau d’Azincourt. Les chefs français avaient demandé au roi la permission d’engager la bataille. Le duc de Berri ne voulait pas, mais finalement, le combat ayant été décidé, il obtint que le roi et le dauphin ne combattraient pas. L’armée française comprenait environ 40.000 hommes contre une force moitié moindre : elle était, le 24 dans la matinée, groupée au sud-est du village de Tramecourt, derrière le bois. Le camp anglais était face à elle, à 500 mètres de distance, au nord-est de Maisoncelles, à l’est de la route de Blangy-sur-Ternoise. Dans la soirée du même jour, les armées changèrent de position, de sorte que, le 25 octobre, au matin, l’armée française ayant fait mouvement en passant à l’est de Tramecourt, se trouvait à cheval sur la route de Ruisseauville, sur un front d’un kilomètre environ, à hauteur de la partie nord d’Azincourt.

Les renforts qu’attendait l’armée française n’étaient pas arrivés. L’ensemble du dispositif était constitué en trois masses parallèles échelonnées ayant de vingt à quarante rangs de profondeur, constituant des blocs sans aucun jeu, dans l’impossibilité de se déployer et de faire la moindre manœuvre, en raison même du peu de largeur du plateau (600 à 700 m.) ; la supériorité numérique de l’armée se trouvait ainsi annihilée. La première masse, sous les ordres du connétable d’Albret, comprenant la partie centrale de la première ligne était composée de 8.000 hommes d’armes de petite noblesse. Les archers quelque peu méprisés avaient été relégués en arrière de la masse et aux ailes, avec deux groupes de cavaliers, ayant pour mission d’attaquer les archers anglais. La deuxième masse, placée assez en arrière, commandée par le duc d’Alençon, comprenait la noblesse moyenne et les mercenaires. La troisième masse comprenait les hommes d’armes à cheval. Enfin, près de Ruisseauville, il y avait en réserve, le corps de 18.000 hommes des communes, sous les ordres de leurs baillis et de quelques chevaliers. Les Anglais, en raison du mouvement de l’armée française, avaient à leur tour, établi leur front parallèlement à la ligne française, sur un développement de 600 à 700 mètres, entre le sud-est du village d’Azincourt et le sud de celui de Tramecourt, à environ un kilomètre de l’adversaire. Dans le camp anglais régnait, par ordre du roi, un silence absolu. On avait passé la nuit à accomplir ses dévotions.

Dès le matin, Henri V, tout harnaché pour la bataille, entendit trois messes, dans l’église de Maisoncelles qui existe encore aujourd’hui. Il disposa son armée sur une ligne, bien articulée, de quatre rangs seulement de profondeur, dont aucune force n’était perdue. Cette ligne comprenait trois groupes : les hommes d’armes au centre et les archers aux ailes dans chaque groupe. Celui du centre, le plus important, était commandé par le roi. Durant toute la nuit du 24 au 29 octobre, il avait plu. Tandis que les Anglais se recueillaient et se préparaient, le souvenir a été gardé par la tradition locale que la veille de la lutte, on avait armé dans le camp français, une vingtaine de chevaliers. Cette promotion aurait été joyeusement fêtée par une partie de la noblesse, à Tramecourt et, en particulier, au château (Communication de M. le docteur Lemaître, de Blangy-sur-Ternoise qui est détenteur d un vieil éperon de chevalier trouvé sur le champ de bataille.). Certes, ces excès n’étaient pas une préparation très indiquée, à la veille d’une bataille.

En outre, un certain nombre de cavaliers, bardés de lourdes armures, demeurèrent longtemps à cheval, en plein champ, au milieu des terres labourées. Au point du jour, ordre fut donné de mettre pied à terre et de retirer les chevaux à l’arrière, sauf pour deux groupes de cavaliers devant agir sur les ailes. On avait également placé quelques pièces d’artillerie à l’aile droite, en avant des cavaliers, à la lisière d’Azincourt. Les cavaliers pied à terre aux premiers rangs, embarrassés dans les armures, se trouvaient en place dans une boue épaisse et glissante. Il fallut raccourcir les lances, trop longues polir des hommes non montés. Dans la deuxième masse française, l’ordre de mettre pied à terre n’avait pas été exécuté, tant l’indiscipline était grande parmi ces seigneurs qui comprenaient : onze princes du sang et plusieurs milliers de barons ou bannerets, ignorant totalement toutes les nécessités de la guerre, rivalisant d’orgueil et méconnaissant toute autorité, tous d’ailleurs d’une bravoure individuelle remarquable. Bref, les armées étant en présence, le maréchal Boucicaut, en raison du mauvais temps et de l’état du terrain, fit décider qu’on attendrait l’attaque. Pendant ce temps, les Anglais, exaltés par les harangues du roi et des chefs qui leur dépeignaient les Français comme devant être punis de leurs vices, se préparaient à les châtier.

À onze heures du matin, les Français n’ayant pas encore attaqué, Henri V donna l’ordre d’engager le combat.
Les archers anglais, légèrement habillés, souples et dispos, s’élancèrent en avant, au pas de course, au signal « Now strik » de leur chef et, parvenus à bonne portée, ils plantèrent profondément dans le sol, leurs pieux ferrés pour se protéger, et décochèrent leurs flèches. Les Français, lourdement équipés, chargèrent à leur tour et obligèrent, d’abord, l’adversaire à reculer. Mais la progression étant difficile sur le sol gluant, le tir des archers, placés sur les flancs, ne tarda pas à jeter le désarroi dans les rangs pressés. En même temps, les soutiens arrière vinrent s’entasser en désordre, poussés par ceux qui les suivaient. Cette première messe ne tarda pas à se trouver dans l’incapacité d’agir, tandis que les cavaliers des ailes dont les montures étaient affolées par les traits qui les harcelaient, jetaient la perturbation parmi les combattants. Les Anglais, profitant de la situation, se précipitèrent dans la mêlée et de l’épée, de la hache et de la dague, firent de formidables hécatombes, dans cette cohue trop serrée pour riposter ou se défendre. Ce premier échelon enfoncé, Henri V, encouragé, reforma ses troupes pour attendre l’attaque du duc d’Alençon dont la masse s’ébranlait enfin, mais qui, mise en désordre par les fuyards, résista peu et se débanda. Les Anglais firent de nombreux prisonniers. Ils en furent tellement encombrés que le roi donna l’ordre de les tuer et il commanda 200 archers pour remplir cette odieuse mission. Une grande partie de la noblesse fut ainsi anéantie, en dehors de ceux dont l’importance permettait d’espérer une forte rançon. La victoire des Anglais fut complète. Vers quatre heures du soir, la bataille avait cessé et la pluie recommença à tomber. Les milices n’avaient pas été appelées au combat, Henri V négocia leur retraite avec leurs baillis. Les Anglais avaient perdu 400 à 500 hommes. De notre côté, plusieurs dizaines de milliers de morts ou de prisonniers, dont plus de 7.000 chevaliers tués ou blessés à mort et environ 2.000 prisonniers emmenés en captivité en Angleterre, comme les ducs d’Orléans, de Richemond, de Bourbon, le maréchal Boucicaut.
Parmi les morts, le duc de Brabant, arrivé pendant la bataille, les ducs d’Alençon et de Bar, le connétable d’Albret, l’amiral Jacques de Chatillon, le prévôt des maréchaux Gallois de Fougières, etc.

Dès le lendemain de cette victoire, grosse de conséquences, et qui atteignait le parti armagnac, Henri V se dirigea vers Calais, où il s’embarqua le 16 novembre pour l’Angleterre, en disant au duc d’Orléans, son prisonnier « On dit qu’oncques plus grand désarroi, ni désordonnance de volupté, de péchés et de mauvaises vies, ne furent vus, que règnent en France aujourd’hui ». Les enseignements de l’histoire n’avaient servi à rien. On n’avait pas tiré profit des échecs de Crécy et de Poitiers et la France était encore une fois vaincue pour avoir commis les mêmes fautes sur le champ de bataille, malgré l’extrême bravoure de ses soldats. Et au cours de son histoire, elle aura encore de mauvaises surprises pour s’être fait trop d’illusions, avoir manqué de prévoyance et n’avoir pas tenu compte des leçons du passé. Malgré le désastre que fut pour notre pays la bataille d’Azincourt, quinze ans après, l’enthousiasme national soulevé par l’action de l’héroïne de Domrémy, vint relever la France de ses ruines et de ses humiliations.

L’Anglais fut chassé et, bientôt se prépara l’unité nationale, basée sur le respect de l’autorité royale et de l’ordre dont les principaux officiers étaient les prévôts des maréchaux, leurs lieutenants et leurs archers. En dépit du désarroi qui caractérise, du côté français, l’ensemble des opérations de la bataille d’Azincourt, dont, sous l’autorité du connétable, le maréchal Boucicaut était le chef le plus élevé, on peut remarquer que dans cette armée, le prévôt des maréchaux Le Gallois de Fougières se fit tuer, à son rang de combattant. C’était, en quelque sorte, un vice-maréchal qui, au cours des déplacements des troupes, faisait assurer par un groupe d’hommes d’armes, le respect de la discipline et de l’ordre, et protégeait les populations, que les troupes avaient toujours tendance à molester et à piller. Il était investi de l’une des charges importantes du royaume. Déjà, le 24 juin 1340, un prévôt des maréchaux, jean Montaigne, était mort au champ d’honneur, à la bataille de l’Écluse. Dans la suite, Tristan l’Hermite, prévôt des maréchaux, ami de Louis XI, fut par la bonne justice qu’il fit régner dans le royaume, l’un des bons artisans de l’unité de la Patrie et de l’affermissement du pouvoir royal. Parmi tant d’autres, la gendarmerie a donc le droit d’être fière de ces illustres ancêtres qui l’ont grandement honorée dans son glorieux passé et ont bien servi la France.

Identification du prévôt des maréchaux

La préparation des fouilles

En décembre 1934, nous avions le plaisir de terminer avec succès nos recherches concernant l’identification du prévôt des maréchaux tué à la bataille d’Azincourt, et dont le nom était tombé dans l’oubli depuis des siècles.
Nous proposions, en conclusion de l’article qui révélait aux lecteurs de la Revue de la Gendarmerie le nom de Le Galet de Fouchières, alias Gallois de Fougières, que les restes de ce glorieux ancêtre de notre arme fussent recherchés, et que les honneurs militaires fussent rendus, comme il se doit, à cet ancien chef de la maréchaussée, le seul alors connu pour avoir été tué à l’ennemi.

Aujourd’hui, grâce au concours du Comité exécutif de la société pour l’érection d’un monument national à la mémoire des morts de la gendarmerie, des fouilles ont pu avoir lieu dans l’église d’Auchy-les-Hesdin, et nous n’apprendrons rien, sans doute, à ceux qui liront ces lignes, en disant qu’elles aboutirent à un succès complet.

Les fouilles d’Auchy, dont l’un des effets, fâcheux pour notre modestie d’archiviste amateur, fut de lever l’anonymat dont nous nous étions couverts jusqu’alors, furent précédées de longs préparatifs, et donnèrent lieu à une découverte qui, pour être imprévue, ne le cède pas en importance à celle de l’identité du prévôt mort à Azincourt. Nous savons désormais, en effet, que ce dernier eut un précurseur sur les champs de bataille de la guerre de Cent Ans, en la personne de Jean Montaigne, prévôt des maréchaux pour la « Grande armée de la mer », destinée à envahir l’Angleterre, disparu au cours de la bataille navale de l’Écluse le 24 juin 1340. Comment se révéla ce dernier nom qui vient enrichir, bien inopinément, les annales de notre vieille arme ? C’est ce que nous ont demandé de nombreux camarades, curieux comme nous des choses du passé. Aussi, pour répondre à leur vœu, nous allons donner ici le détail des recherches, démarches et incidents qui se sont succédé au cours des douze mois écoulés. Ce long délai s’est en effet révélé nécessaire à la réalisation de notre projet. C’est au cours de la collecte organisée en vue de l’érection du monument national, que nous vint l’idée de demander au comité directeur de cette œuvre, son concours pour les fouilles projetées. L’objet de la souscription n’était-il pas d’honorer les morts, tous les morts, de la gendarmerie ? La gendarmerie elle-même n’était-elle pas issue, par filiation directe et sans la moindre solution de continuité, du corps militaire de la maréchaussée ? Était-ce s’écarter de l’intention première du comité d’honorer nos morts, que de lui proposer l’exécution d’un projet, d’ailleurs peu coûteux, ayant pour but de mettre au jour les restes du héros ? Toutes réflexion faite, nous pensâmes que les réponses à ces différentes questions devaient nécessairement être favorables à notre entreprise.

Nous décidâmes donc d’exposer au comité notre projet de fouilles et, le 4 octobre 1935, nous écrivîmes à son président, M. le colonel Lélu, qui nous répondit bientôt par une lettre dans laquelle il se déclarait, personnellement, prêt à accueillir la proposition. Cependant, ajoutait-il, tout devant dépendre de la décision du comité, il nous promettait de nous convoquer à la prochaine réunion qui devait avoir lieu à Paris, au mois de novembre suivant. Convoqué, en effet, peu après, devant le comité réuni sous la présidence de M. le général de division Pacault président général, nous eûmes toute facilité pour y plaider notre cause, ou plutôt celle de Le Gallois de Fougières. Et nous goûtâmes la satisfaction de voir admettre implicitement notre thèse. Le comité, disons-nous, admit, par un vote à l’unanimité, l’intérêt de notre suggestion, et nomma pour examiner celle-ci un rapporteur, le lieutenant-colonel Marrasse.

Il faut dire que, afin de hâter la poursuite de notre projet, en éclairant rapidement la religion du comité, nous avions profité d’un voyage en Belgique, entrepris l’été précédent, pour aller à Auchy-les-Hesdin. Nous avions constaté, de visu, la belle apparence des structures intérieures de l’église, qui selon toute probabilité, n’avaient jamais, au cours des siècles, été l’objet de graves atteintes. Nous savions qu’aucune tradition, orale ou écrite, ne venait contrarier cette impression, et une autre présomption favorable résultait du fait que l’édifice, demeuré église abbatiale pendant toute la durée de l’ancien régime, était devenu église paroissiale à l’époque révolutionnaire, au moment de la dévolution des biens du clergé. Donc, entretenue avec soin depuis l’inhumation des combattants d’Azincourt, d’abord par les moines pendant près de quatre siècles, puis par la commune pendant un siècle et demi, l’église d’Auchy pouvait être considérée comme intacte dans son gros œuvre, et à plus forte raison dans ses fondements.

