SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

Contribution du général (2S) Philippot à la réflexion sur la sécurité du citoyen, de l’État et de la nation (2011)

La garantie des Droits de l’homme et du Citoyen nécessite une force publique :

cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. (art.12 de la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen du 26 août 1789)

Contribution à la réflexion sur la sécurité du citoyen, de l’État et de la nation1


La réédition de l’essai sur la Force publique de Guibert, dans la revue « Force Publique2 », est une occasion toute trouvée pour jeter un regard actuel et en même temps prospectif sur un concept un peu oublié : le concept de force publique. C’est pourtant un outil qui conserve aujourd’hui tout son intérêt et toute sa puissance pour organiser autrement, d’une manière cohérente, toutes les forces qui concourent à la protection du citoyen, à la garde de l’État et à la défense de la nation.

Socle du système démocratique français, la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen de 1789, qui précède de quelques mois la publication de l’Essai sur la Force Publique de Guibert, a été réintroduite formellement dans la constitution de la Vème république en 1973 (décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 1973). Elle fait partie du bloc de constitutionnalité.

Curieusement, l’expression littérale de force publique, dont le principe est pourtant implicite dans tout ce qui touche à l’organisation des forces de sécurité, qu’elles soient civiles ou militaires, cette expression constitutionnelle n’apparaît pratiquement plus aujourd’hui dans les textes législatifs ou réglementaires, pas plus d’ailleurs que dans les débats. On peut trouver à cette absence plusieurs explications. Parmi celles-ci, il apparaît que les changements intervenus dans la nature et la forme des crises ou des menaces de crises d’une part, la nature des risques d’autre part, tout au long du second vingtième siècle, ont déplacé le débat et, en conséquence, substitué au concept de force publique d’autres principes.

Ainsi, par exemple, les menaces extérieures se réduisant progressivement, après la Seconde Guerre mondiale, au risque unique d’un affrontement entre deux blocs, une approche en termes d’organisation diversifiée et « multirisques » des forces s’impose moins que celle plus pragmatique, en la circonstance, liée à une mission unique : la défense nationale « globale ». C’est ce que consacre l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense.

Il n’est pas inintéressant de noter les changements d’appellation successifs, de ce point de vue significatifs, du ministère responsable de ces forces militaires : ministère de la guerre jusqu’en 1948, puis ministère de la Défense et des forces armées, puis ministère des armées et enfin ministère de la Défense nationale. Ce dernier changement brouillait la perception du fonctionnement institutionnel, notamment dans le rôle attribué au secrétariat général de la défense nationale (SGDN), lequel, malgré son appellation, était un organisme relevant du Premier ministre et non du ministre de la Défense nationale3, alors que dans le même temps, l’engagement des forces relevait de plus en plus du président de la République. Le ministère des armées, appellation en termes de moyens, qui privilégiait l’organisation, les équipements et l’entraînement des forces, a donc fait place au ministère de la Défense nationale dont la dénomination fait davantage référence à la mission devenue, dans les années soixante, globalement unique. La situation est aujourd’hui tout autre. Les risques sont devenus multiples. Certes, l’institution militaire s’est transformée et continue de s’adapter, mais l’appellation du ministère apparaît de plus en plus décalée, non seulement du fait de la diversification des risques mais aussi de la forme des interventions extérieures, pratiquement toujours en association avec des forces d’autres puissances et parfois assez éloignée de la défense de la nation au sens strict de la défense du « sanctuaire » qui prévalait jusqu’à la fin des années quatre-vingt. Un retour à une appellation en termes de moyens de force, qui préjugerait moins de situations hypothétiques prédéfinies, semble s’imposer. Elle présenterait d’autres avantages, notamment ceux de clarifier les responsabilités des organes de gouvernement concernés et de rendre plus faciles des combinaisons de forces militaires et civiles adaptées à des circonstances particulières. Pourquoi pas : ministère des forces armées ?

Si le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale, publié le 17 juin 2008, marque une mise à jour importante dans la réflexion sur ce qu’on appelait autrefois la défense globale, la sécurité intérieure, composante d’une sécurité globale intégrant la protection du citoyen, n’a pas encore atteint un niveau de réflexion suffisant pour que ses moyens puissent prétendre occuper, avec efficacité et cohérence, la place qui leur revient.

En effet, pour ce qui concerne la force publique « du dedans », pour reprendre la terminologie de Guibert, son organisation, qui procédait, dans son évolution jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’une certaine logique fonctionnelle, a été modifiée, à la suite de circonstances ou d’événements d’ordre divers. Ces changements successifs ont eu d’importantes conséquences. Ils ont entraîné des déséquilibres, des doubles emplois et des rivalités, dans la répartition et l’exécution des missions, entre les différents corps concernés.

La création des compagnies républicaines de sécurité, moyens relevant du ministère de l’Intérieur, est venue altérer la logique des années vingt qui confiait à la Garde républicaine Mobile la quasi-exclusivité du maintien de l’ordre. Mais c’est surtout à la fin des années soixante et au cours des années soixante-dix que le système se complexifie sous les effets conjugués de plusieurs évolutions.

La Police nationale actuelle voit le jour en 1966, par fusion de la sûreté Générale et de la Préfecture de Police de Paris. Cette nouvelle institution est le résultat d’une lente évolution initiée au cours du second XIXe siècle. L’étatisation, pour des raisons budgétaires, réalisée à Lyon en 1851, est étendue progressivement, de 1918 à 1936, à six autres grandes villes de province et quatre d’Algérie, pour les mêmes raisons. L’étatisation des polices municipales, pour les villes de plus de 10.000 habitants, est généralisée en avril 1941. En 1969, est créée la direction générale de la Police nationale. Ainsi s’est constituée, bien après la Gendarmerie nationale, force publique militaire, une seconde force de police à structure nationale, mais civile, celle-là : la Police nationale.

Si cette unification des moyens de police civile fut pour les personnels de police, sous l’impulsion et la pression de leurs syndicats, un progrès considérable dans l’amélioration de leurs conditions de vie, peut-on dire que la sécurité des citoyens s’en soit trouvée améliorée ? Très probablement non ! L’étatisation a éloigné le policier national du citoyen. En outre, la perpétuelle revendication d’effectifs supplémentaires n’a jamais servi, lorsqu’elle a été satisfaite, qu’à diminuer le temps de travail des policiers et non à améliorer la sécurité des Français. Le résultat de cette situation fut la création de nouvelles polices municipales, de plus en plus nombreuses, à partir des années quatre-vingt.

Il faut par ailleurs constater que le mouvement d’unification des moyens de police de la fin des années soixante s’inscrit à contre-courant de la décentralisation de l’État du début des années quatre-vingt. On n’échappera sans doute pas, à terme, à la question qui fâche : faut-il « dénationaliser » la police4 ? Quelle autre organisation ? Nos sociologues, spécialisés en la matière, ne manqueront pas de trouver, dans les pays voisins auxquels ils se réfèrent sans cesse, des solutions aménageables pour la France.

La Gendarmerie nationale, prioritairement occupée, pendant trente ans, de 1938 à 1968, à ses missions de défense et de maintien de l’ordre public, (Seconde Guerre mondiale, Indochine, Algérie, notamment) peut enfin, à partir de la fin des années soixante, consacrer tous ses efforts à la protection du citoyen et notamment à l’exercice de la police judiciaire, au moment même où le nouveau Code de procédure pénale donne à ses militaires les moyens juridiques qui leur sont nécessaires. Dotée de moyens techniques modernes, constituée de personnels qualifiés regroupés dans des unités spécialisées, elle atteint, dans ce domaine, à partir de la fin des années quatre-vingt, un niveau de performance inégalé.

