SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

Des «ordres généraux» de Moncey à Gend’info, la communication en gendarmerie a connu des formes diverses et a subi de profondes mutations. Ce sont les grandes étapes de cette histoire, qui jusque là ne fait encore l’objet d’aucune étude sérieuse et complète, que nous vous proposons de retracer sommairement ici.

La communication par les imprimés, premier mode relationnel de la gendarmerie

On peut faire remonter les débuts de la communication en gendarmerie aux «ordres généraux» donnés par Moncey et destinés aux militaires de la gendarmerie. Certes, le mode de diffusion de ces directives était encore restreint, il s’adressait uniquement au personnel de l’Arme. Le ton de ces messages était celui d’un chef qui s’adresse à ses subordonnés : il demeurait paternaliste et directif. Toutefois, en mentionnant les militaires qui s’étaient distingués par leur bravoure et leur courage ou en fustigeant ceux qui s’étaient mal conduits, Moncey dessinait le profil d’un gendarme « idéal », brave et honnête; la propagation de ces portraits mais aussi leur contenu, qui faisaient une place importante aux valeurs morales et militaires, avaient pour but de créer une cohésion, de développer le sentiment d’une communauté partageant les mêmes valeurs. En ce sens, on peut parler d’une première entreprise de communication [entendue dans son sens large comme un ensemble de techniques médiatiques utilisées pour informer l’opinion publique en vue de promouvoir une image] visant à créer une cohésion, une homogénéité, une harmonie au sein du personnel.

Ce premier effort a été en partie possible parce que Moncey, figure emblématique de l’institution, était le chef incontesté de la gendarmerie; reconnu comme tel par ses hommes, il lui était plus facile de transmettre ses messages et ses doctrines. Après 1815, le régime de la Restauration, qui était plutôt méfiant à l’égard de la gendarmerie et l’avait fortement épurée, supprima le poste de premier inspecteur général. La communication sous ce gouvernement demeurait principalement administrative ; à ce titre, l’ordonnance du 29 octobre 1820, qui reprenait une partie des dispositions législatives antérieures et fixait les grandes missions, peut être envisagée comme une forme sommaire de transmission d’un message.

Sous la Monarchie de Juillet apparaissaient les premiers journaux de l’Arme. Après deux expériences avortées -un Journal de la gendarmerie créé en 1829 par un avocat parisien, étranger à l’institution, n’avait pu dépasser le stade de quelques numéros, une autre publication au titre identique avait été tout aussi éphémère, Cochet de Savigny, commandant de gendarmerie à la retraite, lançait en 1839 le Journal de la gendarmerie. Cette publication, éditée jusqu’en 1914, a constitué une première tribune pour les gendarmes et s’ils ne s’y exprimaient pas directement, ils tenaient une place centrale au sein de cette revue. Les gendarmes envoyaient des courriers et le Journal apportait une réponse. Le Journal -mensuel d’une dizaine de pages jusqu’en 1850 et hebdomadaire par la suite- était segmenté en deux parties : l’une officielle évoquant les textes réglementaires, la législation, les instructions; l’autre abordant les questions relatives à l’exercice du métier, le partage des primes, le relevé des actes de courage… D’autres publications spécialisées et corporatives étaient apparues : un Bulletin de la gendarmerie, concurrent du Journal mais reprenant la même thématique, parut entre 1842 et 1850, puis un Moniteur de la gendarmerie, fut publié entre 1868 et 1870. Ces publications, qui allaient changer de titre mais aussi se multiplier – L’écho de la gendarmerie était créé en 1879, la Revue de la gendarmerie apparaissait en 1928 -, demeuraient en partie internes à la gendarmerie.