Vers la même époque, nous étions entrés en relations personnelles avec M. Besnier, l’archiviste départemental du Pas-Calais. Il nous avait appris que l’église d’Auchy, sans être classée au nombre des monuments historiques, était portée sur l’inventaire supplémentaire de ces monuments. L’État avait donc sur elle un droit de regard et de surveillance, ayant pour conséquence d’attribuer au ministère des Beaux-Arts le droit d’autoriser les fouilles, sous condition, bien entendu, de la permission préalable du maire de la commune, propriétaire de l’immeuble. Nous avions donc demandé à M. Coutet, maire d’Auchy. l’autorisation nécessaire qu’il nous avait accordée aussitôt. Le délai pour obtenir le consentement de l’administration centrale s’était révélé plus long, mais une visite de notre part à la direction de la rue de Valois, et quelques conversations avec les représentants, accueillants et compréhensifs, de ce service, avaient bientôt levé toutes les difficultés. L’autorisation donnée par cette administration était soumise à deux conditions :
1° La direction, le contrôle et la responsabilité des travaux seraient dévolus à l’architecte départemental du Pas-de-Calais ayant dans ses attributions les monuments historiques de la région de Saint-Pol.
2° Une entente devait intervenir entre le demandeur, ayant l’initiative des fouilles, et les « usagers » de l’église, en l’espèce le curé-doyen représentant les fidèles de la paroisse, susceptibles d’être gênés dans l’exercice du culte par l’exécution de travaux de terrassements auprès de la porte d’entrée. Là encore, il avait fallu intervenir et risquer d’être importun. Mais, comme l’administration, MM. le curé-doyen d’Auchy, M. le chanoine Debret-FIorival, avait fait le meilleur accueil à notre pétition, nous priant seulement d’éviter d’agir à une époque trop voisine des grandes fêtes liturgiques (Noël, Pâques, etc.). Bref, nous nous étions efforcés de prévenir et de réduire les difficultés possibles, lorsqu’en janvier 1936, nous nous présentâmes pour la seconde fois devant le comité du monument national réuni à Paris. M. le lieutenant-colonel Marrasse lui donna lecture d’un rapport très complet qui, à notre grand contentement, concluait favorablement à notre demande. Le principe des fouilles était adopté à l’unanimité, et il fut décidé, toujours à l’unanimité. que la société pour l’érection du monument en supporterait les frais. Les choses en étaient là lorsque, le 30 juillet dernier, nous reçûmes de M. le colonel Lélu une lettre nous faisant connaître que le comité désirait voir aboutir prochainement le projet. et nous demandant de prendre pour cela des dispositions définitives. Le 5 août, nous retournâmes donc dans le Pas-de-Calais, en suite de quoi nous fîmes parvenir au comité les renseignements suivants : M. le curé Debret-Florival, étant décédé subitement, n’avait pas encore été remplacé. Le prêtre intérimaire attendait le nouveau doyen, qui serait installé en août. Il y avait donc lieu de prévoir l’exécution des fouilles pour le courant de septembre. M. Decaux, architecte départemental, habitant à Arras. se déclarait prêt à diriger les fouilles à la date qui lui serait indiquée. Un entrepreneur local, M. Tilliette, désigné par l’architecte, se chargeait des travaux dans les meilleures conditions de compétence, de rapidité et de prix.

M. Besnier, archiviste départemental, demeurant aussi à Arras apporterait, s’il était nécessaire, son concours éclairé pour apprécier la valeur documentaire des vestiges retrouvés.
M. le chef d’escadron Éloy, commandant la compagnie du Pas-de-Calais, se mettait à la disposition du comité pour représenter, sur le lieu des fouilles, l’arme de la gendarmerie.

Enfin, un procès-verbal des opérations serait établi par le maire, en présence de témoins qualifiés, parmi lesquels se trouveraient des délégués du comité. Peu de temps après, nous fûmes avisés que l’installation à Auchy du nouveau curé-doyen, M. le chanoine Decroos, ne pourrait avoir lieu que dans la seconde quinzaine de septembre. À cette nouvelle, M. le colonel Lélu décida de convoquer les délégués du comité pour le samedi 12 septembre, afin d’assister aux travaux. En même temps, il nous demanda de faire amorcer les fouilles, par l’enlèvement du dallage et le creusement de tranchées en surface. de manière à déblayer une partie du terrain, et d’éviter aux témoins une trop longue attente avant que le creusement n’atteignît la profondeur utile aux recherches.

Une seconde découverte

Nous avons réservé, pour l’exposer à part, la relation d’un événement tout d’abord d’apparence assez médiocre, mais qui devait prendre ensuite, du point de vue de l’histoire de la maréchaussée, une importance capitale. Au cours de ce voyage du 5 août 1936, nous prîmes contact, comme nous l’avons dit, avec M. le Curé chargé de diriger la paroisse d’Auchy, pendant la vacance de son titulaire. Ce desservant intérimaire, M. l’abbé Guerlet, curé de la paroisse voisine de Rollancourt, mit le plus grand empressement à nous seconder dans notre mission et n’hésita pas, dès qu’il apprit notre présence, à venir nous rejoindre sur place. Après les présentations d’usage et une visite sommaire de la nef et des abords du grand huis, il nous invita à passer dans la sacristie où, nous dit-il, se trouvait une curieuse dalle funèbre, celle d’Enguerrand, comte d’Hesdin, fondateur de l’Église d’Auchy.

Devant cette dalle, notre hôte nous expliqua qu’on en connaissait l’existence depuis longtemps, qu’elle avait été mutilée au cours des siècles, et qu’elle avait disparu pendant la Révolution sans qu’on sût ce qu’elle était devenue. Elle fut retrouvée, il y a peu d’années, en creusant le sol de l’église devant le maître-autel, pour l’installation d’un calorifère souterrain. M. le curé Guerlet nous fit admirer la dalle, restaurée, fixée au mur, et encore superbe malgré ses brisures. Il nous donna des détails sur son placement à l’endroit qu’elle occupe à présent, et nous dit qu’elle avait d’abord été sertie dans un cadre de bois, jugé ensuite mutile et supprimé. L’enlèvement de ce cadre permit aux visiteurs de lire, désormais, l’épitaphe inscrite sur le pourtour Le comte est figuré au trait, debout, armé de pied en cap. Son visage est caché par la visière d’un heaume à nasal et œillères, timbré d’une couronne à trois fleurons ; la cotte de mailles, qui recouvre tout le corps, est couverte d’une tunique descendant jusqu’aux genoux. Un large bouclier, armorié du rai d’escarboucles des comtes d’Hesdin, cache une partie du corps du défunt, dont les mains sont jointes courbe pendue au côté gauche, il foule aux pieds deux dragons. L’effigie est encadrée par deux colonnettes avec chapiteaux à crochets, portant un arc trilobé et brisé, surmonté d’un galbe aigu dont la pointe est ornée d’un fleuron. De chaque côté du galbe se dessine l’architecture d’une imposante forteresse. L’épitaphe, sur le pourtour de la dalle commence au milieu de la ligne du haut, et se lit de gauche à droite. En voici la transcription :

HIC : IACE (T.ING.) ELRAMNUS : COMES : QUI : HANC : ECCLESIAM : ALCHIACEN : AB : EXER.CITU : WERMONDI :
ET : YSAMBAR.DI : DESTRUCTAM : RESTAURAUIT : AN NO : UERBI : INCARNATI : MLXXII


Wermond et Ysembard, dont on relève les noms dans cette épitaphe, étaient les chefs normands qui, en auraient détruit le monastère de Sainte Sicchède. La date de 1072 est celle du rétablissement de l’abbaye ; celle de l’année de la mort du comte est devenue illisible au XVIIIe siècle. On lit seulement sur l’arc trilobé encadrant la tête d’Enguerrand ces mots :

QUINTO : IDUS : NOUEMBRIS : OBIIT : INGELRAMNUS : COMES :

Il nous a semblé que le fleuron central de la couronne du casque figurait une fleur de lis. (Voir ci-contre le fac-similé de cette dalle tiré, ainsi que la description qui précède, de « L’Épigraphie du département du Pas-de-Calais », tome VI, 1er fascicule, Arras 1908). Voyant notre intérêt éveillé devant cette curieuse pierre, M. le curé Guerlet, dont l’érudition est grande quant à l’histoire locale, et qui partage notre goût pour les études archéologiques, nous apprit l’existence, dans son église de Rollancourt, de plusieurs pierres tombales datant du XVe siècle. Il nous invita à aller les voir, ce que nous acceptâmes avec l’empressement que l’on devine. Après une agréable et trop courte promenade à travers la campagne artésienne, nature verdoyante et pastorale, nous parvînmes à Rollancourt et descendîmes de voiture devant l’église, remarquable édifice dont les plus anciennes parties semblent remonter au XIVe siècle (Nous saisissons avec plaisir l’occasion qui s’offre ici de rendre hommage à l’obligeante amabilité de M. le Curé Guerlet, qui a contribué, en nous faisant visiter l’église de Rollancourt, à la découverte d’un renseignement précieux pour l’histoire de la Maréchaussée). Dans le croisillon nord, une très petite dalle de pierre de Tournay (0 m. 80 de long environ), un peu en relief, très endommagée, recouvre les restes d’un Châtillon-Saint-Pol du XVe siècle. La tête du gisant repose sur un coussin ; les cheveux et les oreilles sont visibles, mais le visage, incrusté en marbre ou en cuivre, a disparu, ainsi que les mains qui étaient croisées sur la poitrine. Le corps est presque entièrement effacé, le costume peu appréciable. De l’épitaphe, circonscrite aux quatre angles par des quatre-feuilles, contenant les symboles des Évangélistes, on ne peut plus lire que le commencement de la ligne du haut :

CHY GIST PHILIPE DE CHAT…
Et à la fin de la ligne de droite :
LACORT BEAUVAL…

C’est, nous dit M. le curé, le fils de l’amiral Jacques de Châtillon, tué à Azincourt. Jacques de Châtillon ! Ce fut pour nous un trait de lumière. Nous nous rappelâmes brusquement que ce nom était celui du premier combattant d’Azincourt figurant, comme inhumé dans l’église d’Auchy, sur le manuscrit de la bibliothèque de Besançon, avec plusieurs autres noms parmi lesquels on trouve celui de Le Galet de Fouchières. Comment avions-nous pu n’y point penser ? Sans doute parce que le nom du sire de Rollancourt, qui seul nous avait été cité jusqu’alors, présentait la même lourde assonance que beaucoup d’autres noms de lieux de la région (Azincourt, Baelencourt, Incourt, Trame-court, etc.) et pour cette raison ne nous avait pas particulièrement frappé. Quoi qu’il en soit, il avait fallu le nom plus sonore de Châtillon, patronyme des seigneurs de Rollancourt, pour réveiller notre mémoire endormie. On retrouvait donc, à proximité d’Auchy, des dalles funéraires reproduisant le premier des noms donnés par le manuscrit Chifflet. Ce commencement de concordance entre le texte connu de nous et la réalité des faits, nous plut et renforça notre espoir de succès. Notre aimable cicérone nous communiqua bientôt un fascicule de l’Épigraphe du Pas-de-Calais, dans lequel nous lûmes avec plaisir ce qui suit : « Le tombeau (ci-dessus décrit) est celui de Philippe de Châtillon. seigneur de (Roi) lancourt et de Beauval, ou fils du seigneur de dits lieux, ce qui est plus probable, vu les petites dimensions de la pierre. » Philippe de Châtillon n’est pas cité dans les généalogies. C’est sans doute un fils. Mort jeune, de Jacques dont il va être question, et un frère de Walleran qui suit également. » II y avait autrefois dans cette église, une chapelle dite de Donvetz et un monument en marbre… On y voyait un Châtillon représenté couché et expirant des suites des blessures reçues à la bataille d’Azincourt. (Notons ici que l’Amiral de Châtillon est mort couché sans doute dans son lit, des suites de ses blessures. Il n’a donc pas été tué sur le champ de bataille comme le laisserait entendre le préambule trop sommaire du procès-verbal des rois d’armes, reproduit par le manuscrit de Besançon. (Voir la Revue de la Gendarmerie du 15 juillet 1935, page 607.) Cette œuvre de sculpture, du reste très simple, fut détruite sous la révolution. Le Châtillon tué à Azincourt est Jacques, amiral de France. conseiller et chambellan du roi, seigneur de Dampierre, Sompuis. Rollancourt, etc.
« Son second fils Walleran de Châtillon fut enterré dans l’église de Rollancourt. Sous la chapelle de droite, dans un caveau divisé en deux parties, qui s’ouvre sous l’autel de la Vierge et contient les restes des Lannoy, des Marnix. etc. » L’épitaphe existe encore, paraît-il, dans le caveau ; j’en ai vu plusieurs copies ; voici celle de M. de Calonne :

« Ci gist noble homme
« Walleran de Châtillon
« Seigneur de Dampierre
« de Sompuis de Rollancourt
« et de Beauval qui trespassa
« le 13e jour du mois d’octobre
« l’an 1473. »

Une note, dit qu’on voyait encore, sous le Second Empire, une pierre placée dans les champs, qui indiquait l’endroit où l’amiral de Châtillon avait été frappé mortellement. Enfin, avant de prendre congé, nous demandâmes à notre hôte s’il connaissait le château de Tramecourt où se trouvait déposé, en 1897, le manuscrit du XVe siècle cité dans notre Mémoire d’après le comte de Loisne, qui l’appelle le manuscrit du château de Trame-court. M. le curé Guerlet nous répondit affirmativement, et nous proposa même de nous conduire au château. Nous arrivâmes bientôt à cette belle demeure, résidence actuelle du vicomte Robert de Chabot de Tramecourt et de la vicomtesse, née princesse de Ligne. En l’absence de M. de Chabot, ce fut la châtelaine qui nous reçut, avec une bonne grâce prouvant l’heureuse persistance, au vingtième siècle et sous un régime démocratique, des traditions de grande maison. Après avoir appris l’objet de notre visite, et entendu notre requête, Mme de Chabot voulut bien nous dire que le manuscrit était toujours là, dans la bibliothèque du château, à notre disposition en cas de besoin. Le domaine de Tramecourt comprenait jadis une grande partie du champ de bataille d’Azincourt.
Une chapelle y fut construite en 1734, par les soins de la famille de Tramecourt, et démolie en 1793. Puis, en 1816. pendant l’occupation étrangère, le charnier, qui subsiste encore aujourd’hui et où reposent tant de morts glorieux, fut odieusement fouillé. Un calvaire, qui a remplacé la chapelle, porte cette inscription :

25 octobre 1914.
C’est ici que nos vaillants guerriers ont succombé. (Rois. 2 d L. Ch. I v 25)
Leur espérance est pleine d’immortalité. (Sag. CH. 3 v 4)
La prière pour les morts afin qu’ils soient délivrés
de la peine qu’ils subissent pour leurs fautes, est une sainte
et salutaire pensée. (Mach. L. 2e Chap. 12 v 46)
Cette croix a été érigée par Victor Marie Léonard, marquis
de Tramecourt et Madame Marie Aline Cécile de Tramecourt son épouse,
à la mémoire de ceux qui avec leurs ancêtres ont péri
dans la fatale journée d’Azincourt
PRIEZ POUR EUX.