La loi de décentralisation de 1982 a un effet indirect sur la mise en œuvre des moyens de sécurité intérieure. Déchargés de la tutelle administrative sur les collectivités territoriales, les préfets voient le champ de leurs attributions se réduire et se concentrer essentiellement sur la sécurité, domaine dans lequel ils sont de plus en plus impliqués.

L’absence de prise en compte coordonnée de ces différentes évolutions semble avoir créé plus de problèmes que les accroissements d’effectifs n’en ont résolus. L’insécurité demeure à un niveau important dans un pays où le taux de policiers par habitants (3,7 pour mille habitants5) est l’un des plus élevés d’Europe. Encore faudrait-il ajouter, à ces chiffres, ceux des polices municipales (18.000) et ceux des multiples polices privées (près de 180.000) qui ne cessent de se développer. Pourquoi le système de sécurité intérieure français est-il aussi inefficace ? Il est clair que l’insuffisance des effectifs, toujours alléguée, ne peut servir de seule explication. Le problème est ailleurs, la réponse aussi.

En rapprochant Police nationale et Gendarmerie nationale sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, certains avaient pensé trouver là une solution. Il semble que cela n’ait guère eu d’autres effets que d’harmoniser les statistiques et d’attiser un peu plus les antagonismes. Le débat sur la sécurité intérieure reste ouvert ; il s’accélère même à l’approche des élections présidentielles. L’administration en place s’est lancée dans un livre blanc. Les divers partis politiques préparent leurs programmes « sécurité ». Mais le problème est-il bien posé ?

LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE, UN DÉBAT ALTÉRÉ ET PERVERTI

Sans préjuger des résultats des travaux du groupe chargé d’établir le livre blanc sur la sécurité publique, il ne semble pas, compte tenu du cadre restreint et volontairement limité imposé, que l’on puisse déboucher sur autre chose que des ajustements de mesures ponctuelles. Si c’est le but, le titre de livre blanc paraît disproportionné et inadapté, d’autant que les travaux ne semblent concerner que la Police nationale et la Gendarmerie nationale. Or la sécurité intérieure dans sa globalité c’est aussi l’affaire, bien évidemment, du ministère de la Justice et du ministère de la Défense qui ne semblent pas avoir été invités à ces travaux.

À moins qu’il ne s’agisse de forcer des décisions, sous couvert d’analyses présentées comme objectives, en jouant des rapports de force actuellement bien établis qui rendront, de toute évidence, ces décisions partiales, afin de mettre en place des dispositifs décrits comme moins coûteux mais dont l’efficacité ne pourra être mesurée. Mais, si l’on peut douter des résultats de cette démarche, c’est essentiellement pour d’autres raisons beaucoup plus profondes. En effet, plusieurs paramètres introduits dans les prémices du débat ainsi que d’autres, pourtant essentiels mais absents, faussent ou limitent d’entrée de jeu les réponses possibles. On peut en examiner quelques-uns.

Histoire, géographie, comportements : des données fondamentales absentes du débat

Absentes, pas tout à fait, mais abordées par le biais d’approches sociologiques ou idéologiques qui rendent insuffisante voire impossible leur prise en compte. Que le débat sur la sécurité intérieure soit dominé par les sociologues, rien de plus normal. Mais l’approche des sociologues est actuelle et synchrone. Elle conduit automatiquement à des comparaisons horizontales avec d’autres pays pour analyser la nature et les formes de la criminalité et de la délinquance auxquelles ils doivent faire face et les moyens qu’ils mettent en œuvre pour les réduire. C’est essentiellement à partir de telles études que l’on tire des conclusions qui visent soit à copier ce qui se fait ailleurs, soit à s’en démarquer, plus ou moins. Celles sur les polices communautaires qui fleurissent dans tous les rapports et ouvrages récents sur la sécurité sont une illustration caractéristique de ce type de démarche. Or, une juste analyse des problèmes de sécurité ne peut se faire sans introduire l’autre dimension, la dimension chronologique, celle qui provient de l’histoire, pas seulement de l’histoire des institutions concernées mais surtout de l’histoire de la France et de ses populations. Comparer, en France, l’actuel au passé est aussi riche d’enseignements que de comparer l’actuel en France à l’actuel ailleurs. Cette autre démarche, rarement prise en compte hélas, permet pourtant d’intéressantes discriminations entre les systèmes de police possibles en France et leurs capacités respectives, rapportées aux situations et aux comportements qui nous sont spécifiques. Elle conduit à des questionnements fondamentaux. Si nous ne sommes pas assimilables à des Anglo-saxons, comme pourrait le laisser croire certaines références permanentes et insistantes aux modèles de police américains, alors, qui sommes-nous ?

Il n’est pas dans le projet d’aborder ici la question de l’identité nationale, mais l’on perçoit bien que de telles interrogations sur la sécurité y conduisent obligatoirement. Pour éviter le piège des querelles idéologiques, restons-en à l’histoire et à la géographie pour tenter de répondre à la question préalable à toute tentative de recherche sur la meilleure organisation d’une force publique intérieure : qui sommes-nous ?

La recherche historique nous conduit à remonter un peu au-delà de 1995, année qui semble marquer, si l’on en croit les auteurs du rapport sur la Sécurité au quotidien du 15 mai 2007, le point de départ de la réflexion sur la sécurité intérieure en France, avec la découverte par la Police nationale des vertus de la proximité. « Naissance du concept français de proximité » ; c’est sous ce titre, surprenant pour les gendarmes, que les auteurs de ce rapport présentent cette grande découverte… récente. C’est en effet le principe de base du fonctionnement de la gendarmerie, initié par la territorialisation des premières unités de maréchaussée en 1514, depuis cinq siècles. Il a été en permanence entretenu et développé, au cours des siècles, par la multiplication des brigades et l’adaptation incessante des modalités d’exécution du service. C’est même le principal caractère de la définition de la gendarmerie, telle que la donnait Jacques Chirac, alors Premier ministre, dans un discours prononcé à Dijon, le 29 mai 1987 : « Pour se garantir de leurs propres excès, les Français ont inventé une force publique suffisamment proche d’eux pour qu’ils puissent l’aimer et suffisamment disciplinée pour qu’ils puissent la craindre »6. Proximité et discipline, telles sont les deux ressorts fondamentaux de la Gendarmerie nationale, depuis des siècles.

La Police nationale ne pouvait pas, bien évidemment, échapper à la proximité. Elle aurait pu, dans son étude, se référer à l’histoire de la gendarmerie. Mais c’était, là, prendre un risque énorme, celui de constater qu’il existait, depuis longtemps, une autre force, conçue pour cela et apte, par construction, à régler certains problèmes que la Police nationale n’arrive toujours pas à résoudre. Difficilement acceptable pour un système dominé par le corporatisme. Le risque était déjà apparu en 1996 et il avait fallu toute l’énergie des syndicats de police pour faire reculer le gouvernement de l’époque qui s’apprêtait à mettre en œuvre les recommandations du rapport Carraz-Hyest (avril 1998), à savoir, notamment, le renforcement des unités de gendarmerie dans les zones urbaines sensibles. On a donc préféré, pour éviter cet écueil, faire le détour, (par ailleurs pas inutile si la démarche n’avait pas été exclusive), par l’étude des systèmes de police des autres pays du monde occidental, pour inventer « le concept français de proximité » et présenter ainsi aux politiques abusés ce tout nouveau concept, grande découverte de la Police nationale.

