L’ÉTAT D’URGENCE OU L’EXCEPTION EN BANLIEUE
Olivier Gohin
Professeur à l’Université Panthéon-Assas de Paris (Paris II)
S’il est des leçons de l’histoire, il en est une, au moins, à retenir : il importe que les démocraties sachent se défendre, non pas en sortant de l’État de droit, mais en aménageant le droit de l’État pour faire face à une situation de crise, à l’exemple des violences que certaines banlieues françaises ont pu connaître, fin 2005. L’état d’urgence ce n’est pas la sortie du droit, c’est le droit autrement, selon une construction qui est généralisée dans le temps et dans l’espace, le recours à histoire des sociétés ou au droit comparé saurait le dire.
L’état d’urgence, c’est d’abord l’urgence, circonstance dont on dit, un peu vite, en droit public, qu’elle couvre tout, en résumant ainsi les propos énergiques du commissaire du gouvernement Jean Romieu dans ses célèbres conclusions sur l’arrêt du Tribunal des conflits, Société immobilière de Saint-Just, en date du 2 décembre 1902, lorsqu’il élabore la théorie de l’exécution d’office : « Il est de l’essence même du rôle de l’administration d’agir immédiatement et d’employer la force publique sans délai ni procédure, lorsque l’intérêt immédiat de la conservation publique l’exige : quand la maison brûle, on ne va pas demander au juge l’autorisation d’y envoyer les pompiers »(1).
Ce n’est pas que le juge soit toujours ou durablement absent. Parce que la France est une démocratie – on dirait semblablement : depuis que la France est une démocratie – les exigences contradictoires de la sauvegarde de l’intérêt public et de la protection des libertés fondamentales sont conciliées sous le contrôle du juge, arbitre de cette contradiction et, dès lors, gardien de cette conciliation. Il en est ainsi tout spécialement du juge administratif dont c’est, après tout, le rôle, sinon la fonction, et qui a construit, de toutes pièces, la théorie des « circonstances exceptionnelles », à la sortie de la Première Guerre mondiale(2), comme il aura l’occasion, après la Libération, d’affiner sa jurisprudence antérieure en retenant sa propre compétence pour connaître, par exemple, d’une situation qui aurait relevé, en temps normal, de l’usurpation d’une fonction publique, et donc du droit privé, mais qui, toutefois, dans le contexte de l’époque, est resituée, par la théorie du « fonctionnaire de fait », dans le champ de l’administration(3).
Ce n’est pas non plus que le droit écrit soit resté complètement muet pour donner à l’État républicain, consolidé par le suffrage universel(4), les instruments de la nécessaire répression en vue du retour à l’ordre public, après les journées de juin 1848 et la Commune de Paris au printemps 1871, par des législations qui remontent au début de la Seconde, puis de la Troisième République, respectivement : la loi du 9 août 1849 sur l’état de siège, d’abord(5), la loi du 3 juillet 1877 sur les réquisitions militaires, ensuite(6), avant que le constituant de 1958 ne vienne enfin inscrire, sinon transcrire, à l’article 16 de La loi fondamentale, un régime de pouvoirs exceptionnels, confié au seul Président de la République en tant qu’il est encore présenté comme un « arbitre » constitutionnel(7).
L’état d’urgence, régi par la loi Bourgès-Maunoury du 3 avril 1955(8), est précisément au nombre de ces régimes d’application exceptionnelle(9), définis par le législateur et précisés par le juge, qui contribuent à la sauvegarde de l’État républicain – et donc de la démocratie politique – quand il le faut, là où il le faut et comme il le faut : quelle est sa définition ? Quel est son contenu ? Quel est son contrôle ?
La définition de l’état d’urgence
L’état d’urgence, législation qui s’inscrit dans le contexte de l’Algérie française, à la demande pressante du gouverneur général Jacques Soustelle, peut, d’abord, être défini de façon négative, pour ce qu’il n’est pas, puis, de façon positive, pour ce qu’il est.
La définition négative
L’état d’urgence n’est certainement pas la guerre étrangère que le Parlement français a déclarée, pour la dernière fois en date, le 3 septembre 1939, contre l’Allemagne nazie, et à la suite du Royaume-Uni. Faute d’être mort pour Prague, il aura donc bien fallu mourir pour Dantzig. Ce point d’histoire ne fait pas difficulté si ce n’est pour rappeler qu’il ne pouvait en être autrement puisque, pour reprendre la célèbre formule de François Mitterrand, ministre de l’Intérieur en 1954, « L’Algérie, c’est la France » et que les combats contre la rébellion en Algérie étaient des « opérations de maintien de l’ordre », et donc, en aucune façon, une guerre même si, par reconstruction du passé, sur fond de pensions militaires et de repentance nationale, la loi mémorielle du 18 octobre 1999 a cru devoir consacrer, a posteriori, à l’unanimité de la représentation nationale tout de même, l’existence d’une prétendue guerre d’Algérie.