C’est le seul souvenir conservé du terrible désastre qui a fait connaître dans le monde entier le nom du petit village d’Azincourt. Peu de jours après ce pieux pèlerinage, nous profitâmes de notre passage dans la capitale pour aller voir, à la Bibliothèque nationale, le conservateur du département des imprimés, M. Ch. de la Roncière, que nous connaissions pour l’avoir consulté antérieurement. Comme chacun sait, M. de la Roncière est l’auteur d’une célèbre HISTOIRE DE LA MARINE, et il nous avait paru que l’existence, au voisinage d’Azincourt, de tombeaux concernant la famille amirale de Châtillon, pouvait l’intéresser.

Il connaissait depuis longtemps le nom de Jacques de Châtillon, et c’est avec bienveillance qu’il accueillit nos modestes renseignements, ainsi que la nouvelle de nos fouilles prochaines dans l’église d’Auchy-les-Hesdin. Dans la conversation qui s’engagea, sa vaste et sûre érudition nous fut, une fois encore, profitable, car il nous apprit l’existence, au département des manuscrits, d’un document mentionnant le nom d’un prévôt des maréchaux bien plus ancien que Le Gallois de Fougières, (On sait que l’orthographe Le Galet de Fouchières donnée par le manuscrit de Besançon, est fautive, et que nous avons adopté l’orthographe Le Gallois de Fougières donnée par le généalogiste d’Hozier) puisqu’il avait disparu, celui-là, à la bataille navale de l’Écluse, en 1340.

M. de la Roncière avait d’ailleurs oublié son nom, mais il nous donna, séance tenante, la référence utile pour le retrouver, dans le manuscrit des Nouvelles acquisitions françaises, n° 9241, folio 9-28. N’ayant pas alors le temps d’exploiter ce renseignement, nous le communiquâmes, par lettre, à l’historien qualifié de la gendarmerie, M. le général Larrieu qui, peut-être, supposions-nous, connaissait déjà le nom en question. II n’en était rien toutefois, et, le 26 août, nous reçûmes la réponse de M. le général Larrieu. Dès la réception de notre lettre, il avait écrit à M. de la Roncière, et ce dernier venait de lui révéler le nom du plus ancien prévôt des maréchaux connu pour être mort au champ d’honneur : Jean Montaigne, péri en mer à la bataille de l’Écluse, le 24 juin 1340.

« Évidemment, ajoutait le général Larrieu, cela ne résout pas la question de savoir à quelle date le connétable et les maréchaux commencèrent à faire exercer leur justice par un prévôt. »

« Mais cela fait remonter à onze ans plus tôt, au règne de Philippe de Valois, au lieu de celui de Jean le Bon (année 1340 au lieu de 1351), l’époque où, pour la première fois il est question, dans les textes, de la juridiction prévôtale. Et cela est intéressant. »

L’exécution des fouilles

L’exécution des fouilles eut lieu selon le programme tracé, après l’avis donné à l’entrepreneur, M. Tilliette, d’avoir à amorcer la tranchée en vue du creusement définitif, fixé au 12 septembre. Notre intention première avait été d’assister aux travaux, et dans cet espoir nous nous étions assuré la possibilité de nous rendre à Auchy dans la seconde quinzaine de septembre, époque tout d’abord prévue pour les fouilles. Mais le nouveau doyen de la paroisse d’Auchy n’ayant pu être installé en août et devant l’être à compter du 15 septembre, la date officielle des recherches fut définitivement fixée au 12. jour où, malheureusement, il nous était impossible de quitter notre résidence. Retenu par notre service, il nous fallut donner, à distance et quelques jours avant la date fixée, les instructions nécessaires. Nous savions qu’une fosse contenant quatre corps se trouvait au bout de la nef, près du « grant huys », c’est-à-dire au voisinage de la porte d’entrée de l’église. Mais par où faire commencer les recherches, et comment identifier, en cas de découverte des quatre corps, celui du prévôt ?

Ici, l’observation de certains faits nous amena à des déductions utiles. Le manuscrit de Besançon porte, en épigraphe marginale, la mention suivante :

« Ceci est tiré d’un ancien livre qui est au palais à Bruxelles sous l’horloge en la bibliothèque des ducs de Brabant. (Une demande d’exécution des recherches pour retrouver l’original du manuscrit a été faite au conservateur de la bibliothèque royale de Bruxelles, sans résultat). Ensuite, vient une copie littérale commençant ainsi : « Cy après s’ensuivent les noms des seigneurs, chevaliers et escuiers qui furent occis à la bataille d’Asincourt, le XXVe jour de décembre l’an mil CCCC et XV lesquels gisent en l’église d’Aucy-les-Moines, c’est assavoir au cuer, es chapelles, en la nef et au cymetière d’icelle abbaye, approuvé par le Roy d’armes des François, par le Roy de Ponthieu, le Roy de Corbie, de plusieurs autres héraulz et poursuivants et serviteurs desdis seigneurs ; avecques plusieurs cottes d’armes. « Et premièrement gist au cuer d’icelle église, etc. » Ce préambule montre qu’il s’agit d’un procès-verbal d’inhumation établi par les rois d’armes des Français, de Ponthieu et de Corbie, etc. Qu’étaient donc ces rois d’armes, et quelles étaient leurs attributions ? Leur institution remontait aux premiers temps de la féodalité. Leur titre de roi, qui gardait le sens étymologique de rex (de regere, régir, diriger), signifiait qu’ils étaient les chefs des hérauts d’armes. Rois et hérauts, assistés des poursuivants d’armes, étaient des officiers publics chargés de fonctions en temps de paix comme en temps de guerre.

À la guerre, ils annonçaient par des bans le jour des combats assignés, servaient de parlementaires, réglaient les échanges de prisonniers, etc. Dans ces fonctions, ils étaient inviolables.
En paix comme en guerre, ils se voyaient confier maintes charges héraldiques, nécessitant la connaissance approfondie de la science du blason et de la composition des armoiries. Ils étaient notamment chargés, en tout temps et en tous lieux, du recensement de la noblesse, ce qui entraînait le droit et le devoir de reconnaître les morts sur les champs de bataille. Sous Charles VI, le 6 janvier 1406, bien peu d’années avant Azincourt, fut fondée à Paris, dans l’église de Saint-Antoine-le-Petit, une chapelle des rois et hérauts d’armes de France. On en connaît aujourd’hui l’existence par des lettres de fondation qui contiennent de curieuses conditions, et dont une copie contemporaine se trouve à la Bibliothèque nationale (département des manuscrits, fonds français, n° 387).

Pour qui connaît le formalisme et la rigoureuse minutie qui dominaient les fonctions héraldiques, il n’est pas douteux qu’aussitôt après Azincourt, comme d’ailleurs après toutes les rencontres où la noblesse française fut engagée et décimée, les rois d’armes et leurs auxiliaires intervinrent et exercèrent consciencieusement leur contrôle. En ce qui concerne Azincourt (nous parlons des journées qui suivirent la bataille, même après un assez long délai) nous n’en voulons pour preuve que le manuscrit du fonds Chifflet. Nous savons d’ailleurs, qu’après le désastre, un immense charnier fut ouvert sur le champ de bataille, près du château de Tramecourt, ou furent sans doute enterrés ceux qui étaient morts sur la place. Les blessés furent vraisemblablement transportés, pour être soignés dans les monastères des alentours, qui servaient alors d’hôpitaux et d’établissements de bienfaisance. Un certain nombre de ces blessés moururent à leur tour, après un temps variable.

Ceux qui, par leur naissance ou leur rang social, avaient droit à la sépulture dans les lieux consacrés, furent naturellement ensevelis dans les églises les plus proches, sous de simples suaires selon l’usage monacal. Du moins, est-il permis d’expliquer ainsi la présence, dans l’église d’Auchy, de six combattants d’Azincourt enterrés à deux lieues du terrain de combat, et formellement identifiés par des héraldistes de profession. On reconnaîtra sans doute que cette hypothèse est bien près d’être vérifiée, visant un ancien monument de l’église de Rollancourt où l’on voyait « un Châtillon représenté couché, et expirant des suites des blessures reçues à la bataille d’Azincourt. ». Et la vérification est acquise quand on sait que ce Châtillon était l’amiral de France, sire de Rollancourt, porté en tête de la liste du manuscrit Chifflet. Il est à croire que les autres défunts nommés dans cette liste étaient morts, comme lui, des suites de leurs blessures, quelque temps après le combat.

Ceci étant admis, il demeure certain que les rois d’armes qui présidèrent à la reconnaissance des morts d’Azincourt eurent fort à faire pour remplir leurs fonctions. Ils eurent recours à de nombreux hérauts, poursuivants, et, comme le précise le manuscrit, aux « serviteurs desdis seigneurs » (des seigneurs occis) en s’aidant, pour les identifications, de cottes d’armes, autrement dit de ces casaques d’étoffé qui se portaient sur le haubert, et sur lesquelles étaient brodées les armoiries distinctives de leurs possesseurs décédés. De tout ce que nous venons d’exposer, nous crûmes pouvoir conclure ceci :

Malgré la lourde charge que constituait, après Azincourt, la reconnaissance individuelle des corps, cette besogne des héraldistes avait été menée à bien, et le procès-verbal reproduit par le manuscrit de Besançon, avait été établi dans les formes régulières, en constatant le placement des corps dans un certain rang. La partie de ce manuscrit intéressante pour nous était la phrase ainsi conçue :
« Item au bout de ladite nef devant le grant huys gisent tout en une fosse monseigneur du Lier gué d’Auvergne, (y a dans le Puy-de-Dôme, un gros bourg nommé Olliergues ; on disait sans doute autrefois air. Liereue, quand on allait dans ce village et son suzerain s’appelait, vraisemblablement, le sire du Liergue) Monseigneur Jehan des Quesnes, Le Galet de Fouchières, prévost des mareschaulx et le petit Hollandes, filz du bailly de Rouen. »

II fallait donc retrouver une rangée de quatre corps et les compter, comme l’exigeait l’ordre énumératif du procès-verbal, de la dextre au sénestre. Pour être concluante, cette découverte devait révéler la courte taille du quatrième des corps ainsi comptés. L’épithète de petit, accolée au nom de Hollandes, donnait à croire en effet qu’elle s’appliquait à un jeune homme encore adolescent, ou à un chevalier de taille moindre que ses compagnons. Une dernière question se posait : par quel côté commencer les fouilles r A droite ou à gauche de la porte d’entrée, ou bien encore devant cette porte ? Ici, nous trouvâmes indiqué de suivre l’ordre de préférence qui paraît instinctif à l’être humain, puisqu’on en retrouve la pratique dans tous les temps et dans tous les pays. À défaut d’autre indication, nous décidâmes de commencer par le côté honorable, par la dextre.
Nous adressâmes donc à notre correspondant d’Auchy, le maréchal des logis-chef Lepage, commandant la brigade de gendarmerie, des instructions accompagnées d’un croquis, indiquant de faire amorcer par l’entrepreneur, M. Tilliette, le creusement d’une tranchée à droite et à proximité de la grande porte. Ces deux collaborateurs de notre entreprise savaient, d’ailleurs, comment nous comptions parvenir à l’identification précise du prévôt, mais ils devaient simplement faire enlever le dallage et quelques premiers déblais, sans chercher à atteindre le fond de la fosse.

La tranchée fut ouverte selon nos instructions, le 8 septembre, et le même jour, dans l’après-midi, le chef Lepage, à notre grande surprise, nous prévenait télégraphiquement de la découverte de plusieurs corps paraissant répondre à la description du manuscrit et confirmer nos prévisions quant à l’identification des restes du prévôt. En hâte. nous demandâmes une permission de vingt-quatre heures pour nous rendre sur les lieux et, le lendemain soir, nous pouvions constater la réalisation aussi complète que possible de nos espérances. À nos regards émus se présentait, au fond d’une fosse située à l’intérieur et à droite de la porte de l’église, un alignement de quatre squelettes couchés côte à côte, à la profondeur de 1 mètre 50. Comptés de la droite à la gauche par rapport au groupe, et par conséquent de la gauche à la droite par rapport à nous-même, nous pouvions constater que le quatrième, qualifié par les ensevelisseurs de « petit Hollandes », était d’une taille notablement plus courte que ses compagnons.

