SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE
Sainte Geneviève, patronne de la gendarmerie

 

Le 18 mai 1962, la Gendarmerie reçoit le privilège de partager avec Paris le patronage de Sainte Geneviève par le Rescrit du Pape Jean XXIII, répondant ainsi à la requête de l’Évêque aux Armées et du Père Wagner, Aumônier national. En souvenir du miracle des « Ardents » la fête liturgique fixée au 3 janvier est portée pour la Gendarmerie au 26 novembre.
Née vers 420 en Gaule et morte vers 500, sa vie est ponctuée de miracles. Mais Geneviève est connue surtout pour sa défense de la ville de Lutèce. En effet, lorsque Attila envahit la Gaule en 451, elle s’attache à relever le moral des lutéciens et organise la défense de la ville qui reste inviolée.
À la mort de Childéric en 481, son fils Clovis lui succède. Ce dernier décide de porter le dernier coup à la puissance de Rome déjà chancelante. En 486, il entreprend la conquête de la Gaule. Geneviève prône la résistance au nom de la défense de la foi chrétienne face aux Francs païens. Clovis se heurte à la défense de Paris que Geneviève soutient en organisant son ravitaillement malgré le blocus des Francs. Paris ne tombe pas.
C’est donc grâce à son comportement remarquable dans les moments difficiles et son action en faveur des populations que Geneviève est choisie comme patronne de la Gendarmerie. Le cierge constamment allumé qu’elle tient à la main sur les représentations traditionnelles symbolise l’ardeur jamais éteinte, qu’elle a le don de communiquer à son entourage.

 

Le nom de Geneviève et l’origine de sa famille

L’origine et le sens du nom de Geneviève ont donné lieu à des discussions qui ne sont pas closes. On lui a trouvé des origines celtes ou germaniques. On penche actuellement pour des formes romanisées de deux mots germaniques dont le sens n’est pas clair. Son père a un nom latin, Severus ; sa mère, un nom grec, Gerontia. Le premier fut répandu en Gaule, le second n’est attesté qu’au masculin. Des parents qui donnent à leur fille un nom germanique, alors qu’eux-mêmes portent des noms gallo-romains, sont-ils nécessairement des Germains ?
Le palais de Rueil était situé dans la paroisse de Nanterre, qui était un point stratégique important. En 591, le roi Gontran y fit baptiser son neveu Clotaire. Cette terre d’empire était donc passée aux rois francs à la fin du Vlè siècle, mais il est peu probable qu’ils l’aient possédée au début du Ve siècle.
En 429, Geneviève est une jeune chrétienne. Ses parents, qui l’ont fait baptiser, étaient donc chrétiens à une époque où le roi des Francs et ses compagnons sont païens. Petite fille, Geneviève se sent parfaitement à l’aise avec les évêques ; adulte, elle entretiendra de bons rapports avec les princes francs. Est-elle la fille d’un officier franc installé à Nanterre, après avoir servi l’Empire, ou appartient-elle à une famille gallo-romaine qui flatte les envahisseurs en les admettant dans sa société ?
Toutes les hypothèses sont séduisantes, et tous les historiens sont d’accord pour reconnaître que, faute de documents précis, le problème est difficile. Avouer que l’origine gallo-romaine paraît plus probable n’élimine pas toutes les objections, même si aucune ne paraît actuellement déterminante.

 

Pape Jean XXIII – « Que le souvenir de ce qui suit soit conservé pour toujours »

