Force Publique

AVANT-PROPOS

Aux origines de la Gendarmerie étaient les prévôtés. Elle s’appelait alors Maréchaussée ; mais bien avant sa territorialisation et l’extension de ses compétences au début du XVIe siècle, elle n’était que prévôté, c’est-à-dire force de police et de justice aux ordres du maréchal pour faire régner l’ordre et la discipline au sein des armées. Cette fonction originelle de la gendarmerie fut mise en œuvre dès le XIVe siècle, puis d’une manière continue tout au long de son histoire, lors des différentes guerres auxquelles la France participa. Pour le XVIIIe siècle, on peut citer notamment la prévôté du corps expéditionnaire de Rochambeau qui, en 1780 et 1781, participa à la Guerre d’Indépendance des États-Unis. Au XIXe siècle, pas une expédition coloniale qui ne soit accompagnée d’une prévôté. Au XXe siècle, lors de la Première Guerre mondiale, les prévôtés ont laissé dans la mémoire collective des traces souvent douloureuses. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les prévôtés françaises sont présentes, à partir du débarquement, aussi bien dans l’armée française que dans l’armée américaine. On les retrouve en Allemagne auprès des Forces Françaises d’Allemagne, de 1945 à la fin du XXe siècle, puis à nouveau sur les théâtres d’opérations plus récentes en ex-Yougoslavie, au Moyen-Orient et maintenant en Afrique.

Si cette fonction est repérable tout au long de notre histoire, elle n’a cessé cependant d’évoluer dans les formes de sa mise en œuvre et dans le champ de ses attributions. La dernière évolution est une décision de la Direction générale de la Gendarmerie nationale du 1er septembre 2012 qui crée le Commandement de la Gendarmerie Prévôtale, décision confortée par un décret du 14 mars 2013 modifiant le Code de la défense.

Si des prévôtés de toute époque ont, pour plusieurs d’entre elles, fait l’objet d’études historiques, qui a entendu parler des Prévôtés de la France Libre, à part peut-être certains combattants de la France Libre et quelques historiens spécialisés ? C’est le grand mérite de Vincent Lhomeau d’avoir exhumé et exploité d’une manière magistrale ce fonds d’archives oublié que lui avait signalé le professeur Jean-Noël Luc. La revue Force Publique est heureuse de faire profiter ses lecteurs de ce travail exceptionnel.

Général Georges PHILIPPOT
Président de la SNHPG

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier mes parents qui ont eu la patience de relire mon travail.

J’exprime toute ma gratitude au professeur Jean-Noël Luc qui m’a si heureusement orienté vers un sujet passionnant et un fonds d’archives restées inédites jusqu’à ce jour.

À mon grand-père…

LISTE DES ABRÉVIATIONS

AEF : Afrique Équatoriale française

AFAT : Auxiliaires françaises dans l’armée de Terre

BCRA : Bureau Central de Renseignement et d’Action

BCRAL : Bureau Central de Renseignement et d’Action de Londres

BFI : Brigade française indépendante

BFM : Bataillon de Fusiliers Marins

BIA : Bataillon d’infanterie de l’Air

BIM : Bataillon d’infanterie de Marine

BIMP : Bataillon d’infanterie de Marche du Pacifique

BLE : Bataillon de Légion étrangère

BM : Bataillon de Marche

BMNA : Bataillon de Marche Nord Africain

CA : Corps d’Armée

CAC : Compagnie anti chars

CI : Centre d’instruction

CFLN : Comité Français de Libération Nationale

CNA : Compagnie Nord-Africaine

CNF : Comité National Français

DB : Division blindée

DBLE : Demi-brigade de Légion étrangère

DFL : Division française Libre

DLFL : Division légère française Libre

DLM : Division Légère Mécanique

FAFL : Forces aériennes françaises Libres

FFGB : Forces françaises en Grande-Bretagne

FFI : Forces françaises de l’Intérieur

FFL : Forces françaises Libres

FFWD : Forces françaises du Western Desert

FNFC : Forces navales françaises combattantes

FNFL : Forces navales françaises Libres

FTFL : Forces terrestres françaises Libres

FTGB : Forces terrestres en Grande-Bretagne

GPRF : Gouvernement provisoire de la République française

GRM : Garde républicaine mobile

JMO : Journal des Marches et Opérations

PPF : Parti Populaire Français

P.-V. : Procès-verbal

RA : Régiment d’artillerie

RAF : Royal Air Force

RCC : Régiment de chars de combat

REI : Régiment étranger d’infanterie

RMSM : Régiment de Marche de Spahis Marocains

SHD : Service historique de la Défense

TOE : Territoires des opérations extérieures

INTRODUCTION

« Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi », déclare de Gaulle dans son célèbre discours du 18 juin 1940. Refusant la défaite dans une lutte qu’il ne croit pas encore perdue, et surtout toute idée de capitulation qu’il juge honteuse, le général de Gaulle, exilé à Londres, lance ainsi au micro de la BBC son premier appel à la « Résistance », qu’on appellera a posteriori la « Résistance extérieure », c’est-à-dire un exil hors du territoire national et l’incorporation, la plupart du temps, dans un corps qui naîtra bientôt, celui des Forces françaises libres.

L’analyse de la défaite par de Gaulle tranche radicalement avec celle du maréchal Pétain. Pour de Gaulle, les chefs militaires français en sont les principaux artisans, tandis que la campagne de France n’est qu’une « bataille » dont l’importance doit être replacée dans le contexte d’une guerre qui sera, selon lui, « mondiale » d’ici peu. Renouvelant son appel les jours suivants, c’est le 22 juin qu’il parle pour la première fois de la « France Libre ». Le lendemain, il annonce à la radio la création, en accord avec le gouvernement britannique, d’un Comité national français incarnant un pouvoir civil légitime face au gouvernement de Vichy, qu’il juge illégal, installé à la place de la République.

La France Libre est une réalité mouvante et difficile à appréhender : « Le décalage est saisissant entre la précision atteinte par l’historiographie de la Résistance intérieure et les immenses zones d’ombre de l’histoire de la France Libre ou du Comité français de la Libération nationale […] D’une certaine manière, l’historiographie contemporaine a fini par identifier Résistance et Résistance intérieure clandestine », constate, en 2009, l’historien Jean-François Muracciole (1). La France Libre n’a d’existence officielle que jusqu’au 31 juillet 1943, et la notion même de « Français » libres est floue, puisque la moitié d’entre eux ne possèdent ni la nationalité ni la citoyenneté françaises.

Les frontières géographiques de la France Libre évoluent par ailleurs tout au long de la guerre. Ainsi, dès la fin du mois d’août 1940, le Tchad de Félix Éboué et l’ensemble de l’Afrique équatoriale française – à l’exception notable du Gabon – se sont ralliés au général de Gaulle. En septembre, c’est au tour de Tahiti et de la Nouvelle-Calédonie. L’échec de l’opération de Dakar, le 23 septembre, marque un brutal coup d’arrêt dans la vague de ralliements des territoires de l’Empire à la France Libre. Cependant, le Gabon est conquis, en novembre 1940, par les hommes du général Koenig : deux compagnies de légion étrangère et un bataillon colonial, basés à Douala, au Cameroun, traversent la forêt équatoriale, puis s’emparent de Libreville, le 9 novembre. À la fin de l’année 1940, l’ensemble de l’AEF et le Cameroun se sont rangés derrière le général de Gaulle et ils assurent le premier ancrage territorial de la France Libre, source d’une nouvelle légitimité pour le mouvement.

À partir de cette date, les frontières de la France Libre ne subissent pas de modifications jusqu’à l’été 1941, où débute, le 8 juin, l’offensive alliée (FFL, Anglais, Australiens) au Levant. Il s’agit de reprendre à Vichy le Liban et la Syrie, deux territoires sous mandat français qui ont servi de base de ravitaillement à l’aviation allemande. La Syrie est alors le théâtre de combats fratricides : sur la route de Damas, les 5 500 hommes qui composent la première division française libre du général Legentilhomme affrontent les 30 000 hommes du général Dentz, resté fidèle à Vichy. Seuls les légionnaires refusent de se battre entre eux. Damas est prise le 21 juin. Mais il faudra encore un mois d’affrontements pour réduire Dentz, qui tient le Liban(2). L’extension géographique maximale de la France Libre est alors atteinte, car les territoires d’Afrique du Nord, libérés à partir de la fin de l’année 1942, ne rallient pas, à proprement parler, la France Libre et le général de Gaulle, avant de se fondre dans la France combattante à compter du 1er août 1943.

La France Libre est aussi, et peut-être avant tout, une armée, si limités que soient ses effectifs. Les Forces françaises libres (FFL) participent, d’une part, à la défense maritime et aérienne de la Grande-Bretagne, et, d’autre part, à la guerre du désert en Éthiopie et au Levant, puis en Égypte, en Libye et jusqu’en Tunisie, où elles prennent part à la lutte contre les troupes germano-italiennes. Pour autant, l’histoire purement militaire de la France Libre demeure insuffisamment connue. L’enjeu est donc, ici, de contribuer à combler ce déficit, en s’intéressant à un domaine particulier, celui des prévôtés des FFL, c’est-à-dire de la police militaire, dont les archives, conservées au Service historique de la Défense, n’ont pas été exploitées jusqu’à présent.

Les prévôtés des Forces françaises libres

Corps militaire depuis sa création en 1791, la gendarmerie n’est pas simplement chargée d’assurer « le maintien de l’ordre et l’exécution des lois » à l’intérieur du territoire national (loi du 28 Germinal An VI). Elle remplit également des fonctions spécifiquement militaires. En temps de guerre, des unités de gendarmerie prévôtale sont constituées par prélèvement sur la gendarmerie départementale ou sur la Garde républicaine mobile, organisée entre 1921 et 1926. Elles sont rattachées aux différents corps d’armée pour y exercer des fonctions policières et judiciaires : « Le service de la gendarmerie a pour but d’assurer aux armées la police générale, la police judiciaire et l’exercice de la justice prévôtale. Elle participe, en outre, à la surveillance de la circulation. Elle est, enfin, le cas échéant l’auxiliaire du commandement pour le maintien de la discipline générale (3). »

L’action de la prévôté est donc, à la fois, préventive – faire respecter la loi par la surveillance de la troupe et l’information du commandement – et répressive. La qualité d’officier de police judiciaire est reconnue à certains membres de la prévôté, qui reçoivent les plaintes et les dénonciations, exécutent les réquisitions, procèdent aux enquêtes préliminaires et, en cas de flagrance, aux constatations, perquisitions et saisies, auditions et investigations. Chargés de traquer les déserteurs et de protéger les habitants contre le pillage, les prévôtaux contrôlent et sanctionnent également les civils qui suivent les troupes. Les gendarmes détachés aux armées doivent enfin incarcérer les prévenus à la prison prévôtale et les escorter, si besoin est, vers les prisons de l’intérieur.

L’histoire académique de la gendarmerie est récente. Longtemps ignorée par la plupart des chercheurs jusqu’à l’ouverture du chantier de la Sorbonne par Jean-Noël Luc, en 2000, la gendarmerie présente pourtant un double intérêt historique : elle joue un rôle spécifique dans la société et au sein de l’armée en temps de guerre, comme en temps de paix ; elle recueille des informations nombreuses et variées – et heureusement disponibles dans ses archives – sur les populations avec lesquelles elle est en contact (4). Ce travail s’intéresse donc à la fois aux prévôtés en tant que telles, c’est-à-dire à leur rôle au sein de l’armée de la France Libre, et à ce que leur action révèle de la vie quotidienne de ses soldats.

Deux prévôtés des Forces françaises libres ont été créées, l’une en Grande-Bretagne et l’autre au Levant, dans des territoires qui correspondent aux principaux théâtres d’opérations de cette troupe et où sont présents les rares gendarmes ralliés à de Gaulle. Le détachement de prévôté de Londres est chargé d’exercer sa mission de surveillance sur l’ensemble du territoire britannique, tandis que la prévôté de la 1re DFL encadre les troupes qui participent à la guerre du désert en Afrique du nord aux côtés de la 8e armée britannique (5). On s’attachera, par conséquent, à comparer l’action de ces deux prévôtés, car la question du maintien de l’ordre au sein de la troupe ne se pose pas de la même manière dans des espaces géographiques et des contextes si différents. Tandis que les prévôtaux basés à Londres doivent encadrer des troupes statiques, qui remplissent, à l’écart des opérations de guerre, une fonction de représentation auprès des alliés anglo-saxons, vitale pour la France Libre, les gendarmes engagés en Afrique participent aux combats et ils doivent maintenir l’ordre au sein d’une troupe prise sous le feu ennemi.

Les multiples apports des archives des prévôtés des Forces françaises libres

Cette recherche s’appuie sur deux types de sources inédites : d’une part, les archives de la prévôté des Forces françaises en Grande-Bretagne et celles de la 1re Division Française libre (1re DFL) ; d’autre part, les dossiers personnels des officiers de gendarmerie et ceux des résistants entrés dans la prévôté.

Ces sources, qui renseignent d’abord sur l’organisation des prévôtés et sur leurs relations, ainsi que sur celles des autres soldats français, avec les Britanniques, permettent de répondre à de nombreuses questions. Quand et comment la prévôté de Londres a-t-elle été mise en place compte tenu du manque criant de moyens et d’effectifs dont souffre pendant longtemps la France Libre ? Comment police anglaise et prévôté française se sont-elles réparti le travail de surveillance des troupes ? Si l’établissement de la prévôté en territoire allié est prévu par les textes réglementaires(6), les rapports de cohabitation forcée entre le gouvernement britannique et celui du général de Gaulle ont été souvent tumultueux(7). Comment ces tensions se répercutent-elles sur les relations entre les Anglais et les Forces françaises basées sur leur territoire ?

En Afrique, les dirigeants alliés, au nombre desquels figurent les autorités de la France Libre, se présentent comme les défenseurs du « monde libre » et de la démocratie contre la « barbarie » germanique. La question des rapports entretenus par les Français libres avec les populations civiles représente donc un enjeu politique fondamental, qu’éclairent, là aussi, les archives de la prévôté. Les FFL se sont-ils toujours comportés en défenseurs, voire en libérateurs ? Ont-ils été perçus comme tels par les populations civiles ? Les conflits entre les Français libres et les populations civiles d’Afrique du Nord ont-ils été fréquents ?

L’examen complet des nombreux procès-verbaux dressés par les prévôtaux permet d’établir une typologie de la délinquance et de la criminalité dans les Forces françaises libres. Au-delà du caractère mythique de cette armée, que l’on s’imagine composée entièrement de volontaires, donc de héros pétris d’honnêteté, de courage et de bonne volonté, que nous apprennent les rapports de la police militaire sur les attitudes des troupes du général de Gaulle ? Confirment-ils la vision – idéalisée ? – d’un comportement unanimement exemplaire des soldats de la France Libre, tel que le futur général Hucher le suggère, à propos de ses recrues bretonnes : « Nous n’étions pas nombreux. Nous étions tous des volontaires et nous étions tous d’accord. Il n’y avait pas de poids lourd à traîner, tout le monde en voulait (8) » ? Ou bien les témoignages des gendarmes apportent-ils un éclairage différent ou, au moins, plus nuancé ? Ce questionnement tiendra compte du poids important des troupes coloniales, une composante essentielle des forces de la France Libre, mais dont la majorité des membres ne sont pas des engagés volontaires. La prévôté a-t-elle été obligée d’exercer sur ces unités une surveillance particulière ? Quelles relations ont-elles entretenu avec les soldats européens ?

Les archives de la prévôté de Grande-Bretagne étant plus fournies que celles de la prévôté de la 1re DFL, deux parties, chronologiques, sont consacrées à la première et une troisième partie, thématique, à la seconde.

La première partie, qui concerne les années 1940 à 1942, analyse la mise en place difficile et tardive de la police militaire française en Grande-Bretagne, tandis que la seconde partie rend compte de l’activité des gendarmes français durant les trois années suivantes. L’étude est ici étendue aux relations que ces militaires particuliers entretiennent avec la population britannique et avec les autres soldats français. L’exploitation systématique de leurs procès-verbaux, entre 1942 et 1945, permet, ensuite, d’établir un bilan de la délinquance au sein des Français libres de Grande-Bretagne et d’entrevoir ses causes. La troisième partie, qui reprend à son compte les thèmes abordés à propos de la prévôté de Londres, essaie également de retracer le parcours des rares gendarmes ralliés à la France Libre, mais qui ont, malgré tout, permis de constituer deux détachements de prévôté sur les théâtres d’opérations proche-oriental et africain. On découvre ici les missions spécifiques assumées par les gendarmes, et dans des conditions éprouvantes, durant la guerre du désert.

PREMIÈRE PARTIE - LA TARDIVE MISE EN PLACE D’UNE POLICE MILITAIRE DES FORCES FRANÇAISES LIBRES EN GRANDE-BRETAGNE - 1940-1942

CHAPITRE I - UNE SITUATION LONGTEMPS PROVISOIRE

Pendant près d’un an et demi les FFL stationnées en Grande-Bretagne sont dépourvues de prévôté ou, plus précisément, de police militaire. Car la « police militaire des Forces Terrestres en Grande-Bretagne » (FTGB), qui voit le jour à la fin de l’année 1941, ne prend officiellement le nom de « prévôté des forces françaises en Grande-Bretagne » qu’à compter du 1er avril 1944. Pour comprendre la mise en place tardive de la première prévôté des FFL et rendre compte de ses missions, il convient de préciser les circonstances de la naissance des FFL, leur composition, leurs effectifs et leur répartition sur le sol britannique et dans les territoires contrôlés par la France Libre.

Au « carrefour de la France Libre(9) »

« Il n’y a pas de France sans épée. Constituer une force de combat, cela importait avant tout. Je m’y employais aussitôt(10). » Pour de Gaulle, le redressement passe avant tout par la constitution d’une armée qui permette de maintenir la France dans la lutte. Mais, deux mois après son appel, il est forcé de constater la faiblesse de ses gens : « À la voir [l’armée], on pouvait reconnaître que le “tronçon du glaive” serait fortement trempé. Mais, mon Dieu ! qu’il était court !(11) »

Les Forces françaises libres naissent avec le ralliement, les 29 et 30 juin, de treize cents hommes ayant appartenu au corps expéditionnaire en Norvège, dont neuf cents militaires de la treizième demi-brigade de Légion étrangère, qui signent un engagement de six mois renouvelables. À leur tête, se trouve l’état-major de la demi-brigade avec son lieutenant-colonel, Magrin-Vernerey, dit Monclar, et son chef d’état-major, le capitaine Koenig : séparés de leurs troupes en Bretagne, ils sont parvenus à les rejoindre en Angleterre. Monclar, bien que d’une anglophobie légendaire et pessimiste sur l’issue de la guerre, a pris le parti de rester en Angleterre « pour tirer la dernière cartouche ». À cette troupe s’ajoute un très petit contingent du sixième bataillon de chasseurs alpins (trente-sept volontaires, dont six officiers, sur un effectif de 735 hommes), le personnel d’une section de chars légers et d’une batterie de 75, et des éléments du train.

Le ralliement des légionnaires de Norvège a permis à de Gaulle de créer une première « brigade de légion française ». Mais, même grossie de 568 jeunes civils nouvellement incorporés, elle ne compte, le 8 juillet, que 1 994 hommes dont 101 officiers. Le 15 août, elle ne se monte encore qu’à 2 721 hommes dont, 123 officiers.

Le verrouillage des frontières françaises réduit à néant l’espoir d’un nouveau recrutement métropolitain. Vichy garde les Pyrénées, l’Espagne franquiste interne les évadés, et les Allemands contrôlent le littoral de la Manche. Deux mois après l’appel du 18 juin, seuls cinq officiers supérieurs d’active à cinq galons ont répondu à l’appel, et deux officiers généraux ont choisi le camp allié : l’amiral en retraite Muselier, le 30 juin et, début août, le général Legentilhomme, précédemment commandant de forces alliées dans les Somalis. Un troisième rallié, plus prestigieux, se fait connaître à la fin août : le général Catroux, gouverneur général de l’Indochine. Favorable dès le début à de Gaulle, il a été relevé de ses fonctions par le gouvernement de Vichy. Catroux est dès lors, et pendant plus de deux ans, le seul général d’armée que compte la France Libre.

Le 15 juillet, les éléments de l’armée de Terre sont transférés près d’Aldershot, à Daleville Camp, où les premières unités sont formées et entraînées en attendant que soit aménagé le camp de Camberley, au voisinage de l’école d’officiers de Sandhurst, qui demeure, pendant toute la guerre, la base des Forces terrestres françaises en Grande-Bretagne. Le camp de Camberley est par conséquent étroitement surveillé par la future « prévôté des forces terrestres en Grande-Bretagne » et devient le théâtre de nombre de ses interventions.

En novembre 1940, de Gaulle, à court de ressources, consent à la création d’une formation militaire auxiliaire féminine, très martialement dénommée le Corps des volontaires françaises. Au nombre de vingt-six le premier jour, le corps approche l’effectif de cinq cent en 1943 et fournit des auxiliaires aux trois armes, avant de donner naissance à Alger aux bataillons des AFAT, l’Armée féminine dans l’armée de Terre. À la même période, Jean-Louis Crémieux-Brilhac constate que la pénurie de cadres et de jeunes volontaires est telle que, dès novembre 1940, la création de l’École militaire des cadets de la France Libre en Grande-Bretagne est décidée. Installée à Malvern, puis au manoir de Ribbesford, dans le Worcestershire, elle est le “Saint-Cyr de la France Libre” d’où sortent 255 aspirants de 1941 à 1944, dont 48 meurent pour leur pays(12).

Plus faible encore que dans l’armée de Terre est le nombre de ralliements dans la marine, dont les officiers se caractérisent par une anglophobie que renforce encore l’épisode de Mers El-Kébir. Au 15 juillet 1940, sur 11 500 membres des personnels de la Marine nationale repliés en Grande-Bretagne, 882 seulement, dont 30 officiers d’active, ont opté pour de Gaulle et 700 pour la Marine britannique.

Les Anglais n’ont pas facilité les choses : ils ont commencé par refuser à de Gaulle l’accès aux camps de marins de la région de Liverpool et, après l’opération « Catapult », qui s’est traduite par la saisie des bâtiments de guerre présents en Grande-Bretagne, ils ont, dans un premier temps, offert pour seule alternative aux équipages le rapatriement ou l’engagement dans la Royal Navy.

L’attrait des soldes britanniques a joué : elles sont trois fois supérieures à celles de la Marine française pour les non-officiers. En outre, les cadres français, révulsés par le massacre de Mers El-Kébir, contribuent à une véhémente propagande abstentionniste dans les camps. De sorte qu’entre la mi-juillet 1940 et les derniers rapatriements vers la France à la mi-novembre, 400 hommes de la Marine de guerre seulement rallient les FNFL. En six mois, ce ne sont que 172 ralliés dont 9 officiers qui viennent de la flotte immobilisée à Alexandrie. Les effectifs globaux atteignent 3 300 en fin d’année (et 2 100 pour les unités marchandes), mais c’est grâce à l’engagement des jeunes volontaires civils et des marins de commerce.

Le commandement des Forces navales est confié à l’amiral Muselier à partir du 30 juin 1940. Embarqué à Marseille pour l’Angleterre le 23, il prend le contrôle des bâtiments français présents à Gibraltar, puis gagne Londres le 29. Il crée alors un embryon d’École navale sur le vieux croiseur Courbet, puis des écoles de spécialistes et des écoles de mousses. Un bataillon de fusiliers marins constitué en hâte peut être engagé en Afrique en septembre. Dès l’été, deux sous-marins et quatre avisos reprennent la mer, en octobre quatre chasseurs, puis, avant la fin de l’année, les contre-torpilleurs Léopard et Triomphant, deux torpilleurs et trois patrouilleurs ; on s’active également pour remettre en état de nombreux autres bâtiments.

L’amiral Muselier a, dans le même temps, présidé au démarrage des Forces aériennes françaises libres. De Gaulle lui en a confié le commandement à titre provisoire, mais ce provisoire dure plus d’un an. Entre le 15 et le 30 juin 1940, près de 200 aviateurs – officiers, sous-officiers, mais surtout élèves pilotes – ont gagné l’Angleterre. De Gaulle est venu le 8 juillet à la base de Saint Atham. Il leur a demandé de ne pas s’engager individuellement dans la RAF, « deux cents aviateurs sous l’uniforme français devant être plus utiles, au jour de la victoire, que deux mille le seraient sous l’uniforme anglais(13) ». À cette même date, sept avions militaires français d’Afrique du Nord ont gagné Gibraltar, treize autres suivent entre le 5 juillet et le 23 août. Une Free French Training School est créée à Odiham. Force est de conclure, avec Jean-Louis Crémieux-Brilhac : « Tout compte fait, elles sont minimes, ces Forces françaises libres de 1940 : 4 500 soldats à travers le monde à la mi-août sur une armée de Terre qui en a compté trois millions, 3 200 hommes en fin d’année pour faire renaître une marine de guerre et moins de 200 aviateurs-navigants (14)»

Cependant, dès leur création, les FFL présentes en Grande-Bretagne sont constituées de forces terrestres, navales et aériennes, réparties en divers endroits sur le territoire britannique. L’armée de Terre et quelques éléments de la marine se concentrent, à compter du mois de novembre 1940, au camp de Camberley, à l’ouest de Londres, tandis qu’une grande partie de la flotte française mouille à Dundee, en Écosse. La caserne Surcouf de Londres abrite bientôt de nombreux marins des FNFL. Ce sont tous ces éléments, dans leur diversité et leur éparpillement géographique, que devra prendre en charge la future prévôté des FTGB.

Londres est, de fait, jusqu’à la libération de l’Afrique du Nord en novembre 1942 (donc notamment pour les trois départements d’Algérie), la capitale de la France Libre. Alger devient le nouveau centre de la France Libre – devenue France Combattante – à partir de juin 1943, lorsque le général de Gaulle y prend ses quartiers. L’importance stratégique et symbolique de la Grande-Bretagne pour la France Libre reste nonobstant vitale jusqu’à la fin de la guerre. En effet, comme le rappelle Jean-François Muracciole, la Grande-Bretagne a joué, pour le mouvement gaullien, le rôle d’une plaque tournante. Sur l’ensemble de la période, elle a été le principal lieu d’engagement des Français libres (35,4 % des volontaires), suivie par trois autres centres majeurs de ralliement, l’Afrique du Nord (26,3 %), puis le Moyen-Orient et l’AEF (13 % chacun)(15).

La présence des militaires français sur le sol britannique est néanmoins très variable au cours de la guerre. À la fin de l’été 1940, les maigres effectifs dont dispose la France Libre, qui ne forment encore que le Corps expéditionnaire français libre (lequel deviendra, à partir de mai 1941, la première DLFL), sont dirigés sur l’Afrique dès septembre 1940. Le Corps expéditionnaire, sous les ordres du colonel Magrin-Vernerey, alias Monclar, participe à l’expédition de Dakar, avant de prendre part à la campagne en Érythrée, puis à celle de Syrie en juin 1941. Si la Grande-Bretagne reste le centre où affluent des ralliés du monde entier, le nombre de ralliements à la France Libre est particulièrement faible entre octobre 1941 et octobre 1942. Jean-François Muracciole établit, pour cette période, une moyenne de 200 engagements par mois. Une sensible augmentation a lieu à la fin de l’année 1942, dans le sillage du débarquement américain en Afrique du Nord. Le nombre mensuel de ralliements passe alors à 500, puis à 2 500, à partir de l’été 1943. Mais cette hausse ne concerne que peu la Grande-Bretagne où le nombre moyen mensuel de ralliements dépasse rarement la centaine jusqu’en 1944. Par conséquent, le nombre de Français libres en Grande-Bretagne n’est, au cours de cette période que de l’ordre de quelques milliers. Ce n’est qu’en 1944, dans le cadre de la participation des FFC à la bataille de France, que la présence française se renforce considérablement en Grande-Bretagne ; le nombre des militaires français présents sur le territoire britannique s’élevant alors parfois à plusieurs dizaines de milliers d’hommes.

Malgré le petit nombre de Français présents en Angleterre avant cette période, veiller à leur bonne tenue se révèle un enjeu majeur pour la prévôté. Au contact immédiat et permanent de leurs alliés britanniques, puis américains, ces militaires doivent incarner, aux yeux du monde, la digne exemplarité des représentants de la « France éternelle ».

Le Dépôt central des FFL, instrument de contrôle des soldats français

Encadrer et divertir les militaires

Le Dépôt central des FFL, qui ouvre ses premiers locaux en juillet 1940 au fameux Olympia Hall de Londres avant de prendre ses quartiers dans la banlieue de Barnes, au sud-ouest de Londres, est chargé de l’accueil, du recrutement et de l’hébergement des volontaires français qui attendent leur incorporation dans les FFL. La plupart du temps, ils sont ensuite dirigés vers un camp militaire français. Tous les nouveaux arrivants passent par le Dépôt Central. C’est donc assez naturellement que ce dernier joue, dès le mois de septembre 1940, le rôle d’instrument de contrôle et de discipline des militaires. C’est là que sont affichés, notamment, les ordres de l’état-major destinés à être diffusés par les officiers à la troupe. Un service de sécurité y est également créé et placé sous l’autorité du commandant du Dépôt. Son action ne se limite pas à celle d’un simple service de sécurité à l’intérieur des bâtiments. En effet, les Français libres qui sont affectés au Dépôt ou qui viennent à y séjourner sont sous la surveillance du commandement, lequel veille à leur bonne tenue, le Dépôt servant de filtre entre les militaires et le monde civil britannique. Ce fonctionnement, quelque peu improvisé, dont le champ d’action et l’efficacité semblent assez limités (les agents de sécurité ne dressent pas de procès-verbaux et ne procèdent à aucune arrestation en dehors des locaux), est qualifié de provisoire. La création d’une véritable police militaire est annoncée dès le début de 1941. Mais la situation n’évolue pas avant la fin de l’année.

Cela explique que les archives de la prévôté se soient approprié, pour les années 1940 et 1941, celles du Dépôt qui portent sur les questions de discipline(16).

Le Dépôt central va, par conséquent, constituer, pendant plus d’un an, en collaboration avec les polices militaire et civile anglaises et les gardes des différents camps militaires français en Grande-Bretagne, une importante instance de contrôle des militaires français. Les archives du Dépôt traduisent d’ailleurs la volonté très forte de la part du commandement d’assurer rapidement la discipline dans les rangs. Les chefs sont en effet soucieux de garantir avant tout la bonne tenue des militaires en territoire étranger. Le désir de ménager la sensibilité des Britanniques sert presque systématiquement de justification aux nombreux ordres et rappels qui fixent le port des uniformes et du matériel de guerre par les Français libres, parfois avec une extrême rigueur. S’agit-il de rassurer des Britanniques dont la confiance envers la France a été très ébranlée au lendemain de l’armistice de juin 1940(17) ? Si tel est le cas, on peut dire, en s’appuyant sur le témoignage du général de Gaulle, que le but a été largement atteint : « On ne saurait imaginer la généreuse gentillesse que le peuple anglais lui-même montrait à notre égard (18). » Ou bien est-ce un moyen de faire oublier, en affichant une exemplarité absolue, la faiblesse des effectifs de ce « tronçon de glaive » ? Ou encore, ce rappel constant à la discipline ne révèle-t-il pas, en contrepoint, une certaine négligence de la part des militaires français ? Sans doute le commandement a-t-il en tête tous ces enjeux.

C’est ainsi que, durant l’épisode du « Blitz », à partir de septembre 1940, les règles fixant l’usage et le port du masque à gaz sont rappelées, moins, semble-t-il, par stricte mesure de protection qu’en vue de garantir la bonne entente avec les alliés :

« Tous les officiers, sous-officiers, caporaux et soldats du Dépôt devront obligatoirement porter le masque en sortant du Dépôt. […] Les autorités anglaises ne comprendraient pas plus longtemps qu’il y ait chez nous un tel dédain du port d’un appareil qui peut être d’un grand secours dans une dramatique circonstance(19). »

Et de même, plus loin dans la même note, il est fait mention d’un problème en apparence bénin, mais qui est pris très au sérieux (comme il le sera ensuite par la prévôté) : les cas nombreux d’accidents de la route impliquant des conducteurs français, peu habitués aux règlements anglais :

« Les rapports qui parviennent à l’état-major concernant les nombreux accidents survenus aux véhicules militaires des FFL montrent que certains conducteurs n’apportent pas toute la prudence et l’attention nécessaires dans l’observation des règlements de circulation. »

Le problème ne trouve pas, semble-t-il, de solution rapide et simple, puisqu’à partir de juillet 1941, à la demande des autorités britanniques, ordre est donné à tous les véhicules français ayant la conduite à gauche de porter, à l’arrière, l’inscription : CAUTION – LEFT HAND DRIVE.

Bien entendu, le Dépôt central ne doit pas, en dépit de ce qui vient d’être dit, être considéré seulement comme un lieu de coercition. Le commandement se soucie aussi d’y organiser des loisirs. Sur ce point, la bienveillance des autorités britanniques vis-à-vis des Français libres est confirmée. En juillet 1941, par exemple, les membres du Dépôt sont informés que « la municipalité de Barnes(20) autorise le personnel du D.C. à jouer gratuitement sur les courts de tennis ». En juin, les amateurs d’escrime sont invités à se faire connaître afin de mettre en place des cours et poursuivre les « pourparlers déjà assez avancés […] pour obtenir le matériel nécessaire et le concours d’un instructeur »(21).

Cependant, le manque de confort, d’équipement et de personnel semble peser sur le moral de la troupe un an après l’appel du 18 juin. En témoigne cette note adressée par le commandement le 23 juin 1941, qui rappelle l’attention portée aux soldats français par leurs supérieurs et qui les invite à garder intacte leur motivation :

« Les corvées sont nombreuses mais rarement des soldats ont eu à leur disposition pour leur agrément la profusion de moyens sportifs et autres comparables à celle offerte par le nouveau Dépôt Central. En conséquence ils doivent, malgré ces corvées, se considérer comme étant, et de beaucoup, des privilégiés. De grands progrès ont été réalisés dans l’organisation du D.C. ; il reste cependant beaucoup à faire, notamment pour l’installation des hommes […] (22) »

Ce souci de maintenir le moral dans un contexte difficile explique également en partie la décision prise le 19 juillet, laquelle autorise les militaires à adresser à la hiérarchie une demande en vue de faire venir leur famille en Grande-Bretagne, s’ils peuvent en assurer la charge financière(23).

De plus, un certain nombre d’activités sont organisées afin de prévenir des actes de délinquance de la part des Français libres. Un problème inattendu donne lieu en effet à des plaintes récurrentes des Britanniques : le manque de produits frais, notamment de légumes, conduit les militaires français à se servir dans les jardins ouvriers anglais. Ce qui aboutit à cette remontrance du commandant du Dépôt central :

« Il est rappelé au personnel du D.C. qu’il est interdit de pénétrer dans les jardins ouvriers. Cette zone ne dépend pas du camp.

La municipalité de BARNES signale que certains membres des FFL ont été aperçus dérobant des légumes dans certains de ces jardins.

Le Commandant du D.C. rappelle que tout délinquant reconnu sera sévèrement puni (24). »

Aussi, le 22 juillet, trois jours après que ces incidents ont été signalés, une activité de jardinage est mise en place : « Le sergent-chef Furon Marc […] est chargé de l’organisation du jardinage. Il continuera de surveiller les travaux entrepris en vue de ravitailler le Dépôt Central (25). »

La vitrine de la France Libre

Le Dépôt central sert également de filtre avec la société britannique et certains militaires français dont la hiérarchie estime longtemps qu’ils font preuve d’une trop grande négligence. La décision n° 205 du 16 avril 1941 est sur ce point sans ambiguïté :

« Le colonel commandant les FTFL(26) a constaté que [ses] prescriptions […] : “La tenue doit, en tout temps, être correcte. La vareuse du battle-dress doit entièrement être boutonnée ; si elle est portée avec chemise kaki et cravate kaki (ce qui est toléré), seul le 1er bouton du haut peut être déboutonné” n’étaient pas respectées.

Afin de satisfaire aux autorités britanniques et de supprimer les abus provoqués par la fantaisie des militaires qui n’ont pas le sens de leur dignité, le colonel […] modifie la note comme suit :

- la tenue doit, en tout temps, être correcte, dans le service comme à l’extérieur. […] ;

- il est absolument interdit de porter des effets autres que le battle-dress réglementaire anglais ou la tenue de ville française (pour les officiers et sous-officiers) ;

- le masque se porte en bandoulière sur l’épaule droite(27). »

La négligence dans la tenue peut alors conduire à la consignation au Dépôt central, voire à une sanction disciplinaire. Ainsi, en avril 1941, les soldats Jean Clauzon et Joseph Cir sont tous deux condamnés à quinze jours de prison par ordre du commandant des FTFL. Motif : « [Ils] ont été rencontrés en ville en tenue irrégulière et sale, sans coiffure(28)» Ces peines sont purgées à l’intérieur du Dépôt central, où une prison a été aménagée. Plus radicale, une note du 23 juin signale que « le poste de garde a pour consigne de ne laisser sortir du D.C. aucun militaire, marin ou aviateur non rasé et dont la tenue n’est pas réglementaire ». Elle précise aussi que « le commandant du Dépôt Central serait très heureux de voir chacun donner fréquemment un coup de fer à sa tenue et notamment au pantalon. »

Il est de même très significatif de relever la remontrance faite aux membres du Dépôt deux jours plus tard :

« La cérémonie au drapeau n’est pas une corvée […] Ce drapeau français, hissé chaque matin sur une terre amie, constitue pour nous tous une sorte de coin de France. […] Tous ceux qui sont administrés par le Dépôt, sans excuse ou raison valable, doivent, quel que soit leur grade, être présents à la cérémonie au drapeau(29). »

La dimension symbolique de cette cérémonie est importante : il s’agit de rappeler aux Résistants de l’extérieur qu’ils luttent en tant que Français, et que, pour cette raison, ils sont les représentants de la France tout entière. Il s’agit également de s’afficher comme tels auprès des alliés britanniques, conformément aux vœux du général de Gaulle(30).

Toutes ces intimations du commandement concernant les militaires du Dépôt peuvent s’expliquer plus spécifiquement par le fait que ce dernier constitue une sorte de vitrine de la France Libre, aussi bien pour les alliés que pour les Français qui rallient Londres. Une note du Dépôt, du 8 septembre 1941, concernant le fameux accueil d’une vague de Français, souligne cette exigence :

« Un détachement important de volontaires pour l’armée est attendu demain au Dépôt Central. Il est indispensable que chacun s’efforce par son empressement et par sa tenue de donner aux nouveaux arrivants une impression d’accueil et de bonne camaraderie. Tous les gradés disponibles seront mis à leur disposition pour les aider dans leur installation et leur faire fournir tout ce dont ils auraient besoin. »

Il s’agit de 186 soldats français évadés d’Allemagne, faits à nouveau prisonniers par la Russie, qui, à leur demande, ont été dirigés sur l’Angleterre à la fin du mois d’août 1941. Parmi eux : Pierre Billotte et Jean-Louis Crémieux-Brilhac.