Pour en revenir à l’histoire, c’est incontestablement chez Montesquieu que l’on trouve des éléments fondateurs d’une réflexion générale sur l’organisation politique des sociétés humaines susceptible de déboucher, par voie de conséquence, sur l’organisation de leurs systèmes de sécurité. Pour lui, la géographie, et notamment le climat, détermine largement l’histoire et les comportements des sociétés. « Le premier des empires est l’empire du climat », écrit-il dans « L’esprit des lois7 ». De ce postulat, il déduit : « Ce sont les différents besoins dans les différents climats qui ont formé les différentes manières de vivre ; et ces différentes manières de vivre ont formé les différentes sortes de lois ». Ce raisonnement conduit à affirmer que le climat est le plus grand des déterminants dans l’organisation des sociétés, avant même les religions, explique Montesquieu, et que les comportements de ces groupes sociaux sont régulés par des lois qui peuvent donc varier d’une nation à une autre, principalement en fonction du climat.

En poursuivant sur la voie de Montesquieu, on peut admettre que la meilleure constitution de la force publique nécessaire au développement et au maintien de la cohésion d’une collectivité nationale est celle qui correspond le plus exactement possible aux comportements dominants de ceux qui la composent, comportements déterminés, selon lui, essentiellement par le climat. Les forts courants migratoires des dernières décennies, voire des dernières semaines, en provenance du Sud, réactualisent l’approche de Montesquieu. De son constat initial de différences comportementales de populations fixées, elle oblige à se poser aujourd’hui la question, dans une perspective dynamique, de l’intégration de populations mobiles aux comportements spécifiques, au sein de la communauté nationale. Quelle est alors, dans ces conditions, la meilleure organisation de la force publique intérieure pour une population dont les caractéristiques traditionnelles risquent fort de se trouver encore accentuées par les apports de populations venues du Sud ?

Même si ces remarques d’ordre géographique et historique donnent de la profondeur au débat, on ne manquera pas d’en souligner le caractère théorique. Aussi, pour avancer une réponse fondée, n’est-il pas inutile de prendre un exemple, en prise directe à la fois avec l’approche de Montesquieu et avec la réalité d’aujourd’hui. L’exemple le plus pertinent peut être trouvé dans la manière dont Police nationale et Gendarmerie nationale tentent de se répartir le territoire et notamment les zones périurbaines, souvent lieux de recueil des nouveaux arrivants. Récemment, la Police nationale s’est constituée un nouveau concept, « la police d’agglomération ». La Gendarmerie nationale a immédiatement allumé un contre-feu, en réinventant la « police des territoires ». Les zones périurbaines sensibles sont l’un des enjeux de ce conflit que l’on tente de dissimuler mais bien réel. Lequel de ces deux types de force est le mieux adapté à la situation difficile de ces banlieues ?

Les problèmes particuliers aux zones urbaines et périurbaines sensibles peuvent être considérés sous trois approches, non exclusives d’ailleurs. Deux d’entre elles sont bien connues. Partant du constat que les banlieues sont des lieux privilégiés de délinquance, c’est en termes de police répressive que l’on cherche d’abord à trouver une solution, dans une lutte, sans cesse à renouveler. Sur ce plan, Gendarmerie nationale et Police nationale sont à égalité de capacités et, de ce seul point de vue, la partition du territoire en cours, entre les deux corps, pourrait trouver une justification, sauf que… le fond du problème n’est pas là.

En remontant aux causes de la délinquance, on découvre le chômage, « la glandouille », les déficiences scolaires, l’absence de qualification… Alors on développe le traitement social des banlieues : zones franches et autres plans banlieues. C’est nécessaire, mais cela ne règle pas, non plus, le problème de fond. Il faut encore remonter dans la chaîne des causes, pour identifier l’origine du mal : un défaut d’intégration nationale. Si l’on veut traiter les racines de ce mal, c’est là qu’il faut porter l’effort, et là, Gendarmerie nationale et Police nationale ne sont plus du tout à égalité de capacités.

Le rôle fondamental de la gendarmerie depuis le début du XVIIIème siècle, historiquement prouvé, est de construire la nation, garantir son unité, maintenir la cohésion sociale, contribuer à élaborer l’identité nationale et à intégrer les populations. Si elle n’est pas la seule à pouvoir revendiquer ce rôle, elle est cependant la seule à disposer d’un système spécifique adapté à ces fins. Au centre de ce système, la brigade de gendarmerie. La brigade, à la fois référence identitaire stable et permanente, ultime point de déconcentration de l’autorité de l’État où converge également la demande de protection du citoyen, dernier maillon, au plus près des populations, d’une organisation fortement intro déterminée par la chaîne hiérarchique, auto régulée par la vie en caserne impliquant les familles, régulatrice des tensions sociales locales, associée dans un maillage territorial serré, contribuant ainsi à intégrer les populations, quelles qu’elles soient et d’où qu’elles viennent, dans la Nation. C’est ce système de trois à quatre mille postes en réseau qui a fait la France durant trois siècles. Système pour une France rurale, diront certains. Allégation largement fallacieuse. La ruralité n’est pas consubstantielle à la Gendarmerie nationale. Au XIXe siècle, le système était rural parce que la France était rurale. La meilleure preuve, c’est que ce système a parfaitement réussi dans des zones urbaines y compris dans des zones urbaines difficiles.

Or ces implantations d’unités de gendarmerie en zones urbaines et périurbaines sensibles disparaissent pour laisser place à des commissariats ou bureaux de police. Si le rôle spécifique de la Gendarmerie, vérifié tout au long de son histoire, est bien de construire la nation par intégration, à l’aide de son dispositif particulier, pourquoi ce dispositif se trouve-t-il exclu progressivement des banlieues, là où, plus qu’ailleurs, on en aurait aujourd’hui besoin ? Puisque l’on parle de police de proximité, c’est-à-dire de la diffusion, par contact, de références identitaires et d’interdits, quel est le meilleur système ? Entre un commissariat à l’effectif de 150 policiers (même avec quelques bureaux déconcentrés) venant prendre leur service de différentes communes, 6 à 8 jours par quinzaine, remplacés par d’autres venus d’ailleurs, et 5 brigades de gendarmerie à l’effectif de 30 chacune, territorialement réparties, vivant en caserne, implantées au milieu de la population, en famille, avec des enfants scolarisés dans les écoles du quartier, quel est le dispositif le plus proche des populations, capable d’assurer leur intégration ? La brigade de gendarmerie, c’est la bonne distance, c’est-à-dire la proximité plus la discipline. À propos de discipline, lequel des deux systèmes est le mieux adapté, lors de situations difficiles, dans les banlieues ? Il est clair que de telles circonstances conduisent nécessairement à durcir les moyens de police. Or dans ce pays, où l’on est si « prompt à s’émouvoir », policiers et gendarmes compris, rendre plus forte une police civile c’est prendre le risque de la rendre brutale et, à court terme, la certitude de faire naître des tensions. Une police forte par construction, telle la gendarmerie, ne court pas le même risque ; son contrôle hiérarchique et la discipline qui en découle limitent considérablement ce genre de dérapage. C’est sans nul doute l’une des explications de l’écart considérable, en nombre de plaintes déposées contre policiers d’une part et gendarmes d’autre part, régulièrement constaté par la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité8.

