Histoire et Patrimoine des Gendarmes

Ceux qui ont fait la gendarmerie

Jacques de GUIBERT 1743-1790


À la fin du « siècle des Lumières », Guibert, dont la pensée s’inscrit dans la droite ligne de celle de Montesquieu, est le premier à proposer, en pleine Révolution, une explication justificative de l’existence, en France, de ce qui n’est encore que la maréchaussée. En effet, dans cette période, où tout est remis en cause, une question se pose, entre autres : faut-il conserver la maréchaussée ?

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Guibert est surtout connu pour son Essai de Tactique, livre de chevet aussi bien de Napoléon que de Clausewitz. Il l’est moins pour son Essai sur la Force Publique (De la Force Publique considérée dans tous ses rapports). Paru en 1790, quelques mois après la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen du 26 août 1789(1), c’est en quelque sorte une réflexion sur la mise en application de l’article 12 de la Déclaration. Si le premier de ces ouvrages n’a plus aujourd’hui la même importance qu’à l’époque de sa parution, le second est d’une brûlante actualité, si l’on considère les dysfonctionnements fréquents d’un système de force publique qui ne paraît plus adapté. Ce problème, écrit Guibert, « est, de tous ceux qui composent le grand ouvrage de la constitution nationale, le plus important et le plus difficile à résoudre ».

Distinguant « la force publique du dehors » de « la force publique du dedans » il propose une organisation de cette dernière fondée sur des degrés de force correspondant à des degrés de risques : « une force de police dans chaque municipalité, premier degré de force ; les maréchaussées, second degré de force ; les troupes réglées et la milice nationale, troisième degré de force. ».

Pour ce qui concerne la maréchaussée, Guibert en justifie l’existence, et, à ceux qui disent « qu’il n’y a d’exemple, d’une pareille force dans aucun pays libre », il répond : « S’il y a une nation au monde où une police forte, active et vigilante soit nécessaire, c’est surtout celle-ci. Elle a des premiers mouvements si prompts, si mobiles et si violents. » C’est, dit-il, pour le pouvoir exécutif, « le moyen le plus efficace de police qu’il ait dans ses mains ». Guibert règle aussi les rapports de la maréchaussée avec les autorités d’emploi et les modalités de mise en œuvre de cette force publique par ces autorités. La maréchaussée ne peut être subordonnée aux corps administratifs : « Ils doivent la requérir et non lui commander ». En revanche, « si les mesures d’administration sont souvent fausses, inconsidérées et même illégales, il n’en est pas ainsi des réquisitions des corps judiciaires. Il ne s’y agit que d’appuyer la loi où des jugements rendus en vertu de la loi. La force publique peut donc, les yeux fermés, déférer à tout ce qui lui est demandé par elle ».

Telles sont quelques-unes des idées de Guibert sur la manière dont il conçoit la force publique en général et la maréchaussée en particulier. Les principes qu’il pose seront repris la même année (1790, année de sa mort) par les constituants, notamment Rabaut-Saint-Étienne. Ils serviront de base à la loi du 16 février 1791.

Général (2s) Georges Philippot

(1) Article 12 - « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée ».

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