Général (C.R.) Georges PHILIPPOT
Revue historique des armées, numéro spécial gendarmerie, 1998
Pour bien comprendre le rôle de la gendarmerie dans la reconstruction de l’identité nationale française en Alsace et Lorraine après la première guerre mondiale il est indispensable au préalable de connaître l’histoire de sa propre reconstitution dans les territoires recouvrés, en 1918 et dans les années qui suivirent.
A différentes reprises, aux XIXe et XXe siècles, les Etats frontaliers de l’est de la France ont cherché à influer, de part et d’autre de frontières mouvantes, sur le sentiment d’appartenance nationale des populations limitrophes, soit par la force des armes, soit par les contraintes de la loi, soit encore par le contrôle de la culture et notamment de la langue. Diverses méthodes furent utilisées à cette fin. Parmi les manières douces, celle développée par la gendarmerie d’Alsace et Lorraine après 1918 semble assez méconnue. Elle ne manque pourtant pas d’intérêt car, au-delà d’un aspect conjoncturel, elle illustre, sous une forme ici particulière, la fonction probablement la plus fondamentale de la maréchaussée-gendarmerie, à savoir son rôle essentiel dans l’élaboration, le développement, l’affermissement ou le maintien, suivant les périodes et les lieux, de l’identité et de l’unité nationales.
La reconstitution de la gendarmerie
En 1918, du gendarme français à bicorne d’avant 1871, il ne restait dans la mémoire de quelques vieux Alsaciens ou Lorrains que quelques images que le temps avait rendues de plus en plus floues. Le seul gendarme que connaissaient les populations du Reichland, c’était le gendarme allemand rencontré sur les routes, à cheval, ou à pied son fusil sous le bras. Logeant chez l’habitant, à un ou deux par résidence, il surveillait de 4 à 6 communes. Ce gendarme était certes craint mais cependant bien admis par la population, » … souvent marié dans le pays… et accessible aux petits cadeaux… « . Beaucoup plus dépendant des autorités civiles que le gendarme français, le gendarme allemand était aussi un militaire qui, pour postuler à cette fonction, avait dû justifier de 9 années, au moins, de services militaires.
La gendarmerie allemande n’avait pas ce caractère national de la gendarmerie française. Chaque Etat confédéré avait sa propre gendarmerie dont les effectifs variaient, vers 1913, de 9 pour le plus petit (Schaumbourg – Lippe) à 5 525 pour le plus important (Prusse). Pour ce qui concerne le Reichland d’Alsace-Lorraine, la gendarmerie, créée par la loi d’empire du 20 juin 1872 était, à la veille de la guerre, à l’effectif de 446 militaires dont 7 officiers, 23 maréchaux des logis-chefs et 416 gendarmes répartis en 192 postes organisés en 22 circonscriptions territoriales et 5 districts.
Telle était, dans ses grandes lignes, l’organisation de la gendarmerie territoriale allemande que s’apprêtait à remplacer le chef d’escadron de gendarmerie Michel arrivé à Strasbourg le 21 novembre 1918, et désigné pour prendre le commandement de la gendarmerie d’Alsace-Lorraine.
L’idée d’une gendarmerie française spécifique susceptible de se substituer à la gendarmerie allemande après la reconquête de l’Alsace-Lorraine naquit de l’expérience conduite par des officiers et gendarmes alsaciens dans les territoires réoccupés dès 1914 des cantons de Thann, Masevaux et Dannemarie. Cette gendarmerie d’Alsace avait été créée, par décision du général commandant en chef, le 26 décembre 1915 et ses effectifs fixés à 87 gendarmes (36 parlant allemand, 20 le dialecte) répartis en brigades territoriales. D’abord dépendante des prévôtés, elle fut ensuite placée sous l’autorité du général commandant la VII°armée jusqu’en juin 1917 puis rattachée aux Missions militaires administratives mises en place à compter du 1° juillet 1917 et dépendantes directement du ministère de la Guerres, Service d’Alsace-Lorraine créé à cette date.
Parmi les officiers de gendarmerie directement impliqués dans cette gendarmerie d’Alsace on trouvait déjà le chef d’escadron Michel, du service de renseignement de la VII° armée, futur commandant de la légion d’Alsace et Lorraine, le capitaine Muller, prévôt de la 57e division d’infanterie, futur commandant de l’école de gendarmerie de Strasbourg puis de la compagnie de gendarmerie du Bas-Rhin, le lieutenant Bucquoy, prévôt de la 105e division d’infanterie, futur commandant de l’arrondissement de gendarmerie de Sélestat…. Mais c’est le général de division Bouchez, inspecteur général de la gendarmerie aux armées, qui allait donner l’impulsion nécessaire au projet de création d’une gendarmerie d’Alsace et Lorraine.
Le général Bouchez est l’un des officiers de gendarmerie les plus illustres de la guerre 1914-1918. De 1914 à 1917 il commande la 32e division d’infanterie sur les fronts de Lorraine en août-septembre 1914, de Flandres (octobre 1914 – février 1915), de Champagne (mai à août 1915), du Tardenois (fin 1915), de Verdun (août-septembre 1916), d’Argonne (septembre 1916 – février 1917). Le 7 mars 1917 il est nommé inspecteur général de la gendarmerie aux armées, et le 19 il propose au général commandant en chef un projet de gendarmerie pour l’Alsace-Lorraine : un corps de 600 gendarmes alsaciens-lorrains. Le projet est accepté mais » le général commandant en chef a toutefois estimé qu’il n’y avait pas lieu de constituer une gendarmerie entièrement en Alsaciens-Lorrains. Une gendarmerie autochtone serait sans autorité; son organisation favoriserait le régionalisme, et il a précisé son opinion en déclarant que sur 600 gendarmes, 200 Alsaciens-Lorrains suffiraient « . Le projet Bouchez, ainsi corrigé, devient l’instruction du 18 août 1917 qui décide » la création d’un centre d’instruction, pour 200 gendarmes alsaciens-lorrains, par lots de 100, réservant pour l’avenir le recrutement des 400 gendarmes métropolitains pour compléter le corps à 600 « . Telle est la base d’une organisation qui va connaître de nombreuses difficultés dans sa mise en place et de profondes modifications quant à ses effectifs et à leur répartition entre gendarmes alsaciens- lorrains et gendarmes de » l’Intérieur « .Un centre d’instruction pour gendarmes Alsaciens-Lorrains à Lure en 1918
Reste en effet à trouver, pour ce centre d’instruction, un lieu, un chef et… des gendarmes alsaciens-lorrains. L’endroit ne pose pas de problème; on convient rapidement que l’emplacement le mieux adapté est le site du PC de la VIIe armée à Lure.
Pour ce qui est du chef on fait sa connaissance à partir de la lettre manuscrite qu’il adresse le 19 mai 1917 à un colonel non identifié. » Je vous remercie » écrit-il » pour tout l’intérêt que vous avez bien voulu prendre à moi en la circonstance. Le général Bouchez, mon chef bienveillant auquel je suis tout dévoué, a pris en main la question de la création d’un corps de gendarmes alsaciens et de votre côté vous avez bien voulu associer mon nom titi, projet à l’étude « . Il s’agit du chef d’escadron de gendarmerie Michel, Alsacien d’origine, chef du service de renseignements à l’état-major de la VIle armée.
