Force Publique

CHAPITRE II

De la seconde Restauration à la Deuxième République

Le retour des Bourbons sur le trône de France est une période de crise pour la gendarmerie, fidèle soutien de l’Empire. Son existence n’est cependant pas remise en cause et elle sortira renforcée de la période qui va de 1815 au coup d’État de 1851. À Paris, les gendarmes, groupés dans un régiment chargé d’assurer le maintien de l’ordre, affrontent avec constance les soubresauts de l’histoire de la capitale. Là encore, la nécessité pour les différents régimes politiques de disposer d’une troupe fidèle pérennise l’existence de ce corps. Enfin, les créations éphémères de gendarmerie mobile et sa participation à la conquête de l’Algérie jalonnent ces années d’expérience nouvelles pour l’arme.

8 juillet 1815 : retour de Louis XVIII à Paris.

27, 28, 29 juillet 1830 : révolution parisienne des Trois Glorieuses. Louis-Philippe d’Orléans devient roi des Français.

Juin 1832 : troubles dans Paris.

1846-1847 : dernière grande crise frumentaire et économique du XIXe siècle.

22, 23, 24 février 1848 : journées révolutionnaires parisiennes. La République est proclamée.

23-26 juin 1848 : insurrection d’une partie de la population parisienne.

10 décembre 1848 : élection de Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la République.

A – La Restauration (1815-1830)

1 – L’épuration

Portrait lieutenant Restauration

Portrait
d’un lieutenant
sous la Restauration.

Avec la défaite de Waterloo, Louis XVIII retrouve son trône grâce aux troupes de l’émigration et des armées étrangères. L’entourage royal le pousse à mener une vaste épuration nationale. Cette période de réaction très marquée est soutenue à la Chambre des députés par une forte majorité ultraroyaliste emmenée par le comte d’Artois, frère du roi et futur Charles X, et son fils, le duc d’Angoulême. La gendarmerie, à qui on reproche son soutien à l’Empereur, est rapidement et largement touchée. Dès le 21 juillet 1815, un décret supprime l’inspection générale et place l’Arme sous la coupe directe du ministre de la Guerre, avec la création au sein du ministère d’une division de la gendarmerie et de la police militaire. Le 28 juillet, le ministre donne l’ordre de destituer les gendarmes nommés pendant les Cent-Jours et de rétablir en lieu et place ceux qui furent écartés par Napoléon Ier ; il prescrit également aux chefs de légions de signaler les zélés partisans de l’« usurpateur ».

Chapeau

Chapeau
du chef d’escadron
Pascalis.

L’ordonnance royale du 10 septembre 1815 prévoit une réorganisation de l’Arme, fixant ses effectifs, l’avancement des officiers, les attributions des huit inspecteurs généraux. La mise en œuvre de cette réforme va permettre une épuration en profondeur de la gendarmerie. En effet, à partir du 18 novembre, il est demandé que dans chaque département un jury, composé du préfet, du procureur général et de deux officiers de l’Arme désignés par le ministre de la Guerre, soit formé afin d’examiner l’ensemble des effectifs de la Gendarmerie royale. L’arrestation de l’ancien inspecteur général de la gendarmerie, le général Radet, est le symbole de cette Terreur blanche. Fidèle de Napoléon jusqu’à la dernière heure, il lui est reproché par les Ultras d’avoir effectué les arrestations du pape en juillet 1809 et du duc d’Angoulême en avril 1815. Condamné à neuf ans de détention le 29 juin 1816, il est néanmoins gracié en décembre 1818.

Cavalier 1839

Portrait d’un lieutenant à cheval (1839).

Si la gendarmerie, à l’instar des autres corps de l’État, est ainsi victime de la vaste épuration des années 1815-1816, le nouveau pouvoir ne peut se passer de cette force militaire pour faire régner l’ordre dans les provinces et de son réseau de brigades pour contrôler l’état d’esprit des populations. Ce sont des gendarmes qui procèdent à l’arrestation du maréchal Ney en août 1815. Le pouvoir royal va donc rapidement s’attacher à réglementer le service de cette arme qui lui est si utile.

2 – L’ordonnance du 29 octobre 1820

Shako

Shako d’un garde
municipal de Paris
(vers 1830).