Or, d’après le manuscrit Chifflet, le troisième corps de l’alignement, voisin de droite du « petit Hollandes », était « Le Galet de Fouchières, prévost des mareschaulx »,
Nous pouvions donc identifier avec certitude le troisième squelette comme étant celui du personnage recherché. Les ossements ainsi découverts étaient d’ailleurs encore engagés, par leur partie inférieure. dans le sol durci. Nous prescrivîmes de les laisser en cet état jusqu’à la rédaction du procès-verbal qui devait être établi. Ce résultat, si rapidement obtenu, était dû à l’initiative avisée de M. Tilliette, qui dès les premiers coups de pioche de ses ouvriers, avait vu apparaître deux squelettes, l’un a très faible profondeur, l’autre à moins d’un mètre au-dessous du dallage de l’église. À partir de ce moment, et désirant savoir s’ils parviendraient à découvrir d’autres ossements, les opérateurs, poussés par une légitime curiosité, avaient pressé leurs recherches. Aucun vestige n’avait été retrouvé dans un rayon de plusieurs mètres, jusqu’à la découverte de la fosse aux quatre corps, évidemment la plus ancienne, et de beaucoup. Contraint de rentrer le jour même à notre résidence, nous eûmes la satisfaction d’apprendre, avant de repartir, que notre conviction d’avoir obtenu des résultats certains était confirmée par deux avis autorisés : ceux de M. Decaux, architecte départemental, et de M. de la Charie d’Hesdin, vice-président de la commission des monuments historiques du Pas-de-Calais. Qu’ajouterons-nous, maintenant ? Les représentants du comité ne devaient se réunir à Auchy que deux jours plus tard. Il fallait donc. en attendant, laisser les lieux en l’état.
Il n’y avait pas d’inconvénient à cela. Dès le début des travaux, M. le curé Guerlet, poussant à l’extrême la complaisance, avait condamné la porte de l’église jusqu’à la constatation officielle des résultats. Ainsi furent soustraits à l’indiscrète curiosité de la foule les restes de ceux qui dormaient là depuis plus de cinq siècles. Pendant cette fermeture, les offices et les services religieux furent célébrés, provisoirement, à la chapelle de l’hôpital.

Enfin arriva le jour tant attendu. Retenu à notre résidence par les nécessités d’un service chargé, nous ne pûmes pas, le 12 septembre, nous déplacer de nouveau, mais nous pouvons rendre compte des constatations. Nous devons aux soins de M. le colonel Lélu, la communication du procès-verbal qui fut établi ce jour-là, et soumis à la signature de M. le Maire d’Auchy et des différents témoins. Le voici in extenso : L’an mil neuf cent trente-six, le samedi douze septembre à dix heures du matin,

1° nous, Coutet Alfred, maire d’Auchy-les-Hesdin, arrondissement de Saint-Pol (Pas-de-Calais.)
En présence de Messieurs :
2° Marotte, adjoint au maire d’Auchy-les-Hesdin.
3° Decaux, architecte départemental, chef du service des monuments historiques du Pas-de-Calais.
4° de la Charte d’Hesdin, vice-président de la commission des monuments historiques du Pas-de-Calais.
5° le docteur Lemaître, de Blangy-sur-Ternoise.
6° l’abbé Guerlet, curé de Rollancourt, suppléant de M. le doyen d’Auchy-les-Hesdin.
7° le colonel Lélu, président de la société nationale des anciens officiers de gendarmerie.
8° le commandant de la 1re Légion de gendarmerie à Lille, M. Léguillette.
9° le chef d’escadron Éloy, commandant la gendarmerie du Pas-de-Calais.
10° Josse Hervé, membre du conseil paroissial.
11° Bollenger, directeur des filatures.
12° Wattine, administrateur des filatures d’Auchy-les-Hesdin.
13° Deiruyelle, pharmacien à Auchy-les-Hesdin.
14° le capitaine Pruvôt, commandant la section de gendarmerie de Montreuil-sur-Mer.
15° le capitaine Fonvielle, commandant d’armes de la place d’Hesdin.
16° Tilliette Zéphir directeur des fouilles, à Auchy-les-Hesdin.
17° le chef de brigade de gendarmerie Lepage, à Auchy-les-Hesdin.

Vu l’autorisation accordée par M. le ministre de l’Éducation nationale, en date du 12 novembre 1935, à M. le président du comité pour l’érection d’un monument national aux morts de la gendarmerie, siège à Vincennes (Seine), 19, rue des Vignerons, de faire les recherches nécessaires pour la découverte, la reconnaissance et l’exhumation dans l’église d’Auchy-les-Hesdin, où ils sont, historiquement, présumés inhumés, des restes pouvant encore exister de Gallois de Fougières, prévôt des maréchaux de France, tué au champ de bataille d’Azincourt, en Pas-de-Calais, ancien Artois, le 25 octobre 1415, d’âge et de filiation inconnus. Nous nous sommes transportés en l’église d’Auchy-les-Hesdin et, des fouilles ayant été faites aux points indiqués dans les termes suivants par les vieux manuscrits : « Item au bout de la ditte nef, devant le grant huis, gisent tout en une fosse Mgr du Liergue d’Auvergne, Mgr Jehan des Quesnes, Le Galet de Fouchières, prévost des mareschaulz et le petit Hollandes, fils du bailli de Rouen. « II a été procédé aux recherches sous nos yeux. Ces fouilles ont permis de découvrir, au pied des fondations de l’église, contre l’entrée, dans une sorte de créneau des substructions, large d’un mètre vingt, et long d’un peu plus, placés côte à côte, les têtes à peu près sur la même ligne, dans le fond du créneau, rangés exactement dans l’ordre indiqué par les manuscrits, les restes, réduits à des ossements très. friables, de quatre chevaliers désignés, les axes des corps légèrement en éventail par rapport au fond du créneau, en raison de l’exiguïté de celui-ci.

Les deux premiers, les seigneurs du Liergue et des Quesnes, en raison de l’étroitesse de l’emplacement limité par lesdites fondations, avaient été inhumés très rapprochés l’un de l’autre, au point que leurs restes chevauchaient légèrement. Le Prévôt venait ensuite, sur la droite des deux premiers, occupant une position couchée sur le dos. Il était d’une stature élevée, et d’après son maxillaire, M. le docteur Lemaître a estimé qu’il devait approximativement avoir une soixantaine d’années.
Venait ensuite un squelette de petite taille, dont l’examen de la dentition faisait ressortir que c’était un jeune homme n’ayant pas encore ses dents de sagesse. Tout cela indique bien que c’était le petit Hollandes, fils du bailli de Rouen. Toute cette disposition d’ensemble, en accord absolu avec les textes anciens, permet d’établir nettement l’identification de ces restes et, en particulier celle du prévôt des maréchaux. sans contestation possible, malgré les siècles écoulés.

Les restes des deux premiers chevaliers, du Liergue et des Quesnes, et ceux du petit Hollandes, maintenus sur place, en l’état primitif, n’ont pas été touchés et ont été recouverts.
Les cendres de Le Gallois de Fougières (Le Galet de Fouchières) ont été précieusement recueillies par M. le docteur Lemaître et placées dans une urne de chêne, insérée provisoirement dans le dépositoire de l’église d’Auchy-les-Hesdin, en attendant le transfert définitif dans la petite crypte du monument national, à la mémoire des morts de la Gendarmerie, à Versailles.

Toute l’opération a été exécutée avec tout le respect dû à la mémoire des défunts.

En raison du nombre des siècles écoulés depuis la mort de ces chevaliers, les ossements étaient en quelque sorte réduits au dernier degré de la matière et en grande partie pulvérisés et sans résistance. Les débris de ces corps reposaient sur le tuffeau, dans une couche de terre poudreuse, constituant une sorte de sable cendreux. Ils se trouvaient à 1 m. 50 de profondeur. Le niveau du sol de l’église ayant été plusieurs fois modifié, au cours des âges, du fait de la réfection des dallages et carrelages, on a pu remarquer les tranches des diverses couches superposées, semblant indiquer qu’à l’origine, l’inhumation n’avait pas été faite à plus de 1 mètre 30 de profondeur. Le terrain bien abrité de l’église présentement sous son carrelage damier noir et blanc était sec et ne présentait que la fraîcheur ordinaire du sous-sol, ce qui, avec la protection des fondations, explique que la conservation ait pu être assurée pendant tant de siècles. En dehors des débris d’ossements, aucune trace se rattachant à ces illustres morts n’a été retrouvée : ni armes, ni objets, ni bijoux d’aucune sorte, ni débris de linge ou vêtements et aucune trace de bière, les corps ayant dû être inhumés tels quels, après la bataille. dépouillés de leurs armures, la sépulture dans les édifices religieux étant réservée aux grands personnages. En foi de quoi, nous avons dressé le présent procès-verbal, constituant un acte de caractère historique, pour être conservé aux archives de la mairie d’Auchy-les-Hesdin. Fait et clos à Auchy-les-Hesdin, le douze septembre mil neuf cent trente-six, par nous, Maire de la ville et avons signé le présent, ainsi que les témoins. Le Maire : COUTET. Suivent les signatures de tous les témoins Ainsi, notre mission s’est trouvée remplie. Elle nous a donné la satisfaction d’une réussite presque inespérée, mais nous n’hésitons pas à en reporter le principal mérite à celui qui eut en nous assez de confiance pour nous en charger. Nous adressons aussi, pour terminer, un souvenir ému et un sincère témoignage de reconnaissance à tous ceux, quels qu’ils soient, qui nous ont aidés dans notre œuvre, et par là ont collaboré à son succès. Nota En attendant leur transfert, les cendres de Le Gallois de Fougières qui doivent, définitivement, aller reposer dans la crypte du monument à la gloire de la Gendarmerie, érigé au rond-point Saint-Antoine à Versailles, ont été placées, provisoirement, après l’exhumation, dans le dépositoire de l’église d’Auchy-les-Hesdin. Nous donnons le fac-similé de la plaque apposée dans cette église, contre le mur situé à côté de l’emplacement de la tombe où furent inhumés les combattants tombés dans la bataille.

La description du monument

Le rond-point de la Loi

Quand on arrive à Versailles, venant de Paris, par l’une des trois grandes avenues. soit que l’on débarque du train, soit qu’on soit venu par la route, on aboutit à l’immense place d’Armes demi-circulaire, qui s’étend en avant de la grande grille du Palais. On aperçoit alors, devant soi, les vastes constructions du château, encadrant la grande cour d’honneur.
pavée et légèrement en pente, au milieu de laquelle se dresse la statue équestre de Louis XIV.

Si, au lieu de franchir la porte de la grille et de pénétrer dans la cour, on s’engage extérieurement à droite, le long des bâtiments du château, on arrive à la rue Robert-de-Cotte, puis à celle des Réservoirs. Celle-ci formant brusquement un coude à hauteur de la petite grille nord du Palais, ouvre tout à coup aux yeux, une magnifique perspective. On aperçoit,
dans le lointain, au bout de la longue avenue, la flèche élancée de l’église Saint Antoine de Padoue de la gracieuse cité du Chesnay, accolée dignement à sa grande et glorieuse voisine. On découvre, en même temps, à peu près au centre de l’avenue, bordée de grands arbres, et en légère déclivité, deux énormes pylônes que l’on atteint en quelques instants de marche et qui, au fur et à mesure que l’on avance, apparaissent de plus en plus distinctement.

On arrive ainsi au boulevard du Roi qui, à partir de la croisée du boulevard de la Reine, prolonge en ligne droite la rue des Réservoirs. Bientôt alors, on atteint le rond-point Saint-Antoine. C’est là qu’est située et qu’apparaît dans toute sa majesté et dans toute sa splendeur artistique, le monument élevé à l’honneur de la Gendarmerie nationale et à la mémoire de ses Morts Glorieux, tombés pour la patrie ou dans l’accomplissement de leur devoir.
Le rond-point est une place de forme circulaire d’un diamètre de près de cent mètres. séparant le boulevard du Roi de l’avenue du Chesnay, dans un quartier faisant partie du plan d’extension de la ville de Versailles. Il est situé à proximité du passage de l’autostrade de l’Ouest et sur la route de Saint-Germain-en-Laye. Cinq grandes voies aboutissent à cette place, parfaitement desservie et où existe un grand mouvement de circulation. On trouve au midi le boulevard du Roi, à l’est la rue du Colonel de Bange, au nord l’avenue du Chesnay à l’ouest la rue de Versailles et le boulevard Saint-Antoine, donnant accès dans les différentes directions.

Le pourtour du rond-point est constitué par des trottoirs ornés de massifs gazonnés, limités par d’élégantes bordures de pierre, du type généralisé dans les belles avenues de la ville de Versailles. Tout autour de la place, une ligne d’arbres, soigneusement taillés, offre durant toute la belle saison, un gracieux encadrement de verdure à l’œuvre d’art qui l’orne aujourd’hui. Le monument se dresse, grandiose, au milieu de cette place, sa façade principale, orientée au midi, regardant le côté extérieur de l’aile droite du Palais. La particularité de ce monument, c’est de présenter quatre façades : en effet, de quelque côté que l’on arrive, il revêt toujours un aspect artistique, car il n’a pas, en quelque sorte, de parties arrière ou latérales. Il offre un ensemble qui nécessite d’en faire le tour complet pour en voir et apprécier toutes les beautés. Il symbolise bien nettement les gloires historiques, les vertus et qualités et les valeurs synthétisées de la gendarmerie française, sur laquelle ont pris modèle et ont été calquées la plupart des gendarmeries du monde. Au centre du rond-point, le monument occupe, à sa base, un rectangle de 14 mètres de largeur sur 8 mètres de profondeur, soit 44 mètres de périphérie. En avant de la façade sud, est accolée la masse de la statue monumentale de la Gendarmerie, au socle de laquelle fait suite un carré de pierres de taille recouvrant l’hypogée, orné. à sa partie supérieure, d’un magnifique bouclier de bronze de 1 m. 20 de diamètre, portant en relief, le vieux chiffre de la Maréchaussée de France, aujourd’hui Gendarmerie. L’ensemble est entouré d’un terre-plein circulaire, gazonné, de 28 mètres de diamètre, avec bordures de pierre de taille, du plus heureux effet, faisant admirablement ressortir les beautés du monument. Un trottoir bitumé de 5 mètres de largeur entoure l’ensemble. Disons aussi que la ville de Versailles a pris un arrêté réglementant les conditions d’édification des constructions qui, dans la suite, seront élevées autour de la place. Ainsi sera réalisé un décor harmonieux encadrant dignement l’œuvre artistique érigée sur ce superbe emplacement.