Que le souvenir de ce qui suit soit conservé pour toujours

Selon une ancienne et louable coutume, nombre d’armées chrétiennes se confient à la protection des saints du ciel, afin d’être défendues, par leur secours, dans les adversités, d’être à l’abri des périls menaçants, de remporter la victoire désirée.
Ceux à qui est confiée la garde de la sécurité publique n’ont pas moins besoin d’un tel patronage : il leur revient de défendre les lois de leur pays, de veiller au bien de la société humaine, de réprimer l’audace des malfaiteurs. En France les gardiens de l’ordre public ont coutume de se tourner vers la vierge sainte Geneviève, lumière de leur patrie, qui se montra autrefois, ainsi que le souvenir s’en est conservé, le soutien du peuple dans les graves périls, et qui n’a cessé, dans la gloire éternelle, de répandre des bienfaits sur ceux qui la prient.
Aussi notre cher fils, le cardinal Maurice Feltin, archevêque de Paris et vicaire aux armées françaises, nous a-t-il demandé d’accorder que sainte Geneviève soit la patronne des gendarmes français, gardiens de l’ordre public.
Pour augmenter leur piété envers Dieu et pour les fortifier par le secours d’En-Haut, nous avons de grand cœur décidé de répondre favorablement à ce vœu.
Dans ces conditions, selon l’avis de la Sacrée Congrégation des Rites, de science certaine et après mûre délibération, usant de notre pleine puissance apostolique, par la vertu de ces présentes lettres, d’une manière éternelle, nous établissons la vierge Sainte Geneviève comme patronne céleste principale auprès de Dieu des gendarmes français. gardiens de l’ordre public ; nous le décidons et le déclarons. Tous les privilèges et honneurs liturgiques qui appartiennent aux patrons principaux des communautés ou des ordres découlent de cette décision, sans que rien puisse s’y opposer.
Nous édictons et nous établissons ce décret, décidant que les présentes lettres seront et demeureront toujours fermes, valides et efficaces, qu’elles auront et obtiendront toujours leurs effets pleins et complets, qu’elles profiteront pleinement maintenant et dans l’avenir à ceux qu’elles concernent ou pourront concerner. C’est ainsi qu’il doit être jugé et défini selon le droit. Est nul dès maintenant et deviendra sans effet tout ce qui pourrait être tenu contre les présentes, de bonne foi, par quiconque, quelle que soit son autorité.
Donné à Rome, près de saint Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le 18 mai 1962, la quatrième année de notre pontificat.

HJ. Card. Cicognani,
Secrétaire d’État.

 

Allocution prononcée par l’Abbé Wagner, au cours de la messe célébrée le 3 janvier 1963

Allocution prononcée par l’Abbé Wagner, Aumônier militaire, au cours de la messe célébrée le 3 janvier 1963 en la chapelle Saint-Louis des Invalides à l’occasion de la Sainte-Geneviève.

Pourquoi sainte Geneviève patronne de la Gendarmerie ?

N’y avait-il pas, dans le passé, une sainte vénérée par la Gendarmerie ? Si nous nous reportons à l’étude très pertinente du capitaine Saurel dans la Revue historique de l’Armée, le numéro consacré à la Gendarmerie, nous apprenons que les sergents d’armes, lors de la bataille nationale de Bouvines, le 27 juillet 1214, firent vœu d’établir une église en l’honneur de « Madame Sainte Catherine » De retour dans la capitale, après la bataille, le vœu n’est pas oublié… ruait une église conte cher et, chacun sait que, surtout à l’époque, les sergents d’armes ne sont pas fortunés.
Il faut attendre la venue du roi très pieux qu’est Louis IX, plus connu sous le nom de saint Louis, pour que cette église soit enfin édifiée, c’est l’église sainte Catherine du Val des Escholiers. Cette église fut détruite en 1783. mais nous avons toujours deux plaques qui rappellent le venu des sergents d’armes du roi.
Sainte Catherine, dont nous ne connaissons qu’une légende, était invoquée comme le symbole de la foi et de la fidélité envers et contre tout. C’est pourquoi elle est souvent priée par les hommes d’armes du moyen âge… et c’est elle qui apparut à sainte Jeanne d’Arc pour lui confirmer, de la part de Dieu, sa mission.
À notre siècle de science, il nous fallait une sainte qui soit autre chose qu’une légende. C’est pourquoi fut proposée sainte Geneviève.
Mais dira-t-on : n’est-ce pas la patronne de Paris ? Et dans ce cas pourquoi n’est-elle pas tout simplement la patronne de la Garde de Paris.
Disons tout de suite que ce patronage justifié de Paris amoindrit cependant le rayonnement de la sainte… qui bien que née à Paris, est plus française que simplement Parisienne.

