AVANT-PROPOS
Parler à des militaires de la Gendarmerie, ou encore à des historiens spécialisés, des prévôts des maréchaux, engendre, très normalement, un dialogue. Mais interroger les mêmes sur les prévôts de la mer ou sur la prévôté des galères, c’est à coup sûr susciter la question : de quoi s’agit-il ?… sauf, peut-être pour quelques gendarmes maritimes.
Le travail exceptionnel du lieutenant-colonel (R) Yvon Seren répond à la question. Ce sera, une grande surprise, pour nombre de nos lecteurs, de découvrir que les armées de mer, à l’instar des armées de terre, éprouvant les mêmes besoins d’ordre, de discipline et de justice, aient eu recours, dans les mêmes temps, dans les mêmes formes, au même système, celui de la fonction prévôtale. Le même, mais avec, bien évidemment, toutes les adaptations rendues nécessaires par un milieu aussi différent et aussi spécifique que celui de la mer.
L’auteur aurait pu s’en tenir à une approche juridique à partir des textes. Mais il nous offre beaucoup plus. Grâce à son analyse extrêmement précise fondée sur un corpus de sources impressionnant, il nous est possible de pénétrer tous les aspects de cette prévôté des galères. Son esprit de méthode rend clair au lecteur une appréhension du sujet que de multiples enchevêtrements auraient, sans cela, rendu difficile. Les appréciations qu’il porte, les explications qu’il fournit, même à titre d’hypothèse, permettent de comprendre les diverses problématiques. Ce travail universitaire, un diplôme d’études supérieures réalisé en 1977, constitue un apport important à la connaissance de l’histoire de la Gendarmerie et notamment à celle de la Gendarmerie maritime.
Général Georges PHILIPPOT
Président de la SNHPG
ABRÉVIATIONS
A = Arrêt
AC = Arrêt du conseil
AD = Archives départementales
AMC = Annales maritimes et coloniales
AN = Archives nationales
AN MAR = Archives nationales, fonds Marine
AT = Archives du port de Toulon
BM = Bibliothèque de la Marine
BT = Bibliothèque du port de Toulon
BN = Bibliothèque nationale
E = Édit royal
Fr = Bibliothèque nationale, manuscrits fonds français
LC = Lettre de commission
Ms = Manuscrit
NAF = Bibliothèque nationale, manuscrits nouvelles acquisitions françaises
O = Ordonnance
R = Règlement
RMC = Revue maritime et coloniale
RM = Revue maritime
INTRODUCTION
La marine a de tout temps inspiré des auteurs d’origines diverses, officiers de marine ou des corps assimilés, historiens, romanciers. Il en résulte que le nombre d’ouvrages qui se rapportent à cette armée est considérable. Certains traitent de questions techniques, d’autres contiennent des relations de voyages ou de combats navals, et nombreux sont ceux qui retracent l’histoire des expéditions et des conflits maritimes.
Mais il nous faut bien constater l’indigence des études institutionnelles sur la marine. « L’histoire de nos institutions maritime reste encore en grande partie à écrire », constatait, il y a plus de vingt ans, M. le professeur Besnier dans la préface de la thèse de M. Aboucaya sur les intendants de la marine. Depuis cette date, seul l’ouvrage de M. le professeur Le Gohérel sur les trésoriers généraux de la marine semble avoir été consacré à l’histoire d’une institution maritime.
Ayant servi la marine pendant plus de vingt années, tant à la mer que dans les arsenaux, nous avons ressenti le poids et la valeur de la tradition historique dans une armée marquée, depuis ses plus lointaines origines, par le particularisme et la spécificité. Car l’état de marin est un état contre nature, nécessitant des lois spéciales, des institutions particulières et bien adaptées au milieu humain. Les choses de la mer n’ont rien à voir avec celles de la terre, et chaque fois qu’on a voulu assimiler les unes aux autres, on a commis des erreurs. L’ordonnance de Boyne de 1772 qui tentait d’« enrégimenter » les vaisseaux était une chimère. Et lorsque, de nos jours, nous voyons assimiler ou fusionner des corps ou mettre sur pied des textes appelés à s’appliquer à la marine et aux autres armées, nous ne pouvons que déplorer cette méconnaissance des réalités qui provient essentiellement d’une ignorance fondamentale, celle de l’histoire de nos institutions maritimes.
C’est pour cette raison que nous nous sommes intéressés aux institutions judiciaires de la marine et plus particulièrement aux prévôts de la marine sous l’ancien régime. Dans chacune de nos affectations – Marseille, Brest, Rochefort, Cherbourg et Toulon – nous avons recherché le maximum de renseignements sur ce qui pouvait avoir trait à l’organisation et au fonctionnement de cette justice militaire, répétons-le, d’un caractère tout particulier.
Nous ne nous sommes pas fixé de méthode de recherches a priori. La chance, sans aucun doute, a dirigé nos premières investigations lorsque nous avons découvert, dans le fonds des archives du port de Toulon, un document contenant l’essentiel des textes relatifs aux galères pour la période allant de 1562 à 1719. Nous avons fait part de cette découverte à M. le professeur Aubenas, alors à Nice, qui nous a donné l’idée de rédiger, dans le cadre d’une thèse consacrée aux prévôts de la marine, un mémoire sur les prévôts des galères.
Il nous semble bien qu’aucun auteur n’a consacré le moindre développement à l’institution que nous nous proposons d’étudier. Paul Masson, dans son ouvrage intitulé « Les Galères de France, 1481-1781 », le plus complet et le plus riche sur la matière, est muet sur le prévôt des galères. Jean-Marc David cite un prévôt des galères embarqué, dans sa très belle thèse sur l’amirauté de Provence. Mais l’œuvre de Paul Masson aurait besoin d’être approfondie et Jean-Marc David n’a évoqué qu’incidemment les galères.
La constatation de M. le professeur Besnier concernant les institutions maritimes s’applique tout particulièrement aux galères, avec ses trois composantes : la marine des galères, l’arsenal des galères et la peine des galères. C’est la raison pour laquelle nous avons pensé qu’il pouvait être intéressant, sur le plan de l’histoire du droit, de consacrer nos recherches à une institution presque inconnue, celle des galères.
Le prévôt général des galères s’installe à Marseille en 1680. Sa création correspond à un besoin, celui de disposer d’un officier spécialisé dans la poursuite des criminels. Il dispose à cet effet d’adjoints destinés à l’aider dans sa tâche. L’ensemble de ces personnels constitue un embryon de prévôté et fonctionnera dans ces conditions jusqu’en 1704, date à laquelle sera constituée une prévôté des galères analogue à celle des maréchaux. Cette situation durera jusqu’en 1716, date de suppression des offices dans les prévôtés de la marine. À partir de ce moment, les prévôts et leurs collaborateurs verront leurs activités décroître en même temps que celles des galères.
Le choix du titre à donner à ce mémoire nous a quelque peu embarrassé. Nous avions tout d’abord songé à un titre plus général – « La prévôté des galères à Marseille de 1680 à 1781 » - qui tenait compte de l’ensemble des personnels qui avait entouré le prévôt des galères. Or, nous venons de voir qu’il n’y eut de prévôté des galères, au sens juridique du terme, que pendant un temps relativement court, de 1704 à 1716, qui correspond également à une époque où de nombreuses charges de la marine ont été érigées en offices « formels et héréditaires ».
Le titre que nous avons choisi recouvre quelque approximation dans la mesure où il n’y eut réellement de prévôt général à Marseille seulement de 1680 à 1704, les offices créés à cette dernière date correspondant à des charges de prévôts généraux de la marine et des galères. Cela n’est pas fait pour nous surprendre car, à partir de l’extrême fin du XVIIe siècle, des galères sont envoyées en Ponant et six demeureront en permanence à Dunkerque.
Les dates choisies définissent la vie même de l’institution. 1680 est l’année de la mise en place du premier prévôt général des galères, 1781 est l’année de la vente de l’arsenal des galères à la ville de Marseille. Mais là encore, il faut être prudent. Il existait des archers des galères avant 1680 et la prévôté des galères n’aura pas le même aspect après 1748, qui voit la réunion de la marine des galères à celle des vaisseaux. Il semble qu’il y ait là une constante des institutions de l’ancien régime qui ne connaissait ni les générations spontanées ni les morts violentes dans le domaine des institutions.
D’autre part, nous avons pris soin de limiter nos recherches à l’activité du prévôt des galères à Marseille. En effet, depuis le XIIIe siècle, et surtout depuis 1481, année du rattachement de la Provence à la couronne de France, Marseille sera, sur le plan militaire, essentiellement un arsenal des galères. Combien de touristes, de Marseillais peut-être, savent que le quai de Rive-Neuve, de même que le quai des Belges, comportaient des cales de construction de galères, et que l’une d’elles peut encore être vue dans les caves de ce qui fut un grand restaurant.
Si l’institution du prévôt général des galères à Marseille ne constitue qu’un élément, certes modeste, mais presque inconnu des juridictions de la marine française, elle n’en paraît pourtant pas moins digne d’intérêt à plus d’un titre.
Tout d’abord, elle apparaît à un moment où, sur le plan local, deux forces sont en présence, le général de galères et l’intendant des galères. Son évolution met en évidence le rôle de plus en plus prépondérant de l’intendant et l’effacement jusqu’à sa disparition du général.
Puis cette institution poursuit son évolution. Créé au départ avec des attributions essentiellement judiciaires, le prévôt des galères recevra des attributions d’ordre juridictionnel et administratif. Tantôt, il les exercera par simple commission, tantôt à titre d’office. Mais nous ne manquerons pas de constater, déjà, la confusion des attributions de police administrative et de police judiciaire entre ses mains.
Enfin, il nous est apparu intéressant de découvrir l’origine, le mode de vie des prévôts et de leurs collaborateurs. Nous verrons qu’il s’agit de personnages d’origine modeste. Nous avons trouvé des prévôts qui sortaient du rang, mais qui sauront, dès qu’ils seront investis de leurs charges, défendre leurs prérogatives avec le même sens de l’honneur qu’un noble ou un grand du royaume. Montesquieu avait raison en affirmant que l’honneur était le moteur de l’institution monarchique.
Ainsi, cette étude nous aura conduit dans les domaines les plus divers de l’histoire du droit. Nous y aborderons les caractères de la fonction publique sous l’ancien régime et nous assisterons à des créations et à des révocations d’offices. Nous verrons fonctionner une institution judiciaire avec des caractères particuliers. Nous verrons également comment le représentant du pouvoir central arrivera à prendre en main l’essentiel des rouages de l’administration et de la justice des galères et dans quelle mesure le prévôt sera entraîné dans son sillage.
La prévôté des galères à Marseille n’est certes qu’un élément des institutions de la marine. Mais son existence peut être riche d’enseignements dans la mesure où les cas concrets, les exemples, les anecdotes, que nous isolerons, pourront être interprétés et rattachés au cadre historique et juridique. C’est ce que nous avons tenté.
Il eût été sans doute plus aisé de s’attacher uniquement à l’étude des textes réglementaires. Outre qu’il s’agit d’une méthode trop souvent utilisée, cela n’aurait pas permis de saisir les caractères propres de l’institution. Car les textes réglementaires ne suffisent pas. Dans la recherche entreprise, il convenait de dépasser franchement l’analyse et l’interprétation de la législation et de rester très proche de l’histoire car, comme l’écrit M. le Contrôleur Général Guillon : « La Marine est un produit de l’histoire. À la suite de tâtonnements, d’expériences douloureuses, des luttes internes des différents corps et castes, exaspérées en vase clos dans les enceintes des bâtiments, des arsenaux et des ports, les institutions actuelles se sont peu à peu modelées, polies par les galets de la mer, par le flux et le reflux des réformes et des métamorphoses ».
Dans notre domaine, la documentation est restée à peine exploitée, mais parfois difficile d’accès. Le fonds « marine » des Archives nationales contient une série entière consacrée aux galères. Il s’agit malheureusement d’une série qui n’a pas été répertoriée. Seul le temps aura été un obstacle et nous n’aurons pu, à la date de rédaction du présent mémoire, compulser l’ensemble des registres concernant la période de référence. Il nous a fallu faire des choix. Le même fonds contient également une série consacrée aux personnels et, notamment, aux officiers de plume, et fournit des renseignements fort utiles sur les titulaires des différentes fonctions de la prévôté des galères. Là aussi, il nous a fallu choisir.
Outre la Bibliothèque nationale, qui contient quelques manuscrits intéressants, et les archives des Bouches-du-Rhône, les archives du port de Toulon disposent d’une série complète, classée sous le titre Galères, mais qui serait plus judicieusement intitulée Justice Militaire. On y trouve des jugements des conseils de guerre, de l’intendant et du prévôt de la marine de Toulon, mais également des bribes, mais des bribes d’un grand intérêt, sur les galères… Et lorsque l’on peut mettre en corrélation les renseignements, certes épars, fournis par les archives du port de Toulon, avec ceux provenant d’autres fonds, et notamment des Archives nationales, on peut alors découvrir le fonctionnement presque quotidien des institutions.
Comme nous l’avons déjà souligné, il nous a fallu faire des choix et nous avons dû également combler des lacunes. Les choix étaient faciles à faire dans la mesure où de grandes dates apparaissaient : 1680, 1704, 1716, 1720, année de la peste à Marseille, 1748 et 1781.
Quant aux lacunes, elles proviennent souvent du fait que les archives qui concernent les galères, tant celles de Marseille et de Toulon que les Archives nationales, laissent apparaître des vides qui ne peuvent être comblés qu’à l’aide de recoupements qu’il faut faire avec des éléments provenant d’autres fonds d’archives. Cela fut quelquefois possible, dans la mesure où les problèmes des galères étaient identiques à ceux des vaisseaux.
Nous nous efforcerons donc de déterminer, tout au cours de cette étude, ce que fut le rôle du prévôt général des galères et de la prévôté des galères dans la justice et l’administration des galères de 1680 à 1781, dans le cadre de l’arsenal des galères, c’est-à-dire à Marseille. Nous laisserons de côté l’action menée par les autres prévôts et prévôtés de la marine au profit des galères, surtout à partir du moment où ces navires furent envoyés en Ponant. Nous consacrerons toutefois quelques brefs développements à la survie de l’institution entre 1748, date du rattachement de la flotte des galères à la flotte des vaisseaux et qui aurait dû voir la disparition de la prévôté des galères, et 1781, date à laquelle l’arsenal des galères fut vendu à la ville de Marseille et qui marque réellement la fin de l’institution que nous étudions.
Afin de mieux appréhender tous les problèmes qui se posent pendant la période de référence, nous avons cru devoir situer l’institution dans son évolution historique et c’est la raison pour laquelle nous consacrerons une première partie aux galères. Nous saisirons cette institution dès ses origines et nous mettrons en relief les grandes périodes de son évolution, ne perdant jamais de vue qu’il s’agit d’envisager tout à la fois une flotte de la marine royale, un mode d’exécution de peine et un arsenal qui recevait galères et galériens.
Par la suite, nous tenterons de suivre le prévôt général des galères depuis son installation jusqu’à sa disparition. Nous montrerons, pour comprendre les raisons de l’établissement d’un tel prévôt à Marseille, l’ancienneté de l’institution des prévôts de la marine et la nécessité dans laquelle s’est trouvée l’administration centrale d’établir un prévôt dans ce port. Nous montrerons également l’organisation de la prévôté des galères, et nous verrons qu’elle connut des heures glorieuses, notamment entre 1704 et 1716, ainsi que des moments plus sombres, comme ce fut le cas à partir de 1748.
Enfin, notre étude sera consacrée aux attributions du prévôt des galères. Nous essaierons de classer ces attributions selon les critères actuellement utilisés qui ne permettent pas toujours de saisir aisément le fonctionnement réel d’une institution ancienne.
Ce mémoire, consacré justement à une institution qu’il nous a fallu exhumer, est certes bien imparfait. Sa seule ambition est d’apporter quelques éclairages puisés dans des matériaux solides permettant des recherches ultérieures consacrées, dans le cadre d’une étude sur la justice dans la marine sous l’ancien régime, aux prévôts généraux de la marine à cette époque.
Première partie - LES GALÈRES LE NAVIRE, L’ÉQUIPAGE ET L’ARSENAL
Durant des siècles, et sans doute depuis l’origine de la navigation, la marine à rames a été prépondérante en Méditerranée. La voile, inventée dès la plus haute antiquité, ne fut longtemps qu’un moteur auxiliaire.
Toutefois, aux XVe et XVIe siècles, la prépondérance est donnée aux voiliers qui présentent, outre l’avantage de pouvoir disposer d’une artillerie, celui d’être en mesure d’effectuer de grandes traversées océaniques que les galères, plus basses sur l’eau et qui ne doivent compter que sur l’endurance des rameurs, n’auraient pu entreprendre.
Mais les galères continueront à être utilisées en Méditerranée jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. Elles permettent alors d’assurer une protection efficace des côtes contre les Barbaresques. Cependant, nous verrons des galères en Ponant à la fin du XVIIe siècle.
Pour éviter toute confusion, il nous faut bien préciser ce que recouvre le terme même de galère.
On peut penser qu’il s’agit d’un navire ou d’une flotte de navires à rames. Il peut également s’agir d’une peine qui oblige des personnes privées de liberté à ramer sur des navires. Enfin, les galères peuvent être associées au lieu de leur principal établissement qui sera pendant longtemps Marseille.
Si chacune de ces interprétations du mot galère est en grande partie vraie au XVIIe siècle, et tout particulièrement en 1680, point de départ de la présente étude, il n’en aura pas toujours été ainsi.
En effet, la flotte des galères n’existera qu’autant qu’un arsenal permettra la construction et l’entretien de ce type de bâtiment. Avant que notre pays ne dispose d’un arsenal des galères, il faudra s’adresser à des pays maritimes afin de leur louer des galères et souvent d’autres types de vaisseaux, avec leurs équipages.
Une marine des galères se constituera, mais elle ne deviendra propriété du roi qu’au milieu du XVIIe siècle.
La chiourme va également changer d’aspect. Jusqu’au début du XVe siècle, on utilisait des galériens volontaires. Puis, ceux-ci se faisant plus rares, une solution de remplacement sera trouvée dans l’instauration d’une peine des galères.
C’est ainsi que deux grandes périodes peuvent être distinguées. La première, qui va de la fin du XIIIe siècle au milieu du XVIIe siècle, correspond à la constitution d’une marine des galères. Il s’agit d’une période de tâtonnements. La seconde, que l’on peut faire aller jusqu’en 1748 ou en 1781, correspond à la vie même de l’institution, l’apogée, le déclin et la fin des galères de France. Marseille aura été choisie comme arsenal des galères et restera un port de guerre jusqu’en 1781. Durant cette période, les galères sont constituées en flotte parfaitement organisée sous l’autorité du roi. Les galériens sont, pour la plus grande part, des individus condamnés à la peine des galères.
Cette première partie sera donc divisée en deux chapitres.
La constitution d’une Marine des Galères (1294-1659).
La nationalisation et la nouvelle organisation de la Marine des Galères (1659-1781).
CHAPITRE I - LA CONSTITUTION D’UNE MARINE DES GALÈRES (1294-1659)
Il convient tout d’abord de préciser chacune de ces deux dates prises pour origine et pour fin de cette période qui correspond à la constitution d’une flotte des galères de France.
1294, c’est l’année de la création du Clos des Galées, premier rudiment d’arsenal, sur la rive gauche de la Seine, vis-à-vis de Rouen.
Jusque-là, les rois de France avaient l’habitude de noliser des galères, surtout des galères de Gênes, et ils étaient ainsi obligés d’en conférer le commandement à des étrangers.
Certes, il semble qu’en 1270, le titre d’amiral ait été créé et attribué à Florence de Varennes.
Mais la construction du Clos des Galées met en relief la préoccupation constante de nos rois qui entendent ne dépendre de personne pour la défense du royaume. La date de 1659 est celle de l’établissement d’un intendant de justice, police et finances des mers du Levant, ayant autorité sur la flotte des galères et sur celle des vaisseaux en Méditerranée.
Auparavant, le statut juridique des galères était assez mal défini. À partir de 1659, la présence d’un représentant du pouvoir central tout d’abord à Toulon puis à Marseille montrera le souci du roi de mettre entièrement la main sur la flotte des galères.
Durant cette longue période de gestation et de formation, trois problèmes se poseront :
- où installer un arsenal des galères ?
- comment organiser la flotte des galères ?
- quel en sera l’armement et, en particulier, d’où proviendront les galériens ?
À la recherche d’un arsenal des galères
Certains historiens affirment que c’est Marseille qui vit naître, à la fin du XIVe siècle, la première galère de France comme vaisseau de guerre, construite sur le chantier du plan Fourmiguier. Cette affirmation ne nous paraît pas exacte. En effet, après avoir tenté d’installer une base navale à Aigues-Mortes, les rois de France construiront le Clos des Galées. Il n’était pas question alors de songer à Marseille qui était alors terre d’empire.
Toutefois, lorsque, en 1481, Marseille sera rattachée à la couronne de France, son rôle d’arsenal des galères ira en s’accroissant.
Les tentatives d’implantation d’un arsenal des galères
Dès Philippe-Auguste, les rois de France prennent conscience du besoin qu’ils ont de constituer leur propre flotte. Saint-Louis songe à Aigues-Mortes pour servir à l’embarquement des croisés.
De 1294 à 1418, le Clos des Galées sera le principal établissement de notre marine de guerre et va servir à la construction de galères dès le XIVe siècle. En effet, la seule province maritime que la France possède au XIIIe siècle est la Picardie. D’autre part, il devient nécessaire de s’opposer à la puissance navale anglaise. De plus, rien ne prouve que la première galère de France fût construite à Marseille.
On peut cependant avancer que les bonnes relations qu’ont toujours eues les comtes de Provence avec les rois de France ont pu permettre à ceux-ci de se servir de Marseille.
L’établissement des galères à Marseille
Le 10 décembre 1481, le testament de Charles III lègue le comté de Provence au roi de France. Palmède de Forbin, marquis de Solies (ou Sollies) et vice-roi de Provence, prend à la fois le titre de général des galères de France et d’amiral des mers du Levant. L’amirauté de Provence maintient son autonomie et la conservera jusqu’à Richelieu.
Ainsi, à partir de 1481, les galères vont se trouver concentrées en Méditerranée et Marseille deviendra alors l’arsenal des galères.
Toutefois, entre 1624 et 1661, pour des raisons difficiles à déterminer, Toulon prend la relève de Marseille et reçoit la flotte des galères. En 1661, Colbert les ramène à Marseille.
La première organisation de la marine des galères
Trois grandes périodes peuvent être retenues :
- de 1481 à 1548 : cette période correspond à la constitution de la marine des galères. Aucune conception d’ensemble ne semble présider à son édification ;
- de 1548 à 1635 : à partir du règne de Henri II, des tentatives d’organisation apparaissent, mais des conflits vont surgir, notamment entre l’amiral du Levant et le général des galères ;
- de 1635 à 1659 : Richelieu entreprend la centralisation de la marine à son profit ; cette centralisation sera suivie de la nationalisation ou de l’étatisation de la marine, lorsque celle-ci dépendra directement du roi.
La constitution de la marine des galères (1481-1548)
Dans quelle situation se trouve la marine française en 1481 ?
Il existe un amiral de France, dont les pouvoirs ont été définis par Charles V dans l’ordonnance du 7 décembre 1373. Il existe également une amirauté de Bretagne et une Amirauté de Guyenne.
Lorsque, le 10 décembre 1481, le testament de Charles III lègue la Provence à Louis XI, c’est avec la supplication de maintenir le comté dans « tous les privilèges, traités, libertés, franchises, statuts, capitulations, exemptions et prérogatives ».
Or, à ce moment-là, deux institutions coexistent en Provence, l’amiral du Levant et le général des galères.
La charge de général des galères semble avoir existé avant l’annexion de la Provence, alors que les rois de France, qui ne possédaient que le Languedoc sur le littoral méditerranéen, y entretenaient cependant quelques galères.
Dès 1410, un certain Jean de Chabrillac aurait commandé les galères du comte de Provence.
En 1456, Jean de Villages, neveu de Jacques Cœur, est nommé « Capitaine des Gallées du roy ».
Son successeur, Michel Gaillart, « Général sur le fait et gouverneur des finances » du roi, donne quittance, le 24 août 1478, comme « capitaine et grand patron des Gallées de France ». Il aurait été le premier à porter le titre de général des galères, peut-être par analogie avec son ancienne fonction de général des finances.
Tout au long de cette période, le nombre de galères que les rois auront en Méditerranée évoluera et ira en augmentant. En 1494, Charles VIII ne possède en Méditerranée que six galères. Mais, dès 1526, dix-sept galères y sont armées et, en 1536, sur trente galères, vingt-trois stationnent dans le port de Marseille.
Les tentatives d’organisation de la marine des galères (1548-1635)
Un document de la Bibliothèque nationale, la « Stolonomie », sans nom d’auteur et sans date, est intitulé « Traité contenant la manière de dresser, fournir, équiper et entretenir en tout temps en bon ordre une armée de mer et raison des frais d’icelle ». Étant adressé à Henri II, le texte a donc été rédigé entre 1547 et 1559. Or, à partir de 1548, les galères attirent l’attention de ce roi. « Aucun des Valois n’eut comme lui la compréhension du rôle maritime de la France et on a pu l’appeler un précurseur de Colbert ».
Henri II promulguera un certain nombre d’ordonnances et de règlements, dont les plus importants en date du 15 mars 1548 sont rédigés dans des termes très proches de la Stolonomie. C’est sans doute la raison pour laquelle nous sommes tenté de dater ce texte du début du règne d’Henri II et plus précisément de l’année 1548. Dès cette année-là, d’ailleurs, la France possédera quarante-deux galères.
Mais après Henri II et pendant les guerres de religion, ce chiffre ne cessera de décroître. Le nombre des galères semble atteindre son plancher en 1580 où il est de quatorze unités, en mauvais état d’ailleurs.
Tout au long du XVIe siècle, il régnera beaucoup d’incertitudes pour déterminer les fonctions des titulaires des charges de capitaine général des galères et d’amiral des mers du Levant. La distinction n’apparaît pas nettement entre elles. Tantôt les deux institutions seront distinctes, et alors le problème se posera de savoir laquelle aura le pas sur l’autre. Tantôt elles seront confondues dans la même main, et alors les difficultés disparaîtront. Dès le 4 mars 1548, des lettres patentes portent « règlement des droits et pouvoirs qui appartiennent au comte de Tende en qualité de gouverneur et grand sénéchal de Provence, amiral des mers du Levant ». Le 3 mai 1558, une ordonnance d’Henri II concerne les droits du général des galères. Elle sera suivie d’un règlement de Charles IX, prise sur le même sujet, le 8 décembre 1559.
Une déclaration royale du 6 avril 1562 vient préciser le « pouvoir et autorité du capitaine général des galères », René de Lorraine, grand prieur de France.
Attachons-nous essentiellement aux pouvoirs de justice conférés au général. L’article 10 de la déclaration de 1562 dispose que le général des galères « aura juridiction criminelle sur les délinquants dans les galères, et droit de leur remettre, quitter et pardonner leurs crimes, casser ceux qui y servent et en substituer d’autres ».
Des lettres patentes du 6 août 1562, portant exemptions et privilèges octroyés au capitaine général de galères, précisent que celui-ci pourra notamment « faire la correction, justice et punition de tous les crimes et délits qui seront commis et perpétrés par iceux gens de guerre, mariniers et autres gens desdites galères, ou les leur remettre, quitter et pardonner s’il voit que faire le doive, casser et oster ceux qui ne seront bons pour notre service, et en leur lieu et place y en mettre d’autres ainsy qu’il avisera, demander et faire venir par-devers lui tous les capitaines et chefs de guerre desdites galères et vaisseaux toutefois et quantes bon luy semblera pour tenir conseil et avoir leur avis sur ce qui est requis et nécessaire pour nostre service… ».
Investi de pouvoirs de justice, le général des galères jouit d’une grande autonomie car des textes viennent préciser qu’il n’est « tenu d’obéir à d’autre commandement qu’à celui du roi ».
Cependant, les conflits ne manqueront pas de s’élever entre l’amiral de Provence et le général des galères. Il en est ainsi entre Claude de Savoie comte de Tendes, amiral des mers du Levant, et le marquis d’Elbeuf, général des galères.
Le roi intervient par un règlement et des lettres patentes du 8 décembre 1564, qui répartissent les compétences judiciaires de ces deux grands officiers.
Les termes du règlement de 1564 seront reproduits à plusieurs reprises lorsqu’il s’agira de préciser les compétences des successeurs des amiraux du Levant et des généraux des galères.
Un arrêt du Conseil du 2 avril 1608 vient trancher une contestation entre le comte de Joigny, général des galères de France et Barthélémy de Valbelle, lieutenant de l’amirauté du Levant. Il s’agit d’un différend qui a surgi à la suite d’une sentence rendue du 18 janvier 1606, donnée par le lieutenant de l’amirauté, contre laquelle le général des galères s’est porté demandeur en requête devant le conseil du roi le 19 mai 1606.
Le roi casse et annule la décision du Sieur de Valbelle, fait obligation aux parties « de garder et observer de point en point selon leur forme et teneur les règlements et ordonnances faites les années 1562 et 1564 entre le gouverneur de Provence, amiral des mers du Levant et le général des galères », et audit lieutenant de prendre connaissance de tout ce qui se fera dans lesdites galères, tant par les officiers d’icelles qu’autres personnes, à peine de nullité, dommages et intérêts… »
Les conflits les plus graves surgiront plus aigus que jamais lorsque, au début du XVIIe siècle, la marine du Levant sera placée sous l’autorité de Charles de Lorraine, duc de Guise, gouverneur et amiral de Provence et que les galères seront commandées par Philippe-Emmanuel de Gondi, comte de Joigny. Il s’agit de deux grands seigneurs, aussi intransigeants et intraitables l’un que l’autre.
De tels différends vont inciter Richelieu à intervenir. Les galères iront à Toulon en 1624, sans doute « pour mettre fin aux différends continuels qu’avaient entre eux le général des galères et le duc de Guise ».
D’autre part, le 20 octobre 1626, un édit vient porter création de la charge de Grand-Maître, chef et surintendant général de la navigation et du commerce de France, attribuée à Richelieu.
Par un autre Édit de janvier 1627, les offices de connétable et d’amiral de France sont supprimés.
En janvier 1635, de Gondi cède sa charge de général des galères.
Enfin, pour couronner l’opération, un brevet royal en date du 17 février 1636 autorise Richelieu à cumuler le généralat des galères avec la grande maîtrise de la navigation et du commerce maritime.
Richelieu et la centralisation de l’autorité maritime
Les quatre amirautés de France ont vécu et Richelieu a autorité sur les vaisseaux et sur les galères. Un Intendant de justice et de police de l’armée navale est créé. Le cardinal déléguera d’ailleurs la charge de général des galères à son neveu, François de Vignerod, Sieur de Pontcourlay, qui sera reçu à Aix-en-Provence le 10 juin 1636.
Ainsi, pour la première fois, la marine française se trouve centralisée entre les mains d’un ministre, Richelieu, qui fait table rase de la féodalité maritime. Plus d’amiraux autonomes, plaie de notre Marine, plus d’incompétence patentée. La création d’une administration centrale avec subordination des éléments militaires au pouvoir civil, telle sera l’œuvre de Richelieu.
L’institution de la peine des galères
Certains historiens ont vu dans l’ordonnance de Charles IX de novembre 1564 le point de départ de la peine des galères. Cela n’est pas tout à fait exact, et comme dans d’autres domaines, il y eut une lente évolution qui a conduit à l’institution de la peine des galères.
À l’origine, les galères ont été armées par des « bone voglie », c’est-à-dire par des volontaires. Mais il a sans doute existé un moment où les bancs des galères ont reçu tout à la fois des volontaires et des condamnés.
Dès le 22 janvier 1442, Jacques Cœur obtient que « les personnes oyseuses, vagabonds et autres caimans » dont la province de Languedoc est infestée, soient embarquées de force sur ses galères.
À partir de cette date, des textes divers enjoindront aux parlements et aux autres juridictions du royaume de remettre les prisonniers ou les individus condamnés à des peines privatives de liberté à des personnes nommément désignées qui auront mission de les conduire à Marseille, ou mieux, enjoindront à ces mêmes parlements et juridictions de commuer la peine de mort en celle des galères.
Tout le problème consiste à savoir comment on devient galérien à partir du XVIe siècle.
Lorsque l’individu prisonnier ou condamné est ainsi envoyé aux galères, il échappe à la surveillance de la juridiction qui a infligé la sentence pour tomber dans les mains du roi. Des conflits apparaîtront entre le pouvoir royal, qui entend que les galériens ne dépendent que de lui, et les parlements, qui désirent surveiller la durée de la peine infligée. Ces conflits surgiront également entre l’amirauté et le corps des galères. Ici se posera la question de savoir comment l’on sort des galères du roi.
Comment devient-on galérien ?
Pendant tout le XVIe siècle et au cours de la première moitié du XVIIe siècle, il y a deux moyens essentiels pour envoyer des individus aux galères :
- par ordre du roi ;
- par commutation de la peine de mort en celle des galères.
Les ordres du roi
Les ordres du roi peuvent revêtir plusieurs aspects :
- les lettres de commission délivrées à telle personne pour prendre dans telle cour ou tel tribunal les criminels et les conduire aux galères ;
- les ordres du roi adressés à un ou plusieurs parlements et éventuellement à des tribunaux pour faire conduire tous les condamnés, ou telle catégorie de condamnés, ou encore telle catégorie de personnes détenues aux galères. Ces ordres sont donnés sous forme de mandements.
Les lettres de commission
Des capitaines sont alors munis de lettres les autorisant à requérir les condamnés dans le ressort de telle cour ou de tel tribunal.
Ainsi, le 5 juin 1496, une commission est adressée à Prégent de Bidoux pour prendre dans les tribunaux du ressort des parlements de Paris et Toulouse « tous criminels qui ont desservi d’être corporellement punis et pareillement hasardeux de dés et autres jeux publics, pipeurs, rufians et coquins, étant de bonne convalescence de leur personne ».
Le 26 décembre 1525, la Régente envoie l’ordre de mettre à la disposition de Bernardin de Baux les prisonniers et vagabonds se trouvant dans le ressort du parlement de Paris.
Les mandements du roi
Ces mandements présentent des caractères souvent différents.
Ils peuvent être adressés à un ou plusieurs parlements et souvent, en même temps, aux baillis et sénéchaux de leur ressort. C’est le problème de l’étendue territoriale du mandement.
Certains mandements désignent un capitaine ou plusieurs capitaines de galères qui auront pour mission de conduire les condamnés à Marseille.
Souvent, le nombre de condamnés est précisé, jusqu’à plusieurs centaines à la fois. Ou bien le capitaine est simplement autorisé à prendre le nombre de forçats qui lui est nécessaire.
Quelquefois, la condamnation entraîne la peine des galères. Mais il arrive qu’il s’agisse aussi de simples prisonniers en attente de jugement, non encore condamnés, seulement prévenus de telle ou telle infraction.
Reprenons ces divers points.
L’étendue territoriale du mandement
Il peut s’agir du ressort d’un seul parlement.
Le 23 août 1531, ordre est donné au parlement de Rouen de « faire délivrer les prisonniers criminels nommés forçats par lesdites lettres, tous renieurs de Dieu et de sa glorieuse mère, joueurs et hasardeurs de dés et cartes, jeux défendus, pipeurs, ruffians, gens essorillés, bannis qui seraient retournés par-dessus leur ban ».
En 1542, un mandement du roi ordonne au parlement de Rouen de faire conduire les condamnés à Marseille. Le 4 décembre 1544, un mandement est adressé au parlement de Bordeaux et autres cours de justice en Guyenne de livrer au capitaine Antoine Escalin les prisonniers condamnés aux galères.
Le 29 décembre 1544, le parlement de Paris reçoit mandement de faire délivrer aux porteurs trente-deux prisonniers, vingt du petit Châtelet et douze de la conciergerie, qui avaient été désignés trois mois auparavant pour servir de forçats et ramer sur les galères commandées par les capitaines de Saint-Blancard, de Marsay et de Montegu.
Le mandement peut concerner plusieurs parlements ou un parlement et d’autres juridictions inférieures.
Ainsi, le 4 août 1544, un mandement est adressé aux parlements et autres cours royales de délivrer aux trois capitaines que nous venons de nommer trois cents hommes pris parmi les prisonniers accusés entraînant la peine de mort ou autre grande peine corporelle, pour être conduits à Marseille, servir comme forçats et ramer sur lesdites galères.
