SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

Après l’écrasement de la Commune de Paris et des mouvements insurrectionnels en province, le gouvernement entreprend de renforcer ses moyens pour maintenir l’ordre dans la capitale et ses abords immédiats. En août 1871, la gendarmerie est forte d’environ 29 000 hommes. Mais les nouveaux hommes forts n’ont pas oublié les faveurs dont elle a bénéficié tout au long du règne de Napoléon III et ils la soupçonnent fortement d’être restée bonapartiste. Certains envisagent de la démilitariser pour la rattacher au ministère de l’Intérieur. Son statut militaire est remis en cause car sa fonction principale n’est pas de combattre mais d’assurer la sûreté publique et le maintien de l’ordre. Chaque débat autour de la gendarmerie voit ressurgir la question d’une éventuelle démilitarisation. Finalement, les pouvoirs publics ne semblent pas réellement tentés par cette solution. La succession des réformes entreprises met plutôt en évidence les embarras et les hésitations des gouvernements.
Les gendarmes sont convaincus que leur rattachement à la direction de la cavalerie est le principal handicap à la compréhension des pouvoirs publics. Leur seul lien direct avec le ministre de la Guerre est un comité consultatif dont la compétence est limitée. La question de l’autonomie de la gendarmerie, par la création d’une direction spécifique, n’est pas à l’ordre du jour. Le décret du 20 mai 1903, qui réactualise le décret de 1854, n’est pas la grande réforme réclamée.
En 1871, après l’écrasement du mouvement communard, la participation effective des troupes de ligne au maintien de l’ordre n’est pas véritablement remise en cause lors des débats sur la réorganisation de l’armée. En juin 1871 est créée une légion de gendarmerie mobile, qui disparaît en 1885. A partir de 1890, les luttes sociales deviennent plus fréquentes et beaucoup plus violentes. En cas de troubles graves, les effectifs de la gendarmerie départementale se révèlent insuffisants pour assurer ou rétablir l’ordre et l’appel à la troupe est alors fréquent. La question de créer une troupe spéciale spécifiquement chargée du maintien de l’ordre, une gendarmerie mobile, se pose alors, mais les pouvoirs publics et le personnel politique sont réticents et les différents projets ne voient pas le jour.

DANS L’ATTENTE DES REFORMES (1871-1914)

L’EPREUVE DE LA GRANDE GUERRE (1914-1918)

Si le gouvernement refuse de mettre sur pied pour le front des formations constituées de gendarmes, il accepte néanmoins que des gendarmes se portent volontaires pour encadrer les réservistes de l’infanterie. Ainsi, dès septembre 1914, un premier contingent de plusieurs centaines de volontaires part combattre sous l’uniforme du fantassin. Les éléments repliés des 1ère et 2e légions sont constitués en détachements pour renforcer les brigades de gendarmerie à proximité du front. Mais jusqu’à la fin du conflit, aucun régiment de gendarmes ne sera constitué. En 1917, des gendarmes réservistes sont toutefois envoyés au front. Au total, plus de 250 militaires de la gendarmerie trouvent la mort au sein des unités combattantes, dont le général Battesti.
Le décret de 1903 prévoit que la gendarmerie assure un service prévôtal au sein des armées en temps de guerre. Les missions des prévôtés consistent en la police des cantonnements, la lutte contre l’alcoolisme, la répression du pillage, de l’espionnage et des menées défaitistes, la régulation et le contrôle de la circulation dans les agglomérations et sur les routes de la zone des armées, et le service du champ de bataille. Les gendarmes prévôtaux sont donc chargés d’assurer le maintien de l’ordre aux armées, d’arrêter les fuyards et les déserteurs et de maintenir les soldats sur le front. Ils doivent également surveiller et contrôler les civils qui se trouvent dans la zone des armées et refouler ou arrêter les indésirables. L’état-major considère comme essentiel le rôle de la gendarmerie prévôtale et s’efforce, tout au long du conflit, d’en augmenter les effectifs. Mais l’action des gendarmes est décriée par les combattants et des incidents, parfois violents, les opposent aux soldats. La haine du gendarme est quelquefois plus forte que celle de l’ennemi.

