SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

Notre président fondateur, le général (2S) Georges Philippot, nous a quitté brutalement, ce mercredi 9 février 2022, à l’âge de 82 ans. Notre société adresse à son épouse, Éliane, ses enfants, Gaël, Loïc, Katell (officier de Gendarmerie) et Soazig, et ses petits-enfants ses vives et fraternelles condoléances.

Comment ne pas être frappé de tristesse devant son départ prématuré alors qu’il portait, avec l’énergie et la détermination que, tous, nous lui connaissons, de nombreux projets. Nombreux projets pour l’association des Amis du musée Guillaudot, dont il présidait avec joie l’assemblée générale, le 16 décembre dernier dans les locaux de l’EGM de Vannes, comme des projets plus personnels autour de la publication de certains de ses travaux de recherches. Mais aussi l’attention qu’il donnait à notre société, qu’il avait créée en 2004 et à laquelle il restait profondément attaché, après en avoir exercé la présidence jusqu’en 2017. Et quelle présidence ! Celle de la veine qui l’avait conduit à relever le défi du service historique de la gendarmerie en 1998, peu de temps après avoir quitté le service actif. Service qu’il aura propulsé, en peu de temps, au niveau de l’excellence, période que, tous ceux qui ont partagé avec lui l‘aventure, se remémorent avec émotion. Période qui verra naître cette exceptionnelle et si fructueuse coopération avec la Faculté des lettres de Sorbonne-Université, coopération qui perdure aujourd’hui, et qui a ouvert la gendarmerie à la recherche académique.

La fatigue qui était la sienne, ne lui avait pas permis d’assister au colloque que nous avons organisé en novembre 2022 « Gendarmerie mobile, maintien de l’ordre et société – XIXème – XXIème, en partenariat avec le service historique de la Défense et Sorbonne-Université. Cette gendarmerie mobile qu’il aimait tant ! Mais ce serait une erreur que de penser que le général Philippot n’aurait regardé la gendarmerie qu’au prisme du maintien de l’ordre. Son remarquable parcours professionnel, est celui d’un officier ayant brillé dans tous les champs de la sécurité. Il était à la fois historien, penseur et concepteur de la sécurité, comme en attestent ses réflexions, tant autour du concept de force publique et de la militarité de la gendarmerie, que du modèle « gendarmerie » à l’aune des gendarmeries du monde.
Le général Georges Philippot a produit une œuvre formidable, qui justifie toute notre reconnaissance, autant que son attachante personnalité, notre profonde admiration.

Adieu et merci mon général !
Le général d’armée (2S) Jean-Régis Véchambre
Au nom de tous les membres
de la Société nationale de l’histoire et du patrimoine de la gendarmerie –
Société des amis du musée de la gendarmerie

Le parcours du général Georges Philippot

Georges Philippot est né le 11 juillet 1939 à Saint Vincent sur Oust (56).

Après avoir suivi les cours de l’école militaire préparatoire de Strasbourg, il intègre l’école spéciale militaire de Saint-Cyr en septembre 1962 – promotion centenaire de Camerone.

Il rejoint l’arme du train à sa sortie de Saint-Cyr et, à l’issue de l’école d’application du Train à Tours, il est affecté au 512ème groupe de transport à Saint-Lô.

Après avoir réussi le concours, il est admis à l’école des officiers de la gendarmerie nationale en octobre 1966 – promotion Maréchal Juin.
Il est affecté en août 1967 à l’escadron de gendarmerie mobile de Charleville-Mézières en tant que commandant de peloton porté (peloton de Mézières).
De l’été 1969 à l’été 1971, il est officier instructeur, chef de section, à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr.

Après avoir suivi les cours du centre d’enseignement supérieur de la gendarmerie à Maisons-Alfort entre 1982 et 1984, il est breveté de l’enseignement militaire supérieur.
Le 1er juin 1984, il rejoint le cabinet militaire du Premier ministre, Jacques Chirac.

Le 1er septembre 1987, il prend le commandement du groupement de gendarmerie départementale du Finistère à Quimper (29).
Le 1er avril 1989 il est affecté comme adjoint au commandant de la 6ème région de gendarmerie à Metz. Il participe aux réorganisations en cours et prend alors le commandement de la 7ème légion de gendarmerie mobile à sa création le 1er septembre 1991.
C’est dans ce cadre qu’il reçoit des mains du président de la République le drapeau de cette nouvelle unité aux Invalides en 1992.

A partir du 1er septembre 1971, il commande la compagnie de gendarmerie départementale de Calvi (2B).
Diplômé d’état-major le 1er août 1975, il est officier professeur à l’école des officiers de la gendarmerie nationale le 1er septembre 1975.
Le 1er août 1980, il prend le commandement du groupe II/2 d’escadrons de gendarmerie mobile de Melun.

La devise inscrite sur cet écu, Et Vigil Et Pugnax, à la fois vigilant et prêt au combat, reprenant une devise figurant sur un jeton de maréchaussée en 1720, cette devise de la 7ème légion de gendarmerie mobile, s’incarne en la personne du général Georges Philippot.

Le 1er septembre 1994, il prend le commandement de la circonscription de gendarmerie du Centre à Orléans et quitte le service actif en octobre 1996.