Le 26 septembre 1533, le parlement d’Aix, le sénéchal de Lyon et d’autres juges reçoivent l’ordre de remettre entre les mains de Christophe de Lubiane, chargé par le roi de la défense des côtes de Provence, deux cents prisonniers pour l’équipage et l’armement de deux galères.
La désignation du capitaine chargé de la conduite des forçats
Nous avons vu, dans les précédents mandements, apparaître les noms de Saint-Blancard, de Marsay, capitaine du château d’If, de Montegu, capitaine des galères du roi, de Bernardin de Baux, d’Antoine Escalin et de Christophe de Lubiane.
D’autres mandements désignent d’autres personnages. Par exemple, des lettres du 16 mai 1527 enjoignent de livrer cent cinquante prisonniers, vagabonds, ruffians… au capitaine Jonas. Le 5 décembre 1543, les parlements de Paris et de Dijon, le prévôt de Paris, les baillis de Meaux et de Dijon reçoivent l’ordre de faire délivrer à Léon Strozzi, prieur de Capoue, pour deux galères qu’il fait armer et équiper, quatre cents prisonniers qui y serviront comme forçats.
On peut se demander à quel titre ces capitaines de galères peuvent prendre possession de condamnés qui appartiennent au roi. Certains capitaines possèdent le corps du navire, ses agrès, son artillerie et tout son armement, ainsi que de la chiourme. D’autres n’ont acquis que la chiourme. Parfois même, la propriété des forçats est partagée, certains de ceux-ci appartiennent au capitaine et d’autres sont au roi.
Comment se concilient alors les droits du roi et ceux des propriétaires ? Il semble qu’il soit difficile de le préciser, mais dans tous les cas, qu’elles soient à lui ou non, le roi dispose des galères et en donne le commandement à qui lui plaît. La formule officielle employée en ce cas est que les galères avec leur armement « sont baillées sous la charge et conduite » de tel capitaine.
Cette mise « sous la charge et conduite » est l’objet d’un contrat. Le capitaine s’engage à entretenir sa galère en bon état à ses dépens, avec sa chiourme qu’il nourrit. Cet entretien peut l’obliger à de grosses dépenses. Deux inventaires, l’un descriptif, l’autre estimatif, sont dressés soigneusement lors de la prise en charge et les mêmes inventaires sont renouvelés lorsque la galère est « baillée » à un autre capitaine. Pour assurer le paiement de la dette qu’il pourrait avoir envers le roi, le capitaine verse, dès la conclusion du contrat, un cautionnement. Pour s’indemniser de ses frais, liberté lui est donnée d’employer sa galère comme il le désire en temps de paix. Mais, en temps de guerre, quand le roi veut envoyer les galères en campagne, le capitaine doit rejoindre sans retard le lieu qui lui est assigné. Pendant la durée de la campagne, les dépenses de la galère sont à la charge du roi.
Nous avons vu que les capitaines des galères sont chargés de la conduite des forçats jusqu’à Marseille. Il faut attendre le 1er mars 1613 pour voir le roi délivrer lettres patentes et commission en faveur du Sieur Claude Sottaye, le chargeant de « la conduite de tous les condamnés aux galères par les parlements et juridictions du royaume pendant l’espace de six années, à commencer le 1er mars 1613 » et lui donnant le titre de commissaire et conducteur général de tous les condamnés.
La désignation du nombre des condamnés
Quelquefois, le nombre des prisonniers à envoyer aux galères ou celui des condamnés est prévu. C’est ce que nous avons vu dans le mandement du 5 décembre 1543 qui porte sur quatre cents prisonniers, dans celui du 26 septembre 1533, qui fait état de deux cents prisonniers, et dans ceux des 4 août et 29 décembre 1544.
Le 15 décembre 1546, les parlements de Paris et de Rouen, les baillis de Rouen et d’Alençon reçoivent mandement à l’effet de faire livrer à Nicolas de Villegagnon pour la chiourme de deux galères dont il a le commandement soixante forçats pris parmi les prisonniers détenus dans les prisons de leur ressort.
Les condamnations qui conduisent aux galères
La question se pose ici de savoir s’il faut une condamnation préalable et, dans l’affirmative, pour quel motif.
Des simples détenus peuvent être envoyés aux galères. Lorsque Jacques Cœur obtient, dès 1442, l’autorisation de prendre des galériens parmi « les personnes oyseuses, vagabondes et autres caimans » dans la province de Languedoc, il semble bien qu’une condamnation préalable ne soit pas nécessaire.
Il en est de même en 1525 alors qu’il s’agit de prisonniers et vagabonds se trouvant dans le ressort du parlement de Paris, et en 1527 où il est question de cent cinquante prisonniers, vagabonds, ruffians. En 1533, les termes sont plus vagues. Il s’agit d’une part de deux cents prisonniers et d’autre part de quatre cents prisonniers. Le mandement du 4 août 1544 fait état de prisonniers accusés… Et le 29 décembre 1544, les trente-deux prisonniers parisiens qui sont envoyés aux galères « avaient été désignés trois mois auparavant pour servir de forçats et ramer sur les galères… »
Parmi ces détenus, il convient de citer les prisonniers de guerre et les protestants.
Il semble, en effet, que, à certains moments de notre histoire, les prisonniers de guerre ont été envoyés aux galères. Certes, les prisonniers provenant des galères barbaresques capturées ou détruites (personnels et chiourme) changeaient de bans et se retrouvaient pour la plupart enchaînés sur les galères du roi. Mais lorsqu’il s’agit de prisonniers capturés dans les campagnes militaires entreprises à cette époque, notamment pendant la guerre de trente ans, la pratique semble plus contestable.
C’est ainsi qu’à l’issue de la campagne de Lorraine, Richelieu envoie à Brouage cinquante prisonniers lorrains. Á cet effet, il est délivré « à François Moreau, Sieur du Breuil, Prévôt Général de la Marine et des Armées Navales de Sa Majesté, la somme de mille livres, savoir neuf cents livres pour la conduite qu’il doit faire de cette ville de Paris jusqu’en celle de Brouage pour curer le port de ladite ville, suivant les ordres de M. le Commandeur de la Porte, commandant audit lieu et cent livres pour l’achat d’une chaîne et menottes de fer propres pour conduire lesdits cinquante hommes, suivant l’ordonnance de M. le Cardinal du 7 novembre 1633 et quittance dudit Sieur Moreau du 10 desdits mois et an, à mille livres ».
Quant aux protestants, ils sont envoyés aux galères dès le XVIe siècle, notamment pendant les guerres de religion. En 1577, le commandant de la flotte royale, dans un combat devant Brouage, s’empare de deux cents huguenots. Il les fait mettre à la chaîne non pas comme huguenots mais comme rebelles.
Cependant, des protestants semblent bien avoir été condamnés aux galères pour des motifs religieux. En 1545, on en compte six cent soixante-six à bord des galères à Marseille.
Les prisonniers envoyés aux galères peuvent avoir été préalablement condamnés à la peine des galères. Lorsque Prégent de Bidoux reçoit en 1492 sa commission, celle-ci concerne « tous criminels qui ont desservi d’être corporellement punis… étant de bonne convalescence de leur personne ».
Mais faut-il que le jugement ait prévu une condamnation aux galères ? En 1542, nous avons vu le parlement de Rouen mis dans l’obligation de faire conduire les condamnés à Marseille. Par contre, le mandement du 4 décembre 1544, adressé au parlement de Bordeaux et aux cours de justice de son ressort, fait état de « prisonniers condamnés aux galères ». Il en est de même dans le mandement que reçoivent le 12 février 1547 les parlements de Toulouse et de Bordeaux.
Á la lecture de plusieurs mandements et lettres patentes, il semble que certains délits conduisent plus sûrement aux galères que d’autres. Sont ainsi envoyés aux galères les mendiants, les gens sans aveu, les joueurs et les hasardeux de dés, de cartes et autres jeux publics, les pipeurs, rufian et coquins, les gens essorillés (c’est-à-dire les récidivistes), les gens de mauvaise vie et d’un gouvernement incorrigible, les renieurs de Dieu et de sa glorieuse mère, les bannis qui sont retournés par-dessus leur ban, les voleurs, les auteurs de larcins et les pirates.
La commutation de la peine de mort en celle des galères
Souvent, il est question de condamnés à mort ou de gens coupables de crimes entraînant une grande peine corporelle « pouvant être commuée équitablement en celle des galères ».
Comment sort-on des galères ?
Les prisonniers détenus ou condamnés, conduits aux galères, font alors l’objet d’odieux marchandages.
Tantôt les officiers des galères, conformément aux ordres du roi, entendent conserver les galériens à leur ban d’infamie au-delà du temps de leur condamnation. Les conflits sont alors nombreux entre le général des galères et les parlements, notamment celui de Provence, ainsi qu’avec l’amirauté de Marseille.
Mais ces mêmes officiers peuvent être également amenés à libérer indûment les forçats avant le temps de leur condamnation, à prix d’argent peut-être.
Des conflits s’élèveront alors avec les parlements et l’amirauté de Marseille.
Toutefois, le roi interviendra, tantôt pour maintenir les galériens au-delà de leur temps, tantôt pour élargir tel ou tel prisonnier des galères.
CHAPITRE II - LA NATIONALISATION ET LA NOUVELLE ORGANISATION DES GALÈRES
Richelieu meurt le 4 décembre 1642. Avant de mourir, il avait confié le généralat des galères à son neveu, Armand Jean de Maillé-Brézé, qui recueillera la succession du Cardinal et conservera la grande maîtrise et la surintendance de la navigation et du commerce de France jusqu’à sa mort en 1646, date à laquelle elle passera au duc de Vendôme avec survivance pour son fils, le duc de Beaufort, surnommé le roi des Halles. En 1651, la charge de général des galères est rétablie et passe entre les mains de François de Créqui.
Ainsi prend fin la réunion en une seule main de la grande maîtrise et du généralat des galères. Mais l’œuvre créée par Richelieu lui survit. Certes, un amiral de France et un général des galères sont rétablis, mais ces deux institutions ne sont plus ce qu’elles étaient avant l’arrivée au pouvoir du cardinal.
Les galères deviennent la propriété du roi. Armement et équipement, ateliers de construction et chiourme lui appartiennent. Il s’agit d’une véritable « nationalisation » qui reçoit sa consécration en 1659 lorsqu’un intendant des armées navales du Levant s’installe à Toulon. La marine des galères connaît une nouvelle organisation qui touche le commandement et les hommes d’une part et le matériel d’autre part.
Le commandement et les hommes
Le commandement subit d’importantes transformations. Le généralat des Galères est rétabli en 1651, mais il s’agit d’une charge honorifique, et les généraux des galères qui se succèdent jusqu’en 1748 font exercer leur commandement par des lieutenants généraux. En revanche, un intendant, représentant du pouvoir central, s’installe à Toulon en 1659, avec autorité sur la marine des galères.
Les capitaines propriétaires de galères disparaissent et une nouvelle organisation du corps des officiers est entreprise.
Les équipages des galères, ainsi que la chiourme, font également l’objet d’une organisation qui se trouve achevée aux alentours de 1680.
Le commandement
Nous allons assister à une nouvelle organisation du commandement dans la marine, nouvelle organisation qui s’étendra aux galères. Deux officiers reçoivent des missions de commandement, le chef militaire et l’intendant, c’est-à-dire un officier d’épée, chargé de la conduite des opérations militaires (l’amiral pour les vaisseaux et le général pour les galères), et un officier de plume, l’intendant, qui reçoit pour mission la mise en condition du matériel et l’administration. Opérations militaires et soutien logistique sont alors dans des mains différentes, ce qui aura pour effet d’entraîner des conflits entre la plume et l’épée, qui ne prendront fin qu’avec la soumission de l’épée à la plume sous la Révolution, ou inversement avec la concentration des pouvoirs entre les mains des préfets maritimes, que nous avons connue.
Le général des galères
La charge de général des galères est érigée à titre d’office héréditaire. Elle confère à son propriétaire des attributions essentiellement militaires et des avantages considérables.
Le général a sa marque sur la Réale, qui est la galère sur laquelle il doit normalement embarquer.
Mais la charge devient de plus en plus honorifique et le général se fait représenter par un lieutenant général. C’est sur la Réale que se tient normalement le conseil de guerre dont la présidence appartient au général ou à l’officier général qui le remplace en son absence. Le général a la prééminence sur tous les autres officiers présents dans le port, et lorsque la flotte des galères est réunie à celle des vaisseaux en vue d’un combat naval, seul un ordre du roi peut placer le général sous les ordres de l’amiral. C’est ce qui résulte d’une déclaration de Charles IX du 29 août 1564 faite en faveur du sieur Baron de la Garde, capitaine général des galères, aux termes de laquelle le roi « veut que tant que ledit sieur de la Garde sera pourvu de cette charge, il ne soit tenu d’obéir à d’autre commandement qu’au sien ». Mais le roi peut donner pouvoir au général des galères en cas de jonction avec la flotte des galères.
Les avantages matériels que confère la charge sont très importants. Outre les quarante-huit mille livres de gages et appointements auxquels s’ajoutent vingt mille quatre cents livres pour la compagnie de ses gardes, le Général jouit de la dixième partie des prises faites par les galères. Un autre dixième revient aux soldats et matelots. Il convient de signaler qu’en 1696 le roi accordera aux forçats « la moitié du dixième des prises « de ce qui doit revenir aux soldats et matelots.
Les derniers généraux des galères seront tous de grands seigneurs, et souvent des membres de la famille royale accèdent à cette charge.
Le premier général, après la suppression de la grande maîtrise, est François de Créqui, duc de Lesdiguière (1624-1684) qui lève la charge en 1651 et la conserve jusqu’en 1669, date à laquelle il la cède au duc de Vivonne pour devenir Maréchal de France.
Louis-Victor de Rochechouart, duc de Vivonne, reçoit ses lettres de provision le 11 mars 1669. Il est le frère de la marquise de Montespan. Il se distingue en Sicile entre 1675 et 1678. À sa mort, le 15 septembre 1688, le généralat des galères revient à Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine, son neveu, fils légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan. Né en 1670, le nouveau général des galères est donc âgé de dix-huit ans. Il se démet de sa charge le 1er septembre 1694 en faveur de Louis-Joseph, duc de Vendôme (1654-1712) petit-fils de César, duc de Vendôme (1594-1665), fils légitimé de Henri IV et de Gabrielle d’Estrée, qui cumulera le généralat des galères et le gouvernement de Provence.
Le duc de Vendôme est remplacé, à sa mort en 1712, par René de Proulay, comte de Tesse (1651-1725), qui se défait de sa charge le 19 août 1716 en faveur du chevalier d’Orléans, fils naturel du régent, lequel mourra pourvu de sa charge en 1748.
L’intendant des galères
Dès le 29 août 1627, le seigneur de Beauvillers avait reçu commission d’intendant de justice et police des armées navales.
Le 18 juin 1659, un intendant des armées navales du Levant s’installe à Toulon, avec autorité sur la marine des vaisseaux et sur celle des galères. D’autre part, en 1665, un intendant des galères est envoyé à Marseille et aura des successeurs à ce poste jusqu’en 1748. La centralisation réalisée par Richelieu est ainsi suivie d’une déconcentration des pouvoirs entre les mains des intendants départis dans les ports du royaume. Ces représentants du pouvoir central, arrivés timidement dans les armées navales puis dans les ports, verront leurs pouvoirs augmenter au détriment des chefs militaires. Il en sera de même des intendants des galères qui reçoivent des commissions et ont même autorité et même fonction, tout au moins au début de leur institution, que les intendants des armées de terre.
Les intendants des galères reçoivent des pouvoirs de justice, de police et de finance.
Leurs pouvoirs de justice, qui nous intéressent plus particulièrement, consistent à « recevoir les plaintes… faites des malversations qu’aucuns pourraient avoir commises, ordonner au Prévost et aux officiers ayant droit sur lesdites galères d’en informer pour en faire juger par le Conseil de guerre ou par ledit prevost ou autres juges à qui la connaissance en appartient ».
Ainsi, le général des galères n’est plus le seul justicier. Et il le sera de moins en moins dans la mesure où les pouvoirs de justice de l’intendant seront accrus.
La commission du dernier intendant des galères, M. d’Héricourt, le montre très clairement. Elle prévoit que l’intendant devra « faire vivre les officiers et équipages en bonne discipline, recevoir les plaintes qui pourront être faites contre eux et les ouvriers de l’arsenal, connaître de tous les vols, larcins, injures, blessures légères et autres crimes de pareille qualité qui pourront être commis par les matelots, soldats et forçats de nos galères, ouvriers, journaliers et autres personnes dans l’étendue de notre arsenal de Marseille, comme aussy dans tous les magasins destinés pour nos galères en quelque lieu qu’ils soient scitués, et sur nos galères, dans le port et dans les rades, juger lesdits crimes souverainement et sans appel jusqu’au bannissement dudit arsenal, amandes, privation de gages et appointements et de prison pour deux fois vingt-quatre heures, et en cas que les crimes soient plus grands, et méritent peines afflictives, les juger souverainement et en dernier ressort, soit en assemblant le conseil de guerre des galères, ou la plus proche sénéchaussée à votre choix, ou en appelant avec vous le nombre d’officiers que besoin sera. Ordonner au Prévost des galères ou autres officiers d’informer contre ceux qui seront accusés, en faire recherche et se saisir de leurs personnes en quelque lieu qu’ils puissent être suivant les ordres que vous leur donnerez en pareil cas, lesquels seront choisis par luy à cet effet, luy donnant pareillement le pouvoir de nommer pour Procureur du Roy tel officier ou gradué, et pour greffier telle personne capable que bon luy semblera, et dont il recevra le serment en la manière accoutumée ».
Les termes même de ces deux commissions, qui se situent aux deux extrémités de l’existence des intendants des galères, montrent bien l’évolution de l’institution, surtout à partir de 1692, lorsque, l’importance de la flotte des galères ayant atteint son point culminant, nous verrons les galères se transformer en bagne. En effet, le nombre des galères ira sans cesse en diminuant et les cours et tribunaux continueront à alimenter les chaînes de galériens. La solution consistera même à créer la manufacture du bagne qui entrera dans les attributions de l’Intendant.
Neuf Intendants des Galères se succéderont de 1659 à 1748.
Louis Testard de la Guette, seigneur de Sancy, fut d’abord lieutenant d’artillerie, puis intendant des armées navales le 18 juin 1659. Avec lui, les fonctions d’intendant pour la marine des vaisseaux et pour celle des galères en Levant se trouvent confiées à un seul administrateur. Il meurt à Toulon le 10 avril 1685.
Son successeur est Nicolas Arnoul père. Avec le titre d’intendant des galères il est le premier à résider à Marseille. Né à Paris en 1608, commissaire de la marine à l’âge de trente-deux ans à Toulon de 1640 à 1642, il quitte le service du roi. Il revient en activité comme intendant des galères le 10 avril 1665 et reste à ce poste jusqu’au 1er août 1673, date à laquelle il reçoit une commission d’intendant de la marine à Toulon, où il meurt le 18 octobre 1674. C’est à Nicolas Arnoul que l’on doit les travaux de construction de l’arsenal des galères, l’approfondissement du port et l’activité de la construction des galères. Son traitement est fixé à trente mille cinq cents livres qui lui sont versées secrètement.
Son fils, Pierre Arnoul, lui succède à Marseille le 1er août 1673. Ancien commissaire de la marine, il reste en fonction jusqu’en 1675 pour aller remplacer son père mort en fonction à Toulon. Ses appointements sont fixés à douze mille livres.
Jean-Baptiste Brodart remplace le fils Arnoul dès 1675 et demeure en place jusqu’au 30 juin 1684, sauf une interruption de 1679 à 1680 où il va à Toulon en qualité d’intendant de la marine. Ancien commissaire général de la marine à Toulon en 1666, à Marseille en 1670, puis au Havre en 1671, il sera révoqué le 21 juin 1684, comme le fils Arnoul en 1679, à la suite de la perte de deux vaisseaux. Brodart apparaît comme un homme calme et modéré, ayant pour souci de rendre moins pénible la condition des forçats. C’est pendant qu’il est à Marseille que l’arsenal connaît un record, la construction d’une galère en vingt-quatre heures.
Michel Bégon prend la suite de l’intendant Brodart. Né en 1638, il a été subdélégué de l’intendant d’Orléans en 1665, puis commis trésorier général de la marine à Toulon en 1665. Commissaire général de la marine à Brest en 1680, puis au Havre, il est intendant des îles d’Amérique en 1682. C’est lui qui ramènera de ces îles une plante à laquelle on donnera le nom de bégonia. De 1684 à 1685, il exerce l’intérim de Louis Gérardin de Vauvré à Toulon. Il a quarante-sept ans lorsqu’il reçoit sa commission d’intendant des galères. Il est le premier à être reçu conseiller d’honneur au parlement de Provence, dont le premier président est l’intendant Lebret. Sa carrière se poursuivra à Rochefort où il sera intendant de la marine en 1688.
Son successeur est Jean-Louis Habert de Fargis, comte de Montmort. Fils d’un conseiller du parlement de Paris, intendant de la marine au Havre le 10 septembre 1684, il reçoit sa commission d’intendant des galères le 1er septembre 1688, et demeure en service à Marseille jusqu’au 1er janvier 1710, date à laquelle il est nommé intendant des armées navales. Il se retire à Marseille le 30 avril 1716 avec six mille livres de rente et meurt dans cette ville le 6 décembre 1720.
C’est un administrateur zélé, érudit, catholique fervent, mais au cœur dur et inflexible. Ses vingt-deux années d’administration marqueront les fonctions qu’il occupe. Il s’acharne tout particulièrement sur les protestants qu’il soupçonne constamment de comploter. N’hésitant pas à procéder lui-même aux interrogatoires, nous le verrons donner la bastonnade lui-même à un forçat religionnaire, François Sabatier, de Nîmes.
« M. de Montmort met tout en œuvre pour tâcher de découvrir les personnes qui visitent et assistent nos frères des galères ».
Il a pour cet effet aposté certains « scélérats » de forçats pour leur tenir toujours les yeux dessus, et sur leur simple rapport il a déjà fait mettre dans les méchants cachots de l’hôpital royal des forçats quatre personnes, où elles sont enchaînées nuit et jour, au pain ou à l’eau comme si c’étaient les plus grands criminels du monde ».
Pierre Arnoul revient à Marseille comme intendant des galères le 1er janvier 1710, avec le titre de seigneur de Rochegude. Il est remplacé, le 18 octobre 1719, par son frère, Nicolas François Arnoul, seigneur de Vaucresson.
De 1726 à 1729, l’intérim est assuré par deux commissaires généraux, M.M. de Beauvais et M. Blondel de Jouvancourt.
Le dernier Intendant des galères est Bénigne Jérôme du Trousset d’Héricourt, qui restera en fonction jusqu’en 1748.
Les officiers
Le personnel de galères connaît, comme celui des vaisseaux, deux sortes de distinction :
- la distinction entre officiers et bas officiers ;
- la distinction entre personnels d’épée et personnels de plume.
Les personnels d’épée ont à leur tête le général des galères, assisté du lieutenant général, des chefs d’escadres, des capitaines de galères et des autres officiers (lieutenants, sous-lieutenants…)
Parmi ces officiers, il en est un qui retiendra tout particulièrement notre attention. Il s’agit du major des galères, qui remplit ses fonctions dans le port et à la mer, lorsque l’on n’est pas obligé de le débarquer pour cause de mal de mer. II dispose de l’inspection générale, il surveille le respect des règlements par le personnel et les chiourmes des galères et est chargé de l’exercice des troupes des galères, qui se fait tous les dimanches sur la plaine Saint Michel, actuellement place Jean Jaurès.
Nous verrons le rôle du major au sein du conseil de guerre. Une de ses prérogatives essentielles sera longtemps de choisir les argousins, dont la nomination avait été enlevée aux capitaines par une ordonnance du 8 janvier 1685. Toutefois, il doit faire agréer son choix au préalable par le commandant dans le port et par l’intendant.
Le major correspond directement avec le ministre. Il est assisté dans ses fonctions par des aides-majors et par des sous-aide-majors.
Les fonctions de major des galères seront longtemps remplies par le capitaine de Bombelles qui, peut-être, en avait été investi le premier par Vivonne dès 1680. Bombelles aime beaucoup se faire valoir et Pontchartrain doit le blâmer à plusieurs reprises pour ses prétentions et ses intempérances de langage. Ancien officier des troupes de terre, il supporte fort mal les séjours à la mer et on doit le débarquer en cours de voyage.
Le service des galères est très recherché par les cadets des familles nobles qui préfèrent revêtir la tenue rouge des officiers des galères plutôt que l’uniforme bleu des officiers des vaisseaux, qui se recrutent parmi les roturiers.
En effet, le service des galères leur apparaît « plus noble que celui des vaisseaux, parce que la galère s’était illustrée dans le combat contre les infidèles » : le service était bien payé, on avait huit mois de vacances et jamais de ces vilains voyages de deux ou trois ans sur les mers lointaines. Ainsi, jadis il y avait eu des officiers pour les galères ; à présent, il y a des galères pour les officiers ».
Les bas officiers des galères sont répartis en deux catégories : les bas officiers ordinaires et les bas officiers extraordinaires. La différence entre ces deux catégories provient du fait que les premiers reçoivent la même solde à terre et à la mer tandis que les seconds ne touchent que la demi-solde à terre.
Parmi les bas officiers ordinaires, il nous faut signaler, pour éclairer notre sujet, les cômes ou comites avec leurs adjoints, sous-cômes ou sous-comites, ainsi que les argousins, sous-argousins et pertuisaniers.
Le comite est chargé de la conduite du navire. Il commande la chiourme et fait ramer les forçats à la cadence ordonnée par le Capitaine.
Il est assisté d’adjoints, dont le sous-comité de misaine, qui se tient au milieu de la coursive et transmet au sous-comité situé à la proue les ordres de son chef.
Les argousins sont les policiers du bord. Ils veillent sur les forçats et ont pour mission essentielle d’empêcher les évasions. Ils sont notamment chargés d’ôter et de remettre les chaînes aux forçats. Ils sont aidés dans leur tâche par des sous-argousins.
Responsable des évasions de galériens, les argousins sont systématiquement mis au conseil de guerre lorsqu’une évasion se produit sur la galère où ils servent. Afin de répartir les risques en pareil cas, ils constituent une espèce de compagnie d’assurances contre les risques d’évasion de galériens, appelée la « solidaire ». Il s’agit en réalité d’un ensemble de « conventions faites entre les argousins ensuite de leurs obligations […] de répondre solidairement les uns pour les autres et en cas d’évasion de Turcs ou forçats, le 12 janvier 1683, sur les précautions qu’ils […] doivent prendre pour éviter l’évasion de Turcs ou forçats ».
Ainsi, lorsqu’une évasion survient, tous les argousins sont condamnés par le conseil de guerre à payer une somme de mille livres, sauf à eux de s’informer si l’argousin de la galère de laquelle le forçat ou le turc s’est échappé a contribué à cette évasion.
Les pertuisaniers, ou compagnons, sont des soldats armés d’une pertuisane, ou hallebarde, qui servent de sentinelles, la nuit. L’un se trouve alors à terre, et l’autre à la proue, sur la rambarde (garde-corps) pour garder la chiourme et empêcher que l’on monte sur les galères. De jour, ils ont pour mission d’accompagner les forçats et les esclaves en ville. En effet, lorsque les galères sont au port, c’est-à-dire pendant huit mois de l’année, les forçats et les Turcs peuvent travailler et gagner ainsi certaines sommes d’argent. Seuls les galériens de la foi, c’est-à-dire les protestants, ne sont jamais « déferrés ». Certains travaillent alors dans des baraques installées le long du quai. D’autres vont travailler en ville, chez des « répondants ». Mais la règle veut que les forçats ne sortent en ville qu’accouplés, un turc avec un forçat, et sous la surveillance d’un pertuisanier, qui retire quelque avantage pécuniaire pour sa peine. Bien souvent, malgré les interdictions du roi, ce bel ensemble se rend au cabaret et les affaires sont nombreuses de forçats qui ont enivré leur pertuisanier de service et ont profité de son état pour se sauver.
Les personnels de plume ont à leur tête l’intendant des galères, assisté d’officiers de plume, tels les commissaires et les contrôleurs généraux, principaux et ordinaires, et des bas officiers écrivains.
Parmi ces personnels de plume, il nous faut noter les officiers de la prévôté des galères (prévôt général, lieutenant et, par la suite, procureur du roi, exempt et greffier) et les bas officiers (archers).
Les hommes
Parmi les hommes embarqués sur les galères, il convient de distinguer les hommes de liberté et les galériens.
Les hommes de liberté
Ce sont eux qui constituent l’équipage de la galère, qui est constitué de plusieurs catégories de personnels.
Il faut tout d’abord citer les matelots de rambade, qui sont chargés de la manœuvre des voiles. En effet, par temps frais et en allure de croisière, la galère va à la voile. La chiourme est alors mise au repos et n’intervient que par temps calme ou pour attaquer à contre-jour les navires ennemis. Ces matelots, levés par les commissaires aux classes, sont au nombre de trente-neuf sur les grosses galères et de vingt-neuf sur les galères « sensiles ».
Les mariniers de rame servent à la manœuvre du caïq et du canot. De plus, ils peuvent servir à la vogue pour remplacer les galériens malades ou morts en cours de combat. Ils sont cinquante-sept par galère et touchent six livres par mois à la mer et sept livres dix sols à terre. Les proyers sont des enfants de sept à treize ans, embarqués au nombre de six par galère, qui reçoivent trois livres par mois à la mer et quatre livres dix sols à terre. Ils sont appelés à remplir les fonctions de comites ou de bas officiers sur les galères.
Enfin, les soldats sont au nombre de trente à soixante par galère, nombre qui peut aller jusqu’à quatre-vingt. Ils perçoivent six livres à la mer et neuf livres à terre.
Les galériens
Selon J.-F. Bion, de nombreux historiens prétendent qu’il y a cinq sortes de personnes sur les galères qui ont la qualité de galériens, à savoir des Turcs, des faux-sauniers, des déserteurs, des criminels et des protestants. Cette classification apparaît bien trop sommaire. En effet, les ordonnances royales citent les Turcs et les forçats. Nous verrons que les Turcs englobent une grande catégorie d’individus. Mais le terme de forçats est tout aussi vaste.
Pour tenter de dresser une classification la plus complète possible des galériens, il nous faut distinguer :
- les Turcs ;
- les condamnés pour crimes, c’est-à-dire les criminels ;
- les faussaires, condamnés pour fausse monnaie, faux en écriture… ;
- les contrebandiers ;
- les mendiants et vagabonds, auxquels il faudra ajouter les « boêmes » ;
- les déserteurs ;
- les émeutiers ;
- les protestants.
La peine des galères apparaît dans l’ordonnance criminelle d’août 1670. C’est une peine capitale qui entraîne la mort civile : la confiscation des biens et la marque du signe GAL.
La peine des galères à temps est une peine afflictive. Elle peut être infligée pour des durées variables de trois, cinq, six ou neuf ans. Elle entraîne également la marque du signe GAL ; pour les femmes et les invalides, la peine des galères est remplacée par celle de la réclusion à temps.
Les Turcs
On appelle turc, quelle que soit son origine, le prisonnier qui occupe la dernière place de chaque banc au centre de la galère. Il s’agit ordinairement de musulmans d’Afrique du nord ou de l’Empire Ottoman, lequel englobe alors les Balkans et une partie de la Hongrie.
Les Turcs sont parfois des prisonniers de guerre, ou bien ils ont été simplement capturés en haute mer. Mais, le plus souvent, ils sont achetés à des marchands d’esclaves à Marseille ou en Italie pour leur grande force physique, en général sur la base de quatre cents livres.
Ils sont mieux traités que les autres forçats du fait qu’ils ne subissent pas une condamnation pénale, et surtout parce qu’ils doivent fournir un plus grand effort. Bien que portant un anneau à une jambe, ils ne sont pas enchaînés et peuvent se déplacer librement à bord de la galère. Et lorsque celle-ci est au port, du mois de septembre au mois de mai suivant, les Turcs sont autorisés à aller travailler en ville chez des commerçants ou des artisans, ou à avoir une baraque sur les quais. Ainsi, ils gagnent quelque argent qui leur permet d’améliorer leur ordinaire au cours de la campagne suivante. Les affaires doivent d’ailleurs si bien marcher pour eux comme pour d’autres forçats que le roi est obligé d’intervenir pour interdire aux officiers des galères d’emprunter de l’argent à la chiourme.
Les Turcs sont mieux traités que les forçats et subissent rarement de grandes peines. Certes, il y a le souci que nous évoquions de voir maintenue dans son intégrité la force motrice essentielle des galères, mais il faut y ajouter le désir de ne pas provoquer des représailles des Barbaresques ou des autorités de la Sublime Porte à l’encontre des esclaves chrétiens qui rament sur leurs galères.
Pendant longtemps, lorsqu’un Turc mourrait, ses biens revenaient au roi. Mais, ayant appris que les esclaves chrétiens pouvaient disposer de leurs biens après leur mort, le roi décidera que les Turcs de ses galères pourraient faire de même.
En réalité, les Turcs ou maures recouvrent une très grande variété d’individus : esclaves musulmans, esclaves chrétiens, nègres africains, prisonniers de guerre chrétiens, chrétiens achetés comme esclaves (Tartares), peaux rouges du Canada (Iroquois).
Les forçats
On trouve, parmi les forçats, des criminels, des faussaires, des contrebandiers, des mendiants valides, vagabonds et bohémiens, des déserteurs, des émeutiers et des protestants.
Les criminels
« Les criminels qu’on condamne aux galères sont de différentes classes, mais pour l’ordinaire, ce sont des filous et des voleurs ».
Les criminels que l’on rencontre sur les galères sont, en réalité, des assassins, des auteurs de larcins, des coupe-jarrets, des voleurs de grand chemin, des vide-goussets, des filous, des coupe-bourses, des malandrins… « C’est l’aristocratie et la noblesse de la canaille… et ils sont les plus nombreux ».
« Quant ils ne devraient voler qu’un mouchoir, si quelque étranger vient voir par curiosité les galères, il faut qu’ils en tirent partie ».
Le plus souvent, ils sont condamnés à la peine des galères. Mais il peut s’agir également d’une commutation de peine. En fonction du besoin qu’ont les galères de forçats, nous avons vu que le roi enjoint souvent aux cours et tribunaux de commuer la peine de mort méritée pour les crimes en celle des galères, sauf en cas de crimes atroces, d’hérésie et de lèse-majesté.
Les faussaires
Le crime de fausse monnaie est un cas prévôtal. En effet, l’ordonnance criminelle de 1670 prévoit que la fabrication, l’altération et l’exposition de monnaie est de la compétence des prévôts des maréchaux. C’est un crime qui entraîne normalement la peine de mort, mais qui peut conduire aux galères par commutation de peine.
Les faussaires sont en grand nombre sur les galères et continuent de contrefaire monnaie, cachets, signatures, sceaux… Ils tiennent d’ailleurs baraques sur le port et ont une clientèle parmi les bourgeois de la ville.
Les contrebandiers
Parmi les contrebandiers, il faut citer ceux qui contreviennent aux arrêts de prohibition des marchandises étrangères (contrebande des toiles d’Indes, par exemple) :
- les faux-tabatiers ;
- les faux-sauniers.
« Les faussaires qu’on envoie aux galères sont la plupart du temps de pauvres paysans qui vont acheter du sel dans les provinces où il est à bon prix, comme dans le comté de Bourgoigne ou dans les Dombes ».
Les mendiants valides, les vagabonds et les bohémiens
Le pouvoir royal a toujours traité avec une particulière sévérité ces catégories d’individus, qui ont de tout temps été envoyés aux galères « sans autre forme ni figure de procès ». Un arrêt du conseil du 23 septembre 1686, confirmé par celui du 2 mai 1682, ordonne d’arrêter et de faire mettre à la chaîne les vagabonds dits bohèmes et autres gens sans aveu.
Des contestations surgiront avec les parlements qui entendent prononcer préalablement une condamnation.
Les déserteurs
La désertion sera la plaie récurrente des armées de l’ancien régime, et plus particulièrement de celles de Louis XIV.
Au début, la désertion entraîne la peine de mort, qui sera changée en celle des galères à partir de 1676.
« Les déserteurs sont quelquefois de jeunes gens de famille qui, ne pouvant supporter les fatigues de la guerre, ou bien par légèreté, ou par libertinage, désertent. S’ils sont pris, ils sont condamnés aux galères à perpétuité ».