L’état d’urgence n’est pas non plus l’état de siège et la loi prévoit, d’ailleurs, que ces deux régimes d’application exceptionnelle ne peuvent être appliqués simultanément « sur un même territoire »(10). Il en est ainsi pour deux raisons :
- d’une part, parce que « l’état de siège ne peut être déclaré » – formulation restrictive – « qu’en cas de péril imminent résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection armée »(11). Les troubles armés en Algérie, même connus, dès 1954, de la Gendarmerie nationale, ne sauraient relever ni certainement d’une guerre étrangère(12)– on l’a dit – ni même, dans le contexte du début de l’année 1955, d’une insurrection armée, c’est-à-dire d’une guerre civile, devant être alors traitées l’une ou l’autre par les armées(13);
- d’autre part, parce qu’« aussitôt l’état de siège déclaré, les pouvoirs dont l’autorité civile était investie pour le maintien de l’ordre et la police sont transférés à l’autorité militaire »(14) et qu’il n’était pas question, dans le même contexte du début de l’année 1955, de se laisser entraîner, sur le territoire français de l’Algérie, à une solution aussi radicale.
La définition positive
La loi instituant un état d’urgence est donc une loi décalée par rapport à l’état de siège, sur les deux points prémentionnés :
- en premier lieu, parce que « l’état d’urgence peut être déclaré » – formulation permissive – « en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public », ce qui était le cas des troubles en Algérie, à cette précision près – c’était, à la vérité, un rideau de fumée – qu’une hypothèse alternative est envisagée : « en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique » ? Néanmoins, on observera que cette seconde hypothèse peut être incluse dans la première : une calamité publique, après tout, conduit à porter gravement atteinte à l’ordre public. De plus, jamais, il n’a été fait recours à l’état d’urgence pour faire face à une catastrophe naturelle ou à une marée noire, en particulier dans les départements d’outre-mer quand ils ont eu à subir des cyclones tropicaux, parfois dévastateurs ;
- en second lieu, parce qu’il résulte implicitement du dispositif que les pouvoirs dont l’autorité civile était investie pour le maintien de l’ordre et la police sont maintenus à l’autorité civile, et augmentés à son profit : il s’agit, en principe, du préfet du département compris, en tout ou en partie, dans la zone de l’état d’urgence(15), sous réserve de la compétence du ministre de l’Intérieur, exclusive pour les décisions d’assignation à résidence, de remise des armes et concurrente pour celles de fermeture des lieux de réunion(16).
Au surplus, tout en déclarant sa propre application en Algérie pour une durée de six mois(17), la loi du 3 avril 1955 poursuit cette entreprise de banalisation de l’état d’urgence en prévoyant, de façon explicite, son application, en dehors de l’Algérie, à tout ou partie du territoire métropolitain ou aux départements d’outre-mer. C’est, du reste, ce qui se sera produit, à quatre reprises, après 1955, dans le cas d’atteintes graves à l’ordre public commises sur le territoire métropolitain ou bien outre-mer :
- d’abord, sur l’ensemble du territoire métropolitain, deux fois : en mai 1958 pour une durée de trois mois ; puis en avril 1961 sans délai(18), même si, en conséquence de la loi du 3 avril 1955 modifiée, l’état d’urgence cessera, un an plus tard, avec la démission du Gouvernement Debré, en avril 1962. C’est cet état d’urgence qui va être appliqué avec une vigueur particulière, dans le département de la Seine, en octobre 1961, en liaison avec la lutte contre la volonté délibérée du FLN et de ses soutiens de porter le conflit algérien dans la région parisienne, notamment auprès des populations nord-africaines ;
- ensuite encore, en Nouvelle-Calédonie, de janvier à juin 1985, au bénéfice d’une extension de la loi du 3 avril 1955 à ce territoire d’outre-mer par l’article 119 de la loi du 6 septembre 1984(19) afin de faire face à la violence armée dont des gendarmes seront, d’ailleurs, les victimes, après la déstabilisation politique provoquée, depuis 1983, par la reconnaissance d’un prétendu peuple kanak auquel la perspective de l’indépendance internationale aura été ouverte de façon bien imprudente, contre la volonté de la majorité de la population locale ;
- enfin, en métropole, à nouveau, dans le cadre ici étudié de la crise des banlieues de 2005, ce régime d’exception étant rapidement dénommé « couvre-feu » chez les jeunes délinquants concernés ainsi que dans les médias, en raison de quelques interdictions de déplacements la nuit.
Le contenu de l’état d’urgence
Si, du côté de la sauvegarde de l’ordre public, – on l’a souligné – l’état d’urgence est décalé par rapport à l’état de siège, il est aussi largement décalqué sur ce régime d’exception. Pour autant, il existe, dans l’état d’urgence, de nombreuses variations des pouvoirs de police, en moins ou en plus par rapport à l’état de siège.
Le décalque de l’état d’urgence sur l’état de siège
Comme l’état de siège, en vertu de l’article 36 de la Constitution, l’état d’urgence, conformément à l’article 2 de la loi du 3 avril 1955(20), est déclaré par décret en Conseil des ministres pour une durée de douze jours au plus, la prorogation de ces deux régimes d’exception devant être autorisée par une loi(21). La similitude est d’ailleurs si grande que le Comité Balladur vient de proposer que l’article 36 de la Constitution en ce sens soit étendu de l’état de siège à l’état d’urgence(22). De plus, de même que le décret déclaratif de l’état de siège, le décret en conseil des ministres déclaratif de l’état d’urgence détermine les territoires ou circonscriptions territoriales de son application(23), étant précisé que les zones concernées, à l’intérieur de ces circonscriptions territoriales, sont précisées par décret simple(24). C’est ainsi que la mise en place de l’état d’urgence en 2005 a été rendue possible par deux décrets du 8 novembre 2005, l’un n° 2005-1386 du Président de la République en conseil des ministres qui déclare l’état d’urgence pour l’ensemble du territoire national et l’autre n° 2005-1387 du Premier ministre qui désigne les zones de mise en œuvre de l’état d’urgence dont la liste est annexée au second décret(25).
