Histoire et Patrimoine des Gendarmes

Histoire

Pour une armée de métier (1918-1921), la réforme inachevée de la gendarmerie du général Mordacq et du général de gendarmerie Louis Jouffroy

Jean-Louis Jouffroy

Petit-fils du général de division de gendarmerie Louis Jouffroy


Les études relatives au début de la gendarmerie mobile (GM) soulignent toutes l’originalité d’une telle formation spécialisée dans le maintien de l’ordre (MO). Pour leurs auteurs, cette création apparaît comme l’aboutissement de la réflexion menée sur le MO de la Belle Époque à la fin de la Grande Guerre. Dans cette perspective, l’emploi d’un personnel spécialement formé au sein des pelotons mobiles représente une alternative au recours à des gendarmes départementaux hâtivement rassemblés ou à des militaires dangereusement inexpérimentés pour le MO. Toutefois, la plupart de ces publications restent focalisées sur la problématique de l’ordre public, alors que d’autres arguments ont été avancés à l’époque par des officiers de l’arme pour promouvoir la création de la GM. Ainsi, le général de division Jouffroy (1863-1943) a présenté en 1921, dans un rapport méconnu, un ambitieux projet d’intégration de la GM dans une armée de métier rénovée.

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Palais de l’Élysée 1911-1913, le président Armand Fallière
entouré de ses chefs et membres de cabinets civil et militaire

Une gendarmerie mobile intégrée à une armée de métier ?

À la fin de la Première Guerre mondiale, l’imminence de la démobilisation conduit le commandement à revoir la nature de l’armée française. Une partie du commandement souhaite développer l’armée de métier, par rapport à l’armée de conscription. Plusieurs généraux estiment que l’émergence de nouveaux moyens techniques implique l’existence d’unités formées de professionnels avec un encadrement renforcé. Il faut, du reste, se souvenir qu’en 1918, en vue d’une éventuelle poursuite de la guerre en 1919 et 1920, l’état-major général envisage de créer des divisions mécanisées, comportant des chars lourds protégés par des chars légers, et servies par des militaires professionnels.

Certains généraux souhaitent intégrer pleinement la gendarmerie dans cette armée professionnelle. C’est le cas du général Henri Mordacq, chef du cabinet militaire de Georges Clemenceau, Premier ministre et ministre de la Guerre (novembre 1917-janvier 1920)(1). Organisateur visionnaire, il s’emploie, avec l’accord du ministre, à redonner à la gendarmerie une véritable visibilité avec la création d’une sous-direction de la gendarmerie en février 1918. Le général Mordacq a expliqué son action dans ses mémoires : « La gendarmerie souffrait surtout de son manque d’autonomie : rattachée depuis de longues années à la direction de la cavalerie […] Je soumis au Président le décret relatif à la création d’une sous-direction de la gendarmerie (la création d’une direction aurait nécessité une loi) […] Je fis venir comme sous-directeur le colonel Plique qui jouissait dans son arme, d’une réputation de droiture et d’énergie qu’il justifia d’ailleurs complètement »(2). Il ressort de la lecture des quatre tomes de cet ouvrage que les intentions du général Mordacq étaient de constituer des unités professionnelles composées d’éléments provenant notamment : de la légion étrangère élargie (une division comprenant : infanterie, artillerie, cavalerie), d’unités de chars, de l’aviation et de la gendarmerie.

L’intérêt du haut-commandement envers le général Jouffroy

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Le général Mordacq et Georges Clemenceau, président
du conseil, en couverture de la revue « j’ai vu » durant la
Première Guerre mondiale

Pour concrétiser son projet, le général Mordacq souhaite s’appuyer sur plusieurs officiers généraux, comme il s’en explique : « À partir du 26 [novembre 1919] et dans les jours suivants, j’eus des entrevues avec les généraux Demange, Féraud, Jouffroy et Estienne afin de prendre, de concert avec eux toutes dispositions pour qu’ils puissent commencer, au premier avertissement, les inspections concernant leurs armes respectives : artillerie, cavalerie, gendarmerie et chars de combat. […] Je prévins les intéressés toutefois que le Ministre, tout en étant très désireux de leur confier ces fonctions, les subordonnerait à l’exercice simultané d’un commandement ou d’une autre charge. […] Ce même jour, je reparlai à M. Clemenceau de la question des inspecteurs généraux pour l’artillerie, la cavalerie, les chars d’assaut et la gendarmerie, les généraux Demange, Féraud, Estienne et Jouffroy, qui, à ce moment me paraissaient les plus qualifiés pour remplir ces fonctions. J’insistai beaucoup, mais je n’eus pas gain de cause. »(3)

Ces quelques lignes témoignent de la connaissance du général Jouffroy par le général Mordacq. Selon les souvenirs familiaux, il existait même une réelle considération. Comme me l’a relaté mon père, Louis-Maurice Jouffroy, le général Mordacq a rendu visite au général Jouffroy, alors souffrant, pour lui annoncer qu’il avait été nommé général de division le 23 décembre 1919. Mon grand-père avait vivement apprécié cet honneur et cette attention.