Il convient en effet de clarifier le service de la gendarmerie, qui dépend encore largement de l’ordonnance de 1778, et pour partie également de la loi du 28 germinal an VI. Sans faire allusion à cette loi de la période révolutionnaire, l’ordonnance du 29 octobre 1820 va lui emprunter ses principes essentiels. Elle synthétise ainsi les lois, ordonnances et instructions antérieures, rappelant les missions, inchangées, de la gendarmerie ainsi que la nécessité des réquisitions dans les formes légales et sans terme impératif. Elle maintient l’organisation en vingt-quatre légions et fixe l’effectif théorique des brigades à cinq hommes, soit un total national, tout aussi théorique, de 13 500 gendarmes. Elle précise la formule du serment politique pour les membres de l’Arme et détermine les relations de la gendarmerie avec les ministères de la Guerre, de l’Intérieur, de la Justice et de la Marine. D’autre part, deux ordonnances du 31 mars 1820 autorisent les inspecteurs généraux, désormais au nombre de neuf, à se réunir sur demande ministérielle en un comité consultatif. Ce dernier se réunit régulièrement jusqu’en 1836 mais ne joue pas le rôle d’une direction ; il ne fait qu’examiner les questions posées par le ministre. L’Arme recrute uniquement d’anciens militaires ayant entre vingt-cinq et quarante ans et un minimum de quatre années de service. Enfin, l’ordonnance de 1820 fournit l’occasion de rappeler l’obligation du port de l’uniforme en toutes circonstances, ce qui constitue une façon de condamner les pratiques du Consulat et de l’Empire.

3 – Les missions politiques

Arrestation

Arrestation effectuée
par des gendarmes
(vers 1825).

Si, en 1837, le ministre de la Guerre éprouve le besoin de renouveler l’interdiction d’agir en habit bourgeois, cela montre que le problème des missions politiques n’a pas disparu. En effet, si le maillage des brigades est évidemment un formidable outil à la disposition du pouvoir pour être renseigné (légalement) sur l’état d’esprit des populations, il est bien vite utilisé à la surveillance active des éléments anti royalistes. Il n’y a ensuite qu’un pas vers la répression préventive alors que les gendarmes ne doivent intervenir qu’une fois les troubles déclenchés. Ce détournement de leur mission légale est souvent autorisé, voire impulsé par les autorités administratives. Les types de missions politiques sont multiples et vont de l’arrestation du maréchal Ney à celle de la duchesse de Berry (1832), en passant par des enquêtes officieuses ou certaines pressions lors d’élections. Dans cette délicate question des missions illégales, ou du moins occultes, il convient de rappeler le zèle des uns mais aussi les réticences des autres. Mais la défense d’un légalisme formel cache parfois des sentiments favorables à l’Empire. En effet, nombreux sont les personnels qui se souviennent de cette période comme d’un temps où la considération pour l’Arme paraissait plus grande. Aussi, dans les rangs de la gendarmerie, victime de sa fidélité et de son obéissance au pouvoir, prend forme le souci de voir respectés tout à la fois les formes légales de la réquisition par les autorités civiles et son statut militaire afin de lui assurer une neutralité indiscutable. Enfin, la réapparition d’une direction autonome de l’Arme apparaît à beaucoup comme le moyen le plus efficace pour défendre ses intérêts.

B – La Monarchie de Juillet (1830-1848) et la Deuxième République (1848-1851)

1 – Un début de revalorisation

Cochet de Savigny.

Né à Autun en 1781, le baron Pierre-Claude-Melchior Cochet de Savigny de Saint-Vallier travaille tout d’abord aux contributions indirectes. En 1813, cette administration est organisée militairement sous le nom de guides volontaires à cheval. Cochet y sert avec le grade de sous-lieutenant. En 1814, il entre aux Gardes du corps. Nommé lieutenant de gendarmerie, il passe dans la compagnie de Seine-et-Marne en 1816 puis est promu capitaine en 1825. En 1831, il commande la prévôté du Grand Quartier général de l’armée du Nord. En août 1832, il est accusé de sympathies pour la dynastie déchue des Bourbons et il est rayé des contrôles. Lavé dès 1833 de tout soupçon par une enquête officielle, il n’est réintégré qu’en 1835. Peu de temps après, il est promu au grade de chef d’escadron. L’année où il est admis à la retraite, en 1839, il fonde le Journal de la gendarmerie, dont il est également le directeur. Jusqu’à sa mort à Paris, en 1855, il en est le principal rédacteur. Ses rapports privilégiés avec le pouvoir – même s’ils sont critiqués par son concurrent le Bulletin de la gendarmerie qui paraît de 1836 à 1850 –, ses nombreux ouvrages pratiques à destination des gendarmes (Dictionnaire et Mémorial de la gendarmerie, Formulaire…) – fréquemment réédités –, la diffusion nationale de son journal et l’absence d’un commandement supérieur de l’Arme font de Cochet de Savigny à la fois le porte-parole et le principal défenseur de l’institution. On peut le considérer comme le père spirituel de la gendarmerie.