La Police nationale a bien pris conscience de l’inefficacité de son système dans ces zones, en même temps que du risque de dépossession de ces territoires. Aussi, dans une parfaite logique, après avoir réinventé la proximité, elle tente de pallier ses déficiences. C’est l’objet de certaines des propositions du Rapport sur la sécurité au quotidien du 15 mai 2007. Mais dans les zones difficiles, les solutions pour améliorer la sécurité du citoyen ne résident pas seulement dans l’emploi de tel ou tel procédé de police ou la mise en œuvre de telle ou telle mesure. La question préalable fondamentale est autre. Quel est, structurellement, entre la Police nationale et la Gendarmerie nationale, le système de police le mieux adapté ? Ce n’est qu’après avoir choisi la structure la plus apte que l’on peut alors la configurer9 c’est-à-dire déterminer les modalités d’exécution du service les plus appropriées. La réponse à cette question préalable est évidente, la solution qui en découle aussi ; mais ce n’est pas celle qui est mise en œuvre, bien au contraire.

Le décryptage des vraies raisons de ce repli négocié des brigades, entre les administrations concernées est aisé ; il ne met pas en évidence la recherche de la meilleure efficacité au moindre coût, la question n’étant même pas posée puisque l’on part d’un postulat erroné : l’une ou l’autre c’est pareil. C’est seulement le résultat d’un rapport de force qui, dans ce cas précis, donne satisfaction aux deux parties prenantes, pour des motifs corporatistes différents, mais qui ne règle pas la question des zones sensibles. Où est l’intérêt général ? Rapportée, non pas à la lutte contre la délinquance, qui n’est, en l’occurrence, que le traitement d’un symptôme, mais au défaut d’intégration sociale et nationale, qui est la racine du mal, la répartition actuelle, et celle qui s’annonce, de la responsabilité des banlieues entre Police et Gendarmerie, est un véritable contresens politique.

La plus parfaite et la plus récente illustration de ce contresens est la suppression de la brigade de gendarmerie de Rillieux-La-Pape, dans une banlieue lyonnaise réputée difficile. Un modèle de réussite d’une unité de gendarmerie en zone urbaine sensible, reconnue par les élus comme par la population. Cette brigade de gendarmerie à l’effectif de 47 sera supprimée en 2011 et remplacée par un commissariat de police à l’effectif de… 70. Belle illustration de la Révision Générale des Politiques Publiques ! Illustration surtout du « rapprochement » de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale sous le même ministère de l’Intérieur et du rapport de force entre les deux corps. Pour les responsables locaux, le vrai motif est parfaitement clair. La réussite de cette brigade, souvent citée en exemple, était la preuve expérimentée qu’il est possible d’assurer, à moindre coût, une authentique sécurité dans les zones urbaines sensibles. Elle devenait dangereuse pour les intérêts corporatistes portés par le groupe de pression qui impose ses points de vue sur la sécurité intérieure en France. En attribuant cette zone à la Police nationale, au nom d’« une nécessaire  continuité territoriale », on faisait disparaître un témoin gênant de la réussite de la Gendarmerie en zone urbaine sensible.

Des présuppositions erronées et manipulatoires

La plus grave de ces présuppositions réside dans le postulat déjà énoncé : la police et la gendarmerie, c’est pareil ; la seule différence c’est que la police a la charge de la sécurité publique en ville et la gendarmerie dans les campagnes. C’est ce que tente de faire accroire auprès de l’opinion publique, des médias et des parlementaires, le lobby dominant. Parmi les moyens utilisés pour atteindre cet objectif de la confusion des rôles, on trouve les abus de langage, les arnaques sémantiques, la manipulation… Quelques exemples.

L’évocation altérée de l’histoire à des fins manipulatoires.

Reconstruire l’histoire des deux institutions en réduisant celle de la Gendarmerie nationale, territorialisée depuis le début du XVIe siècle, et en donnant un peu plus de longévité, de volume et de consistance à celle de la Police nationale créée en 1966, pour tenter de faire admettre une origine commune, une évolution parallèle puis convergente est un exercice pas toujours facile et parfois périlleux. Lorsque la vérité historique ne va pas dans le sens souhaité, on invente, à moins qu’on ne triche. Petite illustration. Au chapitre 1er du très officiel rapport du 15 mai 2007 sur la sécurité au quotidien, après l’évocation exacte de l’édit de 1667 et de la création de la lieutenance générale de police de Paris, on peut lire « Très rapidement, ce système, alors moderne, produit des effets remarquables sur la maîtrise de la criminalité. Il est par conséquent étendu à toutes les grandes villes du royaume et perdure jusqu’à la Révolution ». Et voilà un siècle d’histoire de la Police nationale construit ! C’est faux ! Certes, c’était bien le but recherché ; étendre le système parisien à tout le royaume10 ; mais ce fut un échec total, aussi bien pour les offices de lieutenants généraux de police que pour ceux de commissaires de police11 placés sous leur autorité. Créés en 1699, ces offices furent rachetés par les maires et/ou confondus avec d’autres offices municipaux. Il n’y a qu’à Rouen et à Orléans12 où le système parisien fut vraiment implanté. « L’échec de l’institution du lieutenant général de police en province », c’est le titre que le commissaire divisionnaire Georges Carrot, historien de la police, donne au chapitre qu’il consacre à cette période dans son excellent ouvrage : « Histoire de la Police française13 ». On pourrait penser qu’il s’agit, dans le rapport précité, d’une simple erreur ; malheureusement, d’autres contre-vérités historiques du même type ajoutées à des oublis sélectifs laissent plutôt à penser qu’il s’agit d’une manipulation dont on devine la finalité : faire croire qu’il existe une légitimité historique à l’existence de la Police nationale actuelle. Hélas pour elle, non ! Pas avant l’Occupation, sauf pour la préfecture de Police de Paris. Jusqu’à cette période, il existe des polices municipales, étatisées dans les très grandes villes, des services de police spécialisés créés au XIXe siècle, mais rien qui corresponde à une organisation structurée au plan national. Il faudra attendre, pour cela, 1941 puis 1966.

La confusion sémantique.

Jouer avec les mots, les expressions, les concepts pour entraîner la confusion est un grand classique, dans cette manœuvre. Abuser du terme « police » pour désigner suivant les avantages que procurent les circonstances, la fonction de police et l’organisation « police ». Répandre, de plus en plus, dans les médias, le terme générique de police pour désigner, de ce même terme, police et gendarmerie, de manière à éliminer toute comparaison qui pourrait être défavorable. Illustration. Dans le rapport précité comme d’ailleurs dans la lettre de « cadrage » initiant le livre blanc sur la sécurité publique, on trouve l’expression surprenante « police et gendarmerie nationales ». La « police et gendarmerie nationales » n’existe pas, ni juridiquement, ni historiquement. Juridiquement, il existe une Police nationale et une Gendarmerie nationale. Historiquement, il existe une police nationalisée, c’est-à-dire étatisée, rémunérée par l’État et une gendarmerie nationalisante qui, par son dispositif implanté sur tout le territoire depuis plus de quatre siècles, a contribué à construire la nation, rôle auquel ne peut prétendre une police nationalisée présente seulement dans les plus grandes villes depuis la seconde moitié du XIXe siècle. Mais là encore, on a bien compris qu’il convient d’éliminer toute spécificité pour entraîner la confusion.