À cette époque, un autre officier éminent est favorable au développement de l’armée de métier : le maréchal Pétain. Vice-président du Conseil supérieur de la guerre depuis janvier 1920 et général en chef en cas de guerre, il souhaitait, semble-t-il, un corps de bataille composé de 100 000 hommes de métier. Or, lui aussi connaissait le général Jouffroy depuis longtemps. Des premiers contacts ont pu se nouer, quand mon grand-père a été nommé commandant militaire du palais de l’Élysée de décembre 1911 à décembre 1914. Mais leurs relations se sont surtout approfondies durant la Première Guerre mondiale. En effet, le colonel Jouffroy a commandé, de décembre 1914 à octobre 1917, la 6e légion de gendarmerie à Châlons-sur-Marne, qui couvrait une part importante du front (compagnies de la Marne, de la Meuse et de l’Oise).

De mai 1918 à la fin du conflit, son commandement du 2e secteur de la gendarmerie à Nantes, point d’entrée des unités américaines en France, l’a ensuite conduit à remplir une mission nécessitant fermeté et diplomatie. Aussi, le général Jouffroy a-t-il entretenu des relations étroites avec l’état-major du général Pétain durant tout le conflit. Une véritable confiance s’est même établie, au point que le maréchal Pétain, après la guerre, a proposé à mon grand-père de quitter la gendarmerie pour l’état-major général des armées, afin de développer son projet de corps de bataille de soldats de métier. Le général Jouffroy n’a pas cru pouvoir répondre favorablement à cette demande, compte tenu de son âge et de son état de santé du moment. Il estimait qu’un général plus jeune, ayant plus de temps devant lui, serait mieux à même de mener à bien une telle tâche.

Finalement, les propositions d’une armée de métier ne résistent pas à un contexte défavorable. La non-élection de Clemenceau à la présidence de la République, en février 1920, et l’hostilité des parlementaires redoutant l’apparition d’une armée prétorienne prompte au coup d’État antirépublicain contribuent à enterrer le projet. Il n’est repris qu’en 1934 par le général de Gaulle dans son ouvrage bien connu Vers l’armée de métier.

Le rapport du général Jouffroy de 1921 sur la gendarmerie mobile

Lorsqu’il rédige son rapport sur l’organisation de la GM le 15 janvier 1921, le général de division Jouffroy commande le 1er secteur de gendarmerie à Paris, ce qui le place dans une position privilégiée pour dialoguer avec le haut-commandement militaire. D’ailleurs, nous avons vu qu’il était connu de deux grandes figures militaires de l’époque.

Le document qu’il produit, composé de 47 pages, comprend une première partie qui vise à démontrer l’intérêt de la création d’une gendarmerie mobile par rapport aux expédients employés jusqu’alors. La seconde partie expose ensuite les services que peut rendre la GM au profit de l’armée et de la gendarmerie départementale.

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Le général de gendarmerie Louis Jouffroy

Dans un premier temps, le général Jouffroy rappelle les difficultés rencontrées par les autorités en matière de MO et l’absence de solution probante. « La constitution de détachements de gendarmerie, explique-t-il, a le grave inconvénient de désorganiser le service des brigades […] quant à l’intervention des troupes de ligne, composées d’éléments trop jeunes, nullement préparés à la mission exceptionnelle qui leur est confiée […] elle présente les plus graves dangers »(4). Le général de gendarmerie étudie ensuite les trois options envisageables : la simple augmentation des effectifs de la gendarmerie départementale, la constitution de pelotons permanents répartis dans les départements et enfin la création d’un corps spécial autonome. Sa préférence va à la troisième solution qui prévoit la constitution d’un corps de 5 000 hommes répartis en groupes et en pelotons capables d’intervenir partout où l’ordre public est menacé dans le pays.