Une autre mesure de cette nature est mise en place : l’interdiction faite aux Français libres – qui, pour beaucoup d’entre eux, changeaient de nom lors de leur engagement afin de protéger leur famille – de recourir à des pseudonymes fantaisistes, pratique qui semble s’être généralisée. Ainsi, le capitaine Georges Tlige, commandant du Dépôt, ordonne, le 17 septembre 1941 :

« La faculté qui a été donnée aux volontaires des FFL de servir sous un pseudonyme ne doit pas donner lieu à des abus. Trop souvent des noms à particule ou très connus ont été choisis. Cette pratique sera interdite à l’avenir, et les listes de pseudonymes récemment établies seront révisées. Il sera demandé aux intéressés de choisir des noms plus en rapport avec la discrétion qu’il y a lieu de s’imposer dans les circonstances actuelles(31). »

Les interventions contestées des polices anglaises

En dehors des camps militaires réservés aux FFL, les missions qui relèvent normalement des attributions de la police militaire sont presque exclusivement remplies, durant l’année 1941, par la police civile ou militaire anglaise. Les chefs français, conscients sans doute de l’impossibilité dans laquelle ils sont de confier ces tâches à des compatriotes, sont conduits à solliciter l’aide la police anglaise et intiment aux soldats français, parfois très réticents, l’ordre de se plier à l’autorité des agents britanniques. Ainsi, le 16 juillet 1941, le soldat Albert Pierard est condamné à 15 jours de prison pour s’être évadé des locaux disciplinaires et, circonstance aggravante, avoir résisté à l’officier chargé de l’appréhender, si bien que la police civile anglaise a dû intervenir. Une image peu flatteuse du comportement de certains Français libres que le commandement cherche à tout prix à éviter de donner à ses alliés.

En outre, la police militaire anglaise est chargée, dans le cadre de certaines missions, d’encadrer l’ensemble des militaires présents sur son territoire. Elle a notamment pour mission de contrôler les véhicules civils afin de s’assurer qu’ils ne contiennent pas d’essence destinée aux véhicules militaires, laquelle est en effet rationnée et marquée par le War Department Petrol. Des contrôles sont donc organisés sur les véhicules civils, y compris ceux des FFL(32). Au mois de mars 1942, un contrôle de la police anglaise révèle la présence d’essence militaire dans une voiture civile conduite par le caporal Germaine Gruner des Volontaires françaises. Celle-ci avoue aux gendarmes avoir siphonné de l’essence dans le réservoir d’un capitaine des FFL(33).

Dans les cas des contrôles routiers routiniers comme dans ceux des constats d’accidents de la route, des Français libres refusent d’obtempérer aux ordres britanniques. C’est ce que signale, par exemple, la décision 273 du 4 juillet 1941 : « Les autorités britanniques ont eu plusieurs fois des difficultés pour obtenir que les militaires des FFL présentent les pièces d’identité qu’ils ont en leur possession(34). » Pour cette raison, et aussi dans le but de conserver autant que possible intacte la souveraineté de l’État français – incarné par de Gaulle, puis, à partir du 24 septembre 1941, par le Comité national français –, il s’agit de faire repasser les organes de la justice militaire sous contrôle français. Un premier pas est franchi le 4 août 1941 avec la création d’un tribunal militaire permanent. Au même moment, dans le double souci d’établir un climat de bonne entente avec les alliés britanniques et de faciliter les relations avec ces derniers, des cours d’anglais gratuits sont proposés aux FFL.

On comprend l’importance que revêt la création d’une police militaire relevant du commandement français. Ce qui est d’ailleurs conforme aux accords liant la France Libre à son allié britannique. En effet, l’accord du 7 août 1940 passé entre le général de Gaulle et le Premier ministre anglais Winston Churchill, prévoyant l’institution d’une force française libre en grande partie équipée par la Grande-Bretagne, stipule que « cette force conservera, dans toute la mesure du possible, le caractère d’une force française, en ce qui concerne le personnel, particulièrement pour ce qui a trait à la discipline, la langue, l’avancement et les affectations (35). »

Cependant, on le verra par la suite, les gendarmes français ont souvent à pâtir de la mauvaise volonté manifeste des Français libres auprès desquels ils sont chargés d’intervenir.

Il est difficile de dresser, à partir des archives de la prévôté de Grande-Bretagne, un bilan complet de la délinquance des militaires FFL en Grande-Bretagne pour les années 1940 et 1941. Toutefois, des types d’infractions se dessinent : nombreux vols de nourriture aux alentours des camps, ivresse publique récurrente, indiscipline à l’égard de la hiérarchie, négligence dans le port régulier de l’uniforme, vols d’argent répétés entre militaires. Le commandement déconseille d’ailleurs le prêt entre camarades, car, trop souvent, des militaires empruntent de l’argent juste avant d’être dirigés vers les TOE, dans l’intention manifeste de ne pas avoir à rembourser.

Les archives, qui mettent en lumière les difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontés le commandement et les hommes de troupe, font apparaître clairement le souci précoce de maintenir la discipline. Objectif ordinaire du monde militaire, mais qui s’avère crucial au sein d’une force presque entièrement composée de volontaires.

CHAPITRE II - LA DIFFICILE CRÉATION DE LA POLICE MILITAIRE DES FORCES TERRESTRES EN GRANDE-BRETAGNE

En novembre 1941, la décision est enfin prise de créer la « police militaire des Forces terrestres de Grande-Bretagne ». Une dénomination inhabituelle dans l’armée française (outre son caractère quelque peu erroné, le champ d’action de la police militaire couvrant aussi bien l’armée de Terre que celles de l’air et de mer) que peuvent expliquer deux raisons principales : tout d’abord, la difficulté qui consisterait à nommer « prévôté » un corps essentiellement composé de militaires qui n’appartiennent pas à la gendarmerie ; ensuite, la volonté d’adopter une formule traduite de l’anglais (Military Police) immédiatement compréhensible par les alliés anglophones(36).

Une police militaire fille des circonstances

Il semble que la principale cause de l’absence de prévôté pendant plus d’un an en Grande-Bretagne est liée à la faiblesse des effectifs de l’armée française, faiblesse qui rend superflue la création d’une police militaire. Le maintien de l’ordre est alors assuré au sein même du régiment. Les déserteurs éventuels sont rattrapés par la police anglaise, avec laquelle, par la suite, la prévôté travaille d’ailleurs en étroite collaboration. De plus, la création d’une prévôté n’est pas l’une des premières préoccupations de l’état-major, d’autant que cette initiative nécessiterait la présence de gendarmes en Angleterre. Or, s’il est une arme que l’Histoire a retenue pour sa fidélité au régime de Vichy, c’est bien la gendarmerie. C’est d’ailleurs, avant tout, pour cette raison que la possibilité même de mise en place d’une prévôté au sein des FFL est rendue problématique. Les prévôtés étant constituées de gendarmes, il convient de rappeler que le nombre de militaires de cette arme ralliés aux FFL se compte presque sur les doigts d’une main. L’historiographie ne manque d’ailleurs pas de rappeler l’adhésion quasi unanime de l’Arme au régime de Vichy, au moins jusqu’au tournant du STO : « Par leur culture professionnelle, les gendarmes sont légalistes. Aussi, après la signature de l’armistice, en métropole comme dans les territoires restés fidèles au gouvernement de Vichy, apportent-ils leur soutien au maréchal Pétain et à la Révolution nationale »(37).

Il est certain que la culture de l’arme s’oppose radicalement au ralliement au général de Gaulle ainsi qu’à son appel à un engagement individuel contre les « chefs » légitimes. Car il s’agit bien d’un appel à un engagement qui va contre la hiérarchie militaire et le gouvernement français que lance l’homme du 18 juin :

« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat. […] Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, […] à se mettre en rapport avec moi (38). »

Un autre facteur important de l’absence d’engagement des gendarmes tient pour beaucoup d’entre eux à leurs attaches familiales : très souvent mariés – le mariage est fortement encouragé au sein de la gendarmerie –, ils sont des chefs de famille sur qui tout repose, leur solde faisant vivre le ménage qui loge à la caserne. Aussi le nombre de gendarmes engagés dans les FFL est-il dérisoire. Entre le 18 juin 1940, et le 11 novembre 1942, dix-sept gendarmes seulement rejoignent la France Libre(39). C’est toutefois à un gendarme excellemment noté que vont être confiés la formation et le commandement de la première prévôté de la France Libre :

« Créée par note n°607/1 du 5 décembre 1941 de M. le général de Division Legentilhomme Commissaire National à la guerre, la police militaire des Forces françaises libres a été constituée à l’image d’une Prévôté, ses attributions sont les mêmes compte tenu de la situation particulière des FFL en Grande-Bretagne, du délicat service à exécuter en respectant la loi britannique.

Par note 764/1 du 20 décembre 1941 du général de division Commissaire à la guerre, le commandement de la police militaire a été confié au s/lieutenant de gendarmerie Foveau, qui a été également maintenu adjoint au Commandement du Quartier Général du Commissariat à la Guerre et la police militaire rattachée au Commandement des Forces Terrestres en Grande-Bretagne.

La note 3659/1 du 29/12/41 du Lt Colonel commandant les Forces Terrestres a défini les attributions du s/Lt Foveau à savoir : Constitution de la P.M. Instruction du personnel – organisation et commandement du service(40). »

Né le 6 décembre 1903 dans le département du Nord, François Foveau est titularisé gendarme à la GRM en 1931. Affecté à la légion de gendarmerie de Paris (brigade de Conflans Sainte-Honorine) en 1932, il se consacre, à partir de 1936, à une activité qui lui sera d’une grande utilité par la suite : le recrutement et la formation des militaires de carrière. Ses supérieurs ne tarissent pas d’éloges sur son comportement ni sur son efficacité à ce poste : « A fait preuve d’un patriotisme ardent et éclairé en consacrant ses rares loisirs à la préparation militaire. Les élèves présentés par ses soins ont obtenu de très bons résultats aux examens de B.A.P.(41) et du B.P.E.S.M.(42) », note son colonel dans une félicitation qu’il lui adresse en décembre 1937. Il reçoit cinq autres témoignages de satisfaction qui insistent sur son « zèle », son « dévouement » et surtout son « patriotisme ». Le gendarme François Foveau n’est cependant promu au grade de maréchal des logis qu’en 1938, malgré les éloges dont le couvrent ses supérieurs, à l’image de son chef d’escadron qui le note ainsi en 1934 : « Excellent gendarme. À l’étoffe d’un gradé. »

Durant la campagne de 1940, il est attaché à la prévôté de la Deuxième DLM, division qui participera à la campagne de Belgique et se repliera sur Dunkerque à partir du 20 mai. Parmi les Français évacués par la flotte anglaise figure le maréchal des logis François Foveau, qui manque d’être tué au cours de la périlleuse traversée de la Manche au-dessus de laquelle s’affrontent les pilotes de la RAF et de la Luftwaffe. Le bateau anglais Scottia sur lequel il s’est embarqué le 1er juin est bombardé par un avion et coulé. Blessé au bras et à la cuisse, Foveau est alors recueilli par un torpilleur anglais(43). Débarqué en Angleterre le même jour, il n’est évacué vers le camp de convalescence de Westburg que le 13. Une semaine plus tard, le 20 juin, il adhère aux Forces françaises libres, en dépit (à moins que ce ne soit en raison) du « dévouement » patriotique que ses chefs d’hier ont tant vanté. François Foveau est le premier gendarme à se rallier au général de Gaulle.

Nommé adjudant le 1er septembre 1940, il est affecté le même jour au Q.G. du général de Gaulle. Sa promotion est rapide, très certainement en raison du manque criant d’officiers de gendarmerie. Quatre mois plus tard, le 1er janvier 1941, il accède au grade d’adjudant-chef. En octobre de la même année, il passe sous-lieutenant, avec mission d’organiser, puis de commander, la police militaire. Se chargeant lui-même du recrutement, il est désireux de mettre en place une police militaire conforme à l’organisation traditionnelle de l’armée française, c’est-à-dire une prévôté constituée de militaires issus de la gendarmerie et placée sous l’autorité du haut commandement. Mais il se heurte d’emblée à une réalité amère : à cette date, ils ne sont, lui compris, que quatre gendarmes français présents sur le sol britannique, alors qu’on estime à douze le nombre de gendarmes requis pour constituer une prévôté efficace. Le nouveau sous-lieutenant se charge donc de recruter des militaires issus des autres armes et de les former au mieux au métier de gendarme. Une double tâche qui s’avère difficile.

Il prend le commandement de la prévôté en novembre 1941 et conserve cette fonction jusqu’au 24 octobre 1943, date de son départ pour l’Algérie, qui fait suite à sa demande d’affectation en Afrique du Nord. François Foveau exprime alors, dans une lettre qu’il adresse au général commandant les Forces françaises en Grande-Bretagne, le désir de rejoindre une unité combattante : il estime que sa mission de formation est terminée et que la prévôté peut désormais se passer de lui à Londres, d’autant que le personnel est suffisamment formé (il songe d’ailleurs laisser le commandement à l’adjudant-chef Daydé) et que les effectifs des FFL en Grande-Bretagne sont désormais réduits. Un temps remplacé par le capitaine Joseph Intartaglia, il reprend cependant son poste à partir du 22 juillet 1944. Il garde de son séjour africain une sévère blessure à la tête et une autre à l’épaule gauche, causées par le heurt violent avec un camion au cours d’une mission de contrôle routier, le 17 juillet 1943. Décoré de la légion d’honneur le 17 juillet 1946, et de la médaille de la Résistance le 11 mars 1947, Foveau meurt dans un accident de voiture le 19 novembre 1947.

Une troupe de héros ?

« Désobéir c’est servir » : parcours de gendarmes résistants

À la fin de l’année 1941, Le sous-lieutenant Foveau ne dispose donc que de trois autres gendarmes pour l’assister. Il s’agit des gendarmes Ernest Daydé, Georges Leblanc et Henri Crombez, chacun s’étant rendu en Angleterre par des moyens différents. Leurs parcours respectifs illustrent la diversité des réponses à l’appel du général de Gaulle.

Ernest Daydé (qui a connu une trajectoire assez similaire à celle de Foveau) est détaché à la prévôté du seizième CA le 27 août 1939, puis participe à la campagne de Belgique au terme de laquelle le seizième CA(44) est conduit à se replier sur Dunkerque. Il débarque en Angleterre le jour de la reddition de la ville, le 4 juin 1940.

Georges Leblanc, quant à lui, s’est engagé dans les FFL le 27 août 1940, après avoir été évacué sur l’Angleterre depuis Cherbourg, où se trouvait sa brigade.

Henri Crombez, arrivé le dernier sur le sol britannique, profite d’une permission pour quitter, le 5 février 1941, la gendarmerie de Pont-Audemer (Eure) et rejoindre la Grande-Bretagne. Malgré la proximité de la côte, il passe par l’Espagne où il est arrêté le 17. Emprisonné jusqu’au 28 août avant d’être remis aux autorités anglaises de Gibraltar, il signe son engagement dans les FFL deux mois plus tard, le 23 octobre 1941.

L’adhésion de ces trois gendarmes aux FFL accélère leur carrière : les maréchaux des logis chef Daydé et Leblanc passent au grade d’adjudant au cours de l’année 1941, puis d’adjudant-chef en 1943 ; Crombez est promu adjudant en décembre 1941, puis adjudant-chef six mois plus tard en mai 1942. Ils connaissent, par ailleurs, tous trois une même situation : ils ont laissé en France une femme et des enfants qu’ils ne reverront pas pendant près de quatre ans.

L’année suivante, en 1943, trois autres gendarmes se rallient à la France Libre et viennent étoffer les maigres effectifs de la prévôté de Londres. Il s’agit tout d’abord d’André Mandallaz, échappé de Dakar. Ce jeune gendarme de tout juste trente ans, mais fort d’une expérience de sept ans dans la gendarmerie, est affecté à la police militaire de Londres en avril 1943 et aussitôt promu au grade de maréchal des logis chef. Suivent, respectivement en juin et juillet, l’élève garde républicain(45) Henri Bourgeois, fraîchement évadé de France et rallié aux FFL, et le gendarme Ravarini qui, échappé de Guyane, a réussi à rejoindre Londres après un détour par Trinidad et les États-Unis.

Mais il faut attendre l’année 1944, avec l’arrivée de plusieurs gendarmes professionnels, pour que la prévôté étoffe de manière significative ses effectifs. Au début du mois de janvier, sept gendarmes de la légion d’Alger passent en Angleterre, soit deux maréchaux des logis chefs et cinq gardes républicains. Ils viennent en remplacement d’un certain nombre de gendarmes mutés de la prévôté de Londres au cours de l’année 1943 et dirigés vers des brigades de gendarmerie des colonies ralliées à la France Combattante. L’effectif de la prévôté atteint alors le nombre de 21 gendarmes, effectif qui reste stable jusqu’à la dissolution de la prévôté en 1946. Celle-ci demeure néanmoins en sous-effectif. En effet, le capitaine Joseph Intartaglia, qui vient tout juste de prendre le commandement de la police militaire en ce début d’année 1944, qualifie alors l’effectif de la prévôté de « déficitaire ». C’est pourquoi il adresse une série de demandes au commandement afin que plusieurs gendarmes, en instance de départ, soient maintenus à leur poste à la prévôté. Ainsi, le 27 janvier, à l’occasion d’un rapport qu’il adresse au colonel commandant les FTGB concernant un des gendarmes fraîchement débarqué d’Algérie, il insiste pour que ce dernier reste à Londres :

« Le maréchal des logis chef Schraen, ancien garde républicain mobile, est une bonne recrue pour la gendarmerie. De caractère pondéré, sérieux, travailleur, il possède une bonne instruction élémentaire et a une belle tenue. En conséquence, j’ai l’honneur de transmettre, avec avis favorable, la demande que ce militaire a formulée en vue de son affectation dans l’arme. Par ailleurs, en raison de la situation déficitaire des effectifs de la prévôté de Londres, et des événements qui peuvent se produire dans un avenir rapproché (débarquement), j’ai l’honneur de demander qu’il soit maintenu à cette prévôté où un centre d’instruction a été organisé (46). »

Ce problème d’effectif ne sera en fait définitivement résolu qu’à compter du mois de janvier 1945, avec, cette fois, l’arrivée de neuf gendarmes venus de Paris, libéré six mois plus tôt. Ils subissent aussitôt un interrogatoire dirigé par le capitaine Intartaglia qui porte essentiellement sur leur attitude et leur engagement pendant l’occupation allemande. Si l’obéissance aux ordres, dans le cadre de leur devoir de gendarme, ne leur est pas explicitement reprochée, en revanche, tous doivent certifier sur l’honneur n’avoir jamais appartenu au PPF de Jacques Doriot.

Mais avant d’arriver à cet équilibre, la prévôté a longtemps connu une telle situation de pénurie de gendarmes qu’elle a dû régulièrement lancer, de 1942 et jusqu’en 1944, des campagnes de recrutement parmi la troupe.

L’appel aux volontaires

« L’effectif initial de la P.M. étant fixé à 12, il a fallu pour le réaliser faire appel aux volontaires remplissant les conditions requises pour être admis dans la gendarmerie », est-il écrit, en 1942, en préambule du Journal de marche de la police militaire des FTGB, qui précise également que « les premiers candidats admis furent : le caporal-chef Bazin, le caporal Floquet, le caporal Malbec, le caporal Gicquel, les sergents Rachat et Auberger(47) ». Nécessité fait loi : il devient indispensable de compléter les effectifs initiaux de la prévôté par des militaires venus d’autres armes que la gendarmerie. Ces militaires sont nommés, à leur incorporation, élèves-gendarmes et sont formés, tant bien que mal, avec les faibles moyens dont dispose alors la France Libre.

Afin de s’assurer de la fiabilité des éléments affectés à ce poste clef, des renseignements très précis sont recueillis sur chacun d’eux. Les archives nous permettent de savoir, par conséquent, que ces élèves-gendarmes sont tous des caporaux ou des sous-officiers, issus d’armes diverses : sur les seize militaires affectés à la prévôté de Grande-Bretagne en 1942, quatre viennent donc de la gendarmerie et six de l’infanterie (armée de Terre). On compte également un marin, un conducteur de chars, un artilleur, un chasseur alpin, un cavalier et un caporal du génie. Ces premiers prévôtaux se caractérisent par leur relative jeunesse : moins de vingt-neuf ans en moyenne (cinq d’entre eux ont moins de vingt-cinq ans). Ce qui n’est pas surprenant quand on sait que cette jeunesse est une caractéristique de l’ensemble des Français libres(48). Mais qui s’explique également, dans le cas spécifique des gendarmes, par le fait que tout engagement dans l’arme implique la possibilité d’effectuer un service de vingt-cinq ans, et ce, avant l’âge de cinquante-cinq ans(49). Pour épauler ces gendarmes encore inexpérimentés, la prévôté s’adjoint également les services de deux secrétaires, membres du Corps des volontaires françaises, le caporal Geneviève Marchart, dès janvier 1942, puis Mme Anne-Marie Wright en juillet.

Le recrutement est néanmoins difficile et le nombre de volontaires reste très insuffisant. Cela traduit-il un manque d’engouement pour un corps de police auquel incombe la charge, paradoxale il est vrai, de maintenir l’ordre au sein d’une troupe composée en grande partie de volontaires ? De plus, l’emploi du temps de ces élèves-gendarmes, chargés simultanément d’apprendre et d’exercer leur métier, n’est pas, on le verra, de tout repos.

En janvier, deux nouveaux élèves sont affectés à la police militaire, le sergent d’artillerie Sabel, alias Lebas, et le caporal-chef du génie Chambrier. Mais le mois suivant, la prévôté déplore une nouvelle fois le manque de volontaires : « Pas de changement dans l’effectif malgré la propagande pour le recrutement »(50), peut-on lire dans le JMO de la police militaire au mois de mars 1942.

La situation n’évoluera que très peu jusqu’à la fin de l’année : quatre autres élèves sont affectés à la prévôté mais deux sont rapidement rayés des cadres, en particulier le sergent-chef Auberger qui, désireux de se battre, a demandé une affectation dans une unité parachutiste en juin 1942. La campagne de recrutement se poursuit néanmoins. Trois nouveaux élèves-gendarmes font leur entrée à la prévôté entre le mois d’avril et le mois de septembre 1943(51) ; trois autres en janvier et février 1944.

Au total, ce sont donc seize militaires, issus des trois armées (terre, mer, marine), qui reçoivent, à la police militaire des FTGB, une formation accélérée de gendarme de 1942 à l’année 1944. Celle-ci dure environ un an, de leur intégration dans la police militaire à leur prestation de serment, laquelle permet d’accéder officiellement au statut de gendarme(52). C’est grâce à ces jeunes volontaires que la prévôté peut voir le jour au mois de janvier 1942.

Équiper, instruire et former les gendarmes

Le premier poste prévôtal est ouvert à Londres le 1er janvier 1942, sur les bords de la Tamise, au 1 Grenville House, Dolphin Square, à l’ouest de la ville. Deux mois plus tard, un autre poste est installé au camp d’Old Dean à Camberley, où se concentre la très grosse majorité des FFL et où les nouvelles recrues sont logées, formées et entraînées. Cependant, le poste de Camberley ne connaît qu’une existence très provisoire et il est supprimé dès septembre de cette même année. Car, en réalité, les gendarmes interviennent essentiellement en dehors des camps FFL, où les militaires semblent déjà suffisamment bien encadrés par leurs officiers, et essentiellement, on le verra, à Londres, lieu de plaisirs et de détente pour les militaires en permission.

Le camp de Camberley accueille néanmoins la prison prévôtale jusqu’à l’été 1944, date à laquelle elle est transférée à Londres, permettant ainsi de décharger pendant deux ans les prévôtaux, longtemps en sous-effectif, de la garde permanente des « préventionnaires ». La hausse relative des effectifs au cours de l’année 1944 (la prévôté compte, à partir de cette date et jusqu’à sa dissolution en 1946, 21 gendarmes) et la mise à disposition de la police militaire de nouveaux locaux permettent de faire passer les détenus sous la surveillance exclusive des gendarmes. En juillet 1944, la prévôté emménage dans l’immeuble sis au 69 Rochester Row. Ancienne Cour de Justice, ce bâtiment facilite l’aménagement d’une prison prévôtale enfin digne de ce nom et capable d’accueillir jusqu’à vingt détenus. Le capitaine Intartaglia, qui commande alors la prévôté, espère que ce nouveau dispositif réduira les actes de délinquance :

« Au point de vue moral, les hommes prévenus de crimes ou de délits ne seraient plus au contact des hommes ne faisant l’objet que de sanctions disciplinaires. […]

Au point de vue psychologique, certains hommes, sachant qu’ils seraient enfermés dans une véritable prison pendant la période de prévention, hésiteraient à commettre l’infraction qui les conduirait devant le tribunal militaire.(53) »

La mise en service d’une véritable prison prévôtale est ainsi censée décourager la délinquance chez les militaires des FFL, dont l’instruction des crimes et délits(54) est facilitée et accélérée par la proximité immédiate entre les inculpés et les gendarmes, que favorisent ces nouveaux locaux.

En attendant ce déménagement, les « préventionnaires » sont incarcérés la prison prévôtale de Camberley, où les conditions de sécurité sont loin d’être optimales (du moins dans un premier temps) et les évasions relativement nombreuses. Au lendemain de l’évasion de deux détenus de la prison de Camberley, au mois de janvier 1942, les gendarmes Henri Crombez et Jean Flachat en soulignent l’inadaptation : « Les locaux sont bien tenus, rien ne traîne dans la cour, mais il y aurait lieu de faire activer les réparations car des barreaux manquent à toutes les fenêtres et toutes les portes ne ferment pas. » En ce qui concerne la cellule dont se sont échappés les détenus, ils précisent que « la porte ne [fermait] pas à clef [et qu’elle] a été coincée aussitôt que les prisonniers furent dans leur cellule à l’aide d’une vis qui a été passée de l’extérieur dans l’œilleton(55)»

L’équipement dont ne sauraient se passer les gendarmes est l’uniforme, selon la formule consacrée qui introduit tout procès-verbal de gendarmerie : « revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos chefs ». Si bien que la prévôté bénéficie à sa création d’un traitement de faveur pour la fourniture des uniformes. Les gendarmes auront droit, dans un premier temps, au même traitement que les officiers(56). C’est le général Legentilhomme en personne qui règle cette question dès le mois de janvier 1942 : « Les détails de l’uniforme de la P.M. ont été fixés par M. le Commissaire à la Guerre(57) qui a prescrit de reprendre l’uniforme de la Gendarmerie auquel seul serait adjoint un brassard jaune portant les lettres M.P. en rouge (58). »

En tant que gardiens de la loi, les prévôtaux doivent se faire reconnaître comme tels par les militaires français, mais aussi, compte tenu des circonstances, par les militaires des nations alliées. C’est pourquoi le général Legentilhomme prescrit le port d’un brassard marqué « MP » (Military Police). Cependant, en 1944, le nombre d’uniformes réglementaires de la gendarmerie dont dispose la prévôté n’est encore que de dix unités, soit un uniforme pour deux gendarmes ! Ce qui laisse supposer qu’un membre de la prévôté sur deux se contente du brassard marqué « MP », porté sur le battle-dress. En revanche, tous portent le képi réglementaire de la gendarmerie. Les archives de la comptabilité indiquent d’ailleurs que la plupart d’entre eux ont obtenu le remboursement de l’achat du képi de gendarme acheté chez un chapelier de Londres(59).

Les prévôtaux sont équipés de revolvers français : treize revolvers modèle 1892, d’un calibre de huit millimètres. Si au début chaque gendarme possède son arme, les choses changent lorsque la prévôté atteint un effectif plus important. Un mois avant le débarquement de Normandie, le capitaine Intartaglia, qui dresse l’inventaire du matériel qu’il aimerait renouveler, fait constater que le nombre de revolvers est toujours le même et qu’il est « impossible de se procurer d’autres armes du même modèle ». Ces treize armes de poing sont donc les seules dont dispose alors la prévôté.

Intartaglia fait le même constat amer quand il propose en 1944 de porter l’effectif à trente hommes et estime que les besoins sont de « trente mousquetons ou fusils, trente revolvers, huit mitraillettes, deux fusils-mitrailleurs(60)» On est alors en mai, le débarquement allié en France est imminent, et la prévôté prévoit très certainement d’être projetée sur ce nouveau théâtre d’opérations. Mais elle doit pourtant se contenter de trente fusils MAS qui enrichissent un arsenal d’une extrême pauvreté.

Tout aussi sommaire est le parc automobile de la prévôté, puisqu’elle ne dispose que d’une unique voiture de liaison, de la marque française Peugeot, et d’une camionnette utilisée pour le transport des détenus. Alors que les troupes alliées se massent sur le territoire britannique et que se prépare le débarquement en Normandie, le commandant de la prévôté fait en vain une nouvelle demande. Il souhaite obtenir huit motocyclettes qui pourraient s’avérer indispensables pour le contrôle de la circulation au moment de l’embarquement des troupes. Mais ce matériel n’est pas fourni, pas plus que ne l’avaient été la plupart des armes qu’il avait demandées.

La mise en route de la prévôté se faisant très lentement, le service n’est pas assuré de manière satisfaisante dans les premiers mois de l’année 1942. Il doit faire face à deux difficultés majeures : le nombre nettement insuffisant de gendarmes, d’une part ; d’autre part, le fait que la plupart d’entre eux sont des élèves-gendarmes. Recrutés parmi les militaires des FFL, ces derniers ne disposent par conséquent d’aucune formation préliminaire. Ils doivent suivre une instruction qu’il est difficile de mettre en place car les moyens font cruellement défaut. Le principal problème est l’absence de bibliothèque et de manuels nécessaires à leur apprentissage. Il n’est résolu que progressivement : des photocopies de manuels conservés à la bibliothèque du « War Office » sont tout d’abord distribuées aux élèves-gendarmes avant que ne soit envoyée depuis les colonies ralliées (Brazzaville, Nouméa et Pondichéry) une documentation plus appropriée(61).

En plus de leur service, les gendarmes confirmés, dont l’emploi du temps s’alourdit ainsi sensiblement, doivent consacrer chaque matinée de la semaine à l’instruction de leurs jeunes collègues, soumis une fois par semaine à une évaluation des connaissances. Elle comporte une dictée, une question de compréhension écrite ou de culture générale et des questions portant sur « l’instruction spéciale », c’est-à-dire sur l’exercice du métier de gendarme, le fonctionnement des armées et le droit. Il est intéressant de relever au passage le caractère hautement patriotique de ces dictées, à l’image de celle qui est donnée le 9 avril 1943, tirée d’un texte de Roland Dorgelès, véritable exaltation et appel au retour dans la patrie perdue : « Retour au pays. Après quatre mois d’absence, je regarde, sur un fortin des Alpes, flotter notre drapeau et il me semble que le vent qui souffle, que le rail qui grince, que le torrent qui mugit, que tout le ciel me parle déjà français (62). »

L’après-midi est consacré au service, lequel contribue, à sa manière, à former les gendarmes « sur le tas ». Dans les premiers temps, ces derniers tâtonnent, et peinent à rédiger correctement les procès-verbaux qui font l’objet de nombreuses corrections de la part des chefs plus expérimentés. L’essentiel de leur travail consiste à recevoir et enregistrer les plaintes et les dénonciations qui émanent, la plupart du temps, des chefs d’unité français qui signalent les noms des absents illégaux et des déserteurs, ainsi que les infractions commises au sein des troupes dont ils ont la charge, ou celles qui émanent de civils ou de militaires anglais victimes des FFL.

Ainsi, en dépit de l’enjeu crucial que constitue la création d’une police militaire chargée du maintien de la discipline au sein d’une armée de volontaires, c’est bien le manque d’effectifs et de moyens qui explique en grande partie sa mise en place tardive. Sans personnel suffisant et sans une logistique à la hauteur de sa tâche et de ses ambitions, cette police (comme bien d’autres institutions durant ces premières années de la France Libre) doit souvent « bricoler », son fonctionnement laissant une large place à l’improvisation. Créée à la fin de l’année 1941, elle n’adopte la dénomination de « prévôté » qu’à partir de 1944, et elle est constituée de sous-officiers certes le plus souvent triés sur le volet mais en majorité étrangers au métier de gendarme. Sa tâche s’annonce donc difficile en ce début de l’année 1942, d’autant que la poignée d’élèves-gendarmes inexpérimentés, qui est aussi le relais de l’exigence du commandement en matière de discipline, va être confrontée à des militaires français peu enclins (surtout dans les premiers temps) à obéir à une force de police dont ils s’étaient si bien passés pendant plus d’un an ; des militaires français toujours plus nombreux et issus des trois armes, mais aussi de tous les corps auxiliaires, en particulier le Corps des volontaires françaises, cantonnés sur l’ensemble du territoire britannique.

DEUXIÈME PARTIE - MAINTENIR LE PRESTIGE DE L’UNIFORME : L’ACTIVITÉ DE LA PRÉVÔTÉ, DE 1942 À 1944

CHAPITRE III - « UNE TÂCHE DÉLICATE » ? - LES GENDARMES AU TRAVAIL À LONDRES, DE 1942 À 1944

1942, l’année même où la police militaire des FTGB est officiellement créée, marque le basculement de la guerre. Avec l’entrée des États-Unis dans le conflit, les alliés cessent de subir les agressions du IIIe Reich et reprennent l’offensive sur plusieurs fronts.

« Au troisième printemps de la guerre, note le général de Gaulle dans ses mémoires, le destin rend son arrêt. Les jeux sont faits. La balance se renverse. Aux États-Unis, d’immenses ressources sont transformées en moyens de combat. La Russie s’est ressaisie ; on va le voir à Stalingrad. Les Britanniques parviennent à se rétablir en Égypte. La France combattante grandit au-dedans et au-dehors. La résistance des peuples opprimés, notamment des Polonais, des Yougoslaves, des Grecs, prend une valeur militaire. Tandis que l’effort de l’Allemagne a atteint sa limite, que l’Italie se démoralise, que les Hongrois, les Roumains, les Bulgares, les Finlandais, perdent leurs ultimes illusions, que l’Espagne et la Turquie s’affermissent dans leur neutralité, que, dans le Pacifique, est enrayée l’avance du Japon et renforcée la défense de la Chine, tout va porter les alliés à frapper au lieu de subir (63). »

En dépit des nombreuses crises qu’elle doit traverser, aussi bien internes que dans les relations houleuses qu’elle entretient avec ses alliés britanniques et américains, la France Libre se renforce progressivement. Son prestige sort grandi des batailles auxquelles participent les FFL dans les sables d’Afrique : du 26 mai au 11 juin 1942, la première brigade française libre du général Koenig résiste héroïquement aux assauts de l’Afrikakorps, puis, avec le concours de la deuxième brigade, participe à la bataille d’El Alamein en octobre(64). Avec l’opération « Torch », lancée le 6 novembre, l’Afrique du Nord française, bien qu’elle ne soit pas rattachée à la France Combattante avant l’été 1943, échappe à l’autorité de Vichy. De Gaulle s’installe en juin à Alger, nouvelle capitale de la France Combattante dont l’énergie semble, au cours des deux années suivantes, se porter davantage sur le continent africain. Pour autant, l’Angleterre et, par conséquent, les FFGB ne perdent rien de leur importance stratégique aux yeux du général de Gaulle. Car il sait bien que « l’action de grande envergure [qui] se prépare en Occident » partira des îles britanniques. La présence française s’y renforce donc peu à peu, alourdissant le travail de la prévôté qui a fort à faire pour maintenir la discipline parmi les rangs : l’enjeu reste avant tout pour elle, comme le rappelle son commandant dans une note datée du 23 février 1946, le « maintien du prestige des Forces françaises libres (65) ».

De multiples missions

Au début de 1946, le capitaine Foveau, dans une note adressée aux chefs des Forces françaises en Grande-Bretagne commandant les trois armes, rappelle la mission particulière de la prévôté des FFGB : « Créée en 1941, avec du personnel recruté dans les diverses formations des armées de Terre, de Mer et de l’Air, la prévôté des forces françaises en Grande-Bretagne a eu une tâche délicate et très difficile à remplir. Seul organisme de police en Grande-Bretagne, elle a dû faire face à des incidents provoqués par les militaires des trois armes (66). » Dans les faits en quoi consiste cette tâche jugée « très difficile » par un chef qui fait l’éloge de sa troupe ?

Mesurer l’activité de la prévôté

Les missions principales de la prévôté des FTGB sont doubles. Elle enregistre les plaintes qui émanent essentiellement de militaires français et parfois de particuliers anglais, car les Britanniques, s’adressant spontanément à la police civile, sont invités par les policiers anglais à se présenter à Dolphin Square, où siège la police militaire des FTGB. D’autre part les prévôtaux surveillent la troupe. Cette deuxième mission peut prendre la forme de patrouilles effectuées dans les rues de Londres, de contrôles systématiques des militaires français dans les gares et les stations de métro ou de la mise sous surveillance de lieux particulièrement fréquentés par les FFL. Il faut ajouter à ces missions les nombreuses enquêtes en vue de retrouver et d’arrêter les militaires portés déserteurs. L’arrestation des déserteurs et des absents illégaux représente en effet la part la plus importante de l’activité de la prévôté, avec un peu plus de 130 arrestations annuelles en 1942 et 1943, puis près de 150 en 1944, ce qui équivaut respectivement à 90 %, 50 % et 35 % des procès-verbaux dressés annuellement par les prévôtaux.

Bien qu’agissant en territoire étranger, où les règles de circulation sont sensiblement différentes, leur contrôle, qui fait partie intégrante des missions de la prévôté des FFL, requiert beaucoup de temps et de moyens. Ainsi, par exemple, à l’occasion des obsèques de l’ambassadeur de la France Libre Pierre Vienot, le 24 juillet 1944, le commandement fait dépêcher cinq gendarmes de la prévôté pour assurer le contrôle de la circulation. Mais surtout, l’activité des gendarmes porte sur la constatation des accidents automobiles, qui sont fréquents dans Londres et ses alentours. À tel point que le commandant de la prévôté est lui-même victime d’un accident de voiture en mars 1944 : son chauffeur, le gendarme Bazin, voulant éviter un taxi qui lui avait brusquement coupé la route, heurte violemment un lampadaire. La tête du capitaine vient alors cogner le siège avant. Le capitaine Intartaglia s’en tirera avec trois dents en moins et de nombreuses contusions au visage(67). La part de l’activité consacrée à la constatation des accidents ne cesse de croître entre 1942 et 1944 : les gendarmes ne dressent, pour l’année 1942, que huit procès-verbaux d’accidents de la route (ce qui représente 6 % du total de P.-V. dressés cette année-là), mais ils en constatent 78 l’année suivante et 91 en 1944 (soit environ 20 % des P.-V. pour ces deux années)(68).