D’UNE GUERRE A L’AUTRE (1918-1940)

A l’issue de la Grande Guerre, la gendarmerie va voir sa place s’accroître et les débats d’avant-guerre trouver une solution.
Une sous-direction de la gendarmerie est mise en place (février 1918), tandis que le gouvernement donne le rang de sous-officier à tous les gendarmes. Le 21 octobre 1920, la sous-direction est remplacée par une direction de la gendarmerie : le colonel Plique, ancien sous-directeur, est nommé à sa tête. En juillet 1933, elle devient la direction du contentieux, de la justice militaire et de la gendarmerie, ayant à sa tête un magistrat, Marcel Oudinot.
Par ailleurs, le gouvernement remet à l’ordre du jour la mise sur pied d’une force militaire spécialement formée pour maintenir l’ordre. La loi de finances du 21 juillet 1921 permet la création de pelotons mobiles de gendarmerie, qui prennent le nom de garde républicaine mobile (GRM) en 1926. Les légions autonomes de GRM sont constitués en 1927. En 1933 est créé le groupe spécial de Satory, près de Versailles, doté de chars légers. La garde républicaine mobile aligne un effectif de 21 000 hommes en 1939. La GRM est mise à l’épreuve lors de nombreuses manifestations, notamment le 6 février 1934 à Paris.
Pour pallier la crise du recrutement, apparue dans les premières années du XXe siècle, il est nécessaire de revaloriser la condition des personnels de la gendarmerie. Une école destinée à la formation des officiers de gendarmerie est créée à Versailles le 31 décembre 1918. Plusieurs écoles et centres d’instruction sont ouverts mais laissent la place à une formation plus concrète au sein des pelotons mobiles.
Le progrès dans la formation des personnels s’accompagne également d’un progrès des moyens matériels mis à disposition de l’Arme : les différentes formations de gendarmerie départementale sont dotées de téléphones et de machines à écrire, tandis que progresse la motorisation des unités (automobiles, motocyclettes). La dotation en véhicules permet tout particulièrement à la gendarmerie de remplir sa mission de police de la route.

DE LA  » DROLE DE GUERRE  » A LA DEFAITE

Le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne. Les brigades de gendarmerie coordonnent le départ des mobilisés vers leurs affectations et des détachements prévôtaux sont mis en place. Avec l’aide de la gendarmerie, les populations civiles sont évacuées des zones dangereuses. Mais les pouvoirs publics craignent avant tout la subversion intérieure. La crainte du sabotage par des agents ennemis infiltrés dans la zone de l’intérieur, la  » cinquième colonne « , oblige les gendarmes a exercer une très grande surveillance des points sensibles dans l’ensemble du pays. Comme au cours du précédent conflit, la gendarmerie est chargée de contrôler la circulation automobile, de réprimer les trafics illicites, de rechercher les insoumis et les déserteurs.
Contrairement à ce qui s’était passé en 1914, le gouvernement va permettre à la gendarmerie de s’intégrer aux forces combattantes. La compagnie de GRM de Longeville-lès-Saint-Avold (Moselle) est ainsi engagée contre l’ennemi dans la forêt de Warndt dès septembre 1939. La mise sur pied, au sein du groupe spécial de Satory, du 45e bataillon de chars de combat (45e BCC) permet à dix-neuf officiers et 266 sous-officiers de gendarmerie de partir au front sous les couleurs de l’Arme. En mai 1940, le bataillon est engagé le 14 mai à Stonne, au sud de Sedan, mais est contraint à la retraite avant de subir de lourdes pertes.
La brusque attaque allemande provoque l’exode des populations du nord de la France qui se déroule dans le cadre des plans d’évacuation prédéfinis. Les légions de gendarmerie reçoivent l’ordre d’évacuer les zones où pénètre l’ennemi, en veillant au départ des populations civiles. Après la débâcle qui conduit la direction et la sous-direction à Romagnat (Puy-de-Dôme), la désorganisation de la gendarmerie est totale. Ses pertes, lorsque cessent les combats, sont de 377 tués, dont 26 officiers, 1 000 blessés et 5 000 prisonniers.