Dans la seconde partie de sa démonstration, le général Jouffroy présente les services que peut rendre cette nouvelle formation spécialisée. Le passage le plus innovant est certainement celui consacré à l’utilisation de la GM dans l’organisation générale de l’armée. « Il serait regrettable, écrit-il, que tous les hommes qui, par goût ou par attrait des avantages de la situation, viendront dans la "gendarmerie mobile" fussent plus ou moins perdus pour la défense nationale, d’autant plus que ces hommes en raison même des garanties de caractère, de conduite et d’instruction qui seront forcément exigées, constitueront une sorte d’élite ».

Pour que les gendarmes mobiles apportent le concours le plus efficace possible à l’armée, le général Jouffroy préconise de développer leur instruction militaire de manière à constituer « une pépinière de Chefs de section de toutes armes ou tout du moins d’excellents gradés subalternes ». Concrètement, il s’agit de profiter du stationnement de chaque groupe de GM dans une même caserne pour établir à ce niveau un véritable centre d’instruction. « Dans ces conditions, précise le général Jouffroy, rien de plus aisé, au point de vue de la préparation générale de la guerre, que de constituer, dans chacun de ces centres, des classes pour les diverses armes ou spécialités, depuis le simple grenadier jusqu’au canonnier de char d’assaut ; il suffirait de doter les groupes d’instructeurs qualifiés et de matériel d’instruction approprié ». En outre, le général Jouffroy entend utiliser la variété du recrutement des militaires désireux de servir en gendarmerie pour enrichir le contenu des programmes d’instruction au sein de la GM. « Une autre question délicate, et dont la solution est difficilement réalisée dans les corps de troupe, se trouverait tout naturellement réalisée, celle de la liaison entre les armes ou plus exactement de l’initiation des cadres d’une arme au rôle des autres armes dans la bataille et à leurs méthodes de combat. Du seul fait que, dans le même centre des instructions diverses seraient données […] cette initiation serait obtenue automatiquement ».

Les cadres ainsi formés dans la GM auraient donc tout le temps nécessaire, en dehors des périodes de maintien de l’ordre, pour se former « aux nouvelles méthodes de guerre et aux multiples engins de combat modernes ». Ils bénéficieraient de cette façon d’une formation militaire qui ne peut plus être dispensée à la généralité des soldats et gradés subalternes, compte tenu de leur court séjour sous les drapeaux. Aussi, en cas de mobilisation, les gendarmes mobiles seraient-ils susceptibles de devenir autant d’instructeurs et de cadres subalternes potentiels auprès des nombreux rappelés. Cette ressource représente pour finir un avantage appréciable dans le contexte de réduction budgétaire. Le général Jouffroy conclut : « Je crois en avoir dit assez pour indiquer tout le parti que l’on pourrait tirer, au seul point de vue de la défense nationale, du futur organisme, s’il était réalisé ».

Dans sa conclusion finale, le général Jouffroy entend balayer les dernières réticences qui empêchent encore la création de la GM : « Il m’a été dit que le projet se heurtait à de sérieuses oppositions dans le Parlement, parce que la constitution d’un pareil corps serait un danger politique ; on a même prononcé le mot de garde prétorienne. J’avoue n’avoir pas compris l’argument. Les corps envisagés ne seraient pas plus capables d’un attentat contre les institutions que n’importe quelles autres grandes unités de l’armée française ; dans cet ordre d’idée les régiments et divisions du Gouvernement militaire de Paris, et en particulier la Garde républicaine de Paris, seraient autrement dangereux ; je ne pense pas cependant que leur loyalisme soit suspecté ni leur présence au siège même du pouvoir central redouté. L’objection m’apparaît donc invraisemblable ou basée sur une organisation tout à fait différente que celle proposée ; j’ai cependant cru devoir la mentionner pour la réfuter par avance au cas où vraiment elle se produirait ».

L’infortune du projet du général Jouffroy

Grâce à la correspondance du général Jouffroy, conservée dans notre famille, il est possible de connaître le devenir des propositions de mon grand-père. Le nombre de copies par carbones étant limité à l’époque, le récipiendaire renvoyait la copie, avec souvent un mot d’accompagnement plus ou moins circonstancié.

