SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

Xavier BORDA, Revue historique des armées, numéro spécial gendarmerie, 1998

La création d’un organe supérieur de commandement fut assurément la plus ancienne et la plus réclamée des réformes de la gendarmerie sous la IIIe République. Aux yeux des militaires de l’institution et de nombreux politiques, de l’existence d’une direction autonome dépendaient les futures améliorations de l’organisation et du service d’un corps trop longtemps délaissé. L’embarras des autorités politiques à résoudre le problème du haut commandement de la gendarmerie nationale fut cependant symptomatique de la difficulté pour les dirigeants républicains de réformer une institution encore considérée par beaucoup comme bonapartiste et peu fidèle. La création d’un organe autonome de direction de l’institution a été l’enjeu de débats qui ont mis en évidence  » la capacité du corps à résister aux pressions d’ordre public ou administratif qui peuvent s’exercer sur lui « , ainsi que les  » profondes implications politiques, s’agissant d’une formation militaire au contact direct de la population » .

La période révolutionnaire ne vit aucun essai de mise en place d’un commandement unifié de la gendarmerie : dès sa création le 16 février 1791, et pendant plus d’un siècle, les gouvernants successifs refusèrent de la doter d’un commandement autonome au sein du ministère de la Guerre, si l’on excepte toutefois la période du Premier Empire. En effet, jusqu’à la fin des Cent-Jours, l’histoire du haut commandement de la Gendarmerie se confond avec celle de son Inspection générale. Le poste d’Inspecteur général de la Gendarmerie fut créé par le Premier Consul Bonaparte le 8 germinal an VIII (29 mars 1800), afin de doter l’institution d’une direction effective. Comme le stipula l’arrêté, l’officier général nommé à cette fonction était en effet chargé de  » la surveillance générale et [de] la direction de tout ce qui concernait le service de la Gendarmerie « . Le poste prestigieux de premier inspecteur général échut au général de division Moncey, nommé par arrêté du 12 frimaire an X (3 décembre 1801). Sous l’Empire, Moncey, nommé maréchal, dirigea de fait la gendarmerie impériale que Napoléon tenait en haute estime et sur laquelle il s’appuiera en maintes occasions. Le poste de Premier Inspecteur général de la Gendarmerie, conservé au moment de la Première Restauration, fut supprimé au retour de Louis XVIII, le 24 juillet 1815.

Contrairement à l’époque impériale, la gendarmerie, à partir de la Restauration, et jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale, ne fut pas dotée d’une direction en propre, et dépendait pour son commandement supérieur du bureau de la cavalerie. L’autorité politique était méfiante envers cette force qui avait montré son efficacité mais surtout sa fidélité sous l’Empire. Une ordonnance de 1820, qui réformait l’Arme, ne résolut pas le problème du commandement supérieur, puisqu’au sein de la deuxième direction du ministère de la Guerre n’existait qu’un bureau du personnel, de l’administration, de la direction et de la surveillance du service de la gendarmerie. Les inspecteurs généraux de la gendarmerie, placés au sommet de la hiérarchie militaire de l’institution, exercèrent de fait une direction collégiale durant tout le XIXe siècle, et le bureau de la gendarmerie de la direction de la cavalerie, confié toute cette période à des officiers supérieurs ou subalternes, fut plus un organe de gestion que de commandement.

Au ministère de la Guerre, la gendarmerie resta rattachée à la direction de la cavalerie. Les militaires de l’institution supportaient mal la tutelle de la cavalerie sur la gendarmerie, et une brochure anonyme publiée en 1882 sous le titre La Gendarmerie devant les Chambres réclama  » au ministère de la Guerre une direction spéciale de la gendarmerie avec un comité de la gendarmerie présidé par un général de division « . De son côté, Hippolyte Delattre, historien de la gendarmerie, publia en 1887 un ouvrage dans lequel il réclamait lui-aussi une réforme du haut-commandement de l’institution. La presse associative de l’Arme éleva également de nombreuses protestations quant à cette situation :  » la gendarmerie se trouve aujourd’hui, vis-à-vis de la cavalerie, à l’état de province annexée ayant perdu sa vie propre et son autonomie « .