Cette lettre ainsi que la note qui y est jointe donne d’intéressantes informations sur ce personnage hors du commun qu’est Albert Michel ainsi que sur sa conception du rôle qu’il entend faire jouer aux gendarmes en Alsace reconquise. » Je suis personnellement très persuadé que pour mieux asseoir notre influence là-bas, il faut faire de la pénétration méthodique…; la liaison entre nous et nos nouveaux administrés doit être intime et constante… Je rêve de faire du gendarme alsacien un modèle et un exemple. Attitude militaire et tenue exemplaires pour montrer ce que nos compatriotes ont dans le sang ; esprit de discipline parfait, moral à hauteur de la tâche ; instructeur technique de transition ne bousculant rien; service plus préventif et éducateur que répressif…. Voilà des agents de pénétration tout indiqués… de véritables agents de pénétration et de liaison dont le rôle doit s’inspirer des directives suivantes : être en contact constant et étroit avec les populations alsaciennes de la zone intéressée, s’efforcer par la conversation de connaître leur état d’esprit, les rassurer, les tenir au courant de ce qui peut les intéresser ; propager les nouvelles qu’ils doivent connaître… remonter leur moral s’il en est besoin… « . Tels sont les sentiments qui animent dès 1917 celui qui sera de la fin 1918 à juillet 1925 le commandant de la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine.
En septembre 1917 tout est prêt à Lure pour accueillir les premiers élèves-gendarmes. » Les baraquements tout neufs sont spacieux et aussi confortables que l’on puisse souhaiter…. Le reste de l’organisation est prévu… et tout suit son cours. D’après la note du G.Q.G. l’ouverture des cours pourrait être prévue pour les environs du 1er novembre. Evidemment tout dépend entièrement du recrutement des élèves.. « . Et c’est bien la question. En effet, si le général commandant en chef a approuvé le projet de formation d’un corps de gendarmerie spécialement destiné à l’Alsace-Lorraine et composé notamment de 200 gendarmes originaires d’Alsace-Lorraine, » il ne prévoit pas le recrutement de ces Alsaciens-Lorrains dans les corps combattants sur les fronts Nord, Nord-Est et d’Orient « . Autrement dit les deux seules ressources possibles de candidats à la gendarmerie d’origine alsacienne ou lorraine ce sont l’armée d’Afrique d’une part, les dépôts d’Alsaciens-Lorrains (prisonniers de guerre issus de l’armée allemande) de Saint Rambert, Monestrol, Lourdes et Paris, d’autre part. Dans ces dépôts, l’officier interprète Spinner, du Service des Alsaciens-Lorrains, chargé d’y faire de la propagande, n’est guère optimiste.
Le 31 mars 1917 il écrit de Saint Rambert à son supérieur hiérarchique à Paris : » Je ne sais trop s’il y aura grande affluence pour cette carrière car le paysan aime rentrer pour cultiver sa terre ; l’ouvrier rejoindra sa fabrique où les salaires sont très élevés. Les commerçants eux aussi trouveront des emplois plus rémunérateurs. On n’est pas sans ignorer (sic) que les gendarmes allemands étaient bien mieux payés que les gendarmes français… ». Du côté de l’armée d’Afrique on traîne les pieds. Si » à la date du 11 novembre 1917 on n’a reçu aucun document concernant le recrutement de la gendarmerie d’Alsace-Lorraine « , le 13 décembre le général commandant les troupes françaises d’Afrique rend compte qu’il est bien en possession des instructions lui prescrivant de » prélever 200 gendarmes sur les corps et détachements alsaciens-lorrains » mais que » ce prélèvement est de nature à aggraver encore la crise d’effectifs dont souffrent ces unités « ; il demande qu’on lui remplace, nombre pour nombre, les effectifs qu’il doit restituer.
L’affaire commence donc relativement mal. Le chef d’escadron Michel s’impatiente : » Tous les jours j’apprends que nombre de corps africains ont complètement ignoré la question, que d’autres l’ont mal connue, que la propagande faite là-bas a été très insuffisante, les porte-paroles n’étant pas au courant ou hostiles « . Et ce n’est qu’avec 68 candidats que commencera au centre d’instruction des gendarmes alsaciens-lorrains de Lure, fin juin 1918, le premier stage de formation. Le 2e stage débutera le 1e novembre 1918 avec 87 nouveaux élèves. Le chef d’escadron Michel n’a toutefois pas perdu son temps pendant cette année d’attente. Tout en continuant à assurer ses fonctions de chef du SR de la VIe armée, il a rédigé et fait imprimer la quasi totalité des cours qu’il dispensera lui-même, assisté de quelques sous-officiers de gendarmerie.
La mise en place du dispositif de la gendarmerie en Alsace et Lorraine en novembre 1918
Lorsque survient l’armistice on est loin de disposer des 600 gendarmes prévus dans le projet Bouchez. Aussi dès le 10 novembre le général commandant en chef prescrit au général commandant le groupe des armées de l’Est de mettre en place » trois cents gendarmes destinés à faire partie de la gendarmerie du territoire d’Alsace-Lorraine, soit 200 à Nancy et 100 à Belfort. Les gendarmes sont à prélever sur les prévôtés des grandes unités du GAE »
Le 14 novembre 1918 le général Bouchez dans son » Instruction technique sur l’organisation de la gendarmerie (lit territoire d’Alsace-Lorraine « , donne ses directives pour la mise en place du dispositif en Alsace-Lorraine. C’est un véritable ordre d’opérations clair et précis qui fixe
– la base de l’organisation, celle d’avant 1870, soit 3 compagnies (Moselle – Bas-Rhin – Haut-Rhin) regroupant, en 12 arrondissements, 112 brigades
– les effectifs ; 492 provenant pour 87 de la gendarmerie déjà existant en Alsace, pour 75 du CI de Lure, pour 30 (gradés) de la Réserve du personnel de la gendarmerie et 300 des prévôtés
– la répartition des effectifs : 4 par brigade et trois réserves constituées à Metz, Strasbourg et Colmar
– diverses consignes et conduites à tenir pour les officiers : » les officiers à tous les degrés devront avant tout, pour l’emploi de leur troupe, s’inspirer de l’intérêt général et ne jamais se retrancher derrière des règlements faits pour des situations normales et non applicables dans les circonstances actuelles ; » pour les gendarmes : » au moment de la réoccupation, le premier devoir des gendarmes de la brigade est d’aider au triage des habitants… « .
Tout paraît donc prêt et le 18 novembre le dispositif rassemblé à Belfort est en mesure de faire mouvement. Il n’en va pas de même à Nancy où, à la surprise du général Bouchez, aucune des sections prévôtales prévues n’a rejoint. Il s’ensuit un échange de messages instructifs sur les relations du moment entre les états-majors d’armées, qui refusent ouvertement de remettre à la disposition du général commandant en chef les sections de gendarmes demandées, et l’état-major du GQG…. Le 20 novembre le général Bouchez se fâche, et adresse au général commandant en chef à l’état-major du GQG. à Provins le message suivant : » Je demande instamment que vos ordres soient exécutés… « . Enfin le 26 novembre le général inspecteur de la gendarmerie aux armées, qui le 22 novembre s’est rendu lui-même à Nancy, peut rendre compte qu’à l’exception de 40 gendarmes, le dispositif prévu est en place en Alsace et en Moselle.