Quant au fond, la similitude des mesures de police qui peuvent être prises, dans les deux régimes d’exception, est frappante :
- perquisitions domiciliaires de jour et de nuit(26);
- éloignement ou – ce qui revient au même – interdiction de séjour de certaines personnes(27);
- remise forcée des armes(28);
- interdiction des publications et autres médias(29);
- interdiction des réunions(30).
Elle l’est tout particulièrement dans le cas de l’état d’urgence « renforcé » qui correspond à l’hypothèse où, de façon prévue expressément par le décret déclarant ou par la loi prorogeant ce régime d’exception, l’état d’urgence permet aux autorités administratives compétentes : ministre de l’Intérieur ou préfets, d’ordonner, dans les zones concernées, définies par le décret d’application(31), les mesures précitées de perquisitions domiciliaires de jour et de nuit et d’interdiction des publications et autres médias(32).
Les variations propres à l’état d’urgence
Mais, il existe aussi des variations propres à l’état d’urgence, en moins ou en plus par rapport à l’état de siège :
- en moins, dans le seul cas de l’état d’urgence, la loi autorisant la prorogation fixe sa durée définitive(33) et elle devient caduque en cas de démission du Gouvernement ou de dissolution de l’Assemblée nationale(34); de même, en état d’urgence, les juridictions de droit commun sont compétentes, en principe, pour connaître de l’ensemble des litiges(35).
- en plus, dans le seul cas de l’état d’urgence, on mentionnera, en particulier, la possibilité pour le préfet d’interdire, de plein droit, la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et heures qu’il fixe par arrêté(36) et de réglementer le séjour des personnes dans les zones de protection ou de sécurité qu’il institue par arrêté(37); on y ajoutera l’assignation ministérielle à résidence de « toute personne […] dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre public »(38). De façon surprenante, on y insistera, l’état d’urgence permet ainsi, au fond, plus - et mieux - que l’état de siège.
Le contrôle de l’état d’urgence
Mais, on ne saurait s’en tenir au rétablissement de l’ordre public par les forces de police et de gendarmerie parce que, dans une démocratie politique, la liberté est le principe et que l’ordre n’est jamais qu’au service de cette liberté. Le Conseil constitutionnel aura eu l’occasion, d’ailleurs, dans sa décision du 25 janvier 1985, de rappeler en ce sens que le régime de l’état d’urgence vise, précisément, à « concilier […] les exigences de la liberté et la sauvegarde de l’ordre public ». Et, c’est précisément parce que les violences urbaines méconnaissaient gravement et durablement les libertés fondamentales, individuelles et collectives, que l’état d’urgence a fini par être déclaré, dans les banlieues concernées, fin 2005, les deux points suivants étant à noter :
- d’une part, ce régime d’exception devait prendre fin dès que ces violences cesseraient, en tout cas seraient réduites à un niveau socialement acceptable – qui, compte tenu des circonstances, ne pouvait guère être très élevé. Et tel fut le cas, la dernière fois en date, à la sortie des vacances de Noël 2005.
- d’autre part, ce régime d’exception devait permettre au contrôle de tous les juges compétents d’exercer, en temps utile, afin que les libertés fondamentales demeurent effectivement protégées, autant que possible, dans les conditions raisonnablement prévues dans tout État de droit, c’est-à-dire « dans la stricte mesure où la situation l’exige », dans le texte de l’article 15 § 1 de la Convention européenne des Droits de l’homme(39). Force doit, en effet, rester à la loi qui garantit le faible contre la violence de personnes dont le comportement doit être réprimé par une contre-violence légitime, non seulement par ce qu’elle est légale, mais parce qu’elle est juste nécessaire, c’est-à-dire correctement proportionnée. Il n’y a pas normalement de brutalités policières. Il y a régulièrement des contre-mesures ajustées en vue du rétablissement de l’ordre public.
L’état d’urgence, en 2005, c’était donc la possibilité ouverte aux forces de l’ordre, sous le contrôle éventuel du juge, de contre-mesures bien mieux adaptées à la situation de crise que connaissaient alors les banlieues concernées : pour l’essentiel, l’interdiction, dans six quartiers, de la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté préfectoral, dès lors que les mesures les plus sévères n’ont pas été appliquées : ni couvre-feu généralisé, ni perquisitions domiciliaires de nuit, ni contrôle des publications et autres médias, ni limitation des réunions et lieux publics. Autant le dire, l’état d’urgence en 2005 aura été surtout, pour le pouvoir politique, l’occasion de marquer un coup d’arrêt dans la spirale des violences urbaines en cours dans la région parisienne et de reprendre ainsi en main une situation qui, au plus fort de la crise des banlieues, devenait trop difficile à maîtriser dans les conditions de droit commun(40).