 

Jetons donc un regard sur la vie de sainte Geneviève

Née vers 420, Geneviève fut présentée par ses parents à l’évêque d’Auxerre, de passage à Paris avec saint Loup de Troyes. Ces deux évêques se rendaient en Angleterre. Saint Germain aida la jeune fille à préciser sa vocation religieuse et quelque temps après Geneviève faisait vœu de virginité avec deux compagnes plus âgées, et ensemble elles se dévouaient au service de leurs concitoyens. À l’époque, les religieuses ne connaissaient pas la vie cloîtrée, elles vivaient dans le monde, témoignant au milieu de leurs semblables, dans la vie de tous les jours, avec ses servitudes et ses difficultés, de l’Amour du Christ.
Geneviève avait une grande dévotion pour les saints qui avaient fait la Gaule chrétienne : saint Denis et saint Martin.
En 451, elle avait environ 30 ans, elle releva le courage des Parisiens abattu par l’invasion d’Attilla. Elle parvint, non sans peine, à les décider rester dans leur ville. Les paniquards faillirent lui faire un mauvais parti, elle était « la prophétesse de malheur » L’arrivée opportune de l’archidiacre d’Auxerre, porteur d’éloges pour Geneviève de la part de saint Germain (mort en 448), aida la sainte à vaincre les complots et les mauvais esprits. Paris demeura inviolée. Quelque temps après, une longue et difficile campagne des Francs commença. Cette campagne devait durer selon les uns cinq ans, selon les autres dix ans. Il ne restait qu’un moyen de communication : le fleuve, la Seine Geneviève l’utilisa pour aller chercher du ravitaillement à Troyes. Le succès de l’entreprise lui permit de monter un service d’entraide favorisant les pauvres gens et les malheureux.
Elle fit des démarches auprès du roi franc Childéric en se rendant elle-même au camp du roi en Champagne pour défendre les prisonniers et adoucir leur captivité. Clovis lui accorda même la libération de prisonniers et la grâce de certains soldats qui s’étaient rendus criminels. Les bonnes gens la virent à Meaux, à Laon, à Tours, à Troyes. Elle parcourut toute la France d’alors, secourant les uns, guérissant les autres, nourrissant les affamés. protégeant tous ceux qui en avaient besoin, organisant des secours, orientant les découvertes.
Elle est morte le 3 janvier 500, certains précisent 502.
Ainsi, pendant 80 ans, elle fut l’armature de tout un pays, et nous pourrions utiliser en partie celle définition que, en 1832. le général Ambert donnait du gendarme dans le Moniteur :
« Quelle est donc celle femme ? Quelle passion l’anime ? Quel intérêt la guide ? Quel intérêt la soutient ? Cette femme était simple de cœur elle avait l’esprit droit, l’âme honnête. Elle ne connaissait que le devoir.
Son intérêt était le bien de ses semblables.
Sa religion était l’Amour du Christ pour les hommes ses frères. »

 

De cette brève histoire de sa vie, nous pouvons, en effet, faire ressortir ces missions qu’aujourd’hui la Gendarmerie accomplit :
– elle lutte contre les fauteurs de trouble : qu’ils soient d’origine politique comme lors de l’invasion d’Attila : qu’ils soient d’origine sociale comme les intermédiaires et les exploiteurs de la misère humaine, les trafiquants de marché noir ; qu’ils soient des soldats qui abusent de leur force ;
– elle maintient l’ordre : par son calme, sa maîtrise d’elle-même dans les malheurs oui les dangers de la guerre proche. Elle rassure, elle apaise, elle ne se laisse pas impressionner par les cris ou les insultes, elle ne tient pus rancune à ses ennemis, elle met tout en rouvre pour que la cité soit un ensemble cohérent qui fonctionne et agit ;
– elle porte secours : elle soigne les malades, les guérit par des miracles importants, elle protège l’enfance et laite une œuvre éducatrice par les conseils qu’elle donne aux jeunes. Elle n’hésite pas à se déplacer pour aller porter secours là où on l’appelle. Elle intervient pour les prisonniers et surtout elle organise le ravitaillement en temps de guerre ;
– est-ce forcer l’histoire de dire que sainte Geneviève fut par sa vie, un modèle pour ceux qui devaient devenir dans les états modernes et organisés, l’ossature de l’administration du pays ?
– parce que chrétiens réunis pour la prier, il nous reste à répondre à une dernière question : comment sainte Geneviève put-elle faire face simultanément à toutes ses obligations, à toutes ses missions ?
– la réponse est simple, elle nous est donnée par le passage de la Bible que les prêtres et les religieux lisent à l’office solennel de la sainte : c’est une prière du prophète Isaïe dont il est plus que probable que Geneviève a souvent médité (les chrétiens des premiers siècles connaissaient bien leur Écriture Sainte) :

 