Le chef d’escadron Michel, quant à lui, mis à la disposition du ministère de la Guerre pour commander la gendarmerie d’Alsace-Lorraine, est à Strasbourg avec les premiers gendarmes français dès le 21 novembre, la veille de l’entrée officielle des troupes françaises dans la ville, et le 23 il accompagne chez le haut-commissaire Maringer, Levy, juge au tribunal de Strasbourg qui, dès le 7 novembre, » s’est saisi de la direction (les services de police de la ville, » pour l’appuyer dans sa demande de révocation des responsables de la police allemande. Dès le 26 novembre ceux-ci sont congédiés ; ils seront payés jusqu’au 31 décembre et expulsés. Quant aux gendarmes allemands, le télégramme adressé par le haut-commissaire de la République à Strasbourg à toutes les administrations, le 4 décembre 1918, ne leur laisse aucune alternative : » Ai décidé sauf examen des cas individuels – inviter gendarmes allemands à quitter territoire français. Les chevaux seront retenus contre reçu fixant valeur estimative – familles pourront accompagner leur chef – mobilier ne sera acheminé qu’ultérieurement « .
La place est libre pour les gendarmes français mais la tâche est immense. Ils sont déjà répartis dans leurs nouvelles résidences depuis plusieurs semaines quand deux décrets et un arrêté, tous les trois du 31 décembre 1918, instituent le cadre réglementaire de leur organisation de leur recrutement et de leur formation. » Il est créé pour les territoires d’Alsace et Lorraine une légion de gendarmerie ; l’effectif de cette légion comprend : … 1000 chefs de brigade et gendarmes « . » Pour la première organisation la totalité des emplois de chefs de brigade et la moitié des emplois de gendarmes pourront être attribués aux chefs de brigades des autres légions qui en feront la demande « … » Il est créé au chef-lieu de la légion, un centre d’instruction « . Quant aux conditions d’admission des Alsaciens et Lorrains dans la gendarmerie, elles sont assouplies puisque tous ceux qui, soit ont servi sous les drapeaux français, soit proviennent des dépôts d’Alsaciens et Lorrains de Paris, Saint-Rambert et Lourdes, soit sont restés en Alsace-Lorraine ou y sont revenus après l’armistice, peuvent se porter candidats s’ils font la preuve de leur origine alsacienne ou lorraine.
Confusion, tensions et conflits
De décembre 1918 à avril 1919 la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine et le centre d’instruction de gendarmerie de Strasbourg, qui lui est rattaché, vont connaître des difficultés qui iront jusqu’à remettre en cause leur existence ; non du fait de l’exécution des missions, mais des conflits de compétences et d’attributions qui vont naître entre les différentes parties prenantes à l’emploi et à la gestion de ce nouveau corps de gendarmerie.
Pour comprendre ces tensions il faut d’abord ne pas perdre de vue que cette gendarmerie d’Alsace et Lorraine est la fille du général de division Bouchez, inspecteur général de la gendarmerie aux armées, qui l’a fait reconnaître, à sa naissance, par le général commandant en chef. Elle n’est pas issue d’une idée de la sous-direction de la gendarmerie qui en héritera cependant mais qui ne l’a pas voulue, surtout avec un tel poids (7 000 gradés et gendarmes). Les commandants d’armée qui ont dû fournir 300 gendarmes prévôtaux pour sa constitution, puis à compter de février 1919, les commandants supérieurs des territoires d’Alsace et de Lorraine, responsables du maintien de l’ordre, estiment que cette gendarmerie doit être placée sous leur autorité. Les commissaires de la République comprennent bien l’intérêt qu’ils ont à conserver cette gendarmerie le plus possible dans leurs mains, mais ils sont bien obligés de tenir compte du rôle important des autorités militaires pendant cette période transitoire, entre l’armistice et le traité de paix. Quant au service général d’Alsace-Lorraine, placé à Paris auprès du président du Conseil qui, rappelons-le, est aussi ministre de la Guerre, il soutient le point de vue des commissaires de la République sur lesquels il a autorité. C’est donc dans ce contexte de relations complexes et d’intérêts pas toujours convergents que la gendarmerie d’Alsace et Lorraine fait ses premiers pas au milieu d’obstacles qui se multiplient.
Les premiers tiennent aux conflits locaux entre les autorités d’emploi. Dès le 2 décembre le chef d’escadron Michel rend compte au haut-commissaire du contenu d’un télégramme que lui a fait parvenir le prévôt du groupe des armées de l’Est l’informant que » la gendarmerie du territoire est subordonnée à la prévôté de l’armée « . Le 16 décembre il adresse une note au haut-commissaire (en-tête : » République française – Haut-Commissariat de la République – légion de gendarmerie d’Alsace-Lorraine « ), sur le même sujet, en faisant valoir que » l’instruction du 28 février 1918 du général en chef, subordonnant complètement la gendarmerie territoriale à la gendarmerie de campagne ne saurait recevoir une application intégrale et c’est au contraire l’instruction ministérielle du 18 juillet 1917, créant la gendarmerie d’Alsace et la plaçant dans les attributions directes de l’administration de l’Alsace qui devrait être intégralement envisagée…. En tout état de cause, il importe qu’à l’avenir, aucun ordre ni demande devraient être adressés directement à la gendarmerie d’Alsace-Lorraine. Il y aura lieu de les faire passer par le haut-commissariat « . Le contenu de cette note ainsi que la modification de l’en-tête habituel marquent bien l’intention du chef d’escadron Michel de se placer dans les attributions du haut-commissaire ; les deux instructions qu’il cite sont effectivement contradictoires mais il est cependant évident que le texte spécifique à la gendarmerie d’Alsace-Lorraine (18 juillet 1917) vise bien à créer une gendarmerie territoriale dépendante de l’autorité civile.
Le 20 décembre, une lettre du haut-commissaire appelle l’attention du maréchal commandant en chef sur » les inconvénients que présente l’application pure et simple à la légion de gendarmerie d’Alsace-Lorraine, de l’instruction. du 28 février 1918 subordonnant complètement la gendarmerie territoriale à la gendarmerie de campagne » et lui propose de » décider qu’à l’avenir l’autorité militaire ou les officiers de la prévôté devront s’adresser à moi-même ou aux commissaires de la République à Colmar et à Metz lorsqu’il leur paraîtra nécessaire de recourir à la collaboration de la légion d’Alsace-Lorraine « .
Parallèlement à cette démarche, le chef d’escadron Michel, dans le même but d’acquérir, pour sa légion, l’indépendance qu’il estime nécessaire, saisit, de ses problèmes, son supérieur hiérarchique, le général Bouchez auquel il adresse les deux premiers rapports d’inspection de ses unités.