Les émeutiers
Les émeutes sont nombreuses pendant cette période. On en constate à Bordeaux, à Marseille (en 1660) et dans le Boulonnais (en 1682).
La peine infligée aux émeutiers est en général la peine de mort. C’est ce que l’on constate lors des révoltes de chaînes. Mais par le jeu de la commutation, les émeutiers sont envoyés aux galères.
Les protestants
« Dès 1686, le bagne de Marseille renfermait plus de six cents réformés… ».
Il semble qu’il y ait eu, dès le début des guerres de religion, des protestants envoyés aux galères pour cause de religion.
Mais le 22 octobre 1685 intervient la révocation de l’édit de Nantes et les persécutions deviennent de plus en plus nombreuses. Si la proportion de galériens protestants, de forçats religionnaires comme on les appelle alors, reste faible par rapport au nombre total de galériens qui avoisine le chiffre de dix-huit mille, l’évocation de leurs « tourments » est particulièrement douloureuse car ils sont traités plus durement que les autres forçats.
Les motifs de condamnation aux galères ne manquent pas pour les protestants. Ils sont condamnés pour avoir voulu sortir des limites du royaume à cause de religion, pour assemblée illicite, pour avoir servi de guide à leurs frais à d’autres qui voulaient sortir du royaume, ou pour avoir été pris sur des barques de SAR le duc de Savoie et ne pas avoir voulu abjurer. On en trouve également qui ont été condamnés lors de l’affaire des vaudois ou pendant les troubles des Cévennes. Ceux qui, condamnés pour désertion, font toujours profession de la RPR, ainsi que ceux qui ont été condamnés pour cas extraordinaire, et qui sont également de la RPR, vont systématiquement aux galères. Il y a de plus ceux qui sont pris revenant de la principauté d’Orange, alors terre étrangère, où ils se rendent pour célébrer leur culte.
La chaîne
Les galériens arrivent à Marseille par des chaînes qui sont organisées dans la seconde moitié du XVIIe siècle.
La chaîne se compose de deux cents à cinq cents hommes sous les ordres d’un capitaine ou d’un lieutenant de chaîne et sous la direction d’un commissaire de la marine, et dispose d’une escorte armée. Elles viennent de Paris, de Bretagne, de Guyenne. Elles rencontrent en certains points des chaînes secondaires. La chaîne de Paris groupe les condamnés des parlements de Paris, de Rouen, auxquels se joignent ceux de Dijon, de Metz, de Besançon, de Grenoble et d’Aix. La chaîne de Bretagne rassemble les condamnés de Rennes, Alençon, Orléans, Tours, Bourges, Moulins, Riom et Lyon. La chaîne de Guyenne concerne Bordeaux, Pau, les généralités de La Rochelle, Limoges, Montauban, Montpellier.
La chaîne est formée de la manière suivante. Les hommes qui portent des colliers de fer sont placés deux par deux et leurs colliers attachés à une chaîne de trois pieds de long munis d’un anneau en son milieu. Une autre chaîne très lourde passe par tous les anneaux pour maintenir les forçats ensemble.
Le poids que chaque homme supporte, la mauvaise alimentation pendant le trajet, les mauvais traitements font de nombreuses victimes. Par exemple, avant d’avoir atteint Marseille, le 2 janvier 1712, la chaîne venant de Paris avait perdu cinquante hommes sur trois cent soixante-neuf. Mais il n’y a pas que des morts à déplorer. Il y a aussi ceux qui réussissent à s’évader en cours de trajet ou pendant les haltes. Les hommes, enchaînés ensemble, sont parfois transportés en chariots ou en barque. C’est ainsi que la chaîne de Paris descend le Rhône en bateaux sur une bonne partie de sa longueur. Mais c’est à pied que les forçats font la majeure partie du trajet.
Lorsque la chaîne arrive à Marseille, le commandant dans le port et l’intendant font la revue de la chiourme qui est ensuite distribuée sur les galères.
La vie aux galères commence pour ces nouveaux arrivants. Ils y trouvent toutes les catégories de forçats que nous avons énumérées et ils s’intègrent normalement à chacune d’elles selon leur origine. Les Turcs, nous l’avons vu, bénéficient d’un statut privilégié. Les protestants ont le sort le plus pénible. Ils sont condamnés à perpétuité, à moins qu’ils n’abjurent, et sont enchaînés à leurs bans pendant tout le temps de leur captivité. Ils ne peuvent aller à terre et tenir une baraque sur les quais pour avoir quelque argent. C’est la raison pour laquelle s’organisent des chaînes de solidarité en leur faveur, destinées à leur fournir de quoi subsister et à leur procurer des livres de prières qui les aident à demeurer dans leur foi.
Quant aux autres forçats, ils ont la possibilité, lorsque la galère est à Marseille, de faire un métier souvent rémunérateur. Quelquefois, ils ne font que poursuivre les activités qui les ont conduits aux galères.
L’élargissement d’un condamné aux galères ne peut venir que de la volonté du roi. Les parlements, qui ont infligé une condamnation aux galères, ne peuvent intervenir pour obtenir la libération d’un condamné qui a fait son temps.
Nous avons vu que les condamnations sont généralement de trois, cinq, six ou neuf ans pour celles qui ne sont qu’à temps. Mais il est rare de voir des condamnés ne faire que leurs temps. Il faut attendre le bon plaisir du roi, souvent sollicité par un placet adressé aux autorités locales et transmis à la cour. Ou encore un galérien qui a fait son temps peut fournir un forçat à sa place. Nous avons choisi deux exemples de ces sortes de libération. Le premier concerne Guillaume Bienvenu, de Cherbourg, âgé de vingt ans, taille moyenne, poil « chastain », condamné à Rouen le 6 juillet 1679 pour vol à cinq ans de galères. Il est libéré le 17 octobre 1703 par ordre du roi du 12 septembre 1703, soit après vingt-quatre années de détention.
Le deuxième exemple concerne François Garrot de Clancy près d’Auch en Dordogne, âgé de vingt-sept ans, taille grande, poil chastain, marqué de petite vérole, condamné au parlement de Toulouse le 24 octobre 1665 à six ans de galères. Il quitte celles-ci « par ordre du Roy expédié… le 13 février 1684 après avoir fourni un turc à sa place nommé Mageret de Tunis… suivant l’ordre reçu sa descharge en forme le 7e may audit an ».
Le matériel
Marseille devient un arsenal spécialisé dans la construction des galères. La galère, comme navire, apparaît dans sa conception définitive et achevée ».
Marseille, arsenal des galères
À l’origine, nous l’avons vu, l’arsenal est limité au plan Fourmiguier qui recouvre l’actuel quai des Belges.
Dès le mois de juin 1666, Nicolas Arnoul entreprend la construction d’un nouvel arsenal, le Parc, qu’il confie à l’ingénieur Niquet. Les limites de ce nouvel arsenal sont constituées approximativement par l’église des Augustins, la Bourse et la place de la Bourse, la rue Paradis et la rue de la Darse, devenue rue Francis Davso, ainsi que la rue Glandeves. Le plan Fourmiguier, fermé par un mur depuis 1406, prendra le nom de Vieux Parc.
En 1687, l’Intendant Bégon entreprend un nouvel agrandissement de l’arsenal. Il s’agit d’intégrer un rectangle que l’on pourrait délimiter aujourd’hui par le quai de Rive-Neuve, la rue du Fort Notre-Dame, la rue Sainte et la rue Glandeves. L’entrée de l’arsenal se fait par l’actuel quai des Belges, par une porte large de huit mètres. Deux magasins de quatre cent cinquante mètres de long ferment l’arsenal au sud. L’un est affecté aux casernes et au bagne, l’autre à la corderie.
La maison du roi, où loge l’intendant, est située à l’angle ouest de l’arsenal, en bordure de l’actuelle rue Paradis, à la jonction du Vieux Parc et de l’arsenal de 1687.
Un hôpital des galères sera construit sur l’emplacement du grand théâtre.
En 1700, quinze portiers assurent les entrées dans l’arsenal et quatre cents corps de métiers sont représentés.
La flotte des galères ne cesse d’augmenter. Elle passe de dix-huit unités en 1668 à vingt-huit en 1672. En 1679, quinze galères sont construites et, en 1680, un record est battu. L’arsenal construit une galère en vingt-quatre heures. En 1692, la flotte des galères est à son apogée et compte quarante-deux unités, deux cents canons et seize mille hommes.
Des conseils de construction se réunissent régulièrement et étudient les améliorations susceptibles d’être apportées dans le domaine de la construction navale, le gréement, la manœuvre des navires. Une école de constructeurs est ouverte et forme des personnels spécialisés.
Afin de familiariser les officiers des galères avec les problèmes de navigation, une école d’hydrographie est ouverte et l’enseignement confié à un maître d’hydrographie. Cette école existe toujours à Marseille, installée dans d’autres locaux, et nous l’avons bien connue pour y avoir subi avec succès les épreuves du brevet de Capitaine au long-cours. Mais bien peu d’officiers long-courriers qui y sont passés savent que cette école a été installée pour servir à la formation des officiers des galères du roi.
Un épisode particulièrement dramatique survient en 1720 lorsque la peste s’abat sur Marseille. Les échevins, ne trouvant plus personne pour servir de corbeaux, c’est-à-dire de fossoyeurs, demandent le renfort de galériens. On leur en remet plusieurs centaines en un certain nombre de fois, en promettant la liberté à ceux qui en réchapperaient. Leur service consiste à enlever les cadavres, à les transporter dans les tombereaux et à les jeter dans des fosses. Plus de mille deux cents personnes meurent chaque jour. C’est avec des forçats que le chevalier Rose fait déblayer en une demi-heure, le 16 septembre, l’esplanade de la Tourette où mille cadavres gisent depuis trois semaines. Les galériens chargés de cette besogne meurent tous sauf quatre. Certains en profitent pour s’enfuir. Mais lorsqu’ils sont retrouvés, ils sont fusillés.
À l’intérieur de l’arsenal, pourtant habité par près de dix mille personnes, il n’y a que sept cents décès grâce aux mesures énergiques prises par les officiers des galères. Les navires sont consignés dans les eaux de l’arsenal. Le retour des galères dans le port sera le signe de la fin du fléau.
Puis l’activité de l’arsenal décline. La flotte des galères, qui comptait en 1707 vingt-quatre unités à Marseille et dix en Ponant, tombe à vingt-six unités en 1718 et à quinze en 1748.
L’ordonnance du 27 septembre 1748 consacre la fin des galères.
Le 3 septembre 1781, l’intendant de Provence, des Gallois de La Tour, vend l’arsenal à la ville pour sept millions de livres à charge pour celle-ci de construire un nouveau quartier. Deux lettres patentes du roi du 15 août 1784 homologuent cette vente. Le 6 juillet 1784, la ville revend l’arsenal à la compagnie de l’arsenal. Deux galères sont encore dans le port, l’Éclatante et la Ferme, qui sera déposée en 1814. Une autre galère sera transférée à Toulon, la Patience et participera à l’expédition d’Égypte.
Marseille, arsenal spécialisé dans la construction de galères, ne retrouvera plus sa vocation militaire.
La galère
« Les galères ont ordinairement vingt à vingt-deux toises de longueur, trois de large, et une de profondeur. Elles vont ordinairement terre à terre. Quelquefois elles font canal, c’est-à-dire elles traversent la mer ».
La toise mesure alors environ six pieds (1,949 mètre). Les galères françaises appartiennent au type appelé « galère bâtarde », qui se distingue par sa large poupe.
La cale d’une galère est divisée en chambres. À l’arrière se trouve le gavon où se retire le capitaine. Puis vient la chambre du conseil, l’escandolat, qui sert d’office et de lingerie au capitaine, la compagne, qui est une soute à boisson et aux vivres de salaison, le paillot, qui est la soute où se trouvent le pain et les vivres secs, la soute à poudre ou sainte Barbe, la taverne ou cale à vin, la chambre à voiles, la chambre de proue qui sert de soute à filins, la chambre des chirurgiens et le taular ou infirmerie.
Sur le pont, le carrosse est l’endroit où se trouve le capitaine, avec le tabernacle, plateforme qui porte son fauteuil, le tout recouvert du tendelet ou tente arrière. Puis vient l’espale, vestibule séparant le carrosse du premier ban de nage.
La coursive est l’allée centrale de la galère et porte un canon, le coursier, sur lequel se donne la bastonnade. Sur la conille se trouvent les canons et la rambade est le lieu où se tiennent les soldats au combat.
Les galères disposent de voiles du type « voiles latines », de forme triangulaire, enverguées sur une antenne faisant avec le mât de maistre un angle de quarante-cinq degrés. Un arbre de trinquet, à l’avant, porte le foc.
La chiourme d’une galère est de deux cent quinze hommes, répartis en deux classes. La première comprend les vogue-avants, les apostits et les tiercerols, et la seconde les quaterols, les quinterols, les sixerols et les mousses. Les galériens de la dernière classe ne deviennent jamais propres pour être dans la première, soit à cause de leur taille, soit à cause de leur constitution. Il y a ainsi, à chaque rame, six galériens, les mousses servant aux travaux domestiques.
Chaque aviron mesure à peu près cinquante pieds de long, dont treize pieds se trouvent à l’intérieur du navire. Cette partie est d’un poids égal à celui de la partie extérieure de trente-sept pieds. Comme le manche de l’aviron est trop gros pour être empoigné, il est muni de manchettes en bois. Lorsque l’on veut accentuer la cadence à la rame, l’ordre est donné « tape en bouche ». Les galériens mettent dans leurs bouches des tapes en bois qui pendent à leur cou. Ainsi, ils ne crieront pas sous les coups des comites et la galère pourra aller à l’attaque sans se faire repérer par aucun bruit.
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Nous venons de voir le cadre dans lequel va prendre naissance et se développer l’institution que nous nous proposons d’étudier. Marseille, arsenal des galères, est alors en plein agrandissement. Ses cales de construction sont toutes occupées par ces « libellules des mers » qui vont participer à de nombreuses campagnes navales en Méditerranée et en Ponant. Toutes les juridictions de France condamnent à la peine des galères, sans trop savoir d’ailleurs en quoi elle consiste. La peine des galères est certes rude, la discipline y est sévère, et nous en verrons quelques exemples dans la tenue du conseil de guerre. Mais nous pensons, malgré l’horreur que peut évoquer le terme même de galère, que cette peine constitue un progrès dans le système pénal de l’ancien régime dans la mesure où elle permet d’éviter dans de nombreux cas la peine de mort pour des infractions qui normalement y aurait conduit, peut-être à cause du manque de prisons. De plus, le sort des galériens n’est pas toujours aussi mauvais qu’on veut bien le dépeindre. Ils rament pendant quatre mois et, le reste du temps, ils peuvent s’adonner à des activités rémunératrices. Bien sûr, il y a le sort tragique réservé aux protestants et la vie qu’on fait mener à ces quelque six cents galériens de la foi – ils ne seront jamais plus - porte une terrible accusation contre ce système. Autre ombre au tableau. C’est le régime de l’arbitraire, car on ne peut sortir des galères que du seul consentement du roi.
Nous avons passé également en revue les principaux personnages en place. Le général des galères, dont l’arrivée à Marseille constitue de plus en plus un événement. L’intendant, l’œil du pouvoir dans la place qui va étendre ses activités et sa compétence à tout ce qui concerne l’activité des galères.
En 1680, les galères sont déjà en grand nombre à Marseille, sans doute plus de trente. Les galériens arrivent de plus en plus nombreux. Les désertions de soldats et les évasions de galériens sont sans cesse plus fréquentes. Il va alors devenir primordial de mettre sur pied une institution qui aura pour mission d’apporter son concours au général et à l’intendant, tous deux chargés de la justice des galères. Ce sera le but même de l’institution du prévôt général des galères.
Le 23 janvier 1680, un embryon de prévôté des galères est mis en place à Marseille. Un prévôt général des galères est désigné et s’installe dans l’arsenal. L’institution vivra aussi longtemps que le corps des galères, en subissant d’importantes transformations, mais elle ne disparaîtra pas lors de la réunion de la flotte des galères à celle des vaisseaux.
Les développements qui vont suivre seront consacrés aux origines de la prévôté des galères et à l’organisation de cette prévôté.
Deuxième partie - L’INSTITUTION D’UN PRÉVÔT GÉNÉRAL DES GALÈRES
CHAPITRE III - LES ORIGINES DE LA PRÉVÔTÉ DES GALÈRES
Ces origines sont lointaines, et remontent au Moyen Âge. En effet, le prévôt des galères est institué à l’instar des prévôts de la marine. Or, l’institution de ces derniers semble être allée de pair avec la constitution d’une marine royale. C’est donc dans l’ancienneté de l’institution des prévôts de la marine qu’il convient de trouver l’origine lointaine de la prévôté des galères à Marseille.
Le premier prévôt de l’armée de mer apparaît dès le XIVe siècle. Nous serons amenés à envisager, dans un premier temps, les précédents médiévaux des prévôtés de la marine.
Au XVIIe siècle, ces prévôtés connaissent un nouvel essor. Richelieu redonnera vie aux prévôts de la marine. Nous consacrerons quelques développements aux prévôtés de la marine au XVIIe siècle.
Les précédents médiévaux
Les causes de l’établissement d’un prévôt de l’armée de mer
Deux événements semblent avoir entraîné l’institution des prévôts de l’armée de mer, la création de la charge d’amiral et la constitution d’une marine royale.
Dès 1270, la charge d’Amiral est créée. En 1326 intervient la première organisation de notre marine. « L’ébauche, commencée sous le règne de Philippe le Bel, se précise pour ne plus varier pendant un siècle ».
D’autre part, l’amiral entend que ses pouvoirs soient précisés vis-à-vis du connétable. Une ordonnance de février 1341 vient préciser que le connétable n’a nul droit sur les « soudoïers » de la mer.
Ces deux événements sont importants car ils sont, sans aucun doute, à l’origine de l’institution des « prévôts de l’armée de l’armée de la mer ».
Charles de La Roncière, l’auteur illustre du plus important travail fourni jusqu’à ce jour sur les origines de la Marine écrit à ce sujet : « L’Amiral devait commettre des officiers de justice dans les ports… ». « Les criminels étaient remis au Prévôt de l’armée de la mer… », pourvu de « caiennes, coliers et de toutes autres choses nécessaires pour gens mettre et tenir en prison ».
Le prévôt de l’armée de mer
C’est ainsi qu’apparaît, le 2 octobre 1337, un certain Jean Montaigne, ou Montaigue, ou Montaigu. Il signe une décharge de « chant lanches férees et deux casses de carreaux » au garde du Clos des Galées.
Les comptes de François et Jean de l’Ospital et de Barthélémy du Drach concernant l’ost de Compiègne et d’Amiens (armée de mer) de 1340 à 1355, mentionne Jehan Montaigne, prévôt de l’armée et écuyer.
La grande armée de la mer, composée de deux cents nefs et galées, sous le commandement de Hue Quiéret, « admiral de la mer », se heurte, le 24 juin 1340, à la flotte anglaise. Le prévôt de l’armée de mer embarque avec dix sergents, sans doute sur le navire amiral, à l’avant-garde avec les gens de Seine et les Flamands, en avant des Dieppois et des Picards qui forment le corps de bataille, et les marins de Caen et du Cotentin qui constituent l’arrière-garde.
Cette bataille se solde par un désastre pour les nôtres. Cent soixante-six vaisseaux auraient été perdus et quinze mille hommes auraient disparu. « Cette bataille… fut félonneuse et très horrible, car bataille et assaut en mer sont plus durs et plus forts que sur terre ».
Après avoir écrit que « de 1337 à 1341, le prévôt fut Jean Montaigue », La Roncière a prétendu que celui-ci périt en mer au cours de cette bataille. Cette affirmation paraît mal fondée. En effet, le même prévôt réapparaît dans un mandement adressé le 5 septembre 1341 par Loys d’Espaigne, comte de Chalamont et amiral de France au garde du Clos des Galées. Ce mandement est intéressant, car il nous renseigne sur les activités de ce premier prévôt connu.
« Nous vous mandons qu’un Jean Montaigue, prevost de l’armée, vous baillez et delivrez la Caïenne, colers et toutes autres choses que vous avez par-devers vous pour gens mestre et tenir en prison en prenant lettre de luy de ce que bailliez lui avez donné ».
D’autre part, Jal, dans son « Archéologie navale » fait état d’un manuscrit de la Bibliothèque nationale. Le nom de Jean Montaigne y apparaît avec la qualité de « sergens d’armes ».
Ce prévôt, que nous venons de ressusciter, n’est peut-être pas le premier à avoir occupé ce poste, mais c’est le plus ancien que nous connaissons. Sans doute, l’institution est-elle aussi ancienne que celle des prévôts des maréchaux, et les attributions qu’elle englobe sont du même ordre.
Sans doute également, d’autres officiers ont porté ce titre après Jean Montaigne. Mais il faut attendre le début du XVIIe siècle pour voir ressurgir l’institution dans les textes.
Le dix-septième siècle
Pour assurer l’exercice de la justice sur les gens de mer embarqués sur les vaisseaux du roi appareillant en vue d’une opération maritime, le chef de l’expédition peut être appelé à donner spécialement commission à des Prévôts de la flotte, tout à fait analogues aux prévôts des maréchaux qui suivent alors les armées à terre. C’est ce que fait notamment Charles de Lorraine, duc de Guise, gouverneur de Provence, amiral et lieutenant général de la mer pour le roi, au début de la campagne navale de 1622 qui se terminera le 27 octobre de la même année par la glorieuse bataille de Saint Martin de Ré. Avant de quitter Marseille, il nomme deux Prévôts, l’un pour les vaisseaux, l’autre pour les galères.
Le 20 juillet 1622, le duc de Guise donne commission de « Prevost à la suite de la flotte des Galères armées par Sa majesté » au « Capitaine Jean de Marin ».
Le 25 juillet, l’amiral des mers du Levant donne une commission à un sieur Anthoine Mandine, advocat en la cour, docteur ès droits, pour exercer la charge de prévôt des vaisseaux de sa majesté.
Le prévôt aura pour mission de maintenir en bon ordre et discipline les gens de mer, mariniers, canonniers et autres personnes des équipages des vaisseaux de l’armée navale. Il sera, dans cette tâche, assisté de dix archers, qu’il lèvera lui-même « de la qualité requise ». Il devra faire bonne et brève justice des délits et des crimes que commettront les personnes embarquées, tant sur les vaisseaux qu’à terre. Il fera punir les coupables selon la rigueur des ordonnances du roi et des règlements établis par l’amiral.
Richelieu et la création d’un prévôt général de la marine et des armées navales
Création de la charge de prévôt général de la marine
C’est pour tenir la main à ce que les matelots et soldats soient punis selon l’exigence de leurs crimes et par les formes ordinaires de la mer que, dès le 2 janvier 1627 sont données des « lettres de provision à François Moreau, sieur du Breil (ou du Breuil) », pour la charge de prévôt général de la marine et des armées navales, pour en jouir avec les « mêmes facultés et pouvoirs dont jouissent les Prévôts de la Connétablie et les Prévôts des maréchaux de France », notamment avec le pouvoir de nommer les lieutenants, greffiers et archers.
« Toutes ces charges, avec leurs provisions, sont données sur la nomination du Cardinal de Richelieu et enregistrées à la table de Marbre le 20 mars 1627 à la charge de ne rien entreprendre sur la juridiction de ladite Table ».
Moreau sera assisté de trois lieutenants, un par escadre, d’un greffier et de trois commis, ainsi que de douze archers, dont deux sont attachés à la personne du Grand Maître « pour exécuter ses commissions ». Le parlement, qui voit cette création d’un mauvais œil, refuse d’enregistrer les lettres patentes du prévôt pour « obmission d’adresse ».
Des lettres patentes du 12 février 1633 sur la réception du grand prévôt mettent fin à cette obstruction en donnant ordre au grand conseil de relever Moreau des effets de l’arrêt d’omission et de le mettre en possession de sa charge de prévôt général de la marine et des armées navales.
En juillet 1633, par lettres en forme d’édit, le roi érige en titre d’office un prévôt général de la marine et des armées navales pour faire la capture des coupables, instruire et juger leurs procès à l’instar des prévôts de la connétablie et des prévôts provinciaux, et le sieur Moreau en est pourvu et reçu au grand conseil à Paris le 20 août 1633. Il est dit qu’il aura connaissance de tous les crimes commis par les pirates en mer, matelots et gens de mer, dans les armées de mer, sur les vaisseaux de guerre lorsqu’ils se trouveront dans les ports de mer, et les fera juger au plus proche siège présidial du lieu de la capture, et en instruira les procès avec l’un des conseillers dudit siège présidial ou autre siège royal. Il jugera les procès avec sept juges, officiers ou gradués au moins.
Évolution de l’institution
Dès le 4 juillet 1636, des lettres patentes auraient créé un prévôt général de la marine du Levant, dont la charge aurait été confiée à Florent Emouy.
Il convient de constater que :
- l’institution d’un prévôt général dans la Marine va de pair avec l’installation d’un intendant des armées navales ;
- la disparition des amirautés, loin d’entraîner celle du prévôt, a, au contraire, renforcé la position de celui-ci.
En effet, par un édit de septembre 1648, pris à Saint-Germain en Laye, Louis XIV crée des offices de procureurs du roi, assesseurs, greffiers et archers sous les prévôts de la marine. Quatre offices de procureurs du roi, avec le titre de conseillers, quatre offices d’assesseurs et quatre de greffiers sont ainsi établis. De plus, l’édit institue quarante-trois offices d’archers qui, placés sous les ordres des Prévôts, « feront leurs chevauchées par les côtes, grèves et ports de nos mers, s’informeront dez crimes qui s’y commettent, nettoyeront icelles de voleurs et pirates, poursuivront les déserteurs des Armées Navales, leur feront faire leur procès en la forme accoutumée, et ainsy que le Prévôt de notre Connétablie et Maréchaussée, avec pouvoir de mainforte pour l’exécution des Arrests et Commissions amenées pour le fait de la Marine ».
Les gages sont fixés à six cents livres par an pour les procureurs et assesseurs, neuf cents livres pour les greffiers et cent livres pour chaque archer.
Ainsi, quatre prévôtés sont mises en place dans les ports de guerre du royaume, Brest, Port-Louis, Rochefort et Toulon.
Les charges de ces prévôtés demeurent érigées à titre d’office jusqu’en 1673, où un édit du 16 septembre supprime les offices et les remplace par des commissions.
Nous avons vu que, le 18 juin 1659, un intendant de la marine, délégué plénipotentiaire du pouvoir, s’installe et demeure dans le port de Toulon, sous l’autorité du duc de Vendôme, grand maître et surintendant général de la navigation et du commerce de France. Il s’agit de Testard de La Guette qui, en prenant le titre d’intendant des armées navales du Levant, reçoit pouvoir sur les vaisseaux et les galères.
Nous avons vu également que cet intendant reçoit une commission qui lui permet d’utiliser le prévôt pour informer ou pour juger les malversations commises dans l’arsenal. Or, à cette époque, il n’y a pas de prévôté à Marseille. Par contre, il en est une qui fonctionne à Toulon depuis l’édit de 1648 et un prévôt de la marine se serait installé dans cette ville dès 1636.
Ce sont ces prévôtés établies sur le modèle des prévôtés provinciales qui vont servir de cadre à la Prévôté des galères.
Les Prévôtés de la marine
Le schéma d’une prévôté de la marine s’établit alors normalement ainsi :
- un prévôt ;
- un lieutenant du prévôt ;
- un procureur du roi ;
- un greffier ;
- un exempt ;
- des archers.
Parmi ces personnels, nous distinguerons :
- les organes de la juridiction, prévôt, lieutenant, procureur du roi et greffier ;
- les organes d’exécution, exempt et archers.
Les organes de la juridiction
Le Prévôt Général de la Marine
Les auteurs de dictionnaires relatifs aux termes de marine ont tenté de définir les prévôts de la marine.
« Le Prévôt de la Marine était, selon l’ordonnance de 1674, un officier de justice qui connaissait de délits commis dans un arsenal, et de toutes affaires ressortant de la juridiction attribuée aux Intendants de la Marine : ils instruisaient les affaires criminelles et avaient la surveillance sur les forçats. Autrefois, aussi, il y avait dans l’équipage un prévôt qui était engagé pour balayer et gratter le navire, et pour y infliger des punitions ».
« Le Prévôt de la Marine, c’est l’officier supérieur des archers de la Marine ».
« Le Prévôt Général de la marine est l’officier établi pour instruire le procès des gens de mer qui ont commis quelque crime. Par l’ordonnance de 1674, il a entrée au Conseil de Guerre, ainsi que ses lieutenants qui y font le rapport de leurs procédures ».
Ces définitions sont malheureusement incomplètes et parfois inexactes.
Il est difficile de prétendre que les prévôts généraux de la marine sont des « officiers supérieurs ». C’est, semble-t-il, utiliser le terme officier dans son sens actuel, c’est-à-dire le concevoir comme signifiant des militaires ayant autorité sur une troupe. Or, les prévôts de la marine sont des officiers de plume. C’est en cette qualité qu’on les trouve dans la série C2 des Archives de la Marine en dépôt aux Archives nationales. Ils sont les chefs des archers de la marine, eux-mêmes définis comme des bas officiers de plume.
Les prévôts de la marine se distinguent donc des officiers d’épée, c’est-à-dire des officiers des vaisseaux et des galères, dont la vocation est d’aller au combat.
Il est également difficile d’affirmer que les prévôts et leurs adjoints ont été des officiers, au sens de titulaires d’une charge érigée à titre d’office « formel et héréditaire ».
Cela sera pourtant le cas à partir de 1648. Mais un édit du 16 septembre 1673 fera obligation aux prévôts, leurs lieutenants, exempts et archers de remettre « es mains des Intendants et Commissaires généraux de la Marine… les titres et provisions en vertu desquels ils exercent lesdites charges… ».
Ce sera également le cas, nous le verrons, de 1704 à 1716.
Nous verrons également que les prévôts ont eu des attributions de police et d’information judiciaire (en donnant au mot « police » le sens que nous lui connaissons aujourd’hui). Le règlement du 23 septembre 1673 sur la tenue du conseil de Guerre de la marine charge le prévôt ou son lieutenant d’instruire le procès de l’accusé. Mais le rôle des prévôts ne s’arrête pas là. Ils auront jusqu’à la révolution, des fonctions juridictionnelles qui leur permettront de juger les cas dits prévôtaux.
Enfin, il convient de mettre l’accent sur un principe qui demeurera inchangé depuis Colbert jusqu’au Code de justice militaire pour l’armée de mer du 4 juin 1858. Nous voulons parler de toutes les infractions ayant un caractère de droit commun, commises à terre par les marins et autres employés de la marine, en dehors du service et des lieux précisés par les lois. Tous ces crimes et délits sont alors de la compétence des tribunaux ordinaires. Jusqu’au siècle dernier, en effet, les juridictions maritimes ne posséderont pas une compétence personnelle, dès qu’il s’agit d’un membre de la marine. La nature du crime et le lieu du délit les mettent alors seules en mouvement. Ainsi, les marins, les soldats des vaisseaux et des galères, garde-chiourme… assassins et voleurs envers des particuliers dans les ports et villes, sont jugés par des civils.
Pour notre part, nous proposons la définition suivante : les prévôts de la marine, ainsi que leurs adjoints, sont des agents du pouvoir central, placés sous l’autorité des titulaires des charges d’amiral de France, puis sous celle des intendants de la marine départis dans les ports de guerre du royaume, et qui ont été investis d’attributions d’ordre administratif et judiciaire.
Les attributions de justice des prévôts de la marine, que nous envisagerons par la suite, se subdivisent en attributions judiciaires et juridictionnelles, concernant des faits entrant dans la compétence de l’amiral de France (justice de guerre), puis dans celle de l’intendant (justice de l’arsenal), en raison de leur nature ou du lieu de leur commission.
Le lieutenant du Prévôt
C’est le remplaçant désigné du prévôt. En l’absence de celui-ci, il préside le tribunal prévôtal, va à la recherche des déserteurs et des criminels, instruit les procès de la compétence du conseil de guerre.
Les lieutenants que leurs prévôts ne chargent pas de ces diverses missions sont fort mécontents et s’en plaignent. C’est ainsi que le sieur Stalin, lieutenant de la prévôté de la marine à Dunkerque, se plaint que le sieur Pottier, prévôt audit port, l’empêche « de faire aucune de ses fonctions, en se chargeant lui-même de faire tous les voyages et vacations… ».
Parmi les titulaires de cette charge, il en est un qui mérite de retenir toute notre attention. Il s’agit d’un certain Regnaud, ou Regnaut, ou Regnault qui sera investi de la charge de lieutenant du prévôt de la marine à Rochefort, avocat en la sénéchaussée de Saintonge, nommé député du Tiers État des communes du baillage de Saint-Jean-d’Angély, et qui sera connu, sous le nom de Regnault de Saint-Jean d’Angely, comme ayant été « l’éminence grise » de Napoléon 1er.
Le procureur du roi
C’est à lui que revient la mission de poursuivre les infractions devant les différentes juridictions de la marine (conseil de guerre, tribunal de l’intendant et tribunal prévôtal). À cet effet, lorsqu’il est saisi d’une plainte, il requiert l’ouverture d’une information. À la suite de celle-ci, il dépose ses conclusions afin de recollement des témoins et de leur confrontation à l’accusé. Puis il donne ses dernières conclusions sous forme de réquisitoire.
Le greffier
Son rôle essentiel est de tenir la plume dans les procédures et de conserver celles-ci et les jugements qui en ont découlé.
C’est grâce aux inventaires établis par les greffiers des prévôtés que nous avons quelques renseignements sur les affaires jugées par les différentes juridictions des galères.
Les organes d’exécution
L’Exempt
C’est le « sous-officier » chargé de régler le service des archers. Pour cela, il est exempté de service ordinaire, d’où son nom.
En principe, le brevet d’exempt ne permet pas de remplacer le prévôt et le lieutenant du prévôt à leur siège du tribunal prévôtal. C’est ce qui ressort de l’opinion donnée au ministre par Joly de Fleury. Cependant, nous avons trouvé des jugements du tribunal prévôtal de Toulon rendu par l’exempt de la prévôté de la marine en cette ville.
Les archers
Ils sont chargés, sous l’autorité des intendants et des prévôts, de faire exécuter les ordres du roi et des différents responsables de la marine (ministre, amiral et ses représentants, intendants, commissaires ou ordonnateur dans le port).
Nous ne possédons, pour la période antérieure à 1704, qu’une seule commission d’archer. Les termes de cette commission sont très vagues. L’archer doit « en ladite qualité agir en vertu des ordres de sa majesté concernant le fait de la marine, qui pourront y estre envoyés pour son service… ».
Remarquons, au passage, que l’archer reçoit une commission alors que sa charge se trouve érigée à titre d’office à cette époque. Lorsque ces offices seront supprimés, l’archer recevra un ordre.
Les prévôtés de la marine connaissent donc, à la fin du XVIIe siècle, une orientation qui paraît définitive. Elles procèdent d’une longue et lente évolution historique. Lorsque le besoin se fera sentir à Marseille de disposer de personnels spécialisés dans des missions de justice, il sera aisé de tenir compte des modèles existants et de créer une institution à l’instar des prévôtés de la marine.
CHAPITRE IV - L’ORGANISATION DE LA PRÉVÔTÉ DES GALÈRES (1680-1781)
Nous envisagerons tout particulièrement dans ce titre l’organisation de la prévôté des galères lors de sa création et les évolutions que subira cette organisation jusqu’en 1781.
En 1680, il devient nécessaire d’installer un prévôt général des galères ainsi que le personnel d’un embryon de prévôté à Marseille. Les causes de cette installation sont essentiellement dues à l’extension des attributions de l’intendant des galères ainsi qu’à celle de l’arsenal des galères et de la flotte.
Depuis 1665, un intendant des galères est départi à Marseille. Son rôle ne cesse de s’accroître et il va apparaître de plus en plus comme le représentant du pouvoir central. Intendant de justice, de police et de finance, au même titre que les intendants départis dans les autres ports de guerre ou dans les généralités du royaume, il devient nécessaire de lui adjoindre, au même titre que les autres intendants, un prévôt destiné à le suppléer dans son œuvre de justice.
De plus, l’arsenal des galères est en plein agrandissement. La surveillance doit en être assurée d’une manière efficace et l’ordre doit y régner. Également, cet arsenal connaît une activité débordante. La construction d’une grande flotte des galères est en cours.