Gendarme et magistrat 1835

Gendarme accompagné
d’un magistrat (vers 1835).

À défaut d’une direction autonome, les revendications de la gendarmerie se trouvent exprimées à travers les publications du chef d’escadron Cochet de Savigny, et tout particulièrement dans le Journal de la gendarmerie, qui paraît à partir de 1839. Avec le Dictionnaire de la gendarmerie (1836), les nombreux Formulaire [s]…à l’usage de tous les militaires de la gendarmerie départementale et de la Garde municipale, et surtout le Mémorial de la gendarmerie (1849), distribué dans toutes les brigades, Cochet de Savigny participe activement non seulement à l’amélioration de la formation des gendarmes et de l’efficacité de leur service spécial, mais aussi au renforcement d’un esprit de corps affaibli par la suppression du Premier inspecteur général. En 1846, une loi prévoit la constitution d’un comité de gendarmerie, ébauche d’une direction autonome. Mais, sitôt réuni, il ajourne ses séances à cause de la révolution de février 1848.

Après la révolution de 1830 (qui s’était faite aux cris de « Vive la Charte ! A bas les gendarmes ! »), le nouveau pouvoir sanctionne la Gendarmerie royale en lui attribuant la dénomination moins prestigieuse de gendarmerie départementale. La gendarmerie connaît au début de la Monarchie de Juillet une nouvelle épuration. De plus, ses effectifs ont continuellement baissé depuis le début de la Restauration. En 1829, un souci d’économie budgétaire a réduit les effectifs à 12 000 hommes. À cela s’ajoute une crise de recrutement due au fait que la gendarmerie n’a pas bénéficié des améliorations de solde accordées aux autres armes et que la loi du 14 avril 1832 sur l’avancement dans tous les corps de l’armée, qui interdit de donner un rang supérieur à celui de l’emploi, touche directement la position (et le montant de la pension) des gendarmes. Ainsi, nombreux sont les gendarmes et les sous-officiers mais aussi les officiers qui présentent leur démission ou demandent leur mise à la retraite anticipée. Le Gouvernement prend peu à peu conscience que la situation de l’Arme est critique.

fronton

Ancienne brigade de
Châtillon-en-Diois
(Drôme).

Le second ministère de Soult, à partir de 1840, permet un début de revalorisation. Ainsi, l’ordonnance royale du 20 janvier 1841 accorde les pensions en fonction du dernier grade obtenu avant l’entrée dans la gendarmerie. La loi du 26 avril 1841 prévoit un crédit supplémentaire de 1 550 000 francs. Enfin, une série d’ordonnances en avril 1841 augmente la solde des officiers, sous-officiers, brigadiers et gendarmes, accorde aux frais de l’État un cheval de remonte aux lieutenants et une indemnité d’ameublement à tous les officiers, transforme vingt-huit lieutenances en capitaineries pour compenser la lenteur de l’avancement et crée en outre une 25e légion en Alsace. Le recrutement s’en trouve immédiatement facilité. Les besoins ne cessent de croître avec l’établissement des premiers chemins de fer, l’ouverture de nombreuses routes, le creusement de nouveaux canaux, l’accroissement de la population et la création d’agglomérations. Ainsi, la loi du 10 avril 1843 établit 118 brigades nouvelles et pérennise les 281 brigades temporaires ; en conséquence, l’effectif atteint 14 400 hommes.

La Deuxième République poursuit le renforcement de la gendarmerie : l’effectif de la gendarmerie départementale est porté le 1er janvier 1850 à 16 000 hommes. Enfin, la loi de finances du 25 juillet 1850 crée en deux fois (1851 et 1852) – car se pose le problème du casernement – 461 brigades supplémentaires dans les cantons qui n’en sont pas pourvus. En 1851, il y a donc 16 546 gendarmes (11 881 gendarmes à cheval et 4 665 à pied) répartis en 3 169 brigades.