Dans celui du 14 décembre 1918 on lit » Actuellement on peut dire que tout le monde commande le personnel de la gendarmerie territoriale d’Alsace-Lorraine, laquelle ne devrait normalement relever que du haut-commissariat. Souvent les ordres donnés sont contradictoires et le personnel ne sait plus comment opérer ni à qui obéir.. Les armées donnent directement des ordres en dehors des chefs de l’armée, les commandants de secteur également, les prévôts aussi… Tout cela crée une confusion extrêmement préjudiciable à la bonne exécution du service. Aujourd’hui où, après les fêtes, les lampions sont éteints et où les populations vont se trouver en face des réalités de la vie, il importerait tant d’agir avec l’unité de vues voulues pour réduire au minimum les à-coups, les chassés-croisés et les flottements et donner au public l’impression de l’ordre, de la méthode et de l’impulsion unique « . Ce rapport est joint à la lettre que le général Bouchez adresse le 21 décembre 1918 au maréchal commandant en chef et qui dénonce un certain nombre d’emplois abusifs des gendarmes territoriaux d’Alsace et de Lorraine par l’autorité militaire.
La réponse ne se fait pas attendre. Dans une lettre du 30 décembre 1918, le maréchal commandant en chef donne au général commandant la IVe armée, les instructions suivantes : » En vue d’éviter le retour de semblables errements des ordres seront donnés pour que, à l’avenir, les autorités militaires ou les officiers de la prévôté s’adressent directement au haut-commissaire de la République à Strasbourg ou aux commissaires de la République de Colmar et Metz, lorsqu’il leur paraîtra nécessaire de recourir à la collaboration des gendarmes de la légion d’Alsace-Lorraine « . La conclusion est ferme : » Vous voudrez bien le cas échéant, veiller à la stricte application de ces prescriptions ! « .
Ainsi le jour de sa naissance officielle (décret du 30 décembre 1918) la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine a bien rompu le cordon ombilical qui la reliait à l’institution qui l’avait portée. Mais cette relative indépendance va rapidement de nouveau être remise en cause d’une autre manière.
En effet, en cette fin d’année 1918, la sous-direction de la gendarmerie n’a qu’un seul grave souci : comment reconstituer les effectifs de la gendarmerie ? Dès le 20 novembre le cabinet du président du Conseil, ministre de la Guerre, attire l’attention du maréchal commandant en chef sur les conséquences de la démobilisation des classes 87, 88 et 89 qui » a brusquement privé la gendarmerie de l’Intérieur de 1 388 gendarmes dont cinq cents chefs de brigade…. N’ayant aucun autre moyen de remédier à cette situation, la sous-direction de la gendarmerie propose le renvoi à l’Intérieur de mille gendarmes prévôtaux avec, autant que possible, un cinquième de gradés… » proposition que le général Bouchez, consulté par le commandant en chef, est loin d’approuver. Dans sa lettre au maréchal, du 27 novembre 1918, il écrit : » Il résulte de la lettre ministérielle du 20 novembre dernier que la sous-direction de la gendarmerie n’est pas au courant des choses de la gendarmerie aux armées » et de fournir un argumentaire solide et détaillé avant de conclure : » Je ne perds pas de vue lu situation de l’Intérieur et j’aurai été le premier à proposer des économies sur les armées, comme je l’ai déjà fait, si j’avais su la chose possible « . Cet argumentaire est repris par le maréchal commandant en chef, qui dans sa lettre du 29 novembre 1918, répond au ministre : » Dans la situation actuelle, il ne m’est pas possible de donner satisfaction à votre demande « .
Le 2 janvier 1919, nouvelle offensive du ministère de la Guerre (sous-direction de la gendarmerie) qui adresse au commandant en chef une lettre d’où il ressort que » la libération de toutes les classes de la R.A.T. va diminuer les effectifs de la gendarmerie à l’Intérieur d’un nombre total de 6 041 hommes qui, ajouté à un déficit déjà existant de 5 924 portera ce déficit à 11 355 » (en 1919 l’effectif théorique global de la gendarmerie est de 27 000 hommes). Pour remédier à cette situation la sous-direction de la gendarmerie envisage » la désignation d’office de gendarmes auxiliaires, parmi les hommes âgés de 25 ans qui seraient ultérieurement démobilisés ou rendus à leur corps et le renvoi à l’Intérieur de 2 500 prévôtaux « … au moment où, le 6 janvier, par exemple, le général Mangin, commandant la X° armée, de même que le gouverneur militaire de Metz, réclame de nouveaux gendarmes.
La tension est perceptible dans le message que le ministre adresse au maréchal le 15 janvier 1919 : » Il est d’une importance capitale que les demandes qui ont fait l’objet de mes notes… reçoivent satisfaction la plus large et la plus rapide…. Les besoins de l’Intérieur sont de plus en plus pressants, il ne faut pas que, par suite retard à donner satisfaction à mes demandes, les circonstances amènent à vous imposer d’urgence prélèvements indispensables et qu’il serait impossible de différer « .
A compter de la fin janvier 1919, des sections de gendarmes prévôtaux sont donc progressivement remises à la disposition du ministre (sous-direction de la gendarmerie). Mais à Metz et à Strasbourg, quand sont créés en février, les commandements supérieurs des territoires de Lorraine et d’Alsace, les chefs désignés ne peuvent que constater l’insuffisance numérique de leurs prévôtaux pour assurer les missions dont ils ont la charge. Aussi l’idée toute simple de se partager la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine et de réintégrer chaque part dans leur propre dispositif fait-elle son chemin. C’est en tout cas le sens de la proposition du général commandant la IVe armée dont le chef d’état-major ne semble pas avoir particulièrement apprécié la lettre de remontrances du commandant en chef du 30 décembre 1918 et dont il a parfaitement identifié l’initiateur. Cette proposition est reprise par le maréchal dans la lettre qu’il adresse le 9 mars 1919 au général Bouchez pour avis: » Les rapports que doivent avoir les différents chefs de la gendarmerie d’Alsace-Lorraine entre eux et avec les autorités civiles et militaires en Alsace et en Lorraine paraissent incomplètement définis ou tout au moins mal connus; il en est ainsi notamment en ce qui concerne la situation de la gendarmerie d’Alsace-Lorraine vis-à-vis du prévôt de la IV° armée et du commandant de la gendarmerie du territoire de Lorraine. Il semble indispensable pour éviter les doubles emplois que, tant en Lorraine qu’en Alsace, un seul prévôt ait la haute main sur l’ensemble des forces de gendarmerie, y compris celles dites d’Alsace-Lorraine « .
Cette fois, l’existence de la toute nouvelle légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine est sérieusement menacée. Le général Bouchez le perçoit bien. Le 16 mars il fait une inspection en Lorraine et le 21 il donne son avis au maréchal. Il explique que dans son projet initial d’organisation de la légion d’Alsace et Lorraine » … c’était au chef de légion que devait revenir la direction supérieur du service mais que le choix d’un chef d’escadron pour commander la légion ne permit pas de lui donner cette situation « . Devant la difficulté à maintenir intact le dispositif qu’il a lui-même mis en place il tente d’enterrer le nouveau projet en proposant une autre solution suffisamment inacceptable pour mériter l’appréciation de l’officier d’état-major chargé au G.Q.G. de traiter la question
» Le projet est aussi compliqué que ce qui existe actuellement… Il ne présente pas d’avantages marqués sur l’organisation actuelle. Il semble inutile de l’adopter « . Sur cette même note est portée au crayon l’annotation : » Exact. Préparer la solution logique du chef et l’envoyer pour avis à Monsieur Millerand « .