Is Chap. 58 6-10

« N’est-ce pas ceci le culte que j’aime, dit Dieu
ouvrir les chaînes injustes,
délier les liens du joug de l’esclavage,
renvoyer libres les opprimés,
briser tout espèce de joug.
Ne consiste-t-il pas à rompre ton pain avec celui qui a faim ?
à recueillir chez toi les malheureux sans asile,
si tu vois un homme nu à le couvrir,
à ne point le détourner de ton semblable.
Alors, la lumière éclatera comme l’aurore…
… ton salut marchera devant toi et la Claire de Dieu le suivra.
Ta lumière se lèvera dans les ténèbres…
Dieu le guidera sans cesse
et rassasiera ton âme même dans les déserts…
tu seras comme un jardin bien arrosé,
comme une source d’eau vive qui ne tarit pas. »
Au cours de cette messe, demandons à notre sainte patronne qu’elle donne ainsi à chaque gendarme de vivre de mieux en mieux ce passage que son exemple et la mission de l’Arme lui proposent.

Amen.

 

Brève histoire de sainte Geneviève

Genofeva (Fille du ciel) est née et a été baptisée en l’an 422 dans le petit bourg de Nanterre, près de Lutèce.
À l’époque, les Gaulois sont divisés : les uns soutiennent les Romains, dont l’empire craque de toutes parts, les autres soutiennent les Francs.
Geneviève, très intelligente et réfléchie, participe à l’inquiétude générale pour l’avenir du pays. Sous l’influence de deux évêques, Saint Germain d’Auxerre et Saint Loup de Troyes, qui combattent les hérésies du moment, elle s’engage à dix ans, dans sa générosité d’enfant, à une parfaite pureté de corps et d’esprit. Avant sa vingtième année, elle confirmera son engagement au service de Dieu et de l’Église.
À 20 ans, elle perd ses parents et s’en va vivre à Lutèce, près de sa marraine épouse d’un notable de la ville. Elle guérit alors d’une paralysie foudroyante ce qui conforte sa foi, en dépit des calomnies de ceux que trouble sa manière de vivre. Elle fonde alors à Lutèce, vers 450, le premier couvent de femmes, au moment où Attila « fléau de Dieu », venu avec ses hordes de barbares d’Europe Centrale, approche de la ville, en semant sur son passage, la mort et la désolation. La panique gagne les habitants de Lutèce. Les autorités organisent l’évacuation de la population. Geneviève s’y oppose « Priez, faites pénitence, et Lutèce sera sauvée ». Sous son influence, alors même que certains ayant fomenté contre elle une sédition s’apprêtent à la lapider et à la jeter à la Seine, la population hésite, incitant Attila à diriger son armée vers Orléans où il est défait près de Chalon-sur-Marne, en 451.
Geneviève, célèbre par ses miracles, devient gardienne de la cité : sa popularité lui permet de poursuivre sa vie de renoncement au service des autres.
Vers 457, Mérovée, troisième roi de Francs, encercle Lutèce, où les Romains ont une forte garnison. Après un siège de cinq années, il s’en rend maître pour en faire la capitale de son royaume. Mais ce siège qui a ruiné tous les environs de Paris, sera suivi d’une grande famine. En remontant le cours de la Seine, Geneviève organise le ravitaillement de la cité, réalisant de nombreux miracles au long de son voyage. Elle délivre ainsi Paris d’une ruine inévitable.
Plus tard, à sa requête, Clovis délivre des prisonniers, donne de grandes aumônes au clergé et aux pauvres, et fait bâtir des églises, dont celle de Saint Pierre et Saint Paul, sur le mont, dénommé par la suite « montagne sainte Geneviève », pour avoir été le lieu de sa sépulture, aux côtés de Clovis et de Clothilde, et celui de ses miracles.
Par Geneviève, la France sera la première nation à se lier officiellement à l’Église. La Sainte meurt en l’an 512, à l’âge de 90 ans, son tombeau devient un lieu de pèlerinage. Les miracles se multiplient après sa mort, le plus célèbre étant celui du « mal des Ardents » obtenu le 26 Novembre 1130, après une procession des reliques de la Sainte dans Paris. Tous les malades atteints de cet érysipèle gangreneux et épidémique mortel, étaient instantanément guéris en touchant la châsse.
Par rescrit en date du 18 Mai 1962, le Pape Jean XXIII a désigné, solennellement, Sainte Geneviève comme patronne de la Gendarmerie.
La Gendarmerie fête sa Sainte Patronne à une date aussi proche que possible du 26 Novembre. Cette date a en effet, été estimée la plus pratique au regard du volume comparé des charges du service au cours de l’année.
Par le modèle de courage exceptionnel d’initiative, de sens du devoir, de dévouement au service des autres et d’efficacité dans l’action, qu’elle a été tout au long de sa vie, par son souci de l’ordre et de la paix dans la cité, Sainte Geneviève présente en effet des vertus qui la désignaient tout naturellement pour être la Patronne de la Gendarmerie.