On pourrait ajouter, sur ce registre, toutes les autres opérations qui visent à donner l’illusion de la ressemblance : la récupération de grades militaires, l’auto attribution d’équipements de parades spécifiquement militaires : shakos, sabres… Cette démarche ne trompe pas les gendarmes qui l’appellent l’opération « Canada dry », en référence à la publicité d’une certaine époque. Mais en ces temps où le marketing donne à la présentation et à l’emballage du produit plus d’importance qu’au produit lui-même, l’effet de désinformation est garanti auprès de l’opinion publique et des médias quand ce n’est pas auprès des élus nationaux eux-mêmes14.

Il y a pourtant entre les deux corps, l’Institution de la Gendarmerie nationale d’une part, l’organisation de la Police nationale d’autre part, de réelles différences dont découlent des capacités spécifiques. C’est dans la valorisation de ces différences que l’on peut trouver de nouvelles solutions aux problèmes actuels de sécurité et non pas en tentant de les éliminer pour favoriser l’émergence d’un corps unique, aligné dans les manières d’opérer sur celles de la Police nationale dont l’efficacité, dans l’amélioration de la sécurité des Français, reste à prouver, dans bien des domaines. Mais, à la complémentarité prônée par Guibert, on a substitué la mutualisation, modalité de répartition de moyens qui peut être bénéfique, pour l’intérêt général, tant qu’elle ne sert pas de prétexte ou d’alibi pour enlever au plus performant les moyens qu’il s’est constitués au prix des sacrifices imposés à ses personnels et les redistribuer au moins performant qui proteste d’une situation qu’il a lui-même engendrée.

Des stratégies corporatistes conflictuelles, préjudiciables à l’intérêt général

Assurer la sécurité des membres de la communauté nationale est la première raison d’être de l’État. Constituer la force publique chargée d’assurer cette sécurité est « le problème… le plus important et le plus difficile à résoudre », écrit Guibert, dans l’avant-propos de son Essai sur la force publique. La principale difficulté, aujourd’hui, pour avancer dans la recherche de solutions nouvelles visant à améliorer la sécurité des Français c’est d’abord de localiser les lieux de pouvoir afin d’isoler les stratégies corporatistes, les convergences ou divergences d’intérêt, les collusions, les antagonismes et autres phénomènes qui parasitent l’émergence d’une organisation efficace. Qui détient le pouvoir, en la matière, en France ? On ne peut répondre objectivement à cette question sans analyser, au moins succinctement, les enjeux de pouvoir des différents acteurs impliqués.

Qui est responsable de la persistance de l’insécurité en France ? Le premier réflexe, typiquement français, est de désigner le pouvoir politique. Sans doute, mais tous les gouvernements de droite et de gauche qui se sont succédé depuis une trentaine d’années ayant plus ou moins échoué, avec des options différentes, il est bien difficile d’en attribuer la responsabilité à l’un ou à l’autre. La réalité est beaucoup plus complexe.

Certes, les politiques ont leur part de responsabilité : leurs gouvernements, dont principalement le ministre de l’Intérieur, mais aussi le ministre de la Justice, celui de la Défense ; les élus nationaux, sénateurs ou députés qui élaborent, discutent et votent les lois ; mais aussi et surtout, les administrations, Direction Générale de la Police nationale, Direction Générale de la Gendarmerie nationale, les syndicats de police, les médias… pour ne citer que les principales parties prenantes. Ces instances ont toutes des objectifs propres qu’elles vont articuler autour de la question de la sécurité, au mieux de leurs intérêts, démarche sociologiquement compréhensible, mais déontologiquement condamnable lorsque la préservation des intérêts du corps se fait au détriment de l’intérêt général.

Les politiques ont des échéances et il est important pour eux de prouver qu’à la fin de leur mandat, la situation s’est améliorée, de fait ou d’apparence ; la difficulté c’est que généralement leurs échéances sont courtes et les temps, nécessaires à des traitements de fond des problèmes, plutôt longs ; leurs réactions en la matière sont souvent immédiates et pas toujours très réfléchies ; leurs orientations remises en cause par leurs successeurs avant même qu’elles aient pu produire les effets escomptés.

La Direction Générale de la Police nationale, reflet pour l’essentiel du microcosme policier parisien, souvent dominée par l’omniprésence de la préfecture de Police de Paris, dispose d’un réseau qui lui permet de préserver autant que faire se peut les intérêts de l’État et de faire avancer les propres intérêts corporatifs de ses personnels policiers. Elle peut pour cela s’appuyer sur un autre corps appartenant au même ministère de l’Intérieur, celui des préfets que la plus grande exposition dans leur poste, dans le domaine de la sécurité, a rendu encore plus solidaires, même s’ils aimeraient, sans doute, que l’on considérât un peu plus leurs autres attributions. D’ailleurs, s’ils sont les « représentants de tous les ministres » dans leur département, on peut se demander si leur place est bien au ministère de l’Intérieur. Mais c’est là un autre débat. Pour en revenir au jeu des acteurs de la sécurité, il faut bien prendre en compte le fait que la Direction Générale de la Police nationale est aussi contrainte de négocier et de composer, en permanence, avec les syndicats de police, dans une relation complexe et ambiguë.

Les syndicats de police, dernier « mammouth » de la fonction publique française, cogestionnaires de leur ministère, suffisamment puissants pour pousser leur ministre à la faute ou encore pour intervenir dans le milieu politique, bien au-delà de la seule défense des intérêts de leurs membres, jouent probablement le rôle majeur. On pourrait multiplier les exemples de l’extension des pouvoirs qu’ils se sont octroyés. Parmi les derniers : leur intervention lors de la préparation du projet de loi sur la Gendarmerie nationale (loi promulguée le 9 août 2009), auprès du rapporteur du projet de loi de la commission des lois de l’Assemblée nationale, quelques jours avant le vote, pour demander et obtenir le retrait de la quasi-totalité des amendements proposés par le Sénat. Le texte, ainsi modifié à la demande des syndicats de police, sera voté en première lecture par l’Assemblée nationale. Il faudra l’intervention d’une Commission Mixte Paritaire pour rétablir le texte du Sénat. On pourrait trouver de multiples autres exemples qui montrent que le ministère de l’Intérieur est bien codirigé, par le ministre, certes, mais aussi par les syndicats de police dont le champ d’action s’étend bien au-delà de la seule défense des intérêts de leurs adhérents.

L’arrivée de la Direction Générale de la Gendarmerie nationale dans ce ministère, nouveau pour elle, en a perturbé le jeu, en même temps qu’aiguisé des appétits. En effet ses choix antérieurs, du service du citoyen d’abord, l’avait conduite à privilégier, pour réaliser ses « missions », l’investissement dans les moyens au détriment parfois des rémunérations et du confort de ses personnels. D’où l’intérêt pour ceux qui avaient fait d’autres choix, de « mutualiser » ces moyens ; euphémisme qui, dans sa mise en œuvre, au-delà de quelques économies, aura très probablement pour effet d’affaiblir ce corps homogène, d’amoindrir son efficacité, de le disloquer, de le démanteler et le rendre ainsi, plus facilement assimilable, par partie, à chaque opportunité. Collaborer ou résister, la Direction Générale de la Gendarmerie nationale n’avait pas le choix. Disciplinée et docile par construction, elle n’avait pas d’autres possibilités que de collaborer, dans le rôle de challenger qui est celui dans lequel elle s’est elle-même enfermée depuis longtemps. En effet, incapable de répondre au pourquoi de l’existence de la Gendarmerie nationale autrement qu’en comparaison avec la Police nationale, alors qu’elle a d’incomparables raisons spécifiques d’exister, elle « tient », accrochée au principe de la dualité, dans une position défensive et dans un milieu dont elle découvre, souvent avec surprise, des règles de fonctionnement auxquelles elle n’était pas habituée.