On peut se rendre compte, par cette description sommaire, du site dans lequel la ville de Versailles a bien voulu accueillir le monument glorifiant l’arme d’élite, au passé magnifique (Nous avons décrit en détail l’emplacement du monument pour guider ceux qui viendront le voir et pour renseigner ceux qui n’auront pas la possibilité de venir à Versailles. Nous en donnons ci-après une description de détail et les belles reproductions photographiques que nous insérons permettront à chacun de se rendre compte, mieux que par le discours, de l’importance et de la beauté de l’œuvre réalisée.).La Gendarmerie tout entière est profondément reconnaissante à la ville de Versailles et à sa municipalité, qui ont daigné l’honorer et rendre un éclatant témoignage à sa valeur, en lui accordant, généreusement et gratuitement cet emplacement. Elle voue une particulière et immuable gratitude à Monsieur Henry Haye, sénateur-maire de Versailles, conseiller général de Seine-et-Oise, puis ambassadeur de France, qui s’est prodigué avec tant de bienveillance pour nous aider à vaincre toutes les difficultés surgies à chaque pas et aboutir enfin à la réalisation du projet. Elle ne manquera pas de transmettre aux générations à venir sa dette de reconnaissance et elle conservera dans ses annales et dans ses souvenirs, le nom vénéré de ce grand ami et bienfaiteur du Corps. Elle y associera les noms de M. Batilliat, homme de lettres, de M. le général Sutterlin, et de M. Denis, grand mutilé, ses adjoints, qui l’ont activement secondé et ont pris le plus vif intérêt à l’exécution du monument. Nous dirons, pour terminer, que l’on peut tirer de cette question une admirable leçon. À Paris, nos demandes, noyées dans un inextricable maquis administratif, doublé de considérations diverses, n’ont jamais pu aboutir même à une réponse. On ne peut pas dire qu’un refus nous a été opposé, mais nous avons compris ce long silence. À Versailles, sous l’action personnelle d’un chef diligent et réalisateur, la demande a reçu immédiatement satisfaction et sans s’égarer dans de vaines discussions, on est parvenu à vaincre tous les obstacles par des méthodes appropriées et à édifier ce monument majestueux, capable de braver les siècles.

Description générale du monument

Le monument érigé à Versailles en l’honneur de la Gendarmerie vient d’être terminé. Il est l’œuvre, pour l’architecture, de MM. Nicod, 1er Grand Prix de Rome, architecte en chef du Gouvernement, chef d’atelier à l’École des Beaux-Arts, et Robert Auzelle. architecte diplômé du Gouvernement. Pour la sculpture, de M. Gabriel Rispal, statuaire de grand talent, lauréat de plusieurs concours nationaux et internationaux, médaillé du Salon, prix de la Fondation américaine : pour la Pensée et l’Art français, auteur du monument aux Mères de Gironde, du monument à l’impératrice Eugénie à Biarritz, du monument de Montesquieu à La Brède, des statues de l’église Saint-Agnès à Alfort et des églises d’Havrincourt et de Bourlon (Pas-de-Calais), de la chaire de l’église Saint-Roch à Paris. M. Rispal est en tram de sculpter, présentement, les statues de l’église monumentale de Santissima, de Rio-de-Janeiro, Brésil. Il a en outre sculpté les portraits de nombreuses personnalités : les professeurs Joly, Milliau Delherm, Achard, etc. Cette notoriété était, pour le comité, un sûr garant de la haute valeur de l’artiste. Le monument, de vastes proportions, a été choisi à la suite d’un concours sur maquettes ouvert entre tous les architectes et sculpteurs français remplissant certaines conditions, par un jury (Voir programme au chapitre XXIII.) composé d’artistes illustres, membres de l’Institut pour la plupart et présidé par le grand peintre Le Sidaner, alors président de l’Académie des Beaux-Arts, décédé l’an dernier (juillet 1939).

Il comporte une majestueuse statue centrale, encadrée de deux pylônes carrés massifs, de 12 mètres de hauteur et de 3 mètres de côté, assez espacés pour ne pas masquer la façade de l’église Saint Antoine de Padoue qui le domine à l’horizon. Autour de ces pylônes sont harmonieusement disposés des groupes qui résument l’histoire même de la Gendarmerie française. La grande statue de 4 mètres de hauteur, d’une magnifique allure, symbolise la Force au service de la Loi. Elle s’appuie de la main droite sur un bouclier, évoquant ainsi la protection que la Gendarmerie, au service de l’Ordre et de la Justice, étend sur le pays et sur les citoyens. L’autre bras présente un puissant geste de volonté traduisant l’énergie avec laquelle les vaillants soldats de l’arme d’élite accomplissent leur devoir.

Chacun des groupes représente des gendarmes de notre époque, accompagnés d’ancêtres dans l’arme, ayant appartenu à d’autres moments de l’histoire : Louis XV, Révolution, Premier Empire, Conquête de l’Algérie. Guerre de 1914, Chars d’assaut, gendarmes et gardes contemporains.

Enfin, sur les faces latérales, à gauche, un gendarme à cheval de 1880 et. à droite, un garde républicain à cheval de 1936.
Les uniformes, minutieusement exacts ont été reconstitués d’après les costumes du musée de l’armée et les données du chef d’escadron de gendarmerie Bucquoy. docteur ès lettres, directeur de la revue « Le Passepoil », et spécialiste de l’étude des uniformes militaires de l’Europe. Aux pieds de la statue, un hypogée couronné d’un bouclier de bronze doit recueillir les cendres de Le Gallois de Fougières, prévost des maréchaux de France, tué à la bataille d’Azincourt (1415) et inhumé, depuis lors, à proximité du terrain de la lutte, dans l’église d Auchy-Ies-Hesdin (Pas-de-Calais).

La sculpture

Nous donnons ci-après le détail de l’ornementation du monument n’ayant pu trouver place dans la description générale, afin de permettre à chacun de se représenter ou de se remémorer chacun des sujets et des motifs de la décoration.

Face antérieure
(Dans cette description, nous supposerons le visiteur venant du boulevard du Roi et, arrivé au
Rond-Point, après avoir examiné la façade principale, faisant le tour du monument, vers sa droite, direction de la rue du Colonel de Bange, puis de 1 avenue du Chesnay, etc.)
Pylône de gauche. – Inscriptions échelonnées verticalement : Gendarmerie nationale
Hondschoote 11793 – Villodrigo, 1809-Taguin. 1843 – Sébastopol. 1855 – Grande Guerre 1914-1918 (Noms des batailles inscrites sur les drapeaux et étendards de l’arme [voir chapitre XI]). – La croix de la Légion d’Honneur du drapeau de la Gendarmerie. – Groupe de statues : au centre, gendarme d’élite en bonnet d’ourson (1806) ; à droite : gendarme contemporain en tenue de ville (1936) ; à gauche : cavalier de la maréchaussée en tricorne, époque Louis XV (1770) (Noms des gradés et sous-officiers de l’arme ayant posé pour l’exécution des statues :

Face antérieure, droite :
Garde rép. mob. 1937  (Crumière, G. mob. K* légion G. R. M.)
Gendarme de 1798 (QuilIat-Cravier de la G. R.)
Garde rép. à pied 1937  (Vittoz, G. R.)

Face antérieure gauche :
Gend. Louis XV 1770  (Crumière, G. R. M.)
Gend. d’élite, 1806  (Miqui, G. R.)
Gend. contemporaine 1936  (Gence, G. R. M)

Face postérieure droite :
Gend. colonial 1937  (Crumière, G. R. M.)
Gend . d’Afrique, 1843 (Perrin, G. R. M.)
Gend. aux. indigène 1936  (Razzi, sold. colonial)

Face postérieure gauche :
Gend. prévôtal, 1914  (Lieutenant Nicolas, retraité.)
Gend. des chars, 1936  (Perririn, G. R. M.)
Gend. motocycl., 1937  (Crumière, G. R. M.)

Face latérale droite :
Garde à ch., 1936  (Maréchal des logis-chef Giraud, G. R)

Face latérale gauche :
Gend. à ch., 1880  (Maréchal des logis-chef Giraud, G. R.).

Au centre :
statue monumentale de la Gendarmerie – Hypogée surmonté d’un grand bouclier d’airain.


Pylône de droite : – Inscriptions échelonnées verticalement : Gardes républicaines :
Dantzig, 1807 – Friediand. 1807 – Alcoléa. 1808 – Burgos. 1808-1812 – Grande Guerre 1914-1918. – La Croix de la Légion d’Honneur des drapeaux et étendards des légions des gardes républicaines.

Groupes de statues : au centre, gendarme en grand chapeau a plumet, 1798 ; à droite, garde républicain mobile, tenue de service. 1937 ; à gauche, garde républicain a pied, grande tenue, 1937, et à sa droite, on remarque la lyre symbolique de l’admirable phalange d artistes de la musique de la Garde.

Face latérale droite :
Inscriptions : « Tous ont bien mérité de la Patrie » (Maréchal Pétain) – La croix de guerre 1914-1918.

Statue équestre: garde à cheval en grande tenue, 1936.

Face postérieure :
Pylône de gauche. – Inscriptions : A nos camarades tombés glorieusement pour le Devoir – Grenade symbolique, insigne de la gendarmerie (On peut regretter qu’un insigne plus particulier, plus spécial à la gendarmerie que la grenade, qui est commune à de nombreux corps et services, n’ait pu être imaginé pour l’arme d élite qui sert et fournit les services les plus variés dans la métropole et dans toutes les parties du monde. Ne serait-il possible de trouver un emblème mieux approprié et plus caractéristique que la grenade, pour symboliser la mission de la gendarmerie.
Nous ne signalerons que pour mémoire les deux bâtons de maréchaux croises qui ornaient les boutons de l’ancienne maréchaussée ; le soleil d’argent qui décorait les cuirasses de cuivre des carabiniers, récompense du fait qu’ils avaient poussé une charge en pleine nuit. La feuille piquante du houx porte en elle sa signification, comme aussi les foudres emblématiques de certains corps.).
Groupe de statues : au centre : gendarme des chars, 1936 ; à droite : gendarme motocycliste. 1937 ; à gauche : gendarme des prévôtés à pied, 1914.
Pylône de droite. – Inscriptions : A nos camarades tombés glorieusement pour la France. – Grenade symbolique.
Groupe de statues : au centre : gendarme de la prise de la Smalah, 1843 ; à droite : gendarme auxiliaire arabe, tenue orientale, 1936 ; à gauche : gendarme colonial, 1937.

Face latérale gauche :
Inscriptions : Discipline et obéissance à la Loi (drapeaux de 1792). – La médaille militaire des vieux et braves soldats.

Statue équestre : gendarme à cheval en tenue de service, 1880. Sur la contremarche de la façade arrière, on peut lire la mention : érigé par souscription nationale. Sur une contremarche de la face antérieure : 1 ° le nom de M. le Maire de Versailles ; 2° les noms des architectes et du sculpteur.
Sur le socle de la statue monumentale, au centre, a été gravée la noble devise de la Gendarmerie : « Pour la Patrie – l’Honneur – et le Droit. ».
Sur l’écu servant d’appui à la main droite de la statue, on peut remarquer une tête de méduse, figurant la confusion des ennemis de l’ordre et la mention : Respect aux fois.

Le bouclier

Sur le bouclier recouvrant l’hypogée figure en exergue la devise latine de l’ancienne maréchaussée de France :
« Non sine numen » affirmation de la force qui doit rester à la règle établie et aux représentants du pouvoir.
Un bras de chevalier garni de fer tient dans la main, un glaive vertical, supportant une couronne de feuilles de chêne et de laurier (dextrochère). On y lit également la mention :
Gallois de Fougières, prévôt des maréchaux de France, tué à Azincourt, 1415. se rapportant au glorieux ancêtre combattant, inhumé dans l’hypogée.

Ce bouclier rappelle que, de tout temps, quel qu’ait été son nom, la gendarmerie, force d’ordre, a sous une forme ou sous une autre, participé sur les champs de bataille, aux luttes pour le salut du pays. Sous les rois, les empereurs et les républiques, elle a toujours figure parmi les troupes combattantes. Mais la troisième république qui, dans son égarement général a valu à la France le désastre et la plus grande humiliation de l’histoire, a méconnu la vaillance des gendarmes et les a laissés exclure de la liste des soldats d’élite qui ont servi la Patrie avec bravoure, au péril de leur vie. pendant la Grande Guerre et apporte à la victoire une contribution plus grande que ne saurait le laisser apparaître un examen superficiel du rôle qu’ils ont rempli. Cette contribution a été considérable par l’influence qu’ils ont exercée sur l’état moral des troupes, en participant largement au maintien des importants facteurs de 1 ordre et de la discipline, au cours de la guerre. Ils ont. dans la zone de feu, rempli avec adresse, courage et sagacité, leur mission délicate et infiniment variée, se rapportant aux diverses phases des opérations. On peut dire, par analogie avec ce que raconte l’apologue. Les Membres et l’Estomac, que le rôle pénible et dangereux rempli par les prévôtés pendant de longs mois, aux points sensibles des terrains de batailles, a vaillamment et énergiquement contribue aux succès de nos armes, en maintenant le soldat à son poste. En vérité, les militaires de la gendarmerie des formations de l’avant, dont l’existence est constamment en danger, en temps d’hostilités, ne croyaient pas avoir mérité la déchéance et l’humiliation qui leur ont été réservées : ils ne s’en consolent pas et, surtout, ceux qui sont titulaires de plusieurs citations de guerre bien gagnées. Un certain nombre déjà sont décédés, minés par le chagrin d’avoir vu que leur longue vaillance n’avait pas été reconnue. Chez tous ces anciens règne une véritable rancœur d avoir à souffrir du fait. qu’à part un nombre très restreint de cas individuels qui, au total, sont peu différents du leur, la majorité a été privée de cette qualité de combattants que les militaires de l’arme détenaient depuis des siècles et qu’ils ont honorée glorieusement chaque fois qu’ils en eurent l’occasion. Nous ignorons quels furent les arguments de leur défenseur au moment ou les décisions furent prises ; mais, certes, cette cause intéressant toute une arme d’élite, était digne d un meilleur résultat. Napoléon n’eût jamais admis pareille solution à l’égard de la gendarmerie dont il connaissait les hauts mérites et la bravoure et Moncey s’y fut énergiquement opposé.

Nous osons, aujourd’hui, espérer que l’État Français, mieux informé, plus sage, plus juste et plus compréhensif du sentiment d’honneur d’une troupe d’élite, qui a le privilège séculaire de marcher en tête de l’armée, saura réparer cet ostracisme blessant dû aux erreurs de personnalités mal informées, ignorant la nature des services de l’arme en campagne et, par suite, non qualifiées pour statuer sur les missions de guerre de la gendarmerie.