La » solution logique du chef » consiste à créer un commandement unique de toutes les formations de gendarmerie d’Alsace et de Lorraine, placé dans les attributions du général commandant la IVe armée et, à la dissolution de celle-ci, sous les ordres du commandant supérieur du territoire d’Alsace à Strasbourg. Cette proposition est adressée au commissaire général à Strasbourg le 4 avril.
Affermissement et développement
La fin du système de l’administration directe qui s’était montré tout à fait inadapté pour résoudre les problèmes posés par la réintégration de l’Alsace et Lorraine, l’instauration d’un commissariat général à Strasbourg, la désignation d’Alexandre Millerand à ce poste allaient contribuer largement à mettre de l’ordre au sein des administrations, à rétablir, pour un temps, la confiance avec les hommes politiques locaux et la population ainsi qu’à faire avancer un certain nombre de solutions dont la mise en oeuvre était urgente. Pour ce qui concerne la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine, Millerand allait définitivement asseoir son autorité. En quelques semaines ses problèmes existentiels étaient réglés. Soutenue par le pouvoir politique, à défaut de l’être par la sous-direction de la gendarmerie, renforcée en personnels sélectionnés, elle allait enfin pouvoir se consacrer essentiellement à la tâche primordiale que lui assignait son chef, le lieutenant-colonel Michel : » faire pénétrer en Alsace et Lorraine les idées françaises « .
Le décret du 21 mars 1919 qui institue à Strasbourg le commissariat général de la République donne au détenteur de ce poste des prérogatives exceptionnelles. » Il exerce sous l’autorité directe et par délégation permanente du président du Conseil, ministre de la Guerre, l’administration générale des territoires d’Alsace et Lorraine. Il réunit sous son autorité tous les services afférents à cette administration. Il a entrée au conseil des ministres pour les affaires d’Alsace et de Lorraine. Il pourvoit à tous les emplois « .
Armé de ces pouvoirs considérables, Millerand va donner une très forte impulsion à la réintégration. Il est, pour divers motifs, l’homme de la situation. Sa déjà longue carrière et sa forte stature politiques lui confèrent une autorité suffisante pour être reconnu par les populations alsaciennes et lorraines, en imposer aux ministres qui ont à connaître des affaires d’Alsace-Lorraine et faire plier les administrations centrales qui rechignent à toute déconcentration. Par ailleurs c’est un régionaliste convaincu. En 1893, il avait déclaré : » nous serons régionalistes jusqu’au fédéralisme « . En janvier 1920, il déposera un projet de loi au Parlement visant à créer un conseil régional d’Alsace et de Lorraine en substitution au conseil supérieur. Ces convictions sont bien évidemment appréciées en Alsace et Lorraine où elles trouvent matière à s’exprimer pleinement. Elles expliquent aussi le solide soutien qu’il apporte sans discontinuer au commandant de la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine. Dès le 1er avril il adresse une note aux généraux commandants la IVe armée, le territoire d’Alsace, le territoire de Lorraine, ainsi qu’aux commissaires de la République de la Haute-Alsace, Basse-Alsace et la Moselle conviant leurs représentants à une réunion à Strasbourg à 14 heures » pour étudier les mesures à prendre pour réaliser l’accord complet et la coopération constante entre ces deux gendarmeries » (légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine et gendarmeries prévôtales)… » Les différents services qui incombent à la gendarmerie prenant de jour en jour en Alsace-Lorraine une importance plus grande « . On ne trouve pas trace d’un compte rendu de cette réunion mais le 21 avril le commissaire général répond à la lettre du 4 avril du maréchal commandant en chef » …Jl’estime que, dès maintenant, l’organisation de la légion d’Alsace-Lorraine doit tendre à la réalisation de sa constitution du temps de paix… Le lieutenant-colonel commandant la légion d’Alsace-Lorraine relevant directement du commissaire général dirigera l’ensemble du service… Pour la période transitoire, je suis convaincu qu’il suffira de faire appel à l’esprit de camaraderie qui anime le prévôt de la IVe armée et le lieutenant-colonel commandant la gendarmerie d’Alsace-Lorraine pour qu’ils s’entendent, sans intermédiaire, au sujet des services communs qu’ils ont à fournir… C’est pourquoi je suis d’avis que la création d’un commandement supérieur de la gendarmerie en Alsace-Lorraine… n’est pas à réaliser « .
Mais ce n’est pas tout. Pour bien marquer, sans ambiguïté, qu’il place la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine directement et quasiment exclusivement dans ses attributions Alexandre Millerand adresse le 9 mai 1919, au lieutenant-colonel commandant la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine, aux généraux commandants supérieurs des territoires d’Alsace et de Lorraine, aux commissaires de la république de Strasbourg, Metz et Colmar ainsi qu’au directeur de la Justice du commissariat général, deux correspondances.
Dans la première, » en raison de la situation spéciale de la gendarmerie d’Alsace-Lorraine, je prescris que, par dérogation aux articles 52 et 53 du décret du 20 mai 1903 sur le service de la gendarmerie, les rapports à fournir aux autorités…, ne seront plus établis qu’en une seule expédition qui sera adressée au commissariat général de la République (direction des affaires militaires) à Strasbourg… S’il y a lieu, la direction des affaires militaires fera parvenir au ministère de la Guerre, aux autorités militaires et aux autorités administratives et judiciaires, copie du rapport « .
Dans la seconde il est demandé aux autorités destinataires que » la gendarmerie d’Alsace-Lorraine soit laissée à son véritable service qui est tout de police et de surveillance « . Doivent être exclus du service de la gendarmerie » les enquêtes judiciaires et administratives dans les localités pourvues d’un commissaire de police, les demandes de renseignement n’offrant pas un réel intérêt de police ou de justice, les établissements, recherches, ou comptes rendus d’état-civil… les remises de pièces diverses… en général toutes autres opérations… n’exigeant pas vraiment l’emploi de la gendarmerie « .
Ainsi la position très contestée, en mars 1919, de la gendarmerie d’Alsace et Lorraine se trouve-t-elle clarifiée, renforcée et définitivement établie deux mois plus tard. Le lieutenant-colonel Michel qui, en décembre 1918 se plaignait de ce que tout le monde commande la gendarmerie territoriale d’Alsace-Lorraine, est satisfait. Il n’a plus qu’un seul chef, Alexandre Millerand, commissaire général de la République, résidant à Strasbourg. Cette organisation hiérarchique se montrera particulièrement efficace, y compris dans des actions à caractère opérationnel telles que l’affaire du pillage des trains à Forbach en octobre 1919. Elle est admise par tous les responsables… sauf par la sous-direction de la gendarmerie qui se voit, non seulement privée de la majeure partie de ses prérogatives mais, qui plus est, contrainte par Millerand, via le président du Conseil, de satisfaire ses exigences.