On s’attardera donc sur le contrôle du juge de ce régime d’exception qui, au titre des « exigences de la liberté », importe tant – et, à juste titre – au juriste. Ce juge compétent, c’est d’abord le juge administratif dès lors qu’après tout, il est constitutionnellement le juge de la puissance publique(41). Or, tel est assurément le cas lorsqu’il existe, selon les termes de la Convention précitée, un « danger public menaçant la vie de la nation ». Mais, ce juge compétent pour connaître de l’état d’urgence, ce peut être aussi d’autres juges : le juge constitutionnel ou le juge judiciaire ou encore le juge européen.
Le contrôle par le juge administratif
Il appartient au juge de l’excès de pouvoir de connaître des actes administratifs liés à la mise en œuvre de l’état d’urgence. C’est, du reste, au recours pour excès de pouvoir que l’article 7 de la loi du 3 avril 1955 fait expressément référence, dans l’hypothèse de la contestation de la décision préfectorale d’interdiction de séjour ou ministérielle d’assignation à résidence(42).
Ce contentieux administratif est ouvert du décret de déclaration de ce régime d’exception à la décision par laquelle, de façon explicite ou implicite, le Président de la République refuserait, le cas échéant, d’y mettre un terme dans le délai imparti alors même que les circonstances de fait ou de droit ayant justifié le recours à ce régime d’exception auraient pris fin. Cette dernière solution, encore toute théorique, est confortée, d’ailleurs, par la lecture de la décision du juge des référés du Conseil d’État en date du 9 novembre 2005 : « Considérant en l’espèce, qu’en raison notamment des conditions dans lesquelles se sont développées les violences urbaines à partir du 27 octobre 2005, de la soudaineté de leur propagation, de l’éventualité de leur recrudescence à l’occasion des rassemblements sur la voie publique lors des fêtes de fin d’année et de l’impératif de prévention inhérent à tout régime de police administrative, il ne saurait être valablement soutenu qu’en décidant de ne pas mettre fin dès à présent à la déclaration de l’état d’urgence, le chef de l’État aurait, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation étendu qui est le sien, pris une décision qui serait entachée d’une illégalité manifeste, alors même que, comme le soulignent les requérants, les circonstances qui ont justifié la déclaration d’urgence, ont sensiblement évolué » : « dès à présent » peut signifier a contrario que la suite était réservée, en fonction de l’évolution de la situation. Et force est de constater que, si l’état d’urgence a été prorogé de trois mois par la loi du 18 novembre 2005, c’est dès le 3 janvier 2006 qu’un décret en conseil des ministres est intervenu pour y mettre un terme à compter du 4 janvier 2006, soit après deux mois d’application environ, au total.
Dans le cas de l’état d’urgence de 2005, quel aura été le contrôle juridictionnel du Conseil d’État ? Il se sera prononcé, en définitive, trois fois :
- d’abord, par ordonnance du président de la section du contentieux Bruno Genevois, en date du 9 novembre 2005(43), le Conseil d’État statuant en tant que juge du référé-liberté, rejette, la demande, formée par Mme Anissa Allouache et soixante-treize autres collègues, de suspension de l’état d’urgence et d’injonction au Président de la République d’avoir à reconsidérer sa décision en tant que ni décret de déclaration du Président de la République ni le décret d’application du Premier ministre n’ont vu leur légalité sérieusement mise en doute par le requérant ;
- ensuite, par ordonnance du président de la section du contentieux Bruno Genevois, en date du 14 novembre 2005(44), le Conseil d’État statuant en tant que juge du référé-suspension, rejette, par la même motivation, la demande, formée par le professeur Frédéric Rolin, de suspension de l’état d’urgence ;
- enfin, par arrêt d’Assemblée rendu sur le fond, le 24 mars 2006(45), le Conseil d’État viendra statuer sur les conclusions à fin d’annulation des deux décrets prémentionnés et jugera que l’intervention de la loi portant prorogation de l’état d’urgence avait constitué une ratification du décret de déclaration n° 2005-1386 de sorte qu’en présence d’une telle base législative, le juge administratif ne pouvait plus que prononcer un non-lieu définitif à statuer, s’agissant de ce décret et, par voie de conséquence, du décret d’application n° 2005-1387. Comme tenu de la brièveté du délai qui sépare la déclaration de l’état de siège par décret de sa prorogation par la loi, autant dire que cette voie de recours au fond est systématiquement vouée à l’échec devant le juge administratif.
Le contrôle par les autres juges
On est également renvoyé au contrôle des autres juges, à commencer par celui du Conseil constitutionnel :
- il y a le contrôle facultatif de constitutionnalité qui se déduit de la Constitution actuelle qui peut trouver à s’exercer sur la loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence, comme cela aura été le cas, sans dommage pour la loi de prorogation de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, à l’occasion de la décision précitée du 25 janvier 1985(46). Mais, rien de tel ne s’est produit en son temps, en ce qui concerne la loi de prorogation de l’état d’urgence dans les banlieues en date du 18 novembre 2005.
- il y a le contrôle obligatoire de constitutionnalité qui se déduirait de la Constitution révisée qui trouverait à s’exercer sur la loi organique définissant le régime et précisant les conditions d’application des deux régimes précités d’exception, notamment de l’état d’urgence(47).