On mentionnera enfin une mission quelque peu inhabituelle pour la prévôté : en cas de décès de militaires français sous les bombardements aériens, c’est elle qui (après avoir été prévenue par la police britannique, chargée de constater les décès) doit en informer les officiers de l’arme à laquelle appartenait la victime. Cette tâche devient particulièrement importante à partir de l’été 1944, alors que la concentration de Français à Londres est forte et que l’Allemagne commence à frapper l’Angleterre de ses missiles autoguidés V1 puis V2. Les gendarmes eux-mêmes sont exposés à ces attaques, et, le 23 juin 1944, deux d’entre eux manquent de périr dans l’explosion d’un V1 :

« De service à Waterloo Station, à 9h20, après être descendus de l’autobus 76 à York Road, et avoir fait une dizaine de mètres, une bombe “avion sans pilote” est tombée à droite de cette rue sur le remblai à hauteur de la station de métro. Le souffle dégagé par la bombe nous a projetés à terre, provoquant une déchirure de trois centimètres au genou droit de la culotte du gendarme Le Cleac’h, nécessitant un stoppage. Les brassards MP que nous portions au bras gauche ont été enlevés par le souffle et sont restés introuvables parmi les décombres. La montre du gendarme Duprat a été brisée (69). »

Londres, ville de plaisirs

Londres, où se concentre l’essentiel de l’activité des gendarmes, est la ville où réside le plus grand nombre de Français libres, la ville où sont situés les plus importants centres administratifs de la France Libre, y compris après l’installation du général de Gaulle à Alger à l’été 1943. C’est aussi à Londres que sont situés le QG de la France Libre (dans le fameux immeuble de Carltons Garden) et les services de renseignements (BCRA) qui assurent la liaison avec les FFI et envoient des agents en France. Londres, qui héberge les AFAT (dans un immeuble de Moncorvo House), abrite également la caserne Surcouf, réservée aux marins des FNFL. De plus, Londres est la destination privilégiée des militaires français en permission, voire des absents illégaux fuyant l’ennui de la caserne, comme en témoigne la déclaration de cet aviateur qui vient d’être arrêté pour absence illégale :

« J’ai quitté le camp [d’Old Dean] le 16 novembre 1942 vers 17h30. Je n’avais aucune permission. J’ai pris le train en gare de Camberley à 18h10 pour me rendre à Londres où j’avais seulement l’intention de passer la nuit et de rentrer par le train de 5h24 du matin. À mon arrivée à Londres j’ai consommé dans divers établissements. Lorsque j’ai été arrêté par la police anglaise à 23h30 dans Coventry Street j’étais légèrement pris de boisson. J’ai commis cet acte par suite d’un coup de cafard et je le regrette sincèrement (70). »

Londres est enfin la grande destination des déserteurs des FFL qui cherchent à s’y fondre. Et, à bien des égards, cette métropole peut être considérée comme le lieu privilégié des plaisirs. La proximité de la ville avec le camp de Camberley (situé à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de Londres, il constitue le plus important camp des FFL) en rend l’accès relativement aisé pour un grand nombre de militaires français. Au cours de la seule année 1943, les agents de la prévôté mettent en état d’arrestation, après de simples contrôles d’identité effectués généralement à la gare de Waterloo Station, une quarantaine de militaires qui, pour la plupart, se sont rendus sans autorisation de Camberley à Londres. L’on peut supposer que le nombre de ces absences illégales dépasse très largement celui des arrestations proprement dites. Les raisons les plus courantes sont bien les divertissements qu’offre la capitale britannique. À ce titre, l’interrogatoire du quartier-maître Georges Delachenal est révélateur :

« J’ai quitté mon bord le 3 mai 1942 vers 7h. J’ai pris le train à HULL à destination de Londres. Je n’avais aucune permission. […] Pendant mon séjour à Londres je me suis promené dans Picadilly et j’ai couché avec une fille dans un hôtel. Lorsque vous m’avez arrêté [à Trafalgar Square] j’avais l’intention de rejoindre mon bord (71). »

Le désir d’aller retrouver sa petite amie est un des motifs les plus fréquents invoqués par les militaires arrêtés pour absence illégale, voire pour désertion. À l’image de l’artilleur René Tétart qui déclare aux agents de la prévôté :

« J’ai quitté mon unité stationnée à Camberley, camp d’Old Dean, ce matin vers sept heures 45 pour me rendre à Londres où j’avais l’intention de passer la journée. Je ne possédais aucun titre d’absence pour venir à Londres. Je voulais simplement passer quelques heures à Londres avant mon départ pour les TOE afin de faire mes adieux à mon amie. […] Je regrette d’être venu à Londres sans permission(72)»

Beaucoup de militaires disent regretter s’être mis en état d’absence illégale. On peut penser qu’ils espèrent ainsi limiter l’ampleur de la punition. Certains n’hésitent cependant pas à manifester leur mécontentement de voir leur séjour interrompu par des gendarmes trop zélés. C’est le cas du parachutiste Daniel Casa qui, arrêté par la prévôté le 2 décembre 1943, déclare :

« J’ai quitté mon unité le 2 décembre. J’ai pris le train en gare de Camberley pour venir à Londres avec deux de mes camarades. Je ne possède aucun titre de permission. Mon intention était de rejoindre mon unité le lendemain matin 3 courant, par le premier train. Je ne regrette qu’une chose, c’est que ma soirée ait été gâchée (73). »

Si Londres est la ville privilégiée des plaisirs, elle est également – et souvent pour cette même raison – le lieu où se concentre la délinquance. C’est à Londres qu’a lieu la plus grosse affaire de vol sur laquelle a enquêté la prévôté. Le 15 février 1945, le capitaine Intartaglia dresse un long rapport sur le fonctionnement frauduleux du « cercle et de l’ordinaire de Saint George Square ». Cet établissement, créé le 1er juillet 1942, est destiné à servir des repas et des rafraîchissements au personnel militaire et civil employé au Commissariat national à la guerre, et, par la suite, à tous les militaires français résidant à Londres qui souhaitent en devenir membre. Seuls les officiers paient un droit d’entrée et une cotisation mensuelle proportionnelle au grade. Les sous-officiers, la troupe et le personnel civil employé au Commissariat national à la Guerre sont exempts, eux, de tout droit d’entrée et de toute cotisation. Les ressources du cercle proviennent des droits d’entrée, de la vente de cigarettes et boissons dans les deux bars du cercle, du bénéfice sur la vente de vin aux officiers et sous-officiers et du prix des repas servis aux membres du club. De plus, l’ordinaire est fourni en produits alimentaires par les autorités anglaises et perçoit des subventions de la part des autorités françaises. Or, l’enquête révèle que ces subventions allouées pour le service des repas excèdent, parfois du triple, les montants qu’aurait dû percevoir l’ordinaire au regard du nombre de militaires réellement servis. Il en va de même pour l’ordinaire de la compagnie du QG, dont la comptabilité semble volontairement mal tenue pour masquer les fraudes. Ce que confirme l’enquête sur la vente du vin par le cercle : les bénéfices réalisés sont inférieurs à ce qu’ils auraient dû être, compte tenu du nombre de bouteilles vendues. À l’issue de cette enquête, la gérante du cercle, le lieutenant Delepine, est accusée d’avoir détourné à son profit des quantités importantes de vivres, avec la complicité d’autres membres du club. Quant au comptable, l’adjudant Deroo, il est fortement soupçonné d’avoir délibérément cherché, par sa mauvaise tenue de la comptabilité, à cacher un gaspillage généralisé(74). Le comité de direction est par conséquent totalement remanié.

Londres est la seule ville de Grande-Bretagne où les gendarmes soient présents de manière permanente, la couverture du reste du territoire étant du ressort des polices militaire et civile anglaises. Les agents de la prévôté sont, néanmoins, régulièrement amenés à parcourir de longues distances pour prendre en charge les déserteurs français arrêtés loin de Londres par la police anglaise et, plus encore, pour intervenir hors de Grande-Bretagne.

L’envoi de gendarmes dans les territoires ralliés

Malgré l’arrivée progressive de renforts, la prévôté reste en sous-effectifs jusqu’à la fin de l’année 1944, notamment parce qu’à diverses reprises, plusieurs de ses membres sont envoyés dans différents territoires ralliés à la France Libre dont il importe de s’assurer le contrôle. Les Mémoires de De Gaulle font allusion à l’importance de la présence de gendarmes fidèles, dont l’absence lui fera, un temps, cruellement défaut en Afrique du Nord. À son arrivée dans la très giraudiste Alger, le 30 mai 1943, il constate amèrement : « D’un côté tout, de l’autre rien. […] Pour moi, je n’ai, dans ce pays, ni troupes, ni gendarmes, ni fonctionnaires, ni compte en banque, ni moyens propres de me faire entendre (75). » C’est donc la police militaire des FTGB qui sert de réservoir de gendarmes, dont certains sont peu à peu envoyés en différents points de l’Empire. Dès janvier 1942, soit moins d’un mois après le ralliement des îles, l’adjudant Daydé est en instance de départ pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s’agit de s’assurer le contrôle d’un territoire dont le ralliement, permis par le débarquement de trois bâtiments des FNFL partis du Canada le 23 décembre 1941 sous le commandement de l’amiral Muselier, déclenche aussitôt la crise interne la plus grave qu’ait connue la France Libre, conduisant à la démission de Muselier en mars 1943(76). Aussitôt après l’annonce du ralliement des îles, les Américains, qui considèrent toujours Vichy comme le régime officiel de la France, menacent d’intervenir militairement. De Gaulle réplique en donnant ordre aux navires de guerre mouillés à Saint-Pierre-et-Miquelon de faire feu sur quiconque tenterait de s’emparer des îles. On comprend tout l’enjeu symbolique que représente l’envoi sur place d’un gendarme parmi les premiers à signer un engagement aux FFL. Le manque de gendarmes qualifiés en Grande-Bretagne empêche son départ. En définitive il faut attendre le mois de novembre 1942 pour qu’un gendarme de la police militaire soit affecté au détachement de Saint-Pierre-et-Miquelon, le gendarme Floquet.

Au cours de l’année 1943, huit gendarmes de la prévôté quittent l’Angleterre pour être dirigés en divers points de l’Empire : tout d’abord, l’adjudant Leblanc, affecté en mai 1943 à Pondichéry, puis, le même mois, les gendarmes Flachat, Béghin et Gicquel, qui viennent en renfort du détachement de gendarmes de l’AEF. Bien entendu, pour la France Libre et son chef, l’enjeu capital est, dans cette première moitié de l’année 1943, l’Afrique du Nord, et en particulier l’Algérie. L’envoi de gendarmes en Afrique du Nord est décidé trois mois à peine après l’arrivée de De Gaulle à Alger. Au mois d’août 1943, deux membres de la prévôté de Londres, le gendarme Ravarini et l’élève-gendarme Guillem, sont affectés à la 19e légion d’Alger. Deux mois plus tard, ils sont rejoints par le lieutenant Foveau, remplacé dans son commandement à Londres par le capitaine Intartaglia, accompagné de l’élève-gendarme Guéneau, recruté en Angleterre un mois auparavant. Il est intéressant de constater que le départ de ces gendarmes pour Alger suit de près non seulement la fusion des FFL avec les forces giraudistes, mais coïncide surtout avec le renversement du rapport de force entre Giraud et de Gaulle, ce dernier prenant définitivement l’ascendant sur son rival à la fin de l’été 1943(77). Ce qui révèle toute l’importance de la présence de gendarmes fidèles, non seulement pour garantir une indispensable discipline au sein de la troupe, mais aussi afin d’assurer le contrôle des hommes et des territoires par le pouvoir. De fait, les gendarmes de la prévôté de Londres assurent, en dépit de leur nombre presque dérisoire, cette double fonction.

Une force de police mal acceptée par les soldats des FFL

Des violences verbales et physiques contre les gendarmes

De 1942 à 1944, ce sont les gendarmes eux-mêmes qui sont les victimes récurrentes de la violence des militaires, essentiellement français. Si on ne compte que deux actes de rébellion et de voies de fait contre les agents de la prévôté pour l’année 1942, ce nombre passe à huit pour l’année 1943 – dont cinq sont des cas graves ayant causé des blessures, surtout aux prévôtaux mais aussi aux militaires interpellés – et à sept pour l’année 1944. À ces violences, il faut ajouter les nombreux outrages et manifestations d’hostilité mentionnés dans nombre de procès-verbaux relatant l’arrestation de militaires des FFL. Il n’est pas étonnant que les prévôtaux s’exposent à l’insulte lorsque, chargés de veiller à la bonne tenue des militaires français en permission à Londres ou du contrôle des titres d’absence, ils endossent l’habit du « trouble-fête ». Ainsi, au cours des patrouilles qu’ils effectuent à Londres ou à la demande des autorités anglaises, les gendarmes sont amenés à contrôler un grand nombre de militaires venus s’y divertir. Parmi eux, beaucoup d’absents illégaux ayant quitté leur unité sans autorisation. Si la plupart du temps ces hommes se laissent ramener à leur unité par les gendarmes sans protester, il arrive qu’au cours de ces contrôles de routine les militaires s’en prennent physiquement aux forces de l’ordre, comme le montre, parmi d’autres, cette affaire du 6 janvier 1942, qui concernent deux marins des FNFL. Consignés à bord de leur navire, ils s’enfuient pour Londres où ils sont contrôlés par les gendarmes :

« Le 6 janvier 1942, nous, maréchaux des logis Floquet et Flachat, de service dans Londres et passant dans la salle d’attente du métro de Picadilly, constatons la présence de deux marins des FNFL. Nous les invitons à nous présenter leurs pièces d’identité, l’un d’eux que nous reconnaissons pour être Tommasi, déclare qu’il ne possède aucune pièce, ni son camarade. Nous les invitons à nous suivre ce qu’ils font aussitôt. Peu après […] le nommé Tommasi […] a porté un coup-de-poing au maréchal des logis Flachat puis s’est sauvé avec son camarade(78). »

Les deux matelots regagnent leur bord où ils sont reconnus et appréhendés par les gendarmes quelques heures plus tard. Il n’est guère surprenant que les deux hommes aient cherché à échapper à la police, leur délit d’absence illégale menaçant de révéler leur évasion. Mais un nombre non négligeable de militaires refuse purement et simplement de se laisser arrêter par la police, au risque d’aggraver une sanction qui sans cette résistance aurait été relativement minime. C’est le cas de l’artilleur Jean Gren, arrêté à Londres par la police anglaise et remis aux gendarmes qui l’arrêtent pour absence illégale. Il tente alors de leur échapper par tous les moyens. Aux gendarmes, qu’il blesse alors qu’ils tentaient de le maintenir, il avouera lors de son interrogatoire :

« Je reconnais qu’au cours de mon transfèrement en automobile, arrivé dans le Strand, j’ai voulu m’esquiver. J’ai dit au gendarme Deschamp : “Je veux me sauver”, et, en même temps, je lui ai donné deux coups de poing dans la figure et l’ai saisi à la gorge. La camionnette a stoppé et les gendarmes de l’escorte m’ont maîtrisé. J’ai crié : “Au secours, les Français à moi ! Je suis gaulliste !” Pendant cinq minutes je suis resté calme, mais, arrivé sur la place de Westminster, je me suis rebellé à nouveau et j’ai continué à ameuter la population par mes cris. J’ai frappé le gendarme Deschamps et le maréchal des logis chef Muzeau qui m’ont maintenu jusqu’à Dolphin Square(79). Je pensais qu’en criant et en ameutant la foule des camarades allaient m’aider à m’échapper des mains de la police. Je reconnais avoir arraché l’insigne de croix de Lorraine que le gendarme Deschamps portait sur sa vareuse et l’avoir jetée dans la rue. Je reconnais également avoir donné des coups de pied dans le bas-ventre du gendarme Bazin(80). »

Il est plus étonnant encore de constater comment de simples contrôles de routine qui, en principe, ne devraient pas déboucher sur une arrestation, déchaînent la violence de militaires français refusant de se plier à l’autorité de la police militaire. Les gendarmes en font les frais dès le lancement de la prévôté, en janvier 1942. Effectuant une patrouille de nuit, deux gendarmes croisent un soldat FFL dont ils veulent contrôler l’identité :

« Nous invitons ce militaire à nous présenter ses pièces ; il déclare ne pas nous connaître. Après avoir décliné nos qualités, le sergent Auberger a, avec sa lampe de poche, éclairé son brassard de la police militaire. Aussitôt le militaire a pris la fuite ; le sergent Gicquel l’a saisi au passage par le bras. Le militaire qui était légèrement pris de boisson, a frappé le sergent Gicquel à coups de poing et de coude. En voulant le maîtriser, les sergents Gicquel et Flachat sont tombés avec ce militaire qui s’est blessé à la face. Nous lui avons passé les objets de sûreté aux poignets, à ce moment il nous a traités de : “Salauds, enculés, andouilles !”, puis il a déclaré : “Ne vous en faites pas vous aurez chacun votre raclée !” Nous avons parcouru avec lui environ deux cents mètres et, à nouveau, il nous a porté des coups de coude(81)»

Ramené à Carlton Gardens – la prévôté ne disposant pas encore de locaux disciplinaires – et remis au sergent de garde, le militaire assène un ultime coup-de-poing à la nuque du sergent Gicquel qui avait tourné les talons. Cette rébellion semble gratuite, le militaire contrôlé n’ayant commis aucune infraction avant de s’en prendre aux gendarmes. Un cas similaire et révélateur d’une certaine hostilité des militaires français se produit un an et demi plus tard : le sergent-chef Yves Gallo des parachutistes, contrôlé par les gendarmes, se rebelle et tente de s’enfuir, bien qu’il soit en règle. Sa version des faits rejoint en partie celle des gendarmes :

« Je me nomme Le Gallo, Yves, suis âgé de trente ans, sergent-chef de la compagnie du dépôt de l’infanterie de l’air […], croix de guerre avec palme, citation à l’ordre de l’arme du 7 mars 1940, médaille de Libye et de Syrie le 10 juillet 1942. Je revenais du BCRA voir le capitaine Dutey et me promenais dans Picadilly lorsque deux gendarmes en service m’ont arrêté pour me demander ma permission. J’ai donné ma permission au gendarme, chef de service, sans aucune difficulté. Ce gendarme m’a rendu ma permission après l’avoir contrôlée. À ce moment il m’a fait une remarque au sujet des galons que je portais sur les pattes d’épaule. Je lui ai répondu que je n’avais aucune connaissance de la note dont il parlait. À ce moment, je suis parti, mais le gendarme est revenu auprès de moi, me disant qu’il allait faire un rapport. C’est alors que, perdant la tête, j’ai frappé le gendarme d’un coup-de-poing à la figure. Il est tombé à terre et j’ignore si je l’ai blessé. Les gendarmes ayant demandé main-forte à la police anglaise, un policeman m’a arrêté et conduit au poste sans difficulté. Je regrette mon geste et tiens à faire des excuses au gendarme.(82) »

Finalement, près de la moitié des agents de la prévôté ont, entre 1942 et 1944, subi des violences physiques de la part des militaires français qui, pour un grand nombre d’entre eux, acceptent mal l’autorité d’une force déconsidérée à leurs yeux.

La haine du trouble-fête et du « cogne »

L’obligation qu’ont les gendarmes de veiller à la « bonne tenue » des militaires français donne lieu à une véritable animosité de la part de ces derniers à l’égard des « trouble-fêtes ». Les gendarmes sont ainsi la cible d’injures graves, la police militaire étant régulièrement qualifiée de « vichyste ». S’il faut faire la part d’irrationalité de tels propos prononcés sous le coup de la colère, de l’alcool ou des deux à la fois, deux autres facteurs peuvent expliquer cette vision : le rejet de la France de Vichy, d’une part, dont l’autoritarisme qui la caractérise est assimilé de manière simpliste à toute forme d’autorité policière ; d’autre part, ce que Jean-Louis Crémieux Brilhac appelle « l’esprit de la France Libre(83) ». Selon lui, le fait que les FFL soient une armée de volontaires (elles le restent en grande partie, y compris après l’opération « Torch », si l’on exclut les troupes coloniales d’Afrique du Nord) garantit, dans une certaine mesure, sa motivation. Ce qui est vérifié chaque fois que les Forces françaises engagent le combat. Cependant, loin du front, il semble paradoxal d’imposer obéissance et discipline à ces volontaires, et donc de leur intimer de renoncer à cette liberté de décision au nom de laquelle le général de Gaulle a appelé les Français à se joindre à lui. Situation ambiguë qui conduit à des heurts physiques et verbaux d’une rare violence entre militaires français et agents de la prévôté. Notamment lorsque ces derniers sont chargés de la surveillance des débits de boissons, dancings et autres lieux de plaisirs fréquentés par les soldats en permission. Ainsi, le 9 juin 1944, alors qu’ils assurent la surveillance d’un dancing dans un faubourg à l’ouest de Londres, les gendarmes essuient le refus d’obtempérer d’un soldat français qu’ils somment de revêtir une tenue réglementaire. Mis en état d’arrestation pour absence illégale, le militaire menace en ces termes le maréchal des logis chef de la prévôté, avant de tenter, en vain, de s’enfuir :

« Écoutez chef, vous commencez à m’emmerder ; la prochaine fois ce ne sera pas un parachutiste que vous aurez sur le dos, mais tout un bataillon qui descendra à Londres. D’abord tout le monde vous connaît et se plaint de vous, et, si je suis venu en Angleterre, c’est pour faire la guerre et non pour être emmerdé par les gendarmes. Attendez un peu que l’on soit de retour en France, car cela ne se passera pas de même ; nous aurons des comptes à régler avec beaucoup d’entre vous. Maintenant que vous avez mon pay-book, prenez mon nom et laissez-moi partir. D’ailleurs, je refuse de vous suivre, car je dois accompagner cette jeune fille, qui est mon amie, et je le ferai(84). »

Un cas plus grave, révélateur de l’image négative de la prévôté, se produit le mois suivant : en pleine nuit, deux militaires des FNFL, en complet état d’ébriété, font du scandale à la porte du QG de la France Libre, Carlton Gardens. Voulant passer la nuit dans cet immeuble, ils essuient un refus et sont refoulés par l’officier de service auquel les deux marins n’ont pas voulu présenter leurs papiers. Prévenus par l’officier de service, les gendarmes, arrivant sur les lieux, font le constat suivant :

« Nous nous sommes rendus immédiatement sur les lieux, où nous avons vu un marin couché sur le trottoir en face de ce bâtiment, et l’autre agrippé sur la fenêtre de l’immeuble. Interpellés, ces militaires nous ont insultés en ces termes : “Les flics français ne nous font pas peur, on en a vu d’autres. Si vous voulez nous emmener, on vous casse la gueule. Si vous ne savez pas à qui vous avez affaire, vous allez le comprendre de suite. Bande de salauds, vichystes, giraudistes que vous êtes ! Depuis que vous êtes venus ici on n’est plus libres. Bande de vendus, il y a la corde qui vous attend en France !” Morvan a ajouté : “Le flic qui m’a mis les massenottes, je lui ferai la peau. Il y passera avec l’officier du BCRAL.” Morvan a fait le geste de frapper le gendarme Le Cleac’h, et a fait une certaine résistance. Ce dernier s’est saisi de Morvan et l’a enchaîné. Le gendarme Bazin, occupé avec le marin Turpin, a reçu quelques coups de poing à la figure et un coup de pied dans le bas-ventre, n’occasionnant aucune blessure. La police britannique est intervenue et a aidé à maîtriser le marin Turpin(85). »

Longtemps habitués à l’absence de gendarmes français en Angleterre, et donc d’agents de la force de l’ordre particulièrement scrupuleux sur la bonne tenue des militaires français, ces derniers manifestent parfois un mécontentement mêlé de révolte dans les premiers mois de l’année 1942. Un sentiment qui avec le temps fait place à de l’hostilité et de l’hostilité qu’expriment les nombreuses violences dont sont victimes les membres de la prévôté.

Pour prendre toute la mesure de l’image négative que renvoie la prévôté, il est nécessaire de s’attarder sur plusieurs témoignages de militaires français consignés dans les procès-verbaux aussitôt après leur arrestation. Les insultes qu’ils recueillent mais aussi les peurs qu’ils expriment en sont les marques. On mentionnera tout d’abord le comportement de l’adjudant Jean Huin, des FAFL, contrôlé par la prévôté alors qu’il se promenait dans les rues de Londres les deux mains dans les poches, ce qui est contraire à la dignité martiale que les militaires français doivent afficher en toutes circonstances(86). Ce militaire, qui avait obtempéré sans faire de difficultés, s’impatiente soudain de la lenteur de la procédure et s’en prend violemment aux gendarmes, leur disant, à plusieurs reprises : « Vous commencez à me faire chier. » Il tente ensuite vainement de s’enfuir. Interrogé dans les locaux de la prévôté, il avouera que, son contrôle d’identité ayant donné lieu à un attroupement, il a éprouvé la honte d’être vu en compagnie de gendarmes(87) qui représentent à ses yeux la forme négative de l’autorité, à la fois son expression servile et son outil musclé.

Il n’est pas nouveau que les gendarmes et les prévôtaux, en particulier, soient victimes de ce que Louis Panel appelle la « légende noire ». Elle remonte à la Première Guerre mondiale qui a vu se déverser les critiques les plus vives sur cette institution, popularisant, notamment, le terme de « cogne » – dérivé du verbe « cogner » – pour désigner les agents de la prévôté. La reconnaissance de la participation de l’arme à la victoire fait d’ailleurs l’objet d’une vive polémique dans l’entre-deux-guerres. On reproche aux gendarmes, militaires de carrière, de se tenir loin du front, et de se faire le relais de la violence du commandement à l’égard de la troupe. Autant de raisons qui font de la prévôté l’objet des plus grands fantasmes ; inspirant souvent la haine, elle peut aussi être source de crainte(88).

La prévôté de Grande-Bretagne ne fait pas exception à la règle. À ce titre, les circonstances et le déroulement de l’arrestation par la police militaire, dans la nuit du 3 octobre 1943, de trois militaires français méritent également d’être mentionnés. Deux d’entre eux, des parachutistes qui ont quitté le camp de Camberley sans autorisation pour se rendre à Londres où ils retrouvent un marin des FNFL, déclenchent une rixe dans un débit de boissons. Les insultes qu’ils adressent aux gendarmes venus les arrêter traduisent un double sentiment d’animosité et de peur, les parachutistes semblant réellement craindre de se faire passer à tabac une fois conduits à la prévôté. Les déclarations des trois militaires concordent sur ce point :

« À mon arrivée à Dolphin Square, je reconnais avoir refusé de descendre à la chambre de sûreté pour la raison suivante : je ne veux pas descendre en cabane, ne voulant pas passer à tabac, comme il est de coutume en France. Je reconnais avoir insulté les gendarmes en ces termes : “Bandes de vaches, sales flics, la Rousse !” (89) », avoue le marin Jean Casa, qui a signé son engagement moins de deux semaines avant cet incident.

Le parachutiste Jean Mollier, quant à lui, fait une déclaration assez similaire :

« Je reconnais avoir insulté les gendarmes en cours de route. À mon arrivée à DS j’ai refusé catégoriquement de descendre à la chambre de sûreté où les gendarmes voulaient me conduire. Les gendarmes voulant me faire descendre par la force, je m’y suis refusé encore et me suis adressé à Mandallaz en ces termes : “Je ne descends pas en prison car je ne veux pas me faire dérouiller par les flics, d’ailleurs tu n’as qu’à me casser la gueule tout de suite tu gagneras un galon de plus. C’est ça les bons Français ! Vous nous traitez comme les boches, vous êtes une bande de vaches, etc.” Je n’étais pas complètement ivre, mais je n’étais pas de sang-froid lorsque ces faits se sont passés(90). »

S’il faut relativiser en partie la portée de ces accusations proférées sous l’emprise de l’alcool, il est indéniable cependant qu’elles témoignent, elles aussi, de l’image négative au sein de la troupe de la prévôté, pourtant constituée d’un noyau de Français libres de la toute première heure. Elle hérite donc en l’espèce de la critique du « cogne » de la Grande Guerre, à laquelle s’ajoute, selon nous, l’animosité viscérale du volontaire contre les agents de la force publique, garant d’un ordre et d’un respect de la discipline contre lesquels se sont rebellés les Français libres. Cette critique formulée par la troupe n’est en revanche pas partagée par le commandement qui adresse, à plusieurs reprises, ses félicitations aux gendarmes, et en premier lieu leur chef, le capitaine Foveau.

Les gendarmes face aux alliés

Entre heurts et entraide

L’hostilité et parfois la violence contre les gendarmes n’est pas l’apanage des seuls militaires français. Bien que les prévôtaux n’aient pas autorité sur les militaires d’autres nationalités, la solidarité entre soldats conduit parfois à des heurts entre policiers français et militaires étrangers. Ainsi, le 29 janvier 1944, le gendarme Bazin, qui circulait dans les rues de Londres, reconnaît, au milieu d’un groupe de soldats canadiens, le caporal des parachutistes Henri Évin, porté déserteur. Celui-ci tente de prendre la fuite, mais Bazin parvient à procéder à son arrestation. Évadé des locaux disciplinaires, Évin est à nouveau reconnu par un gendarme de la prévôté après cinq jours de cavale. Aidé par des militaires étrangers, le parachutiste parvient néanmoins à prendre la fuite (il sera finalement arrêté deux jours plus tard). Lorsque le gendarme Henri Bourgeois, qui voulait procéder à l’arrestation d’Évin, donne sa version des faits dans son rapport, il met très clairement en évidence la complicité de trois militaires, un Canadien et deux Anglais, dont a bénéficié le caporal français pour s’extirper des mains des représentants des forces de l’ordre, violemment bousculés(91).

Si les militaires anglais, américains ou canadiens, qui se massent en Angleterre à partir de 1944, contreviennent parfois à l’autorité de la police militaire française, il faut relever toutefois que celle-ci peut aussi, dans certains cas, compter sur leur respect, leur aide et leur soutien. Ainsi, le 1er mars 1944, c’est avec l’aide d’un officier britannique que deux gendarmes de la prévôté parviennent à maîtriser deux militaires français, rendus particulièrement violents sous l’effet de l’alcool, que les gendarmes interpellaient pour tenue non réglementaire. Une rixe brutale s’engage jusqu’à ce que, comme le précise le rapport : « Un officier britannique (sous-lieutenant), qui se trouvait sur les lieux, a, en français, demandé aux deux militaires d’obtempérer aux injonctions de la police ; voyant que ces militaires ne tenaient aucun compte de ces observations, cet officier a prêté main-forte afin de les maîtriser et de faire cesser la rébellion(92). »

Au bout du compte, les gendarmes ne croisent que rarement la route des militaires étrangers. Cependant, il faut souligner que, malgré cette distance, l’attitude de ces derniers à l’égard de la prévôté des FFGB rejoint assez largement celle des Français libres : animosité de la part des hommes de troupe, mais soutien inconditionnel des gradés et du commandement. Les relations de la prévôté avec la police anglaise sont, en revanche, très étroites, et il ne se passe pas un jour sans que les gendarmes aient affaire aux policemen. Veiller à la bonne entente de ces deux institutions est, par conséquent, une priorité pour leurs chefs respectifs.

Des relations de bonne intelligence avec les polices anglaises

On sait le caractère conflictuel qu’ont souvent pris les relations entre la France Libre et le Royaume-Uni. En 1943, De Gaulle évince successivement ses deux principaux rivaux qui avaient pourtant reçu un soutien appuyé de la part des États-Unis et de l’Angleterre : l’amiral Muselier, puis, surtout, le général Giraud. En outre, au tout début du mois de juin 1944, l’ambassadeur de la France Libre, Pierre Viénot, se fait le relais d’une violente querelle qui oppose Churchill (en la circonstance, le porte-parole des Américains) à de Gaulle au sujet du sort à réserver à la France, une fois son territoire libéré. De Gaulle parvient à obtenir in extremis que le GPRF, créé le 2 juin 1944 à Alger, soit reconnu comme le gouvernement officiel de la France libérée. Les Alliés étaient d’abord convenu qu’un gouvernement militaire américain assurerait la transition avant qu’un nouveau régime soit établi en France. Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce que les relations entre police britannique et gendarmerie prévôtale pâtissent des tensions. Il semble cependant qu’il n’en ait rien été. Du moins à en croire la lettre que le capitaine François Foveau adresse au directeur de Scotland Yard, le 26 février 1946, peu avant la dissolution de la prévôté de Grande-Bretagne :

« Monsieur,

Il est temps pour moi de rentrer en France avec mon unité, et, avant de quitter votre île si hospitalière, je tiens à vous exprimer toute ma gratitude pour l’aide, grande et si précieuse, que tous vos services ont toujours donnée à la prévôté des forces françaises. Si tous les membres de mon unité ont pu accomplir leur délicate mission, dans les limites de la loi anglaise, depuis les jours sombres de 1940, c’est grâce à l’esprit de compréhension et à la sincère amitié qui ont toujours uni le policier anglais et le gendarme français. En toutes circonstances, et partout en Grande-Bretagne, ce n’est jamais en vain que nous avons fait appel aux Police Stations. Nous avons toujours pu compter sur votre soutien et notre tâche s’en est trouvé facilitée. Partout, j’ai pu apprécier l’impartialité, la correction, le tact et le professionnalisme de tous, depuis le simple policeman au Superintendant.

Au nom de mon pays, de ma hiérarchie et en mon nom propre, je vous remercie sincèrement, et je vous serais très reconnaissant de bien vouloir transmettre ma reconnaissance cordiale à la police britannique pour l’assistance qu’ils m’ont donnée à moi et à mes hommes pendant notre séjour en Grande-Bretagne. J’aurai à cœur d’informer les autorités françaises de la gendarmerie de tout ce que vous avez fait pour nous et des bonnes relations qui ont toujours existé entre la police britannique et la prévôté française, afin que ces relations soient maintenues et se développent dans le futur.

Ce sera pour moi un grand plaisir et un honneur de me rappeler ces six années passées en Grande-Bretagne et d’avoir partagé avec mes collègues de la police britannique les mauvaises heures qu’a traversé la Grande-Bretagne avec tant de calme et de superbe courage pendant la guerre,

Sincèrement,

Le capitaine Foveau(93) »

Une lettre assez semblable est adressée au Provost Marshall, commandant la police militaire britannique. Si le caractère officiel et codé de ces lettres de remerciements contribue à leur donner une certaine emphase qui masque les aspects conflictuels qui ont marqué les relations franco-britanniques pendant les années de guerre, il est intéressant néanmoins de relever l’expression de sincère reconnaissance et de profond respect exprimée dans cette lettre. D’autant que l’étude plus approfondie des relations quotidiennes entre police française et police britannique confirme largement l’image donnée par la lettre du commandant de la prévôté.

La police anglaise prête en effet régulièrement assistance à la prévôté, en deux circonstances principalement. La première, lorsque les gendarmes sont conduits à interroger, dans le cadre d’enquêtes, des citoyens britanniques, civils ou militaires, dont ils ne comprennent pas la langue. Ils doivent, par conséquent, s’adresser à la police anglaise qui se charge de mener les interrogatoires, l’obstacle de la langue restant un inconvénient majeur pour les prévôtaux pendant toute la durée de leur présence en Grande-Bretagne. Au contact permanent de la population britannique et en relation étroite avec leurs homologues étrangers, la question de la compréhension de l’anglais demeure, là aussi, un problème constant pour les gendarmes. C’est pourquoi les deux officiers qui ont assuré le commandement de la prévôté sont nommés à ce poste notamment pour leur parfaite maîtrise de la langue anglaise. La seconde assistance de la police anglaise concerne l’arrestation des déserteurs des FFL dont tous les signalements lui sont systématiquement fournis. La prévôté ne disposant que du seul poste prévôtal de Dolphin Square et n’étant équipée que d’une voiture de tourisme et d’une fourgonnette, c’est la police civile qui procède aux arrestations des déserteurs français découverts à l’extérieur de l’agglomération londonienne. La prévôté est alors contactée et assure la prise en charge des prisonniers. De plus, les agents de la prévôté sont équipés à Londres des mêmes sifflets que les bobbies(94), qu’ils peuvent ainsi alerter en cas de besoin.

Sur le plan historiographique, il importe de souligner la bonne et constante entente entre la police britannique et la prévôté tout au long de la présence française en Grande-Bretagne. Cet état de fait témoigne d’un certain décalage entre les relations entretenues par les dirigeants des nations alliées (faites de ruptures successives) et la stabilité des relations entre les subordonnés qui se révèle à travers une cordialité sans accrocs. De Gaulle lui-même le reconnaît, lorsqu’il rappelle, dans ses Mémoires, avoir fait observer, en mai 1943, au ministre des Affaires étrangères anglais Athony Eden : « Rien n’est plus aimable que votre peuple. De votre politique, je n’en pense pas autant (95). »

Le commandement, particulièrement attentif à la bonne entente entre les polices militaires des deux nations alliées, encourage d’ailleurs la coopération entre gendarmes et policiers anglais. Fait suffisamment rare pour être noté, le gendarme Marcel Lebas, de la prévôté des FFGB, reçoit, en novembre 1944, le témoignage de satisfaction suivant :

« Le colonel Renouard, commandant d’armes a décerné le témoignage de satisfaction suivant au gendarme Lebas Marcel Georges Pierre Mle 52968 de la prévôté de Londres : Gendarme qui, par son zèle, sa conscience et sa valeur professionnelles donne entière satisfaction. En moins de neuf mois a procédé seul à six arrestations et a participé à 31 autres. S’est particulièrement distingué au cours d’une enquête relative à une agression suivie de vol dont avait été victime un officier étranger(96). S’est vu adresser, à cette occasion, des félicitations écrites par la police britannique(97)»

Il est vrai que ce gendarme fait preuve d’un zèle et d’un esprit d’initiatives peu ordinaires. Le témoignage de satisfaction qu’il reçoit le 10 novembre 1944 doit beaucoup à l’arrestation d’un matelot français qu’il a accomplie seul à Londres, à peine deux mois plus tôt, alors qu’il n’était pas en service mais prenait le métro « en compagnie d’une femme ». Lebas raconte cet épisode dans le P.-V. qu’il dresse le 23 septembre (sa version des faits est confirmée par la déposition du matelot) :

« En permission à Londres et nous trouvant à la station de métro de Tottenham Court Road, avons reconnu, alors qu’il montait dans une voiture du métro, le déserteur Beauregard, vêtu d’un complet civil. Nous sommes monté dans le même compartiment et avons demandé à Beauregard de nous présenter ses pièces d’identité. Ce dernier a feint de ne pas comprendre. Nous lui avons renouvelé notre demande en anglais. Il nous répondit ne pas en avoir. Nous lui avons déclaré que nous l’avions reconnu et l’avons invité à nous suivre. Il s’est décidé alors à nous parler français et nos a dit : “Je me fiche de toi, tu n’es pas de service puisque tu es en Cie d’une femme. Je suis avec ma femme ; elle ne peut marcher, je vais l’accompagner à son domicile”. Nous lui avons dit que nous allions l’accompagner sur les lieux. Beauregard nous ayant dit se rendre à Clapham North nous avons dû changer de métro à Kennington. Beauregard laissa sa compagne s’asseoir seule et se tint près de la porte du compartiment. Au moment où les portes automatiques se fermaient, il voulut prendre la fuite. Nous l’avons poussé à l’intérieur du compartiment. Là il nous a dit : “Vous ne me tenez pas encore. On va voir à la sortie”. Au cours du trajet, il changea d’idée et manifesta le désir de descendre à la station Stockwell. Arrivé à cette station, Beauregard, au moment de descendre, alors que nous étions déjà sur le quai, se tenait avec sa compagne dans l’embrasure des portes et de ce fait empêchait la rame de partir. Nous l’avons alors pris par le bras et entraîné sur le quai. Il essaya de s’échapper en nous bousculant, appela à l’aide et nous menaça en ces termes : “Laisse-moi tranquille ou je vais te faire la peau. Tu vas le gagner ton galon salaud. Tu peux le mettre sur ton rapport, je m’en fiche.” Ayant réussi à se dégager un peu de notre emprise, il voulut nous frapper d’un coup de pied dans le bas-ventre, que nous avons pu éviter de justesse. Il nous bouscula pour nous faire tomber sur la voie. Nous avons alors demandé assistance à un marin anglais. Beauregard persista dans son attitude et réussit à ameuter une centaine de personnes sur la partie du quai où nous nous trouvions, bousculant la foule au risque de causer un accident. Ceci dura près d’un quart d’heure et se termina par l’arrivée de la police anglaise(98)»

Afin d’encourager l’émulation entre les polices militaires des principales nations alliées, dont les armées sont stationnées en Grande-Bretagne à partir de 1942 (principalement les États-Unis et le Canada), et, d’autre part, de donner à la troupe une image martiale de ces forces de police mal acceptées, par les Français libres surtout, des concours de tir interalliés sont organisés régulièrement à partir de 1943. Ainsi, le 28 mars 1944, le commandement français ne manque pas d’adresser « ses vives félicitations(99) » à l’équipe de la prévôté qui s’est classée deuxième sur six participants au concours international de tir au fusil entre polices militaires interalliées, organisé à Bisley (près de Camberley) par l’International Miniature Rifle League. Participaient à ce concours les polices anglaise, dont l’une des deux équipes en lice a terminé à la première place, américaine, canadienne et norvégienne.