La position de la sous-direction de la gendarmerie vis-à-vis de la gendarmerie de l’Alsace et Lorraine procède d’un raisonnement technocratique élémentaire parfaitement limpide. La guerre terminée, les 200 gendarmes alsaciens et lorrains initialement prévus étant formés, il convient d’abord de dissoudre le centre d’instruction de gendarmerie de Strasbourg et de former à l’Intérieur les autres gendarmes alsaciens ou lorrains, ensuite de contenir les effectifs de la légion d’Alsace et Lorraine dans les limites définies par le rapport habituel, nombre de gendarmes / effectif de la population ; éventuellement, de dissoudre cette légion pour rattacher la gendarmerie de la Moselle à la légion de Châlons-sur-Marne, celle du Haut-Rhin à la légion de Besançon et celle du Bas-Rhin à la légion de Nancy. Jamais la sous-direction de la gendarmerie ne prendra en compte la situation locale particulière à l’Alsace-Lorraine qui, au sortir de la guerre, après un demi-siècle d’acculturation germanique, a toutes les peines du monde à retrouver ses marques françaises. Ce comportement ne lui sera pas spécifique. Beaucoup d’administrations centrales auront cette même attitude qui sera dénoncée, à l’époque, par la population, les hommes politiques et la presse d’Alsace et Lorraine comme l’une des causes principales de ce qui sera appelé » le malaise alsacien « . Le lieutenant-colonel Michel ne cessera, en permanence, de s’opposer à cette conception centralisatrice, technocratique, parisienne, affirmant avec d’autres qu’il faut une génération » jusqu’à ce que les enfants soient passés par l’école et le régiment français » pour une assimilation complète et que pendant la période transitoire il faut développer une politique particulière.
Dans les relations conflictuelles avec la sous-direction de la gendarmerie engendrées par l’organisation de la gendarmerie d’Alsace et Lorraine, tant en ce qui concerne la légion que le centre d’instruction, le lieutenant-colonel Michel aura le soutien constant aussi bien des deux commissaires généraux qui se succéderont à Strasbourg, Millerand et Alapetite, que de sa hiérarchie directe qui, même dans ses fonctions réduites d’inspection, appuiera de tout son poids, les initiatives du commandant de légion, qu’il s’agisse jusqu’en juillet 1919 du général de division Bouchez , inspecteur général de la gendarmerie aux armées, ou ensuite du colonel puis général Bonnet, commandant le 6e secteur de gendarmerie. Ainsi couvert et soutenu il va pouvoir mettre en oeuvre à compter de mai 1919 une politique de francisation très particulière. Mais qui est ce lieutenant-colonel Michel?
Albert Michel » Alsacien, Français et gendarme «
C’est ainsi que le » Journal d’Alsace et de Lorraine » présente le lieutenant-colonel Michel, commandant la légion de gendarmerie, dans son article du 14 octobre 1919 qui parait sous le titre » Les Gendarmes d’Alsace-Lorraine « . On ne peut effectivement écrire plus court et plus juste pour résumer la vie de cet officier de gendarmerie alsacien, né à Strasbourg en 1867 et mort à Strasbourg en 1939, dont toute la carrière est orientée vers un seul but : refaire de l’Alsace-Lorraine une terre française et le refaire avec des gendarmes.
Après un court passage dans l’infanterie, arme dans laquelle il sert, notamment à Lunéville, comme sous-lieutenant, puis lieutenant au 2e bataillon de chasseurs à pied, il entre dans la gendarmerie en 1897. Affecté à la garde républicaine il s’y fait remarquer par ses qualités intellectuelles, à travers les études qu’il fournit et le cours d’allemand qu’il professe. A partir de 1905, toute sa carrière est tournée vers l’Alsace. Commandant l’arrondissement de gendarmerie de Saint-Dié en 1905, le détachement de gendar-merie de Belfort en 1908, la compagnie de la Haute-Saône en 1914, à l’état-major du détachement d’armée des Vosges puis VIIe armée, à Remiremont en 1914, ensuite à Lure, commandant le centre d’instruction des gendarmes alsaciens-lorrains à Lure en 1918, commandant la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine de 1918 à 1925. Même s’il est cité à l’ordre de la VIe armée le 26 juillet 1916 pour avoir » dirigé sous le feu de l’ennemi et pendant plusieurs nuits, l’évacuation de deux villages d’Alsace « , Albert Michel est d’abord un combattant de la plume et du verbe. La guerre, il la prépare à Belfort par des conférences qu’il fiait, aux officiers de la garnison, sur l’organisation administrative et militaire allemande, par les cours de langue allemande à usage militaire qu’il leur dispense, par les renseignements qu’il communique à l’état-major de l’armée, les traductions d’ouvrages et de documents allemands qu’il lui fait parvenir. Il la fait ensuite au sein du 2e bureau de la VII° armée d’abord au service de la circulation puis au service du renseignement dont il devient le chef. Chargé du contre-espionnage, c’est à ce poste qu’il acquiert la maîtrise des techniques et méthodes de propagande et qu’il conçoit le rôle du futur gendarme alsacien-lorrain en tant « qu’agent de pénétration « .
Eclectique, prolixe, travailleur intelligent et infatigable, méthodique dans les études, passionné dans la polémique, il est facile à suivre tout au long de sa carrière à travers ses lettres personnelles, les documents de service qu’il a rédigés, les publications qu’il a faites et dont on trouve la trace aux Archives nationales, au Service historique de l’armée de Terre, dans divers centres d’archives départementales , notamment celui du Bas-Rhin. Auteur de plusieurs articles de presse, on lui doit par ailleurs une vingtaine de petits ouvrages traitant de l’enseignement des langues, de l’organisation des armées ou des gendarmeries étrangères ou de questions aussi diverses que la protection des animaux ou la philosophie de l’uniforme… ne s’éloignant que très momentanément de ce qui est essentiel pour lui, à savoir, jusqu’en 1918, la reconquête de l’Alsace-Lorraine et, après l’armistice, le » service de la cause française dans les départements recouvrés « .
C’est donc cet officier expérimenté, bien que jeune en grade qui prend le 31 décembre 1918 le commandement de la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine et du centre d’instruction de gendarmerie de Strasbourg. Affectation logique. Son origine alsacienne, son expérience d’officier de gendarmerie, sa connaissance des problèmes locaux du moment, ses fonctions au sein de la Vlle armée, ses qualités personnelles de clairvoyance, de rigueur, ses convictions profondes… le désignaient tout naturellement pour ce poste.
L’Ecole préparatoire de gendarmerie de Strasbourg, prospère mais contestée… par la direction de la gendarmerie
En mai 1919, le lieutenant-colonel Michel a une maîtrise presque complète de son dispositif. Il recrute, sélectionne, forme, affecte plus de la moitié des gendarmes qu’il emploie, avec l’appui du commissaire général. Cela ne va pas, bien entendu, sans conflit avec la direction de la gendarmerie qui ne peut admettre une telle limitation de ses attributions habituelles. Le premier objet de litige, c’est le centre d’instruction de Strasbourg que la direction tente de dissoudre dès avril 1919. L’intervention de Millerand oblige la direction de la gendarmerie à concéder qu’elle » prend des mesures pour le maintien, après le décret portant cessation des hostilités, du centre d’instruction de Strasbourg » mais qu’elle donne des ordres pour que » tous les dossiers des Alsaciens Lorrains candidats pour la gendarmerie lui soient adressés au fur et à mesure de leur établissement « . Il ne semble pas qu’on ait bien lu, à la direction de la gendarmerie, le décret du 21 mars 1919 qui stipule que » le commissaire général pourvoit à tous les emplois » en Alsace-Lorraine. Aussi sur la proposition du lieutenant-colonel Michel, Millerand intervient à nouveau, obligeant la sous-direction de la gendarmerie, à un nouveau recul : » J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’en raison des enquêtes spéciales auxquelles donnent lieu le recrutement des Alsaciens et Lorrains candidats à la gendarmerie, il apparaît nécessaire que tous les dossiers des candidats soient soumis à votre appréciation et que les admissions au centre d’instruction de Strasbourg soient prononcés par vos soins « .
