SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

LE CONTEXTE DES RÉFORMES

Au cours du XVIIIe siècle, quatre réformes vont transformer l’institution et lui donner une organisation très proche de celle de la gendarmerie actuelle : 1720, 1760, 1768-1769 et 1778. Elles sont mises en œuvre pour tenir compte de l’évolution de la situation intérieure du pays. A l’heure où de plus en plus de personnes réclament une meilleure prévention de la délinquance, la maréchaussée apparaît alors comme un moyen de renforcer la sécurité des grands axes et des petites villes ; elle peut aussi étendre son action dans l’ensemble du plat pays.
D’autre part, la militarisation de l’institution est tardive. Elle est liée au succès de l’armée dans la surveillance nocturne des villes de garnison et au fait que l’armée au XVIIIe siècle apparaît comme l’administration la plus en avance de la monarchie dans de nombreux domaines. Enfin, les réformes ont été aussi réclamées par les personnels de la maréchaussée, en particulier les officiers.

LES AUTEURS DES RÉFORMES

Les réformes ne sont pas l’œuvre d’un seul homme. Le secrétaire d’Etat à la Guerre pilote le dossier mais il ne peut décider seul, le roi n’acceptant pas de signer sans avis. En priorité, le secrétaire d’Etat à la Guerre saisit les maréchaux de France, chefs naturels de la maréchaussée. Sont aussi consultés les trois autres ministres principalement intéressés par la maréchaussée : le secrétaire d’Etat à la Maison du roi, responsable de la sécurité de la capitale, le chancelier, responsable de l’activité judiciaire de la maréchaussée, et le contrôleur général des Finances, qui gère le trésor royal.

LE BUT ET LE RÉSULTAT DES RÉFORMES

Quelques unités sont exclues des réformes et restent attachées de façon purement nominale à la maréchaussée : la compagnie de la Connétablie et maréchaussée de France, la Prévôté de l’Hôtel, la compagnie des monnaies, la compagnie du lieutenant-criminel de robe courte… En 1772 est créée une compagnie très particulière : celle des voyages et chasses. Les anciennes compagnies exerçant véritablement des tâches de police sont réformées. Les réformes ont quatre buts : uniformiser les structures et sédentariser les unités afin d’assurer la continuité du service ; améliorer l’administration et le contrôle ; redéfinir les missions ; professionnaliser le corps par le biais de la militarisation.