En conclusion, on insistera sur la mission de représentation implicitement dévolue aux gendarmes de la prévôté des FFGB. Au contact permanent de leurs homologues alliés, ils sont censés incarner l’exemplarité qui doit être celle des Français libres. Il faut par ailleurs rappeler l’attention toute particulière qui est portée par le commandement et le chef de la prévôté au « prestige » des Français libres, dont il importe qu’il reste intact aux yeux des alliés et, en particulier, de la population civile britannique. Ainsi, dans la note de service qu’il adresse, le 23 février 1946, aux états-majors des FFGB, le capitaine Foveau ne manque pas de rappeler combien il était important pour la prévôté de veiller à ce qu’aucun incident ne vienne jamais ternir l’image des Français libres auprès de la population britannique :

« Par son activité, les relations entretenues avec les divers services de la Police Métropolitaine Britannique, ainsi qu’avec les différents organes de Police Militaire alliée, la prévôté a réussi à empêcher que des incidents créés par des militaires [des FFL] aient un retentissement dans la presse britannique (100)»

CHAPITRE IV - DES MILITAIRES INDISCIPLINÉS ? - DÉLINQUANCE ET CRIMINALITÉ AU SEIN DES FFGB DE 1942 À 1944

« Comme elle est courte l’épée de la France, au moment où les alliés se lancent à l’assaut de l’Europe ! Jamais encore notre pays n’a, en une si grave occasion, été réduit à des forces relativement aussi limitées. Ceux qui luttent pour sa libération sont submergés de tristesse quand ils évoquent la force d’autrefois. Mais, jamais non plus, son armée n’eut qualité meilleure. Renaissance d’autant plus remarquable qu’elle est partie d’un abîme de renoncement(101). »

L’image idéalisée des Français libres donnée par de Gaulle dans ses Mémoires fait partie intégrante de la représentation, relayée par l’historiographie, que l’on a de cette « autre Résistance », aussi peu connue, sans doute, que mythifiée.

Il est indéniable que les FFC engagées en Europe à partir de 1944 – que ce soit la deuxième division blindée du général Leclerc, débarquée en Normandie en août 1944, ou bien les forces françaises qui participent à la campagne d’Italie puis au débarquement en Provence à partir du 15 août 1944 – font preuve d’une valeur guerrière évidente : partout ils prennent part à la victoire sur les troupes de l’Axe. Il convient cependant d’interroger, à plusieurs niveaux, l’apparente exemplarité du comportement des militaires français. Il faut comprendre tout l’enjeu que représente, pour la France Libre, la garantie d’un bon ordre au sein de la troupe, y compris sur les arrières, et donc en Grande-Bretagne. Il s’agit, en effet, de donner l’assurance à ses alliés que rien ne viendra mettre en péril la stabilité de leurs bases arrières, mais aussi, pour de Gaulle, de rassurer sur ce point les Américains, qui manifestent une certaine antipathie pour le chef de la France Libre, dont ils ne cessent de critiquer l’arrogance. La peur du désordre en Algérie, qui abrite les principales bases d’où s’élance l’offensive alliée sur l’Italie à partir de l’été 1943, conduit le général Eisenhower à faire la demande expresse au gouvernement français de maintenir le général Giraud, grand rival de De Gaulle dans la course à la présidence du CFLN, dans toutes ses fonctions, afin que les querelles entre Français ne viennent pas troubler l’ordre. Il s’agit de ne pas susciter la même crainte, concernant la Grande-Bretagne, à la veille de l’opération « Overlord ».

L’étude des procès-verbaux de la prévôté des FFGB confirme-t-elle ou infirme-t-elle l’image d’exemplarité dont jouissent les Français libres ? Quel rôle la prévôté a-t-elle joué dans le maintien du prestige des Français libres, placés en permanence sous le regard des alliés ?

Déserter la France Libre

« Dans tous les regards où je plongeais les miens, je lisais la fierté des armes. Tant est vivace la plante militaire française ! (102) », écrit de Gaulle dans ses Mémoires. On ne peut dès lors que s’étonner que les désertions soient si nombreuses au sein de cette force de patriotes qui ont, volontairement pour la plupart, rallié la France Libre en Grande-Bretagne avec pour objectif de servir et de se battre. Car le nombre de déserteurs français arrêtés chaque année en Grande-Bretagne par la prévôté des FFGB ne cesse de croître : moins de cinquante pour l’année 1942, mais près de soixante-quinze pour l’année suivante, les arrestations de l’année 1944 marquent un pic avec près d’une centaine. Au total, donc, la prévôté procède à l’arrestation de 220 déserteurs environ durant cette période, auxquels il faut ajouter le chiffre à peu près comparable des arrestations des absents illégaux(103). Enfin, si l’on dresse un bilan complet, de la création de la prévôté en 1942 jusqu’à sa dissolution en 1946, on aboutit à un total supérieur à 700 arrestations, dont plus de la moitié concerne des déserteurs et l’autre part les absents illégaux. Encore une fois, étant donné le recrutement si particulier des FFL, les causes de ces désertions laissent songeur.

Partir pour aller se battre ?

Il faut attendre le 1er août 1944 pour que la première grande unité française débarque en métropole, celle de la deuxième division blindée, commandée par le général Leclerc, et rattachée à la troisième armée américaine sous les ordres du général Patton. Auparavant, à partir du 6 juin 1944, dans le cadre de l’opération « Overlord », les parachutistes du quatrième BIA, sous les ordres de Pierre Bourgoin, ont sauté sur la Bretagne. Cependant, tous les militaires français stationnés en Grande-Bretagne ne passent pas pour autant, loin s’en faut, en France. Car, ceux qui restent, doivent assurer la logistique de ces opérations. Ce dont, à en croire les Mémoires de De Gaulle, les Français libres ont bien du mal à s’accommoder, d’autant que l’enjeu est avant tout de répondre aux exigences américaines :

« Il faut ajouter que les Américains, qui nous procuraient l’armement et l’équipement, y mettaient la condition que nous adoptions leurs propres règles d’organisation. […] Pour eux, la vie et l’action des unités combattantes devaient s’appuyer sur des arrières richement pourvus. […] Par contre, nos troupes d’Afrique, accoutumées à vivre dans des conditions sommaires, tenaient pour du gaspillage le fait d’affecter tant de monde aux parcs, dépôts, convois et ateliers. Il en résultait de fréquentes et, parfois, désobligeantes contestations entre l’état-major allié et le nôtre et, d’autre part, chez les Français, le crève-cœur d’être amenés à dissoudre de beaux régiments pour en faire des fractions auxiliaires(104). »

Dès lors, aller se battre n’est plus synonyme d’engagement dans les FFC. Ce qui est insupportable pour nombre de Français libres restés en arrière au moment même où s’est engagée la bataille pour la libération du territoire national, que certains ont quitté en 1940 et n’ont toujours pas revu depuis. On constate ainsi qu’au cours de l’année 1944, nombre de militaires français disent avoir déserté dans le but de rejoindre la France ou une unité combattante en instance de départ pour le pays, certains cherchant même à se joindre aux troupes alliées (un phénomène qui n’est pas nouveau ni spécifique à la Grande-Bretagne). Ils se passent alors de l’accord de leur hiérarchie, ou bien ignorent volontairement les refus qu’ils ont essuyés à leur demande de changement d’affectation. Après l’annonce du débarquement en Normandie, la prévôté reçoit ainsi la visite de plusieurs déserteurs venus se rendre d’eux-mêmes, tel le marin René Hébert qui, se présentant le 12 juin 1944 aux gendarmes, leur déclare :

« Le 27 mars 1942, je suis parti de l’Ouragan pour me rendre sur le Léopard. En cours de route, j’ai été pris de cafard et j’ai décidé de manquer le départ. Je suis resté à Londres pendant une quinzaine de jours. J’ai cherché du travail. Ensuite je suis parti un peu à la dérive, travaillant par-ci par-là pour subvenir à mes besoins. Je ne puis vous dire où je me suis rendu : je ne veux pas créer d’ennuis aux personnes qui m’ont logé. Quand je suis parti je n’avais pas l’intention de déserter, je voulais simplement éviter d’embarquer sur le Léopard. Par la suite, effrayé par la menace d’avoir à comparaître devant le conseil de guerre, j’ai toujours remis à plus tard le jour de ma présentation volontaire. À l’annonce du second front, j’ai décidé de venir me présenter volontairement afin de faire mon devoir et de racheter ma faute. Je ne voulais pas aller sur le Léopard parce que je serais tombé sous les ordres du capitaine Baraquin, avec qui j’avais eu plusieurs disputes au dépôt de Barnes. […] Je voulais aller au commando. Quand j’étais sur l’Ouragan, j’avais fait plusieurs demandes de mutation pour cette unité et je n’ai jamais eu de réponse(105)»

Il est évident que justifier un acte de désertion par une farouche envie de combattre peut être un moyen aisé d’obtenir une certaine clémence de la part de la justice militaire. Cependant, il est des cas où la bonne foi de ces déserteurs semble difficile à mettre en doute. Notamment lorsque, n’étant pas parvenus à gagner la France, ceux-ci se présentent à la prévôté pour avouer leur acte et demander à se faire affecter dans une unité combattante. C’est le cas du quartier-maître chef Yvan Réveillon qui, après s’être évadé des locaux disciplinaires de la caserne Surcouf, à Londres, tente d’embarquer pour la France. S’étant mis en état de désertion mais n’ayant trouvé aucune occasion de partir, il n’hésite pas à se présenter, le 20 août 1944, à la prévôté où, après avoir avoué son évasion, il demande, avec une certaine naïveté, à partir en opération « dans n’importe quelle arme le plus tôt possible (106)»

Les unités que cherchent à rejoindre les Français libres désireux de se battre à tout prix sont avant tout les commandos et les bataillons parachutistes, à commencer par le fameux quatrième BIA du colonel Bourgoin. Après avoir été parachuté en Bretagne, qu’il contribue à libérer, le quatrième BIA, équipé en jeeps de l’armée américaine, se mue en une unité particulièrement mobile, en pointe de plusieurs grandes offensives alliées. Participant à l’opération « Spencer », il harcèle, à partir du 29 août, les arrières des troupes allemandes qui se replient. Partis de Vannes, les parachutistes du quatrième BIA arrivent à Bourges le 14 septembre. En décembre, ils sont envoyés dans les Ardennes pour endiguer la contre-offensive allemande. C’est ce bataillon prestigieux que veut rejoindre le parachutiste Max Gillet. Pour ce faire, il quitte son unité sans autorisation, mais il est arrêté par les gendarmes à peine quelques heures avant d’être parachuté en France, comme il le relate alors :

« Ayant appris par des camarades qu’en se rendant au camp de Fairford je pourrais peut-être me rendre en France pour combattre, je suis parti, le dimanche 27 août 1944 à 9h, par la gare de Paddington, en direction de Fairford(107). En arrivant au camp, ce même jour vers 13 heures, je me suis présenté au capitaine anglais, assurant la liaison entre les forces anglaises et le 4e BIA. J’ai déclaré à ce capitaine que j’étais arrivé de France le 19 août courant, par bateau, et que je m’étais rendu à l’état-major de l’air et que cet organe m’avait renvoyé au camp de Fairford. Ce capitaine m’a dit d’attendre, et, le lendemain, il m’a déclaré que l’affaire était arrangée. Puis j’ai été équipé avec la tenue de parachutiste complète ainsi que de l’armement. Le 1er septembre 1944, à 6 heures du matin, je le trouvais équipé avec un détachement du 4e BIA et m’apprêtais à prendre place dans le camion devant nous transporter à l’aérodrome. C’est à cet instant que le capitaine précité s’est présenté et m’a dit qu’il ne pouvait me laisser partir, ayant reçu un message téléphonique de l’EM de l’air. Je demande à être affecté dans une unité combattante, de préférence dans les parachutistes car je possède les brevets français et anglais(108)»

Par ailleurs, un double mouvement de désertion touche les FFC en Afrique du Nord à partir de l’été 1943. Le premier affecte les forces giraudistes dont plusieurs milliers d’hommes désertent dans le but de rejoindre les forces gaullistes de la 1re DFL ou de la 2e DB. Le second frappe l’ensemble des forces françaises, FFL comprises, au profit des armées alliées, qui, avec le débarquement en Sicile, prennent pied sur le vieux continent, tandis que les forces françaises sont maintenues dans l’inaction. D’autant qu’à l’espoir de reprendre au plus tôt la lutte et de participer à la libération du territoire national s’ajoute l’attrait de la solde plus élevée, de l’équipement de qualité et du prestige des Anglo-Saxons(109).

Un mouvement semblable touche la Grande-Bretagne après le lancement de l’opération « Overlord » par les alliés. Ainsi, le 26 août, le soldat Michel Labournir, arrêté le 26 août par la police militaire américaine avant d’être remis à la prévôté, raconte aux gendarmes son épopée mouvementée. Quittant le camp de Camberley le 20 août 1944 avec un camarade du nom de Dubois, il se rend à Londres où les deux hommes volent une jeep. Le lendemain, ils gagnent Portsmouth. Là, ils subtilisent et revêtent des uniformes américains, puis cherchent à embarquer pour la France. Après avoir essuyé plusieurs échecs, ils se renseignent auprès de soldats américains qui leur conseillent de monter à bord d’un char qui doit être bientôt transporté en France. Les deux Français y restent cachés pendant cinq jours, puis sont découverts et emprisonnés dans les locaux disciplinaires du camp de Camberley. Redoutant de passer devant le conseil de guerre, ils s’évadent en compagnie de deux autres militaires. Ils ne renoncent pas pour autant à leur projet, et tentent, cette fois-ci, de prendre la voie des airs. Ils se rendent donc sur une base aérienne américaine où ils passent la nuit. Contrôlés par un officier américain, ils sont reconduits à Camberley par les gendarmes. Labournir déclare à ces derniers que son intention avait été de passer en France pour rejoindre une unité FFI(110). Tout aussi étonnant, le 22 décembre 1944, la prévôté arrête trois militaires français venus, avec quatre autres camarades, de Paris où était stationnée leur unité. Ils étaient passés en Angleterre en septembre 1944. Ne parvenant pas à se faire engager, ils trouvèrent divers petits emplois en Grande-Bretagne. Mais trois d’entre eux, qui ne parvenaient pas à subvenir à leurs besoins, commirent un vol de machines à écrire, à la suite duquel ils sont arrêtés par la police civile britannique qui les remet à la prévôté des FFGB. Ils déclarent alors être passés en Angleterre pour se faire engager dans une armée alliée combattante(111).

Il est indéniable que l’ouverture du second front en Europe a conduit une part significative de militaires des FFL tenus éloignés des combats à déserter afin de rejoindre le front. Ce qui explique en partie la hausse du nombre de déserteurs arrêtés par la prévôté au cours de l’année 1944. Ce facteur ne suffit cependant pas à expliquer tout à fait le nombre important des désertions qui affectent les FFGB à partir de 1943.

L’ennui, le sexe ou la peur d’une punition

Maintenir le moral au sein de cette troupe éloignée de la patrie et tenue à l’écart des grandes offensives, n’est pas chose aisée. Dans ces circonstances, on ne s’étonnera pas de constater que la démoralisation – les soldats parlent plutôt de « cafard » – soit une cause fréquemment avancée par les déserteurs des FFL pour expliquer, ou tenter parfois de justifier, leur acte. Un mal du pays qui peut même exceptionnellement conduire au suicide. Ainsi le sous-lieutenant Jean Godin, dans la nuit du 12 au 13 juillet 1943, est retrouvé pendu dans la chambre qu’il occupait à Londres(112). Mais il est le seul cas de suicide pour lequel la police militaire française a été appelée jusqu’en 1944. Car si la très grande majorité des déserteurs arrêtés par la prévôté fait valoir un sentiment de découragement pour se justifier, d’autres avouent plus simplement qu’ils cherchaient avant tout à se divertir. C’est ce que déclare, le 26 novembre 1944, le caporal Alfred Crisa, interrogé à la prévôté où il s’est rendu de lui-même, trois semaines après l’expiration de sa permission :

« Je n’avais pas du tout l’intention de déserter. Étant chef cuisinier du mess des sous officiers de Camberley, je n’avais eu aucune sortie depuis sept mois. Je suis seulement resté auprès d’une jeune fille dont je venais de faire la connaissance deux jours avant l’expiration de ma permission(113). »

Ce témoignage est très représentatif, car il s’agit en effet, pour un grand nombre de déserteurs des FFL, d’aller, le plus souvent, rejoindre des femmes. C’est le cas aussi du parachutiste Gaston Séguy, qui avoue aux gendarmes : « J’ai déserté pour pouvoir rester avec l’amie que je fréquentais(114)» Ou encore de Djema Otmani, de la deuxième DB, qui, puni de huit jours de prison, déserte pour retrouver une femme habitant à Manchester et qu’il désigne comme étant sa « fiancée ». Il se rend ensuite, lui aussi, volontairement aux gendarmes, auxquels il dit : « Je regrette sincèrement d’avoir commis cette faute et demande à me racheter et être versé dans une unité combattante le plus vite possible (115)» On citera enfin la déclaration du soldat Henri Jeanne, de la deuxième DB, arrêté pour désertion et qui voit avec déchirement sa division partir, sans lui, à l’assaut de la Normandie :

« J’ai quitté [le camp] le dimanche 9 juillet […] pour me rendre à Hull où je devais rencontrer une jeune fille. Pour me rendre dans cette ville, j’ai pris l’autobus aussitôt quitté le camp et je suis arrivé à Hull vers 15 heures. Je me suis promené avec cette jeune fille toute l’après-midi. Le soir, j’ai voulu prendre l’autobus, mais il n’y en avait plus. […] Je suis resté avec cette fille jusqu’au 17 au soir, puis j’ai pris le train pour rentrer à mon corps, ayant appris que ma division devait embarquer le 21 juillet. […] Arrivé à mon unité, je me suis présenté à mon Commandant de batterie qui m’a dit que je serai traduit devant un tribunal militaire. Ils m’ont fait couper les cheveux et emprisonner en attendant mon transfèrement à la prison prévôtale de Camberley. N’ayant jamais eu de permission depuis 6 ans, j’en ai pris une. La plus grande punition pour moi, c’est de ne pas me laisser embarquer avec ma division(116). »

Outre le découragement, plus ou moins grand, qui les conduit à quitter la monotonie de la caserne pour aller se divertir, l’autre cause la plus fréquente de désertion des militaires français est le désir d’échapper aux sanctions disciplinaires infligées par la hiérarchie militaire, le plus fréquemment une peine d’emprisonnement dans les locaux disciplinaires du camp de Camberley. Les cas de désertion pour échapper aux combats sont, quant à eux, extrêmement rares, mais méritent toutefois d’être mentionnés. Ainsi, le 2 février 1943, un matelot des FNFL, qui a quitté son bord sans autorisation et a été remis à la prévôté par la police britannique, déclare : « Dans la matinée je me suis rendu à l’état-major des FNFL où j’ai vu Monsieur Guilloux. Avec ce dernier j’ai discuté au sujet du payement d’indemnités qui m’ont été refusées. Il a déclaré que j’allais être versé dans la marine de guerre ; ayant toujours servi dans la marine marchande je désire y continuer(117). »

Une délinquance en hausse

Si l’on considère les nombres des P.-V. dressés annuellement par les gendarmes, on constate une progression constante de 1942 à 1944. Les prévôtaux ne dressent que 142 P.-V. en 1942, soit deux fois moins que l’année suivante, et ils en rédigent plus de quatre cents en 1944. La prévôté, dont les effectifs se fixent à 21 gendarmes en 1943 est, par conséquent, de plus en plus sollicitée. Cette hausse de la délinquance s’explique essentiellement par le renforcement progressif des effectifs FFL en Grande-Bretagne à partir de cette année-là, la libération de l’Afrique du Nord faisant décoller le nombre de ralliements à la France Libre. En août 1943, la fusion des FFL avec les troupes giraudistes permet la mise sur pieds de plusieurs divisions équipées massivement par les Américains. Avec la fin de la guerre du désert et la capitulation des armées italo-allemandes en Tunisie (mai 1943), les alliés se lancent à l’assaut de l’Europe. En 1944, l’Angleterre devient la base d’où va s’élancer la première vague de débarquement en France. De Gaulle tient à ce que les forces françaises participent à cette opération qui va décider du sort de la guerre et du destin de la France. Plusieurs milliers de Français passent alors en Grande-Bretagne en prévision de l’opération « Overlord » et de ses suites. La deuxième DB du général Leclerc, mise sur pieds plusieurs mois auparavant au Maroc, et qui mêle aussi bien troupes gaullistes que giraudistes, passe en Angleterre en avril 1944. Ce qui représente un effectif de plus de 15 000 hommes qui y stationnent jusqu’à la fin du mois de juillet, avant d’être débarqués à Utah Beach le 1er août 1944.

Le vol au sein des FFL

Le nombre de vols signalés à la prévôté connaît lui aussi une croissance spectaculaire en 1944. Presque inexistantes en 1942 (quatre seulement) et en 1943 (dix), les affaires de vol atteignent le nombre de trente-trois en 1944. Si le total annuel des vols subis ou causés par les Français libres est multiplié par huit entre 1942 et 1944, ce n’est pas seulement parce que plus de délits ont été commis, mais bien aussi parce que, habitués à l’existence d’une prévôté, les victimes, militaires français ou civils anglais, ont de plus en plus tendance à les signaler à la police militaire. Ce que confirme en partie la déclaration du sergent Georges Chevriaut, membre du fameux groupe d’aviation « Lorraine », arrêté lui-même pour vol d’effets militaires. Il minimise sa propre responsabilité et décrit le comportement délictueux de certains de ses camarades :

« Je connais Moreau depuis le 28 avril 1944, date à laquelle j’ai été affecté au groupe Lorraine. Je sais qu’il était coutumier au vol, en particulier d’affaires provenant de paquetages de ses camarades et de plusieurs vélos. Je ne l’ai jamais vu vendre aucun de ces articles. Tout le monde savait qu’il vendait ce qu’il volait. Je savais qu’il jouait beaucoup aux cartes et qu’il perdait toujours. Il y a environ un mois et demi, j’étais en permission à Londres. C’était un dimanche, j’ai rencontré Moreau et Bresson au club united nations à Saint-James. Après avoir soupé, nous avons été danser au royal dancing. Nous sommes ensuite venus dans le quartier de Picadilly vers une heure du matin. Là, nous avons rencontré un nègre qui nous a amenés à son club, le Eight. Nous avons bu quatre ou cinq demis de bière. Au cours de la soirée, Bresson et Moreau m’ont dit que la veille, vers minuit, ils avaient trouvé un Américain ivre-mort sur le trottoir aux environs de Leicester Square, qu’ils l’avaient fouillé et lui avaient pris une montre, un stylo et une somme d’environ trente livres. Je n’ai jamais participé ni aux vols, ni aux agressions commises par Bresson et Moreau. Il y a environ deux mois, j’ai trouvé, dans ma chambre, sur un lit inoccupé, une Air Wind Jacket. Je l’ai mise sur mon lit et, par la suite, je l’ai prise plusieurs fois pour aller en mission. Quand je l’ai trouvée, il y avait, sur le dos, deux marques presque invisibles que j’ai fait disparaître. Le 29 septembre je suis parti en permission de sept jours en France. J’ai emporté avec moi cette Wind Jacket et mon revolver type RAF et 18 cartouches. J’ai changé la Wind Jacket contre une gabardine beige à un civil nommé René Gouye de la place Clichy. Quant au revolver, je l’ai donné à mon père ainsi que les cartouches(118). »

Toutes les affaires de vols subis ou causés par les Français libres n’ont pas fait l’objet d’une plainte auprès de la prévôté. D’autre part, les arrestations sont nombreuses et il est très rare que les objets volés soient retrouvés et les coupables identifiés. La plupart des affaires qui sont signalées à la prévôté concernent des vols d’argent ou de petits objets de valeur. À ce titre, la plainte déposée, le 6 juillet 1944, par le sergent Pierre Laval, du BCRA, est très représentative :

« Hier soir, accompagné de l’adjudant Martin Jean, nous avons rencontré un marin (quartier-maître chef) à l’YMCA de Waterloo Station vers 23H30. Il a couché avec nous dans le sheltter. Il occupait le lit voisin du mien. Dans la nuit, je l’ai aperçu assis sur mon lit et la main appuyée sur ma poche revolver. Je lui ai demandé ce qu’il faisait et il m’a répondu : “Je ne peux pas dormir”. Ensuite, il s’est allongé à nouveau sur son lit. Je me suis aperçu ce matin vers 7H qu’il me manquait la somme de dix livres, composée de deux billets de cinq livres, un stylo bleu marque Parker. Ayant effectué des recherches, j’ai retrouvé, sous son lit, mon porte-cigarettes(119). »

Les rares Français arrêtés pour vol justifient le plus souvent leur acte par leurs difficultés financières. C’est le cas du légionnaire Georges Herman, pris en flagrant délit de vol de biens appartenant à l’armée :

« Depuis le 27 juin 1943, je travaillais à l’Intendance (Magasin Central). J’étais employé aux différents services. Je reconnais que j’ai beaucoup de difficultés pour payer ce que je dois. Le 12 avril 1943 j’ai emprunté six livres à la Bourse anglo-belge du travail (Butland Gardens). Je dois également sept shillings à l’aspirant Dejean et dix shillings à l’adjudant Cheren. J’ai été mis au prêt franc sur ma demande à la date du 1er juillet 1943, mais j’ai couché malgré cela jusqu’au 1er août 1943 à Eaton Square ; du 1er au 8 du même mois j’avais une chambre au 87 Warwick Way (Victoria). Samedi soir, 7 courant, j’ai profité que tout le monde soit sorti du magasin pour cacher une paire de chaussures basses de l’aviation dans ma ceinture. J’avais l’intention de la vendre en ville mais je n’avais pas encore d’acheteur. Le sergent-chef Joanis m’a demandé ce que je cachais dans ma ceinture ; c’est alors que je lui ai redonné les chaussures. […] J’ajoute que j’ai également volé dans ce magasin une paire de chaussettes, un tricot gris, un caleçon, une flanelle et un chandail bleu(120). »

Les vols ne donnent généralement pas lieu à de graves violences. Si de 1942 à 1944, on ne relève qu’un unique cas de tentative de meurtre, qui a eu lieu le 28 janvier 1943, elle est toutefois bien motivée par l’appât du gain. Au terme de l’enquête, il apparaît en effet que le quartier-maître Pelouse, déserteur des FNFL, a tenté de s’emparer de l’argent de la caisse servant à financer l’envoi du courrier des FFL du camp de Camberley. Lorsqu’il entre dans le bureau où est gardée la caisse, Pelouse s’attend à retrouver un complice, mais il tombe nez à nez sur le sergent Tourvieille. Ce dernier, encore alité à l’hôpital, raconte aux gendarmes la scène très violente qui s’en est suivi :

« Le 26 janvier 1943 vers 20h10, j’étais au bureau des détails en train de préparer le courrier. J’étais assis à ma table. J’ai entendu quelqu’un marcher dehors et ensuite un coup a été frappé à la porte. J’ai crié : “Entrez !” et un militaire coiffé d’un béret sans pompon est entré, mal rasé, vêtu d’un imperméable de marin est entré et m’a dit : “Il n’est pas là”. Je n’ai pas compris à qui il voulait faire allusion. Il a ensuite sorti son revolver et fait feu sur moi. Lorsque mon agresseur a sorti son arme, étant assis je me suis levé et ai essayé de lui envoyer un coup de pied, mais, ayant été surpris par mon approche, il a tiré et pris la fuite. Quelques instants plus tard l’adjudant-chef Mezalize, Doullier et le sergent Madenia sont arrivés. Mezalize m’a fait un garrot et m’a couché sur mon lit. Ensuite le docteur est arrivé sur les lieux et j’ai été transporté d’urgence à l’hôpital. Le militaire qui m’a agressé n’est pas connu de moi. D’après moi, ce militaire est venu au bureau dans l’intention de soustraire la caisse et, croyant trouver une autre personne que moi, a été surpris et a tiré(121). »

Ce fait divers brutal est le seul de son espèce qui a été enregistré en trois ans par la prévôté. Les plaintes pour vol auxquelles cette dernière est confrontée concernant, presque toujours, de petits larcins. Commis le plus souvent entre militaires français, ils ont avant tout pour but d’arrondir des soldes trop modestes, mais parfois aussi de payer des dettes de jeu.

Les préjudices subis par les civils anglais

Il a déjà été souligné en quoi la garantie de la bonne entente avec les alliés britanniques est un enjeu majeur pour la prévôté des FFGB. Pourtant, force est de constater que les gendarmes interviennent régulièrement pour mettre fin aux rixes opposant les Français libres aux militaires des nations alliées. C’est le cas d’une confrontation particulièrement violente dans une Public House de Londres, dans la nuit du 28 au 29 juillet 1944. La scène est décrite en détail par l’un des soldats français présent sur les lieux :

« À plusieurs reprises, on a eu des disputes avec un militaire écossais et deux civils anglais. C’est eux qui sont venus nous adresser des paroles blessantes et des injures. Vers le 15 juin […] le militaire écossais nous a fait sortir de force, après quoi nous sommes entrés de nouveau et nous sommes assis près de lui et des deux civils qui étaient avec des filles. C’est un soldat belge qui nous a dit que ces gens-là nous insultaient grossièrement et ont fait une scène de jalousie. Le soldat écossais s’est jeté sur le soldat belge et les civils se sont jetés sur mon camarade Berthout. C’est là que moi, Cloadec et Bertrand sommes venus à leur secours. Une femme qui était avec eux a pris une chaise et l’a lancée sur nous. La chaise est tombée sur la table sur laquelle il y avait plusieurs verres. […] La police britannique est intervenue et a mis de l’ordre. Après, nous sommes rentrés chez nous. Ce même jour au soir, je suis descendu au camp d’Old Dean et j’ai appris par mes camarades que le lendemain il y avait eu une bagarre entre Américains, Belges et Anglais. Un Belge ayant même été hospitalisé. C’est la seule fois que j’ai vu les Français se bagarrer dans ce café et ils n’ont cherché chicane à personne. »

Cette affaire donne lieu à une plainte de la propriétaire de l’établissement qui rend responsables les militaires français et contredit entièrement la version du soldat que nous venons de citer :

« Depuis un mois environ, cinq ou six soldats français portant l’insigne des parachutistes viennent tous les soirs et quelques fois le matin entre midi et quatorze heures. Ils font beaucoup de bruit, se battent et brisent le matériel du Pub. Il y a environ deux semaines, ils ont brisé en se battant la partie supérieure d’une table et deux chaises. Ils ont en outre brisé quatre verres à bière d’une contenance d’une pinte. Hier soir, ils sont revenus et ont brisé une autre table en déclouant la partie supérieure et l’étagère de la cheminée qui était scellée dans le mur. L’étagère de la cheminée est en marbre. Ils ne l’ont pas brisée, en faisant cela, ils ont détérioré le mur. […] Je demande que les dégâts me soient remboursés et que les militaires ne viennent plus dans cet établissement(122). »

Les soldats français accusés par cette civile anglaise minimisent, quant à eux, la violence de la scène et leur implication dans la rixe dont ils nient être à l’origine. Si on ne peut démêler le vrai du faux dans cette histoire, comme dans d’autres, il convient cependant de relever le caractère extrêmement conflictuel que prennent alors les relations entre Français et Britanniques. Ce n’est donc pas sans raison que le capitaine Foveau insiste sur l’importance du rôle joué par la prévôté dans le désamorçage de ces conflits.

La prévôté enregistre, en outre, plusieurs plaintes de propriétaires anglais pour des impayés de loyer d’appartements loués à Londres par des militaires des FFL. Le 10 juillet 1944, une propriétaire anglaise vient ainsi porter plainte contre le sergent-chef Jean Dacier qu’elle accuse d’être parti sans avoir payé la totalité du loyer qui lui était dû mais aussi d’avoir détérioré mobilier. L’enquête semble indiquer la mauvaise foi de cette propriétaire qui cherche, en réalité, à se faire payer plus que ce qu’on lui doit. Quoi qu’il en soit, le témoignage du sergent-chef Dacier révèle, là encore, combien sont mauvaises ses relations avec sa logeuse. Après qu’il lui a proposé de lui verser (en signe d’apaisement, dit-il) dix shillings sur les deux livres qu’elle lui réclame, Dacier essuie une réponse cinglante : « Mme Tricket s’est mise en colère et m’a traité de sale Juif, disant que les Juifs étaient une sale race, etc. Quoique n’étant pas Juif, je proteste contre cette propagande qui ressemble trop à la propagande hitlérienne(123) », s’offusque-t-il.

Les cas de conflit exposés ici s’opposent à l’idée généralement admise selon laquelle les Français ont partout reçu un accueil cordial et se sont comportés de manière exemplaire avec la population anglaise. Pour autant, il faut relativiser l’importance de ces conflits, qui, bien que réels, semblent être moins la règle que l’exception. De plus l’intervention de la prévôté servit à les désamorcer en leur donnant une forme juridique.

Une violence parfois spectaculaire

Des soldats américains, victimes de la violence des FFL

Si les cas de rixes entre militaires français et britanniques restent relativement peu nombreux, les conflits entre Américains et Français libres sont en revanche beaucoup plus nombreux et beaucoup plus violents. La prévôté mène ainsi plusieurs enquêtes après des agressions de soldats américains par des militaires des FFL, qui sont toujours les agresseurs, jamais l’inverse. La première affaire de cette nature a lieu le 6 février 1943. Ce jour-là, deux militaires des FFL, du nom de Caer et Le Mer, qui ont obtenu une permission de plusieurs jours, se rendent de Camberley à Reading. Ils consomment de l’alcool dans divers établissements. Au bar Cross Keys, Caer fait la connaissance d’une jeune Anglaise, qui est ensuite abordée par un soldat américain du nom d’Arnold Dawson. S’ensuit une dispute qui semble en rester là. Mais, à la fermeture du bar, l’Américain est agressé par les deux Français. Frappés de plusieurs coups aux visages, il tombe à terre, où il est battu à coups de pied. Alerté par les cris de douleur, un Anglais prévient alors la police britannique qui arrête aussitôt les deux Français. Tandis que Dawson est transporté d’urgence à l’hôpital, Caer est interrogé par l’inspecteur britannique chargé de l’enquête auquel il déclare : « The Amercian took our girl. We followed him to a dark street and fought him [L’Américain est parti avec la fille qui était avec nous. Nous l’avons suivi jusqu’à une rue sombre et l’avons battu] »(124). L’affaire est prise très au sérieux par les autorités anglaise et française car elle risque d’avoir un certain retentissement dans la population britannique, dont certains membres ont été témoins de la scène, et, par conséquent, de compromettre les bonnes relations entre les alliés.

Malheureusement, la situation n’évolue pas vers l’apaisement puisque deux affaires assez semblables se produisent en 1944, à intervalle assez proche, la première le 16 mars, la seconde le 2 août. Dans les deux cas, les Français s’en prennent avec une grande violence aux Américains pour les dévaliser. Arrêté en plein cœur de Londres, le parachutiste Gaston Séguy, évadé des locaux disciplinaires du camp de Camberley, est entendu au poste prévôtal où il revient sur son implication dans la première affaire (sa version des faits est confirmée par ses complices) :

« J’ai quitté la prison dans les conditions qui vous ont été décrites par Renaud, Marchal et Goubeaux. […] Hier soir, au restaurant “Nick”, j’ai rencontré, comme d’habitude, Marchal, Goubeaux et le marin Hall. Nous avons décidé de dévaliser un Américain. C’est Marchal qui a émis cette idée. Nous sommes partis tous les quatre vers Green-Park à 10H30 environ. C’était après l’alerte. Nous avons vu un Américain qui était assis avec une fille sur une borne. Marchal nous dit : “Restez là-haut, je vais me faire l’Américain”. Il se dirigea en effet vers le couple et demanda du feu. Peu de temps après, on a entendu deux bruits sourds et le soldat américain s’est mis à crier. On entendit alors un troisième coup. Le soldat américain s’affaissa sur le sol. La jeune fille, qui était avec le soldat, s’enfuit en abandonnant son sac. J’ai quitté les lieux avec Goubeaux au moment où une personne est venue avec une lampe électrique. Le marin Hall était resté avec Marchal. Marchal a frappé le soldat américain avec un rouleau à pâtisserie. Il nous l’avait montré au cours du repas. Quand Marchal a eu donné les trois coups au soldat américain Goubeaux, Hall et moi nous nous sommes rapprochés. Personnellement, j’ai saisi le bras gauche du soldat américain. Comme, en criant, il risquait d’ameuter les passants, je lui ai donné un coup-de-poing à la figure. Goubeaux et Hall ont dégrafé le manteau du soldat américain. C’est à ce moment-là que nous avons vu une lumière et que je suis parti avec Goubeaux. En partant, j’ai vu Hall qui fouillait le soldat américain. Je ne puis vous dire si Marchal a fouillé le soldat américain. Je l’ai vu se cacher derrière un arbre dès qu’il a eu donné le troisième coup de rouleau. Je n’ai plus revu depuis hier soir ni Marchal ni le marin Hall (125). »

Séguy et son complice Marchal sont traduits devant les tribunaux britanniques pour répondre de cette affaire. Au moment de son arrestation, deux jours après celle de Séguy, Marchal a cette parole surprenante : « C’est par la faute de la France Libre si je me trouve dans cette situation. Je maintiens que c’est la France Libre qui nous a rendus bandits depuis 1942, c’est-à-dire depuis l’arrivée des clochards de Vichy(126). » Si cette phrase demeure énigmatique, elle semble toutefois faire allusion à une situation de pénurie qui contraste avec la réputation d’opulence dont jouissent les Américains, aux soldes infiniment plus élevées que celles des Français libres.

