
« Il faut faire une sorte de guerre de gendarmerie aux brigands. » C’est avec ces mots qu’à son arrivée dans l’Ouest, en 1795, le général Hoche décrit aux commandants des armées la méthode à employer selon lui pour mettre fin à la guérilla, qui, à compter de 1793 et au moins jusqu’en 1815, défie les autorités sur une partie du territoire national : la chouannerie.
Ce conflit larvé aux allures de guerre civile gagne rapidement tout l’ouest de la France, notamment la Bretagne. Le coeur de cette révolte composite, provoquée, sur fond de tensions anciennes entre villes et campagnes, par l’opposition à la Constitution civile du clergé, aux levées de soldats et à l’affaiblissement, puis à la chute, de la monarchie, est alors le Morbihan. C’est là que la chouannerie prend le caractère le plus radical, le plus durable, là où les chefs sont les plus intraitables, mais aussi les plus célèbres.
L’ouest de la France, de 1793 à 1815, est un véritable laboratoire tactique, notamment en ce qui concerne l’intervention des gendarmes. La guerre de fossés et de haies menée par les chouans épuise les armées de la République, et ce qui n’est déjà plus que l’ombre de la garde nationale. La gendarmerie, force militaire chargée également de fonctions civiles, un « corps à part » dira Napoléon, met peu à peu en place les dispositifs de sa contre-chouannerie, entre maintien de l’ordre et répression. Les mutations du corps accompagnent les soubresauts d’un conflit asymétrique, quasi inextinguible, dont les problématiques entrent en résonance avec celles de bien des conflits contemporains.