Rien d’étonnant alors à ce que, de la convergence de ces deux extensions - celle des pouvoirs de l’intendant et celle de sa compétence territoriale - le besoin se soit fait sentir, comme dans les autres arsenaux, de la mise en place d’un prévôt.
De 1680 à 1781, la prévôté des galères subit de nombreuses transformations. Entre 1680, année de sa création, et 1704, lorsque les différentes charges qui la composent sont érigées en offices, l’institution se trouve confrontée à de nombreuses tâches auxquelles il lui faut s’adapter. C’est en quelque sorte, une période où les fonctions se définissent, souvent dans des directions opposées à celles qui ont présidé à leur création.
La période qui s’étend de 1704 à 1716 voit l’institution à son apogée. Les différentes charges sont érigées à titre d’offices, ce qui a pour effet de conférer à leurs titulaires des prérogatives et une considération qu’ils perdront en partie lorsque, avec la régence, ces offices seront supprimés.
Enfin, de 1716 à 1781, la prévôté des galères connaît une période de stabilisation, de 1716 à 1748, puis de déclin. Les charges seront délivrées sous forme de commissions ; mais le souvenir des offices ne disparaîtra pas complètement. Après la suppression du corps des galères, en 1748, l’institution amorce son déclin pour disparaître définitivement en 1781, lors de la vente de l’arsenal des galères.
Nous consacrerons nos prochains développements à l’étude de l’organisation de la prévôté des galères, chacun d’entre eux correspondant aux différentes périodes que nous avons décrites. Nous envisagerons tout d’abord les premières années de la prévôté, entre 1680 et 1704, période au cours de laquelle les charges sont délivrées sous forme de commissions. Les développements suivants porteront sur la période qui va de 1704 à 1716, pendant laquelle les charges sont délivrées à titre d’offices. Nous envisagerons enfin les dernières années de l’institution, de 1716 à 1781, avec retour au système de la commission, marqué cependant par le souvenir des anciens offices.
La prévôté des galères et le système de la commission (1680-1704)
Le 23 janvier 1680, par un « règlement sur la tenue du conseil de guerre des galères pour le jugement des crimes qui pourraient y être commis », le roi, « étant informé que la plupart des crimes qui se commettent sur les galères ont été jusqu’à présent impunis par le défaut d’un officier estably à la poursuite des criminels et que par cette raison les soldats et matelots désertent souvent sans crainte d’être punis », établit « à l’avenir à Marseille un prévost, un lieutenant et des archers pour la poursuite des crimes qui se commettent sur les galères » et règle en même temps « la manière que doit être tenu le conseil de guerre pour le jugement des criminels »(1).
Il est prévu que cette prévôté fonctionnera dans les mêmes conditions que les prévôtés de la marine établie dans les ports de guerre.
Nous verrons, tout d’abord, comment est créée cette prévôté et, ensuite, nous envisagerons l’évolution de cette institution pendant la période d’installation, de 1680 à 1704.
La création de la prévôté des galères
Le règlement du 23 janvier 1680 érige, en réalité, une prévôté à effectif réduit. Le prévôt sera seulement assisté d’un lieutenant et d’archers.
Le prévôt général des galères
Le 13 avril 1680 le ministre écrit au duc de Vivonne, général des galères, pour l’informer que le roi a décidé d’établir un prévôt dans ses galères à l’instar de celui de la marine, et, à cet effet, a commis le sieur Boursin de Saint-Trez. Le général des galères devra lui donner les assistances qui dépendront de l’autorité de sa charge pour établir ses fonctions(2).
Le 23 avril 1680, l’intendant Brodart est informé de la décision royale et reçoit l’ordre de faire reconnaître le nouveau promu en sa qualité, et de lui faciliter ses fonctions « en lui donnant les instructions nécessaires sur ce qu’il doit faire pour s’en bien acquitter et les assistances » dont il aura besoin pour exécuter les ordres de M. le duc de Vivonne et ceux de l’intendant(3).
Le sieur Boursin de Saint-Trez reçoit, à titre d’appointements, mille huit cents livres par an sur la base de cent cinquante livres par mois(4).
Mais ses revenus ne s’arrêteront pas à cette somme.
Par exemple, en 1682, le prévôt reçoit, pour plusieurs voyages qu’il a effectués avec les archers des galères, en plusieurs endroits de Provence, de Dauphiné, de Languedoc, tant à la recherche des déserteurs et des forçats évadés qu’à la poursuite de « plusieurs troupes de boemes qui estoient sur les frontières de Provence », la somme de neuf cent dix livres. Pour accomplir ces missions extérieures à la résidence, le prévôt avait employé cent soixante-trois journées. Mais il s’agit de déplacements effectués sur deux années, ce qui correspond à une moyenne de quatre-vingt-un jours de mission par an(5).
Un déserteur, un forçat ou un « boeme » arrêté par ses soins lui rapporte trente livres(6).
Les appointements du prévôt sont du même ordre que ceux d’un commissaire ordinaire. Ils se situent en deçà de ceux des commissaires et contrôleurs généraux (trois mille six cents livres), au-dessous de ceux d’un sculpteur (deux mille livres) mais sont supérieurs à ceux du secrétaire de l’intendant et d’un constructeur (mille deux cents livres), d’un chirurgien ou d’un concierge de l’hôpital (huit cents livres), d’un écrivain ou d’un maître de l’école d’hydrographie (six cents livres)(7).
Pour bien situer l’éventail des salaires, il nous faut rappeler que le général des galères perçoit quarante-huit mille livres, plus vingt mille quatre cents livres pour la compagnie de ses gardes, le lieutenant général quatorze mille livres, et l’intendant des galères douze mille livres. Par contre, un rémolat(8) a une solde de deux cents livres par an(9).
Il semble que ce soit essentiellement pour rechercher les déserteurs, instruire leurs procès et permettre ainsi au conseil de guerre de les juger qu’un prévôt est installé à Marseille. Or, lorsqu’il arrive à son poste, le sieur de Saint-Trez ne trouve que quatre archers en place et sans doute beaucoup d’occupations.
En effet, le prévôt est vite informé de ce que les communautés de Provence, de Languedoc et du Dauphiné, qui recèleraient près de huit cents déserteurs, s’opposent à ce que les officiers des galères viennent les rechercher chez elles. Dès son arrivée à Marseille, il a appris la mésaventure arrivée à un officier du corps des galères, le sieur de Ponteves, alors sous-lieutenant de la galère qu’il commande. Cet officier était allé dans la ville de Barjols pour lever des soldats. Il y avait trouvé un soldat déserteur de sa galère et, ayant voulu s’en saisir, non seulement il en fut empêché, mais encore on le maltraita(10).
Aussi, pour le général des galères, il apparaît nécessaire, d’une part, que le roi envoie des ordres à ces communautés afin qu’elles donnent mainforte au prévôt lorsqu’il ira dans les villes et villages arrêter les déserteurs, et, d’autre part, qu’il est nécessaire que des archers supplémentaires soient donnés à ce prévôt qui ne peut pas faire grand-chose avec les quatre dont il dispose. Faute de quoi, « c’est un officier qui nous est inutile » écrit le duc de Vivonne(11).
Le lieutenant du prévôt
Le règlement du 23 janvier 1680 avait prévu la création d’un lieutenant du prévôt. Toutefois, aucun titulaire ne sera nommé au poste qui restera vacant jusqu’en 1704.
Les archers
Il existait avant le règlement de 1680 des archers des galères à Marseille. Quatre archers sont mentionnés dans les états de la dépense des galères de 1678 à 1694(12). Le texte de 1680 aura pour effet de porter ce nombre à dix(13).
Le même règlement n’avait pas prévu de procureur du roi de la prévôté des galères. Ces fonctions seront assurées devant le tribunal de l’intendant par le procureur du roi de l’amirauté de Marseille(14).
Aucun greffier n’avait été prévu par le texte fondateur. Par contre, dans les états de dépenses, nous verrons, dans plusieurs paragraphes, apparaître des greffiers du prévôt.
La période d’installation (1680-1704)
Le règlement portant création de la prévôté des galères prévoit un prévôt, un lieutenant et des archers. Nous avons vu que les fonctions de prévôts et celles d’archers recevront des titulaires, mais qu’en revanche, celle de lieutenant ne sera jamais pourvue au cours de cette période. Cependant, des greffiers apparaissent, bien que le texte de 1680 n’en ait pas fait mention.
Les prévôts généraux des galères
Deux prévôts se succèdent pendant cette période :
- Boursin de Saint-Trez ;
- Simon de Lourme.
Boursin de Saint-Trez
Nous avons vu le premier prévôt recevoir sa commission à compter du 10 avril 1680.
Les archives fournissent peu de renseignements sur ce personnage qui restera en fonction jusqu’au 1er janvier 1688, date à laquelle il recevra une commission de capitaine des chaînes, fonction mieux rémunérée (deux mille quatre cents livres) que celle de prévôt (mille huit cents livres).
Boursin de Saint-Trez décédera le 23 septembre 1681.
Simon de Lourme
Né vraisemblablement au début de l’année 1662 – son extrait baptisaire date du 4 janvier 1662 - le sieur de Lourme (souvent orthographié de Lorme) restera en place du 1er janvier 1688 au 17 septembre 1720, date de sa mort, soit pendant trente-deux années. Il avait auparavant exercé les fonctions de consul à Patras en Morée, à l’âge de vingt-deux ans, en 1684.
Certes, les renseignements qui le concernent sont peu nombreux. Mais il semble que nous avons affaire à un personnage digne d’intérêt dans la mesure où il a entendu se faire respecter et exercer ses fonctions avec humanité.
Ce prévôt entre en charge au moment où Mr de Montmort est intendant des galères et restera sous ses ordres jusqu’à son départ de Marseille en 1710. Quoiqu’en dise et en écrive Madame de Sévigné(15), Mr de Montmort apparaît souvent comme un personnage dur et rigoureux, n’hésitant pas à instruire lui-même les procès avec une belle énergie, et particulièrement, comme nous l’avons évoqué, ceux qui mettent en cause des protestants.
Par exemple, le 23 mai 1696, l’intendant des galères, sur instructions reçues du ministre, arrête quatre individus, Pol Robin, Abraham Baudit, Jacques Vilain et Vincent de Serre, inculpés de connivence avec les ennemis de l’État(16). Il est accompagné dans cette mission par le sieur de Lourme et les archers de la prévôté.
Le cas de Vincent de Serre est particulièrement intéressant. Il s’agit d’un protestant nouvellement converti. Sa participation aux activités d’espionnage est fort douteuse. Mr de Montmort n’arrivera pas à le confondre et à le prendre en défaut.
En 1697, dans une autre affaire, Mr de Montmort n’hésitera pas à donner lui-même la bastonnade à un forçat religionnaire, François Sabatier, de Nîmes(17).
Cet intendant continuera à ne se faire « point une affaire de donner lui-même cent coups de baston et de pincettes à des gens accusés qui paroissent devant luy pour leur faire dire des faussetés… »(18).
Il le fera en particulier dans un différend qui l’opposera au major des galères, Mr de Bombelles, qu’il entend voir impliqué dans une affaire d’évasion de forçat. Pour faire parler contre le major et toute sa maison, « à la réserve du chien et du chat », Mr de Montmort n’hésite point à employer des violences, à tel point que le prévôt, qui assiste à la scène, s’en offusque et lui dit : « Monsieur, sortez de votre caractère, il n’est pas permis de les faire déposer avec violence ».
L’intendant se passe quelquefois du concours du prévôt et fait lui-même les procédures, assisté du greffier, un certain Hébert, qui ne paraît pas très doué pour le travail qu’on lui demande. Mr de Montmort ayant voulu contraindre le prévôt à signer de telles procédures, « le greffier luy a proposé plusieurs fois sans qu’il ayt jamais voulu le faire ayant répondu que puisqu’il ne les avait point faittes, il se garderait bien de les signer »(19).
Nous verrons à quel point le principe de l’honneur, « c’est-à-dire le préjugé de chaque personne et de chaque condition »(20) va animer nos prévôts lorsqu’il s’agira de savoir quelle sera leur place dans les conseils de guerre. La nature de l’honneur étant de « demander des préférences et des distinctions », le prévôt des galères ne dérogera pas sur ce point et entendra se voir conférer le rang et la prééminence qu’il estime lui être dues.
C’est ainsi qu’en 1718, lors de l’arrivée à Marseille de Mr le chevalier d’Orléans, général des galères, le sieur de Lourme se présente devant lui avec son bâton de prévôt. Le lieutenant des gardes de l’étendard, le sieur de Villeneuve, lui intime l’ordre de se retirer, précisant que s’il venait une seconde fois, il ferait rompre son bâton par le corps de garde. Le prévôt informe le conseil de guerre de ce différend. Il obtient toute satisfaction « La prétention du sieur de Lourme de se présenter avec son bâton qui marque le caractère de son employ est bien fondée »(21).
Les greffiers
Le règlement de 1680 avait prévu l’installation d’un lieutenant du prévôt. Pourtant, personne n’occupera la charge avant 1704.
Mais, alors que le même règlement de 1680 n’avait pas prévu de greffier de la prévôté, nous verrons apparaître un certain nombre de noms à cette fonction dans les états des dépenses des galères(22).
En 1697, il s’agit du sieur Hébert qui reçoit un brevet de greffier « comme avait son prédécesseur »(23).
Le sieur Hébert ne semble pas avoir eu les faveurs du major des galères, Mr de Bombelles, qui le dépeint comme « un fripon qui est très dangereux dans ce poste et qui ne vient jamais au conseil (de guerre) qui ne soit mort hivre ; son ignorance joint à son hivraison » oblige le major à redresser les fautes qu’il commet dans les procédures. Pour le major, c’est « un très mauvais sujet ». Cela n’empêchera pas ce greffier de rester en fonction jusqu’à sa mort, le 11 avril 1710(24).
Les archers
Nous avons vu qu’il y avait dix archers des galères peu de temps après l’installation du prévôt.
Dès 1682, ce nombre sera porté à seize, pour passer ensuite à quatorze et retomber à six en 1690(25).
Les prévôtés des galères en titre d’offices (1704-1716)
1704 est une année difficile pour le France. La guerre de succession d’Espagne, commencée en 1701, dure jusqu’en 1714. Avec 1704 commence la série des désastres. Le royaume et le roi sont à bout de ressources.
C’est ainsi que sont créés et vendus quarante mille offices nouveaux, dans la judicature, les finances, les municipalités, les métiers. La marine n’est pas épargnée et un certain nombre d’édits entraîne des créations d’offices en son sein. Dès 1702 sont créés cent offices de commissaires de la marine et des galères, cent aux commissaires aux classes de la marine. Un édit d’avril 1704 entraîne la création d’offices dans les prévôtés de la marine et des galères, suivi d’autres textes qui en complètent les dispositions.
Nous envisagerons tout d’abord l’édit de création d’offices d’avril 1704, puis nous tenterons de dégager les aspects de cette nouvelle prévôté des galères jusqu’à l’édit de suppression des offices de 1716.
L’édit d’avril 1704 et la création des offices dans les prévôtés de la marine et des galères.
L’édit d’avril 1704(26) « révoque les commissions cy devant données pour exercer les offices de prévôts, lieutenants, exempts, procureurs de sa majesté, greffiers et archers dans les ports et villes maritimes, et crée et érige une juridiction sous le nom de prévôté de la marine dans chacune des villes de Brest, Rochefort, Toulon, Marseille, Dunkerque, Le Havre, Port-Louis et Bayonne, avec les officiers qui la doivent composer ». L’intention du roi est d’établir, sous le titre de prévôtés, des juridictions stables et permanentes dans les principaux ports du royaume. Pour composer de telles juridictions, un certain nombre d’offices héréditaires sont créés :
- huit offices de prévôts de la marine et des galères ;
- huit offices de lieutenants ;
- huit d’exempts ;
- huit de procureurs du roi ;
- huit de greffiers ;
- cent d’archers.
Chacun de ces officiers sera distribué par le roi dans les huit ports de guerre.
Cet édit, comme tous les autres édits pris en ce domaine à cette époque, est établi dans la forme usuelle(27).
En même temps qu’il précise les attributions des nouveaux officiers des prévôtés, le texte prévoit à leur intention un certain nombre d’obligations et d’avantages.
Les obligations imposées par l’édit d’avril 1704
Ces obligations sont essentiellement :
- le paiement de la finance ou taxe ;
- la prestation du serment ;
- la fixité de la résidence.
Le paiement de la taxe ou finance de l’office
Le paiement de cette somme est, comme par le passé, rigoureusement obligatoire. Sur les quittances de finance que le trésorier des revenus casuels délivrera, des provisions seront expédiées par la grande chancellerie, signées du roi et contresignées du secrétaire d’État ayant le département de la marine.
La finance varie suivant le poste occupé par l’officier. Celle de l’office de prévôt est fixée à douze mille livres, tandis que les finances des offices de lieutenant et de procureur du roi s’élèvent à huit mille livres. Les greffiers doivent payer une taxe de six mille livres pour rester en charge et les exempts quatre mille cinq cents livres. Quant aux archers, leur finance est fixée à mille trois cents livres.
La prestation de serment
L’édit d’avril 1704 fait obligation à tous les officiers et bas officiers de la prévôté des galères de prêter le serment « par-devant les intendants de la marine, a l’effet de quoy les lettres de provision leur seront adressées ».
Les termes du serment ne nous sont pas parvenus. Ils devaient être sensiblement les mêmes que ceux indiqués par Mr le professeur Roland Mousnier(28). Le nouveau pourvu s’engage en effet « à bien et fidèlement exercer cet état ».
Une formule de prestation de serment concernant un exempt de la juridiction prévôtale de la marine et des galères apparaît cependant dans une ordonnance de réception au tribunal de l’amirauté de Marseille, en date du 8 janvier 1711. Le lieutenant général au siège de Marseille déclare avoir « fait prester serment audit Pierre Desmarets issy présent de bien et dûment fere la fonction de sa charge d’exempt… ce qu’il a promis de fere ».
Ainsi, une première ambiguïté apparaît. L’édit de 1704 prévoit que le serment sera fait devant l’intendant et nous verrons les nouveaux officiers prêter ce serment devant la juridiction de l’amirauté. Nous verrons même un archer prêter son serment devant le prévôt de Toulon, comme cela se passe alors dans les prévôtés provinciales(29).
Pour ce serment, « le roi percevait un droit fort ancien, puisqu’il existait sous Louis XI, qu’on appelait le marc d’or, parce qu’au début on avait taxé les offices à un ou plusieurs marcs d’or, ou à une proportion de marc d’or »(30).
Ce droit, qui apparaît comme un droit de serment, est reçu par le trésorier des parties casuelles(31). Il est de cent huit livres pour la réception du prévôt(32). Il convient de noter que, pour le prévôt et les archers, la création d’offices se traduit par une diminution de revenus.
REVENUS DES OFFICIERS DE LA PRÉVÔTÉ |
|||||
Office |
Appoint avant 1704 |
Finance de l’office |
Gages |
Appoint |
Total |
Prévôt |
1.800£ |
12.000£ |
800£ |
700£ |
1.500£ |
Lieutenant |
8.000£ |
533£ 6s 8d |
466£ 13s 4d |
1.000£ |
|
Procureur |
8.000£ |
533£ 6s 8d |
466£ 13s 4d |
800£ |
|
Exempt |
4.500£ |
300£ |
350£ |
650£ |
|
Greffier |
6.000£ |
400£ |
200£ |
600£ |
|
Archer |
360£ |
1.300£ |
86£ 13s 4d |
213£ 6s 8d |
300£ |
Total pour l’ensemble des offices |
438.000£ |
29.200£ |
37.200£ |
66.400£ |
L’obligation de résidence
L’édit de création, après avoir rappelé que les nouveaux titulaires d’offices seront « distribués dans ces mêmes villes et ports, et dans les départements qui en dépendront… », précise que « les prévôts, lieutenants et exempts ne pourront s’absenter en même temps du lieu où sera établie la juridiction, afin que l’un ou l’autre y reste toujours pour recevoir et exécuter les ordres qui leur seront donnés pour notre service par le commandant ou l’intendant ».
Remarquons, au passage, une différence importante avec la compétence territoriale dévolue aux prévôts des maréchaux par l’ordonnance de 1670. En effet, l’article 12 du Titre 1er, relatif à la compétence des juges, établit une énumération des cas prévôtaux en prenant bien soin de préciser « en cas toutefois que les crimes aient été commis hors des villes de leur résidence ».
Cet édit de 1704 ne tend toutefois pas à confiner les prévôts de la marine et des galères dans leur lieu de résidence et il est bien prévu que les prévôtés continueront à travailler notamment au profit du service des classes. À cet effet, les officiers de la prévôté (prévôt, lieutenant et exempt) pourront « alternativement aller dans les bureaux des commissaires des classes de leur département pour prendre des extraits des noms, surnoms et demeures des matelots et gens de mer qui auraient quitté leur demeure et s’informer de leur taille et autres marques dont les commissaires aux classes auront charge leurs registres dont ils feront rapport aux intendants des ports, et prendront les ordres pour faire les poursuites qu’ils jugeront nécessaires ».
Les avantages conférés par l’édit d’avril 1704
Ces avantages sont les suivants :
- les revenus, c’est-à-dire les gages et appointements…
- la qualité d’écuyer et de conseiller du roi ;
- les exemptions de tailles et de toutes autres impositions ;
- l’exemption de logement des gens de guerre.
Les revenus
Ils sont constitués par les gages, les appointements et les profits de justice
Les gages
« À tous lesquels officiers Nous avons attribué et attribuons les gages sur le pied du denier quinze… ». Les nouveaux officiers percevront donc des gages au taux de 6,66 % de la finance de l’office.
Les appointements
Ceux-ci sont réglés par les états de la marine.
Les profits de justice
« Voulons que les archers puissent exploiter tous actes de justice ou la prévosté sera établie et dans le département qui en dépendra, ou dans les lieux où il aura été jugé nécessaire de les départir suivant nos ordres particuliers, à l’effet de quoi cette permission sera insérée dans leurs Provisions ».
La qualité d’écuyer et de conseiller du roi
Comme l’intention du roi est « de remplir ces charges de personnes dont la probité et l’affection » à son service lui seront parfaitement connues, les prévôts, lieutenants et procureurs du roi prendront la qualité d’écuyer avec défense « à toute personne de les y troubler à peine de tous dépens, dommages et intérêts ».
Il semble que la qualité d’écuyer ait, de tout temps, été accordée aux prévôts. Nous avons vu, en effet, Jean Montaigne, prévôt de l’armée de mer, recevoir cette qualité. D’autre part, les prévôts des maréchaux l’obtiennent également.
Le droit de committimus
« Jouiront les prévôts, lieutenants et procureurs, du droit de committimus, conformément à nostre ordonnance d’aoust 1669, dont les lettres leur seront expédiées aux chancelleries des parlements dans le ressort desquels les prévôtés seront établies ».
Le droit de committimus permet à celui qui en bénéficie d’être jugé par la chambre des requêtes de la cour souveraine dans le ressort de laquelle il exerce sa fonction.
Les exemptions de tailles et de toutes autres impositions ordinaires et extraordinaires
« Jouirons aussi de l’Exemption des tailles et de toutes impositions ordinaires et extraordinaires. Défendons aux maires, Échevins, collecteurs et Assesseurs des Tailles, de les comprendre dans les Rolles ; et s’ils y étaient compris après l’enregistrement du présent Édit, enjoignons aux Receveurs des tailles et autres Impositions, de contraindre les collecteurs au payement des sommes auxquelles les Prévôts, Lieutenants et nos Procureurs auront été cottisez ».
Une ordonnance d’Henri II du 26 juillet 1548 avait exempté les prévôts des maréchaux, leurs lieutenants et archers, de tailles, subsides et octrois. Deux arrêts du conseil des 19 juin 1641 et 8 mars 1642 les avaient exemptés de tailles, subsistance, emprunts, logements de gens de guerre et autres impositions. Enfin, un arrêt du conseil du 2 mai 1646 les avait également exemptés des droits d’aides, huitièmes, droits de ban et entrées dans les villes.
Les prévôts et leurs adjoints seront toutefois tenus au paiement des taxes de la capitation générale. Le prévôt du port de Marseille, qui fait partie de la dixième classe, est taxé pour cinquante livres, le lieutenant pour vingt livres (treizième classe), l’exempt et le procureur du roi pour quinze livres (quatorzième classe), le greffier pour dix livres (quinzième classe), et enfin l’archer pour trois livres (dix-neuvième classe).
Le prévôt des galères bénéficie, depuis 1684, d’un certain nombre d’exemptions d’impôts indirects, dans les mêmes conditions que les officiers des galères.
L’exemption du logement des gens de guerre
« Jouiront aussi de l’Exemption du Logement des Gens de Guerre, et ne seront compris dans les Rolles des Tailles des départements ou ils serviront, que pour les mêmes sommes auxquelles las archers de la Maréchaussée seront imposés ».
Ainsi, l’édit d’avril 1704 institue, à l’égard des personnels de la prévôté des galères, un certain nombre d’obligations et d’avantages. Ces obligations consistent essentiellement dans des paiements que seront tenus de faire les postulants. Les avantages prévus par l’édit semblent bien minces au regard de ces sorties d’argent que devront consentir les nouveaux officiers. Comment vont réagir les personnels de la prévôté en place lors de la publication de l’édit d’avril 1704 ? C’est ce que nous allons voir.
La prévôté des galères jusqu’à la suppression des offices en 1716
L’édit d’avril 1704 aura pour principal effet de pourvoir les différents postes de la prévôté des galères conformément au schéma traditionnel des juridictions prévôtales.
Les acquisitions d’offices
L’office de prévôt général de la marine et des galères
Chacune des huit prévôtés créées portera le titre de prévôté de la marine et de galères.
Depuis la fin du XVIIe siècle, les galères se rendent dans les ports du Ponant. Six galères séjournent à demeure à Dunkerque et il est même envisagé de faire de Rochefort un arsenal des galères. Il apparaît alors normal d’étendre la compétence des prévôts des ports du Ponant aux galères.
À Marseille, le prévôt, Simon de Lourme, se porte acquéreur de l’office de prévôt nouvellement créé, après avoir reçu l’agrément de l’intendant et du roi. Il verse la somme de onze mille livres dès le 11 juillet 1704, entre les mains de Mr de Mazade, commis chargé de l’encaissement par les trésoriers généraux de la marine et des galères (180). Pour réunir cette somme, il obtient un prêt du sieur Boniface de Pelliot, lieutenant d’une des galères de Marseille.
Cela ne l’empêche pas d’être congédié dès le 17 septembre 1704.
Le 13 octobre 1704, le sieur de Lourme réussit à obtenir un prêt de la somme de mille livres, correspondant à la somme qui lui manque pour s’acquitter de la finance de son office, des deniers d’un bourgeois de Paris, Nicolas Lebrun. Ayant remis cette somme en parfait paiement de la finance de l’office, le trésorier des revenus casuels lui en délivre quittance le même jour. Cette quittance est enregistrée au contrôle général des finances le 23 octobre 1704.
Le 3 novembre, un ordre du roi pourvoit le sieur de Lourme de la charge de prévôt, à compter du 14 octobre, date à laquelle le roi signe sa « commission ».
Les lettres de provision du prévôt, en date du 24 octobre 1704, sont enregistrées au greffe de l’amirauté générale de France, au siège de la table de marbre du palais de Paris, suivant l’ordonnance et mandement de l’amiral de France du 8 octobre 1704.
Le 26 novembre 1704, le sieur de Lourme verse la somme de cent huit livres pour le droit de marc d’or pour « la première de son office ». Quittance lui en est remise deux jours après par le trésorier général du marc d’or.
Ayant reçu ses lettres de provision et ayant acquitté de droit du marc d’or, le sieur de Lourme présente une requête à l’amiral de France afin que, conformément aux dispositions de l’édit de création, il soit reçu en sa charge.
Le 5 avril 1705, le comte de Toulouse, amiral de France, prend une ordonnance portant renvoi par-devant le lieutenant général de l’amirauté de la Table de Marbre du palais de Paris « pour estre par luy informe des vie, meurs, age, conversation, Religion Apostolique et Romaine du sieur de Lourme ».
Le 29 avril, le lieutenant général rend compte par une ordonnance de l’information qu’il a faite « portant qu’il luy est aparu que ledit Delourme est suffisant et capable pour posséder et exercer ledit office de conseiller du roi, Prevost de Marine et des Galères après qu’il sera reçeu en icelluy ».
Le 8 mai, le comte de Toulouse, par ordonnance, reçoit, met et institue le sieur de Lourme « en possession et jouissance dudit office », pour en jouir et user par lui conformément à l’édit du mois d’avril 1704, et aux lettres de provision du 24 octobre de la même année, « à la charge pat ledit de Lourme de prester le serment en tel cas requis et accoustume, pour la prestation duquel luy avons accordé le delay de six mois ».
Le 9 août 1705, l’amiral de France permet au prévôt de prêter le serment devant les officiers de l’amirauté de Marseille, auxquels il, est enjoint de le recevoir.
Le lieutenant de la prévôté des galères
Le 1er juillet 1704, l’intendant des galères, Mr de Montmort, établit un certificat de service pour le sieur Pierre Bonifacy fils.
L’intendant certifie que le postulant a servi sous ses ordres pendant quinze ans, et qu’il s’est toujours très bien acquitté et avec fidélité de tout ce qu’il lui avait ordonné pour le service du roi. Mr de Montmort précise également qu’« il a toutes les qualités requises pour bien faire les fonctions de la charge de lieutenant de la prévôté des galères, qu’il doit acquérir et pour laquelle nous l’avons propose sous le bon plaisir de Mr le comte de Pontchartrain, Ministre et Secrétaire d’État, nous ayant déjà servi à faire plusieurs captures ».
Ce sieur Bonifacy, secrétaire de M. de Montmort, est toutefois dépeint par le major des galères, Mr de Bombelles, comme un « indigne vendeur de chair humaine ». En effet, sous prétexte de délivrer des passeports aux recrues, l’habile secrétaire les envoie au Fort Saint-Jean, « comme au marché pour les mieux vendre » à tous les pauvres officiers désireux d’enrôler des soldats pour leurs compagnies. Ce petit commerce rapporterait à Bonifacy trois louis d’or par homme.
Ainsi, grâce à cette rétribution, le sieur Bonifacy paie rapidement les huit mille livres pour la finance de son office. Le postulant déclare cependant avoir emprunté trois mille livre à Mr Nicolas Lebrun, suivant contrat passé par Mr Pellerin et son confrère, notaires au Chatelet, en date du 15 juillet 1704. L’affaire est rondement menée puisque, le 31 août 1704, il reçoit les lettres patentes et les provisions de l’office de lieutenant de prévôt. Il s’agit également d’un office héréditaire, aux gages de 533 £ 6 sols et 8 deniers effectifs, et aux appointements fixés à 455 £ 13 sols et 4 deniers, qui lui seront payés de quartier en quartier par les trésoriers généraux de la marine et des galères, et qui confère à son titulaire la qualité d’écuyer, celle de conseiller du roi, jouissance et droit de committimus, exemption de tailles et de toutes impositions. L’amiral de France aura à faire procéder à une enquête sur la vie, mœurs, âge et religion du sieur Bonifacy, et, s’il le trouve digne de remplir l’office, il en recevra le serment et le mettra en possession de son office.
L’amiral de France fait effectuer l’enquête de moralité par le lieutenant général de l’amirauté de la Table de Marbre à Paris qui rend compte que le sieur Bonifacy est « capable et suffisant ». Le 3 octobre 1705, l’amiral l’institue en possession et jouissance dudit office, sous réserve de prêter « le serment en tel cas requis et accoutume » dans les six mois.
Le procureur du roi
Le 31 mai 1704, Honoré Olivier, docteur ès droits, avocat au parlement de Provence, fils de Laurens, également avocat, âgé de quarante-six ans, se porte acquéreur de l’office de procureur du roi de la prévôté des galères.
Auparavant, le sieur Olivier avait exercé pendant quatre années les judicatures de toutes les terres dépendant de la commanderie de Marseille Montforbras. Il avait également rempli la judicature royale de la même ville en 1695 sur la nomination que le conseil de la communauté faisait annuellement. Il avait de plus occupé pendant l’année 1702 et à partir de 1703 un office de conseiller dans la sénéchaussée de Marseille après la suppression du siège, en vertu d’une commission du parlement, en attendant que les offices nouvellement créés fussent remplis.
Mr Croiset, commissaire général des galères, l’avait choisi pour son conseil et, s’étant trouvé ordonnateur en 1700, il l’employa dans diverses procédures pour le service des galères. Mr Croiset en ayant rendu compte au ministre, il reçut l’ordre de l’employer dans toutes les fonctions de procureur du roi avant la création de l’office.
Ainsi, au moment de la publication de l’édit, le sieur Olivier se trouve en fonction et souhaite acquérir l’office. Il s’engage auprès de Mr de Montmort à prendre et acheter la charge de procureur du roi, dont la finance est fixée à huit mille livres, en payant quatre mille livres comptant et le restant en deux paiements égaux de six mois en six mois du jour que les provisions lui seront remises.
Le 15 juillet 1704, le roi lui adresse les lettres de provision de son office.
Le 3 août 1704, le roi ordonne au nouveau procureur de faire les fonctions de sa charge au port et arsenal de Marseille et mande à Mr de Montmort de le faire reconnaître en sa qualité « de tous ceux et ainsy qu’il apartiendra ».
L’exempt
Le premier exempt de la prévôté des galères semble être un sieur François Chouart, qui en possède l’office le 11 décembre 1704.
Le greffier
L’office de greffier est levé par le sieur Hébert dont nous avons entendu parler en termes non équivoques par le major des galères, Mr de Bombelles.
Les archers
Au moment de la parution de l’édit de création des offices d’archers de la marine et des galères, neuf archers sont en fonction à Marseille. Trois d’entre eux servent depuis la création de la prévôté des galères en 1680. L’un d’eux, Jean Legay, dit Le Prieur, est né en 1634. Ayant servi dans les gardes françaises pendant quinze ans, il a exercé les fonctions d’archer des galères depuis plus de trente-cinq ans lors de la parution de l’édit. Il ne dispose pas des fonds nécessaires pour acheter la charge, et il est jugé trop vieux. Il est donc congédié. Un autre archer, Jean Themeze, ne peut également consigner la moindre somme. Il est également congédié. Enfin, le troisième, Barthélémy Favier, réussit péniblement à trouver quelque argent qui lui permet de rester en charge.
Sur les six autres archers, deux ne peuvent trouver l’argent nécessaire et sont de ce fait congédiés purement et simplement.
Ainsi, sur les neuf archers qui étaient en poste à Marseille en 1704, cinq vont être agréés et acheter leurs offices. L’âge ne semble pas avoir eu un rôle essentiel dans l’élimination des anciens archers, car certains nouveaux archers sont agréés malgré leur âge avancé.
Évolution des offices
Un édit de décembre 1709 crée sept mille huit cent soixante-quinze livres d’augmentation de gages héréditaires au bénéfice de huit inspecteurs de vivres et des prévôts, lieutenants, procureurs et greffiers des prévôtés des arsenaux de la marine. Cette augmentation est faite sur le pied du denier seize, à la charge par les officiers de payer sur les quittances du trésorier des revenus casuels la finance principale de ces augmentations de gages et les deux sols par livre de celles-ci. Ces deux sols ne seront pas perçus de la part des officiers qui auront réglé la finance principale dans les conditions de l’édit, à savoir une moitié comptant un mois après la signification des rôles à leurs personnes ou à leurs domiciles, et l’autre moitié deux mois après.
À ces conditions, les prévôts et leurs adjoints seront maintenus et confirmés dans tous leurs privilèges.
Un autre édit d’avril 1713 vient porter réduction des gages qui ne seront plus payés que sur la base du denier vingt, c’est-à-dire au taux de cinq pour cent.
À la suite de ces manipulations, les revenus des officiers et bas officiers de la prévôté s’établiront sur les bases suivantes :
- prévôt : 1575 livres par an ;
- lieutenant : 950 livres par an ;
- procureur du roi : 850 livres par an ;
- greffier : 637 livres 8 sols par an ;
- exempt : 650 livres par an.
Les archers sont toujours payés sur la base de trois cents livres par an.
Au cours de cette période, quelques offices vont changer de titulaires.
L’office de procureur du roi
Le sieur Honoré Olivier meurt le 8 septembre 1712. Son fils lève l’office le 21 décembre 1712, avec huit cents livres de gages. Il tient la charge jusqu’au 1er mai 1716, date à laquelle il est réformé sans avoir servi.