La seconde affaire d’agression, qui fait suite à une simple enquête menée au début du mois d’août 1944 par le gendarme Marcel Lebas sur l’utilisation illégale et la détérioration d’une voiture appartenant à l’armée, est jugée beaucoup plus grave encore puisqu’elle concerne un officier de l’armée américaine, violemment battu et détroussé par trois Français libres. L’un d’eux, Robert Guichet, qui a volé la voiture au garage des AFAT à Moncorvo House et s’en sert pour faire la tournée avec ses deux camarades de plusieurs débits de boissons à Londres, raconte en détail les événements :

« Nous sommes ressortis [du club] dix minutes après. Alors que nous avions déjà démarré la voiture, nous avons entendu quelqu’un appeler : “Taxi !” L’idée nous est venue de gagner quelque monnaie en chargeant ces personnes qui étaient deux officiers américains. Je ne me souviens pas où ils nous ont demandé d’aller. Nous sommes partis à travers Hyde Park et, à mi-chemin, alors que l’alerte sonnait, nous nous sommes arrêtés. Nous sommes descendus sauf un Américain. Un policeman s’étant approché, nous avons regagné la voiture et nous sommes repartis en laissant un des Américains derrière nous. Nous avons dû faire le tour de Hyde Park pour nous retrouver aux environs de Moncorvo. À ce moment-là nous avons dit à l’Américain : “Vous êtes arrivé”, et l’avons fait descendre de voiture. C’est à ce moment-là que l’idée nous est venue de le dévaliser. J’avais sur moi une matraque confectionnée d’un tube de caoutchouc renforcé d’un morceau de fer à l’intérieur. Je tenais cette matraque derrière mon dos et me tenais à côté de l’Américain. Celui-ci, effrayé, se mit à reculer. J’en fis autant. Voyant mon hésitation, Guichet me prit la matraque des mains, il en frappa l’Américain qui s’écroula par terre. À ce moment-là j’ai bondi dessus et lui ai vidé les poches, prenant son portefeuille, stylo, stylosine, porte-cartes, montre. Alors que l’Américain avait poussé un cri, le marin l’a frappé d’un coup de pied. Nous sommes tous les trois remontés en voiture. […] Nous avons arrêté la voiture dans une rue assez sombre et nous avons fait l’inventaire de notre butin(127). »

L’agression et le vol commis, les trois militaires français garent la voiture à Moncorvo House où elle subira des dégâts qui mettront les gendarmes sur la piste des agresseurs de l’officier américain.

Sans doute faut-il mettre ces agressions sur le compte d’une minorité de militaires français sans scrupule ou exaspérés par les privations qui ont suivi leur engagement dans les FFL, mais on ne peut passer sous silence l’absence de considération dont ils font preuve à l’égard de leurs alliés américains. Ceux qui, après le débarquement en Normandie et la campagne de France seront appelés « les libérateurs » par les Français de métropole, sont ici des proies faciles pour des agresseurs qui ne voient en eux que de riches victimes à détrousser, en usant le plus souvent d’une violence disproportionnée.

La rébellion contre les gendarmes

La volonté d’échapper aux gendarmes et à la punition conduit certains militaires français à des actes de rébellion et des réactions d’une grande violence, ainsi qu’à des tentatives d’évasion pour ne pas purger la peine encourue. Les évasions de la prison prévôtale de Camberley sont néanmoins peu nombreuses : trois préventionnaires s’en échappent en 1942 et quatre en 1943. Le déménagement dû à la création d’une nouvelle prison prévôtale, à Londres, fait cependant passer le nombre des évasions à six en 1944. Il est vrai que le nombre maximum de détenus possibles est passé entre-temps de 14 à 21. Si les évasions réussies sont rares, les tentatives d’évasion, en revanche, sont fréquentes. Surtout accomplies lors des transfèrements de prisonniers, elles exposent les gendarmes à des risques réels. La prévôté ne disposant que d’une unique camionnette permettant le transport de prisonniers, les transfèrements se font essentiellement par le train, transport propice aux tentatives d’évasion audacieuses. Comme celle du 20 mai 1944, entreprise par le sergent-chef Charles Grimaud, qui avait déjà tenté de s’enfuir lors de son arrestation à Londres pour désertion. Cette fois, en compagnie d’un préventionnaire qui fait preuve d’une docilité surprenante, Charles Grimaud veut fausser compagnie aux gendarmes qui le reconduisent à Camberley. Ces derniers consignent ainsi le déroulement de cette tentative d’évasion et les faits qui ont suivi :

« Effectuant le transfèrement de Londres à Camberley, par voie ferrée, des déserteurs Poulain Marcel et Grimaud Charles, arrivant en gare de Camberley, vers 12h20, nous avons conduit les prisonniers à la salle d’attente de la gare. Ceux-ci sont restés sous la surveillance de l’élève-gendarme Roche et le gendarme Deschamps s’est rendu au téléphone afin de demander une voiture automobile pour le transport des prisonniers au camp d’Old Dean. À son retour le déserteur Grimaud lui demanda la permission d’aller aux water-closets. À cet effet, il fut libéré de ses massenottes et conduit par le gendarme Deschamps. Après avoir effectué ses besoins, brusquement il se retourna vers le gendarme Deschamps et lui donna plusieurs coups de poing à la face. Aussitôt, il se précipita vers la porte pour prendre la fuite. Entendant des cris de douleur, l’élève-gendarme Roche s’est précipité et a tenté d’enlacer le fuyard alors qu’il se trouvait sur le quai, mais celui-ci s’échappa en direction de la porte de sortie de la gare, toujours poursuivi par l’élève-gendarme Roche qui dégaina son pistolet en criant : “Arrêtez, j’ai mon pistolet !” Dans l’élan de la course, bousculant ladite porte et le déserteur, l’élève-gendarme Roche donna un coup de crosse sur l’épaule gauche de Grimaud qui, néanmoins, continua à fuir, toujours poursuivi, empruntant différentes rues pour chercher à dépister. Pendant la course, ayant remis son arme dans la gaine, l’élève-gendarme Roche réclama l’aide d’une voiture dans laquelle se trouvait un officier anglais. Un sergent anglais prit place sur le marchepied de cette voiture automobile. Celle-ci dépassa Grimaud de dix mètres environ. Le sergent anglais sauta à terre et Grimaud, se voyant cerné, s’arrêta contre un mur et fut rejoint par l’élève-gendarme Roche qui le conduisit en direction de la gare. Peu après, dans une rue transversale, le gendarme Deschamps les a rejoints. Nous nous trouvions à ce moment-là à cinquante mètres environ de l’hôpital français de Camberley et Grimaud demanda à être immédiatement visité par un médecin, son pied droit lui faisant mal. Il s’arrêta quelques instants pour nous le montrer. Nous avons acquiescé à sa demande. Il fut visité par le médecin de garde, ce qui a permis à Deschamps de recevoir les premiers soins. Le déserteur Poulain, qui était resté seul à la gare, s’est emparé de la valise de Grimaud et a suivi le gendarme Deschamps à peu de distance le rejoignant seul et volontairement à l’hôpital(128). »

Quatre jours plus tard, le même Grimaud s’échappe de la prison prévôtale de Camberley grâce à la complicité d’un autre détenu mais surtout grâce à l’aide apportée par la sentinelle en faction. Un préventionnaire, témoin de la scène, raconte les circonstances étonnantes de cette évasion :

« Tommasi, qui venait de casser une planche de son lit, […] a fait sauter un barreau ainsi que deux traverses en fer de sa fenêtre. […] Aussitôt, Tommasi est sorti est sorti par la fenêtre. […] À la sortie de Tommasi, j’ai encore entendu un bruit. Il me semble qu’il a tenté de faire sauter les barreaux de la cellule occupée par Grimaud. Dans le courant de la journée du 24, la sentinelle qui était de faction a eu un entretien avec Tommasi. Elle a dit notamment : “Moi, je viens de tirer neuf mois à Dundee, si tu veux partir, je te laisse partir.” Tommasi lui a répondu : “Bon, d’accord” (129). »

On comprend mal comment celui qui a aidé Grimaud, un militaire fraîchement libéré de la prison interalliée de Dundee, a pu être désigné comme factionnaire devant la prison ; mais on voit combien était justifiée l’insistance du capitaine Intartaglia pour obtenir que la prison prévôtale soit déménagée à Londres, afin que la surveillance des détenus puisse être assurée uniquement par les gendarmes eux-mêmes, ce qui sera finalement permis à partir du mois de juillet 1944(130). L’ouverture de la nouvelle prison prévôtale n’empêche toutefois pas l’évasion de deux détenus trois mois plus tard, pas plus qu’elle ne met fin à l’agressivité des condamnés qui, comme le détenu Maurice Reymond dont le comportement violent nécessite l’intervention de trois gendarmes qui ont bien du mal à le maîtriser :

« Avons constaté que le détenu de la cellule six frappait à grands coups sur la porte. Interpellé, celui-ci déclare : “Quand est-ce que vous allez me donner une paillasse et des couvertures, j’espère qu’il est l’heure de coucher là-dedans”. Nous avons ouvert la cellule et invité le détenu Reymond à faire silence. Celui-ci nous a répondu en ces termes : “Vous vous sentez forts parce que je suis enfermé. On se retrouvera, la guerre n’est pas finie, bande de vaches !” Invité à se taire, ce détenu, furieux, s’est saisi du lit en bois pour nous menacer. Nous avons pu éviter le coup. Ensuite, celui-ci s’est assis sur son lit et a jeté ses deux jambes en l’air dans notre direction, frôlant notre figure. Nous lui avons fait une prise pour essayer de le maîtriser. Celui-ci, continuant à se débattre, a réussi à faire lâcher prise et a donné quelques coups au gendarme Le Cleac’h, n’occasionnant que de simples égratignures. Entre-temps, le gendarme Bonnefoy est arrivé à la porte de la cellule et y est entré. Le détenu Reymond lui a demandé l’autorisation de sortir dans le couloir pour venir se battre avec le gendarme Le Cleac’h. Au même moment, il s’est jeté sur ce dernier. Avec l’aide du gendarme Bonnefoy, nous avons dû employer les moyens coercitifs pour le maîtriser et l’enchaîner(131). »

Chargée de « maintenir le prestige des FFL », la prévôté des FFGB doit affronter et réprimer l’indiscipline qui règne dans les rangs de l’armée de la France Libre établie en Grande-Bretagne. Celle-ci, épargnée par la guerre terrestre, est, pour beaucoup de militaires français de passage ou en permission, le pays de la liberté et du divertissement, mais aussi la terre qui les tient éloignés du combat. Ils ont signé leur engagement en échange de la promesse de continuer la lutte jusqu’à la victoire. Volontaires pour se battre, les Français libres supportent mal de se plier à la discipline militaire ou à l’autorité des gendarmes. Ces derniers héritent de la haine du « cogne » et sont parfois assimilés à l’ordre contre lequel, précisément, les Résistants se révoltent.

Si, face à une certaine hostilité des Français libres, les gendarmes doivent, pour le prestige même de la France Libre, veiller au respect de la discipline, ils ont aussi à traiter, dans des conditions difficiles, de nombreuses affaires de rixes ou de vols (dont les Américains sont les victimes privilégiées), sans toutefois être confrontés à des affaires graves, d’assassinat ou de meurtre.

TROISIÈME PARTIE - LES PRÉVÔTÉS DES « FRANÇAIS LIBRES AU COMBAT »

CHAPITRE V - DE LA PRÉVÔTÉ DU LEVANT À LA PRÉVÔTÉ DES FFL

« We happy, we happy few, we band of brothers. »
Shakespeare, Henri V, IV, 3

La création de la prévôté des FFL au Levant, le 22 août 1941, est permise par le ralliement de gendarmes français présents au Levant, les États du Liban et de la Syrie ayant rejoint la France Libre un mois auparavant.

Des troupes longtemps sans police militaire

Les Français libres au combat de 1940 à 1942

L’absence de gendarmes sur les premiers territoires ralliés à la France Libre avant la campagne de Syrie de l’été 1941 ne permet pas d’envisager la création d’unités prévôtales au sein des Forces françaises libres, dont les différents éléments sont d’ailleurs peu nombreux et très dispersés, même si des unités participent aux combats contre les Italiens en Afrique dès l’hiver 1940-1941 (c’est le cas des légionnaires de Monclar en Éthiopie et du 1er BIM engagé en Libye). Ce n’est qu’au printemps 1941 qu’est réalisé le rassemblement de toutes les unités françaises disponibles en prévision de la campagne de Syrie, qui s’ouvre le 8 juin.

Les bataillons FFL sont rassemblés en Palestine à partir du mois de mars 1941, et, le 11 avril, de Gaulle annonce la création de la 1re DLFL, placée sous le commandement du général Legentilhomme. Elle ne se compose que de 5 400 hommes, assez pauvrement armés et équipés. Selon Yves Gras, « la 1re DLFL n’a de division que le nom. Elle manque surtout de véhicules, d’artillerie et de moyens de transmissions ». Qualifiée de « fausse division française libre » par Koenig en personne, elle est dissoute le 20 août, un mois après la fin de la campagne et la reddition des troupes vichystes du Levant. Bénéficiant du renfort des quelque 5 500 militaires de Dentz passés à la France Libre, ainsi que de la mise à disposition du matériel de guerre des forces vichystes (garantie par les accords de Gaulle-Lyttelton des 24, 25 et 27 juillet 1941(132)) et de la fourniture en matériel par les Britanniques, le général de Gaulle peut approuver, fin septembre, la refonte des FFL en deux divisions légères qui sont officiellement créées le 1er octobre. Koenig, promu général de brigade en août, prend le commandement de la première division légère ; le général Cazaud celui de la deuxième ; le général de Larminat assure le commandement du groupement des deux divisions. Ce dernier cherche à pallier la faiblesse des effectifs en donnant à ses troupes une structure et un armement susceptibles d’en faire des unités d’élite. Tirant les leçons de la défaite de 1940, les officiers généraux se montrent particulièrement soucieux de doter leurs troupes d’une grande mobilité et d’un armement puissant. Mais les Britanniques rechignent malgré tout à engager des forces qu’ils estiment insuffisamment équipées. Ainsi, malgré les demandes pressantes de De Gaulle, aucune troupe FFL ne participe à l’offensive en Cyrénaïque déclenchée par la 8e armée britannique le 18 novembre 1941 (opération « Crusader »). Il faut que le général menace les Britanniques d’envoyer les divisions françaises libres aux côtés de l’armée rouge dans le Caucase, pour qu’ils acceptent d’engager la 1re DLFL en Cyrénaïque, au début de l’année 1942. Celle-ci est alors rebaptisée « First Free French Brigad Group » (1re FFGB) par les Britanniques et « Force L » par les Français libres, en référence au nom de son chef, le général de Larminat, qui prend le commandement de la 1re FFGB jusqu’au début du mois d’avril 1942. À cette date, la 2e brigade du général Cazaud passe en Égypte et s’installe à Marsa Matrouh, au bord de la Méditerranée ; tandis que la Force L, désormais commandée par le général Koenig, s’enterre dans les sables de Bir Hacheim, à l’extrémité sud du dispositif de défense britannique. Malgré la distance qui les sépare, les deux brigades sont officiellement réunies sous le terme de Forces Françaises du Western Desert (FFWD), dont Larminat prend le commandement.

Mais en raison de l’éloignement géographique de ces deux brigades, il est nécessaire de créer deux détachements de prévôté, un pour chacune d’elle. Une note du général de Larminat du 8 mai 1942 entérine cette situation : « L’action prévôtale sera exercée dans chaque brigade par son détachement de prévôté propre (133). » En réalité, la prévôté de la première brigade a été mise en place dans les premiers jours du mois de janvier 1942, et celle de la deuxième brigade quelques mois plus tard, en avril, au moment où ces unités ont quitté le Levant pour l’Afrique du Nord.

Garantir la discipline des FFL : un enjeu crucial

La création des prévôtés des deux brigades françaises libres est rendue possible par le fait que certains gendarmes présents au Levant sont passés à la France Libre. Leur constitution accompagne directement l’action en Afrique des deux brigades françaises qui sont les premières, depuis juin 1940, à affronter l’ennemi italien et surtout l’ennemi allemand. L’Afrique du Nord revêt ainsi pour de Gaulle une importance non seulement stratégique – puisqu’il faut interdire aux forces de Rommel, passées en Libye au printemps 1941, la route vers le canal de Suez et le Caucase –, mais aussi un enjeu hautement symbolique : c’est dans le désert d’Égypte et de Libye que devra s’illustrer cette poignée d’hommes qui forment les FFL, censés incarner l’esprit de résistance de la France entière.

Forces tout autant militaires que symboliques, les deux brigades françaises libres qui sont engagées dans la guerre du désert aux côtés de la 8e armée britannique au début de l’année 1942 se doivent de faire oublier, par leur bravoure et leur sens de la discipline, la faiblesse des effectifs alignés jusqu’à présent par la France Libre. Ils se doivent également de venger l’humiliation subie par l’armée française en 1940. Passée en Égypte au début de l’année 1942, la « Force L » participe, de février à mai 1942, à des actions de harcèlement dans le désert qui sépare les lignes italo-allemandes de la ligne de défense anglaise (134), avant que s’engage le 27 mai la bataille de Bir Hacheim, au cours de laquelle les 3 700 hommes de Koenig parviennent à tenir une position assiégée par deux divisions, l’une italienne et l’autre allemande, Rommel voulant à tout prix réduire une position qui menace dangereusement ses arrières. Averti par les Britanniques que la défense de la place n’était plus nécessaire, Koenig décide d’abandonner la position dans la nuit du 10 au 11 juin. La brigade parvient alors à forcer les lignes allemandes et à rejoindre les positions britanniques.

L’historiographie a largement célébré le courage et l’esprit combatif dont firent preuve les Français libres au cours de cette bataille qui eut un important retentissement chez les alliés et qui fut célébrée en ces termes par le général de Gaulle : « Le monde a reconnu la France quand, à Bir Hacheim, un rayon de gloire renaissante est venu caresser le front sanglant de ses soldats (135). » Si certaines critiques sont émises sur l’absence de discipline de ces combattants, elles trouvent leurs racines, selon Yves Gras, dans la propagande vichyste, qui valorise d’autant plus la discipline qu’elle justifie l’inaction dans laquelle sont maintenues les troupes restées fidèles au Maréchal, en particulier, en Égypte, des marins de la flotte de l’amiral Godefroy, bloquée à Alexandrie depuis Mers El-Kébir et l’opération « Catapult » du 3 juillet 1940.

« Ils [les Français libres] se soumettent en revanche à une discipline librement consentie dont les formes sont différentes et dont les critères concernent surtout l’efficacité au combat. Elle est une sorte de mélange de règles en usage dans l’armée française, la Marine nationale et les armées britanniques. Et elle est, nous dit le général Koenig, “diantrement plus respectée que certains ne tentent de le faire accroire”. […] En réalité, ce qui fait la force de la brigade [la 1re FFGB], c’est qu’elle ne rassemble que des volontaires (136). »

On a pu voir comment, à Londres, la prévôté des FFGB a pour souci constant de maintenir la discipline, réprimant sans faiblesse l’esprit rebelle d’une troupe de volontaires qui s’estiment parfois aussi libres de se comporter comme bon leur semble qu’ils l’ont été de s’engager au sein des FFL. De même, voyons-nous ici, à travers les archives de la prévôté, que le commandement attache la plus grande importance au respect de la discipline au sein des FFL. En témoigne aussi le message de satisfaction adressé par de Gaulle au général Koenig le 10 avril 1942 : « Tous les éléments du groupement d’Égypte se sont parfaitement présentés. Le courage saute aux yeux. La discipline est apparente. Il faut les deux à la fois (137). » L’un des enjeux majeurs de la discipline est d’assurer la cohérence au sein d’une troupe bigarrée qui, composée tant bien que mal à partir des faibles effectifs disponibles, doit, dès le début de l’année 1942, prendre une part active à la lutte contre les forces de l’Axe. La troupe qui participe à la bataille de Bir Hacheim est, pour Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « un condensé de ce que sont les Forces françaises libres(138) », c’est-à-dire une force extrêmement diverse. Celle-ci se compose : de Français échappés de France, regroupés au bataillon de fusiliers marins ; des deux bataillons de légion de la brigade, composés pour moitié de Français et de Belges, qui comptent également une forte minorité de républicains espagnols, mais aussi d’Allemands et d’Autrichiens antinazis (dont les enquêtes de la prévôté révèlent, on le verra, la situation inconfortable et complexe) ; du « Bataillon du Pacifique », commandé et formé à Nouméa par le colonel Broche (tombé à Bir Hacheim), qui rassemble les volontaires néocalédoniens, tahitiens et marquisiens, et qui, passé au Levant à l’été 1941, est intégré à la 1re FFGB. Enfin, des troupes coloniales, qui constituent le fer de lance des FFL puisqu’elles représentent plus de 60 % de l’ensemble des effectifs (soit plus de 30 000 coloniaux à compter du premier semestre de l’année 1943). Au sein de la « Force L », les troupes coloniales se composent essentiellement des 21e, 22e et 23e compagnies Nord-Africaine (CNA), formées des tirailleurs marocains, tunisiens et algériens de l’armée de Dentz, qui ont suivi le capitaine Lequesne dans son ralliement à la France Libre après la campagne de Syrie. Cette situation conduit ainsi Jean-François Muracciole à parler de « tour de Babel militaire (139) ».

Recruter des gendarmes

Pour la prévôté, le problème qui se pose de manière cruciale au Levant, comme en Angleterre, est celui du recrutement de son personnel. Car, traditionnellement, c’est aux gendarmes qu’est confiée la tâche de constituer des unités de police militaire. Ils sont en outre les seuls à avoir reçu la formation adéquate. Or, le nombre de gendarmes passés à la France Libre est extrêmement faible. Ce qu’explique très largement la nature même de l’Arme qui cultive un esprit de respect absolu de la loi et de la hiérarchie. Faire acte d’engagement individuel et passer à la Résistance pose à l’ensemble de l’institution ce paradoxe formulé par Jean-François Nativité : « Comment une structure qui assoit sa légitimité par un total légalisme peut-elle rejeter la notion d’ordre sans se renier elle-même (140) ? »

Les rares gendarmes ralliés à la France Libre immédiatement après la débâcle de 1940 sont restés en Angleterre, où ils formeront le noyau de la police militaire mise en place en Grande-Bretagne au début de l’année 1942. La prévôté des FFL ne pourra ainsi être formée au Levant qu’à l’été 1941, après la campagne de Syrie qui permet le ralliement de quelques-uns des gendarmes français présents dans ces territoires.

Depuis 1918 et l’octroi à la France des protectorats sur la Syrie et le Liban, une prévôté du Levant avait été constituée. Ses effectifs sont renforcés au début de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, quand s’ouvre la campagne de Syrie, la prévôté du Levant compte 331 hommes, commandés par le colonel Margalin. Ce dernier, qui fait le choix de rallier le général de Gaulle, est nommé à la tête de la nouvelle prévôté des FFL, créée le 22 août 1941 par le général Catroux, nommé dès le 24 juin « délégué général et plénipotentiaire et commandant en chef des troupes du Levant (141) ». En réalité, la prévôté des FFL s’inscrit dans la continuité de la prévôté du Levant. Cependant, ses effectifs fondent rapidement avec le rapatriement des troupes de Dentz, l’écrasante majorité des gendarmes faisant le choix de rester fidèles à Vichy. Au bout du compte, ce ne sont donc que 30 prévôtaux (3 officiers, 4 sous-officiers et 23 gendarmes) sur 331 qui passent à la France Libre. Une attitude qu’explique autant la culture de l’obéissance qui caractérise le corps, que le fait que les gendarmes ont participé, souvent directement, à la lutte contre les forces franco-anglaises au cours de violents affrontements : 1 066 tués et 5 400 blessés parmi les forces de Dentz ; les Britanniques ont perdu plus de 3 000 hommes (tués ou blessés), les Français libres 627 hommes (dont 156 tués). Et les gendarmes du Levant prennent une part active à ce combat fratricide, comme le rappelle Hélène Grandemange : « Au Levant, les gendarmes participent pleinement aux opérations militaires, soit parce qu’ils sont surpris par les combats et résistent aux côtés de la troupe, soit parce qu’ils se portent volontaires. […] D’autre part, au Levant, sans déroger à leur mission prévôtale, les gendarmes ont su s’affirmer en tant que combattants à part entière (142). »

Les quelques gendarmes qui, sous l’impulsion de chefs énergiques, décident de passer à la France Libre constituent le noyau de la nouvelle prévôté des FFL. Ils ne sont cependant pas assez nombreux pour, d’une part, assurer le contrôle des territoires du Levant – doublement menacés par les prétentions anglaises au Moyen-Orient, et par le nationalisme qui s’affirme au sein de ces états – et, d’autre part, constituer des détachements au sein des deux brigades françaises qui ne tarderont pas à passer en Afrique du Nord. Dès le 24 septembre 1941, trois jours avant le départ du dernier convoi vichyste, le colonel Margalin souligne l’urgence de « recruter un premier élément d’une soixantaine d’élèves-gendarmes dont on poussera la formation professionnelle de façon à les rendre utilisables dans un minimum de temps (143) ». Ces recrues sont destinées à suppléer et assister les gendarmes qualifiés. L’objectif à terme du colonel Margalin est d’atteindre un effectif théorique de 165 gradés et gendarmes, et de reconstituer ainsi la prévôté telle qu’elle existait avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, les effectifs des gendarmes n’augmentent que très lentement : le 30 septembre 1941, il n’a recruté qu’un seul capitaine… C’est pourquoi le prévôt demande l’affectation de 47 militaires incorporés dans les Forces françaises libres du Levant mais non au titre de la gendarmerie. Finalement, à la fin de l’année 1941, la prévôté a réussi à recruter un total de 33 élèves gendarmes, ce qui permet au colonel Margalin de pouvoir compter sur 53 gradés et gendarmes ou élèves-gendarmes, sur lesquels seront prélevés les hommes qui formeront les prévôtés des deux brigades françaises libres. Avant cela, les troupes FFL stationnées dans les grandes villes du Levant ne sont encore qu’imparfaitement encadrées par la prévôté : les gendarmes ne sont pas présents à Homs où sont pourtant stationnés les soldats de la 1re FFBG. Il faut attendre la fin de l’année 1941, et la décision du commandement d’engager la brigade aux côtés des Britanniques, pour qu’elle soit encadrée par son détachement de prévôté propre.

Vers la création de la prévôté de la 1re DFL

La prévôté de la Force L : une poignée de prévôtaux

La prévôté de la Force L est créée le 25 décembre 1941, avec le départ de cette troupe pour l’Égypte. Son commandement est confié à un gendarme expérimenté, l’adjudant Pierre Laplaud. Rallié aux FFL le 5 août 1941, celui-ci continue d’assurer son service à la prévôté des FFL avant d’être promu sous-lieutenant et nommé prévôt de la Force L. Sur les 7 gendarmes que compte alors la prévôté, 4 sont encore des élèves-gendarmes, qui sont passés de l’infanterie à la police militaire un mois ou deux seulement auparavant. Leur formation est, par conséquent, encore loin d’être achevée et se fera en grande partie « sur le tas ». Le prévôt ne peut ainsi compter sur l’aide que de deux gendarmes expérimentés, les maréchaux des logis chefs Alcide Pénasse, qui a appartenu à la prévôté du Levant avant de se rallier aux FFL en juillet 1941, et Lucien Walter. Ce gendarme, alors en service à Pondichéry, passe également à la France Libre en juillet, et débarque en septembre au Levant où il intègre aussitôt la prévôté.

Déjà confronté au manque d’expérience de la plupart des gendarmes qui composent sa prévôté, le sous-lieutenant Laplaud doit rapidement faire face à une pénurie d’hommes. Au mois de mars, ils ne sont plus que cinq prévôtaux : le prévôt, ses deux maréchaux des logis et les élèves-gendarmes François Garcia et Gustave Jabouin. Des deux autres élèves-gendarmes qui composaient la prévôté, l’un, Roger de la Gardelle, tombé malade, a été rapatrié sur le Levant par mesure sanitaire dès la fin du mois de janvier 1942, et ne pourra réintégrer la prévôté qu’en septembre 1942. L’autre, l’élève-gendarme Paul Pérénou, a été muté de la prévôté pour faute disciplinaire le 1er avril. De ce dernier, Laplaud disait, dans un rapport adressé au général Koenig le 25 mars 1942, que c’était un « élève-gendarme médiocre, ne pouvant remplir le devoir qui lui incombe. Sans attitude militaire, a une conduite déplorable avec une tenue extrêmement négligée. Se livre à la boisson et au jeu, allant de ce fait jusqu’à contracter des dettes(144). » Alors que le prévôt demande qu’une punition de huit jours de prison soit infligée à cet élève-gendarme indiscipliné, le sévère Koenig la fait porter à quinze jours et ordonne la mutation de l’intéressé.

Laplaud éprouve les plus grandes difficultés à étoffer ses maigres effectifs. En janvier déjà, il avait voulu s’adjoindre les services de deux militaires volontaires qui lui avaient adressé une demande pour s’engager dans la gendarmerie. Malheureusement, ils n’ont pas respecté la hiérarchie militaire en adressant leur demande directement au prévôt et non à leurs supérieurs. Ils sont donc punis de prison et voient leur demande rejetée. Laplaud, quant à lui, est sévèrement rappelé à l’ordre par le commandement dans une note qui témoigne un certain mépris, sinon pour les gendarmes, du moins pour les élèves-gendarmes, soupçonnés de vouloir intégrer l’Arme par paresse :

« Je [le lieutenant Fénaux] demande que l’attention du sous-lieutenant Laplaud soit attirée sur le fait qu’il ne doit pas accepter directement de demande sans l’avis du commandant de l’unité de l’intéressé. Cette façon de faire est contraire aux règlements et faciliterait trop les “tireurs au flanc” car il est inadmissible qu’en opération de guerre, des militaires demandent à entrer dans la gendarmerie, emploi qui nécessite un stage à l’arrière au moment où l’on demande d’eux tout leur dévouement (145). »

De mars à avril, le prévôt adresse plusieurs notes au général Koenig dans lesquelles il souligne les difficultés engendrées par la pénurie de gendarmes à laquelle il doit faire face. Le 13 avril 1942, il déclare que l’effectif de la prévôté est même « totalement insuffisant pour assurer le service courant (146) ». En mai, le prévôt recrute enfin un nouvel élève-gendarme, l’ancien légionnaire Charles Drollinger, alias Durand. Lors de son admission dans la gendarmerie, ce légionnaire d’origine allemande, naturalisé français en 1939 seulement, adresse une demande en vue de recouvrer son véritable nom. Demande qui, de toute évidence, lui est refusée puisqu’il conserve son pseudonyme à consonance française. Sans doute le commandement préfère-t-il éviter que les origines germaniques de ce militaire soient trop clairement identifiables, en particulier chez un gendarme chargé de faire régner l’ordre au sein de la troupe. Cependant, en l’absence de toute formation, Durand n’intègre pas la prévôté avant plusieurs mois. L’effectif de la prévôté de la Force L reste par conséquent bloqué à cinq gendarmes jusqu’au début du mois de novembre 1942, date à laquelle les deux brigades françaises sont finalement regroupées pour former les FFWD. Les prévôtés des deux brigades fusionnent alors en une « prévôté des FFWD » dont le commandement est confié, le mois suivant, au prévôt de la deuxième brigade, le sous-lieutenant Zickenheiner.

Le parcours du gendarme Zickenheiner et la mise en place de la prévôté de la 2e Brigade française indépendante

La prévôté de la deuxième brigade française indépendante est créée lors du départ de celle-ci pour l’Égypte en avril 1942. La distance qui sépare la première brigade de la deuxième, respectivement placée à l’extrémité sud (Bir Hacheim) et nord (à Bardia en Libye) du dispositif de défense britannique, contraint le commandement à affecter un détachement de prévôté à chacune des deux brigades. En l’absence d’officier, c’est un adjudant, le gendarme André Zickenheiner, qui en prend le commandement. Son parcours exceptionnel garantit néanmoins sa détermination et sa fidélité à la France Libre. Anciennement affecté à la prévôté du Levant, il commande la compagnie de chars de la gendarmerie stationnée à Damas qui participe à la défense de la ville, prise le 19 juin 1941 par les alliés. Le maréchal des logis chef Zickenheiner, fait prisonnier avec dix hommes de sa compagnie, en profite pour se rallier dès le lendemain à la France Libre, entraînant derrière lui une partie de ses hommes. Son ralliement précoce – il est le premier gendarme de la prévôté du Levant à rallier la France Libre – lui vaudra d’être fait chevalier de la légion d’honneur en 1945 et d’être qualifié « d’officier d’un allant et d’une énergie remarquables(147) ». Affecté à la prévôté des FFL, Zickenheiner prend rapidement du galon : un mois à peine après son ralliement, il est nommé adjudant. Son statut de prévôt de la deuxième brigade lui permet de passer officier à la fin du mois d’avril 1942, date à laquelle il est promu sous-lieutenant à titre définitif.

Les effectifs de la prévôté de la deuxième brigade sont également fixés à sept prévôtaux. Parmi eux, le prévôt ne peut compter que sur un seul gendarme expérimenté, le maréchal des logis chef Jean Uguen, affecté à la prévôté du Levant en juin 1939 et rallié aux FFL en septembre 1941. Le reste de la prévôté est donc composé de cinq élèves-gendarmes, qui ont pu néanmoins recevoir plusieurs mois de formation au Levant. Contrairement à la prévôté de la Force L, les effectifs se maintiennent jusqu’en septembre 1942, où ils sont même étoffés avec un renfort de deux gendarmes détachés de la prévôté des FFL au Levant. Sept gendarmes ne sont néanmoins pas de trop pour assurer le service prévôtal au sein d’une troupe qui certes est trop peu nombreuse pour prétendre au titre de « division » (comme l’aurait souhaité le commandement français) mais qui compte toutefois plus de 3 000 hommes. Le prévôt, qui ne peut par conséquent se permettre de voir diminuer l’effectif de sa prévôté, refuse la demande de mutation de l’élève-gendarme Marcel Le Hir en mai 1942. Ce dernier avait exprimé le souhait de réintégrer une unité combattante, de préférence de légion étrangère, à laquelle il avait appartenu depuis son ralliement précoce à la France Libre en 1940, et avec laquelle il avait participé à la campagne de d’Érythrée en 1941. Malgré la piètre estime dans laquelle Zickenheiner semble tenir cet élève-gendarme, il s’oppose à sa démission de la prévôté, et fait part de cette décision au général commandant la 2e BFI, le général Cazaud :

« Quoique beau parleur mais petit faiseur, l’élève-gendarme Le Hir peut rendre des services dans son emploi actuel. En conséquence, je ne peux qu’émettre un avis défavorable à la demande de cet élève-gendarme prétentieux et orgueilleux qui ne se plaît pas là où il ne peut agir à sa guise (148). »

De la prévôté des FFWD à la prévôté de la 1re DFL : un renforcement progressif du nombre de gendarmes

À compter du 14 juin 1942, la défaite de la 8e armée britannique face aux panzerdivisionnen de Rommel est consommée. Français et Britanniques entament alors une retraite laborieuse vers l’Égypte. Malgré les ordres de Churchill de tenir la ville, Tobrouk est prise par les forces de l’Axe le 20 juin. Le 22, Rommel atteint la frontière égyptienne où son offensive est finalement stoppée à partir du 1er juillet, lorsque s’engage la première bataille d’El Alamein. Les deux brigades françaises passées en Égypte se retrouvent, constate Yves Gras, « dans une situation pire que l’année précédente, lorsqu’elles étaient arrivées au Levant ». Tandis que la première brigade, stationnée près de Suez, est entièrement remaniée après les pertes qu’elle a subies à Bir Hacheim, la deuxième est chargée, dès le 18 juillet, de tenir une position défensive sur la route du Caire à Alexandrie. Le contexte est alors celui de fortes tensions entre FFL et Britanniques (jaloux du retentissement de Bir Hacheim, la seule victoire de la campagne), ces derniers se voyant reprocher leur manque d’empressement à rééquiper les unités françaises. De Gaulle, qui atterrit au Caire le 7 août, menace une nouvelle fois, dans un contexte de dégradation des relations avec le gouvernement anglais, d’engager ses troupes en Russie. La première brigade est néanmoins rapprochée du front à la fin du mois d’août, période durant laquelle elle prend position aux environs du Caire, qui devient alors le principal secteur d’opération des prévôtés des deux brigades jusqu’au mois d’octobre 1942 et au départ de la première brigade pour le front. Cette dernière participe à la dure bataille de l’Himeimat dans la nuit du 23 au 24 octobre, visant à faire diversion alors que les Britanniques engagent dans le même temps la Seconde bataille d’El Alamein qui marque le début du reflux des forces de l’Axe vers la Tunisie. Finalement, les deux brigades françaises, qui, faute de moyens de transport suffisant ne peuvent poursuivre l’offensive aux côtés des Britanniques, sont enfin regroupées près de Tobrouk à la fin du mois de novembre. Les deux prévôtés sont alors elles aussi regroupées et deviennent la prévôté des FFWD. Son commandement est confié le mois suivant au sous-lieutenant Zickenheiner, le lieutenant Laplaud ayant été muté sur le Levant, puis, très vite la prévôté change une nouvelle fois de nom pour devenir « la prévôté de la 1re DFL ».

Le 30 décembre 1942, suite à une demande de De Gaulle, le général Alexander, qui commande l’ensemble des forces britanniques engagées dans la guerre du désert, annonce à Larminat qu’il peut rassembler toutes les unités à sa disposition pour constituer une véritable division, la 1re DFL. Les deux brigades reçoivent le renfort de 8 000 hommes et 3 00 officiers venus de la côte française des Somalis, qui permet d’envisager la constitution d’une véritable division à trois brigades. La 1re DFL étant officiellement créée le 1er février 1943, la prévôté reçoit alors le renfort de trois nouveaux prévôtaux : en février, le gendarme Marcel Pietrzak ; en mars, le maréchal des logis chef Maurice Esclozas et le gendarme Louis Mazars. La prévôté compte dix-sept hommes au printemps 1943, au moment où la 1re DFL est engagée dans la campagne de Tunisie, lors de laquelle elle prend part à la bataille de Takrouna, la dernière de la campagne qui s’achève le 13 mai avec la reddition des dernières forces allemandes.

La totalité de l’Afrique du Nord repasse alors sous l’autorité des alliés. Dès lors, la prévôté peut étoffer considérablement ses effectifs grâce au recrutement de gendarmes français en service en Afrique du Nord. De mai à juin 1943, quatorze gendarmes intègrent donc la prévôté de la 1re DFL, doublant quasiment ses effectifs.

Imposer l’autorité de la prévôté

En Afrique comme en Grande-Bretagne, les prévôtés ne peuvent être mises en place que tardivement, au début de l’année 1942. La formation de ces unités ne précède donc pas, comme le voudrait la procédure, celle des unités combattantes. Au contraire, les prévôtés des deux brigades françaises libres viennent se greffer sur des corps certes largement remaniés et renforcés d’unités nouvelles depuis plusieurs mois, mais dont le gros des effectifs a déjà combattu ensemble depuis 1940. L’autorité de la prévôté ne s’impose donc pas d’elle-même. Et les gendarmes peinent, du moins dans les premiers temps, à se faire obéir de Français libres qui, pour beaucoup, n’ont pas eu affaire à eux pendant près de deux ans, et qui acceptent donc mal de se faire dicter leur conduite par les membres d’un corps largement associé à Vichy. Vichy qui a fait tirer sur les FFL lors de la campagne du Levant. Pour ces raisons, les prévôtaux doivent affronter une certaine hostilité de la part des Français libres, partagée (contrairement à ce qu’on a pu constater dans le cas de la prévôté de Grande-Bretagne) aussi bien par les simples hommes de troupe que par les officiers. Cette situation contraint même le général de Larminat à rappeler fermement à l’ordre l’ensemble de ses troupes en insistant sur l’importance du rôle de la prévôté aux armées :

« Le général de division commandant les FFWD [Larminat] a été avisé que de nombreux militaires faisaient des difficultés pour exhiber leurs pièces d’identité (pay-book, titres de permission, etc.) à la réquisition des gendarmes et de la Military Police. Certains ont même vis-à-vis de ceux-ci une attitude incorrecte.