2 – L’activité de la gendarmerie en Algérie et en Corse

La bataille de Taguin.

En 1843, trente gendarmes à cheval sous les ordres du lieutenant Grosjean sont appelés à participer à des opérations menées contre l’émir Abd-El-Kader par le général Bugeaud, gouverneur général de l’Algérie. L’expédition est dirigée par le duc d’Aumale, fils du roi Louis- Philippe, et comprend près de 2 200 hommes. Son objectif est de localiser la smala de l’émir (véritable ville mobile qui l’accompagne). Le 16 mai 1843, elle est repérée en campement à la source du Taguin. Le duc d’Aumale décide de l’assaut sans attendre son infanterie. Aidés par les charges des colonels Yusuf et Morris, le duc se lance au cœur du campement suivi d’un escadron et des trente gendarmes. L’effet de surprise joue à plein. La victoire est totale. 7 000 prisonniers et près de 50 000 têtes de bétail sont ramenés par le duc d’Aumale. Le peintre Horace Vernet a immortalisé cet épisode dans son tableau de la « Prise de la smala » (musée de Versailles) où les gendarmes figurent aux côtés du duc. La participation des gendarmes à ce combat permet à la gendarmerie d’inscrire sur son drapeau la victoire de Taguin.

La force publique, c’est-à-dire la prévôté, du corps expéditionnaire de 1830 en Algérie donne naissance à la gendarmerie d’Afrique le 1er janvier 1834. L’ordonnance du 31 août 1839 crée la légion d’Afrique à quatre compagnies. Elle se distingue lors de la conquête de l’Algérie, notamment au combat de Taguin, où trente gendarmes participent à la prise de la smala d’Abd el-Kader, le 16 mai 1843. Les décrets du 30 juillet 1849 et du 1er octobre 1849 organisent deux compagnies de voltigeurs algériens à partir d’éléments exclus de la Garde républicaine de Paris pour leurs idées politiques. Elles sont dissoutes le 26 mai 1852 au profit de l’infanterie d’Afrique. Depuis 1855, les effectifs augmentent, accroissement en partie motivé par l’extension des zones pacifiées. La conquête de l’Algérie se termine en 1857. Un décret du 3 octobre 1860 prévoit l’adjonction d’auxiliaires de gendarmerie maures (deux par brigades) choisis parmi les spahis et les tirailleurs. Les gendarmes participent donc à la pacification de l’Algérie, mais surtout à sa colonisation à travers l’implantation territoriale progressive des brigades, implantation qui, contrairement à la répartition de forces sur le sol national (une brigade par canton), s’effectue selon les intérêts économiques et humains.

Plaque voltigeurs corses

Plaque de ceinturon
des voltigeurs
corses.

Une ordonnance du 6 novembre 1822 créé un bataillon de voltigeurs corses, auxiliaire de la gendarmerie départementale de la 17e légion. Constitué de quatre compagnies, son effectif théorique est de 421 hommes, officiers compris. Très critiqué, le bataillon n’atteindra pas les buts assignés. Le Gouvernement républicain met fin à cette expérience en décrétant sa dissolution, le 23 avril 1850, et son remplacement par un bataillon de gendarmerie mobile. Mais ce dernier est dissous à son tour le 24 octobre 1851, et ses effectifs sont reversés dans la gendarmerie du département.

3 – Les tentatives de création d’unités de gendarmerie mobile

La première partie du XIXe siècle voit différentes expériences de « gendarmerie mobile », c’est-à-dire, à l’image du cas corse, de gendarmes regroupés, pour une mission ponctuelle, en une troupe armée afin de maintenir ou de rétablir l’ordre. Ainsi, par l’ordonnance du 4 septembre 1830, en prévision de troubles légitimistes en Vendée, deux bataillons sont créés à Angers et à Rennes à partir de personnels provenant de l’ancienne gendarmerie royale de Paris. Un troisième bataillon est formé à Nantes le 11 décembre 1830. Ces bataillons sont dissous le 3 octobre 1831 et leurs personnels répartis en brigades permanentes ou postes provisoires dans les départements de l’Ouest. Cette mesure est régularisée par la loi du 23 février 1834.

Arrestation vagabond 1840

Voltigeurs corses escortant un vagabond
(vers 1840).