Le sieur du Quesnay fait, pendant de temps-là, les fonctions de procureur du roi, percevant quatre cents livres de revenus, alors que le titulaire de l’office en perçoit, sans servir, quatre cent quarante.
L’office de greffier
Le sieur René Hébert meurt le 11 avril 1710. Il est remplacé par le sieur Joseph Aurivillier, âgé de trente-huit ans, fils d’un marchand de soie de Marseille. Le nouveau greffier a travaillé chez des avocats à Marseille et à Aix. Il a fait plusieurs campagnes sur les galères en qualité de commis aux rafraîchissements et exerce en fait la fonction de greffier depuis le 21 juillet 1707.
L’office d’exempt
Le titulaire de l’office meurt le 25 novembre 1707. Le 6 juillet suivant, un nommé Jean-Louis Dumesnil, ancien archer, en fait l’acquisition, et le vend, le 6 septembre 1710, à un sieur Pierre Desmarets.
Les offices d’archers
Six nouveaux archers sont pourvus d’offices. Parmi eux, deux vendent leurs charges, un autre est congédié, et un quatrième vend sa charge pour acheter une charge d’exempt.
La prévôté des galères et le retour au système de la commission (1716-1781)
Un édit d’avril 1716 vient annuler l’édit d’avril 1704 et supprimer les offices des prévôtés de la marine.
Désormais, les officiers des prévôtés et les archers de la marine recevront des commissions, mais le souvenir des anciens offices ne disparaîtra pas complètement, et nous verrons que l’administration centrale tiendra compte, dans une certaine mesure, de l’hérédité pour pourvoir à certaines de ces fonctions.
L’édit d’avril 1716
Dès le début de la régence, « on rembourse une foule d’offices onéreux pour l’État par un très juste emprunt que l’on demande à ceux qu’on ne supprime pas et dont les charges seront d’autant plus fructueuses ».
Un édit de janvier 1716 vient tout d’abord supprimer les offices de capitaines généraux, lieutenants généraux, majors, aides-majors, commissaires et archers garde-côtes.
Un autre édit d’avril 1716 supprime les offices d’inspecteurs généraux, commissaires de la marine et des galères, commissaires inspecteurs des vivres, commissaires aux classes, officiers des prévôtés et archers de la marine, ainsi que les gages, augmentations de gages, appointements, exemption de droits, logements et autres attribués à ces offices, qui seront remboursés au vu des quittances de finances, provisions et autres titres de propriété. Jusqu’à ce remboursement, un intérêt de quatre pour cent (au denier vingt-cinq) sera payé aux titulaires de ces offices à compter du 1er mai 1716.
Cet édit aura pour première et principale conséquence de diminuer, une nouvelle fois, les revenus des personnels de la prévôté. En effet, le prévôt ne percevra plus que mille livres par an, le procureur du roi quatre cent quatre-vingts livres, l’exempt cinq cents livres, le lieutenant six cents livres, le greffier quatre cent quatre-vingts livres. Seuls, les archers reçoivent une rémunération supérieure : trois cent soixante livres chacun.
Les titulaires des fonctions de la prévôté des galères après 1716
Les titulaires des fonctions de la prévôté des galères recevront des commissions à compter du 1er mai 1716.
Le 16 juin 1748, Jean Philippe, chevalier d’Orléans, général des galères, meurt et sa disparition va entraîner le rattachement de la flotte des galères à celle des vaisseaux.
Il est alors prévu que les personnels de la prévôté des galères resteront en place, et qu’ils iront remplacer les titulaires des fonctions de la prévôté de la marine de Toulon au fur et à mesure des vacances.
En 1771, Il restera encore quatre archers logés dans l’arsenal de Marseille, ce qui permettra au ministre de faire observer que les archers ne sont logés gratuitement dans aucun autre port de guerre.
Enfin, le 3 septembre 1781, l’intendant de Provence, des Galois de La Tour, vend l’arsenal à la ville, à charge pour celle-ci de construire un nouveau quartier.
Tout au cours de cette période, les effectifs de la prévôté iront en décroissant.
Les prévôts généraux
Le sieur de Lourme obtient sa commission le 1er mai 1716 et restera en fonction jusqu’au 27 septembre 1720, date de sa mort.
Le sieur Dilbert, qui lui succède, reçoit sa commission le 8 juillet 1722 sur la base de mille livres d’appointements par an. C’est le dernier prévôt des galères. Il restera en fonction jusqu’à sa mort, après avoir obtenu une retraite dont la moitié réversible à sa femme. Compte tenu de son grand âge, les fonctions de prévôt seront exercées par l’exempt.
Les lieutenants du prévôt
La disparition de l’office de lieutenant entraîne la disparition de la fonction. Le sieur Bonifacy, qui est en place en 1716, obtient une commission d’exempt le 1er mai 1716, dont il fera donation à son fils le 15 février 1739.
Toutefois, le 23 novembre 1762, un sieur Emerigon obtient une commission de lieutenant de prévôté, sans doute pour remplacer le prévôt décédé dont la charge n’est pas reconduite. Un sieur Pélissier obtient une commission semblable le 1er novembre 1778.
Les procureurs du roi
Le sieur Duquesnay a sa commission le 11 mai 1716. Il est remplacé à sa mort, le 10 avril 1756, par son neveu, Martin de Sainte-Croix.
Les exempts
Le sieur Desmarets reçoit également sa commission le 1er mai 1716 et se retire le 1er avril 1726. Il est remplacé à cette date par le sieur Demarck. Puis un sieur Mathieu recevra une commission d’exempt le 27 novembre 1739. Il tiendra le poste jusqu’à sa retraite le 15 février 1755, qu’il prendra à la demi-solde de cinq cents livres. Il aura pour remplaçant un archer nommé Gatinel, dont la commission est datée du 1er mars 1755 et qui, à partir du 29 novembre 1759, restera en fonction en qualité d’archer.
Les greffiers
Le sieur Aurivillier est réformé le 1er mai 1716. Il est remplacé par le sieur Peysson à compter du 22 juillet 1716. Celui-ci mourra de la peste le 9 octobre 1720. Le ler juillet 1721, un autre Bonifacy, prénommé Joseph Férréol, reçoit une commission de greffier. Il pourrait bien s’agir du fils du lieutenant de la prévôté de 1704. Ce greffier décédera en septembre 1765. L’intendant de Toulon propose pour le remplacer un sieur Legier qui a déjà rempli la fonction. Mais le fils du greffier défunt envoie un mémoire au ministre et celui-ci est sensible aux arguments qui lui sont présentés. « Comme les services de ses ancêtres dans cette place et la situation actuelle de sa famille paroissent mériter des considérations, je n’ai rien voulu arrêter avant d’être informé si le sieur Bonifacy n’aurait pas l’âge et les qualités nécessaires pour remplir cette place, et s’il n’y aurait pas à faire quelqu’arrangement praticable en faveur de sa famille ».
Mais le fils Bonifacy n’étant pas en état de remplir cet emploi, le ministre le donne au sieur Legier qui devra, sur ses appointements, procurer la somme de cent quatre-vingts livres par an au sieur Bonifacy fils et deux cents livres par an à la veuve de l’ancien greffier pour l’ancienneté des services de son mari dans une place que ses ancêtres avaient successivement occupée depuis un temps immémorial.
En 1781, l’arsenal des galères est vendu à la ville de Marseille, alors qu’il y a en place trois officiers et quatre archers de la prévôté des galères. Chacun d’entre eux reçoit une retraite proportionnelle à son temps de service et les archers, délogés de l’arsenal, percevront une indemnité pour leur logement.
Nous avons assisté à la naissance, à la vie et à l’extinction de la prévôté des galères de Marseille.
Cette institution a connu trois grandes périodes dans son siècle d’existence.
Tout d’abord, il ne s’agit que d’un embryon de prévôté, destiné à porter assistance, dans leur mission de maintien de l’ordre et de justice, aux autorités civiles et militaires responsables des galères. Cet essai d’implantation d’une prévôté, sur le modèle de celles établies dans les provinces et dans les ports de guerre du royaume, ayant donné de bons résultats, l’institution se précise, se définit et se rapproche des modèles existant. Il s’agit alors d’une véritable prévôté, dont toutes les fonctions sont remplies et érigées en offices. Enfin, avec la suppression de ceux-ci, la prévôté connaît une période de stabilisation, puis décline jusqu’à sa disparition.
Quelques éléments doivent être dégagés, qui sont susceptibles d’éclairer certains aspects de la fonction publique sous l’Ancien Régime.
Nous avons constaté que chaque période considérée aboutit à une perte de revenus pour certains personnels de la prévôté. Le prévôt, par exemple, dont les appointements sont de mille huit cents livres de 1680 à 1704, ne perçoit plus que mille cinq cents livres de 1704 à 1716 et mille livres de 1716 à la fin de la période considérée. Mais il ne faut pas en tirer des conclusions trop hâtives et en déduire qu’on a affaire à une fonction qui se dévalue. Outre les profits de justice, dans le détail desquels nous n’aurons pas pu entrer, il convient de signaler que certains officiers cumulent souvent leurs fonctions dans la prévôté avec d’autres, sans doute très lucratives, tel un lieutenant ou un procureur du roi qui exerce des fonctions d’avocat, tel un greffier qui est en même temps notaire royal…
Cette constatation doit être reliée au désir que l’on semble avoir alors d’exercer des fonctions honorifiques. Les fonctions de la prévôté ne manquent pas de panache. Outre les brillantes tenues aux armes du roi et la considération accordée aux porteurs de la bandoulière, il ne paraît pas faire de doute que ces fonctions donnent à ceux qui les exercent un prestige très recherché. Nous en voulons pour preuve le nombre élevé de candidatures qui se manifestent lors d’une vacance.
Nous n’avons pu trouver de personnages illustres parmi les membres de cette prévôté, encore que le dernier lieutenant, Emerigon, semble avoir eu quelque notoriété sur la place de Marseille. Par contre, dans d’autres prévôtés, des personnalités apparaissent. François-Xavier Dejean, dernier prévôt de la marine à Toulon, et Regnault de Saint-Jean d’Angély, que nous avons rapidement évoqué, qui deviendra conseiller d’État sous l’Empire.
D’autre part, malgré la suppression des offices, une certaine idée d’hérédité dans la succession des charges continue à se manifester, surtout parmi les fonctions supérieures de la prévôté. Tel procureur a pour successeur son neveu, ou tel greffier verra son fils le remplacer. Tout cela semble alors normal et il apparaît que l’on attache tout particulièrement à la valeur des services rendus par telle famille qui, depuis quatre-vingts ans, c’est-à-dire « un temps immémorial » pour l’époque, sert le roi avec fidélité.
Nous avons également constaté toute une série d’arrangements qui nous semblent aujourd’hui insolites. Tel postulant est agréé dans la mesure où il laissera une partie de ses revenus à la veuve, au fils ou à la fille de son prédécesseur décédé. Il peut même arriver, malgré le système de la commission, que les officiers en place, soit à cause de leur grand âge, soit peut-être à cause d’autres occupations, se fassent assister d’un aide ou d’un adjoint, plus jeune et plus dynamique, rémunéré par leurs soins, et qui lors de la disparition du titulaire, demandera la place. Il a même existé des conventions en ce sens, que le roi n’ignore pas et tolère.
Ainsi, l’idée de propriété des charges de la prévôté, si elle a juridiquement disparu avec la suppression des offices en 1716, est toujours latente dans leur système de transmission.
Il ne faut sans doute pas généraliser cette constatation à l’ensemble de la fonction publique. Peut-être, par ce système, entend-on alors assurer une plus grande continuité et une meilleure efficacité de cette seule institution, dont les attributions de justice militaire appliquée à la marine demandent une certaine connaissance du milieu, des problèmes qui s’y posent et des textes à appliquer. Ce sont ces attributions que nous allons envisager maintenant.
La création en 1680 d’une prévôté des galères, même si elle présente l’aspect d’une œuvre inachevée, correspond à plusieurs préoccupations :
- permettre au chef militaire et au chef de l’administration que sont respectivement le général et l’intendant de disposer d’un officier spécialisé et de personnels chargés de la recherche des criminels ;
- un certain nombre de ces crimes étant de la compétence du conseil de guerre, prévoir que, dans certains cas, le prévôt sera chargé de leur instruction ;
- d’autre part, l’intendant des galères recevant, par commission, le pouvoir de juger exceptionnellement certains faits délictueux, prévoir l’intervention du prévôt des galères dans la procédure suivie, soit pour rechercher les infractions, soit pour instruire les procès, soit encore pour les juger sur délégation de l’Intendant ;
- enfin, les prévôts des galères étant créés avec les mêmes pouvoirs que les prévôts de la marine, et ceux-ci l’ayant été dans les mêmes conditions que les prévôts des maréchaux, on aurait pu penser que la prévôté des galères deviendrait également une institution ayant ses caractères propres tels qu’ils émanent de l’ordonnance de 1678. Il faudra attendre la période qui va de 1704 à 1716 pour voir la prévôté des galères revêtir un tel aspect.
Au départ, il est prévu que le prévôt des galères recevra des ordres du général et de l’intendant. Or ce dernier verra ses pouvoirs augmenter sans cesse au détriment de ceux du général. Il n’y a rien d’étonnant alors à ce que le prévôt se trouve plus directement placé sous les ordres de l’intendant et qu’il emploie son activité à l’assister dans ses fonctions essentielles de justice et de police. Son rôle au tribunal de l’intendant sera prépondérant en même temps que les attributions judiciaires de celui-ci iront elles-mêmes en croissant. De même, le rôle du prévôt deviendra de plus en plus important en matière de police administrative. La confusion des attributions d’administration et de justice en une même main aura pour conséquence de donner naissance à une institution qui concentrera ces mêmes attributions.
Ainsi, deux grands chefs d’attribution du Prévôt des galères apparaissent :
- tout d’abord, des attributions de justice, à la fois d’ordre judiciaire et juridictionnel ;
- à ces attributions originelles du prévôt vont s’adjoindre des attributions de police administrative.
CHAPITRE V - LES ATTRIBUTIONS D’ORDRE JURIDIQUE DU PRÉVÔT DES GALÈRES
Ces attributions peuvent être regroupées sous deux rubriques principales :
- les attributions judiciaires du prévôt qui l’entraîneront dans des missions de recherche des infractions et dans des missions d’information ou d’instruction ;
- les attributions juridictionnelles du prévôt qui lui donneront vocation à juger « prévostalement » certaines infractions.
Les attributions judiciaires de prévôt
Dans ces attributions, le Prévôt agit tantôt comme organe de recherche des infractions - nous dirions aujourd’hui comme officier de police judiciaire - et tantôt comme organe d’instruction.
Le Prévôt, organe de recherche des infractions
Dans leur mission de recherche des infractions, les prévôts et leurs adjoints disposent de compétences variables suivant le type d’infraction. Tantôt, ils reçoivent une compétence territoriale très étendue leur permettant de rechercher les infractions sur toute la surface d’une province, voire même sur l’ensemble du territoire. Tantôt, au contraire, leur compétence territoriale se trouve circonscrite aux limites mêmes de l’arsenal des galères. C’est ainsi que les prévôts reçoivent une compétence territoriale étendue pour la recherche des matelots et soldats déserteurs et des forçats ou des Turcs évadés. Par contre, pour les autres infractions, leur compétence territoriale est limitée à l’arsenal des galères.
La recherche des matelots et soldats déserteurs
Nous avons vu que la désertion est la plaie récurrente des armées de l’Ancien Régime, particulièrement pendant l’époque que nous traversons.
C’est en grande partie pour aller à la recherche des matelots et soldats qui désertent qu’un Prévôt est établi à Marseille par le règlement du 23 janvier 1680.
La recherche des déserteurs a toujours été une mission traditionnelle des prévôts. Ceux de la marine avaient été créés essentiellement pour aller rechercher les déserteurs, instruire leurs procès et en faire le rapport au conseil de guerre.
À cet effet, il est prévu que lorsque des matelots ou soldats désertent, le capitaine de la galère le fait rechercher ou en donne le nom au prévôt.
Ce genre de mission peut entraîner le prévôt et ses adjoints bien loin de la résidence. C’est ainsi que nous voyons le prévôt et ses archers à Gap, en Dauphiné, en Languedoc et en Provence, le long des côtes d’Italie jusqu’à Monaco, à Beaucaire, Tarascon, Sisteron, Manosque, Pignerol.
Il nous faut faire une constatation préalable. À cette époque, matelots et soldats sont soumis à des régimes d’incorporation différents. Les matelots, après avoir été soumis au système de la presse, connaissent le service des classes, tandis que les soldats sont placés sous le régime de l’engagement volontaire.
Il semble que le service des classes, s’il n’empêche pas ce que nous appelons aujourd’hui l’insoumission, ait rendu plus difficile la désertion des matelots, alors que l’engagement volontaire laissait toute liberté au soldat déserteur de contracter un embauchage dans une autre compagnie de terre. C’est sans doute la raison pour laquelle les désertions de soldats sont plus fréquentes que celles des matelots.
Le major des galères, lui-même informé des désertions, dénonce leurs auteurs au prévôt.
Une prompte recherche permet souvent la capture des déserteurs. Mais les capitaines d’armes et les sergents des galères, au lieu de faire immédiatement la déclaration de désertion dès qu’ils en ont connaissance, « prennent toutes sortes de précautions pour les cacher le plus longtemps qu’ils peuvent afin de faire courir la solde des soldats et tâcher d’en profiter ». Ainsi, les déserteurs ont tout le temps de s’éloigner.
Pour porter remède à ce genre d’abus, par ordonnance du 12 septembre 1691, le roi ordonne que les capitaines d’armes et les sergents des compagnies des galères « seront tenus à l’avenir de déclarer au Commissaire Général ayant le département des troupes ceux des soldats qui auront déserté », sous peine de la privation de leur solde pour la première fois et de cassation en cas de récidive.
L’arrestation des déserteurs n’est pas alors chose facile. En effet, une ordonnance du 14 septembre 1681 prévoit que tout soldat déserteur qui tirera l’épée ou quelque autre arme défensive contre le Prévôt et ses archers sera puni de mort.
Les officiers des régiments d’infanterie, de cavalerie et de dragons n’hésitent pas à venir jusqu’à Marseille pour y débaucher des soldats des galères.
Mais également des soldats désertent et demandent à être reçus dans une autre compagnie de terre. C’est ainsi que de nombreux soldats de la compagnie des galères, afin de percevoir la prime d’embauchage, prennent parti dans des revues de terre. C’est la raison qui amène, en 1690, le prévôt des galères à Barjols. Il entend ramener un soldat des galères qui s’est embauché dans une compagnie de cavalerie. Mal lui en prit. Notre prévôt arrive bien à arrêter le nouveau cavalier, mais toute la compagnie vient l’attaquer dans son logis, le maltraitant ainsi que ses archers.
Le prévôt demande alors aux consuls de Barjols de lui prêter main-forte. Mais il n’a pas plus de succès que Mr de Ponteves dix ans auparavant. Les consuls se moquent et lui et de la commission de l’intendant qu’il leur fait voir.
Le sieur de Loume reprend la route de Marseille avec son escorte. Mais, à une lieue de Barjols, quarante cavaliers l’attaquent et le maltraitent.
Les soldats qui dépassent les limites de Marseille sont considérés comme déserteurs. En effet, par une ordonnance du général des galères en date du 29 octobre 1685, il est fait défense aux soldats des galères de s’éloigner de plus d’une lieue des environs de Marseille et de passer les limites marquées par cette ordonnance sous peine d’être condamné aux galères perpétuelles comme déserteurs.
Par ordonnance du 7 novembre 1685, l’intendant Bégon permet à toute personne d’arrêter les soldats qui seront trouvés hors des limites prescrites de la ville de Marseille et de les conduire sur la galère Réale où il lui sera payé comptant la somme de trente livres pour chaque déserteur ramené.
Une ordonnance du roi du 9 janvier 1687 vient confirmer celle de Mr de Vivonne du 29 octobre 1685.
Une nouvelle ordonnance du roi du 31 octobre 1691 exige, pour sortir des limites, un congé imprimé signé du capitaine, visé du commandant et de l’Intendant et enregistré par le Commissaire Général des troupes.
En exécution de ces textes, le prévôt reçoit l’ordre de Mr le bailli de Noailles de se tenir, avec ses archers, au-delà des limites, ainsi que des sergents, afin d’empêcher les troupes de sortir de la ville et de l’envie de déserter, « à présent qu’elles sont habillées de neuf de pied en cap ».
Pour tenter de reprendre les déserteurs, il est prévu de faire garder le passage des barques, notamment sur la Durance. En effet, cela n’empêche pas les déserteurs de passer la Durance au bas de Malemort pour se rendre à Cavaillon et, de là, dans le Comtat.
Mais les capitaines des compagnies des galères ne restent pas inactifs et tentent également de débaucher des soldats de terre. L’intervention du roi est nécessaire et une ordonnance du 14 avril 1692 vient interdire cette pratique.
La recherche des forçats évadés
Les évasions de forçats et de Turcs sont très fréquentes. Lorsqu’une évasion survient, le major et le prévôt sont immédiatement prévenus. Un coup de canon est tiré du fort Notre-Dame pour prévenir la population à laquelle les ordres du roi font défense de porter assistance aux galériens évadés.
Mais la ville de Marseille est déjà à cette époque très cosmopolite. Des Turcs libérés ou évadés, des « boèmes », des forçats en rupture de ban sont tout prêts à porter aide et assistance à ceux qui ne veulent pas attendre le bon plaisir du roi. D’autre part, nombreux sont les forçats qui ont leurs femmes en ville, sans doute pour faciliter leurs évasions et préparer des perruques et des vêtements qui remplaceront leur bonnet rouge et leur robe.
Les évasions sont particulièrement fréquentes pendant les espalmages des galères, parce qu’on est obligé d’envoyer des Turcs à divers endroits pour faire le service nécessaire, et il est alors impossible de les garder de près. C’est la raison pour laquelle le ministre ordonne que, pendant la durée de cette opération, le prévôt des galères se mette en campagne avec ses archers pour arrêter ceux qui voudraient s’évader.
Lorsqu’ils retrouvent un forçat ou un turc, le prévôt et ses archers perçoivent, comme pour un déserteur arrêté, la somme de trente livres. Cette somme est également versée à tout civil qui ferait une telle capture.
La poursuite des bohémiens
Les « boèmes » stationnent alors aux frontières de la Provence. Le Prévôt va à leur poursuite. Ceux qu’il ramène sont mis à la chaîne et conduits sur les galères pour y servir comme forçats sans aucune forme ni figure de procès.
D’autre part, il est interdit à toute personne de leur donner retraite sous quelque prétexte que ce soit sous peine d’être rendu personnellement responsable des vols et désordres que ces gens pourront avoir commis.
Les Prévôts arrêtent les déserteurs, les galériens évadés et les bohémiens sans qu’il y ait de décrets de prise de corps décernés à leur encontre.
La recherche des auteurs d’autres infractions
Pour les autres infractions, commises dans l’arsenal, le Prévôt voit sa compétence territoriale limitée à l’enceinte de l’établissement. Ainsi, le Prévôt et ses archers arrêtent les criminels et tous ceux désignés par l’autorité, c’est-à-dire par les deux chefs de la justice et de la discipline, à savoir le général pour le conseil de guerre des galères et l’intendant pour la police à terre pour tous les crimes et délits commis dans l’arsenal. Par contre, pour les infractions commises hors de l’arsenal, la justice civile est compétente, même si les auteurs de ces infractions sont des militaires. Le roi en a décidé ainsi à la suite d’une affaire survenue en 1660. Cette année-là, deux soldats avaient été emprisonnés à Metz par ordre du parlement de la ville, sans en informer le commandant pour le roi dans cette ville, qui se trouvait être Mr de Bombelles, le père du major des galères. Mr de Bombelles fit prendre les armes à sa garnison et fit enfoncer toutes les prisons pour récupérer ses soldats. Et ce fut en cette occasion que le roi décida en faveur de la justice civile, mais sans désapprouver toutefois l’attitude du commandant de la garnison. Le roi ordonna qu’à l’avenir, pour éviter les inconvénients qui pourraient arriver, la justice civile ferait part au commandant d’armes des cas qui arriveraient entre bourgeois et soldats avant d’emprisonner ceux-ci.
Les infractions commises par les bas officiers et soldats des galères sont nombreuses, car ces militaires sont logés dans la ville même de Marseille ou dans son terroir. Ils échappent ainsi, en dehors de leur service, à la surveillance de leurs officiers, et les crimes qu’ils commettent en ville restent souvent impunis du fait qu’ils désertent par la suite. Les officiers des galères s’en plaignent et réclament des casernes. Cette impunité, dont semblent bénéficier les soldats des galères, est due également à la faiblesse des effectifs de police dans la ville de Marseille. Le 20 juillet 1687, le chevalier de Breteuil, chef d’escadre, écrit au ministre que « la ville de Marseille est plus mal policée que n’était Paris ». Peu de temps après, Mr Hurson de Bonrepaus, Commissaire général des classes en mission, s’exprime en termes identiques et parle « du peu d’ordre et du deffaut de polisse qu’il y a dans Marseille et dans le port ».
D’autre part, en ce qui concerne les vols commis par les membres des équipages des galères dans la ville de Marseille, « les habitants ne veulent point les poursuivre devant les juges ordinaires parce qu’ils seraient obligés d’achepter trop cher la justice qu’ils en feroient ». Cela fait qu’ils ont recours aux officiers des galères pour en faire la punition ; mais ceux-ci n’ont pas le pouvoir de les juger en ces cas-là. Ils se contentent de les faire mettre à la chaîne pour quelques jours, ce qui est parfois un moyen de leur faire restituer ce qu’ils ont pris. Après quoi, on les remet en liberté, quand même ils n’auraient rien restitué des choses volées, parce que les parties cessent de les poursuivre ou s’en lassent. Et les juges des lieux ne réclament pas les coupables, les officiers des galères ne les leur remettant pas, étant assurés qu’on les laissera languir dans les prisons sans faire de procédure contre eux. Il en a été ainsi de plusieurs qui leur ont été remis et qu’ils ont ensuite absous sans les remettre aux officiers des galères qui les ont perdus. Cette espèce d’impunité dont bénéficient les membres des équipages des galères n’est pas faite pour arrêter les désordres dans la ville.
Les fréquentes bagarres qui surviennent alors dans Marseille entre soldats des galères et bourgeois de la ville attirent l’attention du roi qui ordonne qu’en pareils cas les officiers de justice de cette ville en connaîtront, après avoir appelé le major des galères pour assister au jugement.
Cette décision ne tarde pas à entraîner d’autres difficultés. En effet, ces mêmes officiers de justice, que nous avons vus il y a un instant fort réticents pour rendre leur justice, « prétendent devoir juger les demesles qui arrivent entre les équipages des galleres comme matelots et mariniers de rame quoiqu’il n’y ayent point eu de bourgeois de mesles, et prétendent que le Major ne peut assister au jugement, l’ordre du Roy ne parlant que de soldats ».
Les officiers des galères s’inquiètent de cette prétention et estiment que « les matelots et mariniers de rame estant de l’equipage des galleres ne peuvent être jugés que par le conseil des galleres ». Il arrive en effet souvent que ces officiers de justice laissent les matelots et mariniers plusieurs mois en prison « sans vuider leurs affaires, ce qui les ruine et les met hors d’estat de pouvoir servir, et ils mettent insensiblement tout le corps des Galleres sous leur juridiction ».
Ainsi, en principe, le prévôt des galères possède, en matière de recherche et d’arrestation, hors les cas d’évasion, de désertion et ceux mettant en cause des bohémiens, une compétence territoriale limitée à l’enceinte de l’arsenal des galères.
Par contre, sa compétence en tant qu’organe d’instruction paraît moins strictement limitée.
Le Prévôt, organe d’instruction
Le prévôt général des galères, de même que les prévôts de la marine, dispose de pouvoirs d’instruction au sein du conseil de guerre et du tribunal de l’intendant.
Les attributions du Prévôt Général des Galères dans la tenue du Conseil de Guerre
Les prévôts généraux de la marine avaient vu leurs prérogatives minutieusement définies au sein des conseils de guerre de la marine. Le prévôt général des galères, lors de sa création en 1680, entrera dans le sein d’une institution déjà ancienne, bâtie sur le modèle des conseils de guerre de la marine.
Il convient de préciser ce qu’est un conseil de guerre. Il s’agit d’une assemblée d’officiers présents dans le port, réunie pour juger suivant les ordonnances un criminel, soldat, matelot et autres gens de la marine qui ont commis des délits portés au conseil par l’officier chargé de l’instruction.
Le rôle des prévôts de la marine dans les conseils de guerre avant 1680
Une ordonnance royale du 23 septembre 1633 paraît être le texte le plus ancien concernant le rôle des prévôts de la marine dans la tenue des conseils de guerre. Elle prévoit que « les officiers, mariniers et matelots qui ne se seront pas rendus dans les ports au temps prescrit par les publications qui en seront faites aux prosnes des messes paroissiales, ou qui autrement se seront absentés pour éviter de servir sur ces vaisseaux, seront jugés par le Conseil de Guerre », les déserteurs devant être condamnés à la peine de mort.
Un règlement du 13 septembre 1673, donné à Nancy, fixe le rôle du prévôt général de la marine au sein du conseil de guerre « pour le jugement des crimes qui pourront être commis et, spécialement pour la punition des déserteurs ».
La plainte est déposée au prévôt, à son lieutenant ou à l’aide-major par le capitaine du bord duquel le matelot ou le soldat aura déserté, ou par le commandant chargé de la levée des matelots et soldats.
Puis, le prévôt ou son lieutenant, en chaque port, instruira le procès de l’accusé et, en cas d’absence du prévôt ou de son lieutenant, l’aide-major de la marine prendra soin d’instruire ledit procès.
« Le major, ou, en son absence, l’aide-major des vaisseaux, fera les fonctions de procureur de sa majesté, et donnera les conclusions interlocutoires ou définitives, nécessaires à l’instruction du procès. Après que l’instruction du procès sera achevée, le vice-amiral ou, en son absence, les lieutenants généraux chefs d’escadre, ou le plus ancien capitaine de la marine, arrêtera un jour pour le jugement des criminels, et fera avertir les capitaines afin de s’assembler dans un lieu qui leur sera marqué ».
« Les juges seront au nombre de sept, et en cas où il n’y aurait pas assez de capitaines présens dans le port, les lieutenants seront appelés au jugement du procès, jusqu’à ce que le nombre de juges soit complet.
Aucun autre officier ne sera reçu dans ledit Conseil.
La messe sera dite avant le jugement et les juges doivent être à jeun.
Le conseil étant assemblé, le prévôt ou celui qui aura instruit le procès en son absence, fera le rapport, et ensuite l’accusé sera introduit pour être interrogé sur la sellette.
Après que le criminel aura été interrogé par le président, et se sera retiré, les juges opineront suivant leur rang, savoir celui qui a fait le rapport le premier et ensuite le dernier officier, et ainsi successivement jusqu’au président qui comptera les voix et arrêtera le jugement ».
Il convient de noter que l’intendant des galères ou le commissaire général de la marine a toujours la seconde place dans le conseil de guerre.
Dans les cas d’un crime commis par un officier et justiciable du conseil de guerre, le procès est alors instruit par le major, par ordre de l’officier général commandant dans le port, et le rapport et le jugement sont faits dans les mêmes conditions que pour un déserteur.
Mais le règlement de 1673 va entraîner certaines difficultés d’interprétation. Les prévôts généraux de la marine et leurs lieutenants prétendent qu’ils doivent avoir « entrée, scéance et voix délibérative et rapporter couverts », et les officiers de marine soutiennent qu’ils doivent « estre traités dans toutes les fonctions, tout ainsy que les Prévôts Généraux de la Connétablie et Mareschaussée de France le font dans les Conseils de Guerre des troupes de terre ».
Pour trancher ce différend, un nouveau règlement, pris au camp de Dôle, le 7 juin 1674, définit « les fonctions de la charge de Prevot Général de la Marine ou ses lieutenants ». Le roi ordonne que le Prévôt Général de la Marine et ses lieutenants « fassent le rapport dans les Conseils de Guerre… debout et découverts sans avoir voix délibérative ».
Le Règlement du 23 janvier 1680 sur la tenue du Conseil de Guerre des Galères
Le conseil de guerre des galères est une institution ancienne qui semble s’être établie sur le modèle constitué par les conseils de guerre des vaisseaux. En effet, le capitaine général des galères avait reçu, depuis longtemps, des pouvoirs juridictionnels.
Le règlement du 23 janvier 1680, en même temps qu’il porte établissement d’un Prévôt, d’un lieutenant et d’archers pour la poursuite des crimes qui se commettent sur les galères, traite de la tenue des conseils de guerre des galères.
Le fait d’avoir inclus dans le même texte les règles de fonctionnement du conseil de guerre et l’organisation de ce que nous avons considéré comme un embryon de prévôté, montre le souci de l’administration centrale de la marine de disposer d’un officier spécialisé dans l’instruction des crimes relevant de cette juridiction.
Ce règlement prévoit que lorsqu’un soldat ou un matelot des galères aura déserté, ou lorsque quelque autre crime aura été commis sur les galères, la plainte sera portée par un des aides-majors au général des galères ou à celui qui commandera en son absence. La plainte sera ensuite renvoyée au prévôt ou à son lieutenant pour instruire le procès à l’accusé. Le procès sera fait au coupable par interrogatoire, recollement et confrontation ainsi qu’il se pratique ordinairement dans les procédures criminelles.
Le règlement de 1680 reprend les dispositions des textes de 1673 et 1674 concernant les conseils de guerre des vaisseaux, avec cependant une différence importante. En effet, s’il prévoit également que le prévôt, ou celui qui aura instruit le procès en son absence, fera le rapport debout et découvert, le règlement de 1680 donne voix délibérative au rapporteur, donc au prévôt. Ainsi, il semble qu’à cette époque, le prévôt de galères dispose de plus de pouvoir que ses collègues de la marine dans la tenue des conseils de guerre.
Si la présence du prévôt au sein du conseil de guerre ne paraît jamais remise en cause - car c’est lui qui fait la besogne la plus ingrate – il n’en sera pas de même de la place qu’on entend lui voir occuper au sein de cette institution.
Évolution du rôle du Prévôt dans la tenue du Conseil de Guerre
La grande ordonnance sur la marine du 15 avril 1689 consacre le Titre I du Livre IV à la « Justice de Guerre ». Elle ne fait que reprendre les dispositions des ordonnances et règlements antérieurs.
Il est prévu que « le prévôt ou son lieutenant fera son rapport debout et découvert, sans avoir voix délibérative ».
Le prévôt est tenu d’achever sa procédure dans l’espace de deux fois vingt-quatre heures, quand il n’y a pas de raison considérable pour la retarder. Ainsi, « ce n’est pas par son extrême rigueur, mais par sa prompte expédition » que la justice de guerre doit parvenir « à contenir et intimider les méchans ».
L’édit d’avril 1704, portant création d’offices dans les prévôtés de la marine et des galères, dispose « qu’a la requeste de nostredit procureur et sur ses conclusions », le procès sera « instruit contre les déserteurs et rapporté au Conseil de Marine par le Prevost ou son Lieutenant… ».
« Et pour donner des marques d’honneur et de distinction aux Prevosts et leurs Lieutenants », le roi entend déroger « aux règlements du 23 septembre 1673, 7 juin 1674 et autres qui peuvent avoir été rendus sur la fonction des Prevosts et leurs Lieutenants ; et, en conséquence Voulons qu’à l’avenir le Prevost ou le Lieutenant, lorsque l’instruction sera achevée et le procès en estat d’estre jugé, en fassent le rapport au Conseil de Marine assis et découvert ».
L’ordonnance du 22 juillet 1705 vient encore régler et préciser le rang des prévôts de la marine dans les conseils de guerre. Il est prévu que « dans les Conseils de Guerre qui seront assemblés dans les ports pour juger les soldats déserteurs », les Prévôts de la marine y feront « le rapport des procès qu’ils auront instruits assis et découverts, que les sièges sur lesquels ils seront assis seront « esgaux a ceux des officiers qui composeront lesdits Conseils », qu’ils ne seront pas « dans le rond que ces officiers composeront, mais un peu recules vis-à-vis du président, ayant une table au-devant d’eux pour y mettre leurs papiers » ; et qu’après avoir fait leur rapport, ils opineront les premiers et donneront leur voix sur la punition des coupables, « laquelle sera comptée comme celles des officiers dont les Conseils seront composés ».
Une nouvelle ordonnance du 26 mai 1706 vient à nouveau régler le rang et les fonctions des prévôts de la marine et des galères dans les conseils de guerre. Elle reprend mot pour mot les termes de celle du 22 juillet 1705.