Les médias, instrumentalisés ou pas, ont le pouvoir de donner à l’insécurité l’importance qu’ils veulent, sans contrôle, en utilisant les ressorts inépuisables générés par des comportements criminels, avec effets garantis auprès des lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs. La surmédiatisation de certains événements, certes dramatiques mais souvent uniques, contribue largement à la surreprésentation des problèmes d’insécurité dans l’inconscient collectif des Français.

Il ne faut pas oublier, non plus, « l’intelligentsia », polymorphe et mouvante, qui s’est spécialisée dans les questions de sécurité intérieure. Plus ou moins rassemblée dans des instituts et organismes de recherche producteurs d’études, elle est l’objet de la sollicitude des acteurs institutionnels qui l’utilisent, entre autres, pour obtenir la validation « scientifique » de leurs points de vue et crédibiliser leurs démarches.

Ce n’est là qu’un inventaire des principaux acteurs. Il faudrait tout un ouvrage pour étudier, en termes de sociologie des organisations, leurs stratégies de développement, permanentes ou temporaires, leurs interactions : alliances, connivences, antagonismes… Á défaut, à l’examen au cas par cas, on peut s’apercevoir que des alliances circonstancielles entre, par exemple, la haute fonction policière et les syndicats de police, sont capables de faire échouer une décision politique (échec des mesures de répartition territoriale décidées en 1998).

Cette analyse est bien évidemment incomplète mais elle suffit au minimum à inspirer la méfiance vis-à-vis d’une démarche dont les objectifs semblent calculés davantage pour renforcer le système corporatiste existant et préserver des « intérêts acquis » que pour rechercher la meilleure sécurité des Français.

Comment faire évoluer le système général français de sécurité intérieure, dans le sens de la meilleure efficacité au moindre coût ? Au travers de ces quelques réflexions, qui auraient besoin d’être développées, il apparaît que la révision indispensable de ce système est bloquée. Le débat a atteint ses limites, enfermé dans des postulats qui sont bien à l’origine du peu d’efficacité du système mais qu’il est interdit de remettre en cause. Après un demi-siècle de changements profonds, aussi bien dans la société française que dans le monde, le système de sécurité intérieure et extérieure français, ajusté au coup par coup, à chaque grand événement, a atteint un niveau de complexité qui génère une perte d’efficacité et un accroissement des coûts. C’est bien ce qu’ont compris, depuis quelques années, ceux qui ont en charge la responsabilité de conduire des réformes dans ce domaine. Les travaux de la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale posent les bases d’une rénovation pour ce qui concerne la sécurité de la nation. Les armées ont commencé un effort d’adaptation considérable. Quant aux forces militaires et civiles, chargées de la sécurité intérieure, contraintes par les différents jeux de pouvoir qu’elles entretiennent entre elles, attachées au système en place, il leur est impossible de dépasser les bornes qu’elles se sont elles-mêmes imposées. Il faut un autre débat, d’une autre ampleur, conduit autrement.

RÉFORMER LA FORCE PUBLIQUE, AUJOURD’HUI, EN FRANCE

La démarche et les propositions ci-dessous ne prétendent ni à l’exclusivité ni à l’exhaustivité. Elles ne font nullement obstacles aux conclusions des études conduites par ailleurs, telle celle de grande ampleur finalisée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Elles ne constituent qu’une ébauche de proposition d’organisation des forces à partir d’un concept spécifique, historique mais actuel, et toujours constitutionnel, celui de force publique. Elles n’abordent les questions de défense et de sécurité nationale que sur quelques points, laissant aux commissions compétentes, et aux organismes spécialisés le soin de traiter d’aspects qu’ils maîtrisent. Elles visent essentiellement à réformer la force publique « du dedans » en considérant la question de la sécurité intérieure, d’un autre point de vue et en utilisant une autre démarche. Avant d’examiner quelques propositions de fond, il est nécessaire de préciser cette démarche.

LA DÉMARCHE

Comment réformer ?

Le premier obstacle à toute réforme, dans ce domaine, comme dans d’autres d’ailleurs, tient à la forme dans laquelle elle est conduite. En France, plus particulièrement dans la fonction publique, chaque acteur se considère comme propriétaire du système professionnel auquel il appartient. Et pour faire évoluer le système, sous couvert des représentants de la nation, ce sont ces acteurs, chargés de sa mise en œuvre, qui, en définitive, imposent souvent leurs points de vue, lors de l’élaboration de la loi, et, plus encore, dans la définition des règles d’application, au mieux de leurs intérêts et suivant les rapports de force qu’ils entretiennent entre eux. On oublie seulement que ce système a une finalité, en l’occurrence la sécurité du citoyen et de la nation, et que la force publique est d’abord « instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée », comme le stipule l’article 12 de la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen. Comment rechercher aujourd’hui la meilleure organisation possible de la force publique ? Mais tout d’abord, le concept de force publique est-il toujours valide ?

La force publique, un concept actuel

Si les motifs qui avaient entraîné une certaine obsolescence du concept de force publique ont disparu depuis une trentaine d’années, il faut en tirer les conséquences. Les risques d’atteinte à la sécurité, qu’il s’agisse de la sécurité de la nation ou de celle des personnes, se sont diversifiés et sont devenus multiples aussi bien dans leurs formes que dans leurs lieux d’application. Cette évolution rapportée aux principes fondamentaux exprimés par Guibert, dans son Essai sur la Force publique, rend ce concept de force publique plus actuel que jamais. Il présente l’avantage d’être un concept de moyens qui permet une organisation diversifiée des forces, sans préjuger outre mesure de l’emploi de celles-ci, laissant une certaine souplesse dans la mise sur pied de « task forces » à composantes militaires et/ou civiles adaptées aux différentes circonstances.

Le concept est constitutionnel. Sa réhabilitation n’implique donc aucune modification juridique fondamentale. Du point de vue de l’organisation gouvernementale, sa mise en œuvre rendrait possible une redistribution plus cohérente des responsabilités.

Sur le fond, Guibert pose déjà la plupart des questions, aujourd’hui d’actualité, et apporte des réponses auxquelles on peut encore se référer, comme la participation des citoyens à la force publique par la constitution des milices nationales, en complément de l’armée, thème aujourd’hui revisité au travers de la constitution et de « l’utilisation des réserves miliaires et civiles en cas de crise majeure »15.

Un comité d’experts externes pour évaluer la réalité des activités de la force publique intérieure

Pour échapper aux inconvénients dénoncés, le recours à des experts extérieurs au système paraît une moins mauvaise solution que celle des actuels règlements de comptes entre les parties prenantes ou celle de la classique commission parlementaire. Quels experts ?