En 1848, la nécessité de maintenir l’ordre dans la région parisienne fait réapparaître une gendarmerie mobile. Un premier bataillon à six compagnies (vingt officiers et 697 gendarmes) est organisé à Versailles par arrêté du chef du pouvoir exécutif en date du 5 juillet 1848 avec des gardes municipaux licenciés. Le décret du 11 mai 1850, en portant l’effectif de ce bataillon à 1 220 hommes groupés en huit compagnies, forme également un deuxième bataillon identique à Paris. Il faut noter que le premier bataillon, lors du coup d’État du 2 décembre 1851, fait évacuer la salle de l’Assemblée législative, occupe l’Imprimerie nationale et participe vigoureusement les jours suivants à la répression de l’insurrection. Ces deux bataillons forment par la suite (décembre 1852) la gendarmerie d’élite.

Ces formations de gendarmerie mobile sont composées, en grande partie, à chaque fois, d’anciens gendarmes de la garde municipale de Paris.

C – La gendarmerie à Paris (1813-1851)

1 – La nécessité d’une troupe destinée au maintien de l’ordre dans la capitale

Plaque de shako

Plaque de shako
de la gendarmerie
mobile (vers 1848).

S’il est facile de comprendre la nécessité d’affecter des troupes spécialement chargées de la police et du maintien de l’ordre dans la capitale, il convient de distinguer celles qui relèvent de la gendarmerie d’autres corps civils ou militaires. Ainsi, depuis l’Ancien Régime, se succèdent des formations qui, par leurs missions, leurs effectifs, leur organisation et leurs statuts très différents n’ont souvent en commun que de servir intra muros. Il faut donc préciser que les participations aux batailles d’Alcoléa (1808) et Burgos (1812), en Espagne, de Dantzig et Friedland (1807), en Prusse, sont à mettre à l’actif de la garde municipale de Paris, troupe combattante créée par un arrêté consulaire d’octobre 1802 qui n’appartient pas à la gendarmerie. La gendarmerie impériale de la ville de Paris lui succède. C’est par cette dernière création (décret du 10 avril 1813) que débute la véritable filiation des troupes de gendarmerie affectées dans la capitale et sous les ordres directs du préfet de police.

Cavalier de la gendarmerie de Paris
(vers 1820).

Cavalier gendarme Paris

Sous la Restauration, l’emploi (systématique dans la répression des troubles) et la brutalité de la gendarmerie royale de Paris font qu’elle est haïe d’une grande partie des Parisiens. Elle intervient notamment en 1820 contre les émeutes provoquées par la discussion sur la loi électorale ; en 1827, contre les troubles lors des élections, favorables à l’opposition libérale. D’une fidélité sans faille, elle est considérée comme un symbole du régime monarchique. C’est pourquoi, lors des journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet 1830 – les Trois Glorieuses –, la gendarmerie royale de Paris est combattue avec acharnement.

Relativement efficace pour une police quotidienne des rues et pour mater une agitation d’une ampleur modérée, comme en juin 1832, à l’occasion des obsèques du général Lamarque, ou en avril 1834, au cours de manifestations républicaines, ce type de force publique n’est pas remis en cause par le nouveau régime. En revanche en 1830, comme en 1815, elle est la victime d’une épuration intégrale. De 1830 à 1838, la garde municipale de Paris n’est pas rattachée à la gendarmerie, car rien ne devait rappeler la gendarmerie royale honnie. Néanmoins, cette formation est à la fois sous l’autorité du ministre de la Guerre et sous les ordres immédiats du préfet de police. L’ordonnance du 24 août 1838 confirme ce statut mixte et précise qu’elle fait partie intégrante de la gendarmerie. Enfin, on peut citer son intervention en mai 1839 pour briser la tentative insurrectionnelle menée par Blanqui et Barbès.

2 – Organisation et missions

Les troubles de juin 1832.

En 1832, Paris est en proie à une dévastatrice épidémie de choléra dont le président du Conseil Casimir Périer est lui-même la victime. La vacance du pouvoir, volontairement entretenue par le roi Louis-Philippe, encourage les républicains à tenter une insurrection. Dans ces circonstances, les funérailles du très populaire général Lamarque, héros de l’Empire et opposant notoire au régime de Juillet, va leur fournir l’occasion d’un rassemblement massif. Le 5 juin 1832, des milliers de personnes défilent derrière le cercueil du général. Des échauffourées dégénèrent rapidement en ce qui va être le premier acte de guerre urbaine depuis 1830. L’étendue de l’émeute, l’utilisation du canon et la fusillade finale, le lendemain, au cloître Saint-Merri, où se sont réfugiés des insurgés, font au moins 350 morts. Parmi eux, dix-neuf gardes municipaux qui se sont courageusement battus aux côtés des gardes nationaux et des soldats de la ligne. Cet épisode dramatique va prouver au nouveau Gouvernement toute la nécessité de disposer d’une troupe aguerrie dans la « guerre des rues ».