Le rôle de la prévôté est très important pour la recherche des indésirables, déserteurs ou autres délinquants. Il importe donc que les militaires de tous grades obtempèrent aux ordres de réquisition des gendarmes français et des militaires de la British Military Police. Ceux-ci d’ailleurs ont reçu des consignes très strictes leur recommandant d’agir toujours avec correction ; leurs investigations ne doivent pas être considérées comme des tracasseries inutiles ; elles sont au contraire l’expression de la volonté du commandement dans le but de vérifier la correction de la tenue des troupes, la bonne marche du service et le respect de la discipline (149). »

Imposer l’autorité des prévôtaux s’avère être une tâche d’autant plus délicate que la plupart de ces derniers n’ont encore aucune expérience de gendarme, ce qui, on le verra, conduit nombre d’entre eux à des écarts de discipline. Les prévôtés doivent par conséquent se « gendarmer » d’abord elles-mêmes avant de pouvoir assurer efficacement leur service au sein des FFL.

Des gendarmes insuffisamment formés ?

Lorsque sont mises en place les prévôtés des deux brigades françaises libres dans les premiers mois de l’année 1942, les élèves-gendarmes représentent près de 60 % de l’effectif. Bien qu’ils aient tous reçu une formation minimale avant leur départ vers le front, leur apprentissage est loin d’être terminé. L’exercice du métier de gendarme requiert en effet une longue formation, en particulier dans le cadre des unités prévôtales dont les membres ont le statut d’officier de police judiciaire et doivent, par conséquent, maîtriser le Code de justice militaire.

Dans le cas des élèves-gendarmes des prévôtés FFL, la formation se fait néanmoins en grande partie « sur le tas », dans l’exercice même de leurs fonctions, en suivant l’exemple donné par les quelques gendarmes plus expérimentés. Ainsi, à la fin de l’année 1942, le gendarme Le Hir s’adresse au maréchal des logis chef Jean Louis Uguen, son supérieur hiérarchique, pour lui demander de lui « envoyer, si cela est possible, des copies et modèles de différents P.-V. (150) ». Bien qu’entré dans la gendarmerie depuis près d’un an et demi, Le Hir ne semble pas encore maîtriser suffisamment l’art de la rédaction des procès-verbaux. Les P.-V. rédigés par son chef lui serviront donc de modèles. En outre, l’absence de manuels d’instruction est gravement préjudiciable au service. Pour pallier ce manque, le colonel Margalin adresse aux gendarmes des deux prévôtés, en juillet 1942, une liste qu’il a lui-même dressée des délits réprimés par le Code de justice militaire, sorte de guide pratique à l’usage des apprentis prévôtaux. Il accompagne cet envoi de la recommandation suivante : « Cette nomenclature est très utile pour la gendarmerie et particulièrement pour assurer le service prévôtal. Elle supplée dans une certaine mesure à la pénurie des règlements. Il y a intérêt à ce que chaque gradé et gendarme ait une copie de ce document qui servira à son instruction personnelle et pour le renseigner à l’occasion sur le service (151). »

L’inexpérience des gendarmes conduit nombre d’entre eux à commettre des écarts au règlement. On a même parfois l’impression qu’une relative indiscipline règne dans les rangs de la prévôté, en particulier dans les premiers mois de sa projection dans le désert africain. Ainsi, au début du mois de mai 1942, le prévôt de la Force L, le sous-lieutenant Laplaud, qui vient d’infliger deux jours d’arrêts simples à l’un de ses subordonnés qui « s’est permis de demander au chef d’état-major si sa présence était nécessaire là où on l’avait placé », rappelle à cette occasion durement ses hommes à l’ordre : « J’interdis d’une façon formelle à ce que l’on s’adresse directement à un officier de l’état-major pour une question de service. […] Bien que nous soyons en campagne, il y a un minimum de correction, de discipline à observer (152). »

La police militaire des deux brigades françaises libres souffre ainsi longtemps du manque d’instruction des prévôtaux. Même après que les élèves-gendarmes ont prêté serment devant le tribunal militaire et ont été officiellement titularisés gendarmes, cela ne signifie pas pour autant qu’ils ont acquis l’expérience nécessaire pour en faire des gendarmes accomplis et que leur formation a été achevée. Celle-ci se prolonge en réalité au-delà même de l’année 1942 et pendant toute la durée des opérations de combat en Afrique du Nord.

Des gendarmes indisciplinés ?

La discipline, que les gendarmes sont pourtant chargés de maintenir au sein de la troupe, n’est longtemps pas garantie dans les rangs de la prévôté elle-même. Le commandement doit rappeler les gendarmes à l’ordre à plusieurs reprises, voire leur infliger des sanctions. C’est notamment le cas pour le gendarme Le Hir qui, le 13 septembre 1942, est puni par le général Koenig de 25 jours d’arrêts de rigueur. À deux reprises, Le Hir a quitté le cantonnement sans en demander au préalable l’autorisation et sans tenir compte des avertissements qui lui avaient pourtant été donnés. Koenig menace en outre ce gendarme de cassation en cas de récidive. On pourrait juger la menace sévère au regard du caractère bénin de l’infraction, mais le commandement ne peut pas accepter que les gendarmes donnent un mauvais exemple.

L’Arme, « élite de l’armée », a en effet une fonction de représentation auprès de la troupe, et se doit d’incarner une forme d’exemplarité. Or, déjà mise à mal lors de la Première Guerre mondiale, l’image de la gendarmerie prévôtale (en réalité de la gendarmerie dans son ensemble) reçoit à nouveau un coup très dur dans l’esprit des Français libres qui associent, pour beaucoup d’entre eux, l’Arme à l’obéissance criminelle et à Vichy. À l’image répandue du « cogne » et du planqué (la Première Guerre mondiale voit naître l’expression : « le front commence au dernier gendarme »(153)) se superpose celle du « vichyste », incarnation d’un ordre construit sur la soumission à l’ennemi et contre lequel, précisément, de Gaulle a appelé à s’engager. Un sentiment que peuvent partager aussi bien les hommes de troupe que les officiers. Les gendarmes semblent d’ailleurs avoir largement conscience de la situation délicate dans laquelle ils se trouvent. C’est pourquoi ils cherchent à éviter à tout prix les scandales, quitte à couvrir des actes extrêmement répréhensibles, voire criminels, commis par certains prévôtaux.

Ainsi, en octobre 1942, à l’occasion d’une enquête interne menée sur la disparition d’un mousqueton appartenant à la prévôté, plusieurs accusations graves sont portées à l’encontre du gendarme François Garcia, à qui avait été confié le mousqueton. Ce gendarme est accusé par un détenu de la prison prévôtale, René Jost, d’avoir remis l’arme à un civil au cours de la retraite des forces alliées de la Libye vers l’Égypte au mois de juin 1942. Si le gendarme Garcia nie formellement les faits et si son supérieur, le maréchal des logis chef Lucien Walter, reconnaît que le détenu qui porte ces accusations contre Garcia est « connu comme un fieffé menteur », l’audition de Walter met au jour l’incorrection et l’indiscipline manifestes du gendarme Garcia :

« Le gendarme Garcia […] est indiscipliné et d’un caractère sournois. […] J’ai appris que le gendarme Garcia s’est vanté devant ses camarades Jabouin et Durand d’avoir cassé les ressorts [du camion de la prévôté] exprès pour se venger d’une observation de ma part sur la conduite du camion de la prévôté dont il était conducteur. Il est exact que j’ai été avisé par le détenu Jost que le gendarme Garcia lui avait donné l’ordre d’inverser les fils des bougies du camion de la prévôté pour empêcher le fonctionnement du moteur. »

Malgré ses fortes présomptions, Walter ne donne, sur le moment, aucune suite à ces accusations. Il justifie son attentisme par la nécessité de garantir le prestige de l’Arme au sein de la troupe :

« C’est uniquement pour le prestige de l’Arme de la gendarmerie, pour éviter la comparution d’un gendarme devant le tribunal militaire, que je n’ai pas porté ces divers faits à la connaissance de l’état-major (154). »

Il est intéressant de noter que la comparution d’un gendarme devant le tribunal militaire risquait d’être connue avant tout du commandement et des officiers supérieurs. Ainsi le prestige de l’Arme semble loin d’être garanti même au niveau de la hiérarchie.

Un manque de motivation ?

Compte tenu de cette situation qui conduit les chefs à adresser de vifs reproches à leurs subordonnés et les contraint à leur infliger de récurrentes punitions, on peut s’interroger sur l’état du moral de certains, leur motivation et leur conscience professionnelle.

Le fait que la majorité des prévôtaux sont des élèves-gendarmes recrutés à grand-peine au sein des FFL signifie que l’entrée dans la gendarmerie résulte moins de la volonté d’intégrer l’Arme que d’une volonté plus profonde de participer, d’une manière ou d’une autre, à la lutte contre les ennemis de la France. Aussi, apprendre et exercer correctement le métier de gendarme n’est pas le plus souvent pour eux la préoccupation première. On peut supposer également que leur intégration à la gendarmerie a été motivée par la campagne de recrutement en faveur de l’Arme ainsi que par l’attrait que représente l’accès immédiat au statut et à la solde de sous-officier (le statut de sous-officier a en effet été accordé aux gendarmes détachés aux unités prévôtales depuis la fin de la Première Guerre mondiale(155)). Dans l’esprit de certains élèves-gendarmes, il semble par conséquent que la gendarmerie soit, dans les premiers temps, davantage perçue comme une unité d’infanterie parmi d’autres que comme ce qu’elle est en réalité : une arme à part, instrument de police et de surveillance de la troupe au service du commandement, qui doit pouvoir compter sur une discipline sans faille et un réel professionnalisme de la part des gendarmes.

À ce titre, le rapport dressé le 25 décembre 1942 par le maréchal des logis chef Jean Uguen sur le gendarme Delean est révélateur. Uguen fait en effet part au commandement de l’incorrection de son subordonné, affecté à la prévôté des FFWD en septembre, auquel il a infligé quatre jours d’arrêts de rigueur. Le 24 décembre, le gendarme Delean avait quitté son poste à la prison prévôtale pour se rendre à la ville d’Héliopolis, sans en demander l’autorisation. Rentré prendre son poste avec une demi-heure de retard, à minuit et demi, il est ivre et ne peut assurer la garde. Il fait alors un scandale à la prison prévôtale et s’écrie : « C’est Noël après tout ! » Allant jusqu’à menacer de « casser la gueule » du maréchal des logis chef Uguen, il déclare : « Je suis gendarme par hasard. » Delean n’a, en effet, été titularisé gendarme que quelques mois auparavant, en août, alors que la campagne de recrutement bat son plein, afin de compléter les bien trop maigres effectifs de la prévôté des FFL. En service au Levant, il a été muté en Égypte, non à sa demande, mais parce que ses supérieurs voulaient l’éloigner de la Syrie où il a contracté des dettes. Mis au courant des faits, le sous-lieutenant Laplaud demande alors le renvoi de Delean, qu’il ne ménage pas dans le rapport qu’il adresse à l’état-major : « Ce militaire a un esprit déplorable. Son caractère est incorrigible. De conduite et de moralité douteuses, il est indigne de servir dans la gendarmerie(156). » Cependant, en dépit des critiques violentes de ses chefs, et malgré son manque manifeste de considération pour son état de gendarme qu’il attribue au « hasard », Delean est maintenu à son poste à la prévôté, car les gendarmes font toujours autant défaut aussi bien au Levant qu’en Afrique du Nord.

Ce sentiment de ne pas appartenir pleinement à la gendarmerie n’est pas une exception au sein de la prévôté puisque, à la même période, le gendarme Le Hir, l’exprime clairement dans une lettre qu’il adresse à son chef, Jean-Louis Uguen, auquel il rend compte de son travail :

« Tout va bien. Quant à mon travail, si quelque chose “cloche” n’hésitez pas à m’envoyer une semonce. Je sais très bien que je ne suis pas encore un “gendarme”. Je peux me tromper.

J’aime mon métier plus que vous ne le croyez et peut-être qu’un jour vous serez surpris. Croyez bien, chef, que plus je vais en avant, plus je m’aperçois qu’il faut un temps long pour devenir vraiment un gendarme ! Je crois être parti du bon pied ! »

Un aveu étonnant de la part d’un militaire entré dans la gendarmerie depuis près d’un an et demi, et qui témoigne du caractère improvisé de l’engagement de Le Hir et des lacunes de sa formation, qu’il juge lui-même encore largement insuffisante alors même qu’il est titularisé gendarme depuis plus de quatre mois. On note cependant son intérêt naissant pour le métier. Un sentiment qui n’est pas anodin chez ce militaire qui, six mois auparavant, avait adressé au commandement une demande suppliante en vue de réintégrer la légion étrangère et qui comparait son service de gendarme à un « purgatoire ».

Il semble donc que les élèves-gendarmes de la prévôté ressentent longtemps un malaise lié, non seulement à l’insuffisance de leur instruction, mais également à une certaine déception vis-à-vis de l’exercice réel du métier de gendarme et des contraintes qu’il suppose. Il faut cependant relativiser l’ampleur d’une telle déception et sa durée, la lettre de Le Hir témoignant de l’adaptation progressive des élèves-gendarmes à leur état. À partir de 1943, les reproches adressés par la hiérarchie s’estompent en effet.

CHAPITRE VI - « MAINTENIR L’ORDRE SOUS LE FEU », LES GENDARMES EN SERVICE EN AFRIQUE DE 1942 À 1943

« Deux à trois cents hommes de cavalerie
de plus ou de moins ne sont rien.

Deux cents gendarmes de plus assurent la tranquillité
de l’armée et le bon ordre.(157) »
Napoléon au maréchal Berthier


Au printemps 1941, l’Afrikakorps se déploie en Libye et engage le combat contre les forces britanniques qui l’occupent. C’est la véritable amorce de la guerre du désert qui s’achèvera en juin 1943 avec la reddition des dernières troupes allemandes repliées en Tunisie. Dès février 1941, Rommel atterrit à Tripoli avec les premiers renforts allemands, qui viennent au secours des Italiens en Libye, fortement mis en difficulté par les assauts anglais à l’est et subissant les raids de la colonne Leclerc au sud. La guerre du désert s’engage. Durant les premiers jours d’avril, la 5e Leichte Division (division légère) de Rommel passe à l’offensive aux côtés de trois divisions italiennes. Ils forcent les Britanniques à évacuer Benghazi, puis à se replier sur Tobrouk. Rommel met le siège à la ville avec le renfort de la 15e Panzerdivision qui est lancée dans la bataille à la fin du mois. Le front se stabilise jusqu’en novembre 1941, date à laquelle Rommel reçoit également le renfort de la 21e Panzerdivision. Les Britanniques lancent alors, le 18 novembre, la coûteuse opération Crusader, destinée à lever le siège de Tobrouk. Ils perdent près de 800 chars, dont plus de 100 dans la seule journée du 21 au cours de la bataille de Sidi Rezegh, contre moins de la moitié du côté de l’Axe. Cependant, les Allemands et les Italiens qui, contrairement aux Britanniques, ne disposent d’aucune réserve, sont contraints, bien que victorieux, de se replier à partir du 16 décembre, et de laisser les Britanniques réoccuper Benghazi le 25. Un mois plus tard, l’Axe reprend l’offensive et la ville de Benghazi. Le front se stabilise une nouvelle fois suivant une ligne qui va de Gazala à Bir Hacheim. Fin mai 1942, Rommel réalise une percée qui contraint les Franco-britanniques à se replier en Égypte et à abandonner Tobrouk. Cependant, malgré plusieurs offensives au cours de l’été, Rommel ne parvient plus à faire reculer les Britanniques. En octobre, le général Montgomery reprend l’offensive à El Alamein. Début novembre, à bout de force et de matériel, Rommel décide, contre les ordres formels du Führer, de battre en retraite. Une retraite qui conduit les forces italo-allemandes à abandonner Tobrouk (le 12 novembre 1942), puis l’ensemble de la Libye, pour se replier (le 22 janvier 1943) derrière leur ultime ligne de défense en Tunisie : la ligne Mareth, où ils sont pris en tenaille entre la 8e armée britannique à l’est, et les alliés américains, britanniques et français qui, à partir de la fin de l’année 1942, attaquent à l’ouest depuis l’Algérie.

Dès lors, il s’agit pour la prévôté d’assurer l’ordre et le bon déroulement des opérations dans un contexte particulièrement difficile, la guerre du désert : affronter de violentes tempêtes de sable et un ennemi qui peut surgir de nulle part, mener des combats sur des distances considérables. Le mouvement, et donc les moyens de transport et la qualité du matériel, jouent ainsi un rôle capital. Le témoignage de l’officier du 1er RA, Jean-Mathieu Boris, rappelle combien le désert met constamment à rude épreuve les Français libres en position à Bir Hacheim :

« Nous sommes régulièrement victimes de phénomènes naturels propres à la région, notamment le vent de sable. On voit, au loin, un mur rougeâtre qui se rapproche peu à peu. Quand il arrive sur nous, l’obscurité devient quasi totale. Impossible de se déplacer, il faut attendre. Le sable pénètre partout, nez, oreilles, mécanisme des véhicules, notamment les delcos et les vis platinées qu’il faut ensuite nettoyer. Toute nourriture qui n’est pas dans les boîtes de conserve est immangeable. De plus, certains jours, entre 5 heures et 9 heures, un épais brouillard persiste, rendant nécessaire l’emploi d’une boussole pour tout déplacement (158). »

L’autre caractéristique principale de la guerre que mènent les FFL dans les sables d’Afrique est l’alternance de phases de mouvements intenses et de périodes beaucoup plus statiques, où l’attente et l’ennui constituent de redoutables ennemis.

Les gendarmes dans la guerre du désert

Les gendarmes suivent les déplacements des troupes au cours des opérations de guerre. Dans le cadre de la participation des FFL à la guerre du désert, les prévôtaux sont donc eux aussi contraints de rester parfois statiques durant de longues périodes, notamment lorsqu’il s’agit d’attendre l’attaque ennemie en se fortifiant derrière des lignes de défense constituées de vastes champs de mine : de janvier à juin 1942, par exemple, lorsque la première brigade française libre s’enterre à Bir Hacheim. De septembre 1943 à mars 1944, l’absence de missions mais aussi la méfiance des giraudistes et des Américains envers la 1re DFL, à la réputation par trop gaulliste, tiennent les FFL, cantonnés à Nabeul (Tunisie), éloignés des champs de bataille. Ils doivent alors se résigner à une attente que les privations rendent particulièrement frustrante. Durant ces périodes d’immobilisme, la prévôté, nous le verrons, est particulièrement sollicitée. Mais avant d’étudier ses missions en matière de police judiciaire, nous décrirons les moyens dont elle dispose pour mener à bien ses actions et les difficultés auxquelles elle doit faire face au cours des opérations de guerre, puis nous nous interrogerons sur la participation effective des gendarmes aux combats.

Des prévôtés handicapées par un manque de matériel automobile

Les moyens de transport sont un enjeu capital dans la guerre moderne, et en particulier dans la guerre du désert. Le commandement français l’a bien compris lorsqu’il s’est agi d’équiper les deux brigades françaises avant leur départ pour la Libye. D’autant que les officiers généraux ont tiré les leçons de la défaite de 1940. Le trop grand éparpillement des chars et de l’armement lourd, qui cantonnait l’armée française dans une attitude statique, a bien été identifié comme la cause du désastre. Par conséquent, les FFL, équipées d’un armement puissant, sont organisées de telle façon que leurs unités puissent combattre dans toutes les directions, au mépris des notions, désormais dépassées, de front continu, d’avant et d’arrière. L’impératif est d’autant plus grand dans le désert que les distances à parcourir sont considérables et que la vitesse est un enjeu crucial, le désert n’offrant quasiment pas d’obstacles à la circulation des véhicules motorisés qui peuvent y manœuvrer comme des escadres sur la mer. Or, les véhicules automobiles font souvent cruellement défaut aux gendarmes de la prévôté, à tel point qu’elle se retrouve assez régulièrement dans l’impossibilité de mener à bien certaines de ses missions. Dès le 8 avril 1942, le prévôt de la Force L écrit à son commandant, le général de Larminat :

« Je n’ai plus aucun moyen de transport pour me déplacer pour le service si je suis appelé ou bien pour permettre à mon personnel de se rendre sur les différents points occupés par la Force L […]. Je me trouve dans l’impossibilité absolue d’assurer ou de faire assurer mon service assez chargé actuellement qui nécessite de très fréquents déplacements(159). »

La situation s’aggrave avec la retraite sur l’Égypte, dans la deuxième partie du mois de juin 1942, au cours de laquelle les deux brigades perdent une grande partie de leur parc automobile. Ainsi, le 12 juillet, la prévôté de la deuxième brigade se retrouve immobilisée avec ses prisonniers et le prévôt signale au commandement qu’un « camion serait nécessaire pour le transport de l’unité prévôtale et des détenus au nombre de 22 » (160). Lors de leur retour en Égypte, en juillet, les prévôtés ne disposent alors, en tout et pour tout, que de deux véhicules. Ce qui va rapidement poser de nombreux problèmes, notamment à partir de la reprise de l’offensive alliée, avec la seconde bataille d’El Alamein, qui débute à la fin du mois octobre. Les lignes de communication s’étirent et la prévôté doit assurer une présence non seulement auprès des deux brigades, qui se retrouvent à nouveau séparées, mais également au camp de Ména (aux environs du Caire), où a été aménagée la prison prévôtale, et en divers points stratégiques sur les voies de communication. Ainsi, du poste prévôtal dont il assure le commandement, le gendarme Le Hir, qui vient d’être promu maréchal des logis, fait part, le 8 décembre 1942, à son supérieur, le gardien chef de la prison prévôtale, de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de délivrer des contraintes par corps aux militaires appartenant au régiment de spahis marocains, une unité située à 50 km, « faute de moyen de transport » (161). En outre, plusieurs demandes sont faites en vain pour obtenir l’affectation d’un chauffeur, qui aurait la charge de conduire mais aussi de surveiller les véhicules. Ainsi, l’absence de chauffeur et la faiblesse des effectifs de la prévôté contraignent les gendarmes à laisser leur véhicule sans surveillance, contrairement aux ordres exprès du commandement, en particulier lors des missions nombreuses qu’ils accomplissent dans la ville du Caire, de juillet à octobre 1942, période durant laquelle deux brigades françaises sont stationnées à proximité de la capitale égyptienne. En septembre, le prévôt doit prendre la défense de deux gendarmes de la 2e BFI, Schmitt et Saykali, menacés d’une sanction par l’état-major pour avoir laissé la camionnette de la prévôté garée sans surveillance. Il souligne notamment ceci :

« Aucun chauffeur n’étant affecté à la prévôté, il n’est pas possible, vu l’effectif réduit, d’envoyer trois prévôtaux en service, un pour garder le véhicule et deux pour opérer. Par précaution, à chaque arrêt, le gendarme conducteur retire la clef du contact.(162) »

Une prison prévôtale surencombrée et sous-équipée

Durant la guerre du désert, la garde des prisonniers a longtemps été difficile à assurer par les prévôtés des deux brigades françaises, qui ne disposent pas de prison prévôtale fixe pendant des mois. Ainsi, peu après l’installation de la première brigade au camp de Bir Hacheim, au début de l’année 1942, le sous-lieutenant Laplaud adresse au général de Larminat un rapport dans lequel on apprend qu’« actuellement la prévôté [doit] assurer sans aucun moyen de sécurité la surveillance d’un condamné à cinq ans de détention et [d’un] légionnaire.(163) » Dans ce rapport, le prévôt signale également qu’il ne dispose pas non plus de véhicule cellulaire pour le transport des détenus.

À partir de l’été 1942 et suite au repli des troupes alliées sur l’Égypte, une prison prévôtale commune aux prévôtés des deux brigades est créée au camp de Ména, près du Caire, dans un ancien camp de prisonniers italiens. Elle allège le service des gendarmes et garantit une meilleure sécurité. Le maréchal des logis chef Jean Uguen, gendarme confirmé, en est nommé le gardien chef, « en raison de l’importance de cet établissement et à défaut de gendarme confirmé dans cet emploi »(164). La structure de la prison est cependant sommaire, puisqu’il s’agit d’un camp fait de tentes et entouré de barbelés. Les évasions en sont donc relativement aisées. Ainsi, le 2 août 1942, les gendarmes constatent que le détenu Kahlil Dib Adib a pu s’enfuir après s’être « livré un passage à travers le fil de fer barbelé formant l’enceinte du camp, probablement à l’aide d’une pince universelle » (165). Le 18 novembre 1942 a lieu la plus grosse évasion de l’année, celle de cinq détenus en même temps qui ont coupé les barbelés en face de la tente où ils étaient gardés. Le 3 décembre, deux autres, qui seront néanmoins découverts au Caire quelques jours après, s’évadent de la même manière. Les évasions ou tentatives les plus nombreuses ont lieu au cours des visites médicales à l’hôpital. Le cas de l’artilleur Shadock Daoudi témoigne de la très grande facilité avec laquelle il est possible d’échapper à la surveillance des gendarmes : « Une fois les soins terminés, je suis revenu à la salle d’attente et, n’ayant pas remarqué la présence de l’infirmier […] je me suis dirigé vers la porte. Je l’ai ouverte et, trouvant le couloir désert, le gendarme étant appelé à d’autres occupations pour les besoins du service, j’ai profité de l’occasion et pris la fuite (166). »

Afin de remédier à cette situation, le gardien chef de la prison adresse, dès le 24 septembre 1942, une demande au général de Larminat afin qu’un médecin soit spécialement désigné pour effectuer une visite journalière à la prison, limitant ainsi les sorties et donc des évasions dont le nombre total pour l’année 1942 est de treize.

À la prison de Ména, bien plus que les évasions, c’est l’encombrement qui pose de graves problèmes. En septembre, on compte déjà une centaine de détenus. Deux mois plus tard, l’encombrement est tel que le gardien fait part au commandement de l’obligation dans laquelle il est de devoir refuser de nouvelles incarcérations : « Il ne m’est plus possible de recevoir, dans les conditions actuelles, les préventionnaires qui me sont remis journellement […]. Ces préventionnaires arrivent démunis de couvertures, gamelles, etc., matériel qui leur est strictement nécessaire pendant leur séjour à la prison (167). »

Limitée dans ses capacités d’accueil par le manque de matériel disponible, la prison prévôtale se trouve d’autant plus vite surencombrée qu’à la fin de l’année 1942 elle ne dispose plus de véhicule permettant de transférer les prisonniers vers d’autres lieux de détention, la prévôté des FFWD comptant alors, en tout et pour tout, trois véhicules : un camion servant au ravitaillement de la prison prévôtale, et deux camionnettes affectées aux détachements des première et deuxième brigades.

Avec la reprise des hostilités et le départ des deux brigades françaises pour la Libye puis la Tunisie, la prévôté quitte le camp de Ména. Mais celui-ci est réinvesti par les gendarmes à l’été 1943 : un poste prévôtal est installé et la prison remise en service. Ce poste est placé sous le commandement du maréchal des logis chef Lucien Walter, gendarme expérimenté et l’un des premiers gendarmes ralliés à la France Libre. Il est nommé gardien-chef de la nouvelle prison prévôtale et dispose de quatre gendarmes placés sous ses ordres. Il s’agit essentiellement pour eux d’exercer la surveillance de la ville du Caire où de nombreux déserteurs des FFL viennent trouver refuge.

En ce qui concerne la prison, les mêmes problèmes se posent à nouveau en matière d’équipement : manque de matériel automobile pour assurer le service et le ravitaillement, caractère sommaire d’une prison faite de tentes et de barbelés rendant les évasions par trop faciles. D’autant que l’effectif réduit du poste prévôtal (5 gendarmes en tout et pour tout), contraint le gardien-chef de la prison à confier la surveillance des détenus à des militaires français en transit au camp de Ména, dont le chef Walter n’aura de cesse de blâmer l’indiscipline et qu’il décrit en ces termes dans un rapport qu’il dresse à la suite de l’évasion de quatre détenus : « Les hommes de garde du poste de police fournis par le camp de Ména […], généralement des Libanais, Syriens, Arméniens et autres, n’ont la plupart du temps de soldat que le nom et l’on ne peut placer en eux aucune confiance (168). »

Le jugement du gardien-chef de la prison prévôtale n’est pas infondé, car, comme le rappelle Éric Jennings, la valeur combative de nombreux Français libres, en particulier celle de certaines recrues indigènes, est loin d’être toujours garantie. Confronté à un manque d’hommes, le commandement FFL n’a pas toujours été « très regardant quant à la qualité de ses recrues(169) ».

La police des camps et du front

En tant qu’auxiliaire du commandement du maintien de la discipline générale, la prévôté n’est pas censée participer directement aux combats. Pour autant, les gendarmes accompagnent les troupes sur les champs de bataille.

Une de leurs missions importantes consiste à contrôler la circulation des véhicules automobiles. La guerre du désert nécessite en effet le recours à un grand nombre de ces véhicules afin de ravitailler les troupes, de permettre leur transport et d’assurer la liaison entre les unités sur des fronts extrêmement étendus. Il faut notamment éviter l’encombrement des voies de circulation, qui non seulement ralentit les communications mais entraîne des accidents de la route très préjudiciables aux FFL, lesquels ne disposent, eux, que d’un nombre réduit de véhicules motorisés, en particulier de camions obtenus à grand-peine auprès de leurs alliés britanniques.

Une autre mission importante des prévôtaux est le contrôle des identités et des ordres de mission des militaires français à l’entrée et à la sortie des camps, ainsi que dans les grandes villes. Cette tâche devient particulièrement délicate lorsque la première brigade prend position à Bir Hacheim. Deux postes de garde sont alors établis aux deux entrées du camp et occupent à plein-temps deux gendarmes sur les sept que compte la prévôté, qui passera bientôt à cinq hommes seulement.

Après l’offensive de Rommel de juin 1942 et à la chute de Bir Hacheim, le 11 juin, puis de Tobrouk, le 22, les alliés franco-britanniques se replient précipitamment sur l’Égypte. Dans ce contexte très délicat, les prévôtaux sont chargés, d’une part, d’orienter les convois de véhicules français qui encombrent les routes, d’autre part, de refouler vers les camps militaires égyptiens les militaires français qui battent en retraite. Les prévôtaux sont aussi chargés de s’assurer que les Français libres, qui sortent d’une rude campagne, ne quittent pas sans autorisation leur cantonnement pour aller se divertir en gagnant les grandes villes, en particulier Le Caire.

Un ensemble de missions pour lequel les gendarmes, encore peu expérimentés pour la plupart, éprouvent les plus grandes difficultés. Le 6 juillet 1942, le général de brigade Koenig, commandant la 1re brigade, doit ainsi rappeler sévèrement à l’ordre les prévôtaux chargés de contrôler les entrées et les sorties du camp d’Hélouan (le principal camp FFL installé le long de la route qui mène du Caire à Suez en passant par Héliopolis). Il les accuse de ne pas effectuer correctement leur travail, qui consiste à interdire aux militaires de sortir sans autorisation, empêcher qu’une circulation trop intense encombre les routes et éviter que les véhicules automobiles de l’armée (voitures et motos) soient utilisés librement par les militaires. Or, dans la nuit du 5 au 6 juillet, le camp se trouve encombré par un défilé ininterrompu de militaires et de véhicules. Le lendemain, le général n’a pas de mots assez durs pour la prévôté et il menace même de lui retirer sa mission de contrôle de la circulation, une de ses prérogatives essentielles :

« La prévôté doit faire son métier de contrôle d’une manière sérieuse, c’est-à-dire tout à fait différente de celle pratiquée jusqu’alors (le prévôt viendra me voir). Si ce service ne fonctionne pas il sera commandé à bref délai par un officier (170). »

L’armement des gendarmes est léger (bien que plus étoffé que celui de la prévôté de Grande-Bretagne dont le nombre d’armes de poing restera inférieur au nombre de prévôtaux !) À son départ pour l’Afrique du Nord, la prévôté de la 2e BFI dispose d’un mousqueton et d’un pistolet par gendarme. Un armement qui de toute évidence n’est pas destiné au combat étant donné la quantité des munitions : 60 cartouches par mousqueton et 27 par pistolet. En outre, les gendarmes ne disposent pas d’armement lourd, contrairement à la prévôté du Levant qui avait constitué trois pelotons de chars pour participer aux combats lors de la campagne fratricide de l’été 1941.

Si aucun gendarme des prévôtés FFL ne décède au cours des opérations de guerre en Afrique du Nord, l’un d’entre eux est néanmoins grièvement blessé par un mitraillage allemand au cours de la retraite vers El Alamein, en juin 1942. Il est vrai que les prévôtaux sont moins exposés que le reste des unités qui composent l’armée de Terre, car ses missions requièrent leur présence plutôt sur les arrières (quoique cette notion devienne souvent très relative dans le cadre de la guerre du désert) ou, à tout le moins, à proximité de l’état-major et de la prison prévôtale, qui ne sont pas au contact direct de l’ennemi. Il faut rappeler que, si les pertes ont été relativement élevées parmi les Français libres, elles l’ont été de façon très inégales dans le temps et selon les armes et les grades. Ainsi, sur les 3 200 Français libres tués au combat, l’armée de Terre est certes durement touchée avec le plus grand nombre de morts (1 385), mais la marine, avec un nombre très légèrement inférieur (1 340 avec la marine marchande), compte moitié moins de combattants que la première. Une proportion plus grande encore existe chez les aviateurs, avec environ 500 tués pour 3 700 hommes en activité. Proportionnellement donc, c’est dans l’armée de Terre que le nombre de tués est le plus faible. Néanmoins, la 1re DFL (près de 40 % des morts à elle seule) a été beaucoup plus touchée que, par la suite, la 2e DB. Cela tient au fait que jusqu’à 1944, la colonne Leclerc, puis la Force L(171), ont déploré des pertes dérisoires, alors que la 1re DFL a été sérieusement étrillée dès 1941, en Érythrée, au Levant, en Libye et en Italie. Il faut néanmoins noter que la phase « africaine » de la guerre fut relativement peu coûteuse en vies humaines(172). Seules la campagne de Syrie et, surtout, la bataille de Bir Hacheim provoquent des pertes lourdes. Ainsi sur les 3 600 morts que compte la 1re DFL à la fin de la guerre, un tiers d’entre eux seulement ont succombé entre 1940 et 1943, avant l’engagement de la division sur les fronts européens(173).

Par ailleurs, l’absence de décès de prévôtaux au front peut être mise en rapport avec l’expérience des gendarmes mobilisés en 1914-1918. Bien que les effectifs des prévôtés soient incomparablement plus élevés dans ce second cas, les pertes de ses membres au feu ont été très faibles : sur les 17 800 gendarmes versés dans une prévôté au cours de la guerre, 25 % ont été évacués pour raison de santé, 11 % blessés et 3 % sont morts, mais seulement 1,5 % sous les coups directs de l’ennemi(174). Mais, contrairement aux poilus de la Grande Guerre, les Français libres ne semblent pas avoir porté un regard particulièrement négatif sur les prévôtaux. Louis Panel rappelle que les prévôtaux de la Grande Guerre doivent supporter les brimades quotidiennes de leurs camarades qui les accusent systématiquement de lâcheté(175). Mais les circonstances sont très différentes : engagés volontaires dans une lutte qu’ils croient juste, les Français libres ne jalousent pas le sort des gendarmes, tenus relativement éloignés des champs de bataille. De plus, dans la guerre de mouvement par excellence que constitue la guerre du désert, les notions d’avant et d’arrière sont pour ainsi dire inopérantes. Le prévôtal peut donc plus difficilement apparaître comme le « planqué » de l’arrière. Cependant, si l’image du « planqué » s’estompe, celle du « cogne » demeure. On l’a vu dans le cas de la Grande-Bretagne, où de nombreux militaires français n’hésitent pas à en venir aux poings avec les gendarmes lorsque ces derniers s’avisent de venir jouer les trouble-fêtes. Bien que les opérations de guerre limitent les occasions pour les militaires français d’aller se divertir, on fait le même constat dans le cas des prévôtés FFL d’Afrique du Nord. Ainsi, le 13 septembre 1942, le gendarme Marcel Schmitt dresse un rapport sur l’attitude insolente d’un fusilier marin, Aly Césarly, qu’il contrôle dans les rues du Caire :

« Poings sur les hanches et d’un air menaçant », le militaire défit le gendarme en ces termes : “Qu’est-ce que tu veux toi ?” À ma demande d’être plus poli et plus correct, celui-ci prend une attitude des plus grossières, fait des difficultés pour donner son identité […]. Je lui demandai de ne pas insister, car il me mettait dans l’obligation de l’arrêter. “Je m’en fous prison. Tu veux mettre moi en prison.(176) »

Cependant, dans ce cas comme dans la plupart, la menace reste verbale et, paradoxalement, la violence exercée à l’encontre des gendarmes par les militaires français a été bien moindre sur les théâtres d’opération d’Afrique du Nord que dans une Angleterre épargnée par les combats terrestres.

Une délinquance multiforme

Outre son action près du front, en termes de maintien de l’ordre et d’auxiliaire du commandement, la prévôté joue un rôle capital de police judiciaire au sein des armées françaises(177). L’étude des procès-verbaux conservés dans les archives des prévôtés FFL permet de rendre compte de l’action concrète des gendarmes engagés dans la guerre du désert et apporte un éclairage sur le quotidien et la personnalité des Français libres eux-mêmes. Chargés de réprimer la délinquance, les gendarmes sont en effet confrontés aux aspects les plus triviaux de la vie quotidienne des Français libres en campagne, ainsi, parfois, qu’aux événements qui peuvent les conduire à des accès de violence ou à commettre des actes répréhensibles. Les procès-verbaux permettent donc d’évaluer la nature et la proportion de la délinquance, mais surtout, dans une certaine mesure, d’en expliquer les causes. L’étude de la délinquance au sein des Forces françaises libres est essentiellement orientée par la problématique suivante : dans quelle mesure le l’engagement volontaire garantit ou non la discipline et la motivation des engagés, en particulier dans le cadre de la guerre du désert où ils réalisent le but de leur engagement : poursuivre la lutte contre l’ennemi italo-allemand ?

L’activité de la prévôté en chiffres (178)

Avant d’étudier les cas particuliers de crimes et délits, il convient de dresser un tableau général de la délinquance à laquelle les prévôtés FFL ont dû faire face. Mais le bilan statistique s’avère beaucoup plus difficile à établir ici que pour la prévôté des FTGB, car les prévôtaux de la 1re DFL n’ont malheureusement pas effectué de bilans systématiques et rigoureux du nombre des procès-verbaux qu’ils ont dressés. Nous avons donc procédé nous-même à un comptage du nombre de procès-verbaux, que nous avons regroupés en fonction de leur objet. Cependant, afin de produire des tableaux chiffrés suffisamment intelligibles et significatifs, il a été nécessaire d’en écarter quelques-uns (les plus rares ou les plus anodins), afin de les regrouper dans un nombre limité de catégories. En dépit de ses petites contraintes, cette approche statistique nous a semblé indispensable puisqu’elle permet, d’une part, de rendre compte dans sa globalité de l’action menée par la prévôté, et, d’autre part, de donner une vision synthétique des grandes tendances qui caractérisent la délinquance au sein des « Français libres au combat ».