Un deuxième juge éventuellement compétent est le juge judiciaire. Car, si, dans l’une ou l’autre de ces deux hypothèses, l’encadrement de l’état d’urgence est en rapport avec la garantie des libertés fondamentales, il en est de même de l’autorité judiciaire, en tant que gardienne constitutionnelle de la liberté individuelle(48), et donc du droit de propriété qui s’y attache nécessairement, comme l’établit la théorie de la voie de fait. Sa compétence est rappelée, de façon implicite, mais nécessaire, par le juge du référé-liberté dans son ordonnance précitée du 9 novembre 2005 : dans le contexte de l’état d’urgence renforcé qui, comme en 2005, permet notamment des perquisitions de nuit, le Conseil d’État prend soin, en effet, de considérer que reste soumis « au contrôle de l’autorité judiciaire l’exercice par le ministre de l’Intérieur ou le préfet de missions relevant de la police judiciaire ». Pour autant, on n’a pas eu connaissance d’un tel contentieux à l’époque.
Un troisième juge sera enfin mentionné : la Cour européenne des Droits de l’homme à laquelle il est possible de s’adresser directement, après épuisement des voies de recours interne, pour entendre engagée, a posteriori, la responsabilité de l’État français pour violation du droit de la Convention, en particulier de l’article 15 précité sur la « dérogation en cas d’urgence ».
À la vérité, ce moyen de l’inconventionnalité peut être préalablement soulevé, par voie d’exception, devant le juge administratif comme cela a été le cas, en vain, devant le Conseil d’État statuant au fond, par l’arrêt précité du 24 mars 2006 dont la motivation, sur ce point, est, tout de même, bien courte : « que, sur ce point, le décret attaqué n’a pas non plus été pris en contradiction avec les stipulations de l’article 15 de la convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
On n’en saura guère plus. Mais, on notera que lors de la ratification de la Convention, le 3 mai 1974, la France a formulé une réserve sur le § 1 de l’art. 15 qui assimile notamment les situations déduites de la Constitution (état d’urgence) aux cas visés par l’art. 15 : guerre ou danger menaçant la vie de la nation. Il y a là une interprétation qui ne contredit pas la jurisprudence telle qu’elle résulte, à titre principal de l’arrêt du 1er juillet 1961, Lawless c/Irlande(49), favorable à une très importante marge d’appréciation des États en matière d’ordre public(50).
L’état d’urgence aura bien été le moyen adapté, et donc efficace, par lequel les banlieues françaises ont été en mesure de sortir de la crise brève, mais intense qu’elles ont connue fin 2005. Pour être une science sociale, le droit ne saurait entrer dans un discours sociologique qui n’est pas le sien. Pour autant, il n’aurait pas été, à cette occasion, un instrument vain de la gestion de cette crise. Au-delà, d’ailleurs, du dispositif détaillé mis en œuvre, en quelques semaines, à travers deux décrets, une loi et deux décisions en référé du Conseil d’État, l’essentiel tient sans doute – on l’a dit – à la force de frappe qu’a représentée la dramatisation soudaine des enjeux, par la mise en œuvre d’un régime d’application exceptionnelle en métropole, pour la première fois depuis 1961.
Telle est la morale de cette histoire : pour calmer une émeute, lancer un bon Dalloz peut être aussi utile que tirer, sans relâche, au « lance-patates ». Mais qui dira ensuite la décomposition sociale qu’il nous aura été ainsi donné de voir à la télévision, un instant, à la fois trop bref et trop long, ces soirs de novembre 2005, une fois dissipée la fumée des lacrymogènes ? À une vingtaine de kilomètres au Nord de ce Palais, on est déjà sur une autre planète(51). Il est donc un moment, pour tout dire, où la réponse n’est plus celle du droit, mais de la politique : « Caveant consules ne quid detrimenti respublica capiat : Que les consuls prennent garde que la République n’éprouve aucun dommage ».
Cette inscription de l’état de siège dans la Constitution résulte de l’incompétence du législateur pour apporter lui-même des limitations aux libertés publiques telle qu’elle résultait, sous l’empire de la Charte de 1830, de la décision Cass. crim., 28 juin 1832, Geoffroy : d’où le dispositif constitutionnel.
ANNEXE au décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005
ZONES DANS LESQUELLES LES ARTICLES 6, 8, 9 ET 11 (1°) DE LA LOI DU 3 AVRIL 1955 PEUVENT ÊTRE MIS EN ŒUVRE
Alpes-Maritimes : Nice ; Saint-Laurent-du-Var.
Bouches-du-Rhône : Marseille.
Côte-d’Or : Dijon ; Chenôve ; Longvic.
Eure : Évreux ; Gisors.
Haute-Garonne : Toulouse ; Colomiers ; Blagnac.
Loiret : Orléans.
Meurthe-et-Moselle : Nancy ; Vandoeuvre-lès-Nancy.
Moselle : Metz ; Woippy.
Nord : L’ensemble des communes de la communauté urbaine de Lille-Métropole.
Oise : Méru ; Creil ; Nogent-sur-Oise.
Puy-de-Dôme : Clermont-Ferrand.
Bas-Rhin : Strasbourg ; Bischheim.
