ÉDITORIAL
L’insécurité dans les banlieues, encore et encore
Les violents affrontements qui ont opposé, à Amiens le 13 août dernier, forces de police et certains jeunes de banlieue, ont replacé le débat sécuritaire au cœur de l’actualité. Dans sa conception d’une histoire à visée prospective intégrant aussi l’histoire du temps présent et le retour d’expérience, la Société Nationale de l’Histoire et du Patrimoine de la Gendarmerie a décidé de s’intéresser, à nouveau, à la sécurité dans les zones périurbaines. C’est en effet sur le thème de « La Gendarmerie, Force urbaine, du XVIIIe siècle à nos jours » qu’elle avait déjà organisé, en 2007, au Sénat, un colloque réunissant historiens et hommes politiques(1).
Le dossier de ce numéro reprend le débat, à partir d’articles et de témoignages. Il pose surtout la question de la place et du rôle de la gendarmerie dans les zones périurbaines tels qu’ils ont évolué depuis les deux dernières décennies. La réflexion, développée au-delà de ce seul point de vue gendarmique, conduit à poser autrement la question de l’insécurité récurrente dans les banlieues. Échecs des diverses politiques pratiquées par les gouvernements successifs ou plutôt faillite d’un système de police inadapté ? Bien sûr, aucune des parties concernées n’est prête à poser le débat en ces derniers termes car il mettrait à mal les stratégies électoralistes politiciennes et les stratégies corporatistes des administrations en cause rendues solidaires, bon gré mal gré, dans le partage des bénéfices secondaires que leur procure aussi la gestion de la fonction la plus régalienne de l’État : la sécurité des citoyens et de la nation. Chacune préfère s’en tenir à la démarche classique d’une analyse superficielle des causes d’une délinquance croissante, l’immigration pour les uns, le chômage pour les autres et d’un traitement tout aussi superficiel et à renouveler constamment : un accroissement, sans fin, des effectifs de police. Quand sortira-t-on de ce piège ?
Il apparaît de plus en plus évident que cette insécurité persistante tient au moins autant de l’inadaptation du système de sécurité que de la délinquance soi-disant issue de l’immigration ou du chômage. Les vraies questions sont en amont de l’analyse primaire des causes supposées de la délinquance ; les vraies solutions sont ailleurs que dans la seule affectation, sans cesse à renouveler, d’effectifs supplémentaires. Même si les mesures de circonstances(2), prises après chaque alerte, ne sont pas inutiles, c’est bien davantage par de profondes réformes de structures touchant à l’organisation générale de la force publique intérieure et à la répartition des territoires de compétence des institutions policières que l’on peut, sur le long terme, sans coût supplémentaire, contribuer à réduire ce mal originel tenace qui atteint la plupart des zones périurbaines : un défaut d’intégration sociale et nationale. C’est ce que développe l’article « La Gendarmerie exclue des banlieues ? », à lire dans le dossier de ce présent numéro.
Général (2s) Georges PHILIPPOT
Président de la SNHPG
Ancien chef du Service Historique de la Gendarmerie nationale
Docteur en histoire
(1) Les actes de ce colloque ont été publiés en février 2008, dans le N° 3 de la revue « Force Publique ». La Gendarmerie, force urbaine, du XVIIIe siècle à nos jours, Actes du colloque 2007, 242 pages, SNHPG.
(2) La création récente des Zones de Sécurité Prioritaires est un plus indéniable.