En 1998, en tant qu’officier général en deuxième section, il est nommé chef du service historique de la gendarmerie nationale et de la délégation au patrimoine, fonction qu’il exercera jusqu’en août 2003. Ce service, créé en 1996, a été dissous en 2005, lors de son absorption par le service historique de la Défense.

Témoignage du professeur Jean-Noël Luc

(Jean-Noël Luc, professeur d’histoire contemporaine élu, en juin 1998, à la Sorbonne, où il ouvre un séminaire sur l’histoire de la gendarmerie, qu’il dirige jusqu’en 2018 ; il est vice-président de la SNHPG SAMG)

On ne le savait pas. On allait vite le découvrir. Avec l’arrivée du général Philippot à la tête du Service Historique de la Gendarmerie nationale (SHGN), en 1998, commençait une période épique. Les premiers responsables de ce jeune service faisaient au mieux, avec des ressources humaines réduites et une expérience professionnelle forgée sur d’autres fronts. Quelques mois plus tôt, je leur avais suggéré de produire, en priorité, des instruments de travail et même un véritable guide de la recherche. En bref, et selon la formule que j’avais alors employée, de « commencer par construire les piles du pont ».

C’est dans ce contexte qu’arrive un nouveau chef, dont je savais seulement qu’il préparait une thèse, intitulée Gendarmerie et identité nationale en Alsace et Lorraine (1914-1939). Démarche peu banale, physionomie volontaire et souriante, parole convaincue et convaincante. J’ai vite compris qu’on allait voir grand. Je ne fus pas déçu.

Un premier souvenir, à propos de l’espace, autrement dit de l’une des conditions de l’efficacité. À l’origine, le SHGN était installé à l’entrée d’un couloir. Puis le nombre de pièces – et d’agents – s’est accru, jusqu’à ce qu’à occuper, un jour, l’ensemble du couloir, avec le bureau du général au bout ! « On était à l’étroit » m’a-t-il expliqué, avec un regard malicieux ; « alors, j’ai fait le siège de la DG ». Le mot n’était pas trop fort, car j’ai appris, plus tard, la remarque d’un haut responsable apprenant une énième requête du chef du SHGN : « donnez-lui tout de suite ce qu’il demande ; il ne va pas nous lâcher ».

Signature de la convention le 17 janvier 2001 entre l’université Paris-IV (devenue Paris-Sorbonne) et la DGGN. Le directeur général, Pierre Steinmetz, s’adresse à Pierre Molinié, président de l’université. Le général Philippot est à la gauche du directeur général. © Coll. pers

Autre souvenir, cette fois à propos de la convention signée, début 2001, entre l’université Paris-Sorbonne et la DGGN pour promouvoir la recherche sur l’histoire de l’Arme. C’était l’idée du général Philippot. D’abord, car il comprenait, pour en faire lui-même l’expérience, l’apport irremplaçable du travail académique – donc à l’écart de toute censure – pour élever l’histoire de la gendarmerie au niveau de celle des autres institutions. Ensuite, car il voyait dans cet acte officiel une précaution nécessaire face à « tous ceux qui, à l’intérieur de la maison, mais surtout au dehors, n’appréciaient pas forcément cette entreprise » (je cite de mémoire).

Le bilan, au moment du départ du général, en 2003 ? Il mérite d’être résumé, ne serait-ce que pour éclairer des lecteurs moins informés.

Au niveau des ressources humaines, on rappellera le recrutement d’une équipe renforcée, dotée notamment d’un conservateur du patrimoine, de deux archivistes professionnelles, d’un officier agrégé d’histoire et doctorant, de gendarmes adjoints, engagés eux aussi, dans la préparation d’une thèse, d’un spécialiste de la symbolique, tous pionniers enthousiastes.

Au niveau des productions, on signalera la publication des premiers inventaires normalisés sur les archives de l’Arme, la mise en route de la préparation d’un guide de recherche sur l’histoire de la maréchaussée et de la gendarmerie (publié en 2004), des enquêtes orales, des études internes et la réalisation de plusieurs numéros de revue spéciaux sur l’histoire de la gendarmerie.

Au niveau des relations avec le monde académique, enfin, et principalement avec le chantier de Paris-Sorbonne, on retiendra la co-organisation de colloques et de journées d’étude, la participation de chercheurs du SHGN au séminaire, la publication de thèses et de mémoires – une entreprise essentielle pour promouvoir un jeune chantier, mais hélas quasiment abandonnée après la disparition du SHGN.

Aujourd’hui encore, des anciennes étudiantes et des anciens étudiants, parfois devenus chercheurs professionnels, me parlent de cette époque heureuse. Heureuse, grâce aux conditions d’accueil et de travail offertes par le SHGN. Grâce aux facilités d’accès aux archives, avant la mise en œuvre d’une politique récente qui éloigne les pratiques françaises de celles des autres démocraties, à savoir l’introduction d’obstacles dans la consultation de documents ne représentant pourtant aucune menace pour la sécurité du pays. Grâce, enfin, à la synergie entre le SHGN et le monde académique, soutenue par d’autres services, comme la DELPAT, le CREOGN, le Musée de la gendarmerie et le SIRPA-Gendarmerie. Une synergie voulue et développée par un officier attaché, à la fois, à son institution et aux valeurs de la recherche. Une synergie féconde, préservée par plusieurs de ses successeurs au sein des instances chargées de l’histoire et du patrimoine de l’Arme.