Haut-Rhin : Mulhouse.
Rhône : Lyon ; Vénissieux.
Paris : Paris.
Seine-Maritime : Rouen ; Le Havre.
Seine-et-Marne : L’ensemble des communes du département.
Yvelines : L’ensemble des communes du département.
Somme : Amiens.
Vaucluse : Avignon.
Essonne : L’ensemble des communes du département.
Hauts-de-Seine : L’ensemble des communes du département.
Seine-Saint-Denis : L’ensemble des communes du département.
Val-de-Marne : L’ensemble des communes du département.
Val-d’Oise : L’ensemble des communes du département.
(1) Jean Romieu, concl. sur TC, 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint-Just, Rec. 713 ; égal., sur la force majeure, CE, 29 janvier 1909, Cie des messageries maritimes et autres, Rec. 111, concl. Tardieu.
(2) CE, 28 juin 1918, Heyriès, Rec. 651 ; S. 1922.3.49, note Hauriou et 28 février 1919, Dames Dol et Laurent, Rec. 208 ; S. 1918.3.33, note Hauriou ; RDP 1919. 338, note Jèze.
(3) CE Sect., 5 mars 1948, Marion, Rec. 113 ; D. 1949. 147 et la note.
(4) Est regardé comme universel, dans le contexte de l’époque, le suffrage universel masculin, les militaires étant, d’ailleurs, retranchés de l’exercice du droit de suffrage en France de 1872 à 1945, l’Armée devenant alors « la grande muette ».
(5) Adde, loi du 3 avril 1878 relative à l’état de siège ainsi que les dispositifs des Constitutions de 1848, de 1946 - telle que révisée, sur ce point, en 1954 - et de 1958, et, plus précisément, son art. 36.
Cette inscription de l’état de siège dans la Constitution résulte de l’incompétence du législateur pour apporter lui-même des limitations aux libertés publiques telle qu’elle résultait, sous l’empire de la Charte de 1830, de la décision Cass. crim., 28 juin 1832, Geoffroy : d’où le dispositif constitutionnel qui renvoie à la loi dans les Constitutions de 1848, de 1946 telle que révisée, sur ce point notamment, en 1954 et de 1958, art. 36.
(6) Adde, en ce qui concerne les réquisitions civiles (hors service national), la loi du 11 juil. 1938 sur l’organisation générale de la nation en temps de guerre et l’ord. du 6 janv. 1959 relative aux réquisitions de biens et de services. En droit positif, le droit des réquisitions est codifié dans la partie législative du Code de la défense, tant celui des réquisitions pour les besoins généraux de la nation (art. L. 2211-1 à 2213-8) que celui des réquisitions militaires (art. L. 2221-1 à 2223-19), sous réserve de dispositions communes à l’ensemble des réquisitions (art. L. 2231-1 à 2236-7).
(7) Const. du 4 oct. 1958, art. 5 : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. – Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ». L’al. 2 a été révisé par la loi constitutionnelle du 4 août 1995. Il n’y a pas de difficulté à rapprocher les dispositifs de l’art. 5 préc. et de l’art. 16, al. 1er ou de l’art. 89, al. 4 (en ce sens, CC, 2 septembre 1992, Maastricht II, déc. 92-312 DC, Rec. 76 ; RDP 1992. 1587, note Luchaire) alors qu’il est certainement moins aisé de faire converger – quoi qu’on en dise, par ignorance du dispositif allemand, sinon par dénigrement du dispositif français – l’art. 48 de la Constitution de Weimar de 1919 et l’art. 16 de la Constitution française de 1958. On observera encore que l’art. 16, voulu par le général de Gaulle dans le souvenir de la débâcle de mai-juin 1940 (en ce sens, le discours de Bayeux du 16 juin 1946), fut appliqué par lui, à l’occasion de la tentative de « putsch des généraux » à Alger, du 23 avril au 29 septembre 1961, et que sa réapplication fut envisagée implicitement, dans son discours radiodiffusé du 30 mai 1968 : « Étant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j’ai envisagé, depuis vingt-quatre heures, toutes les éventualités, sans exception, qui me permettraient de la maintenir ». Dans son rapport intitulé « Pour une Ve République plus démocratique » et remis au Président de la République, le 29 octobre 2007, le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, vient de proposer de revoir le texte de ce dispositif qui n’a cessé d’exciter les peurs réelles ou supposées de la gauche française.
(8) Code de la défense, art. L. 2131-1, al. 1er.
(9) Intitulé du Livre 1er de la Partie 2 du Code de la défense : Régimes juridiques de défense. Ces régimes sont : la guerre (Titre 1er), l’état de siège (Titre II), l’état d’urgence (titre III), la mobilisation et la mise en garde (titre IV). À ce double régime du titre IV, en provenance de l’ord. abrogée du 7 janv. 1959 sur l’organisation générale de la défense, il faut rattacher le service de défense (titre V) et les sujétions résultant des manœuvres et exercices (titre VI) qui, quant à eux, ne sont pas, en réalité, des régimes juridiques.
(10) Code de la défense, art. L. 2131-1, al 2.
(11) art. L. 2121-1. Le texte dit aussi « insurrection à main armée » (Ibid., art. L. 2121-4).