De janvier 1942 à décembre 1943, les différentes prévôtés « africaines » de la France Libre dressent plus d’un millier de procès-verbaux. On remarquera, tout d’abord, que plus de la moitié d’entre eux ont été rédigés dans un intervalle de six mois seulement, de juillet à décembre 1943, soit après la campagne de Tunisie et l’arrêt des combats en Afrique. Une hausse considérable de l’activité de la prévôté qui s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, bien évidemment, par la hausse des effectifs de la 1re DFL, qui d’à peine 10 000 hommes à la veille de la campagne de Tunisie passent à 18 000 lors de son entrée en Italie au début de l’année 1944. La longue attente de la division en Tunisie lui a ainsi permis de devenir une véritable grande unité composée de quatre brigades d’infanterie (en réalité des régiments mais la terminologie britannique a été conservée par les Français libres). Il en va de même pour la prévôté, dont les effectifs croissent considérablement, passant progressivement de treize à trente gendarmes. La nouvelle prévôté de la 1re DFL peut désormais compter sur le vivier de gendarmes expérimentés que constituent les gendarmeries françaises d’Afrique du Nord, et notamment la gendarmerie départementale algérienne. La quasi-totalité des anciens prévôtaux sont relevés, à commencer par le prévôt, le sous-lieutenant Zickenheiner, qui est affecté à la prévôté du Levant en septembre 1943.

Outre la hausse du nombre de militaires au sein de la 1re DFL qui entraîne aussitôt celle de la délinquance, et la hausse du nombre de prévôtaux qui permet à la prévôté de renforcer son action de police judiciaire, d’autres facteurs expliquent l’accroissement considérable du nombre de procès-verbaux à partir de l’été 1943. En premier lieu, le contexte d’inaction dans laquelle les FFL sont maintenus, contexte propice à l’instauration d’un climat de frustration et de violence. Ensuite, le contact prolongé entre les FFL et les populations civiles avec lesquelles les relations sont parfois exécrables (179). On a vu combien le mouvement et, par conséquent, la gestion du parc automobile constituaient un enjeu stratégique de tout premier ordre dans la guerre du désert. Cependant, les constatations d’accidents de la route occupent une place assez secondaire dans l’ensemble des P.-V. dressés par les gendarmes, puisqu’elles ne représentent qu’environ 10 % du total. En revanche, la recherche et l’arrestation de déserteurs, qui constituent des missions également importantes de la prévôté, donnent lieu à 35 % des P.-V. dressés de 1942 à 1943. On peut ainsi estimer à près de 370 le nombre de déserteurs signalés aux prévôtaux au cours de ces deux années. Un chiffre élevé si on le compare à celui de la prévôté de Grande-Bretagne qui arrête moins de 100 déserteurs par an. Il nous semble intéressant de noter également le nombre important de contraintes par corps délivrées par les gendarmes aux militaires français, 19 % des P.-V. dressés par les gendarmes de la 2e BFI de mars 1942 à juin 1943. Ce qui est significatif d’une pratique répandue : emprunter de l’argent à l’intendance ou bien aux camarades sans souci de le rembourser avant l’intervention des gendarmes qui somment les débiteurs de payer leurs dettes sous peine d’avoir à subir une peine de prison. Il s’agit là pour la prévôté de garantir la cohésion et l’esprit de camaraderie ainsi que de veiller à la salubrité des finances de la France Libre.

Enfin, si on les compare aux statistiques dressées à partir des archives de la prévôté de Grande-Bretagne, les chiffres traduisent une plus grande violence des militaires des FFL : 24 procès-verbaux concernent des cas d’homicides (qu’il s’agisse d’homicides involontaires, de meurtres ou de tentatives de meurtre), contre un seul cas en Grande-Bretagne. De même, le vol et le recel qui prennent en Afrique du Nord une tout autre dimension qu’en terre britannique.

Une pratique endémique du vol et du recel

Les vols, qui représentent 8 % des P.-V. dressés par les prévôtés FFL de 1942 à 1943, sont de nature multiple : des petits vols commis entre militaires jusqu’à ceux de matériel et d’effets appartenant à l’armée. Pour ces derniers, l’enjeu stratégique est de toute première importance dans un contexte de pénurie généralisée où la « récupe » et la « débrouille » sont souvent encouragées par le commandement lui-même. Les prévôtaux cherchent donc aussi bien à empêcher les vols de l’extérieur – les populations civiles qui tentent de voler l’armée – que de l’intérieur – les militaires français qui se servent parfois sur les stocks de l’armée pour arrondir leur solde en se livrant au recel. Une fois encore, c’est le matériel automobile qui attire le plus les convoitises. Par conséquent, il fait l’objet d’une attention particulière. Tout au long de la campagne, les deux brigades françaises libres, puis la 1re DFL, éprouveront les pires difficultés à obtenir des Britanniques le matériel de guerre qui leur est nécessaire. La conversion de véhicules de transport en véhicules de guerre devient pour cette raison une spécialité des FFL. Afin de réparer et d’entretenir un parc automobile que les combats et surtout le désert sont prompts à endommager (chaleur, tempêtes de sable, mauvais état des routes…), les deux BFI se dotent chacune d’un atelier lourd de réparation. Mais le vol des pièces de rechange entreposées dans ces ateliers devient rapidement endémique. Ils sont d’autant plus nombreux que leurs auteurs n’éprouvent aucune difficulté à revendre le fruit de leurs larcins auprès de la population, soumise aux privations qu’engendre la guerre. Une surveillance particulière est donc exercée sur les employés des ateliers, pour la plupart indigènes, mais surtout ceux qui travaillent dans les ateliers lourds, en grande partie des civils arméniens et libanais dont on se méfie : lorsqu’à la fin de l’année 1941 les deux brigades sont mises sur pied au Levant, ils ont été recrutés avec le statut d’ouvriers militaires pour tous les emplois qui nécessitent une main-d’œuvre spécialisée. En septembre 1942, le sous-lieutenant Banel, de l’atelier lourd de la deuxième brigade française libre, adresse directement un rapport au lieutenant-colonel Alessandri, qui a pris le commandement de la brigade, signalant que quatre ouvriers se livrent régulièrement au recel de pneus, volés à l’atelier. La prévôté est chargée de mener une enquête au cours de laquelle les gendarmes découvrent ainsi que les connivences entre ces ouvriers militarisés et des civils égyptiens permettent de revendre au marché noir les pièces de rechange entreposées à l’atelier.

Les pièces de réparation automobile ne sont pas les seuls matériels de l’armée qui attire les convoitises. De manière générale, la prévôté mène une guerre systématique contre le vol de matériel militaire en tous genres. Il s’agit, la plupart du temps, de petits larcins commis isolément en vue d’arrondir des soldes modestes, à l’instar du tirailleur Nassib Abdul Baki qui, arrêté par les gendarmes en possession d’un tas de couvertures de l’armée, leur déclare :

« Je trouvai, laissé par les tirailleurs du BM3 qui s’en allaient, un tas énorme d’effets militaires, où tous les tirailleurs des unités voisines faisaient leur choix de ce qui leur convenait. L’idée de m’approprier quelques couvre-pieds et effets pour les vendre et me procurer de l’argent me vint à l’esprit (180). »

Ainsi, malgré l’interdiction qui leur est faite de détenir du matériel appartenant à l’armée, de nombreux civils tentent de s’approprier des biens dont l’armée est la seule à disposer et qui servent à l’occasion de monnaie d’échange entre militaires français et populations civiles. Si la prévôté cherche à en limiter la fuite, la perquisition, à la suite de vols répétés de couvertures, effectuée en décembre 1943 chez les civils tunisiens résidant à proximité du camp de la 1re DFL montre que la pratique du troc s’est banalisée : les gendarmes découvrent, dans une dizaine de familles, de nombreux effets appartenant à l’armée (mais chez aucune les couvertures recherchées), lesquels sont aussitôt saisis et reversés à l’intendance.

Les militaires français font également l’objet d’une surveillance de la part de la prévôté. Les paquetages des permissionnaires sont régulièrement fouillés. Les gendarmes veulent avant tout éviter que les militaires français s’approprient des armes qu’ils ont pu récupérer sur les champs de bataille. Systématiquement saisies par les prévôtaux, les armes constituent parfois des stocks importants, comme le démontre le résultat de la fouille qui a lieu le 20 février 1943 : contrôlant les paquetages de 23 permissionnaires en partance pour la Syrie, les gendarmes ne saisissent pas moins de sept fusils et mitraillettes (anglais, italiens et allemands), quatre armes de poing, ainsi que des détonateurs et environ 6 000 cartouches(181). Il est très probable que les militaires français avaient l’intention de revendre ces armes au cours de leur permission en Syrie. Elles seront finalement reversées par la prévôté à l’intendance de la 1re DFL afin d’être réutilisées par les FFL. En luttant contre le vol du matériel militaire, la prévôté participe de l’effort constant des cadres FFL qui consiste à pallier par tous les moyens le manque cruel de matériel militaire.

Meurtres, tentatives de meurtre et viols

Contrairement à ce qui se déroule en Grande-Bretagne où la violence des FFL se limite à des rixes et des passages à tabac et n’entraîne jamais la mort, en Afrique, les prévôtés de la France Libre doivent enquêter sur des affaires d’homicides, mais aussi de viols. De 1942 à 1943, les gendarmes auront affaire à un peu plus de vingt cas de meurtre, tentatives de meurtre et homicides involontaires (soit 2 % des P.-V. dressés par la prévôté en deux ans). Les cas les plus fréquents sont les tentatives de meurtre concernant des militaires en état d’ébriété qui font un usage inconsidéré de leur arme, à l’image du légionnaire Marcel Biot qui, pris de boisson, au cours d’une dispute avec l’un de ses camarades, finit par le menacer de son fusil, le blessant de sa baïonnette. Alors qu’on tente de désarmer le légionnaire, un coup de feu part, avant que les gendarmes arrivés sur les lieux ne l’arrêtent sans plus attendre. Plus grave, cette plainte déposée par un civil tunisien peu après que la 1re DFL a quitté la Tunisie :

« Deux soldats qui parlaient français sont venus chez moi et, sans rien me demander, se sont mis à courir derrière les poules. Puis, tout à coup, l’un de ces militaires est rentré dans mon gourbi. Mon frère […] lui a demandé la raison pour laquelle il s’était introduit dans ma demeure. Pour toute réponse, il sortit son pistolet et tira à bout portant sur mon frère qui s’écroula à terre. Le coup fait, les deux militaires se sont enfuis en auto (182). »

L’enquête menée par la prévôté ne permettra pas de retrouver les auteurs de ces faits et donc de certifier qu’il s’agit bien de militaires des FFL. Cependant, ce meurtre s’inscrit dans un contexte avéré de tensions très fortes entre Français libres et population indigène, notamment en raison des pillages qui se multiplient à partir de l’été 1943(183).

Une autre raison qui conduit certains Français libres à commettre les crimes les plus graves est la frustration sexuelle rencontrée dans la solitude et la rudesse des déserts africains. Dans son chapitre consacré à la sexualité des Français libres(184), Jean-François Muracciole l’évoquera longuement. Mais si le puritanisme et le moralisme sexuel ont engendré une énorme frustration sexuelle chez les militaires anglo-saxons, il semble que celle-ci ait été moindre pour les Français, que leur « culture latine » distingue de leurs alliés : des bordels militaires de campagne (BMC), hérités du modèle colonial, accompagnent les FFL en Afrique. Certes, le nombre d’enquêtes menées par les prévôtaux sur des cas de viol reste très marginal, mais il ne faut pas sous-estimer pour autant le poids du tabou – on le voit dans le cas des BMC – qui contribue à taire, au sein des FFL elles-mêmes, tout ce qui s’y rapporte. Ce que constate Jean-François Muracciole : « Dans les témoignages, les références aux relations avec les femmes sont très peu nombreuses et, le plus souvent, exprimées de façon détournée et discrète. […] La pudeur et la volonté de ne pas écorner la mémoire FFL expliquent certainement ce silence (185). »

D’autant que les tentatives et les cas de viols sur lesquels la prévôté est chargée d’enquêter ne mettent jamais en cause des militaires cherchant à abuser de civils indigènes, mais concernent exclusivement des plaintes portées par des Français libres à l’encontre de leurs camarades. Au regard des procès-verbaux, il est donc impossible de savoir si le premier cas de figure ne s’est effectivement jamais présenté ou bien plutôt si la prévôté n’a pas reçu de plaintes émanant de civils, ou bien encore si elle a choisi ou non de ne pas leur donner suite. Quoi qu’il en soit, tous les cas de viols auxquels les gendarmes sont confrontés concernent des relations homosexuelles. Il ressort de certains témoignages que les pressions de certains militaires pour obtenir des faveurs sexuelles de leurs camarades sont parfois tellement pressantes ou violentes qu’elles conduisent à la désertion de plusieurs Français libres qui refusent que l’on abuse d’eux. C’est le cas du légionnaire Topa Biajo, déserteur du 2e BLE, qui confesse aux gendarmes auxquels il s’est rendu :

« J’ai quitté ma compagnie parce que j’y étais trop maltraité et poursuivi par des légionnaires qui voulaient se livrer sur moi à des mœurs contre nature. À plusieurs reprises j’ai été me plaindre à mon commandant de compagnie à ce sujet, mais ce dernier ne m’a pas écouté et n’a pris aucune mesure pour mettre fin à ces sortes d’agissements (186). »

Le témoignage de ce légionnaire est particulièrement intéressant en ce qu’il révèle l’attitude des chefs, en l’occurrence son commandant de compagnie. Une apparente indifférence qui relève peut-être d’une tolérance complice et qui témoigne à l’évidence du silence entretenu volontairement sur l’homosexualité au sein des FFL. Une réalité qu’illustre pourtant à sa manière l’affaire du sergent-chef indigène Dahoua Ben Lakdar, accusé du meurtre du tirailleur Salem et arrêté le 8 juillet 1943 par les gendarmes. La nuit précédente, Ben Lakdar, accompagné du tirailleur Tazerat, se présente au poste de garde du camp FFL de Nabeul où il obtient le renfort de deux hommes en arme, sous prétexte d’aller arrêter un militaire en état d’ivresse. Les quatre hommes se dirigent en fait vers la tente du tirailleur Salem. Sur ordre de son sergent-chef, Tazerat l’interpelle alors en l’accusant de lui avoir volé une paire de souliers. Salem nie le vol mais se propose d’en fournir au plus vite une nouvelle paire à son camarade. Sur cette réponse pourtant conciliante, le sergent-chef Ben Lakdar ordonne à Salem : « sors, sors de ta guitoune !(187) », avant de l’abattre de cinq balles tirées à bout portant. L’enquête menée par la prévôté révélera le caractère passionnel du crime : le sergent-chef Ben Lakdar entretenait des relations homosexuelles avec plusieurs militaires, dont l’un avait également des rapports intimes avec Salem. Tous les témoins s’accordent à dire que c’est la jalousie qui a conduit le sergent-chef à commettre ce meurtre, qu’il tentera vainement de maquiller en acte de légitime défense.

« Une discipline librement consentie » ?

« Ce sont aussi des troupes disciplinées mais à leur manière. […] Ils [les Français libres] se soumettent en revanche à une discipline librement consentie dont les formes sont différentes et dont les critères concernent surtout l’efficacité au combat.(188) » Par cette affirmation, Yves Gras se fait le relais d’une idée communément admise par l’historiographie et qui s’appuie essentiellement sur les nombreux témoignages de Français libres. Cependant l’existence même des prévôtés FFL et les archives qu’elles ont laissées tendent à relativiser cette vision idyllique d’une discipline fondée sur l’esprit de sacrifice et de camaraderie, librement acceptée par l’ensemble des Français libres. Une discipline si bien intériorisée qu’elle se serait passée des contraintes traditionnellement imposées par le commandement pour asseoir son autorité. Jean-François Muracciole nous rappelle les limites des témoignages des Français libres, produits d’une reconstruction a posteriori qui présente un tableau idéalisé de la réalité. Et, en s’appuyant sur d’autres types de sources, il relativise, quoique modérément, l’image que les Français libres se sont donnés d’eux-mêmes : « La lecture des carnets écrits sur le vif ou celle de la longue litanie de menus larcins et de petits conflits contenue dans les archives prévôtales, sans contredire entièrement cette image, y apporte de sérieux correctifs (189). » L’épluchage systématique des archives des prévôtés françaises libres et cette intuition selon laquelle la discipline ne s’est pas imposée aussi librement permettent d’aller plus loin car les prévôtaux n’ont pas seulement affaire à « de menus larcins et de petits conflits ».

La chasse aux déserteurs

« Tous les Français de la brigade sont bien entendu des volontaires et les relations entre les gradés et les hommes sont différentes, paraît-il, de celles de l’armée régulière. Si, dans le service, la discipline se plie complètement aux liens hiérarchiques, dans la vie courante, les relations ne tiennent plus compte des grades et, à quelques exceptions près, nous entretenons une véritable camaraderie (190). »

Comme le rappelle Jean-Mathieu Boris, tous les Français des FFL engagés en Afrique se sont portés volontaires lors de leur engagement. Il faut cependant préciser que nombre de « Français libres » n’ont pas en réalité la nationalité française, et qu’ils appartiennent à des régiments de troupe coloniale dont le volontariat est beaucoup plus difficile à établir. Il reste néanmoins étonnant de constater le grand nombre de déserteurs FFL à la poursuite desquels les gendarmes de la prévôté se sont lancés. D’autant que ces désertions ne concernent pas seulement les troupes coloniales. Elles sont même particulièrement nombreuses au sein des bataillons de la légion, du génie, ainsi que des civils indigènes employés dans les ateliers de réparation. Le nombre des P.-V. dressés suite à la recherche, fructueuse ou infructueuse, des déserteurs représente plus du tiers de l’ensemble des procès-verbaux, la « chasse » aux déserteurs constituant l’essentiel de l’activité de la prévôté. Le paradoxe signalé pour la Grande-Bretagne ne se retrouve donc pas ici : comment expliquer le fort taux de désertion au sein d’une armée de volontaires qui ont souvent consenti les plus grands sacrifices pour pouvoir continuer la lutte coûte que coûte. Dans le cas des FFL stationnées en Grande-Bretagne, on a vu que c’est l’éloignement des champs de bataille qui a poussé de nombreux Français à quitter leur corps, que ce soit par découragement d’être maintenu dans l’inaction ou par désir de rejoindre les unités combattantes. Rien de tel pour les « Français libres au combat », du moins jusqu’à la reddition des troupes allemandes en mai 1943 et « l’exil » de la 1re DFL en Tripolitaine(191). En s’appuyant sur les dépositions des déserteurs recueillies par les prévôtaux au moment de leur arrestation, il est possible de s’interroger sur les principales causes qui ont pu les pousser à la désertion, causes multiples et révélatrices de diverses tensions, aspirations, voire déceptions qui animent les Français libres.

Les témoignages de nombre de déserteurs montrent la difficulté d’imposer une stricte discipline à une armée de volontaires animée d’un esprit relativement « libertaire ». Certains se sentent autorisés à changer de corps quand bon leur semble, pour des raisons aussi futiles en apparence que l’incompatibilité d’humeur ou bien la mauvaise qualité de la cuisine ! La cause majeure de désertion que révèlent les archives de la prévôté reste cependant liée au régime des permissions : lorsqu’elles ne sont pas accordées en nombre suffisant, beaucoup de militaires n’hésitent pas à quitter leur corps en se passant d’autorisation. Ce qui témoigne d’un esprit rebelle, mais également de la rigueur de l’existence pour des jeunes gens exilés loin de chez eux et que seules viennent adoucir les rares permissions. À ce titre, la déclaration que fait le légionnaire Henri Duthoy aux gendarmes lors de son arrestation pour désertion est particulièrement représentative : « C’est à la suite de privations de permissions que j’ai quitté mon corps. Il y avait au moins 14 mois que je n’avais pas goûté d’un peu de liberté et de détente (192). » On constate que le commandement fait preuve d’une relative tolérance à l’égard de ces agissements, notamment lorsque les militaires déserteurs ont par ailleurs fait preuve de leur bravoure au combat. Certains officiers s’opposent même à ce que la prévôté procède à leur arrestation. Ce qui témoigne de la grande proximité et aussi de la fraternité qui unissent les officiers des FFL à leurs hommes (193).

Les « braves » peuvent ainsi se permettre certains écarts de conduite et garder la confiance de leur hiérarchie. Ainsi, lorsque les prévôtaux se rendent le 10 janvier 1943 au 2e BLE pour procéder à l’arrestation du déserteur Henri Stukovski, convoqué devant le tribunal militaire pour répondre de son crime, le capitaine Messmer(194) prend la défense de son subordonné en rappelant l’exemplarité de son comportement au feu :

« Le légionnaire Stukovski Henri […] était en état de désertion du 5 août au 20 septembre 1942, jour où il a rejoint son unité. Pour sa désertion il a été puni de 60 jours de prison par le général commandant les FFWD. Stukovski a pris part à l’attaque de l’Himeimat et a été blessé. […] Stukovski ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire et ayant été blessé par la suite, je demande que son dossier au tribunal militaire soit annulé (195). »

Plus surprenant, le 4 février 1943, le lieutenant-colonel Alessandri en personne s’oppose à ce que la prévôté procède à l’arrestation de quatre militaires français inculpés de désertion. Il est vrai que la 1re DFL qui vient d’être créée espère faire bientôt mouvement vers la Tunisie où se livre l’ultime bataille africaine contre les forces de l’Axe (la division devra cependant ronger son frein pendant deux mois entiers) ; dans ces conditions, elle ne saurait se passer du moindre de ses combattants.

Mais à partir de l’été 1943, la prévôté de la 1re DFL doit faire face à une vague de désertions d’une tout autre nature : maintenus dans l’inaction et relégué en Tripolitaine par les giraudistes, certains Français libres n’acceptent pas cette situation. Comme ce sera le cas en Grande-Bretagne après le Débarquement, plusieurs d’entre eux quittent leur corps pour tenter de rejoindre des unités combattantes. Les cas se multiplient à partir de la fin de l’année 1943, avec le passage de plusieurs divisions françaises en Italie. Les divisions parachutistes ainsi que les commandos britanniques sont particulièrement prisés. Bien évidemment, on peut soupçonner que justifier sa désertion par la volonté de monter au front soit parfois un mensonge aisé pour s’attirer l’indulgence du tribunal militaire. Cependant, la bonne foi de Daniel Guedj, arrêté avec son frère pour désertion le 17 novembre 1943, semble difficilement pouvoir être remise en cause. Les deux frères quittent en effet leur corps dans l’intention de s’engager comme parachutistes au 3e BIA, qu’ils rejoignent en effet. Devant le refus des chefs de les intégrer au bataillon, ils doivent se rendre aux gendarmes auxquels Daniel Guedj déclare :

« Je ne suis pas déserteur […]. J’ai fait la campagne de France, j’ai été décoré de la croix de guerre. Mon seul désir est de combattre. Dans ma famille, nous sommes quatre frères sous les drapeaux dont un prisonnier en Allemagne. Je reconnais avoir commis une faute en quittant mon corps sans autorisation de mes chefs, mais c’est pour une idée que je crois bonne (196). »

Cependant, s’il est vrai qu’un mouvement de désertion lié au désir d’échapper à l’attente et de gagner les champs de bataille prend une certaine ampleur à partir de l’été 1943 jusqu’au départ de la 1re DFL pour l’Italie, cette motivation ne suffit certes pas à elle seule à expliquer le nombre élevé de déserteurs parmi les Français libres. En outre, comme l’a justement remarqué Jean-François Muracciole, dont l’analyse est confirmée par les archives de la prévôté, c’est au sein des deux bataillons de Légion étrangère de la 1re DFL que les désertions s’accroissent considérablement à partir de l’automne 1943. Or, Jean-François Muracciole a montré le caractère ambigu, sinon opportuniste, de ces désertions, car si les légionnaires déserteurs cherchent bien à gagner l’armée britannique ou celle de leur nationalité d’origine (c’est notamment le cas d’un certain nombre de Polonais), « la solde, l’équipement, le prestige des Anglo-Saxons » jouent sans doute autant, si ce n’est plus que la volonté de se battre, dans le choix fait par ces légionnaires de passer à la désertion ; d’autant qu’il est vrai qu’à la Légion « les engagements sont traditionnellement davantage fondés sur des motivations plus professionnelles que politiques. »

En reprenant d’une manière plus générale l’analyse de Jean-François Muracciole, on peut voir en effet dans ce nombre relativement élevé de désertions auxquelles la prévôté doit faire face durant la période 1942-1944, un marqueur des limites de « l’esprit français libre » (197).

La surveillance des lieux de plaisir

Divertir les hommes recouvre un enjeu important pour le commandement français, notamment lorsque cessent les combats et que les militaires français sont livrés à eux-mêmes. Qu’il s’agisse de tromper l’ennui ou bien d’évacuer la frustration dans laquelle l’inaction et la relégation – qu’elle soit le fait du peu de cas que font parfois les Britanniques des FFL ou bien de l’animosité des giraudistes envers les « fous furieux en liberté » (FFL) – maintiennent les Français libres. Comme le souligne Jean-François Muracciole, le commandement semble avoir parfaitement conscience de cette nécessité : « l’état-major de la 1re DFL […] doit tromper l’ennui de ses hommes soumis à de longues périodes d’inaction (198). » Le commandement encourage notamment la pratique du sport, « mais s’efforce aussi d’organiser des tournées de théâtre ou de vedettes du music-hall (199) ». Cependant, les distractions les plus prisées restent sans doute celles que les Français libres peuvent s’offrir dans les grandes villes au cours de leurs rares permissions. Ces lieux, lorsque les FFL sont stationnées à proximité, font par conséquent l’objet d’une surveillance étroite de la part des prévôtaux. Le poste prévôtal installé à partir de l’été 1943 à Ména, situé dans la proche banlieue du Caire, permet d’assurer la surveillance de la ville où les Français en permission viennent se divertir et où de nombreux déserteurs cherchent à se réfugier en tentant de se fondre dans la population. Le poste de Ména restera d’ailleurs actif jusqu’en 1946, bien après la dissolution des autres détachements de prévôté FFL. La surveillance des lieux de plaisir permet ainsi aux prévôtaux de débusquer certains déserteurs, d’une part, et résulte, d’autre part, de la volonté de veiller à la bonne tenue des Français libres, tout en cherchant à prévenir une délinquance, voire une grande violence, engendrée par l’ivresse et l’excitation. Le besoin de se divertir est une cause récurrente de délinquance au sein des FFL, provoquant notamment plusieurs cas de vols d’argent aussi bien entre militaires que dans les caisses de la 1re DFL. C’est ce que montre l’affaire du planton Clément Lebrun qui, le 7 mars 1943, de garde au Bureau central militaire, s’empare d’une somme de 110 livres égyptiennes déposées dans une armoire non verrouillée. Arrêté le lendemain par les gendarmes, il leur déclare : « J’ai dépensé la totalité de la somme volée pour mon plaisir dans différents établissements du Caire.(200) » Comme à Londres, assurer la surveillance des lieux de plaisir constitue par conséquent une mission à la fois importante et délicate pour la prévôté. La pénurie d’hommes et de matériel automobile dont elle souffre lui complique la tâche, en particulier lorsque les FFL sont stationnées en Égypte de juillet à octobre 1942, la prévôté devant exercer sa surveillance sur un réseau de villes très dense : Le Caire, Héliopolis, Hélouan, Alexandrie. Des piquets de surveillance sont alors régulièrement mis en place sur les principaux axes de circulation, comme celui installé le 3 juillet 1942 sur la route reliant les villes d’Hélouan et du Caire. Il est composé d’un gendarme assisté de deux hommes de troupe issus du BIMP, avec pour mission de « vérifier les ordres de mission et refouler vers le camp toutes les personnes qui n’en ont pas », et de « fournir au 4e bureau les numéros et les unités des voitures allant au Caire (201). » La tâche s’avère beaucoup plus difficile qu’en Grande-Bretagne où les gendarmes se concentrent sur la seule ville de Londres, dans laquelle sont installés les locaux de la prévôté et se trouvent les permissionnaires, les absents illégaux, les déserteurs.

En matière de lieux de plaisirs, on trouve peu d’allusions aux maisons de tolérance et à la prostitution dans les archives de la prévôté. Cependant, il est indéniable qu’une prostitution organisée a existé au sein des FFL, en particulier lorsque celles-ci participent à la campagne d’Afrique : « En Afrique du Nord et, surtout, en Italie, les choses sont plus claires. Difficile d’ailleurs, dans les témoignages comme dans les archives, de cacher l’existence d’une prostitution qui avait pris une dimension quasi industrielle (202). » Mais, précise Jean-François Muracciole, « on ne peut pas dire que la lutte contre la prostitution ait constitué une priorité. » Héritage des armées coloniales qui servent très largement de modèle à l’organisation des FFL en Afrique, plusieurs bordels militaires de campagne (BMC) sont même mis en place au sein de diverses unités FFL(203). Il est vrai que l’encadrement de la prostitution ne fait pas partie des attributions de la prévôté, la gestion des BMC relevant de prérogatives internes aux unités combattantes. C’est pourquoi les allusions à la prostitution sont rares mais aussi, pour cette même raison, particulièrement révélatrices. On constate ainsi qu’outre les BMC, des maisons de tolérance s’installent régulièrement à proximité des camps FFL. Très prisées, semble-t-il, par les Français libres, les maisons de passe et leurs environs sont un cadre privilégié pour les rixes entre militaires. Ainsi, le 18 novembre 1943, la prévôté mène une longue enquête sur les maisons de tolérance installées à Nabeul. Elle révèle que, dès l’arrivée des FFL sur les côtes tunisiennes, de nombreuses bagarres ont lieu le soir dans le quartier réservé aux Européens où se sont installées plusieurs maisons de passe. Des patrouilles sont organisées, mais en nombre insuffisant pour rétablir l’ordre. Une pratique illégale se met alors en place à l’instigation des tenancières de maison : celles-ci s’entendent pour verser chacune la somme de 300 francs par jour aux patrouilles de militaires français pour qu’ils assurent la surveillance et maintiennent l’ordre dans leurs établissements. Les chefs de patrouille, d’abord réticents, obtiennent cependant l’accord de leur hiérarchie. Une partie de l’argent ainsi récolté est répartie entre les militaires qui composent les patrouilles, et le reste est versé à la « popote ». Cette surveillance est néanmoins assurée de manière très inégale suivant les établissements. La prévôté interviendra pour mettre fin à cette pratique illégale, qui, en outre, ne semble pas avoir permis d’assurer un service d’ordre réellement efficace.

CHAPITRE VII - LA PRÉVÔTÉ COMME RELAIS DES TENSIONS INTERNES AUX FFL

« Les Français libres […] constituent un univers bigarré (204) », écrit Jean-François Muracciole, qui n’hésite donc pas à parler de « tour de Babel militaire » à propos des FFL. Il a également constaté que les origines des Français libres sont très diverses, mais aussi que les motivations de leur engagement sont loin de se limiter au seul patriotisme (205). La question se pose par conséquent de savoir comment ont cohabité ces hommes aux origines et aux parcours si différents. À partir des archives de la prévôté, nous nous interrogerons sur la nature des crimes et délits auxquels les gendarmes sont confrontés et ce qu’ils révèlent. Nous nous demanderons alors comment les prévôtaux ont permis d’assurer une certaine cohérence au sein des FFL, la volonté commune de porter la guerre au nom de la France ne semblant pas toujours avoir suffi à fédérer les Français libres. Comme le rappelle Jean-François Muracciole, les enjeux politiques sont en effet loin de constituer un ciment d’unité : « l’engagement dans la France Libre n’a pas impliqué un intérêt passionné pour les batailles politiques ou tout simplement pour l’évolution du mouvement gaullien (206). » Après avoir évoqué le rôle prépondérant que jouent les troupes coloniales au sein des FFL, nous étudierons les rapports entretenus entre soldats indigènes et soldats métropolitains et les conséquences de la transposition d’un modèle colonial dans le cadre d’une armée censée être uniquement composée de volontaires soudés par un esprit de camaraderie. Nous ferons de même à propos des relations des Français libres avec les populations civiles indigènes d’Afrique du Nord. Les armées alliées, au nombre desquelles les FFL, se posent en défenseurs du monde libre contre les dictatures incarnées par les forces de l’Axe. Garantir la bonne entente avec les populations civiles relève donc d’un double enjeu : éviter qu’elles sympathisent avec l’ennemi – et en particulier les Allemands qui se présentent en Afrique comme des libérateurs venus mettre fin à l’ordre colonial imposé par les puissances française et britannique ; légitimer la mainmise des puissances coloniales sur ces territoires. D’autant que pour le général de Gaulle, il est impératif que l’Empire continue la lutte et soit remis intact entre les mains de la France à la fin de la guerre. Une ambition qu’il affiche dès le 30 juillet 1940, lorsqu’il dénonce à la BBC la soumission des chefs coloniaux au régime de Vichy : « J’affirme, au nom de la France, que l’Empire ne doit pas se soumettre à leurs ordres désastreux. J’affirme, au nom de la France, que l’Empire doit rester, malgré eux, possession de la France (207). »

En tant qu’auxiliaire du commandement chargée de maintenir l’ordre dans les rangs, la prévôté est partie prenante, peu ou prou, de tous ces enjeux. Les enquêtes qu’elle est chargée de mener sont révélatrices de tensions multiformes au sein des FFL qui sont autant de signes d’un empire français colonial en mutation.

La « traversée du désert » de la 1re DFL

De Zouara à Nabeul : l’instauration d’un climat de frustration

Après la fin de la campagne de Tunisie et des hostilités en Afrique du Nord, les FFL sont une nouvelle fois profondément réorganisées. Le 13 mai 1943, de Gaulle regroupe sous un même commandement, confié à Larminat, la 1re DFL, désormais dirigée par Koenig, et le groupement Leclerc, qui devient la 2e DFL à partir de laquelle sera constituée la 2e DB. Cependant, à peine constitué, le groupe de divisions françaises libres reçoit, le 7 juin, l’ordre de retourner en Tripolitaine, sous le prétexte officiel de s’y reformer au calme. En réalité, cette décision est une conséquence inévitable du conflit qui oppose le général Giraud au général de Gaulle. Sur demande de l’état-major d’Alger, qui joue la carte de l’alliance américaine, le commandement allié a décidé d’interdire le séjour en Tunisie aux FFL. Sommée de quitter un territoire français qu’elle a contribué à libérer, la 1re DFL établit, le 12 au soir, son bivouac à 100 km à l’ouest de Tripoli, au sud de la route de Zouara à Sabrata. Un départ vécu comme un véritable « exil » et qui va porter un dur coup au moral des Français libres : « L’exil des FFL en Tripolitaine, au moment où l’arrivée de De Gaulle à Alger annonce l’union prochaine, est une maladresse insigne. […] La 1re DFL restera marquée pour longtemps de cet ostracisme (208). » La relégation des Français libres en Tripolitaine, où ils sont tenus éloignés non seulement des champs de bataille qui s’ouvriront bientôt en Méditerranée, mais aussi des terres françaises d’Afrique du Nord, véritable « chasse gardée » giraudiste, exaspère l’antagonisme entre l’armée d’Afrique et les FFL, alors même que la fusion de l’été 1943 est censée les réunir. La frustration s’installe donc au sein du groupe de divisions de Larminat, qui vit sous la tente les mois les plus chauds de l’été 1943. Repliés sur eux-mêmes, les Français libres remâchent leur amertume et leur ressentiment contre les « vichystes » d’Afrique du Nord qui les ont refoulés du premier sol français retrouvé. Une frustration et une amertume d’autant plus fortes qu’avant leur exil forcé à Zouara les Français libres ont reçu un accueil chaleureux dans les villes d’Afrique du Nord au cours des quelques semaines qu’ils y ont passées au printemps, souvent hébergés chez des Français d’Algérie. Il faut attendre le 20 septembre 1943 pour que la 1re DFL regagne enfin la Tunisie, où elle est entièrement regroupée sur la côte, aux environs de Nabeul, au nord-est du pays. Mais, si l’on en croit Yves Gras, la prise de ces nouveaux quartiers ne contribue pas, loin s’en faut, à remonter le moral vacillant des Français libres :

« La 1re DFL achève donc l’hiver [1943-1944] à Nabeul. Un hiver détestable, humide et froid. […] Une certaine neurasthénie s’étend à toute la division. Depuis trois ans les FFL se sont toujours battues pour aller au combat. Ils connaissent, une fois encore, comme à Gambut, une de ces grandes attentes tragiques qui nourrit l’amertume et ravive leur ardeur. Ils commencent à trouver le temps long (209). »

En effet, bien que de retour en Tunisie, les FFL n’en continuent pas moins de subir les affres de la relégation dans laquelle le pouvoir giraudiste – ou du moins identifié comme tel par les Français libres – les maintient : « Le comble veut que leur liberté de circulation [celle des FFL] ait été plus grande en Angleterre ou dans l’Empire britannique qu’en Afrique du Nord française, où le pouvoir giraudiste les traite en pestiférés et les relègue en Tripolitaine (210). » Les archives de la prévôté confirment la constatation faite par Jean-François Muracciole, en particulier pour la période de « l’exil » des Français libres à Zouara. Ainsi, dans la seule ville de Tunis, les prévôtaux procèdent, en moins de deux mois, à vingt-cinq enquêtes concernant des cas de désertion de la part de militaires qui ont quitté leur cantonnement à Zouara sur un « coup de cafard » souvent dû à une trop longue absence de permissions. Pour la plupart de ces militaires arrêtés à Tunis il s’agissait d’échapper, au moins temporairement, au désert libyen où ils sont astreints à une attente monotone.

Cette longue période permet néanmoins aux hommes de la 1re DFL de se consacrer à un entraînement spécifique en vu de leur projection dans les pays européens. Ses effectifs se sont sensiblement accrus, de sorte qu’on peut dire que la 1re DFL est devenue au début de l’année 1944 une véritable division, puisqu’elle compte alors 18 000 hommes, entièrement rééquipés avec du matériel américain à partir de la fin de l’année 1943 (les free french continueront toutefois à porter un casque de modèle britannique, symbole de leur volonté de se démarquer des autres corps français). Placée sous le commandement du général Diego Brosset en août 1943, la division est rebaptisée, en novembre, « 1re Division Motorisée d’Infanterie » (1re DMI).

Dans le même temps, la prévôté de la 1re DFL est entièrement réorganisée à partir de l’été 1943. Ainsi, un poste prévôtal est provisoirement mis en service à Tunis d’août à septembre 1943, afin de surveiller les militaires restés en permission après le départ de la division pour la Libye. Les prévôtaux ont également la charge de rechercher et d’arrêter les déserteurs restés à Tunis ou bien venus de Zouara (et ils sont nombreux) pour échapper au désert libyen. Un second poste prévôtal est donc installé à Zouara, à proximité du camp des FFL. Avec le départ de la division pour Nabeul, ces deux postes sont supprimés. Les gendarmes se concentrent alors à Nabeul, sauf les cinq prévôtaux affectés au poste prévôtal de Ména Camp (banlieue du Caire), remis en service à partir de la fin du mois de juillet 1943. Les effectifs de la prévôté sont renforcés pour faire face à l’afflux des nouveaux venus à la 1re DFL. À l’exception du maréchal des logis chef Lucien Walter, qui prend le commandement du poste prévôtal de Ména Camp, tous les anciens membres de la prévôté de la 1re DFL sont relevés, y compris le prévôt André Zickenheiner, qui est muté à la prévôté du Levant. L’état-major de la division peut désormais compter sur le vivier de gendarmes qu’offre l’Afrique du Nord française, en particulier la gendarmerie départementale algérienne. Le nombre de prévôtaux passe ainsi à vingt-trois durant l’été 1943, puis à vingt-cinq en décembre, auxquels il faut ajouter les cinq prévôtaux qui prennent leur service au poste de Ména Camp.