Dès le 15 janvier 1921, date de rédaction de son rapport, le général Jouffroy envoie une lettre à l’ancien président de la République Raymond Poincaré, alors sénateur de la Meuse. En voici quelques extraits : « Monsieur le Président, La dernière fois que j’ai eu l’honneur d’être reçu par vous à l’Élysée, vous avez bien voulu m’autoriser à vous remettre une étude sur la Gendarmerie mobile. Je serais heureux que la question qui fait l’objet du rapport actuel puisse vous intéresser. […] Je compte remettre au ministre de la Guerre lui-même dès que le nouveau Cabinet sera constitué une expédition de mon rapport que j’avais du reste l’intention de remettre à Mr Raiberti ». La réponse venant du Sénat à une date illisible comporte le passage suivant : « Je vais passer quelques jours en Lorraine et en Alsace et vous verrai volontiers à mon retour ». Malheureusement, l’avis de Raymond Poincaré n’a pas pu être retrouvé.

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Le général Louis Jouffroy reçoit le ministre de la Guerre,
André Maginot, au quartier des Célestins à Paris

En revanche, le 7 février 1922, le général de Boissoudy apporte un accueil clairement favorable au projet du général Jouffroy, comme le montrent les lignes suivantes : « Toute dispersion d’efforts est vouée à la faiblesse, je dis mieux à l’inaction ; elle est en outre une source de dépenses hors de proportion avec le résultat obtenu. Donc les forts regroupements que tu préconises sont à tous égards justifiés. D’autre part ils offrent le sérieux avantage d’offrir aux armes combattantes des cadres excellents ; il y a là un point important à retenir et sur lequel il faut insister »(5).

Malgré plusieurs soutiens, l’ambitieux projet du général Jouffroy ne se concrétise pas. La naissance de la GM s’opère dans la plus grande discrétion sous la forme d’une simple augmentation des effectifs de l’institution. Élément révélateur, l’acte fondateur de la GM est, en fait, une simple loi sur « l’augmentation des effectifs de la gendarmerie » comportant un article unique où le mot « mobile » n’est jamais employé. Par ailleurs, cette nouvelle formation se bâtit par le bas au niveau du peloton et non à celui du groupe comme le préconise le général Jouffroy. Le décret d’application du 18 mai 1922 et l’instruction provisoire sur l’organisation et le service, signée du ministre André Maginot le 9 septembre 1922, précisent que ces unités doivent se tenir « constamment prêtes à assurer le maintien de l’ordre sur un point quelconque du territoire ». En dehors de cette fonction prioritaire, elles renforcent le service ordinaire des brigades. L’idée de peloton-école suggérée par le général Jouffroy est bien reprise mais selon une autre finalité. Il ne s’agit plus de former des cadres subalternes utilisables par l’armée mais simplement de futurs gendarmes départementaux. Le directeur de la gendarmerie, le général Plique, est personnellement attaché à la dépendance pédagogique de cette nouvelle force à la gendarmerie départementale dont elle formera les futurs éléments. Les potentialités militaires de la GM sont mises de côté.

Dans les mois qui suivent, le débat sur la GM passe même au second plan en raison des menaces qui pèsent sur la gendarmerie elle-même. En mars 1923, le général Jouffroy reçoit une lettre alarmante venant de Lyon. « Mon journal de ce matin m’apporte une désillusion, écrit le général Marius Brione, que se passe-t-il ? […] Il me dit qu’on ne fera pas de nomination [de général de gendarmerie], et que les secteurs sont menacés. Que se passe-t-il ? […] Est ce que la débâcle va commencer ? Heureusement que vous êtes là »(6).

Le général Jouffroy est effectivement sollicité pour produire un nouveau rapport signé le 16 avril 1923. Ce document de 21 pages, intitulé Le haut commandement de la gendarmerie, représente un véritable plaidoyer pour l’arme dans un environnement qui a complètement changé en quelques mois. L’avenir de la gendarmerie est alors incertain, en particulier celui de son haut commandement. Le général Jouffroy a retranscrit le malaise ressenti au sein de l’arme : « D’après la Loi des cadres en projet, le grade de général est supprimé dans la Gendarmerie. […] Quand ce projet a été connu, il a causé une véritable stupeur dans toute l’armée et surtout parmi les Officiers qui y ont vu une marque de défaveur des Pouvoirs publiques à l’égard de la Gendarmerie »(7).