Dès le mois suivant, la direction change l’appellation du centre d’instruction, qui devient école préparatoire de gendarmerie, et demande au lieutenant-colonel Michel, via le commissaire général, de » se conformer, en ce qui concerne le fonctionnement de cette école aux prescriptions de l’instruction du 16 mars 1918 » sur les écoles préparatoires de gendarmerie. Réponse du lieutenant-colonel Michel : « Je m’inspire entièrement des prescriptions de l’instruction du 16 mars 1918 dans la mesure où celles-ci sont applicables à la situation spéciale de l’Ecole de Strasbourg « .
Le 6 août 1919 nouvelle offensive de la direction qui propose à nouveau la dissolution de l’école : » Elle a donc atteint son but fïxé au moment de sa création d’ailleurs toute temporaire et il y a lieu d’examiner s’il ne serait pas préférable, dès maintenant, de faire instruire les élèves recrutés en Alsace et Lorraine par une école préparatoire soit à Moulins, soit à Varennes-sur-Allier « . Dans sa réponse du 22 août 1919, le commissaire général de la République développe un certain nombre d’arguments et conclut : » J’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir maintenir à Strasbourg, avec son organisation actuelle, l’École préparatoire de gendarmerie « . Au-dessous de la signature de Millerand on peut lire : » Je me permets d’insister de la manière la plus pressante pour le maintien d’une institution qui, sous l’impulsion du lieutenant-colonel Michel a déjà rendu et promet de rendre au point de vue politique comme au point de vue technique, des services de premier ordre « .
Mais l’attaque la plus dure, parce qu’elle atteindra personnellement le lieutenant-colonel Michel dans ses sentiments patriotiques d’Alsacien pour la France, sera celle du 20 octobre 1920. Dans une lettre qu’elle adresse au commissaire général, la direction de la gendarmerie constatant que, depuis le début 1918, 1 500 Alsaciens ou Lorrains sont entrés dans la gendarmerie et qu’ainsi » il a été nommé un Alsacien-lorrain pour 5 candidats des 86 autres départements français « , que » beaucoup n’ont servi que dans l’armée allemande » et qu’ » en admettant que le loyalisme de ces candidats soit absolu, il ne paraît plus possible d’accueillir aussi largement ces éléments » car » il ne serait pas sans inconvénient de mettre en contact, en trop grande proportion, avec les populations… des gendarmes ainsi recrutés qui seraient exposés à des injures graves du fait même de leur origine et de leur conduite au cours de la guerre… il en résulterait inévitablement des conflits jetant une déconsidération, fâcheuse sur l’Arme entière « . Et la direction de la gendarmerie de proposer un an de service militaire supplémentaire aux candidats à la gendarmerie d’origine alsacienne ou lorraine pour » permettre à ces candidats de s’adapter aux coutumes et règlements de leur nouvelle patrie et modifier plus rapidement leur caractère et leur tempérament « . Et en conclusion : » On peut se demander si la prudence n’impose pas de s’arrêter dans cette voie (recrutement de gendarmes alsaciens-lorrains) et s’il ne conviendrait pas de ramener, par extinction, l’effectif des Alsaciens-Lorrains à une proportion moins forte « .
Le lieutenant-colonel Michel, lui qui rêvait pendant la guerre de » faire du gendarme alsacien un modèle et un exemple « , prend la gifle en pleine figure, comme en témoigne la réponse qu’il fait parvenir le 17 novembre au commissaire général qui lui a adressé, pour avis, la lettre de la direction. Déçu, amer, parfois ironique, il reprend, non sans dignité et pertinence, chaque argument, chaque point de la lettre de la direction de la gendarmerie.
» L’hypothèse d’un loyalisme peu sûr a une réelle gravité… Il y a là une question politique… sur laquelle ma situation actuelle, d’officier de l’armée active, ne me permet pas de m’étendre… Si l’on s’engageait dans cette voie, on pourrait également réfléchir en matière de recrutement de tous les autres organes de l’État « .
» Je n’ai pas qualité pour juger des inconvénients que pourraient avoir, dans certains pays de l’Intérieur, l’emploi d’un trop grand nombre d’Alsaciens, inconvénients qui iraient jusqu’à… la déconsidération de l’Arme. Si cela était, les Alsaciens seraient donc des citoyens français de 2e catégorie et il n’y aurait plus qu’à les éliminer à priori « .
» J’ai toujours pensé, aussi, qu’ils apporteraient un sang nouveau dans un organisme auquel cela ne saurait nuire. Enfin, que du mariage de qualités diverses, apportées de part et d’autre, ne pouvait résulter que le plus grand bien pour le service «
» Peut-être aussi certains frottements à l’intérieur de la France proviennent-ils simplement de l’ignorance où sont trop de Français de l’Alsace, de son histoire, de ses souffrance., de sa situation » ; » Je ne vois pas du tout la possibilité ni la nécessité de modifier le caractère et le tempérament des Alsaciens. En avoir est un avantage, il n’y a qu’à savoir s’en servir. Pour cela il faudrait d’abord apprendre à les connaître et à les faire connaître « .
» Une erreur matérielle a dût se glisser dans la lettre ministérielle lorsqu’il est parlé d’une « nouvelle patrie » des Alsaciens « . » On peut dire qu’en Alsace, l’opinion publique était très fière de voir accorder aux enfants du pays des places dans toute la gendarmerie française. C’était reprendre la tradition d’avant 1870, où nous fournissions notre large appoint. Arrêter cet essor, ce sera sûrement aller au devant d’un mouvement d’opinion qu’il vaudrait mieux éviter « . » On ne peut qu’en appeler à toutes les autorités civiles, judiciaires, militaires, ayant vu nos hommes à l’ceuvre, pour juger, en toute connaissance de cause, de l’opportunité de mesures autres que celles actuellement en vigueur « .
Dans sa réponse du 17 novembre 1920, au ministre de la Guerre, direction de la gendarmerie, le commissaire général, ancien ambassadeur, Alapetite, reprend en termes diplomatiques, mais fidèlement quant au fond, l’argumentaire du lieutenant-colonel Michel et conclut « . Je crois devoir insister pour que le recrutement des candidats gendarmes Alsaciens et Lorrains demeure réglé dans les conditions actuelles, compte tenu du nombre des emplois à pourvoir et pour que l’on continue ainsi à utiliser soigneusement des ressources fécondes dont le concours n’est accepté que si le loyalisme, toujours vérifié, est au-dessus de tout soupçon « .