(12) C’était incontestable, sous réserve de l’interférence rapide et de nombre d’États du tiers-monde dans les affaires intérieures françaises, sur fond de mise en cause internationale du soi-disant « colonialisme » français, à l’occasion de la conférence des « non alignés » de Bandoung ou des Assemblées générales de l’ONU notamment ou de la part des États limitrophes, redevenus pleinement indépendants : le Maroc et la Tunisie.
(13) Dès lors, c’est sur le fondement de la loi postérieure du 16 mars 1956 autorisant le Gouvernement à disposer des pouvoirs spéciaux en vue du rétablissement de l’ordre.
(14) Code de la défense, art. L. 2121-2.
(15) Cette compétence de principe peut être explicitée, comme à l’art. 5 de la loi du 3 avril 1955 sur l’interdiction de circulation des personnes ou des véhicules, sur la réglementation du séjour des personnes dans les zones de protection ou de sécurité ou d’interdiction de séjour.
(16) Loi du 3 avril 1955, art. 6, 9 et 8.
(17) En ce sens, l’intitulé de la loi instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie et son art. 15, al. 1er. La loi du 7 août 1955 a ensuite prorogé l’état d’urgence en Algérie pour une nouvelle période de six mois qui a pris fin, de façon anticipée, en décembre 1955, en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. Il faut souligner que la loi du 16 mars 1956 prit le relais en tant qu’elle permit au Gouvernement de « disposer, en Algérie, des pouvoirs les plus étendus pour prendre toute mesure exceptionnelle commandée par les circonstances en vue du rétablissement de l’ordre, de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire » (art. 5, al. 1er), y compris la modification de la législation par décret en conseil des ministres (al. 2). Tel est le cas du décret d’application du 17 mars 1956 qui définit un véritable régime autonome d’exception au profit du gouverneur général de l’Algérie qui comporte nombre d’éléments de l’état d’urgence dont, par exemple, l’assignation à résidence, la remise des armes, les perquisitions domiciliaires de jour et de nuit ou le contrôle des moyens d’information.
(18) Décret déclaratif du 22 avril 1961, prorogé par la décision de l’art. 16 de la Constitution, en date du 24 avril 1961.
(19) Arrêté déclaratif de l’état d’urgence du 12 janvier 1985 du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie prorogé, avec un décalage que le Conseil constitutionnel admettra, par la loi du 25 janvier 1985 jusqu’au 30 juin 1985, soit près de six mois au total. En ce sens, l’intitulé de la loi instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie et son art. 15, al. 1er. La loi du 7 août 1955 a ensuite prorogé l’état d’urgence en Algérie pour une nouvelle période de six mois qui a pris fin en décembre 1955 (dissolution de l’Assemblée nationale).
(20) Modif. par l’ord. du 15 avril 1960, art. 1er.
(21) On notera qu’avant l’ord. modif. du 15 avril 1960, l’état d’urgence était déclaré par une loi : loi du 3 avril 1955 : pour six mois en Algérie ; loi du 7 août 1955, idem ; loi du 17 mai 1958 : pour trois mois, en métropole. Il y avait quelque paradoxe à ce qu’un régime d’exception moins contraignant, dans ses conséquences institutionnelles, que l’état de siège, fût plus exigeant dans sa procédure de mise en place.
(22) Selon la proposition 10, le nouvel art. 36 serait ainsi rédigé (deux premiers alinéas) : « L’état de siège et l’état d’urgence sont décrétés en conseil des ministres. - Leur prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi ».
(23) Code de la défense, art. L. 2121-3 et loi du 3 avril 1955, art. 2, al. 1er. et de la sauvegarde du territoire en Algérie, que s’est opérée l’intervention des armées françaises en Algérie, y compris des appelés du contingent.
(24) Loi du 3 avril 1955, art. 2, al. 2.
(25) En annexe à la présente communication.
(26) Code de la défense, art. L. 2121-7-1° et loi du 3 avril 1955, art. 11-1° modif. ord. 15 avril 1960, art. 1er. Ce pouvoir de police qui appartient au ministre de l’Intérieur et aux préfets concernés, doit avoir été expressément prévu par le décret déclarant ou par la loi prorogeant ce régime d’exception. Tel était le cas en 2005.
(27) Code de la défense, art. L. 2121-7-2° et loi du 3 avril 1955, art. 5-3°. Dans l’état de siège, il s’agit, de façon fort restrictive, des seules « personnes ayant fait l’objet d’une condamnation définitive pour crime ou délit » ou n’ayant « pas leur domicile dans les lieux soumis à l’état de siège » ; dans l’état d’urgence, il s’agit, de façon fort extensive, des personnes « cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ». Dans l’un et l’autre cas, l’éloignement ou l’interdiction peuvent être décidés de plein droit, par l’autorité militaire ou civile, respectivement. L’autorité civile compétente est, en ce cas, le préfet.
(28) Code de la défense, art. R. 2121-7-3° et loi du 3 avril 1955, art. 9. Dans le cas de l’état d’urgence, ce ne sont pas toutes les armes dont la remise peut être ordonnée par le ministre de l’Intérieur, mais celles des 1ères, 4e et 5e catégories ; en revanche, il s’agit aussi de la remise des munitions.