Un effort fut consenti à l’Etat-Major pour améliorer la représentation de la gendarmerie au plus haut niveau : un poste supplémentaire de sous-directeur apparut au sein de l’organisation centrale du ministère de la Guerre, emploi rattaché au directeur de la cavalerie. Le décret n° 6384 du 23 janvier 1886 nomma à ce poste de sous-directeur un officier de gendarmerie, le lieutenant-colonel Richaud, alors commandant de la 7e légion bis de gendarmerie. Ce dernier fut remplacé par décret du 18 juin 1890 par le lieutenant-colonel Nairince, de la Garde républicaine, puis par le colonel de Christen, chef de la 2e Légion (1894). Il est à noter toutefois qu’aucune sous-direction spécifique en tant que service n’apparut dans l’organigramme de la direction de la cavalerie : il ne s’agissait que d’un poste de sous-directeur, sans affectation précise du reste, qui fut pendant cette période confié à un officier de la gendarmerie. Les militaires de l’Arme y virent la volonté de la direction de se tenir informée de tout ce qui touchait à la gendarmerie.

Aucune réforme de la gendarmerie ne réussit à aboutir avant le premier conflit mondial, du fait de l’opposition de certains parlementaires, toujours méfiants vis-à-vis de l’Arme, ou des réticences de l’administration centrale, peu disposée à voir se développer l’autonomie de celle-ci. Cependant, les revendications concernant la création d’un organe directeur pour la gendarmerie se firent plus précises devant l’ampleur de la crise qui inquiétait désormais les militaires et certains politiques. En l’absence d’une véritable direction, certains gendarmes revendiquèrent alors le rattachement de la sous-direction, soit au cabinet du ministre, soit directement à l’Etat-Major général. En 1900, le capitaine Paoli, dans son journal Le Gendarme, évoqua également la suppression éventuelle du Comité technique de la gendarmerie et son remplacement par une direction spéciale.

Une tentative parlementaire eut lieu en 1908 pour tenter de réformer le haut commandement de l’institution : une proposition de loi ayant pour objet la réorganisation du corps de la gendarmerie fut présentée à la Chambre des députés le 1 juin, et renvoyée à la Commission de l’Armée pour étude. Cette proposition de loi soumettait un certain nombre de réformes possibles concernant le recrutement des personnels, les soldes ou encore les effectifs  » en vue de conserver à ce corps son caractère de troupe d’élite « . Or, l’une des principales critiques du rapport portait sur l’absence d’un état-major particulier à la gendarmerie, et proposait de pallier cette incohérence par la création d’une direction de la gendarmerie.

Le rapport dénonça le rattachement de la gendarmerie à la direction de la cavalerie au ministère de la Guerre, où elle n’était représentée auprès du directeur que par un chef d’escadron de l’Arme. Tout en rappelant l’existence du Comité technique de la gendarmerie présidé par un général de division, les députés soulignèrent qu’il n’avait pas  » l’autorité nécessaire pour représenter au ministère de la Guerre le corps de la gendarmerie « . La proposition de loi insista sur le caractère urgent d’une réorganisation, afin  » de lui substituer un organisme nouveau, indépendant, ayant le caractère d’une direction spécialisée « . Le président du comité technique, le général Mourlan, avait du reste lui aussi montré son attachement à cette création dans différents projets qui avaient été dans le passé soumis au comité. Les modalités souhaitées par la Chambre des députés furent alors clairement définies :  » cette direction ou ce service serait confié l’un des généraux inspecteurs auquel un officier supérieur serait adjoint.  » Le personnel du 3e bureau de la direction de la cavalerie serait placé sous ses ordres et quelques officiers de gendarmerie pourraient lui être adjoints, tout en évitant une surcharge pour le budget. Et le rapporteur de rappeler :  » l’existence de cet organe central aurait pour résultat d’assurer une meilleure administration de notre corps de police nationale tout en maintenant l’unité de doctrine. La présence d’un général directeur aux côtés du ministre serait pour les officiers de gendarmerie et pour les troupes placées sous leurs ordres une garantie de justice. « 

Malheureusement, cette proposition de loi ne fut pas suivie d’effet, et le dessein de la création d’une direction autonome de la gendarmerie fut reporté sine die. Devant l’échec du projet, de nouvelles offensives des militaires eurent lieu : le 20 décembre 1910 parut dans La Gazette de l’Armée un article revendiquant de nouveau la réforme du haut commandement, tandis que trois années plus tard, le directeur du Progrès de la Gendarmerie publiait un ouvrage dont le chapitre IV s’intitulait  » Il faut une direction de la Gendarmerie  » :  » Peut-on supposer une seconde l’hypothèse absurde d’un corps qui n’aurait point de tête ? Eh bien, cependant, c’est ainsi qu’on pourrait représenter, sous un aspect anthropomorphe et allégorique, notre Gendarmerie nationale. Le seul remède serait dans la création d’une direction complète « .