II suffit de lire le présent ouvrage pour apprécier, presque à chaque page, la valeur et l’esprit d’abnégation des militaires de cette arme et pour se rendre compte de leurs qualités et de leurs mérites.
L’héroïsme en troupe est magnifique, mais celui de l’homme qui accomplit son devoir, loin de l’appui de ses chefs, loin de l’aide et du secours de ses camarades est plus admirable encore : celui-là n’aurait pas dû être oublié et un acte de réparation ne serait que simple justice. La bravoure isolée ne saurait demeurer méconnue dans une patrie équitable comme la nôtre l’est aujourd’hui.

Vidéo du Monument de la Loi :

Le monument, cérémonies et discours

Les cérémonies

À cette époque, le monde était en paix et était loin de se douter de la catastrophe qui allait l’ébranler et modifier la structure politique du globe.
Le monument en l’honneur de la gendarmerie, dont la construction commença en 1938 et dont, quand éclata la guerre, les travaux étaient déjà fort avancés malgré les obstacles et les difficultés, a pu, en dépit des événements les plus graves, être enfin achevé en 1941, ayant eu à subir une interruption de quelques mois au moment où l’invasion s’étendit sur notre pays. Mais l’occupation se prolongeant et nul ne pouvant prévoir l’évolution de la guerre, il n’est pas possible d’envisager à quelle époque son inauguration officielle pourra avoir lieu et nous devons attendre pour cela la signature de la paix générale et la libération du territoire.

Aussi, le présent chapitre XXV de cet ouvrage, spécialement consacré aux cérémonies se rapportant au monument ne saurait-il dès maintenant, être complet. Mais, ne voulant pas retarder davantage le travail d’édition du Grand Livre d’Or Historique. nous prévoyons un fascicule complémentaire, constituant une annexe, relatif aux solennités inaugurales, devant trouver place à la suite du Tome V, où il pourra, par la suite » être inséré.
Nous avons donc établi la Première Partie du dit chapitre, donnant le récit des petites cérémonies préliminaires ayant déjà eu lieu, savoir :
1° Exhumation dans l’église d’Auchy-les-Hesdin, des restes du prévôt des maréchaux Le Gallois de Fougières, le 12 septembre 1936.
2° La cérémonie du premier coup de pioche donné le 23 juillet 1938 par M. Henry Haye, sénateur-maire de Versailles, conseiller général de Seine-et-Oise, et depuis ambassadeur de France aux États-Unis d’Amérique.
3° La remise du monument à la municipalité de Versailles.

La deuxième partie comprendra :
1° Le récit du transfert des restes du prévôt, d’Auchy-les-Hesdin au monument de Versailles, avec les cérémonies devant avoir lieu au départ et à l’arrivée et aussi en cours de route vraisemblablement.
2° La relation des solennités d’inauguration à Versailles, auxquelles seront conviées de très hautes personnalités, et auxquelles tiendront à honneur d’assister de très nombreux militaires de l’arme et l’ensemble considérable des groupes de retraites de la France entière et de nos colonies.

Exhumation du prévôt des maréchaux

Le capitaine de gendarmerie Georges Benoît-Guyod, commandant la section de Melun (Aujourd’hui chef d’escadron à la 9e légion de Garde républicaine Mobile à Paris-Asnières-Gravillons) grâce à son érudition, est parvenu, par ses recherches et travaux historiques, à identifier le prévôt des maréchaux, tué à la bataille d’Azincourt, le 25 octobre 1415. après avoir découvert et précisé son lieu de sépulture.
Le 12 septembre 1936, une commission présidée par M. le colonel Lelu. est composée de diverses personnalités énumérées au procès-verbal de l’opération, parmi lesquelles il convient de citer MM Coutet, maire d’Auchy-les-Hesdin ; de La Charie, vice-président de la commission monuments historiques du Pas-de-Calais, le docteur Lemaître de Blangy ; Decaux, architecte départemental ; l’abbé Guerlet, curé de Rollancourt ; H. Josse, Bollenger, Wattine Debruyelle, Tillette, a fait procéder à l’exhumation des restes du prévôt des maréchaux qui ont glacis provisoirement dans le dépositoire de l’église d’Hesdin, en attendant la possibilité de leur transfert à Versailles.
Les détails se rapportant à la question de la découverte et de l’exhumation des restes du prévôt sont exposés dans la deuxième partie du chapitre XXIII. Le lecteur est prié de vouloir bien s’y reporter.

Le premier coup de pioche

Le samedi 23 juillet 1938 à dix heures du matin, au rond-point Saint-Antoine qui deviendra bientôt le Rond-Point de la Loi, dans un quartier qui est au centre du plan d’extension et d’embellissement de la ville de Versailles a eu lieu sous la présidence de M. Henry Haye, sénateur-maire, une belle cérémonie à laquelle, volontairement, a été garde un Caractère de grande simplicité.
On a donné le premier coup de pioche symbolique sur le terrain où s’élèvera, prochainement, le monument national à la gloire de la Gendarmerie et des Gardes républicaines, monument également consacré à la mémoire des héros de ces armes tombes dans l’accomplissement du devoir et sur les champs de bataille. Le rond-point avait été admirablement préparé, grâce à la diligence de M. Nicod, 1er Grand Prix de Rome, architecte en chef du Gouvernement et a celle de son distingué collaborateur, M. Auzelle. L’éminent statuaire, M. Rispal, était retenu dans la Gironde par l’inauguration d’une statue de Montesquieu, dont il est également l’auteur.

Au centre du rond-point, le monument était figuré par un gabarit en bois, et ses bases étaient marquées sur le sol par un piquetage et des madriers. Un grand cercle en plâtre délimitait l’emplacement du futur terre-plein et un carré formant une avancée, face au boulevard du Roi indiquait la place de la crypte où viendra reposer le prévôt des maréchaux. De hautes tiges de bois ébauchaient la silhouette des pylônes entre lesquels on apercevait l’admirable perspective de la basilique du Chesnay.
À dix heures étaient réunis sur ce superbe emplacement, toutes les hautes personnalités de Versailles, les autorités, les fonctionnaires, les délégués des associations, de nombreux amis de la gendarmerie et un nombre imposant d’officiers de l’arme, l’école d’application avec son colonel, ses officiers et ses élèves.

Nous ne pouvons que citer les principales personnalités présentes à la cérémonie, en tête desquelles M. Henry Haye, sénateur-maire de Versailles ; M. Guérard, conseiller de préfecture représentant M. le Préfet ; M. Batilliat, et le général Sutterlin, adjoints au maire ; de nombreux conseillers municipaux de Versailles, MM. Brasseau, sénateur ; Fourcault de Pavant, député et conseiller général ; Denis, conseiller général ; M. Bonnet, architecte en chef des palais nationaux et conservateur des domaines de Versailles ; Mallet, ingénieur en chef ; Tabourier et Pitrois, architecte et ingénieur de la ville de Versailles ; les colonels des corps de gendarmerie de la région de Paris et un grand nombre d’officiers de la garnison. Sans oublier les représentants de toutes les sociétés versaillaises avec leurs drapeaux ; MM. Madelaine, Pons, Ballion, des associations de la gendarmerie, M. le maire du Chesnay et plusieurs conseillers municipaux.

En raison des vacances et du fait d’exigences de service, un certain nombre de personnalités avaient adressé leurs excuses, entre autres : M. le général Dosse, membre du Conseil Supérieur de la Guerre, retenu au congrès de l’U. N. 0. R. ; M. le président du conseil général de Seine-et-Oise ; MM. les généraux Gest, Bucheton, Simon, le général commandant d’armes, le lieutenant-colonel Gaillardan.
À dix heures, la parole fut donnée à M. le lieutenant Nicolas, délégué à Versailles du comité du monument. En quelques paroles pleines de sentiment de gratitude, il rappela ses démarches auprès de la municipalité en vue d’obtenir un emplacement à Versailles. Voici en quels termes s’est exprimé

Discours du lieutenant Nicolas

« Cette simple mais émouvante cérémonie à laquelle nous assistons aujourd’hui ouvre une nouvelle page d’histoire dans les annales des associations de retraités de la gendarmerie et des gardes républicaines, ainsi que dans celles de ces armes d’élite. C’est pourquoi je suis particulièrement fier de l’honneur qui m’échoit aujourd’hui en prenant la parole au nom de la Fédération nationale et en particulier à celui du comité de Versailles et environs sur le terrain même où bientôt se dresseront dans le ciel les majestueuses colonnes de notre monument national, entre lesquelles se dessinera la splendide architecture de l’église Saint-Antoine du Chesnay.
Cet honneur. Messieurs, revenait de droit à notre éminent président général Madelaine, non seulement parce qu’il est le doyen d’âge, mais surtout parce qu’il est un des fondateurs de la Fédération nationale, qu’il dirige avec compétence et dévouement depuis plus de trente ans. C’est donc le plus ancien de tous les présidents de nos associations.

L’action des promoteurs du monument
Le président Madelaine, qui est également l’un des premiers artisans de notre monument, a voulu que ce soit au président du comité de Versailles et environs, qu’il appartienne de prendre la parole puisque c’est à lui-même que revient l’honneur d’avoir sollicité cet emplacement auprès de la municipalité de cette ville.
Je l’en remercie sincèrement, car je sais que j’ai certaines obligations à remplir ici, que j’exécuterai, du reste, avec plaisir.
Je serai bref. Messieurs, car une voix plus éloquente et plus autorisée que la mienne parlera tout à l’heure au nom des retraités et de la Gendarmerie tout entière.
Ce fut en 1934 que les anciens de la gendarmerie des diverses associations, émus de voir que seule cette arme d’élite ne possédait pas une pierre, pas un marbre, pas un bronze susceptible de commémorer le sacrifice suprême de ses membres tombés pour la défense de la patrie, celle de la loi, de la justice et du droit, « entreprirent » de faire ériger un monument à la gloire de ces héros obscurs et cependant grands.
Mais une telle œuvre ne pouvait être entreprise sans avoir les fonds nécessaires à la construction.
Un appel fut alors lancé à tous les camarades de France et des colonies, ainsi qu’à tous ceux qui aiment la gendarmerie et que nous qualifions d’amis. Quelques semaines suffirent. Messieurs, pour permettre la réalisation de notre projet. Tous, des plus petits aux plus grands, ont répondu avec enthousiasme à cet appel. Hélas ! l’enthousiasme des édiles de la capitale ne fut pas le même quand ils reçurent de nos présidents du comité d’érection, je nomme le général Pacault et le colonel Lélu, une demande en vue d’ériger notre monument sur l’une des places de Paris. Après de belles promesses, cette demande subit bientôt le jeu de la balle et pendant près de deux ans elle se promena d’un bureau à l’autre de l’Hôtel de Ville, sans qu’aucune décision fût prise par quelque autorité que ce soit. C’est alors qu’en ma qualité de membre du comité d’érection, j’ai conclu qu’il fallait en finir avec Paris et chercher ailleurs un emplacement. Versailles, dont le nom évoque tant d’histoire à travers l’Europe et que j’avais déjà opposé à Paris, était à mon sens tout désigné pour recevoir notre monument.

Versailles est l’ancienne capitale du Royaume de France.
C’est à Versailles que se trouvait la gendarmerie royale qui a donné son nom à la gendarmerie actuelle lors de la suppression de la maréchaussée en 1791. C’est donc là qu’elle est née. C’est pourquoi. Messieurs, le 7 mars 1937, au cours d’une réunion du comité exécutif de la Fédération nationale à Paris, il fut convenu avec le président Madelaine, que j’adresserais sans retard une demande à M. le Sénateur-Maire de Versailles, en vue d’obtenir un emplacement digne de recevoir notre monument. Je me souviens même que ce jour-là j’assurais d’avance à mes camarades que cette demande serait certainement accueillie très favorablement à l’Hôtel de Ville de Versailles.
Je ne m’étais pas trompé, car le 8 mars j’envoyais la demande en question à M le Sénateur-Maire et le 11 mars (trois jours après), je recevais la réponse suivante :

Monsieur le Président,
J’ai soumis à la municipalité votre lettre du 8 mars, souhaitant l’attribution d’un emplacement à votre comité pour qu’il y soit érigé un monument national élevé à la mémoire des gendarmes et gardes mobiles morts pour la patrie ou victimes du devoir.
J’ai l’honneur de vous faire connaître que la ville de Versailles accueille avec empresse sèment votre suggestion et que nous poursuivrons dès maintenant l’étude pour faire choix d’un emplacement digne de recevoir votre monument et répondant par ailleurs aux conditions générales du programme que vous avez bien voulu me communiquer.
Veuillez agréer, etc.
Le Sénateur-Maire
Signé : Henry HAYE


J’en arrive donc aux obligations que j’ai pour devoir de remplir. Elles consistent à adresser au nom de mes camarades et en mon nom personnel, l’expression de notre très profonde gratitude à M. le sénateur-maire Henry Haye. qui nous est entièrement dévoué et qui nous comble de toute sa bienveillance.
Depuis bientôt dix ans, mes chers camarades, que je préside aux destinées de notre grand groupement de Versailles et environs. M. le Sénateur-Maire n’a jamais manqué d’assister à nos réunions annuelles et quand par hasard il fut obligé, par des circonstances professionnelles, de se faire représenter à notre table familiale, il y faisait quand même une courte apparition pour saluer les vieux serviteurs du pays.
Jamais, Monsieur le Sénateur-Maire, nous n’oublierons ce que vous avez fait pour nous et pour la gendarmerie tout entière.
Je remercie également de tout mon cœur M. le général Sutterlin. auquel nous devons aussi beaucoup de reconnaissance, car il s’est dépensé sans compter pour nous aider à réaliser notre projet. Il est notre grand avocat auprès de la municipalité de Versailles, étant lui-même conseiller municipal.
J’aurais garde d’oublier M le Député Fourcault de Pavant et mon ami Marcel Denis, conseiller gênerai et conseiller municipal de Versailles.
Et enfin, merci à tous ceux qui m’ont toujours accueilli avec sympathie à l’hôtel de ville de Versailles, je nomme tous les membres de la municipalité, y compris Mesdames les Conseillères, et sans oublier MM. Pitrois. ingénieur voyer. Roselier. secrétaire général. Et à vous aussi, mes chers amis, présidents et porte-drapeau de toutes les associations de mutilés anciens combattants, anciens militaires de Versailles et du Chesnay. qui avez répondu avec tant d’enthousiasme à notre invitation prouvant une fois de plus que vous répondez toujours Président quand il s’agit d’honorer ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la sauvegarde du droit et de l’ordre public, je vous dis merci. « Vive Versailles et Le Chesnay ! Vive la Gendarmerie et les Gardes Républicaines !
La Gendarmerie ne saura jamais être trop reconnaissante à M. le Sénateur-Maire de la bienveillance qu’il lui a témoignée, et M. le lieutenant Nicolas, en le remerciant, lui donna l’assurance de la gratitude de toute l’arme. »