 

Sainte Geneviève « Patronne de Paris », par Fabienne Nitro-Garriga

Au printemps 451, un vent de panique balaie le nord de la Gaule : ATTILA, à la tête des hordes de HUNS, d’OSTROGOTHS, de FRANCS, et de BURGONDES, a franchi le Rhin. Le 7 Avril, METZ est prise, pillée et incendiée ; sa population, laïque et cléricale, qui, en cette veille de Pâques, se préparait à célébrer l’Agneau Pascal, est en grande partie égorgée. La prochaine étape de celui qui se dénomme lui-même le « fléau de Dieu » pourrait bien être Paris.
Dans leur ville les Parisiens, en proie à la terreur, se préparent à l’exode, entassant biens et familles dans des chariots ou des bateaux. La fuite semble être la seule voie de salut. Certes, l’île de la Cité et le Forum, sur la rive gauche de la Seine, sont fortifiés ; sans doute, les Parisiens pourraient-ils s’y retrancher ; mais quels secours pourraient-ils espérer ?
En ce cinquième siècle, l’Empire Romain d’Occident s’est effondré. Incapables d’endiguer le flot des Barbares, les empereurs successifs les ont laissés s’installer sur le territoire de la Gaule, en échange d’une reconnaissance théorique de la souveraineté romaine. Ainsi, les WISIGOTHS, ont créé leur propre royaume autour de leur capitale TOULOUSE. Des BURGONDES occupent la Sapaudia, actuel Jura Suisse et Français ; les FRANCS SALIENS règnent sur le nord-est, de Nimègue à Tournai. La puissance de l’Empire n’est plus qu’un souvenir amer et les villes abandonnées à elles-mêmes se sont repliées à l’abri de puissants remparts.
Dans la cohue bruyante qui se presse dans les rues de l’île, une voix s’élève pourtant pour appeler les hommes au courage et à la foi :
Attila n’assiégera pas Paris, Dieu ne le permettra pas, les Chrétiens doivent avoir confiance. Celle qui ose ce sermon, en ces heures de panique, se nomme Geneviève.
Les Parisiens la connaissent bien pour l’avoir souvent entendue prêcher.
Mais ce jour-là, excepté quelques femmes de l’aristocratie qui se rassemblent dans le baptistère Saint Jean pour implorer la protection divine, les Parisiens ne sont nullement disposés à prier. La foule, hostile se masse autour de Geneviève. Chacun sait que la jeune femme ne se contentera pas de porter la bonne parole aux fuyards apeurés. D’origine noble, riche et d’une personnalité exceptionnelle, Geneviève bénéficie d’un crédit certain auprès des magistrats de la Cité.
À la curie, son avis est écouté et l’exode, si elle s’y oppose, risque d’être interdit. Aussi, loin de calmer les Parisiens, les sermons de la jeune femme les exaspèrent. Peu à peu la fureur sourd autour d’elle. Déjà d’aucuns se baissent et ramassent des pierres « A mort la fausse prophétesse ! » Mais un homme s’interpose : archidiacre d’Auxerre, il apporte à Geneviève les eulogies – i.e à l’origine, pains non consacrés que les fidèles offraient et qui, une fois bénis, étaient distribués au peuple. Par la suite, furent appelés « les eulogies » les petits cadeaux, objets bénis, que les évêques ou les communautés religieuses s’échangeaient en gage d’amitié – que l’Évêque GERMAIN a laissées pour elle en mourant, trois ans auparavant.
Est-ce véritablement l’évocation du défunt saint évêque d’Auxerre qui détourne les Parisiens de leur funeste projet ? L’archidiacre n’est-il pas également porteur de la bonne nouvelle : Attila vient d’être battu aux Champs Catalauniques, en Champagne. Abandonnant METZ à ses ruines, le khan (roi HUN ou MONGOL) et ses hommes avaient progressé vers le sud ouest, dévastant bourgs et villes sur leur passage et mirent le siège devant ORLEANS. Mais la cité, sous la houlette énergique de son évêque Aignan, avait résisté. Au chant des psaumes, lors d’une procession, les assiégés s’en étaient remis à Dieu. Pragmatique, Aignan avait également lancé un appel de détresse au chef des armées romaines, Aétius.
Le Généralissime connaissait bien les HUNS, desquels enfant, il avait été l’otage. Lié à Attila, il avait su, à l’occasion, pour servir Rome, ou sa carrière, utilisé son redoutable ami. Aétius était donc l’homme de la situation ; mais ses effectifs, trop peu nombreux, ne pouvaient seuls intervenir utilement. Il fallait demander aide aux Barbares, et en premier lieu, aux plus puissants d’entre eux, aux WISIGOTHS, qu’Aétius avait combattus quelques années plus tôt, alors qu’ils tentaient de s’emparer d’ARLES, capitale des Gaules. Le noble Avitus, diplomate apprécié à la cour du roi Wisigoth Théodoric 1er, avait mené avec succès les négociations.