Si les dispositions de l’ordonnance de 1820 s’appliquent à la gendarmerie parisienne, sa situation dans la capitale fait d’elle un corps à part. Ses missions quotidiennes consistent à effectuer des rondes dans les rues et sur les marchés et à surveiller les ports, les barrières de l’octroi ainsi que les théâtres et les champs de courses hippiques. Il est des affaires politiques où ces gendarmes agissent déguisés. Mais, avec le lent développement de la police municipale et la multiplication des manifestations violentes, les gendarmes délaissent peu à peu ces missions secrètes et tendent à se spécialiser – sinon volontairement, du moins dans les faits – dans le rétablissement de l’ordre. Si les troupes de ligne et la Garde nationale sont également chargées de cette mission, il apparaît à juste titre aux différents gouvernements que la gendarmerie est plus sûre. Le corps possède un état-major et comprend des bataillons d’infanterie et des escadrons de cavalerie. Cette structure mixte constitue une réponse aux exigences du maintien de l’ordre. Il est dirigé par un colonel, mais reste sous les ordres du préfet de police pour emploi. Cette subordination à l’autorité civile perdure depuis 1813. Il est également sous la double tutelle des ministères de l’Intérieur et de la Guerre. Encaserné au cœur de la ville – ce qui n’est pas sans poser de problèmes lors des troubles –, son logement est à la charge de la municipalité. Son personnel est recruté dans toute la gendarmerie, sauf entre 1830 et 1838, ou au sein de l’armée ; à ce sujet, le préfet de police dispose d’un droit de regard sur le recrutement. Enfin, on constate une augmentation constante de ses effectifs entre 1812 (853 hommes, officiers compris) et 1848 (3 200 hommes).

3 – La naissance de la Garde républicaine

Plaque Garde municipale

Plaque de giberne
de la garde municipale
de Paris (1830).

Le succès de la révolution de février 1848 provoque, selon un schéma désormais classique, le licenciement de la garde municipale, qui a mené une résistance aussi courageuse que solitaire. Spontanément, divers groupes armés composés de vétérans des barricades se forment afin d’occuper les points stratégiques de la ville. On retrouve ainsi, entre autres, des « Montagnards » à la préfecture de police et une « Garde républicaine » à l’Hôtel de Ville. Mais le Gouvernement provisoire comprend vite le danger que représentent ces corps de factieux. Ainsi les garde civique (décret du 16 mars 1848), Garde républicaine parisienne (15 mai 1848) et finalement Garde républicaine (1er février 1849) constituent trois tentatives gouvernementales pour unifier, discipliner et épurer ces groupes de leurs éléments les plus révolutionnaires. La dernière appellation recouvre une formation au statut militaire et qui fait à nouveau partie intégrante de la gendarmerie. La Garde républicaine est donc fille du mouvement révolutionnaire et de la nécessité, pour tous les régimes, de disposer d’une troupe fidèle protégeant ses institutions.

À retenir

La gendarmerie est victime d’une vaste épuration avec le retour des Bourbons au pouvoir en 1815. L’ordonnance du 29 octobre 1820 clarifie les modalités de son service et ses relations avec ses ministères de tutelle. Elle se voit confier la surveillance politique des éléments anti royalistes et des missions politiques en marge de la légalité. Sous la Monarchie de Juillet, et particulièrement à partir de 1840, elle connaît un début de revalorisation. Le renforcement des effectifs se poursuit pendant la Deuxième République. En effet, un décret présidentiel décide en 1850 de l’implantation systématique d’une brigade par canton. La gendarmerie participe à la conquête de l’Algérie et au respect de la loi en Corse. La première partie du XIXe siècle voit différentes expériences de gendarmerie mobile. À Paris, pendant la même période, des gendarmes enrégimentés assurent le maintien de l’ordre.

GMP-1838.jpg

Garde municipale de Paris (1838).

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