Guibert éclaire, de son génie, la marche à suivre. Dans l’avant-propos de son « Essai sur la Force publique », après avoir souligné que l’organisation de la force publique était le problème « le plus important et le plus difficile à résoudre » dans la constitution nationale, il identifie « quatre problèmes inséparables qui se fondent et se réunissent en un seul : un problème constitutionnel, un problème militaire, un problème politique, un problème de finances et d’administration ». Et d’imaginer un « comité qu’on pourrait former à souhait… de Montesquieu pour la partie de la constitution… Colbert et Sully pour la partie d’économie et d’administration… (ce) ne serait pas trop éclairé pour la solution de ce problème, de laquelle peuvent dépendre le trouble ou le repos, le bonheur ou le malheur, la sûreté ou la possibilité d’anéantissement d’une nation de 25 millions d’hommes. »

Rapportée à la situation d’aujourd’hui, l’idée de Guibert, actualisée, suggère la composition de ce comité : un membre du Conseil constitutionnel, un membre du Conseil d’État, un membre de la Cour des comptes, un membre de la Cour de cassation. Muni d’un mandat très précis du président de la République, assistés de conseillers n’appartenant initialement à aucune des administrations concernées, ni liés d’une quelconque manière avec elles, disposant de pouvoirs de contrainte, ce comité serait chargé d’une double mission : établir un état des lieux très précis de la force publique en France aujourd’hui, proposer une nouvelle organisation de la force publique.

Pour la première mission, l’état des lieux, ce comité serait assisté, autant que de besoin, de cabinets d’audit du secteur privé et de juristes experts indépendants. Il serait habilité à entendre toute personne dont l’audition lui paraîtrait utile et à se faire communiquer tout document émis ou reçu par les administrations concernées. Pour ce qui concerne les forces impliquées dans la sécurité intérieure, cet audit externe aurait pour objectif de mesurer avec précision la réalité des activités de chaque administration, corps, service et partie de service concerné ; pas seulement à partir des documents réglementaires fournis par les uns et par les autres mais surtout à partir de la réalité observée d’un point de vue externe. Toutes les techniques de l’audit seraient utilisées pour mesurer les temps de travail réels, les temps de repos, les délais d’intervention, les charges de travail, les effectifs réellement disponibles par rapport aux effectifs affectés, l’adaptation des moyens utilisés, les coûts observés… Il s’agit bien d’un travail d’experts en audit externe et non de sociologues ; la « production » (procédures, services effectués…) n’étant, par ailleurs, considérée que dans ses rapports avec l’organisation et non dans les effets produits sur la sécurité. Ce travail ne saurait être confondu avec les analyses internes, toujours contestées, fournies par les administrations concernées.

À partir du rapport d’audit des experts, le comité, alors élargi aux représentants qualifiés des administrations, établirait un rapport de propositions d’une nouvelle organisation de la force publique susceptible de servir de base à un projet de loi.

En organisant ainsi la recherche d’une manière à la fois globale et précise, et à un tel niveau, on peut espérer échapper aux démarches partielles et partisanes qui s’accumulent et s’enchevêtrent habituellement dans la confusion et l’inefficacité.

QUELQUES QUESTIONS DE FOND

Un ministère d’État chargé de la force publique ?

Jusqu’à la fin du XXème siècle, certains petits pays16 d’Europe regroupaient encore leurs forces de sécurité, civiles et militaires, sous une même autorité politique : le ministre de la force publique. Dans une société où les risques d’origine civile et d’origine militaire ne sont pas toujours différenciables, où les moyens de traitement des crises peuvent rassembler des moyens militaires et civils, où les lieux d’emploi de ces forces peuvent se situer aussi bien sur le territoire national qu’à l’étranger, où les économies de moyens tant en personnels, en matériels qu’en termes de budget sont nécessaires, l’organisation des forces, telles qu’elles sont actuellement partagées entre deux ministères, semble, pour une part, caduque. Elle dilue les responsabilités, rend l’emploi de ces forces complexes, génère des doublons, suscite des conflits préjudiciables à l’intérêt général et coûte cher. Comment alors concilier l’indispensable cohésion de chaque élément de force, tout en économisant les coûts et en gagnant en efficacité ? Bien sûr que l’on y a pensé, mais on n’est pas allé assez loin dans les réformes.

Il existe des forces armées et des forces civiles. Si l’on privilégie le critère force armée/force civile par rapport au critère « force du dedans »/« force du dehors » (intérieur/extérieur), on peut imaginer un ministère des forces armées et un ministère ou un secrétariat d’État des forces civiles placés sous l’autorité d’un ministre d’État chargé de la force publique dont les moyens peuvent alors contribuer à la sécurité intérieure et/ou à la sécurité extérieure, sur tout le champ de la sécurité : protection du citoyen, protection des populations, garde de l’État, sécurité de la nation. Ce système présenterait un certain nombre d’avantages, entre autres celui de clarifier les responsabilités politiques, en les étageant et en les redistribuant autrement. Il obligerait également à repenser un certain nombre de dispositifs centraux et territoriaux et à reconsidérer certaines fonctions.

La constitution d’un ministère ou secrétariat d’État chargé des forces civiles, placé sous l’autorité du ministre d’État chargé de la force publique, serait bien évidemment une petite révolution administrative (mais cette république manque d’audace !) qui obligerait à poser de vraies questions et à imaginer des solutions. Par exemple : quelle place pour le corps préfectoral ? Il faut bien reconnaître que sa place actuelle, au ministère de l’Intérieur, est ambiguë. Comment « représenter tous les ministres dans son département » lorsque l’on dépend d’un ministère devenu progressivement le ministère de la police. On a considérablement accru les pouvoirs des préfets de région. Ces nouveaux « Intendants de Police et Finances » (la fonction de Justice de l’Ancien régime leur échappant : séparation des pouvoirs oblige) auraient une tout autre autorité et une bien meilleure reconnaissance de la part de toutes les administrations, s’ils étaient placés auprès d’une autorité réellement et incontestablement interministérielle : le Premier ministre. La forme resterait à déterminer, mais pourquoi pas un secrétariat général ? Notre système administratif retrouverait de la cohérence. Beaucoup de tensions et de préventions tomberaient. L’équilibre des charges entre les fonctions gouvernementales s’en trouverait amélioré.

Pour en revenir à l’organisation générale de la force publique, on peut considérer que le système proposé présente de réels avantages. Tout d’abord, une meilleure interopérabilité des moyens civils et militaires offrant des possibilités de compositions souples et efficaces pour l’organisation de groupes de forces soit permanents, soit adaptables en fonction de circonstances évolutives. Ceci devrait entraîner une optimisation de la spécialisation et de l’emploi des moyens et, par voie de conséquence, une réduction des coûts.

Quelques questions relatives à l’organisation de la sécurité intérieure

Si l’on veut bien admettre que l’une des causes majeures du peu d’efficacité des moyens consacrés à la sécurité intérieure est l’organisation déficiente de ces forces par rapport aux risques et aux menaces, à leur nature et à leur localisation, leur recomposition passe par un examen préalable d’un certain nombre de questions. Une fois l’audit externe réalisé par le comité d’experts, ce sont ces questions auxquelles il sera nécessaire d’apporter des réponses. Ci-dessous, quelques-unes d’entre elles.

– Quelles structures gouvernementales et territoriales mettre en place pour améliorer la performance des forces publiques militaires et civiles, les rendre interopérables et réduire les coûts ?

– Quelle autre recomposition et articulation des missions et des moyens de l’ensemble des forces concourant à la sécurité intérieure, moyens et missions des actuels ministères de l’Intérieur, de la Défense, de la Justice, peut-on envisager ?

– Quelle autre recomposition des forces civiles de police ? Faut-il « dénationaliser » la Police nationale pour la rapprocher de la population et la rendre plus apte à la pratique de la proximité ? Comment recomposer et redistribuer ses effectifs ? Comment les articuler avec ceux des polices municipales. Comment répartir les responsabilités entre la gouvernance locale (collectivités territoriales) et l’État ?