Discours du colonel Lélu

M. le colonel Lélu, président de l’association des anciens officiers de la gendarmerie et des gardes républicaines, président du comité central exécutif du monument national, prit ensuite la parole en ces termes :

« Messieurs,
Je commence par excuser M. le général Pacault, président général de la société du monument, retenu au loin par une circonstance de famille.
Mes premières paroles seront pour remercier M. le Sénateur-Maire de Versailles et toutes les personnalités ici présentes ou représentées, d’avoir bien voulu, en la circonstance qui nous réunit aujourd’hui sur ce rond-point, venir donner à la Gendarmerie nationale, un grand témoignage d’estime, de sympathie et de considération. Je remercie en particulier :
M. le Préfet de Seine-et-Oise, représentant le Gouvernement ;
MM. les membres du Parlement (sénateurs et députés) ;
M. le général Dosse, membre du Conseil Supérieur de la Guerre, inspecteur général de la Gendarmerie ;
MM. les membres des assemblées municipales et départementales ;
MM. les magistrats du Tribunal et du parquet de Versailles ;
MM. les généraux et hauts fonctionnaires ;
MM. les artistes et architectes du monument ;
MM. les chefs de corps et officiers de l’arme et les délégations ;
MM. le colonel et les officiers et les élèves de l’École d’application de Gendarmerie ;
MM. les représentants de la presse ;
MM. les représentants des associations diverses ;
MM. les membres du jury et ceux du comité du monument, ainsi que leur actif délégué à Versailles, le lieutenant Nicolas.

Je les salue tous, très respectueusement, au nom de notre comité et du corps tout entier, et les assure de la plus vive gratitude de notre arme.
Monsieur le Sénateur-Maire, c’est un grand honneur que vous avez bien voulu faire à la Gendarmerie, et croyez bien qu’elle en apprécie tout le prix, lorsque vous lui avez accordé l’une des plus belles et des plus vastes places de la ville de Versailles, pour y ériger son monument. Ce monument, comme vous le savez, sera digne des œuvres architecturales et artistiques qui font la gloire de la France et de cette ville, qui reflète encore les splendeurs du Grand Siècle.
Qu’est-ce qui justifie l’érection à Versailles, de notre monument historique, alors que plusieurs villes, des marches du Nord aux bords de la Garonne, nous offraient de l’accueillir ?

Historique de la Gendarmerie
C’est tout simplement que l’acte de naissance de la Gendarmerie nationale se trouve à Versailles. En effet, sous la Révolution, l’Assemblée nationale, siégeant à Versailles, vota la suppression de la vieille maréchaussée, troupe plusieurs fois séculaire, à laquelle, seuls, commandaient les maréchaux de France, car elle était la troupe des maréchaux.
L’institution fut réorganisée, sous le nom de Gendarmerie nationale, le 16 février 1791. Elle prenait le nom des anciennes compagnies de gendarmes qui assuraient le service autour du roi, l’accompagnaient dans ses déplacements et à la guerre. Ces compagnies de gendarmes dont les éléments étaient de choix, tenaient généralement garnison à Versailles ou à proximité. Elles faisaient partie, avec la maréchaussée, de la gendarmerie de la maison du roi.
La Révolution, en donnant le nom de « gendarmerie » au corps nouveau qui succédait à la maréchaussée, avait voulu marquer le rang, le prestige et la considération qu’elle entendait attribuer à une troupe d’élite, en laquelle elle plaçait toute sa confiance, et qui remplaçait un corps dont le personnel était recruté parmi les meilleurs éléments de la cavalerie.
Nul lieu n’était donc mieux justifié que la ville de Versailles pour y ériger le monument à la gloire de la Gendarmerie et à la mémoire de ses morts, tombés sur les champs de bataille ou au service de la société.
Ce monument. Messieurs, qui sera grandiose, par ses dimensions et par sa valeur artistique, sera une synthèse des qualités et des vertus traditionnelles de la Gendarmerie. Cette arme, en effet, sous les diverses appellations qu’elle a portées, qu’elle fût monarchique, impériale, royale ou républicaine, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre, a toujours affirmé le même courage, la même bravoure, le même zèle, la même conscience dans l’exécution de ses devoirs, quels qu’ils aient été. L’esprit de discipline et de dévouement de son personnel, ont toujours été poussés jusqu’à l’abnégation et au sacrifice : nous en avons à chaque instant des témoignages.

Mission de la Gendarmerie
La Gendarmerie, qui rentre dans les attributions de presque tous les ministères, remplit une mission sociale infiniment variée et complexe.
Elle assure le respect des lois par tous les citoyens, dans la plus stricte impartialité. Elle est le rempart des braves gens contre les mauvais sujets et les malfaiteurs, et elle représente moins la loi qui frappe que la loi qui protège, cherchant toujours à ramener chacun dans la bonne voie, sans avoir à sévir.
La Gendarmerie n’est-elle pas aussi une sorte de providence, en particulier dans nos campagnes ? Lorsqu’un malheur, un. incendie, des inondations, un événement grave se produisent, n’est-ce pas à elle à qui l’on a immédiatement recours ? N’est-ce pas elle qui arrive généralement la première sur les lieux pour porter secours, protéger et se dévouer ? Dans nos cantons, n’est-ce pas la brigade de gendarmerie, tenue soigneusement à l’écart des luttes ou des animosités locales, qui constitue le recours tutélaire des populations contre les forces malfaisantes. Chacun sait aussi avec quel zèle elle s’emploie à la préparation militaire.

Faits d’armes et de gloire
Et puis, ce n’est pas tout, la Gendarmerie a toujours été et figure au premier plan, au service de la patrie ; la bravoure des gendarmes ne saurait être inconnue que des ignorants. Dans toutes les grandes campagnes, elle a figuré avec honneur parmi les troupes les plus courageuses, comme en témoignent les noms glorieux inscrits sur la soie de ses drapeaux et de ses étendards, décorés de la Légion d’Honneur.
Nous espérons bien y voir un jour la Croix de Guerre, rappelant les 4.000 citations individuelles obtenues pendant la Grande Guerre.
Elle s’est illustrée dans les campagnes de la Révolution et de l’Empire, où les régiments de gendarmerie ont fait des merveilles. Plus récemment, lors de la prise de la Smala d’Abdel-Kader, elle chargea glorieusement en tête de la cavalerie. À Sébastopol, ce fut un régiment de gendarmerie qui contribua, largement à la prise d’assaut du Mamelon-Vert. En 1870-71, trois régiments à pied et quatre régiments de gendarmerie à cheval prirent part à la lutte et tout le monde sait que c’est un régiment de gendarmerie à pied qui couvrit au Mans, dans le faubourg de Pontlieue, la défense de la ville, pour assurer la retraite de l’armée, sous les ordres du général de gendarmerie Bourdillon. C’est le général de gendarmerie Fauconnet qui dirigea, en octobre 1870, la défense de Dijon, où il fut tué.
Au cours de la dernière guerre, les officiers et militaires de gendarmerie n’ayant pas charge d’autres missions, ont servi, volontairement la plupart du temps, dans les autres corps de l’armée. Beaucoup sont tombés au Champ d’Honneur ou se sont couverts de gloire, sous d’autres drapeaux que le leur.
Comme on peut s’en rendre compte, par cette énumération sommaire, les vertus militaires de la Gendarmerie ne le cèdent en rien à ses vertus civiques, bien qu’au cours de la Grande Guerre, ces soldats d’élite n’aient pas eu la possibilité de donner en troupe, comme dans les campagnes précédentes, la mesure de leur héroïsme, car l’occasion ne leur en a pas été offerte. Et cependant, en temps de paix, la vie de ces soldats d’élite est constamment exposée : ce sont des combattants de tous les jours, dont les listes nécrologiques s’allongent, hélas ! trop souvent. Un Grand Livre d’Or qui va paraître donnera le récit admirable de cette histoire héroïque à toutes les pages.
Ici, chacun pourra bientôt venir honorer la mémoire de l’un des plus vieux combattants de France, exactement identifié : le prévôt des maréchaux, Gallois de Fougières, tué en 1415, à Azincourt, et dont les cendres retrouvées viendront, bientôt, reposer dans une crypte sous notre monument.
Vous avez entrevu. Messieurs, par ce court exposé, tous les titres que possède l’arme d’élite à la considération publique et au respect de tous. Elle est digne de la faveur qu’ont bien voulu lui accorder M. le Sénateur-Maire et la Municipalité de Versailles. Nul emplacement n’était mieux justifié que celui-ci pour voir ériger le monument.
Aussi terminerons-nous en exprimant d Monsieur Henry Haye, aux membres de la Municipalité de Versailles et du conseil général, ainsi qu’à toutes les autorités, à toutes les personnalités et aux chefs de service qui ont bien voulu s’intéresser à notre projet ou ont eu à s’en occuper, de vouloir bien agréer l’expression de la vive gratitude du comité du monument et de toute la Gendarmerie, dont je suis aujourd’hui le fidèle interprète.
Et bientôt nos distingués architectes et sculpteurs vont pouvoir commencer leurs travaux, pour préparer le grand jour qui verra à Versailles, de solennelles fêtes d’inauguration.

Nous devrons également beaucoup de reconnaissance à toutes les personnalités qui auront favorisé la réalisation de notre projet, et tout particulièrement à M. le Sénateur-Maire, Henry Haye, grand ami de l’arme d’élite, qui s’est tant dévoué en notre faveur, et dont l’action toujours bienveillante, a été pour nous un si précieux encouragement. Grâce à lui, aujourd’hui, le champ est libre et bientôt nous verrons s’élever sous le ciel de Versailles, les glorieuses colonnes du splendide mémorial. »


Discours de Mr Henry Haye

Pour terminer. M. le Sénateur-Maire de Versailles, prononça, avec son éloquence habituelle, l’allocution suivante :

« Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,
Le président Nicolas et le colonel Lélu vous ont fait entendre l’historique de la gendarmerie et des gardes républicaines.
Vous avez entendu les brillants faits d’armes accomplis par ces armes d’élite.
À l’intérieur du pays, le rôle qui incombe à la gendarmerie est des plus importants.
Et cependant, ces vaillants soldats que sont les gendarmes s’en acquittent avec dévouement. abnégation et discipline, faisant même le sacrifice de leur vie pour sauver celle de ceux qu’ils protègent.
En accueillant avec autant d’empressement la demande du président Nicolas, en vue d’obtenir à Versailles un emplacement pour y ériger le monument à la gloire de la gendarmerie et des gardes républicaines, la municipalité de Versailles a voulu rendre un hommage mérité à ces armes d’élite.

Aujourd’hui, Messieurs les membres du comité du monument, au nom de la ville de Versailles, je vous remets officiellement l’emplacement qu’elle vous offre gracieusement, et où votre monument, grâce à son architecture artistique, fera l’admiration du public.
Vous avez du reste su choisir des artistes d’un talent fort réputé.
Notre grand financier, le député Fourcault de Pavant, a bien voulu, exceptionnellement, nous accorder quelques crédits pour permettre l’exécution de certains travaux d’aménagement du rond-point.
MM. Batilliat, adjoint, par ses connaissances artistiques, et le général Sutterhn. conseiller municipal, qui s’est particulièrement occupé de la question de cet emplacement, furent les principaux artisans de la réalisation de ce projet à Versailles. Je les en remercie.
Les villes de Versailles et du Chesnay seront Hères, croyez-le bien, Messieurs, d’être les gardiennes vigilantes de ce monument. Il resserrera davantage encore les liens d’amitié qui existent déjà entre ces deux grandes cités, puisqu’il leur servira de trait d’union. »

LA REMISE A LA VILLE DE VERSAILLES
(12 Novembre 1941)
Le 15 septembre 1941, l’entourage de pierre du monument se trouvant enfin terminé, la ville de Versailles s’empressa d’organiser le terre-plein gazonné, devant constituer son encadrement d’ensemble. Les diligences (Ces diligences sont dues, tout spécialement, à M. Pitrois, ingénieur de la ville, auquel le Comité adresse l’assurance de sa plus vive reconnaissance, ainsi qu’à MM. Suttermeister, inspecteur-voyer, et Merciol, sous inspecteur-voyer.) furent telles que le 11 novembre suivant, tout était achevé. Dès lors l’œuvre monumentale s’offrait magnifique, dans toute sa splendeur, aux regards des visiteurs du ROND-POINT DE LA LOI.
C’est ce jour-là qu’en fut faite la présentation à Monsieur le Maire de la Ville de Versailles et à ses collaborateurs immédiats, par ses auteurs, dont les talents provoquèrent les plus élogieuses appréciations de tous.
Puis, dans une réunion tout intime, en raison de la situation, les présidents et quelques membres du comité du monument, tinrent à offrir leurs remerciements et l’expression de la reconnaissance de la gendarmerie à la Municipalité et à la ville de Versailles (MM. Fourcault de Pavant, maire, Denis et le général Sutterlin, adjoints, au maire de Versailles ; Crozet, maire, et Foucault, adjoint de la ville du Chesnay ; Pitrois, ingénieur de la Ville de Versailles ; le général Pacault, le colonel Lélu, le lieutenant-colonel Gaillardan, le capitaine Charle ; Madelaine, président général de la Fédération des retraités ; Nicolas, président de l’Amicale de Versailles et de Seine-et-Oise ; Oesch, vice-président ; Magnin, secrétaire ; Descoins et Dagron, administrateurs du Comité ; Kervella, président de la 13e section des Médaillés militaires de Versailles, et Nicod, Auzelle et Rispal, les auteurs du monument, étaient présents à cette réunion).
M. le Général de division Pacault, président général de la Société, prenant la parole, remit le monument à la Ville de Versailles dans les termes suivants, lors de cette cérémonie privée du 12 novembre 1941.