 

LES ROMAINS, AVEC ET CONTRE LES BARBARES

Aussi est-ce solidement encadrée de troupes Wisigothiques, mais aussi Franques et Burgondes, que l’Armée romaine, qui comprenait elle-même nombre de Germains, avait marché sur ORLEANS. À cette nouvelle, Attila avait levé le camp et esquissé un mouvement de repli vers TROYES. Le nombre d’hommes que regroupaient les deux armées demeure ignoré ; mais Jordanes, historien du VI ème siècle, parle d’une innombrable multitude et estime les effectifs Hunniques à 500.000 combattants. Ce chiffre, largement surévalué, est néanmoins révélateur de l’ampleur exceptionnelle des forces en présence.
C’est aux Champs Catalauniques – parfois également appelés les Champs de Mauriac et qu’on s’accorde aujourd’hui à situer quelque part entre TROYES et CHALONS-SUR-MARNE, sans plus de précisions – que le choc avait eu lieu le 20 Juin. La bataille acharnée avait finalement tourné à l’avantage des Romains et de leurs alliés, obligeant Attila à se retirer sans qu’Aétius juge opportun de le poursuivre. Les Burgondes avaient été décimés ; les Wisigoths, durement éprouvés, avaient perdu leur roi Théodoric, tué au combat. Les pertes étaient également lourdes chez les Francs. Mais la victoire devait auréoler ces peuples Barbares d’un nouveau prestige et démonter pleinement l’étendue de leur puissance. L’humiliant désastre de Rome, capitulant devant Attila l’année suivante, le prouverait assez : les Champs Catalauniques avaient été l’œuvre des Germains, sans lesquels les Romains se révélaient incapables de s’opposer aux armées du Khan.