Comme en 1921, le rapport du général Jouffroy reçoit un accueil favorable. « J’espère que le Maréchal Pétain, éclairé par vous, ne laissera pas démolir la dernière digue que le Gouvernement possède pour arrêter les vagues possibles du communisme », commente le général Igert(8). Quant au colonel Jean-Bapiste Crinon, futur directeur de la gendarmerie en septembre 1924, il adresse à mon grand-père le courrier suivant : « J’ai bien reçu samedi dernier votre aimable lettre accompagnée de la copie du rapport que vous avez établi […]. Je ne puis que partager entièrement votre manière de voir et vous adresse mes respectueuses félicitations pour l’exposé aussi net que documenté que vous avez fait sur chacune des propositions faites par la Commission des réformes en ce qui concerne la Gendarmerie »(9). Plus énigmatique enfin, une lettre non signée, émanant de la présidence de la République, salue les propositions du général Jouffroy en ces termes : « La conception de la gendarmerie mobile est bien celle que j’avais toujours envisagée et la question se pose à nouveau maintenant avec une acuité toute particulière par suite de nouvelles dispositions envisagées sur une réduction à un an du service militaire. Cette question devrait certainement intéresser au plus haut point l’état-major général : elle entraînerait forcément celle du Haut commandement dans la Gendarmerie avec vos propositions comme base minimum »(10).

Finalement, les propositions du général Jouffroy sur le haut commandement de la gendarmerie connaissent une meilleure issue que celles sur la GM. Par décret du 23 novembre 1926, les secteurs sont remplacés par des arrondissements d’inspection confiés à des généraux de brigade (Nancy, Lyon, Marseille) et à un général de division (Paris), tous issus de la gendarmerie(11).

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Le colonel de gendarmerie Jouffroy et son fils

Pour conclure, le général Jouffroy a défendu, en 1920 et 1921, l’idée de la création d’une GM, non seulement organisée pour le MO et favorisant le recrutement de la gendarmerie départementale, mais également d’une GM combattante, enrégimentée, pouvant servir de centre de formation pluridisciplinaire, de pépinière de cadres, et d’organe facilitant la coordination des différentes armes. Pour des raisons liées à la réticence des parlementaires et aux contraintes budgétaires, et malgré des appuis importants, ce projet n’a pas été retenu dans la loi du 22 juillet 1921 créant, à la faveur de l’augmentation des effectifs de la gendarmerie, des pelotons de GM destinés au MO. Néanmoins, les propositions du général Jouffroy ne restent pas lettre morte. En effet, les nouvelles menaces extérieures qui pèsent sur la France dans les années 1930 entraînent une « remilitarisation » des fonctions de la Garde républicaine mobile (GRM)(12). Cela se traduit par l’adoption de fait des deux principales mesures préconisées par le général Jouffroy pour la gendarmerie mobile dix ans plus tôt. Ainsi la veille de la Deuxième Guerre mondiale, la GRM assure non seulement la formation au sein des unités des militaires souhaitant servir en gendarmerie, mais elle dispense également une instruction militaire continue à son personnel destiné à encadrer la troupe lors de la mobilisation générale.

(1) Georges Mandel est le chef du cabinet civil.

(2) Henri Mordacq (général), Le ministère Clemenceau, journal d’un témoin, Paris, Plon, 1931, 4 tomes, tome 1, p. 158 à 160.

(3) Mordacq (général), op. cit., tome 4, p. 201 et 216.

(4) Rapport n° 11/A du général de division Jouffroy, commandant le 1er secteur de gendarmerie, Paris, 15 janvier 1921, p. 2-3, archives familiales. Toutes les citations de cette partie sont issues de ce rapport.

(5) Lettre du général de Boissoudy commandant d’armée au général Jouffroy, Paris, le 7 février 1922, archives familiales.

(6) Lettre du général Marius Brione, commandant le 4e secteur, au général Jouffroy, Lyon, le 21 mars 1923, archives familiales.

(7) Rapport du général Louis Jouffroy, commandant le 1er secteur de gendarmerie, Paris, le 16 avril 1923, archives familiales.

(8) Lettre du général Marius Igert, commandant le 3e secteur de gendarmerie, Toulouse, le 8 avril 1924, archives familiales.

(9) Lettre du colonel Jean Crinon, commandant le 6e secteur de gendarmerie, Nancy, le 17 avril 1924, archives familiales.

(10) Lettre non signée, Présidence de la République, le 28 mai 1924, archives familiales.

(11) Instruction n°21615 CD/13 du 23 novembre 1926 pour l’inspection de la gendarmerie, Mémorial de la gendarmerie 1926, p. 701-709.

(12) Georges Philippot (général), « La militarité de la gendarmerie à l’épreuve d’une guerre annoncée (1933-1936) », Force publique, n°1, février 2006, p. 73-84.

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