SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE
Jean-Claude Farcy, historien au CNRS (1945-2020)

Né dans le Perche, où son père était ouvrier agricole, Jean-Claude Farcy entre, en 1966, à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, où il prépare et obtient l’agrégation d’histoire. Après avoir exercé au lycée Marceau de Chartres, il entre au CNRS, où il effectue toute sa carrière.

Jean-Claude Farcy a été, et reste, un maître reconnu de l’histoire rurale, à laquelle il a consacré son doctorat d’État sur les paysans beaucerons au XIXsiècle (1985), mais aussi de l’histoire de la criminalité et de l’histoire de la justice. Partout, il a su, notamment à partir des méthodes de l’histoire quantitative, creuser des sillons novateurs ou élargir des pistes encore peu fréquentées, par exemple sur les migrations intérieures, les grèves des salariés agricoles, la jeunesse rurale, la délinquance juvénile, la contribution de la répression judiciaire à la répression politique, les camps de concentration français de la Première Guerre mondiale, l’approche monographique de l’assassinat comme observatoire du fonctionnement d’une société, la détention administrative dans les asiles.

On comprendra mieux pourquoi son œuvre est régulièrement saluéeen consultant sa bibliographie, où l’on trouvera notamment, à côté de plusieurs ouvrages classiques, des panoramas historiographiques sur l’histoire de la justice, des instruments de recherche (comme le très précieux Guide des archives judiciaires et pénitentiaires1800-1958, ou la Bibliographie de l’histoire de la Justice, mise en ligne, en 2005, avec 63 600 références), des dossiers réalisés pour Criminocorpus, ainsi que de volumineuses bases de données nominatives (inculpés de la répression de la révolte de Juin 1848, de la résistance au Coup d’État de 1851 ou de la Commune).

Ce chercheur discret ne cachait ses convictions, par exemple quand il évoquait la justice de classe du XIXe ou du XXe siècle. Passionné, infatigable et exigeant, il était extrêmement serviable avec tous ceux qui lui demandaient une aide ou une communication, qu’il s’agisse de collègues, d’étudiants ou de responsables d’association.

Contrairement aux historiens qui limitent « la » police aux unités civiles des grandes villes, sa bonne connaissance de la société rurale et provinciale du XIXe siècle a vite conduit Jean-Claude Farcy sur les traces des gendarmes. En exploitant leurs procès-verbaux, il publie deux monographies sur les incendies (1996) et sur les suicides (1998). En réponse à ma sollicitation, il réalise, en 2001, une étude pionnière remarquable – souvent utilisée ensuite, car consultable en ligne, à défaut d’être toujours citée – sur l’évolution des activités de police judiciaire de la gendarmerie au cours du XIXe siècle, un sujet qu’il élargit à l’analyse de la crise de cette institution à la fin de ce siècle. En 2013, il étudie à nouveau le rôle des gendarmes enquêteurs à l’occasion de cinq meurtres commis dans le Perche, entre 1871 et 1874, et pour lesquels la fragilité des indices matériels poussait à privilégier la collecte et l’exploitation des témoignages. L’intérêt de Jean-Claude Farcy pour l’histoire des gendarmes, comme pour la diffusion du savoir, l’a conduit à siéger dans le conseil d’administration de notre Société.

Par ailleurs, les multiples travaux de ce chercheur sur la violence, la criminalité, le fonctionnement de la Justice et l’utilisation des archives judiciaires pour analyser la vie quotidienne et les mentalités des classes populaires constituent autant d’études de référence pour les historiennes et les historiens des gendarmes du XIXesiècle, de leurs missions et de leurs interactions avec leurs administrés.

Pr. Jean-Noël Luc – Sorbonne Université

Éléments de bibliographie

Publications de Jean-Claude Farcy – http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/chercheurs/farcy/Farcy_Jean-Claude_Bibliographie_2020-09-09.pdf

« Incendies et incendiaires en Eure-et-Loir au XIXesiècle», Revue d’histoire du XIXesiècle, n° 12, 1996, p. 17-29. En ligne : https://www.persee.fr/doc/r1848_1265-1354_1996_num_12_1_2240.

« Le suicide en Beauce », Sociétés et Représentations, juin 1998, p. 231-253. En ligne : https://www.cairn.info/revue-societes-etrepresentations-1998-1-page-231.htm?contenu=resume

« La gendarmerie, police judiciaire au XIXesiècle», Histoire, Économie et Société, 2001, n° 3, p. 385-403. En ligne : https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_2001_num_20_3_2234. Voir une version résumée dans « La gendarmerie, principale force de police judiciaire au XIXesiècle», Histoire et Patrimoine des gendarmes, second semestre 2010, n° 2, p. 21-27.

Meurtre au bocage. L’affaire Poirier (1871-1874). Les Coujartières, Tournebride, Le Tertre. Une enquête criminelle dans le Perche-Gouët au lendemain de la guerre de 1870, Chartres, Société archéologique d’Eure-et-Loir, 2013.