Par un édit de mars 1720, toutes les maréchaussées du royaume sont supprimées et sont recréées sur le modèle de la compagnie de l’Ile-de-France. Une compagnie est implantée par généralité, sauf pour la généralité de Paris qui est surveillée par deux compagnies. Chaque compagnie est commandée par un prévôt général et est divisée en plusieurs lieutenances, comptant elles-mêmes plusieurs brigades, toutes de cinq hommes. Les brigades sont implantées dans les villes sièges de marchés et foires importants ou points de passage obligés. L’organisation de la maréchaussée coïncide ainsi avec l’organisation administrative et économique du royaume. Cette sédentarisation des unités permet une continuité du service. L’uniformisation concerne aussi les personnels, dont les statuts sont harmonisés. La tenue est elle aussi uniformisée pour toutes les compagnies du royaume. Toutefois, les maréchaussées ne forment corps qu’à partir de 1778, date à laquelle on ne parle plus que de la maréchaussée. Quant à la solde, elle est versée plus régulièrement et des masses sont mises en place dès 1729 pour financer les dépenses les plus onéreuses auxquelles doivent faire face les bas-officiers et cavaliers.
Divers avantages sont aussi accordés à l’ensemble des personnels, notamment le logement et la fourniture des fourrages en 1769.
Le contrôle est aussi considérablement amélioré. L’extension du modèle parisien à l’ensemble du royaume pose rapidement le problème du contrôle du service de personnels très dispersés et souvent isolés. En 1768-1769, les revues de subsistance sont confiées aux commissaires des guerres et un véritable corps d’inspecteurs généraux est créé. Enfin, en 1778, est créé le grade de sous-lieutenant, officier dont la fonction essentielle est de vérifier le service effectué.
L’action de la maréchaussée est de plus en plus strictement policière en raison de l’édit de 1731 qui restreint le champ d’action de la justice prévôtale. A partir de cette date, la maréchaussée agit surtout comme auxiliaire des autres juridictions. En 1760, il est décidé de distinguer ce qui ressort du service ordinaire et ce qui relève du service extraordinaire. Le premier constitue les missions permanentes de la maréchaussée : rechercher et poursuivre les malfaiteurs, garantir les voyageurs de leurs entreprises en tenant les grands chemins libres et assurés, observer les marches des troupes, veiller au bon ordre dans les fêtes et autres assemblées, maintenir en toute circonstance la sûreté et la tranquillité publique. Les autres tâches, accomplies sous réquisition ou main-forte, constituent le service extraordinaire. Celui-ci est prédominant tout au long du siècle, les brigades travaillant d’initiative, notamment pour l’exécution des tournées, au plus le quart de leur temps. La maréchaussée apparaît donc surtout comme la force mise à disposition des différentes autorités, dont elle exécute les ordres, réquisitions et mandats.
Celle-ci va être progressivement transformée en force paramilitaire. En 1720, seuls les officiers doivent avoir servi quatre ans au préalable dans les troupes avant d’entrer dans la maréchaussée : à partir de 1768-1769, cette obligation est étendue à l’ensemble des personnels et renforcée pour les officiers. La militarisation s’accompagne de la mise en place de la subordination graduelle et les personnels sont soumis à partir de 1768 aux règles de punition et de récompense en vigueur dans les troupes. Cette militarisation est en partie justifiée par le besoin de renforcer la discipline et la disponibilité et elle est aussi motivée par des raisons sociales, notamment offrir aux personnels de la maréchaussée un statut et une légitimité sociale.
Aussi en 1789, la maréchaussée est devenue suffisamment proche des troupes, auxquelles elle n’appartient pas, pour que son intégration dans l’armée soit décidée sans grand problème.

LA MARÉCHAUSSÉE DANS LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU XVIIIe SIÈCLE

La maréchaussée est surtout connue dans les villes et bourgs où les brigades sont installées. Les officiers sont issus en grande majorité des milieux d’officiers de judicature et marchands ; les personnels subalternes de la maréchaussée, même après la militarisation, se recrutent pour une forte part dans le milieu des petits propriétaires urbains.
L’action de la maréchaussée n’est pas remise en question tant qu’elle ne va pas à l’encontre des coutumes et usages locaux et tant que les coupables de délits sont rejetés par leur communauté. Au total, la maréchaussée se révèle efficace dans ses missions, notamment la recherche des délinquants. Grâce à un travail de longue haleine et la diffusion du signalement des personnes recherchées à l’échelle nationale, elle parvient à mettre hors d’état de nuire d’importantes bandes de malfaiteurs. Les enquêtes sont conduites de manière méthodique avec tous les moyens disponibles à l’époque.

En 1789, la maréchaussée se range du côté de la Révolution. La juridiction prévôtale est supprimée l’année suivante. Le sort de la maréchaussée se joue lors du débat sur la force publique. Finalement, l’institution est maintenue tout à la fois pour des raisons conjoncturelles et purement politiques et par souci d’efficacité. Toutefois, le nom de maréchaussée ne pouvant être maintenu, le corps prend le nom de Gendarmerie nationale. Cette dernière est créée par une loi votée le 16 février 1791. Si elle est présentée comme un simple maintien de la maréchaussée sous un nouveau nom, la gendarmerie est pourtant bien une institution nouvelle se distinguant de la maréchaussée par la perte de la juridiction prévôtale comme base de son action et par son intégration totale à l’armée. Toutefois, ces deux modifications essentielles n’entraînent ni une réforme totale du personnel, ni une modification des missions, ce qui justifie la filiation entre maréchaussée et gendarmerie.