Discours du Général de division Pacault

« Monsieur le Maire,
Messieurs,
Nous remettons à la Ville de Versailles le monument de la Gendarmerie et de ses subdivisions les Gardes Républicaines.
La haute personnalité de M. Henry Haye domine nos pensées aujourd’hui plus que jamais : nous ressentons profondément l’honneur de son accueil, l’intérêt qu’il ne cessa de porter à notre œuvre, le soutien décisif de sa grande autorité, et notre reconnaissance est auprès de lui, ainsi que tous nos vœux pour son importante ambassade.
Nous gardons également la plus vive gratitude :
Aux pouvoirs publics qui nous ont donné leur appui moral ;
À M. le Préfet et aux conseillers généraux de Seine-et-Oise ;
Au Conseil municipal de la ville de Versailles : nous ne saurions oublier la bienveillance agissante de MM. Fourcault de Pavant. Batilliat, de M. le Général Sutterlin, de M. Denis ;
Aux associations d’anciens combattants ;
Aux administrations municipales, à M. Pitrois, ingénieur-voyer ;
Aux sociétés industrielles touchées par notre projet qui empiétait sur leurs installations ;
À M. le Maire du Chesnay, qui prévit, au milieu des craintes de sa ville, que la belle perspective de l’église Saint Antoine de Padoue, à l’extrémité du Boulevard du Roi, se marierait harmonieusement à celle de notre monument.
Partout nous n’avons trouvé qu’aide sympathique, grâce à la liaison qu’assurait avec intelligence et initiative M. le lieutenant Nicolas, président de l’Amicale des Anciens Gendarmes de Versailles.
C’est cette sympathie générale qui nous a conduits à la cérémonie d’aujourd’hui. En vous remettant notre monument, nous savons que vous veillerez sur lui, et déjà nous pouvons constater votre sollicitude à son égard par les embellissements que vous avez commencés sur la place et ses abords.

Et notre confiance est d’autant plus grande que notre monument est né de la collaboration de personnalités qualifiées et de maîtres éminents, de renommée mondiale qui en ont fait une œuvre digne de votre ville majestueuse :
Son Excellence M. Henry Haye, alors sénateur-maire de Versailles et aujourd’hui ambassadeur de France à Washington ;
M. le général Dosse, membre du Conseil supérieur de la Guerre, inspecteur général de la Gendarmerie, qui accepta la présidence d’honneur de notre comité ;
M. Le Sidaner, membre de l’Institut, président de notre jury, dont les œuvres ont l’honneur des musées de France et d’Amérique.
Nous rendons un pieux et reconnaissant hommage à sa mémoire.
II eût été heureux d’admirer aujourd’hui ce monument auquel il s’était donné de tout son cœur, et qui porte sa grande marque. C’est son dernier don à la ville de Versailles à laquelle il témoigna tant d’amour ;
M. le sculpteur Bouchard, et M. le sculpteur Gasq, grands sculpteurs de notre époque, tous deux de l’Institut ;
M. Patrice Bonnet, conservateur des Palais de Versailles et de Trianon, professeur d’architecture à l’École Polytechnique ;
M. Morlon, sculpteur hors-concours des artistes français ;
M. Nicod, auteur du projet retenu par le jury. Grand Prix de Rome, architecte des palais nationaux, professeur à l’École des Beaux-Arts, secondé par M. Auzelle, jeune architecte de grand avenir ;
M. le sculpteur Rispal, qui a sculpté notre monument, et qui nous donna tout son génie dans l’exécution de son beau travail.
Tels sont les parrains de notre monument : jamais filleul n’eut un tel parrainage. Et le filleul se montre digne de ses parrains. Nous les remercions tous du fond du cœur.

Je voudrais enfin exprimer au Colonel Lélu, président du comité exécutif, ainsi qu’aux présidents des associations d’anciens gendarmes et gardes, tous mes remerciements et toutes mes félicitations.
Le Colonel Lélu, officier au grand cœur connaissait bien ses gendarmes et il les aimait : son âme est bien celle d’un chef. Il a sonné le ralliement pour l’érection du monument destiné à consacrer leur gloire ainsi que la mémoire de ceux qui sont tombés pour la Patrie et pour la Loi. Il pensait à son achèvement en abattant tous les obstacles, ne ménageant son temps, ni même sa santé.
Les présidents de nos associations, parmi lesquels je suis heureux de saluer ici le président Madelaine, qui est une grande figure chez nos anciens, nous donnèrent un précieux concours en toute spontanéité : eux aussi formaient le même projet. Nous nous sommes appuyés sur eux en toute confiance et en toute sympathie, dans une union liée d’un fort ciment.
Et voici notre monument édifié : nous sommes d’autant plus heureux de vous le livrer que c’est à Versailles, berceau des lois, qu’il devait s’élever. Gendarmerie, Légions de Gardes sont en effet la Loi agissante : ELLES VEILLENT SUR LA CITÉ. qu’elles protègent en en faisant observer les lois. Vous l’avez précisé en donnant à l’emplacement de leur monument le nom de PLACE DE LA LOI.
De plus n’est-ce pas à Versailles, ville militaire, apothéose de la grandeur de la France, que devaient être glorifiées ces troupes d’élite qui. constituées en corps ou détachant des cadres aux armées, ont donné de si nobles preuves de leur valeur militaire, ainsi qu’en témoignent les inscriptions de leurs drapeaux et étendards ?
Vous honorez ainsi un corps d’élite, composé d’hommes de cœur. d’esprit droit et d’âme honnête, d’hommes qui. depuis toujours, vivent modestement sous la devise du Maréchal : TRAVAIL, FAMILLE. PATRIE.
Avant de s’armer, leurs mains avaient manié l’outil ou la charrue : ils viennent de la masse de notre race.
Dans leurs modestes casernes, ils conservent et fortifient les vertus militaires et civiques qui font leur force. Leur complète abnégation qui cherche à ne pas envenimer et même à guérir les plaies de la cité, n’a pas sa pareille au monde : elle est bien le reflet de la grande et généreuse France.
« Ils servent partout où flotte notre drapeau, et dans les terres lointaines sur tous les continents et dans les grands océans leurs auxiliaires indigènes sont leurs dignes émules ; eux aussi donnent à la grande patrie leur dévouement et leur inébranlable fidélité. Tous servent POUR LA PATRIE, LA LOI ET L’HONNEUR.
Ils maintiennent les fortes traditions de leur arme. Le Devoir est leur guide, et ils le suivent jusqu’au sacrifice suprême, bien que n’ayant souvent pour témoins que Dieu et leur conscience. Le silence s’établit sur leurs tombes, mais ici à Versailles, la cité proclame qu’elle connaît l’importance et la grandeur de leur mission, qu’elle estime leur valeur et leurs vertus. et qu’elle sait les honorer.
En 1918, M. le Maréchal Pétain. commandant les armées françaises, a déclaré :
La Gendarmerie a bien mérité de la Patrie », et nous avons inscrit cette fière citation au fronton de notre monument.
Aujourd’hui à Versailles, des voix s’élèvent de vos pierres, de vos parcs, de vos vastes avenues, voix toujours vivantes d’un magnifique passé. Ces voix d’autrefois s’unissent à celles du temps présent et de nos souscripteurs répartis dans le monde, pour proclamer à leur tour au nom de la France d’Europe et d’outre-mer :
LA GENDARMERIE MÉRITE BIEN DE LA CITÉ. »

M. le Colonel Lélu, président du comité central exécutif, s’associa ensuite, en quelques mots. aux paroles de M. le Général Pacault, pour dire, lui aussi, au lendemain de la victoire sur les difficultés qu’il fallut vaincre, toute la gratitude du comité, à ceux qui le soutinrent si énergiquement.
Il s’exprima ainsi :

« Monsieur le Maire,
Messieurs,
Que pourrai-je ajouter aux paroles si éloquentes, si pleines de cœur et d’affectueuse sympathie pour ceux dont il fut si longtemps le chef, que vient de vous adresser notre Président général, M. le Général de division Pacault. ancien inspecteur général de la gendarmerie, qui veut bien m’honorer de son amitié ? Je m’associe donc de tout cœur, au nom de la Société nationale des Officiers de Gendarmerie en retraite, que j’ai fondée et que j’ai l’honneur de présider, et au nom de mes collaborateurs du Comité Central Exécutif, aux pensées et aux sentiments si délicatement exprimés par notre président général.
Je me fais l’interprète de tous pour assurer de notre inaltérable reconnaissance, d’abord M. le Maire et la municipalité de Versailles, puis les auteurs de cette œuvre imposante, les personnalités, ainsi que les fonctionnaires, les employés de la ville, les artisans et les praticiens qui ont si vaillamment contribué et aidé à la réalisation de la splendide et grandiose œuvre artistique qui orne aujourd’hui le rond-point.
Et par-delà le vaste océan, de ce lieu historique, nous envoyons dès ce jour, par le cœur et par la pensée, l’expression de notre gratitude émue, au grand citoyen de France, à Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur Henry Haye, qui défend là-bas, dans un rôle difficile, délicat et rude, les intérêts de notre patrie. Notre arme n’oubliera jamais ce qu’elle lui doit et son nom demeurera à jamais vénéré dans la Gendarmerie.
En attendant le jour de l’inauguration solennelle, nous savons. Monsieur le Maire, que dès maintenant, votre bienveillante protection est acquise à ce monument qui symbolise le dévouement et les sacrifices des braves soldats serviteurs de la Loi, qui, depuis toujours, dans l’observation des règles de l’Honneur, consacrent leur vie au service de la Patrie et du Droit.
Que la Ville de Versailles soit à jamais remerciée ! »

À ces paroles, M. le Maire répondit par l’allocution suivante :

« Monsieur le Président général de la Société du Monument,
Mon Colonel,
Mesdames, Messieurs,
Au nom de la ville de Versailles, je vous remercie du don que vous venez de faire à, cette cité en lui remettant en toute propriété ce monument qui commémore la vaillance et le dévouement de la Gendarmerie et de la Garde républicaine.
En d’autres temps, ce geste eût été l’occasion d’une manifestation qui n’aurait pas été sans grandeur. Cette Place de la Loi – puisque telle est désormais sa nouvelle dénomination – je l’imagine cernée d’un cercle de mâts empanachés de banderoles, parés de lauriers verts et réunis par des draperies tricolores. Sur la chaussée sont alignés, en tenue de gala, les détachements de gendarmerie et de la Garde républicaine. Ils présentent leurs armes et leurs drapeaux. cependant qu’éclatent les sonneries de fanfares et que la foule acclame la Marseillaise jouée comme elle seule sait le faire, par la célèbre Musique de la Carde.
Aujourd’hui les circonstances veulent qu’il n’y ait aucun cérémonial. Votre geste n’en conserve pas moins, dans sa sobriété, toute sa noble signification.
Parmi les édifices appartenant à la Ville de Versailles, ce monument, élevé par souscription publique, prend désormais une place d’honneur.
Quelle éloquente leçon de civisme il donne à ceux qui en contemplent les lignes puissantes et sobres et qui y trouvent gravés dans la pierre les titres de noblesse de votre arme.
Le Maire de Versailles, et cette promesse engage ses successeurs, en fera assurer la garde avec les mêmes soins dont il entoure le monument aux morts ou la statue de Hoche, cet enfant de Versailles qui se couvrit de gloire comme chef d’armée aux frontières et comme pacificateur, rétablissant l’ordre à l’intérieur du pays.

Ceux que vous honorez aujourd’hui, à l’exemple de Lazare Hoche, mais à leur rang obscur, eurent aussi à combattre les ennemis de l’extérieur et à lutter pour rétablir l’ordre que pouvaient compromettre, sur notre territoire, les adversaires du régime ou de la société.
Nombre d’entre eux sont morts en service commandé. C’est à ceux-là surtout que vont nos pensées. C’est pour honorer leur sacrifice que la Ville de Versailles a attribué à ce monument commémoratif une des plus vastes places de Versailles, au risque de rompre l’ordonnance d’une des plus belles perspectives de la cité royale que la masse architecturale nouvelle allait couper.
Les artistes qui ont conçu et exécuté ce monument, MM. Nicod et Auzelle, architectes, M. Rispal, sculpteur, ont réussi, sans diminuer les vastes proportions qui convenaient à leur œuvre, sans l’écarter de l’axe de la perspective, à sauvegarder celle-ci. Je les en remercie et je les loue sans réserve du talent certain qu’ils ont déployé dans la conception et la réalisation du monument. J’aurais garde d’oublier d’exprimer les félicitations qui sont dues à l’entrepreneur, M. Echard, un de nos meilleurs techniciens du bâtiment, et à M. Pitrois, ingénieur de la ville, qui a réalisé la décoration des abords du monument et qui a disposé, à ses pieds, un splendide tapis de gazon.
Je veux aussi vous remercier. Monsieur le Président général de la Société du Monument, d’avoir pris la peine d’effectuer un long déplacement pour venir à Versailles faire remise à cette ville de cette œuvre monumentale.
II m’est agréable de pouvoir vous féliciter de vive voix d’avoir mené à bien la tâche que vous vous étiez imposée ; avec l’aide de vos collaborateurs dévoués, et notamment celle de Monsieur le Colonel Lélu, que je salue à vos côtés, vous avez vaincu tous les obstacles.
Désormais s’élèvent, dans le ciel de Versailles, les piliers robustes d’une porte nouvelle dédiée aux serviteurs de la Justice et de la Loi, symbole perpétuel du devoir et de la discipline. »

Le complément du grand livre d’or historique de la Gendarmerie nationale

Le complément du grand livre d’or historique de la Gendarmerie nationale est un ouvrage édité en 1947 par le comité exécutif. Il relate principalement les cérémonies officielles qui se sont déroulées en 1946 à l’occasion de l’inauguration du monument national de Versailles.

Les textes sont extraits du Grand livre d’or historique de la Gendarmerie nationale – Tome V – 1939.
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