Quoi qu’il en soit, le « fléau de Dieu » avait été chassé, Paris épargné comme Geneviève l’avait prédit, peut-être même grâce à son intercession. Germain d’Auxerre avait raison, Geneviève est bien l’élue de DIEU et personne dans Paris ne saurait plus en douter. C’est en effet à Germain d’Auxerre, si l’on en croit le premier biographe de Geneviève, que celle-ci doit sa vocation. Elle n’a guère que sept ans quand le saint évêque et son ami Saint Loup de Troyes débarquent à NANTERRE, halte dans le long voyage qu’ils ont entrepris, en cette année 429, pour les îles Britanniques où sévit le pélagianisme – i.e hérésie apparue au V ème siècle en Occident, professée par Pélage, né vers 360 au Pays de Galles. Pélage reconnaissait à l’homme un libre arbitre total dans la pratique de la vertu, la grâce n’étant qu’un adjuvant. Il niait le péché originel qui entache tout être à sa naissance, ôtant ainsi au baptême sa puissance salvatrice et à la rédemption sa raison d’être -.
Aux parents de Geneviève, Sévérus et Gérontia, venus avec une foule dense faire les honneurs du vicus, – i.e dans l’antiquité d’influence latine, agglomération secondaire : bourg ou village. – Germain prophétise :
« Heureux êtes-vous d’être les parents d’un tel rejeton ‘ Elle sera vénérée. Savez-vous qu’à sa naissance il y eut une grande joie parmi les Anges et que cet événement a été célèbre avec allégresse ? » Geneviève veut-elle être consacrée à Dieu ? Germain, cette fois, s’est adressé directement à l’enfant qui acquiesce. « Béni sois-tu, Père, tu vas au-devant de mes désirs ».
Quelques jours plus tard, Geneviève, se prépare pour se rendre à l’office lorsque sa mère lui intime l’ordre de rester à la maison. Geneviève refuse, s’entête. Le ton monte et la brûlure d’une gifle met brutalement fin à la rébellion enfantine. À l’instant précis où Gérontia a infligé le soufflet à sa fille, une obscurité totale l’a enveloppée. Elle demeura ainsi aveugle près de deux ans, jusqu’à se qu’ayant enfin admis la prédestination de son enfant, elle soit guérie miraculeusement par celle-ci. À la mort de ses parents, Geneviève ne peut rester seule. Elle quitte NANTERRE, et, suivant les conseils du Concile d’Hippone de 393 recommandant que les vierges consacrées orphelines soient confiées à des femmes pieuses et sages, s’installe chez sa mère spirituelle, probablement sa marraine, à Paris, dans l’île de la Cité, où elle ne tarde pas à tomber malade. Ayant sombré dans une inertie totale, elle est tenue pour mourante et veillée pendant trois jours et trois nuits. Mais ces heures qui s’égrènent entre vie et mort lui révèlent successivement les splendeurs du Paradis et les horreurs du cloaque infernal. De ces visions sa foi sortira fortifiée.
Rétablie, Geneviève fréquente assidûment l’office et pratique une ascèse rigoureuse, émaillée de longues nuits de prière et de jeûnes excessifs. Pourtant, l’animosité ne cesse de croître autour d’elle et ce sont des propos fort peu élogieux qui sont rapportés à Germain lorsque celui-ci, au cours d’un second voyage pour la Bretagne, en 444/447 s’arrête à Paris et s’enquiert de sa protégée.
La malveillance des Parisiens, peut surprendre. Certes, il est mal perçu qu’une femme prêche à des hommes en public, ce que Geneviève a coutume de faire, et en 475, un canon interdira cette pratique jugée peu conforme à la bienséance.
Mais cette attitude, aussi déplacée puisse-t-elle paraître, ne suffit pas à justifier les calomnies dont Geneviève fait l’objet.
Comme le révèle son prénom GENOVEFA, aux consonances franques, Geneviève est une Barbare. Sans doute est-elle issue d’une de ces nobles familles Germaines, liées depuis longtemps à l’Empire et menant une carrière prestigieuse au sein de l’Armée Impériale. Ainsi, son père Sévérus a-t-il probablement combattu aux côtés des Romains en maintes occasions. Peut-être, lors des terribles invasions vandales de 406, faisait-il partie des troupes Franques qui défendirent vaillamment la frontière Rhénane. Mais les aristocrates Barbares et leurs hommes ne sont pas pour autant des appuis sûrs. Les alliances, fragiles, se font et se défont au rythme des changements politiques et des intérêts de chacun. Ennemis, les Germains sont des guerriers redoutés pour leur science des armes et leurs exactions ; alliés, ils se révèlent des hôtes turbulents et brutaux que les Romains méprisent. Mais, après les Champs Catalauniques, les rôles sont redistribués. Il est devenu évident que la Gaule ne peut espérer subsister sans la protection des Barbares. Dans le nord, la romanité pour survivre doit se concilier les faveurs des chefs Francs.
Que les médisances à l’encontre de Geneviève se métamorphosent précisément à cette époque en louanges ne saurait être fortuit. Les Parisiens vont avoir besoin d’un porte-parole auprès des Barbares, et qui pourrait mieux remplir cette fonction qu’une des leurs, noble, déjà écoutée des magistrats de la Cité et élue de Dieu de surcroît ? Parmi tous les Barbares alliés, – ou supposés tels – qui gravitent autour de Paris, le Franc Childéric jouit d’un prestige particulier. Un traité, lui confiant l’administration civile et militaire de la Belgique Seconde, l’unit au nouveau chef des armées, le maître de la milice Aégidius. Légitimant son autorité sur le territoire gaulois, cette reconnaissance officielle assure par contrecoup sa suprématie sur les autres rois Francs. Par intérêt politique, mais également, comme nombre d’autres Germains, par fascination pour l’Empire et la brillante civilisation qu’il a générée Childéric a opté pour le statut de fédéré et la subordination à Rome. Avec fierté, le Barbare arbore les insignes du Général romain – fibule cruciforme en or et paludamentum – i.e ample manteau de couleur écarlate attaché par une fibule sur l’épaule droite, porté par les hauts dignitaires de l’armée Impériale et en premier lieu par l’Empereur – insignes qu’il emportera dans sa tombe. Aégidius, quant à lui, y a gagné un renforcement de ses effectifs militaires, qui va lui permettre de combattre avec succès le péril wisigothique. En 461, Majorien, dernière grande figure impériale d’Occident, est mis à mort par le puissant Ricimer, qui aristocrate suève et fils d’âne princesse wisigothique, nommé patrice par l’Empereur d’Orient, mène une politique favorable aux siens. Aégidius, ami de l’Empereur exécuté, est aussitôt relevé de ses fonctions et remplacé par Agrippinus, aristocrate Gaulois que Majorien avait fait juger et condamner pour trahison. Refusant de reconnaître toute légitimité au gouvernement en place et fort de soutien de la Gaule septentrionale, Aégidius rentre alors en sécession avec Rome. La rupture entre la Gaule du sud, aux mains des Wisigoths et fidèle à Ricimer, et la Gaule du nord, s’appuyant sur les Francs pour préserver sa romanité, est consommée. En 463, Aégidius et Childéric écrasent les armées wisigothiques près d’ORLEANS.