Le 24 janvier 1921, le ministre de la Guerre, direction de la gendarmerie, fait savoir au commissaire général, en réponse à sa lettre du 17 novembre 1920 » que l’École préparatoire de gendarmerie de Strasbourg continuera à être alimentée comme par le passé » et demande seulement que ceux des jeunes gendarmes destinés » à servir dans des légions autres que celle d’Alsace et de Lorraine devront être choisis, parmi les meilleurs des élèves » ayant suivis les cours de l’école de Strasbourg, » la dictée réglementaire et l’attestation que le candidat peut assurer immédiatement un service normal » devant être jointes à sa demande d’affectation. On revient à des conditions techniques davantage justifiables. Ces attaques dureront jusqu’en 1925. Elles prendront toutes les formes y compris les plus mesquines. Ainsi par exemple, en juillet 1921, alors que la direction de la gendarmerie tente de soustraire l’École à l’autorité du commandant de légion et de diminuer les effectifs d’encadrement, celui-ci fait valoir, dans un rapport, le rôle important de l’École dans les cours postscolaires qu’elle dispense le soir, avec l’assentiment et le concours du commissariat général, aux fonctionnaires et militaires de Strasbourg. Réponse de la direction de la gendarmerie: » Bien vouloir m’adresser les copies des autorisations qui permettent actuellement aux 207 fonctionnaires ou militaires étrangers à la gendarmerie de suivre les cours de l’École préparatoire de gendarmerie de Strasbourg ». Il serait trop long de raconter par le détail les tribulations de cette école qui, prospère en 1919 et 1920, dépérira au cours des années suivantes, retrouvera une certaine activité en 1925 à la suite de son fusionnement, à Strasbourg, avec l’école de gendarmerie de Mamers dissoute, avant d’être supprimée en 1926, comme toutes les autres écoles préparatoires de gendarme-rie, pour permettre la création des pelotons de gendarmerie mobile.Le rôle de cette école dans la constitution de la gendarmerie d’Alsace et Lorraine, et par voie de conséquence dans la politique de francisation conduite par le colonel Michel, sera surtout important en 1919. A la date du 30 novembre 1919, 2 721 dossiers de candidats alsaciens ou lorrains ont été examinés, 1 220 élèves-gendarmes admis à l’École dont une grande partie affecté ensuite à l’Alsace et à la Lorraine. Le mode de sélection et la formation en font des gendarmes très particuliers. La sélection se fait d’abord sur le » sentiment français » des candidats et non sur leurs connaissances, qu’ils aient servi, pendant la guerre, dans l’armée allemande ou dans l’armée française. Quant à la formation, qui dure 3 mois (51 heures de cours par semaine) pour ceux qui maîtrisent bien la langue française, 4 à 5 mois pour les autres, elle ne comporte pas seulement l’étude du français et l’enseignement technique et professionnel. L’éducation française et les actions de propagande sont essentielles. » Cette éducation… a pour but de faire des gendarmes alsaciens et lorrains, d’abord des Français convaincus puis, dans le pays, des agents de pénétration française et de liaison avec les populations…. Les hommes sont stylés pour pouvoir un jour propager, à l’occasion, tracts et documents divers de propagande…. Toutes les semaines des conférences sont faites devant tout le personnel, en français d’abord… en patois alsacien ensuite…. Tout concourt au même but, mettre le futur gendarme d’Alsace-Lorraine à même de comprendre l’importance éducatrice de son rôle en tant qu’organe de propagande et de pénétration française dans un pays systématiquement trompé par l’oppresseur… Cette mission n’est pas pour diminuer la considération de notre arme, loin de là… « .
La légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine… pas tout à fait comme les autres
A l’exception de ses problèmes de casernement qui ne seront réglés correctement qu’à partir de 1924, la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine se constitue d’une manière quasi définitive au cours de l’année 1919. Le premier objectif du commandant de légion c’est d’atteindre le plus rapidement possible ses effectifs autorisés. Il doit les porter de 600 à 1000 et simultanément combler le départ des 300 prévôtaux qui composaient l’essentiel du corps en novembre 1918. Là encore c’est l’action du commissariat général qui fera accélérer la mise en place.En effet, si pour la partie composée de gendarmes d’origine alsacienne ou lorraine (50 % des effectifs), la mise en place ne dépend que du lieutenant-colonel Michel, pour les autres c’est l’affaire de la direction de la gendarmerie. Or à cette période la gendarmerie est confrontée à une grave crise d’effectifs. Aussi les gendarmes destinés à l’Alsace et Lorraine se font-ils attendre. C’est pourquoi, le 5 juin 1919, la direction des affaires militaires du commissariat général fait savoir au cabinet du ministre que » … ce qui importe, c’est de savoir si les 600 gendarmes français annoncés seront bien ici le 1er juillet. Si un retard était à prévoir Monsieur Millerand serait obligé d’intervenir lui-même pour demander qu’on l’évite. Car il est de toute nécessité que cette question soit liquidée au plus vite « . L’effectif réglementaire de 1.000 hommes est en place en août 1919. Le 7 août le lieutenant-colonel Michel rend compte qu’en exécution des prescriptions ministérielles, il a remis à la disposition du prévôt de la IV° armée, la 6e section qui lui avait été prêtée » en attendant que nous atteignions notre plein d’effectifs » que » ceci est chose faite actuellement et la légion… peut assurer tous les services incombant réglementairement à la gendarmerie. »
Mais cela ne semble déjà plus tout à fait vrai deux mois plus tard car le lieutenant-colonel Michel dans une note du 2 octobre expose au commissaire général » les motifs pour lesquels un accroissement des effectifs de la légion est désirable » et propose que ces effectifs soient portés à 1 200. En habitué de la politique, Millerand, qui reprend l’argumentaire, en demande 1 500. C’est effectivement 1 200 qui sera accordé après que la sous-direction de la gendarmerie ait émis un avis négatif sur cette demande au motif de » la pauvreté des effectifs des légions métropolitaines surtout comparativement à celui de la légion d’Alsace et Lorraine qui serait, d’ailleurs, paraît-il, de beaucoup supérieur au nombre des gendarmes employés sous le régime allemand « . La décision du ministre, auquel Millerand a adressé un courrier personnel à ce sujet, qui porte les effectifs de la légion à 1200, précise » L’augmentation aura lieu par l’incorporation de gendarmes d’origine alsacienne-lorraine « . Ainsi, par ce biais, le lieutenant-colonel Michel non seulement augmente son effectif de 200 mais porte à 70 % le nombre des gendarmes alsaciens ou lorrains. Ceux-là, c’est lui qui les recrute, les sélectionne et les forme. Il a donc dans ses mains à la fin de l’année 1919, les hommes dont il rêvait à Lure, organisés en 104 brigades, 12 arrondissements et 3 compagnies pour exécuter dans les territoires recouvrés la mission la plus importante à ses yeux : » la pénétration des idées françaises « .
Le commissariat général de la République de Strasbourg sera supprimé en 1925 (loi du 24 juillet). Ce n’est qu’à cette date et après que le colonel Michel ait pris sa retraite, le 15 juillet 1925, que la direction de la gendarmerie retrouvera la plénitude de ses attributions sur la légion de gendarmerie d’Alsace et Lorraine et pourra obtenir la signature du décret la réorganisant, dont elle avait adressé le projet au sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil chargé des affaires d’Alsace et Lorraine… le 28 décembre 1921.