Cette succession d’ordonnances tend à prouver que des difficultés se manifestent. Le roi est d’ailleurs mis au courant des contestations qui surviennent dans les conseils de guerre tenus pour la punition des déserteurs et il ordonne, veut et entend que « les prevosts de la marine et des galères y fassent les rapports des procès qu’ils auront instruits, assis et decouverts… ».
Des difficultés se présentent alors sur l’instruction et le rapport des procès concernant la prise des vaisseaux du roi commandés par les officiers de sa majesté et autres actions d’honneur que le roi fait mettre au conseil de guerre. Se fondant sur l’édit d’avril 1704 et l’ordonnance royale du 22 juillet 1705, qui leur donne l’entrée dans les conseils de guerre et voix délibérative, sur l’édit du 31 décembre 1709 qui leur attribue même pouvoir et mêmes fonctions que ceux attribués aux prévôts des maréchaux, les prévôts de la marine et des galères prétendent qu’ils sont en droit d’instruire et de rapporter ces sortes d’affaires. « Ils representent qu’il seroit fascheux de les enfermer dans les seules affaires qui concernent les matelots et soldats deserteurs ».
Mais l’article 16 du Titre I du Livre IV de l’ordonnance du 15 avril 1686 vient préciser que « en cas qu’un officier ait fait quelque crime qui mérite d’être miss au conseil de guerre, l’aide-major instruira le procès par ordre de l’officier général qui commandera dans le port ».
Les majors et les aides-majors prétendent que la connaissance d’un pareil cas leur appartient, non seulement par les dispositions de l’ordonnance du 15 avril 1689, mais également parce qu’il est naturel qu’un officier de marine paraisse « plus propre à rapporter et donner ses conclusions sur une affaire d’un combat, qu’un Prevost. D’ailleurs, la plupart des officiers que l’on met au Conseil de guerre se trouvent offenses d’estre interroges par les Prevosts. Cependant, il est arrivé dans quelques ports que les Commandants ont chargé les Prevosts de ces sortes d’affaires, et que dans d’autres, ils en ont remis la fonction, aux Aides-Majors ».
Mais le roi entend mettre fin à ces contestations et énoncer des règles uniformes. En conséquence, par circulaire du 1er avril 1711, il ordonne aux intendants des ports de faire établir par les majors et les prévosts des mémoires sur leurs prétentions à ce sujet, mémoires qu’ils examineront avec les commandants dans le port et de donner leur avis sur le tout.
À la suite de ces consultations, le roi décide, par lettre circulaire du 14 octobre 1711 que les majors et aides-majors de la marine et des galères seront à l’avenir chargés d’instruire ces genres de procès et que les prévôts instruiront et rapporteront seulement ceux des matelots et soldats déserteurs ainsi que ceux qui sont accusés de crimes capitaux dont les prévôts des maréchaux ont connaissance.
L’édit du mois d’avril 1716 supprime les offices de la prévôté dans les ports et arsenaux de la marine. Par ordonnance du 21 juillet 1716, le roi, « voulant renfermer les officiers qui exerceront dorenavant ces emplois par commission », décide qu’ils agiront conformément à l’ordonnance du 15 avril 1689, c’est-à-dire « debout et decouvert sans avoir voix délibérative ».
Cette disposition sera reprise par tous les textes ultérieurs pris en la matière, et notamment l’article 1268 du Titre 52 Livre 16 de l’ordonnance du roi concernant la marine du 25 mars 1765.
Ainsi, pour tous les cas prévus par les textes concernant la marine, notamment ceux de 1673, 1689 et 1765 le prévôt rapporte « debout et découvert » au Conseil de guerre, sauf de 1704 à 1716, où il lui est permis d’être « assis et découvert ». Le prévôt y est également juge de 1673 à 1674 et de 1704 à 1716.
Nous avons vu que le prévôt des galères avait été installé, en 1680, « pour la poursuite des crimes qui se commettent sur les galères ». On aurait pu penser que le prévôt serait embarqué sur ces navires, comme cela avait été le cas en 1622. Or, dès son arrivée à Marseille, le sieur Boursin de Saint-Trez fut surtout obligé de courir après les déserteurs dans différentes régions, ce qui sans doute l’amena à s’installer dans Marseille et à s’occuper de plus en plus des affaires propres à l’arsenal.
Or des difficultés surgissent lorsque les galères sont hors du port de Marseille, et la question se pose alors de savoir qui doit instruire les procès. En effet, les commissaires de la marine prétendent que c’est aux aides-majors de faire la fonction du prévôt. Quant à ceux-ci, ils soutiennent le contraire et prétendent que l’on a toujours vu les commissaires instruire les procès.
Devant ce conflit négatif de compétence, le roi promulgue une ordonnance » portant que les procès seront instruits par l’aide-major en l’absence du Prévôt ».
Mais cette solution ne semble pas convenir au bailli de Noailles, lieutenant général des galères, qui n’hésite pas à écrire au ministre, le 11 avril 1692, pour lui demander que « le Prévost s’embarque avec deux archers ». « Nous en avons besoin pendant que nous sommes à la mer », écrit-il, « non seulement pour courir après les soldats et forçats qui se sauvent lorsque nous sommes dans les ports de sa majesté et dans ceux des etrangers amis, ainsy qu’il arriva l’année passée dans ceux de Villefranche, de Nice et de Toulon, mais encore pour instruire les procès de ceux qui commettent des crimes pendant la campagne et surtout des gens de chiourme qui se batent entre eux, se revoltent contre les officiers ou se mutilent ». La présence du prévôt permettrait « de punir sans delay pour l’exemple, ce qu’on ne peut cependant pas faire, parce que les Aydes-Majors qui sont obligés de faire ces sortes d’instruction en l’absence du Prévost sont sy peu entendus qu’ils ne scavent pas ou s’y prendre ».
Pour le bailli de Noailles, la présence du prévôt et de ses archers à Marseille est inutile. Prévôt et archers ne font plus de courses comme ils en faisaient autrefois, car l’intendant s’y oppose.
C’est l’époque où les relations entre l’intendant et les officiers du conseil de guerre sont loin d’être bonnes. Mr de Montmort accuse notamment le conseil de guerre de vouloir connaître de tout, ce qui a pour conséquence d’empêcher que l’on applique de justes peines aux crimes qui y sont jugés, et que nombreux sont ceux qui demeurent impunis.
Les affirmations de Mr de Montmort devraient être plus nuancées, car l’impunité dont il parle est toute relative. Quelques condamnations ont pu lui paraître faibles. Par exemple, certains forçats accusés de fabrication de fausse monnaie ont pu s’en tirer avec une oreille coupée ou la bastonnade. Mais lorsqu’il s’est agi d’infractions à la discipline militaire, il en a souvent été autrement les peines sont souvent cruelles.
Les jugements du conseil de guerre des galères
Ces jugements apparaissent dans deux inventaires des procédures et archives des greffiers de la prévôté des galères.
Le premier de ces inventaires concerne « les papiers trouvés dans la chambre de défunt Mr René Hébert, vivant greffier de la Prévôté des galères qui ont été ce jour d’huy 11 avril 1710 remis es mains du Sieur Aurivillier, présent greffier de ladite prévôté ». Il renferme des procès qui se sont déroulés devant le conseil de guerre des galères ou qui ont été jugés par le prévôt entre 1696 et 1708.
Le deuxième inventaire comprend « des procédures et autres pièces remises par Mr Aurivillier, ancien greffier de la prévôté des galères, à Mr Peysson, greffier de ladite prévôté, et les mêmes qui ont été remises audit sieur Aurivillier par Mr Blondel de Jouvencourt, contrôleur des galères, par ordre de la cour ». On y trouve mention de procédures, informations et jugements du conseil de guerre et du prévôt, et en particulier, les informations faites par Mr de Montmort, intendant des galères. Il couvre une période plus vaste que le précédent, puisqu’il s’étend de 1690 à 1715.
Les justiciables du conseil de guerre des galères sont essentiellement les soldats et les matelots, le personnel de surveillance et les forçats.
Les soldats et les matelots des galères
Les infractions qu’ils commettent peuvent être regroupées sous trois chefs :
- les infractions contre la discipline militaire ;
- les infractions contre les personnes ;
- les infractions contre les biens.
Les infractions contre la discipline militaire sont de beaucoup les plus nombreuses. Parmi celles-ci, la plus fréquente est la désertion. Sur vingt et un cas de désertion jugés, dix-huit ont entraîné une condamnation aux galères à vie et trois n’ont été sanctionnées que par des peines de galères à temps (cinq ans, trois ans et un an).
La révolte est durement punie. Un cas de révolte jugé a entraîné une condamnation à la pendaison et quatre autres cas ont conduit aux galères à vie.
Les voies de fait envers des supérieurs sont diversement sanctionnées. Pour avoir maltraité des officiers de l’armée de Terre, le conseil de guerre déclare l’absolution. En revanche, pour voie de fait à l’encontre d’un capitaine d’armes, la peine des galères à vie est infligée.
L’insolence envers des officiers n’est sanctionnée qu’une seule fois, mais sévèrement, et donne lieu à une condamnation aux galères à vie.
Afin de prévenir les troubles dans Marseille, une ordonnance du 28 décembre 1685 avait prévu que les soldats des galères qui seront trouvés en ville avec armes après la retraite seront mis au conseil de guerre et condamné à la peine des galères pour y servir comme forçat pendant un an. En application de ce texte, deux jugements du conseil de guerre, « pour avoir été trouvé avec son épée après la retraite battue », entraînent la même condamnation à un an de galère.
Mais les désordres continueront dans Marseille et un nouvelle ordonnance du 16 décembre 1705 prévoit une peine de trois ans de galères pour ceux qui porteront des armes défensives, et les galères à vie pour les récidivistes.
Enfin, une condamnation pour abandon de poste apparaît. Pour avoir quitté le corps de garde, un soldat est condamné à trois jours d’exposition sur le cheval de bois.
Les infractions contre les personnes (assassinat, tentative d’assassinat et coups et blessures) donnent lieu à des condamnations à des peines relativement faibles, s’échelonnant entre un mois de chaîne et trois ans de galères.
Les infractions contre les biens sont peu nombreuses. Une condamnation aux galères à vie, une cassation et une absolution apparaissent dans les inventaires.
Enfin, une infraction que nous pourrions qualifier d’économique (une affaire de contrebande) entraîne la mise hors de cour et de procès.
Le personnel de surveillance des galères
L’infraction la plus courante relevée à l’encontre de ces personnels est celle qui consiste à avoir laissé échapper des forçats. Ils peuvent également commettre tout l’éventail d’infractions déjà mentionnées, mais celles-ci apparaissent dans des proportions infiniment plus faibles.
Pour avoir facilité l’évasion de forçats, trois de ces personnels sont condamnés à trois ans de galères.
Avoir laissé noyer un forçat donne lieu à deux condamnations à deux cents livres d’amende avec un et deux mois de chaîne.
Soixante-douze jugements concernent des argousins ou pertuisaniers qui ont laissé échapper des forçats. Quelques-uns entraînent la peine des galères (une condamnation à cinq ans, une autre à trois ans et une troisième à un an). Deux autres condamnations au fouet et au bannissement de la ville et cinq cassations sont prononcées. Mais la peine la plus fréquente est celle de l’amende qui va de trente à huit cents livres, avec dix-huit condamnations à l’amende de deux cents livres et vingt-deux à l’amende de cent livres.
Les forçats
Ils commettent dans de fortes proportions toute la gamme des infractions contre la discipline, les personnes et les biens.
Parmi les infractions contre la discipline, les évasions et les tentatives d’évasion viennent largement en tête.
Vingt-quatre jugements concernent des évasions et entraînent les condamnations suivantes :
- pendaison : 1 ;
- galères à vie et suspendu à l’antenne : 2 ;
- galères à vie : 8 (elles concernent des forçats préalablement condamnés aux galères à temps) ;
- prolongation de peines : deux condamnations à cinq ans de galères supplémentaires ;
- oreilles coupées : 9 (sans doute pour des forçats déjà condamnés à vie), dont 3 avec amende honorable ;
- brancade : 2.
Sept jugements, intervenus pour des tentatives d’évasions, donnent lieu aux condamnations ci-après :
- galères à vie : 1 ;
- nez et oreilles coupées : 2 ;
- oreilles coupées : 1 ;
- bastonnade : 2.
Il convient de citer deux autres infractions contre la discipline. Il s’agit de la révolte, toujours sévèrement réprimée et qui entraîne la peine de mort pour celui qui en est l’auteur, ou qui apparaît comme le chef de cette révolte. Les complices ont, en général, les oreilles coupées. La seconde infraction de ce type est la mutilation volontaire qui conduit son auteur à avoir le nez et les oreilles coupées.
Les forçats se rendent également coupables d’infractions contre les personnes. En effet, ils se battent entre eux, ou tentent d’assassiner leurs gardiens. Pour ce genre d’infractions, les décisions du conseil de guerre peuvent aboutir à des peines cruelles. En 1680, par exemple, un forçat coupable d’avoir tué un sous-comité d’un coup de couteau, est tiré à quatre galères. Le duc de Vivonne en rend compte au roi qui ne semble pas apprécier ce genre de supplice. « Quoique l’exemple fust nécessaire dans un recontre comme celuy la, ce jugement a paru un peu cruel a Sa Majeste. Elle espère qu’a l’advenir il empeschera les forçats de tomber dans de pareilles fautes, mais neantmoins s’il arrivoit encore une occasion semblable, il ne paroitroit pas necessaire de punir celuy qui y tomberait d’une manière aussi terrible ».
Le général des galères s’explique par retour du courrier. « Quoy que le chastiment qu’on a fait au forçat qui avoit tue le sous cosme de la galère La Reyne ayt paru cruel, il ne l’est pas dans le fonds, car le patient meurt dans un instant. Outre cela, nous avons suivi l’exemple des galères de Venise. Mais puisque Sa Majesté ne la pas approuve, on ne s’en servira plus ».
L’assassinat est très régulièrement sanctionné par la peine de mort (six condamnations relevées).
Par contre, les condamnations pour tentatives de meurtres aboutissent à des peines qui varient suivant la qualité de la victime :
- quatre tentatives de meurtres sur des comites ou argousin ont toutes entraîné la peine de mort par pendaison ;
- une tentative de meurtre sur un pertuisanier a amené une condamnation à la pendaison et une autre à avoir le nez et les oreilles coupées ;
- sur des mousses, deux de ces infractions ont conduit à la pendaison et une troisième a donné lieu à une décision de renvoi verbal et sans jugement ;
- la même infraction réalisée sur un écrivain du roi n’a entraîné qu’une condamnation à être suspendu à l’« entaine » durant trois jours et à la bastonnade. Les écrivains se plaindront de ce manque de sévérité et entendront être mieux protégés contre les entreprises des galériens ;
- huit condamnations pour tentatives de meurtres sur des forçats infligent des peines allant des galères à vie (trois dont une avec bastonnade), à la mutilation du nez ou des oreilles ou les deux à la fois (quatre). Une prolongation de peine de trois ans de galères est également infligée ;
- enfin, un forçat qui tente de tuer sa femme subit une simple bastonnade.
Les coups et blessures peuvent entraîner des peines allant de la pendaison à la simple bastonnade.
Les infractions contre les biens sont peu nombreuses. Trois condamnations peuvent être dénombrées, une aux galères à vie, une autre à la bastonnade et une troisième au fouet le long du port.
Les civils, complices d’infractions commises par des membres des équipages des galères et des forçats
Parmi ces complices civils, il faut noter tout d’abord les individus qui aident les forçats à s’évader et les filles de mauvaise vie.
Le conseil de guerre des galères condamne le 12 juin 1700 Pierre Granon, tailleur, natif de Lerne dans le comtat d’Avignon, à trois ans de galères pour avoir fait évader des Turcs.
Une nommée Louise Duplessis, qui avait aidé un turc de la galère Magnanime, Mustapha de Sierge, à s’évader, est condamnée le 14 mai 1701 à être fouettée le long du port et chassée de la ville.
Les filles de mauvaise vie n’échappent pas aux rigueurs du conseil de guerre. Il se ramasse alors à Marseille un grand nombre de « coureuses », qui débauchent les soldats et les équipages. Certaines même se déguisent en garçons pour pouvoir entrer dans les baraques des forçats. Tout cela entraîne bien du libertinage et « beaucoup de malades des vilains maux qu’elles leur ont donnés ». Mais elles sont difficiles à attraper, quoique la surveillance soit rigoureuse. On a beau les chasser, elles reviennent toujours, et lorsqu’on les remet aux juges de la ville, elles en sont « quites pour quelques jours de prison ». Mr de Bethomas, chef d’escadre, dans une lettre du 25 janvier 1688, réclame une ordonnance sévère pour empêcher ce mal. « Il seroit peut-être a propos », écrit-il, « de leur faire couper le nez et les oreilles, comme on fait dans les troupes de terre dans les camps et dans les garnisons : la peine d’une crainte si diffamante les esloigneroit peut estre ».
L’ordonnance du roi ne se fait pas attendre et intervient le 3 février 1688. Elle dispose que les filles de mauvaise vie qui auront été trouvées dans quelque baraque de forçats ou dans les chambres des soldats et autre gens des équipages, ou qui seront convaincues d’entretenir avec eux quelque commerce scandaleux, seront à l’avenir condamnées par le conseil de guerre à avoir le nez et les oreilles coupés par l’exécuteur de la haute justice et à être menées en ce état le long du port.
Mais les officiers du conseil de guerre n’ont jamais fait application de peines aussi cruelles. Le 17 juillet 1699, une nommée Marie Dangle, qui avait été trouvée avec des perruques et des habits de liberté pour aider des forçats à s’évader, est condamnée à être fustigée par la main du bourreau tout le long des baraques des forçats et bannie pour toujours de la ville.
Le 18 août 1701, une nommée Cécile Sernante, femme du matelot Pierre Bironne, et qui avait été trouvée travestie en homme sur une galère, est traduite devant le conseil de guerre. Ayant déclaré qu’elle était enceinte, le conseil l’envoie aux Filles Repenties.
Les jugements de condamnation, que nous venons de voir, nous sont parvenus grâce aux inventaires dressés par les greffiers des galères. Cela semble signifier que les informations ont été faites par le prévôt des galères. Il existe d’autres jugements, qui apparaissent à la lecture de la correspondance des galères (série B6 des Archives nationales), et qui sont consécutives à des affaires que le prévôt n’a pas instruites, sans doute parce qu’elles se sont déroulées à la mer ou dans un port autre que Marseille.
Cette justice rendue par le conseil de guerre va subir bien des critiques qui vont aboutir à une restriction de ses compétences juridictionnelles.
Évolution du conseil de guerre des galères
Le conseil de guerre des galères exerce la justice au nom du général des galères, de même que le conseil de guerre des vaisseaux l’exerce au nom de l’amiral.
Certes, l’intendant des galères y occupe la deuxième place, et nous avons vu Mr de Montmort critiquer vivement cette institution où pourtant il siège.
En effet, les décisions du conseil de guerre ne sont pas toujours conformes aux ordonnances et le fonctionnement de cette juridiction laisse parfois à désirer. Les intendants dénonceront ces lacunes et se verront de plus en plus investis de compétences précédemment attribuées au conseil.
Les reproches les plus courants qui sont adressés au conseil de guerre portent sur trois points principaux. On l’accuse de vouloir s’occuper de tout, et cela est vrai dans la mesure où le conseil juge toutes sortes de délits, militaires ou civils. On fait valoir que ses décisions sont prises dans des temps trop proches de la commission des délits, et cette exigence d’une prompte justice ne permet pas toujours une bonne information. Enfin, et c’est là sans doute l’accusation la plus lourde qu’il encourt, le conseil ne connaîtrait pas les ordonnances. Celles-ci ne sont pas enregistrées au parlement. Lorsque le roi entend leur assurer une large publication, il ordonne qu’elles soient enregistrées au contrôle de la marine. Mais ce n’est pas toujours le cas. Le plus souvent, l’intendant en est destinataire et est chargé d’en assurer la publication. Il ne semble pas que Mr de Montmort l’ait toujours fait. Et comme il arrive souvent que le commandement des galères passe d’un officier général à un autre, et que chaque commandant reçoit, dans le temps de son commandement, des ordres qu’il ne fait pas enregistrer au contrôle et qui ne vont pas jusqu’à la connaissance du major, les commandants qui se succèdent les uns aux autres ignorent les ordres qui ont été donnés à leurs prédécesseurs. C’est ce qui peut entraîner des erreurs de la part d’un commandant, président du conseil de guerre en l’absence du général, quelque bonne intention qu’il ait de faire les choses conformément aux ordres du roi. Il serait nécessaire qu’il y ait un registre qui passerait d’un commandant à l’autre, pour éviter qu’on ne juge à la légère les criminels soit à la mort, soit aux galères, qui sont des « condamnations qu’il faudrait pouvoir peser avant de les rendre ».
Dans ses observations sur la manière de tenir le conseil de guerre à Marseille, Mr d’Herbigny, commissaire général, insiste « pour qu’on apporte les ordonnances du roi sur la table, et que le major ou le prévôt fasse lecture de celle qui a lieu, après la production des informations et de la confrontation et recollement des témoins ».
L’intendant des galères reçoit des commissions spéciales lui permettant de juger, en premier et en dernier ressort. Ces commissions ont pour effet de faire sortir de la compétence du conseil de guerre des affaires qu’auparavant il était appelé à connaître.
En 1730, un règlement du roi concernant la justice, la police et les chiourmes des galères vient préciser les compétences du conseil de guerre et de l’intendant.
« Le conseil de guerre connaîtra dans le port, et à la mer, de tous les crimes et délits militaires, désertions, évasions, rebellions, infractions de bans ou ordonnances sur le service militaire… ». Quant à l’intendant, il connaîtra de toutes les autres infractions, sous réserve d’appeler « à l’instruction et au jugement des procès pour crimes commis dans l’arsenal, bagnes, magasins et ailleurs, par des soldats, forçats et bas officiers des galères » le major, l’aide-major ou « quelqu’un des officiers de la galère dont sera l’accusé ».
Cette restriction de la sphère de compétence du conseil de guerre au bénéfice de l’intendant va transformer les activités du prévôt des galères, qui vont s’orienter davantage dans des missions d’information au sein du tribunal de l’intendant.
Les attributions du prévôt général des galères au tribunal de l’intendant
Les attributions juridictionnelles de l’intendant subissent une constante extension, au détriment du conseil de guerre. De nombreuses ordonnances, déclarations et autres textes émanant du pouvoir central attribueront au représentant du pouvoir central une compétence sans cesse accrue. Il pourra également intervenir dans des affaires pour lesquelles ses pouvoirs seront précisés par commission, ce qui aura pour effet d’en faire un juge d’exception.
Le prévôt des galères participera activement à cette juridiction, recevant les plaintes, procédant aux auditions et interrogatoires et aux autres missions d’instruction.
Remarquons au préalable que la procédure suivie devant le tribunal de l’intendant suivra assez fidèlement les dispositions de l’ordonnance criminelle de 1670, que l’intendant intervienne en qualité de juge de droit commun ou qu’il reçoive commission pour s’ériger en juridiction d’exception.
Les attributions juridictionnelles de l’intendant des galères
« L’intendant departy dans un port ou arsenal de marine y exercera la justice ».
L’intendant, juge de droit commun
L’intendant connaît de toutes les infractions commises dans l’enceinte de l’arsenal, bagne et magasins qui en dépendent, et qui sont en relation avec le service des galères, quelle que soit la qualité de leurs auteurs, qu’il s’agisse de matelots, soldats, forçats, ouvriers, bas officiers et même de personnes étrangères à l’arsenal, à l’exception des cas extraordinaires, tels que querelles et voies de fait entre officiers, ou concernant le fait de la garde militaire par des soldats qui sont déférés au conseil de guerre.
L’intendant connaît de toutes affaires civiles et criminelles nées dans l’arsenal et ses annexes. En matière criminelle, sa compétence s’étend à tous les vols, larcins, injures, coups et blessures, meurtres et assassinats et tous autres crimes.
Les affaires de vols sont particulièrement nombreuses. L’arsenal est un réservoir de matériel de grande valeur, qui tente tout à la fois les soldats, les matelots, les forçats et les civils. C’est la raison pour laquelle la compétence de l’intendant s’étend à tous les vols et diversions des effets du roi provenant de l’arsenal, des magasins et même des galères en quelque lieu et par quelques personnes qu’ils aient été commis. L’intendant fera arrêter les accusés de vols et recherchera les effets volés partout où ils pourront se trouver, jusque sur les galères, sous réserve d’en avertir le commandant et l’officier de garde qui devront lui faire remettre les accusés et les effets sans délai et sans difficulté.
Cette compétence s’étend en outre à tous les délits concernant le détail du corps des galères, les agrès, les munitions, la nourriture et l’habillement des forçats et, généralement, à tout ce qui concerne la conservation des effets et les dépenses du roi.
Les matériels embarqués sur les galères sont souvent l’objet de trafic. Les Turcs et les forçats vendent à des bourgeois de la ville toutes sortes de « ferrements d’argousin » qui servent à enchaîner les galériens. Les canonniers des galères volent de la poudre dans les magasins, les soldats prennent du bois de l’arsenal pour chauffer le corps de garde, et les forçats vendent leurs vêtements.
Les commis aux vivres sont particulièrement bien placés pour falsifier les écritures ou distraire les denrées.
Les civils impliqués dans ces genres d’affaires sont déférés au tribunal de l’intendant.
Les infractions commises sur les personnes sont également de la compétence du représentant du pouvoir central. Par exemple, il est saisi le 6 mai 1702 d’une affaire de blessure commise d’un coup d’épée par un sergent de la galère Fière, Joseph Berne. Le 20 janvier 1703, il s’agit d’une autre affaire de blessures commises par divers particuliers au préjudice de Paul Joffroy, soldat de La Perle.
Par arrêt du conseil d’État du 5 octobre 1729, l’intendant des galères reçoit compétence pour juger en dernier ressort les coupables ou complices des évasions de forçats et turcs, et pour leur infliger telle amende ou telle peine afflictive ou infamante qu’ils pourront mériter, suivant l’exigence des cas. Lorsqu’une peine afflictive ou infamante sera susceptible d’être infligée, le procès sera préalablement fait et instruit par l’intendant lui-même en la forme prescrite par les ordonnances « en appelant le nombre de gradués requis en pareil cas, lesquels seront choisis par lui à cet effet, luy donnant pareillement le pouvoir de nommer pour procureur du roi tel officier ou gradué, et pour greffier telle personne capable que bon luy semblera et dont il recevra le serment en la manière accoutumée ».
Les galériens étant considérés comme dépendant directement du roi – nous n’irons pas jusqu’à dire qu’ils sont la propriété du roi, mais peu s’en faut – il n’y a rien d’étonnant à ce que le représentant du pouvoir central se trouve investi de toute juridiction en ce qui les concerne, sur le modèle de ce qui est prévu pour les choses appartenant au roi.
L’intendant, juge d’exception
L’intendant agit alors sur ordre du ministre et reçoit une commission qui lui permet de juger en dernier ressort une affaire nettement déterminée. Comme aujourd’hui le juge d’instruction, il est saisi « in rem » et non « in personam ».
Il en est généralement ainsi pour les infractions particulièrement graves, mettant en danger l’ordre public ou les bonnes mœurs, pour lesquelles une information rapidement menée devrait permettre d’arrêter sans délai les coupables et leurs complices, et qui nécessitent une prompte et sévère décision qui prendra la dimension d’un exemple intimidant.
Les affaires qui sont ainsi confiées à l’intendant mettent en cause des individus accusés d’entretenir des relations avec l’étranger, des civils et des militaires qui ont des relations avec les religionnaires et des forçats impliqués dans des affaires d’impiété.
La première affaire de trahison importante que nous voyons apparaître est celle qui concerne les nommés Julien dit Baron, forçat, Gabriel Rampaud dit Bellerose, soldat, Georges Carnaly de la Vieille Réale et son tavernier, Balthazarsd Tricon, le sieur Dubois de La Crose, natif d’Orange, le patron Franchisque de Chasigny, gênois, et le nommé Estafane, tous accusés d’avoir voulu brûler les vaisseaux du roi. L’intendant reçoit le 13 avril 1692 ordre du roi d’avoir à juger cette affaire.
Mais la grande affaire d’espionnage que connaît l’intendant est celle qui, en 1696, met en cause Baudit, Robin et Vilain, qui seront condamnés à mort, et dans laquelle se trouvent impliqués un certain nombre de protestants marseillais.
En mars 1696, Mr de Montmort instruit et juge les nommés Pierre Pasquin, argousin de La Favorite, Vincent Bataralle, tavernier, et d’autres forçats de cette galère, accusés d’avoir commercé avec des religionnaires et ennemis de l’État.
Le 30 avril 1696, l’intendant fait appréhender et interroge Jacques Aleard, marchand de Montpellier, accusé d’avoir commercé avec des religionnaires.
Les forçats religionnaires sont sévèrement surveillés. Pour éviter qu’ils reçoivent des secours « qui les entretiennent dans leurs erreurs », le roi « ordonne que toutes les lettres qui seront à l’avenir adressées aux forçats religionnaires, nouveaux convertis ou autres qui sont sur le galères seront portées chez le commissaire ayant le détail des chiourmes, pour estre par luy examinees avant qu’elles leur soient remises, avec deffenses aux officiers et bas officiers des galères de porter ou souffrir qu’il soit porte par leurs domestiques aucunes lettres desdits forçats a la poste, sans estre prealablement examinees par ledit commissaire a peine d’interdiction pour les officiers, d’estre chasses du service pour le bas officiers et de six mois de prison pour les autres ».
Ces dispositions ne doivent pas satisfaire Mr de Montmort qui préfère envoyer le sieur Hébert, greffier de la prévôté, trois fois par semaine à la poste prendre les lettres adressées aux forçats et aux religionnaires, les décacheter, les lire, en faire des extraits, les recacheter et reposter.
Mr de Montmort connaît également une affaire mettant en cause des individus accusés d’impiétés. Il s’agit de Simon Hervieux dit Saint-Germain, Blaise d’Orguel dit La Jeunesse, Gérard Pigeot dit Champagne, Jean de Saint-Hilaire, Pierre Hugues et sept autres forçats. Ces individus s’étaient livrés à diverses simagrées, communiant en invoquant le diable, recélant des hosties… Hervieux, D’Orguel (ou Horgal) et Hugues sont condamnés à avoir le poing coupé et à être brûlés vifs, Saint-Hilaire à être pendu et brûlé.
Le rôle du prévôt au tribunal de l’intendant
La juridiction de l’intendant peut être mise en mouvement de plusieurs façons :
- par la plainte de la partie civile ou de la partie publique ;
- par dénonciation ;
- de sa propre initiative, lorsque l’intendant décide de poursuivre d’office.
Les plaintes et dénonciations peuvent être portées directement devant lui, mais également au prévôt, au procureur du roi ou à un archer.
L’instruction préparatoire, ou information, qui commence dès que la poursuite est engagée, est tantôt l’œuvre de l’intendant, tantôt celle du prévôt. En règle générale, l’intendant instruit lui-même les affaires particulièrement graves, notamment celles pour lesquelles il a reçu commission de la cour. Le prévôt intervient à ce stade de la procédure pour les affaires de moindre importance.
Ainsi, le 10 avril 1693, l’argousin de la galère France, Honoré Imbert, présente une requête de plainte à Mr de Montmort pour vol de ferrements sur la galère. Il déclare qu’il y a environ quinze jours, le mousse pertuisanier qu’il a sous ses ordres, Honoré Rabier, s’aperçut qu’il manquait quatorze chaussettes, quinze manilles et quatre-vingts pieds de fer. S’étant rendu à terre, le mousse vit sortir de la galère un turc, Barc Méhémet, qu’il fouilla. Il trouva sur lui une chaussette, deux manilles et trois pieds de fer. Ayant interrogé le turc sur la destination qu’il donnait à ce matériel, ce galérien lui répondit qu’il les portait à la baraque du nommé Georges, forçat de la France, et qu’il en avait porté dix fois plus qu’on en avait trouvé à des esclaves turcs des galères Duchesse et Favorite. Interrogés par l’argousin, les trois receleurs devaient avouer qu’ils avaient vendu des fers à un maréchal demeurant près du port. En conséquence de quoi, l’argousin porte plainte, en qualité d’accusateur, auprès de l’intendant, contre le maréchal de Marseille, le nommé Georges et les trois esclaves turcs pour vol de chaussettes et manilles.
Le même jour 10 avril, une ordonnance de Mr de Montmort porte qu’il sera informé par le prévôt des galères et que le maréchal sera arrêté et mis aux fers sur la Grande Réale.
Le 15 avril, le nommé Roustain, archer de la prévôté des galères, assigne les témoins Honoré Rabier, mousse pertuisanier de la France, et Arnoux Canorat, sous-argousin de la même galère « pour dire et déposer vérité sur ce qu’ils ont enquis… dans la galère Réalle le jourd’huy a une heure apres midi… et y seront contrains… ».
Le prévôt commence son information à heure dite, assisté de son greffier et la poursuit jusqu’au 20 avril, date à laquelle il remet sa procédure à l’intendant.
En janvier 1695, le sieur Petre, ingénieur du port de Marseille, porte plainte auprès de l’intendant contre le nommé François Caillol, maître forgeron de cette ville, pour avoir acheté des mailles de la chaîne de l’entrée du port. L’information est confiée au prévôt qui la remet à l’intendant le 20 janvier.
C’est également le prévôt qui instruit les affaires de vol de bois dans l’arsenal et celles concernant certains commis aux vivres.
Nous voyons en outre le prévôt intervenir dans des affaires de duel. Par exemple, le 6 juin 1705, il établit une procédure contre Pierre Gérard, soldat de La Madame, accusé de s’être battu en duel. L’intervention du prévôt, en cas de duel, peut surprendre car, en pareil cas, l’intendant n’a aucune compétence juridictionnelle. En effet, la matière des duels est régie par l’édit d’août 1669, la déclaration du 14 novembre 1669, textes que reprendra d’ailleurs celle du 28 octobre 1711. Il est prévu que les maréchaux de France, gouverneurs généraux et lieutenants généraux des provinces interviendront pour prévenir les duels, et que, dès qu’il y a combat, les gouverneurs généraux, lieutenants généraux, premiers présidents et procureurs généraux doivent informer le roi, de même que chaque sujet peut en donner avis à sa majesté.
Lorsqu’il y a duel, « la loi veut que les coupables soient punis de mort sans rémission ; et, à l’égard de ceux qui ont été tués, le procès doit être fait à leur mémoire ». De plus, les biens des antagonistes sont confisqués.
Les duels ont toujours été nombreux dans la marine, au point d’attirer l’attention du pouvoir central. Le 3 juin 1671, Colbert écrivait à l’intendant à Rochefort, Colbert du Terron, qu’en cas de duels entre officiers, « il faut qu’en toutes occasions pareilles vous fassiez faire une information exacte par le prévôt de la marine, de laquelle vous me devez envoyer une copie, faire arrêter les officiers et les mettre au conseil de guerre ». Dès le 6 juillet de la même année, une ordonnance prescrivait de faire enquêter par le prévôt général de la marine ou ses lieutenants au sujet des duels ou combats entre officiers de marine.
Mais Colbert est obligé de revenir à une plus exacte interprétation de l’ordonnance sur les duels. En aucune manière, le conseil de guerre ne pouvait être compétent. C’est pourquoi il écrit en 1679 à l’intendant de Toulon : « Pour réponse à la lettre que vous m’avez écrite sur le sujet de l’arrest que le parlement de Provence a rendu, portant injonction au greffier du prévost de la marine de faire remettre les procédures concernant les duels qui sont arrivés, je vous feray sçavoir les intentions du Roy à ce sujet. Cependant… si vous aviez exécuté les ordres que Sa Majesté vous a donnés d’envoyer promptement audit procureur général les procédures qui ont esté faites contre les chevaliers de Remond, de Levi et du Fresnay, vous n’auriez pas donné lieu à cet arrest et à tout l’embarras qu’il vous cause. Cela doit vous apprendre à estre plus exact que vous n’estes à l’exécution des ordres que vous recevez ».
L’ordonnance sur la marine du 15 avril 1689, au Titre II du Livre IV, consacré aux peines, réserve cinq articles aux cas des duels. L’article 40 dispose que tous les officiers commandants dans le port, commissaires généraux, prévôts de la marine et leurs lieutenants, intendants, « qui auront avis de quelque combat qui pourra être soupçonné de duel, devront faire arrêter à l’instant les officiers qui en seront coupables, et… les mettre en sûreté dans les prisons établies dans chaque arsenal de marine ».