 

Message de l’Aumônier de la Gendarmerie, Père Marcel Dubernard, pour la fête de Sainte Geneviève

 

Fêter Sainte Geneviève : Pourquoi ? Comment ?

En 1962, à la requête de l’Évêque des Armées et du Père WAGNER, Aumônier national, le Pape Jean XXIII proposa le patronage de Sainte Geneviève, vénérée depuis longtemps à Paris, comme gardienne de la Cité, aux familles catholiques de la Gendarmerie française.
Ce sont donc les Chrétiens qui sont à l’origine de cette fête. Il semble légitime qu’ils souhaitent se réunir et prier ensemble à cette occasion. Pour des motifs de commodités pratiques, mais aussi en souvenir du miracle du « Mal des Ardents », la fête liturgique fixée au 3 Janvier est anticipée au 26 Novembre. Du début Novembre, à la fin Janvier, on a donc toute liberté pour choisir un jour qui convienne au mieux.
Tous les membres de la Gendarmerie, tous les foyers, sont invités à participer à la fête, mais aucune contrainte ne peut être imposée, et toutes les opinions doivent être respectées. Dans cet esprit, refuser une célébration religieuse serait porter atteinte à la liberté tout autant qu’obliger à y participer.
Je rappelle avec force, le temps risquant d’altérer le sens premier de la Sainte Geneviève, que cette fête voudrait être l’occasion :
– de rassembler les familles dans l’amitié ;
– de resserrer les liens de la communauté de la Gendarmerie.
Ce doit être la journée des familles. Chacun doit pouvoir y venir et s’y trouver heureux et accueilli. Le caractère trop officiel, un prix de participation élevé, une atmosphère trop « militaire », peuvent décourager de nombreuses familles.
Ce doit être la journée de la communauté gendarmique : dans la simplicité et l’amitié, tous grades mêlés, sans oublier nos retraités, ce rassemblement peut être une occasion de relations cordiales au-delà de toutes classifications et responsabilités, naturellement indispensables par ailleurs. On peut ce jour-là se connaître et s’apprécier.

 

La prière du gendarme chrétien

 

La prière des Parisiens à Sainte Geneviève

 

Poème de Charles Peguy

a réputation dans toute Seine et Oise
Que jamais ni le loup ni le chercheur de noises
N’avaient pu lui ravir le plus chétif agneau.

Tout le monde savait de Limoges à Pontoise
Et les vieux bateliers contaient au fil de l’eau
Qu’assise au pied du saule et du même bouleau
Nul n’avait pu jouer cette humble villageoise.

Sainte qui rameniez tous les soirs au bercail
Le troupeau tout entier, diligente bergère,
Quand le Monde et Paris viendront à fin de bail
Puissiez-vous d’un pas ferme et d’une main légère

Dans la dernière cour, par le dernier portail
Ramener par la voûte et le double vantail

Le troupeau tout entier à la droite du père.

Charles Peguy