L’auteur accusait directement l’administration centrale de freiner les réformes attendues par les gendarmes afin de garder le contrôle de l’institution, et regrettait que les efforts de certains politiques, sensibles au sujet, fussent restés vains. Du reste, on ne reparla guère dans les Chambres d’un organe unifié de commandement de la gendarmerie, si ce n’est dans une proposition de loi déposée le 18 novembre 1912 par le député Henry Paté au sujet de la recréation d’une gendarmerie mobile qui dépendrait  » d’une sous-direction de l’Arme au ministère de la Guerre ».

La reconstitution de la gendarmerie mobile fut elle aussi reportée, et cette idée, tout comme la réforme institutionnelle de l’administration centrale, ne devait trouver d’écho qu’aux lendemains de la Première Guerre mondiale. La période qui s’étend de la chute du Second Empire à la Première Guerre mondiale marqua donc un désintérêt du pouvoir politique pour la gendarmerie. Marginalisée au sein de l’administration centrale, la gendarmerie n’eut guère l’opportunité d’obtenir les vastes réformes qui lui étaient nécessaires.

La question redevint cependant d’actualité dans les dernières années de la Grande Guerre, du fait des conditions nouvelles qui parvinrent enfin à faire procéder aux nombreuses réformes maintes fois envisagées, mais toujours reportées, qui avaient germé dans les années précédant le conflit. Les rôles majeurs dans la constitution d’un organe de commandement de la gendarmerie revinrent à Clemenceau, président du Conseil, et au général Mordacq, directeur du cabinet militaire. Ce dernier, rappelant que  » la gendarmerie souffrait du manque d’autonomie  » et qu’elle était  » absolument en tutelle et sous un tuteur qui ne s’intéressait que médiocrement à elle « , insista sur la nécessité de créer une sous-direction, à défaut d’une direction qui aurait nécessité une loi et un vote du Parlement. La perspective de la fin des hostilités et des troubles prévisibles de l’après-guerre hâta la décision. Du reste, l’attention portée à l’institution par le Tigre était réelle, et Clemenceau reprit les principales revendications pour justifier la création de la sous-direction :  » amélioration de la situation matérielle et morale des gendarmes en vue de faciliter leur recrutement, recrutement des officiers, organisation plus rationnelle de l’emploi de l’arme, et, d’une manière générale, refonte des règlements pour une meilleure adaptation aux besoins de l’après-guerre « .

Le décret du 16 février 1918 créa donc, pour la durée des hostilités, une sous-direction de la gendarmerie, rattachée à la direction de la cavalerie, qui recevait dans ses attributions  » toutes les questions relatives à l’organisation de la gendarmerie, à l’administration du personnel (officiers et troupes), à l’inspection et à l’administration des corps de l’arme « . Elle reçut délégation de la signature du directeur de la cavalerie pour la correspondance avec les autorités civiles et services courants. Une décision du 19 février 1918 porta nomination pour l’emploi de sous-directeur de la gendarmerie du lieutenant-colonel Joseph Plique (1866-1949), commandant alors la 12e légion de gendarmerie.

L’importance du rôle personnel du premier sous-directeur de la gendarmerie est incontestable : celui-ci recueillit l’unanimité sur son action et son engagement pour entreprendre les grandes réformes attendues, au premier rang desquelles la recréation d’une gendarmerie mobile chargée du maintien de l’ordre dans le pays. Son dynamisme face aux parlementaires devant lesquels il n’hésite pas à prendre la parole et à défendre ses projets fut reconnu par tous les militaires de l’Arme, d’autant plus qu’il pouvait se présenter devant la Chambre au titre de commissaire du gouvernement, et prendre part aux débats. La Revue de la Gendarmerie lui rendra un vibrant hommage après son départ, en lui adressant les  » remerciements de toute une Arme qu’il a sauvée de la misère morale et, sans doute, de la décadence, en lui rendant la juste compréhension de sa mission « .