L’article 41 prévoit que « le prévôt ou ses lieutenants en informeront dans le même instant ; et si, par les premières dispositions, le combat se trouve avoir été fait seul à seul, ou à nombre égal, il en donne avis au procureur général du parlement dans le ressort duquel le combat aura été fait ». L’article 42 précise que « le prévôt continuera l’information et la remettra exactement avec les prisonniers entre les mains du commissaire du parlement qui sera envoyé sur les lieux ». Enfin, les deux derniers articles concernent, l’un, l’article 43, la responsabilité des chirurgiens qui ne dénonceront pas les duels, l’autre, l’article 44, les soldats témoins d’un duel, pour lesquels une récompense de cent cinquante livres est prévue s’ils en donnent avis aux officiers du port.
L’ordonnance de 1689 s’intègre donc parfaitement dans les dispositions générales des textes de 1669 sur les duels. Lorsqu’une notion d’honneur survient entre gens d’honneur, c’est-à-dire lorsqu’un duel, qui est une action d’honneur, intervient entre des officiers, qui sont par définition des hommes d’honneur, le parlement doit nécessairement intervenir. Le prévôt se contente de faite l’instruction et de remettre sa procédure au commissaire du parlement envoyé sur les lieux.
Mais là où rien ne va plus, c’est lorsque l’on assimile les duels entre soldats, matelots et bas officiers aux duels entre officiers. Et l’erreur semble venir des gens du parlement. C’est ainsi qu’en 1681, un duel avait eu lieu à Toulon et un soldat de marine, Esprit Mengaud, avait été tué au cours du combat. Le prévôt de la marine de Toulon avait fait le procès au cadavre du soldat et l’avait condamné à être pendu par les pieds, traîné sur la claye et jeté à la voierie. Mais, après l’exécution du jugement, les juges du siège de Marseille et ceux du parlement de Provence firent signifier au greffier de la prévôté de la marine de Toulon des actes de sommation, afin que la procédure leur soit remise, et au concierge des prisons de l’arsenal de leur remettre le cadavre. Le greffier répondit qu’il ne pouvait remettre la procédure que par un ordre exprès de l’intendant de la marine, et le geôlier fit savoir que l’exécution avait été faite.
L’incertitude est donc complète lorsque le prévôt des galères intervient dans ce genre d’affaire en 1705. Le ministre, sans doute embarrassé, pense qu’il est plus sage de prendre l’avis d’un éminent juriste. Il s’adresse au procureur général du parlement de Paris, qui n’est autre que le futur chancelier d’Aguesseau. Celui-ci, dans une lettre du 30 juin 1706, donne son avis sur la compétence des prévôts de la marine en matière de duels.
Pour d’Aguesseau, l’ordonnance faite pour la marine en 1689 « n’est pas une loy qui soit connue au Parlement, elle n’y a jamais été registrée… le Parlement, ny les juges ordinaires n’agissent jamais que sur le fondement des Ordonnances qui leur sont adressées, et qu’ils ont enregistrées ». Il n’est cependant pas nécessaire de casser cette ordonnance qui s’exécutera comme elle s’est toujours fait exécuter par les gens de guerre qui y sont assujettis. De toutes façons, l’ordonnance de 1689 doit être inconnue au parlement, tout au moins jusqu’au moment où il plaira au roi de la lui envoyer.
Le procureur général n’est pas tendre pour les rédacteurs de l’ordonnance sur la marine. Pour lui, elle a été « dressée par des personnes peu instruites des formes ordinaires de la justice et des règles établies par les ordonnances registrées au Parlement ». En effet, les articles consacrés aux duels supposent que toutes les fois qu’il en survient dans les ports, il faut que le parlement envoie un commissaire sur les lieux entre les mains duquel le prévôt de la marine doit remettre les prisonniers et les informations qu’il a faites.
D’Aguesseau prétend que cette façon d’agir n’a jamais été regardée comme une règle nécessaire. Il ne s’agirait même pas d’une pratique commune. Il constate qu’il est très rare qu’on envoie un commissaire du parlement sur les lieux en pareil cas, et, si on le faisait, ce ne pourrait être que lorsque le combat se serait passé entre des personnes de la première distinction. « Mais on n’a jamais pensé à en faire une règle générale et nécessaire ».
Bien loin que le parlement soit dans la nécessité d’envoyer un commissaire sur les lieux, il n’est même pas obligé de prendre connaissance immédiatement du combat, et il peut, quand il le juge à propos, laisser instruire et juger le procès en première instance par le lieutenant criminel du baillage dans le ressort duquel le crime a été commis.
C’est dans ce sens qu’a décidé la déclaration du 14 décembre 1679 donnée en interprétation de l’édit des duels de la même année et c’est dans ce sens que le parlement en dispose tous les jours.
Ainsi, ceux que le secrétaire d’État à la marine de l’époque, Mr de Seignelay, chargea du soin de rédiger l’ordonnance de 1689, « plus instruits apparemment des usages militaires que des règles ordinaires de la justice », ont élaboré des articles sur les duels qui vont à l’encontre des ordonnances enregistrées au parlement et à l’usage.
En ce qui concerne l’intervention du prévôt de la marine et des galères en pareil cas, cette question n’est pas nouvelle et l’on a souvent l’occasion de la vérifier à l’égard des troupes de terre. Ainsi, le prévôt des bandes des gardes françaises exerce les mêmes fonctions que le prévôt de la marine ; il informe comme lui des combats qui renferment quelque soupçon de duel. Mais il ne fait aucun autre usage de ces informations que de les remettre entre les mains du chancelier, qui ne les regarde que comme de simples mémoires sur lesquels il fait faire une information par les juges qui en ont le pouvoir, en sorte qu’on ne recolle et qu’on ne confronte point les témoins sur les dépositions qu’ils peuvent avoir faites par-devant le prévôt des bandes.
La même procédure doit donc s’appliquer aux prévôts de la marine et des galères. C’est l’interprétation la plus naturelle que l’on puisse donner de l’ordonnance de 1689. Il a été, en effet, dans les intentions du roi de sensibiliser toute sorte d’officiers à la découverte et à la poursuite des duels et, pour cela, il convient que les prévôts de la marine et des galères, comme ceux des troupes de terre, puissent en informer, parce qu’ils sont ordinairement les premiers avertis et qu’ils ont la force en main pour faire arrêter promptement les coupables. Mais tout cela n’est en fait qu’une simple mesure préliminaire pour commencer ensuite une procédure plus régulière, et ce n’est à proprement parler que l’ébauche d’une instruction. Le parlement n’a jamais regardé l’information faite par un officier comme pouvant être le fondement solide d’une instruction légitime.
Ces considérations sur l’intervention des prévôts de la marine et des galères en matière de duels montrent la difficulté qu’ont alors ces officiers pour faire admettre leur compétence en matière de poursuite et d’instruction. Nous allons voir qu’il en sera de même lorsque, avec l’édit d’avril 1704 et divers autres textes ultérieurs, le prévôt des galères recevra des attributions juridictionnelles lui permettant de juger les cas qualifiés de prévôtaux.
Les attributions juridictionnelles du prévôt général des galères
Les prévôts de la marine des ports de Toulon, Brest, Rochefort et Port-Louis, établis à l’instar des prévôts des maréchaux, connaissaient, avant 1704, des cas prévôtaux, tels qu’ils étaient prévus dans la grande ordonnance criminelle de 1670. De plus, ces prévôts jugeaient également certaines affaires par commission ou subdélégation de l’intendant de la marine départi dans chacun de ces ports.
Il n’en sera pas de même des prévôts des galères, pourtant créés à l’instar des prévôts de la marine, qui devront attendre l’édit d’avril 1704 pour avoir des attributions juridictionnelles, qui seront ultérieurement confirmées par d’autres textes.
Toutefois, le prévôt de la marine et des galères installé à Marseille n’attendra pas les confirmations nécessitées par le manque de précision de l’édit d’avril 1704 pour s’attribuer une compétence juridictionnelle lui permettant de juger les cas prévôtaux.
Les textes portant extension des attributions juridictionnelles des prévôts de la marine et des galères
L’édit fondateur de 1704, créant huit prévôtés de la marine et des galères dans les ports de guerre, dont Marseille, dispose que « le prévôt ou son lieutenant dans chaque prévôté recevront les dénonciations qui leur seront faites des déserteurs, dont le greffier tiendra registre ». Á la requête du procureur du roi et sur ses conclusions, le procès sera instruit contre ces déserteurs et rapporté au conseil de marine par le prévôt ou son lieutenant. Ceux-ci, et à leur défaut les exempts avec les archers, arrêteront les déserteurs, nonobstant qu’il n’y ait point de décret décerné. Lorsque l’instruction sera achevée et le procès en état d’être jugé, le prévôt ou son lieutenant en feront le rapport au conseil de marine, assis et découvert. Les greffiers des prévôts auront la plume dans les conseils de marine pour la justice militaire qui se tiendront dans les ports, dirigeront les jugements qui y seront rendus et en délivreront des expéditions en forme à ceux qui seront chargés de les exécuter. Les archers pourront exploiter tous actes de justice dans le lieu où la prévôté sera établie et dans le département qui en dépendra, où dans les lieux où il aura été jugé nécessaire de les départir suivant les ordres particuliers du roi.
L’ordonnance du 26 mai 1706, qui règle le rang et les fonctions des prévôts de la marine et des galères dans les conseils de guerre, s’attache à affirmer que les prévôts y opineront les premiers et donneront « leurs voix sur la punition des coupables, lesquelles seront comptées comme celles des officiers dont les conseils sont composés » (345).
Mais l’édit d’avril 1704, créant les prévôtés de la marine et des galères, ne porte pas qu’elles sont créées à l’instar de celles des maréchaux de France et la question se pose alors de savoir si les prévôts peuvent avoir la connaissance des cas prévôtaux. Dans une lettre adressée au ministre le 1er mars 1706, d’Aguesseau fait remarquer que « ces nouveaux officiers (les prévôts) ne peuvent connaître suivant cet édit que de ce qui regarde les déserteurs et ce qui appartient à la discipline militaire dans la marine.
Or, conformément à l’article 12 du Titre I de l’ordonnance criminelle d’août 1670, les prévôts des maréchaux du royaume connaissent en dernier ressort de tous les crimes commis par des vagabonds, gens sans aveu et sans domicile, ou qui auront été condamnés à une peine corporelle, au bannissement ou à l’amende honorable. Ils connaissent également des oppressions, excès ou autres crimes commis par des gens de guerre, tant dans leur marche, lieux d’étape, que d’assemblée et de séjour, des déserteurs d’armées, assemblées illicites avec port d’armes, levée de gens de guerre sans permission du roi, et des vols faits sur les grands chemins. Ils connaissent également des vols faits avec effraction, assassinats prémédités, séditions, émotions populaires, fabrication, altération ou exposition de monnaie, contre toutes personnes. Il faut toutefois que ces crimes aient été commis hors de la ville de leur résidence.
Nous verrons que le prévôt des galères appliquera l’édit d’avril 1704 dans son interprétation la plus large et jugera prévôtalement dès 1705 des cas entrant dans l’énumération de l’ordonnance de 1670.
Le roi doit intervenir et l’édit de décembre 1709, portant augmentation des gages en faveur des officiers des prévôtés de la marine et des galères, précise que l’intention du roi a été de créer les prévôts, lieutenants, procureurs et greffiers des différents ports du royaume « à l’instar des Prévôts et autres officiers des Maréchaussées » en leur attribuant « le même pouvoir, la même juridiction et les mêmes et semblables fonctions qui sont attribuées auxdits Prévosts et autres officiers des Maréchaussées par nos Édits, Déclarations, Arrests et Règlements » qui seront exécutés au profit des prévôts de la marine et des galères « ainsi et de même que s’ils y étaient expressément dénommés ; lequel Pouvoir, Fonction et Juridiction, ils ne pourront néanmoins exercer que pour les affaires concernant la Marine, et les Officiers d’icelle, et dans l’étendue des ports, havres et costes de la mer ».
Enfin, la déclaration du 31 décembre 1713 fait obligation aux officiers des prévôtés de la marine et des galères d’observer toutes les règles et formalités requises par l’ordonnance d’août 1670 et par les édits, déclarations et règlements donnés en interprétation et en exécution de cette ordonnance. En conséquence, les prévôts ou les lieutenants, qui auront arrêté un accusé dans les cas dont la connaissance leur est attribuée par l’édit de décembre 1709, devront faire juger leur compétence dans trois jours au plus tard au présidial dans le ressort duquel la capture aura été faite et, en cas que l’accusé n’ait pas été arrêté par eux, et avant de commencer une procédure pour instruire la contumace, ils feront juger leur compétence au présidial dans le ressort duquel le crime aura été commis. Cette déclaration n’est qu’un rappel de dispositions rendues applicables par l’article 15 du Titre II de l’ordonnance d’août 1670 et par l’édit du mois de décembre 1680.
Voilà la compétence du prévôt des galères nettement précisée. Il nous faut voir, à présent, quelle a été l’activité de ce tribunal prévôtal et quelle a été la réalité de son action.
La réalité
Les archives ne nous fournissent que sept jugements prévôtaux rendus par le prévôt des galères, pour une période allant de 1705 à 1714. Parmi ces sept jugements, nous trouvons quatre affaires de fausse monnaie, un crime de sang et deux évasions survenues à la manufacture du bagne.
Les cas de fausse monnaie
Il semble que, jusque-là, ce genre de crimes était de la compétence du conseil de guerre. Les auteurs en étaient le plus souvent des forçats que leurs activités de faussaires avaient envoyés aux galères. Le conseil de guerre faisait preuve, à leur égard, de beaucoup de mansuétude. Ils étaient très généralement renvoyés absous ou condamnés à des peines corporelles qui s’écartaient de la rigueur des ordonnances qui prévoyaient la peine de mort par pendaison. Toutefois, en 1690, trois forçats accusés de faire de la fausse monnaie avaient été condamnés « à avoir les oreilles coupées, une fleur de lys appliquée sur la joue, et le fouet par la main du bourreau le long du port ». Ce genre de crime déroute cependant quelque peu ces messieurs du conseil de guerre qui ne savent pas trop quelle peine leur appliquer, car le châtiment qu’ils infligent, quand ils en infligent un, « ne corrige point ces misérables qui retombent dans leurs crimes ».
Avec l’installation du tribunal prévôtal, les choses vont changer et il n’y aura plus de problème à se poser, car tous les accusés, convaincus de fabrication, altération ou exposition de fausse monnaie, seront condamnés à la pendaison.
Ainsi, le 23 novembre 1705, trois forçats accusés de fabrication de fausse monnaie, Marc Bosset dit le Breton, Mathieu Chevalier et Thomas Cotiby comparaissent devant le prévôt. Marc Bosset est condamné à la pendaison et les deux autres à y assister.
En 1706, Henry Pillot, cordonnier sur la galère Madame, est soupçonné de se livrer à l’exposition de fausse monnaie. Il a été trouvé en possession de quatre pièces de vingt sols « arguées de faux ». Le 9 mars, le prévôt général des galères, en conseil de six gradués – « avocats en la cour et es sièges de Marseille » - déclare ledit Henry Pillot « attient et convaincu du crime d’exposition de fausse monnaie », et le condamne, en réparation, « à faire amende honorable au-devant de l’église des religieux augustins, tenant un flambeau ardent de cire jaune entre ses mains, nuds pieds et teste, la corde au col, et là demander pardon à genoux à Dieu, au Roy et à la Justice et faire le tour le long du quai du port au-devant des galères et ensuite estre pendu et étranglé jusqu’à ce que mort s’ensuive par l’exécuteur de la haute justice des galères à une potence qui sera dressée sur un ponton au milieu dudit port… et avons… ordonné que les quatre pièces de vingt sols trouvée sur ledit Pillot seront rompues par ledit exécuteur et jettées dans la mer hors le chaîne ».
Deux autres affaires de fabrication de fausse monnaie sont également jugées par le prévôt. Le 26 août 1709, un forçat de la Grande Réale, Nicolas Dupont, et le 1er février 1710, un forçat de la galère Gloire, Alexis Doublet, sont condamnés à être pendus.
Une affaire de crime de sang : l’affaire Antoine Julien
Le 6 mars 1706, entre dix heures et onze heures du soir, un forçat de race noire, Antoine Julien, se disant roi du Congo, détenu à l’hôpital des forçats, casse sa chaîne, rompt la porte de son cachot et met le feu à des paillasses qui s’y trouvent. Armé d’un couteau dans une main et d’un long bâton muni à son extrémité d’un fer aiguisé dans l’autre, il rencontre dans un couloir un sous-argousin qui fait sa visite ordinaire des cachots. Julien va à la rencontre du sous-argousin et lui demande les clés. Celui-ci ayant refusé, le forçat le blesse d’un coup de couteau. Sur les appels à l’aide du sous-argousin les gardes et des détenus accourent. Un patron génois, Paulo Paulere, et un forçat religionnaire, Pierre Maillet, malgré ses chaînes, arrivent à maîtriser Julien, qui avait blessé auparavant deux gardes, dont l’un mortellement, et éteignent le début d’incendie.
La plainte est faite à Mr de Montmort par Charles Blondel de Jouvancourt, commissaire et contrôleur général des galères, contre Antoine Julien, accusé du meurtre commis sur les personnes du sous-argousin et des deux gardes, dont l’un est mort.
Le 7 mars, l’intendant prend une ordonnance portant qu’il sera informé par le prévôt du contenu de la plainte et que le sieur Croizet, chirurgien de l’hôpital des forçats, fera rapport des blessures subies par le sous-argousin, les deux gardes, le patron génois et le forçat religionnaire.
Le 8 mars, le prévôt dresse procès-verbal de la visite du cadavre du garde qui est mort des suites de ses blessures, fait son information et procède à un premier interrogatoire de l’accusé « comme à un muet volontaire ». Le procureur du roi rédige ses conclusions au bas de la procédure établie par le prévôt. L’intendant des galères procède également à un certain nombre d’interrogatoires.
Le 31 mars, le prévôt prend une ordonnance portant que la procédure établie par ses soins et les interrogatoires subis par devant Mr de Montmort seront mises dans un sac à part « pour en jugeant le procès avoir tel égard que de raison, et que le sous-argousin et Antoine Julien seront de nouveau interrogés et les témoins ouis ou à ouir recollés en leurs dépositions et confrontés avec l’accusé ».
Après avoir interrogé le sous-argousin, le prévôt entend à nouveau Julien le 1er avril et obtient ses aveux « d’avoir commis le crime de meurtre et incendie à luy imputés », et procède au recollement et confrontation des témoins avec l’accusé.
Il apparaît que Julien, qui se dit roi du Congo, est un noir fait chrétien, natif de Guinée près de la Côte d’Or, âgé de vingt-sept ans. Il a été condamné par sentence du Châtelet de Paris du 12 décembre 1702 pour vol d’un chapeau, d’une perruque et d’un fourreau d’épée « fait nuitamment dans les rues de Paris » à cinq ans de galères.
Il est arrivé à Marseille le 4 juin 1703 et a été départi sur la Duchesse avec le numéro 27.385.
Le 8 juin 1705, un forçat de la galère Amazone avait déclaré à Mr de Montmort que Julien lui avait proposé de faire sauver tous les forçats, de mettre le feu aux galères et de s’en aller en Languedoc, Gascogne et Xaintonge lever une armée. L’intendant des galères avait alors procédé à un certain nombre d’auditions et en avait rendu compte au ministre qui avait ordonné que l’on mit Julien dans un cachot de l’hôpital des forçats.
Le procureur du roi ayant pris ses conclusions définitives, Julien est interrogé sur la sellette. Le jugement intervient le 10 avril 1706. Il est rendu par le sieur de Lourme, prévôt général des galères, en la chambre de justice de la prévôté, assisté de six « avocats en la Cour et es siège de Marseille ». Antoine Julien, « deuement atteint et convaincu des cas et crimes à luy imputés », est condamné « à faire amende honorable devant la chapelle de l’hôpital royal des forçats tenant un flambeau ardent de cire jaune entre ses mains, nuds pieds et teste, la corde au col, et là, à genoux, demander pardon à Dieu, au Roy et à la Justice et faire le tour des salles dudit hôpital et ensuitte estre pendu et étranglé jusqu’à ce que mort s’ensuive, par l’exécuteur de la haute justice des galères à une potence qui sera dressée sur un ponton au milieu du port de cette ville ; et, à l’égard dudit Honnoré Crest, sous-argousin, pour la faute par lui commise, il sera chassé du service ».
Évasions survenues à la manufacture du bagne
Les forçats invalides ne pouvant plus servir à la vogue posent bien des problèmes au commandement qui ne sait trop qu’en faire. Ceux qui peuvent payer un turc en remplacement obtiennent leur liberté, dans la mesure où ils ont été condamnés à temps. Mais pour les autres, et notamment pour ceux qui ont encouru une condamnation à vie, il convient de trouver une solution qui permette à la justice et au service du roi de trouver leur compte.
C’est la raison pour laquelle intervient, le 5 avril 1700, un traité entre le ministre, Phelipeaux, comte de Pontchartrain, et divers bourgeois et commerçants, pour l’établissement d’une manufacture utile au royaume. C’est ainsi que naît la manufacture du bagne, au départ créée pour y mettre les forçats invalides, mais qui prendra de plus en plus d’extension au fur et à mesure du déclin de la flotte des galères. En effet, les cours et tribunaux continueront de condamner à la peine des galères, sans se soucier des besoins de la flotte, et il n’est alors pas question d’imiter Henri III qui avait rétabli la peine de mort pour certains crimes parce que sa flotte des galères avait connu des déboires.
La constitution de ce bagne va avoir pour effet d’étendre un peu plus la juridiction de l’intendant, car le bagne entre dans sa compétence. Il arrivera un moment où les officiers des galères se plaindront de voir mis au bagne les forçats les plus vigoureux et les plus propres pour la vogue.
Par extension des cas prévôtaux, ou peut-être agissant alors comme subdélégué de l’intendant, le prévôt des galères intervient dans des affaires d’évasion de forçats du bagne.
Le 8 août 1714, à la requête du procureur du roi, une procédure criminelle est engagée contre Joseph Brun, argousin du bagne, accusé d’avoir laissé évader Joseph Ani, forçat de la Fière, et Barthélémy Meunier, forçat de la Couronne. L’argousin est condamné à une amende de six cents livres par le prévôt.
Le 3 septembre de la même année, le prévôt condamne à la même amende un autre argousin de la manufacture du bagne, Antoine Barbe, pour avoir laissé évader deux forçats.
L’édit d’avril 1716 supprime les offices dans les prévôtés de la marine et des galères. Par ordonnance du 21 juillet 1716, le roi décide que les officiers qui exerceront dorénavant ces emplois seront pourvus de commissions et renfermés dans les fonctions qui leur étaient attribuées par l’ordonnance du 15 avril 1689. Les procès des militaires devant le conseil de guerre seront désormais instruits à la réquisition du major ou de l’aide-major à la place du procureur du roi.
Les prévôts ne perdront pas toutes leurs attributions juridictionnelles. Certes, ils ne sont plus juges au conseil de guerre, mais ils continueront cependant à connaître des cas prévôtaux.
Les fonctions des prévôts et de leurs collaborateurs, agissant en qualité d’auxiliaires de justice de l’intendant, iront sans cesse en diminuant, au point que l’on peut se demander si, à la fin de la période que nous étudions, tribunal de l’intendant et tribunal prévôtal ne sont pas confondus. En revanche, les attributions administratives de ces officiers s’étendent et nous les voyons intervenir dans de nombreux domaines au profit des missions se « police » de l’intendant.
Les attributions administratives du prévôt général des galères
Il peut paraître commode, pour donner plus de clarté à un exposé, d’utiliser des systèmes d’identification permettant de répartir les fonctions attribuées à des agents du pouvoir central sous l’ancien régime. C’est alors que des difficultés surgissent provenant du fait que les pouvoirs dévolus à ces autorités ne peuvent pas toujours être classés d’une manière qui nous soit toujours accessible. C’est ce que nous avons tenté en regroupant un certain nombre de services divers effectués par les prévôts et leurs collaborateurs sous le titre d’attributions administratives. Et l’on aurait pu penser que cette appellation ne devait pas faire de difficulté. En effet, l’intendant des galères dispose de pouvoir de police, c’est-à-dire d’administration générale, et de justice. Mais ces pouvoirs se trouvent réunis en une seule main, au niveau du représentant du pouvoir central qu’est l’intendant, et également, ne l’oublions pas, au niveau le plus élevé en la personne du roi. Par exemple, lorsqu’il intervient sur commission, il est parfois difficile de savoir si l’intendant agit en qualité d’administrateur ou de juge administratif, ou en qualité de juge judiciaire.
Or, lorsqu’il arrive à Marseille, le prévôt général des galères reçoit uniquement des attributions d’ordre judiciaire. Il est chargé de la poursuite des déserteurs et des criminels, de l’instruction de leur procès et de leur présentation devant le conseil de guerre. Ses missions de recherche des déserteurs le conduisent dans différentes provinces et l’intendant a alors l’idée de confier au prévôt et à ses adjoints des missions diverses au profit des galères : significations d’ordres, visites de bois, convois, escortes… Toutes ces missions ne comportent, à titre principal, aucun acte judiciaire. Elles s’exécutent normalement avec d’autres missions de justice, mais en sont toutefois distinctes par le fait qu’à aucun moment leur exécution n’a à mettre en œuvre une procédure prévue par l’ordonnance criminelle de 1670 ou d’autres textes pris en la même matière. Elles n’apparaissent d’ailleurs pas dans les inventaires que nous avons signalés.
Il en résulte, certes, une certaine confusion dans les missions, confusion peut-être plus apparente que réelle, et que nous retrouvons en partie de nos jours lorsque nous voyons certains agents investis de fonctions de police judiciaire et de police administrative.
Nous pensons tout de même pouvoir dégager, sous cette appellation de police administrative, un certain nombre de missions qui sont confiées au prévôt des galères et à ses collaborateurs, qu’ils exercent soit à l’intérieur, soit à l’extérieur de l’arsenal et de la ville de Marseille, et dont le caractère commun est de ne comporter principalement aucun acte de procédure criminelle.
Nous ne pouvons pas énumérer et décrire la totalité de ces missions. Nous nous bornerons à envisager celles qui nous sont apparues les plus importantes. Certaines d’entre elles sont effectuées à la résidence, c’est-à-dire dans l’arsenal et dans la ville de Marseille. Ce sont les plus difficiles à déceler car elles n’apparaissent pas dans les états de dépenses. D’autres missions conduisent les officiers et les archers de la Prévôté hors de la résidence et donnent lieu au paiement de vacations dont tiennent compte les documents relatifs aux dépenses des galères.
Les services à la résidence
Nous avons vu que le prévôt et ses adjoints (greffiers et archers) reçoivent pour mission essentielle de rechercher les déserteurs, et nous avons montré l’importance des désertions et des évasions de forçats au moment où le premier prévôt arrive à Marseille. Ainsi, pendant une brève période qui couvre les toutes premières années de leur existence, nous verrons les personnels de la prévôté des galères plus particulièrement chargés de services extérieurs à l’arsenal.
Mais l’intendant ne tarde pas à confier, ou à faire confier par arrêt du conseil, diverses missions qui lui sont attribuées aux personnels de la prévôté.
Nous retiendrons quatre genres de services extraordinaires, à caractère administratif, effectués au bénéfice de l’intendant :
- les services à l’hôtel de l’intendant ;
- la signification des ordres de l’intendant
- la recherche des renseignements ;
- le concours à l’apposition des scellés et inventaires.
Les services à l’hôtel de l’intendant
Lorsque Moreau, sieur du Breuil, est nommé prévôt général de la marine et des armées navales, douze archers sont mis à sa disposition, dont deux sont affectés spécialement à l’hôtel du grand maître et surintendant de la navigation et du commerce de France. La mission de ces deux archers consiste à porter les ordres de Richelieu dans les diverses parties du royaume.
Lorsque des intendants sont départis dans les ports du royaume, un certain nombre des quarante-trois archers créés par l’édit de 1648 servent auprès d’eux et transmettent leurs ordres. Il s’agit alors de missions purement administratives, qui semblent s’insérer normalement dans le cadre des attributions confiées aux personnels de la prévôté.
Puis, les abus ne tardent pas à se manifester. Les douze mille livres d’appointements que perçoivent annuellement les intendants ne doivent pas suffire à leur permettre de disposer d’un personnel important pour leur service de maison. Aussi, n’hésitent-ils pas à disposer des archers des galères pour des services domestiques. Ces pratiques ne sont révélées que lorsque l’intendant et les officiers des galères entrent en conflit. Ces derniers s’empressent de divulguer au ministre ces pratiques qu’au fond d’eux-mêmes ils doivent jalouser. Ainsi, en 1686, le sieur de Sérancourt, chef d’escadre, qui « n’a osé dire jusques à présent que le sieur Bégon authorise par son exemple la licence des équipages », n’hésite pas toutefois à écrire que « l’intendant a un maître d’hôtel archer de la prévôté ».
Il n’est pas qu’à Marseille que l’on rencontre de tels abus. Les intendants de Brest et Rochefort en font tout autant, et comme généralement ils sont mutés d’un port à un autre, ils transportent avec eux des pratiques préjudiciables à l’intérêt du service et que l’on rencontre de nos jours sous des formes presque identiques.
Utilisant des archers pour le service de leur maison – qui porte d’ailleurs le nom de maison du roi – les intendants auront bientôt l’idée inverse qui consiste à faire de leurs domestiques des archers de la prévôté. Lorsqu’une vacance se produit dans les effectifs des archers de la marine ou des galères, il n’est pas rare de voir l’intendant proposer un de ses serviteurs pour les fonctions d’archer.
Seule la livrée sera remplacée par des « casaques de drap de Berry bleu du plus beau bleu avec les armes du Roy en collées avec celles de Navarre et des deux ordres de Saint-Michel et Saint-Esprit et la couronne fermée, plus au-devant les armes de Monsieur le général des Galères avec son manteau ducal couronné d’une couronne de prince et une ancre d’argent en sautoir, et au colle deux fers de Galère d’argent liés avec un ruban d’or couronné d’une couronne de Roy ». Ajoutons à cela la bandoulière aux armes du roi et du général de galères, de velours bleu bordé d’un galon d’or large d’un pouce, garnie d’ancres en sautoir et de fleur de lys, et qui donne à la fonction d’archer tout son éclat, permettant à celui qui la porte de faire exécuter les ordres du roi et d’obtenir tout le respect que les sujets doivent à un représentant de sa majesté. Casaque et bandoulière sont d’ailleurs payées par le roi sur la base de trois cent dix livres pour l’ensemble. Certains commissaires de la marine n’ont même pas attendu les ordres du roi pour transformer leurs serviteurs en archers. Dès 1705, une ordonnance fait défense aux commissaires de la marine chargés des classes de se servir d’autres gens que des archers pour travailler à la levée des bas officiers de la marine et des matelots. Le roi se plaint de ce que « quelques uns de ses commissaires emploient leurs domestiques et autres particuliers… auxquels ils font porter des bandoulières d’archers de la marine ».
Les abus continuent et, en 1762, le ministre écrit à un intendant qu’il trouve « très abusif de donner ces places d’archers à des domestiques ».
Certains intendants, quittant le service, écrivent au ministre pour lui demander de conserver auprès d’eux tel archer qu’ils avaient utilisé auparavant pour leur service personnel. Le ministre leur procure souvent cette satisfaction et adresse un ordre du roi pour détacher cet archer du port et lui permettre de continuer d’être employé aux mêmes appointements que ceux qu’il percevait en position normale d’activité.
Ces pratiques conduisent à des constatations qui gardent toute leur actualité : les effectifs réels sont inférieurs aux effectifs théoriques prévus par les ordonnances. Alors que l’édit de 1704 et les textes qui lui ont succédé prévoient un effectif de cent archers, nous n’en trouvons guère que quatre-vingts employés dans les prévôtés à la fin de l’ancien régime. Et, dans ce chiffre, « soixante environ ne sont employés qu’aux classes et établis dans des départements où la prévôté n’a aucun siège ».
La signification des ordres de l’intendant
L’intendant des galères utilise les archers pour afficher les ordres qu’il établit, les marchés de fourniture qu’il se propose de conclure. Ces affichages se font « par tous les lieux et carrefours de cette ville accoutumés ».
De plus, lors des travaux d’agrandissement de l’arsenal de Marseille, des expropriations sont ordonnées par le roi. L’intendant des galères est chargé de l’exécution des ordres du roi et signification en est faite par les archers des galères.
C’est ainsi que, le 3 octobre 1684, le roi donne l’ordre de prendre, pour le nouvel établissement des religieuses capucines en remplacement de celui qui leur a été pris pour l’agrandissement de l’arsenal des galères, « quatre carterées et demy et cinquante-deux cannes de terrain appartenant à un certain sieur Saunaire, et d’en payer comptant la moitié du prix, c’est-à-dire trois mille quatre cent cinquante livres dix sols et cinq deniers, sur la base de mille cinq cents livres la carterée, qui est prix de l’estime qui en a été faite et approuvé de sa Majesté y compris les murailles, bastides, réservoirs et conduites d’eau qui se trouvent audit terrain ». En conséquence, l’intendant des galères prend une ordonnance pour rendre public l’ordre du roi et pour prescrire à un archer de la prévôté des galères de signifier au sieur Saunaire « qu’il ait à recevoir ladite somme… et à vider ce qui pourroit lui appartenir, dans le logement qui s’y trouve, et ce dans trois jours de la signification du présent ordre, luy faisant savoir que nonobstant le refus qu’il pourroit faire de recevoir son paiement ou de vuider ledit logement, il sera passé outre, attendu les ordres pressants de Sa majesté ».
Nous avons là un bel exemple d’expropriation pour utilité « royale » sous l’Ancien Régime.
La recherche des renseignements
Le prévôt des galères et ses archers, sur ordre de l’intendant ou du commandant dans le port, se livrent à des missions de recherches de renseignements « qui demandent du secret ». Mais ils ne disposent pas du mot de passe qui est porté tous les soirs par un sergent aux officiers de guerre et de plume. Le prévôt s’en plaint, car il ne peut exécuter pendant la nuit les rondes qui lui sont ordonnées. N’ayant pas le mot que le commandant donne dans le port, il est arrêté aux différents corps de garde où il doit passer et est obligé de donner le motif de sa mission aux officiers de service. Par ordonnance du 1er décembre 1706, le roi prescrit que le mot de passe sera porté tous les soirs au prévôt de galères, afin qu’il soit « en état d’exécuter en tout temps et avec secret les ordres qui luy sont donnés… ».
Nous avons vu que les forçats religionnaires sont tout particulièrement surveillés, et Mr de Montmort s’emploie de toute son énergie pour rechercher dans la ville de Marseille des correspondants qui pourraient leur faire passer quelque somme d’argent. C’est la raison pour laquelle nous l’avons vu charger un homme à lui, le greffier de la prévôté des galères, le sieur Hébert, d’aller ouvrir le courrier des religionnaires.
Il ne semble pas que l’intendant soit arrivé à arrêter ces fournitures d’argent. La population catholique de Marseille, pour une grande part, n’admet pas le traitement infligé aux protestants et nombreux sont les Marseillais qui se font complices de distribution d’argent aux galériens de la foi.
Il faut bien avouer que « toutes les sympathies des Marseillais allaient aux forçats ». La chiourme était méprisée. On disait :
Es un gardo-fossat.
Levo-li lou sabre,
Laissa-lou negar.
(C’est un garde-forçat. Enlève-lui son sabre, laisse-le se noyer).
Concours apporté à l’apposition des scellés et aux inventaires
L’ordonnance du 15 avril 1689 sur la marine dispose que les intendants de la marine, ou ceux qui de trouveront ordonnateurs en leur absence, apposeront les scellés sur les effets des officiers de marine qui meurent dans les ports. Les dispositions de cette ordonnance, concernant les vaisseaux, sont rendues applicables aux galères par une ordonnance du 3 décembre 1692.
Ce texte précise que les effets des officiers qui viennent à décéder dans le port de Marseille seront conservées et qu’il n’en sera fait aucun divertissement au préjudice de leurs héritiers et créanciers, et, qu’à cet effet, l’intendant ou l’ordonnateur en son absence apposera les scellés sur les effets des officiers décédés et dressera un inventaire.
Un arrêt du conseil du 14 juillet 1705 pris à la suite de contestations survenues à Lorient, précise que « l’intendant ou l’ordonnateur sera assisté du greffier de la prévôté de la marine qui sera obligé d’en garder les minutes à peine d’interdiction et de trois cents livres d’amende pour chaque contravention ».