(29) Code de la défense, art. L. 2121-7-4° et loi du 3 avril 1955, art. 11-2°. Par publications et autres médias, il faut comprendre, la presse, les publications de toute nature, les émissions radiophoniques, les projections cinématographiques et les représentations théâtrales. On ne saurait dire que le texte soit très adapté aux évolutions de la technologie, depuis une cinquantaine d’années : rien, par exemple sur la télévision, pour ne rien dire de l’Internet.
(30) Code de la défense, art. L. 2121-7-4° et loi du 3 avril 1955, art. 8, al. 2. La possibilité de suspendre la liberté de réunion s’étend également, en état d’urgence, aux lieux publics, c’est-à-dire à « la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature » (ibid., art. 8, al. 1er). Cette police des réunions et lieux publics est confiée au ministre de l’Intérieur.
(31) En application du décret déclaratif n° 2005-1386 du 8 novembre 2005, la liste des zones concernées est définie par le décret n° 2005-1387 du même jour.
(32) Loi du 3 avril 1955, art. 11-1° et 2° respectivement. Dans le cas de l’état d’urgence renforcé de 2005, seul le recours aux perquisitions domiciliaires de jour et de nuit était prévu.
(33) Ibid., art. 3 modif. ord. 15 avril 1960, art. 1er.
(34) Ibid., art. 4 modif. ord. 15 avril 1960, art. 1er. Cette caducité intervient à l’issue d’un délai de quinze jours francs.
(35) Code de la défense, art. L. 2121-3 à -6 et loi du 3 avril 1955, art. 12 modif. loi du 15 juin 2000, art. 8 et 14.
(36) Loi du 3 avril 1955, art. 5-1°.
(37) Ibid., - 2°.
(38) Ibid., art. 6 modif. par la loi du 7 août 1955, art. 3. C’est le ministre de l’Intérieur qui prononce la mesure.
(39) Sous les réserves fixées au § 2 : dérogations interdites aux principaux Droits de l’homme et au § 3 : information du secrétaire général du Conseil de l’Europe, formalité à laquelle la France s’est conformée bien volontiers, en novembre 2005, après la déclaration de l’état d’urgence.
(40) Est-il besoin de le préciser ? On n’aura donc, en aucune façon, partagé, en 2005, les critiques de nos collègues publicistes contre la mise en œuvre de l’état d’urgence ou contre ce régime d’exception, notamment celles, parfois vives, de Frédéric Rolin qui se sera tant mobilisé, devant le Conseil d’État ou dans son « blog » sur Internet, contre l’état d’urgence ou encore de Dominique Rousseau pour qui, « de quelque manière que l’on tourne les choses, l’état d’urgence, c’est la mise en suspension de l’État de droit : les principes constitutionnels qui le fondent et qui le distinguent et les mécanismes et exigences du contrôle juridictionnel sont mis à l’écart » (Dominique Rousseau, « L’état d’urgence, un état vide de droit(s) », Projet n° 291, mars 2006.
(41) CC, 23 janv. 1987, Conseil de la concurrence, déc. 86-224 DC, Rec. n° 8 ; GDCC n° 41 et les réf. : « que, néanmoins, conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » celui selon lequel, à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ». À ce sujet, voir Nathalie Jacquinot, « Le juge administratif et le juge constitutionnel face à l’état d’urgence », Mél. Louis Favoreu, Paris, Dalloz, 2007, pp. 729-746.
(42) Dans ces deux hypothèses, la loi prévoit la possibilité de former un recours gracieux soumis à la consultation d’une commission départementale dont le juge des référés du Conseil d’État aura l’occasion de rappeler la nécessaire institution, dans son ordonnance du 9 nov. 2005, Mme Allouache et autres, n° 287777. Il y a là une complication inutile de procédure dans un régime d’exception où les choses doivent être menées rondement alors surtout que, depuis la réforme si utile opérée par la loi du 30 juin 2000, le recours au juge des référés administratifs est simple et efficace. D’une façon générale – et ci cela doit être une préoccupation pour les pouvoirs publics – on est tout de même en présence d’une législation qui a beaucoup et mal vieilli.
(43) CE, juge des référés (CJA, art. L. 521-2), ord. du 9 décembre 2005, Mme Allouache et autres, n° 287777, préc.
(44) CE, juge des référés (CJA, art. L. 521-1), ord. du 14 décembre 2005, M. Rolin, n° 286835.
(45) CE, Ass., 24 mars 2006, MM. Rolin et Boisvert, n° 286834 et 287218.
(46) CC, 25 janv. 1985, État d’urgence en Nouvelle-Calédonie, déc. 85-187 DC, Rec. 43 ; GDCC n° 35 et les réf.
(47) Proposition n° 10 du Comité Balladur préc. : nouvel art. 36, al. 3.
(48) Const. art. 66, al. 2.
(49) Égal., CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c/Royaume-Uni.
(50) Du reste, dans son ord. du 14 novembre 2005, le juge des référés du Conseil d’État se réfère, en ce sens, au « pouvoir d’appréciation étendu » du Président de la République lorsqu’il décide, en conseil des ministres, de déclarer l’état d’urgence.
(51) Les brèves, mais graves émeutes de novembre 2007, dans le Val-d’Oise, l’auront utilement rappelé.