– Quelle place pour la Gendarmerie nationale ? Quels bénéfices, pour la sécurité du citoyen, le rapprochement avec la Police nationale a-t-il généré ? Faut-il réaménager les structures des forces de la Gendarmerie nationale de manière à leur conserver leurs capacités spécifiques d’intervention non seulement dans l’exécution de leur mission de protection du citoyen mais aussi dans leurs autres missions de garde de l’État et de défense de la nation, en situation de crise, sur le territoire national et hors de ce territoire ?

– Comment répartir, sur de réels critères d’aptitude structurelle, le contrôle du territoire national entre Gendarmerie nationale, Police nationale et polices municipales ?

– Comment redonner au ministère de la Justice la place qui lui revient dans la conduite de la police judiciaire dont il a la responsabilité ? Faut-il créer une direction de la police judiciaire au sein de ce ministère ?

– Au-delà de la convention d’application des accords de Schengen, quelle autre articulation de notre système de force intérieure peut-on imaginer avec ceux des pays voisins ?

– Pour contenir et contrôler les flux migratoires en provenance des pays méditerranéens, quelle structure de coordination permanente des moyens peut-on envisager, aussi bien avec les pays européens qu’avec les autres pays méditerranéens ? La Force de Gendarmerie Européenne, qui existe déjà, ne pourrait-elle pas jouer un rôle spécifique dans ce domaine ?

– Quelle place pour les réserves militaires et civiles, en situation de crise ? Quel rôle particulier la Gendarmerie nationale « force mi-civile, mi-militaire », suivant l’expression de Napoléon, pourrait-elle jouer dans la formation, la gestion et l’emploi de ces réserves ?


Ce ne sont là que quelques-unes des questions qui pourraient être abordées dans une recherche approfondie sur la sécurité intérieure, à insérer, bien évidemment dans le débat beaucoup plus large sur la réforme de la force publique. Il existe des réponses, déjà appliquées, à certaines de ces questions. Il n’est pas interdit, en tenant compte des expériences réalisées, des erreurs commises et de l’évolution des situations, de les remettre en cause ou de les aménager.

On comprend bien que les débats actuels sur la sécurité intérieure, inscrits dans le très court terme, générés par l’actualité quasi quotidienne, dans une perspective électorale, monopolisés par des groupes de pression qui s’affrontent pour défendre des positions acquises, enfermée dans une réflexion bornée par des présuppositions erronées, ne peuvent conduire à des réformes de grande ampleur. C’est d’ailleurs, peut-être, le souhait inavoué des différentes parties prenantes, ainsi assurées que rien d’important ne pourra se produire et qu’en conséquence leurs intérêts corporatistes seront préservés.

C’est toute l’« architecture17 » du système des forces chargées de la sécurité intérieure qui est à repenser. Pour cela, il est nécessaire d’aborder autrement la question de l’organisation de ces forces. Le concept constitutionnel de force publique est un outil bien adapté pour cette réflexion. Certes, c’est un outil de « déduction », mais cet outil est capable d’analyser et d’intégrer toutes les situations observées. Bien utilisé, il doit permettre de construire la meilleure organisation des forces possible, la plus efficace et la moins coûteuse mais aussi celle qui tient compte de nos comportements spécifiques et de notre histoire. Il peut conduire à faire émerger un nouveau modèle français de force publique. La réalisation de cet objectif entraînera nécessairement des modifications des structures de gouvernement (centrales et territoriales), d’importants transferts de responsabilités, de missions, de territoires et de moyens. Il faudra du temps, une volonté politique forte et surtout l’appui constant des hautes instances pérennes de l’État, pour faire perdurer, au-delà du renouvellement périodique des personnels politiques, les orientations fondamentales qui s’imposent.

Général (2s) Georges Philippot

Président de la Société Nationale de l’Histoire et du Patrimoine de la Gendarmerie

Docteur en histoire

1Il conviendrait d’ajouter la sécurité (protection) des populations, domaine d’action de la Sécurité civile ; non prise en compte dans la présente étude, il est évident que cette fonction est à intégrer dans le projet de recomposition de la force publique civile.

2« Force Publique » est une revue de la Société Nationale de l’Histoire et du Patrimoine de la Gendarmerie. La SNHPG publie également une autre revue, semestrielle : « Histoire et Patrimoine des Gendarmes »

3Le décret du 24 décembre 2009 qui institue le Conseil de Défense et de Sécurité Nationale et transforme le SGDN en SGDSN (Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale) a rendu de la cohérence à une organisation devenue en porte à faux.

4Cette question est déjà posée implicitement par quelques chercheurs, notamment Sébastian Roché, dans l’ouvrage publié sous sa direction : Réformer la police et la sécurité, Odile Jacob, novembre 2004 ; « il s’agirait de défaire ce qui a été réalisé par Pétain en 1941 en nationalisant la sécurité publique. Mais aussi d’aller au bout de la décentralisation des pouvoirs entamée il y a dix-huit ans, pour le sanitaire, le social et l’éducatif : ne doit-elle pas tout simplement se prolonger en matière de sécurité ? (ouvrage cité, p.257).

5Tiré de « Histoire des Polices en France », Jean-Marc Berlière et René Lévy, Nouveau Monde Éditions, avril 2011.

6Ce discours peut être écouté sur le site de la SNHPG-SAMG

7Montesquieu, Œuvres complètes, De l’Esprit des Lois, livre XIX, p.644, Éditions du Seuil, Paris, 1980.

8Organisme qui disparaît, fondu au sein du service du Défenseur des Droits. La manière dont les plaintes précédemment enregistrées par la CNDS, seront classées par le nouvel organisme sera intéressante à suivre. Continueront-elles à être répertoriées par organisations ou seront-elles présentées regroupées, de manière, là aussi, à faire disparaître toute possibilité d’analyse différenciée ?

9Si le système de la gendarmerie est, d’un point de vue structurel, de toute évidence, le mieux adapté dans ces zones, il est aussi évident que pour lui conserver sa performance, sa configuration traditionnelle est à aménager ; si l’on veut, par exemple, pouvoir assurer une veille minimum effective de nuit, dans chaque brigade, l’effectif en personnel est à calculer en conséquence.

10Édit de Versailles d’octobre 1699, dans Henry Buisson, La police et son histoire, 446 p., imprimerie Wallon, Vichy, 1950, p.76 : « L’avantage qu’ont receu les Bourgeois de nostre dite Ville de Paris de cet établissement, Nous a paru si considérable, que Nous avons crû devoir le procurer à tous nos autres Sujets, en établissant un semblable Office en chacune des Villes et lieux de nostre Royaume où l’establissement en sera jugé nécessaire »

11C’est dans l’édit de 1699 qu’apparaît pour la première fois l’expression « commissaire de police ».

12Á Orléans, il y avait : un lieutenant général de police, six commissaires et une compagnie du guet à 50.

13Georges CARROT Histoire de la Police Française, Paris, Taillandier, 1992, p.70.

14Analysé du seul point de vue des techniques de la communication, il faut reconnaître que ce travail sur les représentations, pour modifier la perception d’une institution, est remarquable.

15Voir à ce sujet le rapport de M. Michel Boutant et Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur « l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure », du 9 mars 2011 (commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat).

16Le Luxembourg notamment dont le gouvernement regroupait, sous l’autorité du ministre de la Force Publique, la petite armée luxembourgeoise, la Police et la Gendarmerie.

17Ce terme est emprunté à Sébastien Roché dans l’ouvrage précédemment cité : Réformer la police et la sécurité