SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

Depuis le XIXe siècle, la gendarmerie participe, aux côtés des armées, à la conquête coloniale. Sa présence en Cochinchine remonte à 1861, date à laquelle fut instituée une force publique transformée en compagnie de gendarmerie en février 1870.

La Deuxième Guerre mondiale ébranle les fondements de la domination coloniale. En Asie, malgré la politique de l’amiral Decoux qui tente tant bien que mal d’épargner à la colonie les malheurs de la guerre, l’Indochine est occupée par les Japonais qui soutiennent les nationalistes. Avant de se retirer, en mars 1945, les armées du Mikado s’en prennent aux forces françaises. Le 9 mars, fonctionnaires et militaires sont regroupés ou exécutés. Certains s’échappent et gagnent la jungle. Le capitaine Jean d’Hers perd la vie en résistant. Prenant acte de la vacance du pouvoir, les nationalistes s’en emparent et proclament l’indépendance le 11 mars. Pour le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), la colonie est très lointaine et ce sont les forces chinoises et britanniques qui reçoivent la capitulation des forces japonaises sur place. La péninsule est en état d’insurrection, les nationalistes ne souhaitant pas le retour à la situation coloniale, soutenus en cela par les Américains et les Chinois du Kuomintang qui désavouent le colonialisme. Seuls les Britanniques, au sud, favorisent le retour des Français.

Le 31 octobre, l’amiral Thierry d’Argenlieu débarque en Cochinchine afin de rétablir la souveraineté française. Malgré un rapport de forces défavorable aux Français, le haut-commissaire méprise les nationalistes qui, de leur côté, refusent tout compromis. Renouant le dialogue, Sainteny et le général Leclerc parviennent à un compromis fragile qui conduit à la conférence de Fontainebleau. Le leader communiste Ho Chi Minh y est alors traité avec égards, mais les non-dits très nombreux et les incohérences de d’Argenlieu annihilent toute volonté d’accord. Les incertitudes de l’après-guerre en métropole, la faiblesse des positions françaises en Indochine conduisent les Français à répondre brutalement à une agression en baie d’Haïphong le 20 novembre 1946. Cet incident met le feu aux poudres ; les barricades se dressent, les négociations sont interrompues.

Au mois de décembre, la France s’enfonce dans une guerre prolongée en Asie. Sous le signe de l’urgence, la France met sur pied un corps expéditionnaire composé de militaires professionnels (réguliers, coloniaux et légionnaires), sans trop dégarnir la métropole devant la menace grandissante de Moscou et de ses alliés. Les forces terrestres en Extrême-Orient (FTEO) comptent dans leurs rangs des gendarmes ainsi que des gardes républicains. Les premiers constituent la relève des gendarmes coloniaux dont les effectifs survivants ont été regroupés par Leclerc dans un détachement de gendarmerie de l’Indochine sud. Les seconds participent du contingent de gardes levés en toute hâte afin de participer aux opérations militaires. Avec les légions de Garde républicaine de marche, la gendarmerie renoue avec les missions combattantes. Au nombre de trois, les légions sont levées au cours du dernier trimestre de l’année 1946, prélevées sur les effectifs déployés en Allemagne, en Autriche puis en dernier recours sur les effectifs de métropole.

La 1re légion de Garde républicaine de marche est une garantie donnée par Paris de la volonté effective de faire accéder l’Indochine à l’indépendance dans l’Union Française selon la formule officielle. En encadrant la Garde civile de Cochinchine (GCC), elle doit mettre sur pied une force de sécurité intérieure militaire, embryon d’une future armée « vietnamisée ». Répartie dans le sud, cette force expérimentale, au contact des rebelles de la zone deltaïque du Mékong, doit permettre de faire nombre et de donner une visibilité aux promesses françaises en impliquant les autochtones. À terme, l’encadrement doit être entièrement indochinois. Une école d’officiers est installée à Nam Dinh près de Saïgon. La GCC est organisée sous la forme de régiments encasernés et répartis dans les provinces, agissant sous l’autorité organique des administrateurs. L’effectif de ce corps monte en puissance (il passe de 3 500 à 9 000 hommes) et est rebaptisé Garde républicaine de Cochinchine. Cette formation initialement prévue à quatre régiments est réarticulée durant l’année 1947 quand le 4e régiment est dissous et morcelé en plusieurs composantes spécifiques dont un escadron parachutiste qui sert d’embryon à l’arme parachutiste autochtone. La GRC devient en 1948 la Garde du Vietnam Sud (GVNS) dans le cadre plus global de la centralisation des commandements et de l’indigénisation programmée des unités. Les formations de gendarmerie répondent d’ailleurs au standard dit « d’unité d’infanterie à fort pourcentage indigène » et participent aux combats sous les ordres des commandants de secteur. Dès 1950 sont organisés des bataillons vietnamiens (BVN) totalement vietnamisés. Le chef de corps de la 1re légion est aussi chef de la mission d’organisation des forces armées du Vietnam Sud et chef d’état-major du ministre de la Défense nationale du Gouvernement provisoire du Vietnam, fonctions qui donnent un relief tout particulier à la présence des gendarmes au sein du corps expéditionnaire.

Les deux autres légions sont levées afin de combler les déficits de forces. La 2e est déployée autour de Saïgon. Elle assume des missions variées telles que l’encadrement de la gendarmerie laotienne, de l’armée royale khmère (ARK), la garde de prisonniers internés militaires (PIM), l’encadrement des partisans levés par Michelin (gardes aux plantations) ou encore le service d’escorte. Les missions qu’elle assume sont essentiellement des tâches de sûreté. La 3e légion enfin est initialement déployée au Tonkin et plus spécialement vouée à l’encadrement de formations autochtones plus ou moins régulières (comme la garde du Vietnam Nord ou les minorités ethniques tels les Muongs). Ses missions sont sensiblement identiques à celles de la 1re légion. Au total, les gardes républicains mobiles ont eu 654 tués et disparus, et 1 500 blessés. Ils assument des missions variées allant de simples détachements d’honneur à des missions de combat sur les plateaux du Haut Donnai, en passant par la prévôté (dont le détachement de Dien Bien Phu) ou l’encadrement de postes isolés. Souvent au contact des indigènes, de simples gardes deviennent commandants de pelotons. Initialement, les gendarmes qui s’embarquent sont persuadés qu’ils vont faire du maintien de l’ordre. Leur engagement, dès les débuts, ne fait aucun doute sur la doctrine d’emploi et leur fonction. La gendarmerie sert de réservoir de cadres d’active pour des missions de sûreté ou secondaires sur le théâtre des opérations et paie un lourd tribut humain qui lui vaut une inscription au drapeau.