La sous-direction était organisée alors avec un bureau technique, un bureau du personnel et une section administrative. Le bureau technique était chargé de l’organisation militaire et administrative, de la mobilisation du personnel, de l’élaboration et de la refonte des règlements, ainsi que des questions concernant la tenue, l’armement, le harnachement et la remonte des gendarmes. Le bureau du personnel, quant à lui, administrait les officiers et les gendarmes, recevait la charge de préparer les promotions, mutations, affectations, décorations, ainsi que les mises en retraite. La section administrative, enfin, s’occupait des questions d’application des règlements (solde, indemnité, matériels…) et du casernement.

La sous-direction fournit, au cours des deux années de son existence, un travail considérable pour améliorer le sort des gendarmes et pour la qualité du service et l’application des missions de l’Arme. Un mémoire, présenté en 1921 par le colonel Plique au ministre de la Guerre, résuma ainsi les grands thèmes des changements opérés par la sous-direction : amélioration de la solde des retraites, augmentation du nombre de médailles militaires et de gratifications décernées, statut de sous-officier donné aux gendarmes, remplacement des inspecteurs généraux par des généraux commandants de secteurs, création d’écoles préparatoires de gendarmerie, création de l’Ecole d’officiers de gendarmerie de Versailles, modernisation du matériel (voitures, téléphone, machines à écrire…), réglementation stricte de l’emploi de la gendarmerie, préparation d’un projet de loi portant création d’une gendarmerie mobile et enfin d’un état-major particulier de l’Arme.

La sous-direction n’étant prévue que pour la durée des hostilités, un arrêté de novembre 1919 la prolongea jusqu’au 1er janvier 1920, puis un second arrêté jusqu’au 15 février 1920, avant sa suppression pour raison d’économies. Ces hésitations, traduisaient, en réalité, le résultat des négociations qui avaient été entamées depuis peu entre les autorités militaires et civiles quant à l’avenir de la sousdirection. Elles reflétaient les difficultés des responsables politiques et militaires à s’accorder sur la création d’une direction autonome de la gendarmerie tant réclamée par les politiques et les militaires de l’Arme.

La nécessité d’un organe supérieur de commandement avait cependant été démontrée au cours des deux années d’existence de la sous-direction. Preuve avait été faite de son utilité et de son importance.Le climat politique et militaire de l’aprèsguerre fut favorable à une restructuration profonde de la gendarmerie et à l’établissement d’un commandement supérieur unifié de l’institution, cette fois-ci à caractère permanent. La Chambre bleu-horizon, élue aux élections législatives de novembre 1919, conduisit à l’assemblée de nombreux anciens combattants et une majorité de la droite conservatrice. Le Bloc national sentait bien tout l’intérêt que représentait une force militaire de police dévouée à l’Etat et à la compétence multiple. Cette attitude trancha de manière nette avec la méfiance politique larvée des parlementaires des précédentes législatures vis-à-vis des projets de réforme de la gendarmerie. Le contexte politique était favorable à la réorganisation générale de l’armée, et pour la première fois depuis le milieu du XIXe siècle, de la gendarmerie.

Un premier projet de maintien de la sous-direction fut établi par la direction de la cavalerie dans une note du 27 juillet 1919 adressée au sous-secrétaire d’Etat de l’administration de la Guerre. Le texte de cette note rappelait la création à titre temporaire de la sous-direction, mais observait que  » les motifs qui avaient présidé à cette création n’avaient rien perdu de leur valeur, au contraire, car la Gendarmerie [était] appelée à prendre de plus en plus d’importance en raison de la diminution inévitable des effectifs de l’ensemble de l’Armée « . Puis, la note concluait :  » l’expérience a prouvé que l’organe créé provisoirement répondait à une véritable nécessité et les résultats obtenus montrent qu’il est indispensable, pour le bon fonctionnement du service de la Gendarmerie, de maintenir la sous-direction à titre définitif « .

Cette demande de maintien à titre définitif de la sous-direction créée pendant la guerre, avec à sa tête un colonel ou un lieutenant-colonel, fut finalement présentée devant la Chambre des députés le 5 août 1919 par Georges Clemenceau, très favorable au projet. Mais, peu de temps auparavant, lors de la séance du 23 mai 1919, une proposition de loi d’initiative parlementaire, présentée par les députés Laffont, Vidalin et Serre, avait réclamé la création d’une véritable direction d’Arme avec à sa tête un officier général, secondé par un sous-directeur civil. L’exposé des motifs précédant cette proposition était virulent et dépassait largement le projet établi par le président du Conseil et les autorités militaires, estimant notamment que  » la création d’une sous-direction de la Gendarmerie [n’avait] été qu’un palliatif insuffisant « .