Cette prétendue protection des héritiers et des créanciers est sans nul doute un faux prétexte. En effet, les intendants qui accomplissent de telles opérations recherchent si « ledit sieur X en la susdite qualité pourroit avoir des papiers et autres effets qui font raport au service de Sa Majesté ».
Ces dispositions se retrouvent de nos jours. En effet, lorsqu’un officier de la marine vient à mourir, le préfet maritime de la région dans le ressort de laquelle cet officier vient de décéder, peut faire rechercher à son domicile les papiers, documents et autres affaires ayant quelque rapport avec le service. Mais il ne procède pas lui-même à cette opération qui et, en général, confiée à un officier subalterne, sans l’assistance d’une personne assermentée. Ainsi peuvent naître certains litiges, comme celui qui est survenu à Toulon après le décès d’un amiral, en 1965, affaire dont le conseil d’État a eu à connaître.
Les services hors la résidence
Le prévôt, assisté d’un greffier et les archers, sont amenés à effectuer des services à l’extérieur de l’arsenal des galères. Ces services sont fort divers et consiste à « diligenter l’envoy des marchandises », à porter « divers ordres du Roy à Toulon et le long des costes d’Italie jusque devant Gênes », à poster « plusieurs dépesches en plusieurs lieux » pour le service des galères, à « faire venir les charpentiers et calfats pour le radoub des galères », à ramasser les matelots et autres gens d’équipage, « à équiper et mettre divers bastimens de charge en estat pour porter des vivres ausdites galères », à « faire publier et afficher par tous les lieux d’adjudication au rabais de la soumission et ouvrages faits pour le radoub, entretien et armement des galères, la construction des galères neuves et les travaux pour l’agrandissement de l’arsenal desdites galères » « à faire dilligenter la coupe des bois » dans les forêts du Dauphiné, de Bourgogne, de Provence et le long de la Durance, à la conduite des prisonniers et des condamnés aux galères qu’ils vont chercher jusqu’au Piémont ».
De l’ensemble de ces services, nous en dégagerons deux que nous envisagerons tout particulièrement :
- les visites des bois ;
- le service des classes.
Les visites des bois et les infractions à la réglementation sur la coupe des bois
Dès la fin du XVe siècle, « les bois nécessaires furent tirés du baillage de Tholon où les arbres, utilisables dans ce but (la construction navale), étaient nombreux à cette époque et des règlements sévères furent édictés afin d’en interdire la coupe pour tout autre usage ».
« Le développement des constructions navales rendit de plus en plus brûlant le problème de l’approvisionnement en bois utilisables pour cette industrie. Par une ordonnance royale d’août 1689, tous les arbres existant dans les forêts du royaume et reconnus, par des experts, propres aux constructions navales, furent réservés pour les arsenaux maritimes ».
Mais les infractions à la coupe des bois ne vont pas manquer. Ainsi, les habitants de Cuers et du Revest, « sous prétexte d’un droit qu’ils ont de couper des bois morts pour leurs usages, coupent une grande quantité de beaux arbres propres à la construction et radoub des vaisseaux et galères du roi pour les vendre ».
Un verrier de Carnoulles « fait couper de grande quantité de bois sans notre permission » pour l’entretien de sa verrerie. Ce sont quelquefois les propriétaires qui demandent l’intervention des autorités pour défendre aux habitants des lieux de couper des bois ».
C’est l’intendant qui est normalement chargé de la conservation des bois. Il envoie des commissaires, ou des maîtres charpentiers d’arsenaux, pour parcourir toutes les forêts et marquer d’un sceau particulier tous les arbres qu’ils jugent utilisables. C’est ce qu’on appelle le martelage qui restera en vigueur pendant deux siècles.
L’intendant envoie également le prévôt et ses archers pour relever les infractions à la réglementation sur la conservation des bois.
Mais toutes ces dispositions n’empêchent pas les habitants de lieux de commettre des infractions ou de tenter de mettre la réglementation en défaut. Ne pouvant couper les bois, les paysans les brûlent volontairement pour en retirer du charbon, ou pour les rendre impropres à la construction des vaisseaux, ou encore pour rendre la terre cultivable.
Les incendies volontaires sont alors très nombreux. En 1682, deux incendies éclatent au Tanneron, à l’endroit même où, en 1970, le feu fera des victimes. Deux individus ont brûlé tous les bois du Tanneron et « il y a un procès criminel pendant au parlement de Provence » contre eux. En 1696, le feu est mis volontairement aux forêts de Saint-Torpes, la Napoulle, l’Esterel, Bagnols, la Motte, Les Arcs, Vidauban, Le Cannet, le Luc. Il en est de même, en 1697, à Saint-Raphaël, à Yeres, à Cannes, au chemin de la Molle allant à Cogolin, à Agay, Fréjus, à nouveau à Saint-Raphaël et Fréjus, à plusieurs reprises, au quartier du Reyran, à Fréjus à plusieurs reprises à Vidauban et au Canet.
Le service des classes
L’accroissement de nos forces maritimes va poser de graves problèmes, mis en évidence par cet aveu de Louis XIV : « Il est impossible de faire de grands armements si je ne trouve moyen de changer l’aversion presque insurmontable qu’ont les gens de mer de s’engager au service de mes vaisseaux »
Et pourtant, le France ne manque pas alors de matelots.
Jusqu’en 1668, l’enrôlement des matelots de la marine militaire se faisait par le système dit de « la presse ». Un arrêt du conseil du 17 mai 1662 avait prévu que chaque paroisse maritime fournirait un nombre de matelots proportionnel au nombre d’habitants, avec faculté de rachat, à raison de douze livres par matelot et par mois.
Ce système n’ayant sans doute pas donné les résultats escomptés, une ordonnance du 17 décembre 1665 associait le système de la presse à celui de la fermeture des ports. Pour faire enrôler les matelots et mariniers qui seront nécessaires pour tous les vaisseaux de sa majesté, il était ordonné à Mr le duc de Beaufort « de fermer les ports de Poictou et de Xaintonge jusques à ce qu’on ayt fait la revue ».
Mais Colbert, dès qu’il prend en main les destinées de la marine, a tôt fait de constater tout ce que ce système a de précaire pour recruter les équipages : faiblesse et incertitude des effectifs, préjudice au commerce, violation de la liberté individuelle.
Dès 1666, Colbert confie tout d’abord à Nicolas de La Reynie, conseiller d’État, la mission d’aller dans tous les ports du royaume, pour s’informer sur tout ce qui pourrait pousser le plus grand nombre à s’adonner à la navigation et « faire un rôle exact de tous les gens de mer qui se trouve dans l’estendue de chaque amirauté », indiquer leurs diverses professions et chercher les moyens de les augmenter.
L’ordonnance du 4 mars 1667 prévoit que « les capitaines des Vaisseaux de Sa majesté, commis à la levée des équipages… pourront contraindre par toutes sortes de voies les matelots… qui refusent de s’engager volontairement ». La formule ne manque pas de saveur. Et, à cet effet, le roi mande et ordonne aux « Prévôts des Maréchaux et de la Marine… d’aider et assister lesdits Capitaines ».
Trois ordonnances (22 septembre 1668, 16 avril 1669 et 19 avril 1670) vont amener l’institution des classes, c’est-à-dire du service par roulement sur les vaisseaux du roi.
L’ordonnance du 22 septembre 1668, appelée ordonnance des classes, prescrit à tous les gouverneurs de provinces maritimes « de faire procéder au rôle et dénombrement de tous les mariniers et matelots dans toutes les villes et communautés des costes maritimes, sous la caution desdites communautés, pour servir sur les Vaisseaux de Sa Majesté, et les deux années suivantes sur les vaisseaux marchands ».
L’ordonnance du 16 avril 1669 fixe les attributions des commissaires de la marine chargés de la levée des équipages, et qui recevront l’appellation de commissaires aux classes.
Enfin, l’ordonnance du 19 avril 1670 apporte des précisions sur l’organisation des classes.
Mais dès 1683, année de la mort de Colbert, après avoir constaté que les rôles des matelots des côtes maritimes du royaume n’ont pas été faits avec l’exactitude nécessaire, et que les commissaires y ont employé un grand nombre de gens inutiles et omis une partie des meilleurs éléments, et voulant remédier à cet abus, le roi, dans une instruction, du 16 septembre, ordonne de « faire, en compagnie d’un commissaire et de deux archers de la marine, une visite de toutes les villes, bourgs et paroisses voisines de la mer ». Les archers aux classes sont ainsi créés.
En réalité, comme cela arrive souvent sous l’Ancien Régime, l’instruction du 16 septembre 1683 semble instituer une pratique déjà existante. La première trace de ces archers aux classes paraît remonter à septembre 1681, lorsque le sieur Le Danois, commissaire de la marine au Havre écrit dans une lettre de Cherbourg datée du 3 juin :
« J’avais pris la liberté de demander à Monseigneur un Archer de Marine pour m’aider dans mes revues et porter des ordres dans les paroisses où le service le demandera. Si Monseigneur n’a pas la bonté de m’en accorder un, je me trouverai souvent dans la peine de malaisément jouir des matelots et de ne leur donner de la crainte qu’autant qu’ils croiront que je les pourrai poursuivre seul, sans autre secours ».
Les archers de la prévôté des galères participeront au service des classes. Lors de la création des prévôtés de la marine et des galères, deux d’entre eux seront affectés au bureau des classes de Marseille. Ils seront choisis parmi ceux qui sont les mieux notés et ils doivent parler provençal. Puis, lors de la réunion de la flotte des galères à celle des vaisseaux, en 1748, et compte tenu de la faible activité de l’arsenal de Marseille, les archers sont départis dans divers quartiers maritimes, tels que Martigues notamment.
Chaque quartier dispose au moins d’un archer, et nous en trouvons même quatre affectés au département des classes des bords de la Loire et installés à Tours, Angers, Nevers et Orléans auprès de commissaires aux classes (451).
Mais si le service des classes ne semble pas poser de problème à Marseille, les exactions de commissaires vont largement contribuer à dégoûter les matelots du service du roi. Il leur arriva d’exempter des matelots moyennant finance et d’envoyer plus souvent qu’à leur tour sur les vaisseaux du roi ceux qui ne voulaient pas ou ne pouvaient pas acheter leur bienveillance.
Rançonnés par les commissaires aux classes, les matelots l’étaient quelquefois encore par les archers qui, « abusant de l’autorité dont ils étaient investis, cherchaient à leur extorquer de l’argent ».
Le commissaire d’Antibes, Riouffe, écrit au ministre en 1735 :
« Depuis que je suis embarqué dans ce département, j’ai fait quitter la bandoulière… (à plusieurs archers pour des cas semblables)… . Je la donnai au sieur Bigot en 1730 et je n’ai reçu aucune plainte sur son compte. Cependant… (si Mr Clerc m’avait rendu compte plus tôt de ce qu’il avait appris)…, il m’aurait épargné la mortification et la honte d’être frustré de l’honneur de nos ordres sur l’article de la bandoulière, personne n’étant plus intéressé que moi à faire cesser les plaintes dans mon département, surtout celle de cette nature que je n’ai jamais toléré ».
Le commissaire est d’autant plus affecté par la conduite de son archer que le prestige de la bandoulière demeure grand.
Ces manquements constatés dans la conduite de certains archers des classes s’explique par le fait qu’ils ne sont pas soumis à la surveillance directe de leurs chefs. Ils font certes partie d’une prévôté, mais les inspections du prévôt ne doivent pas être nombreuses, car nous n’en avons jamais trouvé sur les états de dépenses. Livrés à eux-mêmes, il n’est pas étonnant d’en voir faillir.
Ainsi, de 1680 à 1781, les attributions des prévôts des galères ont connu des fortunes diverses.
À l’origine, ces prévôts sont essentiellement chargés de missions de recherche et d’instruction, alors que leurs collègues de la marine jugent, en outre, tantôt prévôtalement, tantôt en qualité de subdélégué de l’intendant. Il est difficile de déterminer avec précision la raison pour laquelle ces prévôts généraux des galères, créés à l’instar des Prévôts généraux de la marine, n’ont pas reçu les mêmes pouvoirs et prérogatives que leurs homologues de la marine. Sans doute, ceux-ci ont conservé dans leurs attributions la qualité de juges qu’ils avaient acquise lors de leur installation dans les ports, à titre d’offices, bénéficiant également des dispositions contenues dans les commissions des intendants de la marine, qui permettaient de faire juger par le prévôt certains délits de la compétence du représentant du pouvoir central.
Mais au cours de ces premières années, déjà, les missions d’instruction semblent absorber suffisamment les prévôts des galères et ils ne sont plus en mesure d’enfourcher aussi souvent leurs montures pour aller à travers les provinces à la recherche des déserteurs. Le conseil de guerre connaît un grand nombre d’évasions et de désertions. L’intendant voit sa compétence sans cesse accrue et ses interventions en qualité de juge d’exception sont de plus en plus nombreuses. C’est à ce moment que les prévôts et les archers commencent à être attirés dans la sphère de compétence de l’intendant et se voient confier des missions n’ayant rien à voir avec celles qui étaient les leurs à leur création. Ces services extraordinaires, ou spéciaux, ont tous un caractère administratif marqué et ils ne cesseront de s’accroître.
De 1704 à 1716, la création des offices entraîne une uniformisation des prévôtés qui deviennent des prévôtés de la marine et des galères et a pour effet d’ériger à Marseille une juridiction prévôtale des galères. Cependant, les décisions rendues par le prévôt des galères jugeant prévôtalement apparaissent peu nombreuses. Peut-être ne nous sont-elles pas toutes parvenues. Mais il est également possible que le prévôt de Marseille ait eu quelque difficulté à faire valoir sa compétence. Nous avons vu, en effet, que les prévôtés de la marine établies avant l’édit de 1704 dans d’autres ports étaient des juridictions prévôtales. Pour elles, l’édit de 1704 n’a fait qu’ériger en offices des charges déjà pourvues à titre de commission. Il en est tout autrement à Marseille et les nouveaux pourvus ont du mal d’une part à s’adapter à leurs nouvelles fonctions, d’autre part à faire admettre leur compétence. Les réactions des officiers des galères sont très vives à leur égard. Le major des galères ne joue plus aucun rôle dans le conseil de guerre et il s’en prend au procureur du roi de la prévôté qui l’a supplanté.
L’édit de 1704 apparaît comme un texte de circonstance et, nous l’avons vu, destiné à faire entrer de l’argent frais dans le trésor royal. Mais il nous semble également avoir un autre but. Les attaques dont sont l’objet les décisions des conseils de guerre, qui proviennent pour la plupart des intendants, font écho à la cour où la mansuétude des militaires pour certains crimes a sans doute poussé le pouvoir central à restreindre la compétence de ces juridictions.
Mais en 1716, l’édit de suppression des offices laisse supposer que le régent entend mettre de l’ordre dans les fonctions de judicature. Michelet a salué cette œuvre de la régence. C’est sans doute ne voir qu’un aspect des choses. Certes, l’édit de 1716 a une coloration morale indéniable. Mais il renferme en même temps les prévôts dans les fonctions qui leur ont été attribuées par l’ordonnance sur la marine de 1689. Les pouvoirs des conseils de guerre s’en trouvent renforcés, le major des galères y retrouve la place qui avait été la sienne avant 1704. Cela n’est pas fait pour surprendre si l’on se souvient qu’avec la régence une tentative de gouvernement à grands conseils, une sorte de polysynodie apparaît. Le conseil de marine est créé. En réalité, l’édit de 1716 est également un texte d circonstance, car il ne tient pas compte des réalités. Et ces réalités, ce sont ces pouvoirs sans cesse croissant des intendants que nous avons constatés et que l’on entend juguler. L’épée triomphe momentanément de la plume mais les militaires se monteront aussi mauvais justiciers qu’ils l’avaient été avant 1704.
La fin de la régence voit les institutions de justice de la marine reprendre le cours normal de leur évolution, seulement interrompu en 1716 ; mais cette fois-ci, c’est l’intendant et lui seul qui en sera le bénéficiaire. Le prévôt devient un auxiliaire de l’intendant, à tel point que sa juridiction semble se confondre avec celle de celui-ci.
1748 est une date importante pour les galères. Mais le prévôt, établi à Marseille, change simplement de supérieur. Il devient l’auxiliaire de l’intendant de la marine installé à Toulon dans sa mission de justice et de police dans l’enceinte de l’arsenal des galères. La prévôté des galères reste en place jusqu’à la disparition de l’arsenal des galères.
CONCLUSION
Au terme de la présente étude, il est possible de dégager certains traits principaux qui ont marqué la prévôté des galères tout au long de sa courte existence.
Les personnels que nous avons vus se succéder aux différents postes de cette institution ont toujours reçu des missions nécessitant une spécialisation maritime. L’édit de 1648, antérieur à la création de la prévôté des galères, avait déjà insisté sur le rôle du prévôt de la marine et de ses collaborateurs, lorsqu’il disposait qu’ils exerceraient leur action « avec pouvoir de main-forte pour l’exécution des arrests et commissions amenées pour le fait de la marine ». Le règlement de 1680, portant création du prévôt des galères, et les différents textes qui sont publiés à partir de 1704, mettent en relief le caractère essentiellement maritime de l’institution. Il n’y a rien de commun entre les prévôts de la marine et des galères et les prévôts des maréchaux. Les missions sont différentes. L’édit de 1709 est clair sur ce point. « Ils ne pourront néanmoins exercer que pour les affaires concernant la marine et les officiers d’icelle et dans l’étendue des ports, hâvres et côtes de la mer ».
Mais il peut paraître étonnant de constater que cette spécialisation des prévôts des galères, comme celle des prévôts de la marine, s’est presque exclusivement exercée qu’à terre. Lorsque l’on annonce une étude dont le titre comporte les termes de marine ou de galères, ou les deux à la fois, on serait en droit d’attendre des développements qui mettent plus directement en relief les choses de la mer. Car on imagine encore que tout ce qui touche à la marine se déroule à la mer. En ce domaine, l’évolution historique montre à quel point le développement des techniques a rendu les navires dépendant de la terre.
La marine a commencé à la mer. Les premiers prévôts qui ont servi dans son sein ont été embarqués. Jean Montaigue était présent à la bataille de l’Écluse, de même qu’Anthoine Mandine et Jean de Marin ont participé à celle de Saint-Martin de Ré. Ces prévôts ont vécu la vie des bords et leurs pouvoirs se sont exercés tant à terre qu’à la mer.
Ce sont les titulaires des offices des amirautés qui ont créé la marine. Ce sont également les capitaines propriétaires de galères qui ont créé la flotte des galères. Les uns et les autres recevaient des fiefs fonctionnels et étaient possesseurs des gens et des choses de la mer. Eux seuls décidaient alors de disposer d’un officier spécialisé dans des missions de justice au sein de la flotte.
Richelieu fit sortir la marine de cette espèce de féodalité. Les services de la marine furent centralisés et le cardinal confia le commandement à la mer à des chefs d’escadres, et à terre, à un intendant des armées navales qu’il créa. Or, les intendants que l’on commence à voir à cette époque, départis dans les généralités, trouvèrent sur place des prévôts provinciaux tout prêts à les assister dans leur mission de justice. C’est ce modèle qui semble avoir inspiré l’œuvre de Richelieu lorsqu’il créa un prévôt général de la marine et des armées navales, peu de temps après la mise en place du premier intendant de la marine. Et lorsque des intendants seront par la suite départis dans les différents ports de guerre du royaume, des prévôts leur seront adjoints.
Il peut paraître étonnant de ne pas voir un prévôt immédiatement nommé à Marseille lorsque le premier intendant des galères s’y installe en 1665. Sans doute, les travaux d’agrandissement du port, qui viennent de commencer, occupent-ils la majeure partie du temps du représentant du pouvoir central. Mais, en 1680, les travaux étant largement avancés et Marseille ayant accédé au rang de véritable arsenal, un prévôt s’y établit sur le modèle des autres ports.
Certes, nous avons vu la tentative du général des galères pour faire embarquer le prévôt et ses archers. Mais il est déjà trop tard. Depuis longtemps, le besoin s’était fait sentir d’un officier spécialisé dans la poursuite des infractions qui se multiplient dans l’arsenal. Il faut poursuivre les forçats, assassins ou révoltés, qui s’évadent en grand nombre, surtout lorsque les galères sont au port, et c’est à Marseille qu’elles passent la plus grande partie de leur temps. Il faut également poursuivre le soldat ou le matelot qui déserte, le comptable qui prévarique, le commis infidèle, l’ouvrier insubordonné, l’habitant même étranger à l’arsenal qui y porte le désordre comme auteur ou comme complice
L’arsenal des galères devient un réservoir d’immenses richesses renfermées dans de vastes dépôts et il devient nécessaire d’en assurer la surveillance et la protection. Il faut également disposer d’une juridiction capable d’assurer une prompte justice, sans rigueur, mais susceptible d’intimider ceux qui seraient tentés de créer quelque trouble dans l’enceinte militaire.
La prévôté des galères a ainsi fonctionné, pendant plus de cent ans, sur le modèle des prévôtés de la marine. Mais ce fut une prévôté incomplète pendant presque un quart de siècle, à ses débuts, puisqu’il faut attendre 1704 pour que tous les postes en soient prévus, à titre d’offices héréditaires. À partir de cette date, il n’y a plus que des prévôtés de la marine et des galères. Mais celle de Marseille conserve sa vocation première et consacre l’essentiel de ses activités au service des galères. La suppression des prévôtés dans la marine et le retour au système de la commission en 1716 marque une régression de l’institution, mais la qualité des services qu’elle n’a cessé de rendre lui permet de résister, puis de retrouver tout au moins une partie de ses anciennes attributions. Aux missions originelles viendront s’ajouter des tâches plus obscures, mais journalières, effectuées au bénéfice de l’intendant et des commissaires aux classes notamment. Le prévôt des galères et son personnel, pourtant peu nombreux, deviennent les auxiliaires indispensables de l’intendant. Nous sommes surpris aujourd’hui de constater qu’un si grand nombre de missions ont pu être accomplies avec si peu de personnel.
Le sieur Dejean, dernier prévôt de la marine de Toulon, écrira, au sujet de sa prévôté : « L’utilité seule a pu jusqu’ici soutenir la faiblesse ». Il nous paraît très juste d’affirmer que cette prévôté des galères a été également une institution utile, à tel point que nous l’avons vue survivre à la suppression de la flotte des galères en 1748, car son sort est bien plus lié à celui de l’arsenal qu’à celui de la flotte.
Mais la vente de l’arsenal des galères sonne le glas de cette prévôté. Il ne reste plus rien aujourd’hui de cette institution, comme il ne reste plus rien de visible de l’arsenal de Marseille. Seule la peine des galères ne disparaît pas complètement et, au début de la Révolution, on verra encore des condamnations aux galères. Mais il y a longtemps que galères et bagne sont devenus synonymes.
Les prévôtés de la marine subsistent cependant, pour peu de temps, car l’Assemblée nationale constituante, qui entend faire table rase de l’ancienne organisation judiciaire, supprime, par une loi du 20 septembre -12 octobre 1791, les prévôtés de la marine, dont les personnels seront intégrés dans la Gendarmerie nationale nouvellement créée, pour former la gendarmerie des ports et arsenaux. Cette dénomination sera peu employée et la correspondance de l’époque lui a donné sa véritable identité, car on l’appelle déjà la gendarmerie maritime. En ce qui concerne les prévôts, dont la fonction risquait d’être dévaluée s’ils étaient restés à la tête de compagnies de gendarmerie n’effectuant qu’une partie des fonctions des anciennes prévôtés, la marine en fait des commissaires auditeurs auprès des cours martiales, emploi aujourd’hui équivalent à ceux de commissaire du gouvernement et de juge d’instruction.
Alors que l’ancien régime n’avait jamais remis en cause le principe de l’appartenance des prévôtés de la marine au ministère du même nom, les régimes qui vont suivre déploieront de multiples efforts d’imagination pour tantôt fusionner ces institutions de police maritime à la Gendarmerie nationale, tantôt pour en affirmer le particularisme et la spécialisation maritime et leur faire réintégrer le sein de la marine.
Ainsi, pendant près de deux siècles, nous verrons se succéder ces deux sortes d’opérations, dont les partisans vanteront les mérites avec autant de fougue, de détermination et de bonne foi. Réunie à la Gendarmerie nationale dès 1791, la gendarmerie maritime en sera séparée en 1832. Mais, en 1926, une nouvelle fusion intervient, suivie à nouveau d’une séparation réalisée par décret en 1935. Et ce n’est pas fini. En 1947, un nouveau décret aboutit à une nouvelle fusion. Cette situation dure jusqu’en 1952. Enfin, une loi est venue une fois encore intégrer la gendarmerie maritime dans la Gendarmerie nationale à compter du 1er janvier 1970.
C’est un bien triste sort pour une institution aussi vénérable que seules des considérations d’ordre budgétaire ou d’intérêt immédiat peuvent expliquer, mais qui ne peuvent trouver aucun fondement dans des motifs d’efficacité et d’intérêt national. Et ce n’est là que l’un des aspects de transformations plus importantes.
Certains n’hésitent pas à penser que nos institutions maritimes ont vécu, oubliant qu’elles sont un produit de l’histoire. L’inscription maritime, créée en 1795 mais inspirée par l’œuvre de Colbert, a disparu. Les préfets maritimes risquent de faire les frais d’une réorganisation dont leurs homologues départementaux pourraient bien être les bénéficiaires. La gendarmerie maritime, quant à elle, aussi paradoxal que cela puisse paraître, semble avoir retrouvé des activités plus en rapport avec le milieu marin depuis son intégration dans la Gendarmerie nationale, dans la mesure où son action s’exerce en partie sur la mer. Il y a beaucoup à faire pour installer sur les côtes de notre pays cette police de la mer qui nous manque tant et qui pourrait prendre exemple sur les Coast Guards d’outre-atlantique. On l’espérait lors de la création d’un ministère de la mer. Il aurait fallu avoir le courage d’innover, dans un domaine où les particularismes ont quelquefois besoin d’être bousculés.
SOURCES
I. DOCUMENTS MANUSCRITS
1° Bibliothèque nationale
Ms Fr 25.996, n° 152
Ms Fr 27.549, pièce n°3
Ms N.A.F. 9241 fol. 27 noir et 51 rouge
Ms Fr 2133 (Stolonomie)
2° Archives nationales (Section Marine)
Série A. Actes du pouvoir souverain
A1. Recueil général d’ordonnances (1298-1790)
A1. A1 3, A1 13, A1 41, A1 44
A2. Recueil particulier d’ordonnances (1548-1787)
A2. 1 à 15
Série B. Service général
B1. Délibération du conseil de marine
B1. B1 3, B1 26, B1 45, B1, 49
B2. Correspondances au départ, ordres du roi et dépêches 1662-1790)
B2. 6 8, 10, 20, 26, 29, 32,35, 38,40, 41, 42,44, 46, 50,64, 71, 76, 87, 88, 93, 110, 135, 138 175, 185, 186, 195, 202, 206, 210, 211, 227, 228, 229, 244, 263, 251, 265, 282, 312, 335 à 370, 418, 377, 378
B3. Lettres reçues (1628-1789)
B3. 49, 111, 140,142, 152, 193, 171,196, 200
B6. Galères (1292-1759)
B6. 1 à 76. Ordres et dépêches (1564-1748)
de B6 12 (1680) à B6 76 (1747-1748)
B3. 77 à 142. Lettres reçues (1299-1759)
de B6. 83 (1678-1681) à B6 100 (1707) 6 109 (1716)
B6. 112 (1720)
B6. 113 (1720-1722 : peste)
B6. 134 (1748)
Série C. Personnel
Série C2 (1645-1817) : officiers civils
Cette série comporte 62 articles
Série O. Mémoires et documents divers
C 226
3°. Service historique de la Marine
8 1², 38 1
4°. Archives départementales des Bouches du Rhône
IX B2 et IX B4
5°. Archives de la 3e région maritime. Port de Toulon
Série O. Institutions de répression
Série 3-0. Intendant des galères
- 3-0-1. Jugements du conseil de guerre, de l’intendant et du prévôt de la marine subdélégué à l’intendant (1666-1699)
- 3-0-2. Registre contenant les jugements du conseil de guerre et les sentences de MM. Les intendants (1704-1726)
- 3-03. Registre des jugements du conseil de guerre et de l’intendant (1728-1742)
- 3-0-4. Procès-verbaux de visite des bois (1697)
- 3-0-5. Notes diverses relatives à des infractions à la réglementation des bois. Incendies et visite des bois de Provence (1683-1697)
- 3-0-6 et 3-0-7. Affaire des 1683 espions « religionnaires » (1696)
- 3-0-8. Inventaires des procédures et archives des greffiers de la prévôté des galères (1690-1713). Apposition des scellés et inventaires des effets, meubles et papiers ayant appartenu aux officiers des galères décédés (1717-1744)
- 3-0-9. Plaintes, procédures et interrogatoires (1692-1707), sauf 1698 et 1699
- 3-0-10. Jugements, requêtes et plaintes (1708-1778)
Registre 1-0-570 : galères
Série L (Contrôle)
- 1 L 121
Série A (Commandement de la marine)
- 1 À 1 140
II. IMPRIMÉS
1° Ouvrages généraux
Textes et recueils législatifs
Catalogue des actes de François 1er. Imp. Nationale. (1887-1908). 10 vol. Académie des sciences morales et politiques. Collection des ordonnances des rois de France.
Fontanon. Les édits et ordonnances des rois de France depuis Louis VI le Gros jusqu’à présent. Paris. 1611.
Isambert. Recueil général des anciennes lois françaises.
Jourdan et Paris. Verdière. 1829. 28 volumes
Ducresy
Moréri. Grand dictionnaire historique. Paris. Lib. associés. 1769. 10 volumes
Pardessus J.-M. Collection des lois maritimes antérieures au XVIIIe siècle. Imprimerie royale. Paris. 1828-1845. 6 volumes
Valin R.J. Nouveau commentaire sur l’ordonnance de la marine du mois d’août 1681. La Rochelle. Lagier. 1756. 2 volumes
Code des armées navales ou recueil des édits, déclarations, ordonnances et règlements sur le fait de la marine du roi, depuis le commencement du règne de Louis XIV, jusques y compris l’ordonnance de 1689, conférés avec les ordonnances postérieures sous le même règne et sous celui de Louis XV jusques en 1757. A. Boudet. Paris. MDCCLVIII
Extrait de l’ordonnance du roi concernant la marine du 25 mars 1765. Toulon. Imp. J.L.R. Mallard MDCCLXXVIII
Ordonnance de Louis XIV pour les armées navales et arsenaux de la marine. Paris. Michalet. 1689.
Histoire des institutions
Michel Antoine. Le conseil du roi sous le règne de Louis XV. Paris. Genève. Droz. 1970. 666 p.
Mousnier Roland. La vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII. Paris. PUF. 1971. 724 p.
Olivier-Martin Fr. Précis d’histoire du droit français. Paris. Dalloz. 1945. 487 p.
Regnault Henri. Manuel d’histoire du droit français. Sirey. 1942. 426 p.
Timbal P.C. Histoire des institutions et des faits sociaux. Paris. Dalloz. 535 p.
Histoire de la marine
Boiteux L.A.Richelieu « grand maître de la navigation et du commerce de France ». Paris. Ozanne. 1955
Bonnefoux Pierre-Marie-Joseph. Dictionnaire de marine à voile et à moteur. Paris. Arthus Bertrand. 1859
Carré (Lt-Col.). Duquesne et la marine royale de Richelieu à Colbert (1610-1688). Paris. Sfelt.1950
Fournier. Hydrographie
Guérin Léon. Histoire maritime de la France. Paris. Dufour Legrand. 1844
Jal. Documents inédits sur l’histoire de la marine au XVIe siècle. Paris. Imprimerie nationale. 1842
Glossaire nautique. Paris. Didot. 1848
Scènes de la vie maritime. Paris. Gosselin. 1832
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Le Gohérel H. Les trésoriers généraux de la marine. Paris. Cujas
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Tramond Joannès. Manuel d’histoire maritime de la France. Paris. Challamel. 1916
2° Institutions maritimes particulières
Amirautés
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David J.-M. L’amirauté de Provence et des mers du Levant. Thèse de droit Marseille. GED. 1942
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Batailles navales
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Administration centrale de la marine
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Arsenaux de la marine
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Robillard de Beaurepaire (Ch. de). Recherches sur l’ancien Clos des Galées de Rouen. 1864
Justice maritime
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Marine des galères
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Roussel Romain. Jacques Cœur le magnifique. Berger-Levrault. 1965
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Les galériens
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Coste (abbé Pierre). Monsieur Vincent. Paris. 1932
Davin Emmanuel. La naissance du bagne au XVe siècle. Conférence. Archives du port de Toulon
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Kaltenbach Jacques. Les protestants sur les galères et dans les cachots de Marseille de 1545 à 1750. Marseille.
Église réformée
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Marseille
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Rebuffat
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Caffarel et Duranty. La peste de 1720 à Marseille et en Provence d’après des documents inédits. Paris. Perrin. 1911
Rambert. Histoire du commerce de Marseille. 7 vol. (1660-1789). Paris. Plon
(1) AT 1-0-570, fol. 161 à 166. AN MAR B6 12, fol. 24.
(2) AN MAR B6 12, fol. 103.
(3) AN MAR B6 12, fol. 103 & v.°. AN MAR C2 56, fol. 16 v° (la commission du premier prévôt des galères date du 10 avril 1680).
(4) AN MAR B6 83, fol. 509.
(5) AN MAR B6 84, fol. 297v°, 298, 299, 309, 337 & v°, 338 & v°°.
(6) AN MAR B6 84, fol. 297v°, 299, 338.
(7) AN MAR B 86, fol. 143v° & s.
(8) Le rémolat est chargé de l’entretien des rames de la galère.
(9) AN B6 86, fol. 143v° & s.
(10) AN MAR 83, fol. 303 (lettre du duc de Vivonne du 16 octobre 1680).
(11) AN MAR B6 83 (lettre du duc de Vivonne du 12 octobre 1680).
(12) AT 3-0-9 : Plaintes, procédures et interrogatoires (1692-1707). Registre non folioté. Affaire Cornally et Garros. Conclusions du sieur Gademart, procureur du roi de l’amirauté de Marseille, en date du 8 mars 1694.
(13) AN MAR B6 83, fol. 309 & v°. AN MAR B6 84, fol. 309 & v°. Il s’agit des nommés Benoît Blancon, François Ganot, Jean Legay, Poncet Perrot, Pierre Vallée, Barthélémy Boyer, Barthélémy Favier, Jacques Beaumont, esprit Richard et Louis Buignon.
(14) AN MAR C2 56, fol. 16v°.
(15) Tournier (G.) : op. cit., p. 93.
(16) Sur Vincent de Serre :
Desbans (Cdt) ; Une affaire d’espionnage à Marseille en 1696. RMC 1906, p. 203 à 254 et 445 à 486.
Luquet (J.) : Un protestant marseillais à travers son époque : Vincent de Serre (1635-1696. Thèse. Aix. 1948. 66 p.
Sur l’affaire des espions et religionnaires : AN MAR B2 109, 111 à 121 ; B3 93 à 98 ; B6 26, 28, 29, 90, 91 (fol. 68, 70, 72v°, 75, 81, 87) & 92 ; AT 3-0-6 à 3-0-7.
(17) Tournier (G.) : op. cit. p. 93
(18) AN MAR B6 95, fol. 116.
(19) AN MAR B6 94, fol. 386.
(20) Montesquieu : L’esprit des lois, dans Choix de textes par Marcel Raymond. Éd. de la Lib. De l’Université. Fribourg ; 1943. 254 p. (p. 175).
(21) AN MAR A2 12, fol. 96.
(22) AN MAR B6 84, fol. 337, 339, 346 & 346v°. B6 86, fol. 143v° & s., 116v°, 117v°, 118v°, 340.
(23) AN B6 92, fol. 37v°.
(24) AT 3-0-8.
(25) AN MAR A2 6.
(26) AN MAR A2 9, fol. 185.
(27) Mousnier (Roland) : La vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII. Paris. PUF. 1971. 724 p. (p. 107 à 111).
(28) Mousnier (R.) : op. cit., P. 115.
(29) AT -0-2 (1704-1726) : 6e espèce.
(30) Mousnier (R.) : op. cit., P. 66.
(31) Mousnier (R.) : op. cit., p. 69.
(32) AD Bches du Rh. IX B4, fol. 280.