Une communication qui échappe en partie à la gendarmerie

Parallèlement à ces modes initiaux de diffusion, une partie de communication de la gendarmerie s’est effectuée à son insu. En l’absence de campagne de promotion destinée à un large public, les relais de l’information concernant les militaires étaient monopolisés par les artistes, les écrivains, la presse. Le petit théâtre lyonnais mettait en scène, depuis la fin du XVIIIème siècle, Guignol. Dans un autre domaine, Gustave Nadaud composait, au début du Second Empire, la célèbre chanson Les deux gendarmes. Les gendarmes étaient encore présents dans l’opéra-bouffe d’Offenbach, Geneviève de Brabant. La littérature aussi évoquait assez fréquemment ces soldats de l’ordre; on peut remarquer la présence de gendarmes dans les œuvres du poète Gérard de Nerval (Les Nuits d’octobre), d’Alexandre Dumas (Les gardes forestiers), de Victor Hugo (Histoire d’un crime), de Courteline (Le gendarme est sans pitié). Un autre relais de l’information était constitué par la presse nationale et de province. Si les tirages à la fin de la Restauration et sous la Monarchie de Juillet demeuraient encore modestes, ils augmentaient considérablement sous la IIIème République. Ces journaux, mais aussi la presse provinciale et les gazettes des tribunaux, firent une place plus ou moins grande à l’activité des gendarmes; le thème criminel, les grandes affaires, la lutte contre la criminalité organisée passionnaient le public. Par ce biais, émergeait un portrait, une représentation de la gendarmerie.

La communication se caractérisait aussi par son caractère multiforme. L’imagerie populaire, les gravures, les cartes postales mais aussi les illustrations figurant sur les supports les plus divers (comme les assiettes, les pots à tabac etc.) évoquaient la gendarmerie et son activité. Au sein même de l’institution, les associations de retraités -la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie et de la garde républicaine (créée en 1907) puis l’Association fraternelle des militaires retraités de la gendarmerie ou la Société nationale des anciens officiers de la gendarmerie- avaient pour but l’amélioration du sort des militaires et tentaient d’exercer une influence auprès des législateurs.
Plus prosaïquement, la communication s’effectuait également au niveau local, celui des brigades; les archives montrent que contrairement à une idée reçue, les gendarmes encasernés ne vivaient pas reclus et par l’intermédiaire de leurs femmes notamment, ils entretenaient des liens sociaux réguliers auprès des populations.

L’image ainsi véhiculée a été tantôt critique, tantôt ironique mais aussi élogieuse; elle comblait en quelque sorte le manque d’information et le vide laissé par l’administration.

La création du SIRPA et les véritables débuts de la communication en gendarmerie

Jusque dans les années qui suivirent la Deuxième Guerre mondiale, on ne peut pas parler de véritable politique de communication. Les prémices d’une telle entreprise apparaissaient avec les campagnes d’affichage des années 1950-1960 concernant l’engagement dans la gendarmerie, présentant les différentes composantes de l’Arme, abordant encore des thèmes comme la sécurité routière. La création du SIRPA a multiplié les moyens de la communication en gendarmerie. Celle-ci s’effectue autour de plusieurs pôles. En direction de la population d’abord, pour ce qui concerne le recrutement, les campagnes de prévention (la lutte contre la toxicomanie par exemple), mais aussi grâce aux journées portes ouvertes, à la participation au Tour de France cycliste, à la présence aux grands salons nationaux ou dans les écoles. Dans le domaine audiovisuel, des officiers de presse du Sirpa-gendarmerie relayent l’action des unités de terrain auprès des médias nationaux (télévision, radio, presse); la gendarmerie reçoit encore de nombreux scénarios de films, accompagnés de demandes de participation au tournage; c’est ainsi qu’elle a participé au téléfilm Une femme d’honneur. Pour ce qui concerne les revues, outre les périodiques des associations et les publications émanant d’anciens de l’Arme, la gendarmerie édite la Lettre aux commandants d’unité (10 000 exemplaires), la Lettre de la gendarmerie (50 000 exemplaires), Gend’info (depuis 1974 et tiré à plus de 100 000 exemplaires). Cet effort de communication concerne encore un public plus spécialisé avec la distribution de prix littéraires, la diffusion de la Revue de la gendarmerie ou les relations avec les Universités et la Recherche au sein du Service Historique de la Gendarmerie Nationale.

Au moment où l’information et sa diffusion au sein du «village global» que constitue la France et a fortiori la planète jouent un rôle constamment accru, on peut remarquer l’effort d’adaptation d’une gendarmerie qui a su ajuster ses structures aux besoins nouveaux de notre époque.

Chef d’escadron Édouard Ebel