Face à une telle proposition, le maintien de la sous-direction semblait un pis-aller pour les parlementaires, et la Commission sénatoriale de l’Armée protesta lorsque Clemenceau déposa le projet de loi. Le ministère de la Guerre décida de reconsidérer la question et les différents projets présentés par l’administration militaire portèrent alors sur une direction de la gendarmerie. Un premier projet remanié par Clemenceau fut envoyé le 30 décembre 1919 au ministère. Il visait à organiser la direction, chargée  » de recruter le personnel de l’Arme, officiers et troupe, de l’administrer et de poursuivre la satisfaction de ses intérêts matériels et moraux « , ainsi que  » d’étudier toutes mesures propres à perfectionner l’organisation technique de l’Arme et d’assurer, en liaison avec l’Etat-Major de l’Armée et les divers départements ministériels, la marche du service. Le départ de Clemenceau le 20 janvier 1920 et le changement de gouvernement ne permirent cependant pas à la mesure d’être présentée; le projet ne se concrétisa pas.

Néanmoins, entre-temps, la sous-direction avait cessé ses activités, faute de crédits débloqués pour son fonctionnement, et c’est à nouveau une offensive parlementaire qui rappela au gouvernement l’importance de la création d’une direction d’Arme : au Sénat, au cours de la séance du 1juillet 1920, André Lebert, sénateur de la Sarthe, interpella longuement le ministre de la Guerre sur la question ; cette proposition fut relayée à la Chambre des députés par le colonel Girod, député du Doubs, qui avait déjà contresigné la proposition de loi de 1908 et qui joua un rôle essentiel dans la réorganisation de la gendarmerie après-guerre. Girod déposa une proposition de loi visant à créer  » au ministère de la Guerre une direction autonome de la gendarmerie, ayant à sa tête un officier général ou un colonel, secondé par un sous-directeur civil choisi parmi les fonctionnaires permanents de l’administration centrale « . Le colonel Girod entendait ainsi précipiter cette création, et ne pas attendre, comme désirait le faire le gouvernement, la mise en place de la gendarmerie mobile, encore au stade de projet. La proposition fut renvoyée à la Commission de l’Armée de la Chambre, et le rapport de celle-ci, établi par le député Henri Gallois et présenté à l’assemblée au cours de la séance du 26 juillet 1920, conclut également à l’urgence d’une telle réforme.

La certitude de la création d’une direction de la gendarmerie fut alors acquise, et la loi de finances du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général autorisa la création d’un emploi de directeur et d’un emploi de sous-directeur à l’administration centrale du ministère de la Guerre. Le nouvel organisme reçut l’appellation de 13e direction, tandis que le colonel Plique, qui avait pris le commandement de la légion de gendarmerie de Paris, était nommé directeur de la gendarmerie le 29 octobre : le colonel Plique présenta dès sa nomination les principales mesures à prendre pour améliorer le sort des gendarmes et renforcer l’institution. Il continua également la réforme du haut commandement de la gendarmerie et reprit immédiatement le projet de création d’un état-major particulier à l’Arme, projet qu’il avait amorcé alors qu’il était sous-directeur.

Après le départ du colonel Plique, cinq directeurs se succédèrent à la tête de la Gendarmerie. La direction effective de l’Institution fut désormais confiée à des officiers issus de l’Arme, et dont l’expérience justifiait la nomination. Le colonel Jean (1922-1923), les généraux Grimard (1923-1924), Crinon (1924-1928) et Bucheton (1928-1931) puis le lieutenant-colonel Nicolet (1932-1933) furent nommés successivement à ce poste.

La création de la nouvelle direction ne fit cependant pas toujours l’unanimité et un certain nombre de critiques virent le jour dans les années qui suivirent sa mise en place. Son indépendance, son pouvoir sur les forces militaires de sécurité et de maintien de l’ordre, finissaient par éveiller quelques craintes, même parmi les anciens défenseurs de l’institution qui s’étaient élevés contre l’état lamentable de la gendarmerie au cours des quarante années précédentes. La modification majeure dans l’organisation du commandement supérieur de la Gendarmerie nationale interviendra huit ans plus tard au cours de la réorganisation de l’administration centrale de la Guerre : en 1933, la direction de la gendarmerie fut intégrée dans une vaste direction du contentieux, de la justice militaire et de la gendarmerie, sous l’autorité d’un directeur civil, magistrat.