Au mois de décembre, la prévôté est divisée en quatre détachements affectés chacun aux quatre brigades que compte enfin la 1re DFL. Cependant, malgré le renforcement considérable des effectifs, la prévôté souffre encore d’un relatif manque d’hommes et de matériel (jusqu’en novembre 1943 et l’arrivée du matériel fourni par les Américains). En témoigne le rapport adressé en août 1943 au général commandant la 2e Brigade par le gendarme Leduc, responsable du poste prévôtal de Zouara, qui faute d’effectif sera contraint de demander l’aide de militaires appartenant à une autre arme :

« La Military Police demande à ce qu’un service de police soit assuré […] à l’entrée de la ville […]. Comme je n’ai que deux gendarmes avec moi à Zouara […] je ne puis leur faire assurer le service de police demandé […]. De plus, un seul de mes gendarmes est motocycliste et j’en ai besoin très souvent pour le service (211). »

L’attente, l’inaction, le manque de reconnaissance et l’animosité – certes réciproque – du pouvoir giraudiste à leur encontre, crée par conséquent un climat de frustration durable au sein des FFL. Celui-ci est propice à la dispersion, au relâchement de la discipline et entraîne une hausse de la délinquance qui atteint, au cours de cette période, un degré de violence inattendu. Plus que jamais les prévôtaux sont sollicités au cours de la « longue attente tragique » de 1943.

La violence des soldats contre les populations indigènes

L’historiographie n’a pas oublié les conséquences négatives d’un tel climat de frustration, mais, faute de sources portant sur la délinquance et la criminalité FFL, elle minimise fortement leur ampleur. Jean-François Muracciole note bien que c’est « en Libye, à l’hiver 1943-1944, avant l’envoi de la 1re DFL en Italie, que sont commis les plus graves délits à l’encontre des civils ; non pas des violences physiques, mais un grand nombre de larcins (vols de troupeaux, de nourriture, parfois arrachage d’arbres fruitiers. […] La raison de ce dérapage, encore que très relatif au regard des terribles violences dont les civils ont été victimes lors des deux conflits mondiaux, tient à la fois à la baisse du moral, liée à l’interminable exil libyen, et aux carences criantes de l’intendance, défaillances dont les officiers FFL et giraudistes se renvoient mutuellement la responsabilité (212). » Les archives de la prévôté de la 1re DFL font cependant apparaître que l’aggravation des conflits entre les militaires français et les civils ne se réduit pas au seul hiver 1943-1944, mais remonte à l’été 1943. En outre, en excluant les « violences physiques », Jean-François Muracciole sous-estime l’intensité des conflits qui opposent les civils aux Français libres. Or, dès le mois de juin 1943, plusieurs incidents se produisent qui révèlent une situation tendue entre Français et indigènes.

Avec l’arrêt des combats en Afrique du Nord et alors que le risque de mourir au combat a disparu, une violence quotidienne s’installe au sein même des FFL, alimentée par le climat morose qui y règne. Comme c’est souvent le cas, les Français libres, livrés à eux-mêmes, cherchent à se divertir. Mais, au cours de l’été 1943, les festivités sèment un désordre qui nécessite l’intervention personnelle du lieutenant-colonel Carbey, commandant la 2e Brigade de la 1re DFL. Celui-ci demande à la prévôté, à laquelle il assure le renfort de militaires de l’armée de Terre, de « veiller au bon ordre et à la tenue des troupes de la 2e Brigade française » dans la ville de Béni Khiar, à proximité de Nabeul, et « d’appréhender, enfermer et au besoin ramener à son unité tout militaire en état d’ivresse (213) ». Les rapports de la prévôté confirment que ces derniers sont nombreux à troubler l’ordre public au cours de leurs nuits d’ivresse, mais aussi à commettre des pillages : les militaires français – qui disposent de revenus limités et bien moindres que ceux de leurs alliés anglo-américains – se servent sur le pays, dérobant des denrées alimentaires dans les fermes indigènes. La plupart du temps, ils volent des animaux ou pillent les vergers et les potagers. Certains militaires s’introduisent même dans les habitations pour dévaliser caves et garde-manger, ce qui donne lieu parfois à des exactions sur les populations civiles. Ainsi, le 30 octobre 1943, un cultivateur tunisien, qui vient porter plainte à la prévôté pour vol, raconte l’agression dont son fils a été victime :

« [Mon fils] est revenu en pleurant et m’a raconté que des militaires l’avaient menacé d’un fusil et lui avaient enlevé une brebis. […] Je ne demande pas que des poursuites judiciaires soient exercées contre ces militaires ; de même que je n’exige pas le remboursement de mes brebis. Je demande simplement que des mesures soient prises pour éviter de pareils incidents (214). »

Il est intéressant de noter que le préjudice lié au vol semble moins le préoccuper que le traumatisme causé à son fils par la violence exercée sur lui par les militaires français. Plusieurs civils venus porter plainte pour de tels actes insistent, eux aussi, sur le fait qu’ils toléreraient que les soldats se servent dans leurs champs ou leurs vergers si ces rapines ne donnaient pas régulièrement lieu à des actes de violence. Un cas de pillage particulièrement grave se produit ainsi à la fin du mois de septembre 1943. Cette affaire implique une dizaine de militaires français qui se sont livrés à une razzia chez divers civils libyens, dont ils ont pillé les gourbis, et à des vols dans la ferme d’un propriétaire italien. Menaçant les civils de leurs armes, ils ont visité les habitations pour s’emparer de l’argent et des bijoux. L’affaire est d’autant plus sensible que les militaires étaient menés par un officier, l’aspirant Haugé. Même si les militaires étaient couverts par le lieutenant Giraud, qui déclare avoir envoyé cette troupe perquisitionner les gourbis arabes en vue d’y découvrir d’éventuels effets appartenant à l’armée, plusieurs inculpés, identifiés par des témoins, reconnaîtront les vols. Tous les militaires qui formaient ce commando sont par conséquent arrêtés par les gendarmes.

Plus violente encore est l’agression qui se produit dans la nuit de Noël 1943. Deux légionnaires des FFL en état d’ivresse se rendent dans un gourbi tunisien situé à proximité de leur cantonnement. Deux Arabes en sortent et, prenant peur devant l’attitude menaçante des militaires français, tentent de s’enfuir. L’un des légionnaires s’élance à leur poursuite et en rattrape un qu’il assomme de la crosse de son fusil, avant de lui dérober l’argent qu’il portait sur lui. Le légionnaire Bruno Volensky, arrêté avec son complice le lendemain pour « vol à main armée et coups et blessures », confiera aux gendarmes :

« Nous avons commis cet acte à la suite de libations qui nous avaient enlevé une partie de nos facultés et aussi dans un but de vengeance contre ces indigènes qui avaient tiré sur nous à plusieurs reprises (215). »

Bien que les opérations de guerre aient cessé, les armes en effet ne se taisent pas complètement pour autant, comme le montrent les deux événements « accidentels » suivants. Le 20 mai 1943, à proximité de Sousse, la prévôté est confrontée à un cas tragique d’homicide involontaire : en pleine journée, un fusilier marin de la 1re DFL sort de sa tente armé de sa mitraillette et tire une rafale en l’air afin de s’assurer du bon fonctionnement de l’arme qu’il vient de nettoyer, mais les balles atteignent un berger tunisien de seize ans qui décède sur le coup. Le mois suivant, un autre militaire français fait feu en pleine rue et blesse d’une balle de pistolet un Tunisien qui avait tenté de s’enfuir après lui avoir dérobé de l’argent.

Bien plus grave cette plainte pour homicide volontaire enregistrée par les prévôtaux le 19 juin. Elle émane d’un nommé Messaoud Agda Messaoud qui déclare que son père a été tué par trois militaires semblant appartenir aux FFL : ils tentaient de piller la maison avant d’abattre le père de cette famille tunisienne qui s’était interposé. Ce cas d’homicide n’est malheureusement pas une exception : le 8 juin 1943, les gendarmes arrêtent trois marins des FFL qui ont procédé, la veille au soir, à une expédition punitive dans le village tunisien d’Hammam-Sousse où des marins avaient été agressés par la population. L’un des Français blessés au cours de cette agression étant décédé à l’hôpital, trois de ses camarades se sont armés d’une mitraillette et ont fait une descente au village. Arrivés sur la place centrale ils ont tiré sur un groupe de Tunisiens qui s’y trouvaient, faisant deux morts et deux blessés avant d’être arrêtés par un groupe de légionnaires en patrouille. Les matelots ne cherchent aucunement à nier leur crime. Bien au contraire, le fusilier marin algérien Ben Taike – celui-là même qui a fait feu sur les civils avec sa mitraillette – semble parfaitement assumer ses actes lorsqu’il déclare aux gendarmes : « Je me suis rendu à Hammam-Sousse avec l’intention de venger les marins qui avaient été victimes d’une agression de la part des Arabes (216). »

À l’inverse, l’état actuel de l’historiographie relative à la vision des Français libres par les populations indigènes, souligne le très bon accueil fait aux Français par les Égyptiens lors de leur séjour dans le pays en 1942. Après la bataille de Bir Hakeim, une véritable hystérie francophile s’empare en effet des Cairotes et des Alexandrins : « Impossible alors à un Français de payer dans un restaurant, constate Jean-François Muracciole ; on accourt dans les boutiques pour les servir en premier ; leurs calots s’arrachent comme des reliques (217). » Les causes de cette empathie sont cependant ambiguës, puisqu’un mois plus tard nombre d’Égyptiens se tiendront prêt à accueillir, drapeau à croix gammée en mains, les troupes de Rommel qui se pressent à la frontière ! S’agit-il ou non de ceux qui ont si chaleureusement fêté les combattants de Bir Hacheim ? Difficile à dire. Il semble cependant que dans ce cas les enjeux coloniaux aient pleinement joué : célébrer les soldats français est un moyen pour les Égyptiens de ridiculiser le colonisateur anglais qui, lui, a subi une humiliante défaite contre les forces de l’Axe alors même qu’il était en position de supériorité. Quoi qu’il en soit, la situation est toute autre en Tunisie et en Libye, lorsque la 1re DFL entame sa « traversée du désert », à partir de l’été 1943.

La violence des civils contre les soldats

Plusieurs enquêtes de la prévôté montrent clairement que les Français subissent une réelle hostilité et des violences régulières de la part de la population civile. Signe manifeste de tension : dès le 19 juin 1943, un gendarme de la prévôté est témoin du coup de feu d’un policier tunisien sur trois tirailleurs sénégalais qui faisaient du scandale en ville et qu’il cherchait à refouler. Pour sa défense, le policier déclare s’être senti menacé par eux. Parmi les militaires français victimes d’agressions, nous citerons le cas du caporal Pierre Challessin qui, le 12 octobre 1943, alors qu’il revient d’un bal organisé à la salle des fêtes de Nabeul, est assailli par un Tunisien qui le frappe de son bâton. Le caporal lui assène alors plusieurs coups de poing qui le font tomber, mais, alors qu’il s’éloigne, son agresseur se relève et lui porte un coup de couteau au ventre avant de s’enfuir. Interrogé à l’hôpital par les gendarmes, le caporal Chasselin déclare : « Je suppose que l’agression dont j’ai été victime n’avait d’autre but que d’essayer de me soustraire mon portefeuille (218). » Le vol semble en effet constituer le principal mobile de ces agressions, et il n’est pas rare que des civils cherchent à détrousser les militaires français ou à leur extorquer de l’argent par tous les moyens. Ainsi, en juillet 1943, un militaire tchadien appartenant au BM4 est lui aussi victime d’une agression au couteau :

« Je me trouvais en ville […] lorsqu’un Arabe est venu me trouver et m’a proposé de me vendre de l’alcool pour 4 shillings. J’ai bu […] et l’Arabe m’a proposé de me procurer une femme moyennant la somme de 10 shillings. […] À mon arrivé [la femme] s’est mise à crier et, voulant réclamer les shillings à l’arabe, celui-ci s’est enfui en me donnant un coup de couteau (219). »

Plus grave encore, le 16 août 1943, la prévôté est chargée d’enquêter sur l’empoisonnement de quatre militaires français de la 4e compagnie du génie, dont trois sont décédés la nuit précédente. La source de cet empoisonnement est rapidement identifiée : une bouteille d’alcool qu’ils s’étaient procurée la veille auprès de la population de Zouara. Au cours de leurs investigations, les gendarmes retrouvent une grande quantité de cet alcool chez une habitante de la ville. Ils ne peuvent pas établir sa culpabilité, puisqu’elle déclare ne rien savoir de l’origine de l’alcool retrouvé chez elle, mais leur conviction est sans ambiguïté : « La déclaration de cette personne, de toute évidence de mauvaise foi, ne contient pas un seul mot de vérité (220) », écrivent-ils dans leur procès-verbal. Si l’intention de nuire aux militaires français en leur vendant cet alcool frelaté n’est pas clairement établie, la méfiance des gendarmes eux-mêmes envers les civils auxquels ils ont affaire au cours de leur enquête n’en est pas moins révélatrice du caractère éminemment conflictuel des relations qu’entretiennent les Français libres avec la population civile.

Volontaires, en revanche, sont les agressions violentes et meurtrières commises par des civils à l’encontre des militaires français et qui ne cessent d’augmenter. La prévôté est confrontée à celle qui s’est produite le 25 septembre 1943 : un groupe de civils tunisiens a tendu un piège à deux militaires français et a assassiné l’un d’entre eux, le caporal Idoux de la 1re DFL. Ce dernier, mis au courant qu’un vol de valise avait été commis par des Tunisiens au préjudice de deux civils italiens, était parti à la recherche des auteurs du vol. Accompagné d’un autre militaire, nommé Salari, et des deux civils italiens en question, il a effectué sans résultat une perquisition au domicile d’un indigène tunisien désigné par les Italiens comme étant l’auteur probable du vol. Celui-ci a ensuite conduit les quatre hommes en direction d’une ferme voisine où aurait été déposée la valise. Mais une fois sur place, il s’est saisi d’un couteau et d’une fourche avec laquelle il a blessé le caporal Idoux, qui a ouvert le feu avec sa mitraillette afin de faire fuir son assaillant. Une vingtaine de Tunisiens armés de fourches et de bâtons ont alors fait irruption. Salari est parvenu à prendre la fuite et à rejoindre les deux Italiens restés à l’extérieur de la ferme, avant d’aller chercher du secours. Le caporal Idoux n’a pas eu cette chance : il sera retrouvé mort à quelques mètres de la ferme, où il semble qu’il ait été poursuivi et battu à mort par les Tunisiens. Salari déclarera aux gendarmes son incompréhension : « Je ne comprends pas l’attitude hostile de ces Tunisiens, attendu qu’aucun geste ni propos outrageant n’a été prononcé à leur égard (221). » De même, le 14 octobre 1943, un gigantesque pugilat oppose des Français libres à la population civile tunisienne. Ce jour-là, une patrouille de cinq hommes est envoyée dans la ville de Béni Khiar à la suite de la plainte d’un tirailleur qui dit s’être fait agresser sans raison par un Tunisien. Lorsque la patrouille arrive sur les lieux, l’homme, qui a été reconnu par le tirailleur, s’enferme dans une maison. Depuis la terrasse, plusieurs indigènes lapident aussitôt la patrouille française, blessant deux tirailleurs à coups de pierre. La patrouille est alors contrainte de battre en retraite.

Ainsi, l’attente des Français libres en Afrique du Nord, placée sous le sceau de l’inaction et de la frustration, se caractérise par une hausse de la délinquance qui conduit parfois à un déchaînement de violence dont les FFL sont aussi bien les auteurs que les victimes, les relations qu’entretiennent les FFL et les populations civiles, aussi bien en Libye (Zouara de juin à septembre 1943) qu’en Tunisie (Nabeul de septembre 1943 à mars 1944), devenant de plus en plus exécrables.

Veiller à la bonne image des Français libres

Dans ce contexte, la prévôté est chargée par le commandement de prêter une attention toute particulière à la bonne tenue des Français libres : de veiller à ce que leur image reste aussi bonne que possible au sein des populations mais aussi aux yeux des alliés britanniques puis américains, qui fournissent successivement aux FFL l’essentiel de leur équipement. La surveillance exercée par la prévôté sur la troupe se renforce à partir de l’été 1943, lorsque les FFL entament leur « traversée du désert ». De nombreux rapports dressés en août par le gendarme Leduc, qui commande le poste prévôtal de Zouara, font état des esclandres de militaires français en état d’ivresse. Il est alors décidé d’établir au village de Béni Khiar un poste de garde permanent qui comprend douze militaires et un gendarme chargé de contrôler la circulation des véhicules automobiles des FFL. Il aura la charge de « veiller au bon ordre et à la tenue des troupes de la Deuxième Brigade française dans l’agglomération » et « d’appréhender, enfermer et, au besoin, ramener à son unité tout militaire en état d’ivresse et/ou faisant du scandale (222). » Malgré la mise en place du poste de garde, les « scandales » ne sont pas pour autant évités. Le 3 septembre, le gendarme Leduc est témoin d’une violente rixe opposant deux militaires des FFL. Bien plus que la bagarre en tant que telle, c’est la mauvaise impression donnée à la population civile que déplore le gendarme qui souligne dans son rapport que ces faits se sont passés au milieu du village et que « la conduite de ces deux militaires a scandalisé la population (223). »

Quelques jours plus tard, le 8 septembre, une affaire bien plus grave implique un officier dont le comportement met les gendarmes dans une situation particulièrement délicate. Dans la ville de Béni Khiar, ils ont rencontré, accompagné de son ordonnance, un officier des FFL en état d’ivresse, l’aspirant Martiens, qui a refusé de se laisser reconduire à son cantonnement et a sorti le pistolet automatique qu’il gardait dans sa poche. Il en a menacé les prévôtaux en hurlant « qu’il voulait une femme et que les gendarmes ne l’empêcheraient pas d’en trouver une au village ». Les gendarmes ont alors cherché à calmer l’officier qu’ils ont accompagné jusqu’à un café où ce dernier a violemment interpellé plusieurs personnes. Un des prévôtaux est parvenu à se faire remettre le pistolet par l’ordonnance de l’aspirant, mais l’officier ne s’en est pas tenu là : « En sortant de l’établissement, le sergent de garde a invité respectueusement et avec une présentation militaire impeccable l’aspirant Martiens à regagner son cantonnement. L’officier lui a dit qu’il ne connaissait pas son métier, qu’il n’avait pas d’ordres à recevoir de lui et qu’il n’obéissait qu’à la maréchaussée. Sur un signe du gendarme Leduc, le sergent de garde n’a pas insisté. » Puis, s’apercevant alors que son arme est passée aux mains des gendarmes, l’aspirant est devenu menaçant et les a couverts d’insultes durant le trajet qui les menait au cantonnement. À leur retour au poste, les prévôtaux apprennent que l’aspirant Martiens y est passé entre-temps l’arme au poing et en proférant des menaces. Pour le gendarme Leduc, c’est la nécessité seule de préserver le prestige des FFL qui a justifié que la prévôté ne procédât pas à l’arrestation de l’aspirant, malgré la gravité des faits : menace sur gendarmes à l’aide d’une arme. Le procès-verbal se termine sur ces mots :

« L’attitude conciliante des gendarmes, malgré l’état d’ivresse de l’aspirant Martiens, a été dictée par la déférence due à un officier, et surtout pour éviter de donner à la population l’occasion de critiquer la tenue des militaires des FFL. Les prévôtaux ont cru bien faire en agissant ainsi qu’ils l’ont fait car l’arrestation par la force de l’aspirant Martiens n’aurait pas manquer de donner lieu à des commentaires préjudiciables à la réputation des troupes françaises. Le pistolet était chargé (224). »

En Afrique comme en Grande-Bretagne, les forces françaises libres jouent un rôle bien plus politique que militaire : ils doivent incarner les vertus de la « France éternelle » et faire oublier la faiblesse des effectifs par leur exemplarité. Chargée de veiller à la bonne tenue des Français libres, la prévôté se fait par conséquent le relais de cette exigence, malgré les écarts des FFL qui les conduisent à des situations conflictuelles parfois violentes, en particulier avec les populations civiles ou les « vichystes » (giraudistes), ces ennemis qui leur ressemblent pourtant tellement sous certains aspects.

Le désamour de la France Libre ?

« L’impression qui domine, lorsqu’on observe les différents milieux
de l’Afrique française libre,

lorsqu’on vit au milieu d’eux, c’est la division (225). »
Leclerc au général de Gaulle, le 2 juillet 1942

À l’exception des corps de troupe coloniale, dont les membres se sont ralliés en bloc en suivant l’impulsion donnée par les officiers européens, les Français libres sont des engagés volontaires qui, dans leur écrasante majorité, ont signé « pour la durée de la guerre ». La question se pose néanmoins de savoir si la prévôté a été confrontée à des cas de repentir et si l’union autour d’un même chef et la volonté de se battre ont constitué un ciment suffisamment puissant pour garantir l’union entre les Français libres. D’autant que, sur les théâtres d’opération d’Afrique, tous les soldats ne sont pas logés à la même enseigne : les troupes coloniales bénéficient d’un traitement moins favorable que celui des Européens, et – bien qu’ils constituent près de la moitié des effectifs que compte la France Libre en 1943 – les soldats indigènes sont pour la plupart cantonnés à des grades subalternes. Connaît-on alors au sein des FFL, des tensions entre soldats indigènes et soldats européens comparables à celles qui opposent Français libres et civils indigènes ?

La situation difficile de certains légionnaires

À l’intérieur des FFL, on trouve un grand nombre de nationalités européennes, notamment dans les bataillons de légion étrangère qui ont constitué l’épine dorsale de l’armée de la France Libre, qui voit le jour à la fin du mois de juin 1940 avec le ralliement de la 13e DBLE de Monclar (226). Le ralliement du 6e REI au Levant à l’été 1941 renforce la place qu’occupent les étrangers au sein des FFL. Leur nombre total est de l’ordre de 2 800 à 3 000 individus, soit 9, 2 % des non-coloniaux et 5, 7 % de l’ensemble. Ces étrangers sont d’origines très diverses : plus de soixante nationalités dont l’importance relative est extrêmement variable. On retrouve les lignes de force de l’immigration dans la France de l’entre-deux-guerres : forte présence de frontaliers (Espagnols, Belges, Italiens), de Polonais et de Juifs d’Europe centrale. En outre, les volontaires pour la Légion, qui sont très nombreux à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, appartiennent, pour les trois quarts d’entre eux, à trois groupes principaux : républicains espagnols, Tchèques et Juifs d’Europe centrale, auxquels s’ajoute un petit contingent d’antifascistes allemands, autrichiens et italiens.

Il faut noter que, déjà avant la guerre, l’autorité militaire française ne déborde pas de sympathie pour ces volontaires, en particulier pour les républicains espagnols et les Juifs polonais. Le choc des cultures est parfois rude au sein de ce corps, notamment lorsqu’il s’agit d’imposer le « dressage » légionnaire aux Espagnols habitués à la discipline relâchée d’une armée populaire et démocratique, ou encore de faire cohabiter les nouveaux engagés juifs ou communistes et les sous-officiers allemands de la vague d’enrôlement des années 1920. À ces tensions quotidiennes, qui nous sont connues en particulier par les témoignages ou les plaintes des militaires déserteurs arrêtés par la prévôté, vient s’ajouter une nouvelle source de conflits liée à l’incorporation de militaires indigènes dans les bataillons de légion. Ainsi, le 5 octobre 1943, la prévôté enregistre la plainte du légionnaire Mustafa Kandar, victime d’une violente agression de la part de ses camarades. Parti seul au ravitaillement d’eau, ce militaire du 2e BLE rencontre une patrouille du 1er BLE composée d’une dizaine de légionnaires. Le sergent-chef commandant la patrouille demande à Kandar de lui présenter ses papiers afin de procéder au contrôle de son identité. Les membres de la patrouille s’aperçoivent alors que le portefeuille de ce légionnaire contient une forte somme d’argent (près de 4 500 francs). Lorsque le sergent-chef s’éloigne, plusieurs légionnaires entourent Kandar et lui portent des coups qui lui font perdre connaissance, puis ils s’emparent de son portefeuille. Le vol ne semble cependant pas justifier à lui seul cette agression commise par un groupe de légionnaires européens à l’encontre d’un légionnaire indigène : les agresseurs déclarent également avoir été vexés du fait que Kandar ait appelé le sergent-chef « camarade » et se soit exprimé en arabe.

Cependant, l’attention que porte la prévôté aux légionnaires concerne surtout les militaires originaires de nations ennemies de la France Libre, essentiellement d’origine allemande et autrichienne et, dans une moindre mesure, italienne. D’autant que l’attitude des légionnaires germaniques de l’armée de Vichy n’est guère rassurante : au début de l’année 1942, à la suite des pressions exercées par le IIIe Reich pour récupérer « ses » légionnaires, le gouvernement de Vichy ordonne que tous les légionnaires allemands rencontrent un délégué militaire allemand pour décider de leur avenir. La plupart choisissent de rejoindre la Wehrmacht. Intégrés à l’Afrikakorps, ils seront engagés dans des combats fratricides, en particulier au cours de la bataille de Bir Hacheim. Certains légionnaires des FFL font ainsi face à de véritables cas de conscience, à l’image du déserteur André Brandt, du 2e BLE, qui déclare aux gendarmes venus l’arrêter : « Je n’ai pas voulu retourner à mon bataillon du fait que je suis de nationalité allemande, et que je ne veux plus retourner en première ligne (227). » Une situation qui alimente une certaine paranoïa parmi les Français libres, comme en témoigne l’officier d’artillerie Jean-Mathieu Boris dans ses mémoires, lorsqu’il évoque une rumeur qui se répand à Bir Hacheim : « On dit aussi qu’à la nuit, les légionnaires allemands de la 13e demi-brigade vont rendre visite à leurs compatriotes d’en face (228). » C’est surtout à la veille des opérations de guerre que les légionnaires d’origine germanique subissent l’agressivité et les brimades de leurs camarades qui redoutent qu’ils puissent se ranger du côté de leurs compatriotes. Mais dans le cas du légionnaire du 1er BLE Joseph Inger, ce sont les insultes répétées de son caporal qui le conduisent à la désertion le 9 octobre 1942. Après s’être constitué volontairement prisonnier, il raconte aux gendarmes :

« Il y a un certain caporal à ma compagnie qui se nomme Stermet qui, depuis deux mois, comme je suis d’origine allemande, me traitait de “sale boche”. Nous en sommes même venus aux mains. Un jour ce dernier usa de violence vis-à-vis de moi : il m’arracha toutes mes décorations agrafées à ma chemise, et je spécifie même la médaille militaire. Il prit toutes les décorations, les jeta à terre et les piétina disant qu’un boche n’était pas digne d’être caporal dans l’armée française et de porter des décorations. Sur ce j’ai pris un coup de cafard et j’ai quitté mon unité (229). »

À partir de l’été 1942, la prévôté fait face à un autre phénomène de désertion dont il ne faut pas sous-estimer l’ampleur. Il concerne les légionnaires qui cherchent à se faire enrôler dans l’armée de leur patrie d’origine, tel le légionnaire Van Dyck qui, remis aux gendarmes le 7 août 1942, leur avoue sans détours : « J’ai déserté dans le but de rejoindre l’armée belge (230). » Ayant jugé la situation de ce militaire irrégulière, l’armée belge a d’ailleurs refusé son intégration. Volontaires pour l’armée du général de Gaulle, qui s’est engagé à poursuivre la lutte aux côtés des alliés, ces légionnaires se sentent sans doute libres de s’engager sous un autre drapeau dès lors que leur est garanti l’honneur de combattre l’ennemi commun. Toutes ces raisons expliquent que les deux bataillons de légion étrangère qui composent les FFWD puis la 1re DFL (1er BLE et 2e BLE) comptent le plus grand nombre de déserteurs, et que les désertions perdurent tout au long de la période.

Tensions et maltraitance d’origine raciste entre Français libres

La discrimination raciale est immédiatement perceptible dans l’attribution inégale des rations alimentaires aux indigènes par rapport à celles des Européens. Plus profondément ressentie encore que ce racisme ordinaire, est la difficulté extrême de l’accession des militaires africains au statut de sous-officier, et a fortiori d’officier. Ce qui conduit, en dernier ressort, aux vagues de « blanchiment » des FFL, qui commencent dès l’été 1943, en particulier au sein de la 2e DB, et qui s’accélèrent au sein de la 1re DFL lors de sa projection sur le territoire métropolitain à l’été 1944. En outre, il ne faut pas oublier que les troupes coloniales, d’après les estimations les plus récentes, représentent près de 30 000 individus sur les 70 000 Français libres recensés à l’été 1943. Par conséquent, aussi bien la structure fortement coloniale des FFL que le contexte dans lequel elles sont plongées – de 1941 à 1943 elles livrent bataille sur les territoires de l’Empire français et britannique – favorisent le maintien d’un rapport inégalitaire entre Européens et coloniaux. Éric Jennings constate ainsi que « la dynamique coloniale perdure bien entendu sous le drapeau. D’ailleurs, le microcosme colonial est parfois transposé jusqu’au champ de bataille (231). » La prévôté des FFL est donc amenée à gérer de nombreux conflits liés aux discriminations raciales, un racisme quotidien profondément installé qui déstabilise les FFL et entraîne désertions, maltraitances, tensions multiples.

Les préjugés, la méfiance et le rejet des Français libres d’origine européenne à l’égard des civils indigènes sont couramment exprimés, comme l’illustre l’affaire de ce Libyen venu porter plainte à la prévôté le 21 août 1943 pour vol. Ce civil s’était rendu près du camp FFL de Nabeul pour vendre des denrées alimentaires. Menacé par un militaire français, il prend peur et s’enfuit en abandonnant sa bicyclette, qui est récupérée par le militaire. La déposition du soldat français est révélatrice de ce sentiment de défiance : « À un moment donné j’ai aperçu un indigène assis à environ cent mètres de nous. Connaissant la réputation de maraudeurs de ces gens-là […] nous avons fait signe à cet homme de partir (232). »

Plus révélateur encore, l’appellation récurrente de « Bédouin », terme vague et improprement utilisé qui a valeur d’insulte dans la bouche des Européens. Il désigne principalement les sujets levantins (Libanais et Arméniens), recrutés en grand nombre comme ouvriers civils par les FFL. Cette main-d’œuvre spécialisée constitue une cible privilégiée de l’animosité des Européens qui se méfient de ces indigènes non-combattants issus de Syrie et du Liban, que le rejet du récent mandat français rend instables. D’autant que ces civils sont principalement employés dans les ateliers lourds où, nous l’avons vu, la maraude était très fréquente, ce qui alimente la mauvaise réputation de voleurs dont sont victimes les civils indigènes. La prévôté est ainsi confrontée aux fréquentes désertions de ces ouvriers affectés à des postes éminemment stratégiques (l’entretien du parc automobile, notamment, vital dans le cadre de la guerre du désert). Il faut souligner également que ces discriminations ne concernent pas seulement les civils mais aussi des volontaires levantins ralliés aux forces gaullistes, à l’instar du déserteur Émile Salita, soldat de première classe à la 3e compagnie du génie de la 2e BFI, qui, après plusieurs jours d’absence, se présente de lui-même aux prévôtaux auxquels il déclare : « J’ai quitté ma compagnie parce que j’étais malmené par mes supérieurs et insulté de “sale bédouin”. Ils m’ont de la sorte rendue la vie intenable (233). »

Les cas de maltraitance atteignent parfois un grand degré de violence envers ces recrues indigènes. Ainsi, en mai 1942, à la veille de la bataille de Bir Hacheim, les gendarmes procèdent à l’arrestation de deux employés civils à l’atelier lourd de la 2e BFI en état d’absence illégale. Ceux-ci dénoncent l’attitude de leurs chefs français et justifient leur volonté de déserter par la violence injustifiée dont ils disent avoir été victimes. L’un d’eux, l’ouvrier civil d’origine libanaise Antoine Médawar, rapporte :

« Au cours du voyage [vers la Libye] plusieurs incidents se sont produits entre sous-officiers français et ouvriers civils. À plusieurs reprises, certains sous-officiers et hommes de troupe sortirent leur arme en menaçant les ouvriers pour des raisons futiles. Plusieurs ouvriers furent frappés et insultés. […] Au cours de notre dernière étape en Palestine, le camion que je conduisais fut renversé dans un ravin par un autre camion du même convoi qui a voulu me doubler. […] J’avais à peine quitté mon camion que le sergent-chef Martel me lança plusieurs coups de poing et le 2e classe Dalidet Georges me menaça de son arme. […] Au cours de notre passage en Égypte de nouveaux incidents eurent lieu et plusieurs ouvriers furent frappés par des sous-officiers et toujours pour des raisons futiles. […] Le 22 courant, deux Libanais furent frappés et insultés par le caporal Buffet et le 2e classe Dalidet […] À cette occasion, les Libanais ont été traités de “Bédouins”, et plusieurs paroles blessantes, telles que “sales Libanais”, ont été adressées par les mêmes militaires aux Libanais en général. »

Son camarade Élie Beyrouthi, se fait également le relais de ces humiliations :

« Si je me suis décidé à suivre Médawar, c’est uniquement parce que j’étais maltraité par mes chefs. […] Le lieutenant Duport m’a également menacé plusieurs fois et m’a traité souvent de “Bédouin”. Tous mes camarades libanais de l’unité subissent le même sort que moi. Ils sont même souvent frappés et menacés par des armes. »

Un autre ouvrier de l’atelier, Néjib Maskour, est interrogé dans le cadre de l’enquête. Chargé de faire le plein d’un camion, il confond les bidons de mazout avec les bidons d’essence, ce qu’il signale à un gradé. Pour toute réponse, ce dernier bat alors violemment son subordonné à coups de poings et de pieds, avant qu’un pugilat s’engage entre les deux hommes qui doivent être séparés par les ouvriers de l’atelier lourd. Interrogé par les gendarmes, Maskour leur confie : « C’est la seule fois que j’ai été frappé, mais j’ai remarqué que plusieurs de mes camarades ont subi le même sort (234). » Aucune suite n’est cependant donnée par la prévôté à ces plaintes, le commandement semblant plus soucieux d’étouffer de telles affaires que de condamner la violence des militaires français. Les ouvriers libanais sont par conséquent nombreux à abandonner leur poste après ces maltraitances impunies, mais aussi parce qu’ils se sentent déconsidérés et négligés, comme en témoignage le libanais Agob Hamboyan, arrêté pour désertion le 5 septembre 1942 : « J’ai quitté ma compagnie parce que j’étais malade et personne ne voulait s’occuper de moi. Je suis parti chez mes parents pour me soigner (235). »

De plus, au sein des troupes coloniales aussi les subordonnés coloniaux – dont l’engagement dans les FFL ne participe pas d’un choix individuel – ont subi des maltraitances de la part des officiers européens. Pour ces hommes, dont le rapport à la hiérarchie et à la discipline ne relève pas de la « discipline librement consentie » qu’ont pu ressentir les Français de souche ralliés à la France Libre, la logique coloniale joue pleinement : les tirailleurs africains sont soumis à une sévère discipline imposée par leurs officiers français. Un certain nombre d’entre eux, notamment les tirailleurs de la 22e CNA et ceux des bataillons de marche, sont alors victimes de violences et de menaces au sein même des unités composées d’Européens. On citera le cas d’un tirailleur du BM4, arrêté par la prévôté le 17 mai 1943, qui explique que « l’abandon de poste devant l’ennemi » dont il est accusé a été provoqué par la peur que lui ont causé les menaces de morts proférées à son encontre :

« Je voulais causer au général commandant la division parce que, dans la nuit du 10 au 11 mai, j’ai entendu deux de mes camarades dire entre eux que j’allais être fusillé à 4h du matin. En entendant cela, j’ai été pris de peur et me suis enfui du fait que le 8 de ce même mois le capitaine commandant la compagnie, me reprochant de ne pas avoir exécuté une corvée, m’avait menacé de me faire fusiller (236). »

Bien que de manière beaucoup plus marginale, il arrive que l’esprit de camaraderie fasse place à l’humiliation au sein d’unités composées de Français de souche. Le cas du légionnaire Auguste Roséa retient ainsi l’attention. Gravement brûlé à la jambe lors de la retraite vers El Alamein de l’été 1942, il est jugé inapte à la poursuite du service en campagne. Désireux de continuer la lutte contre l’ennemi dans la mesure de ses moyens, il demande plusieurs affectations à l’intendance avant d’être affecté, malgré son état médical, dans une unité combattante. Ne pouvant remplir correctement ses fonctions à ce poste – il lui est notamment impossible de monter la garde à cause de sa blessure à la jambe –, il est sévèrement puni par son commandant de compagnie qui ne tient pas compte de sa fiche médicale. Roséa demande alors à changer de corps, mais le commandant Arnault fait alors rassembler tous les sous-officiers de la compagnie, devant lesquels il déclare à Roséa : « Vous pouvez partir. Je vous considère comme un Bédouin. Pour manger, débrouillez-vous (237). » N’ayant pu obtenir que son supérieur lui accorde une autorisation de quitter le corps, Roséa est alors contraint de vivre une semaine de la charité de ses camarades avant de décider de se constituer prisonnier auprès de la military police anglaise qui le remet à la prévôté.

À partir de l’été 1943, alors que la 1re DFL peut étoffer ses effectifs en intégrant des Français d’Afrique du Nord et des troupes indigènes recrutées dans les pays du Maghreb, la prévôté est confrontée à un regain des tensions liées aux discriminations raciales et à une augmentation des conflits communautaires. Ainsi, à l’automne 1943, deux militaires juifs tunisiens, engagés aux FFL quelques mois plus tôt, sont reconnus déserteurs et arrêtés par les gendarmes, auxquels ils déclarent avoir quitté leur corps afin de ne plus subir les brimades de leurs camarades qui les ont traités de « sales youpins ». Un antisémitisme que dénonce d’une autre manière le déserteur André Messie, un autre juif tunisien engagé aux FFL après la campagne de Tunisie, qui refuse de regagner son poste pour le motif suivant :

« Il m’est impossible de vivre en bonne intelligence avec [les indigènes nord-africains] en raison des tracas que leurs coreligionnaires ont occasionnés aux Israélites pendant l’occupation allemande en Tunisie. J’aurais voulu servir dans un corps composé uniquement d’Européens (238). »

La situation se complique davantage encore lorsqu’il s’agit pour des Européens de se plier à l’autorité de sous-officiers indigènes. Tout en soulignant le fait que la France Libre semble rechigner à l’idée de promouvoir des sous-officiers africains sortis du rang, Éric Jennings note qu’en l’absence de cadres européens disponibles pour ces postes, les promotions deviennent plus courantes à partir de 1942 (239). Mais les cas de refus d’obéissance de la part d’Européens se multiplient alors, nécessitant de nombreuses interventions de la prévôté. À ce titre, la déclaration d’André Thérèze, engagé au 1er RSM, est révélatrice : « Ayant été, depuis le début de ma vie militaire, dans la coloniale, je ne pouvais qu’à force de volonté me soumettre au commandement des sous-officiers indigènes de mon unité (240). »

On le voit, l’ensemble bigarré que forment les FFL est le foyer de tensions aux multiples aspects. Maintenir la cohérence d’un ensemble si disparate n’est pas aisé pour la prévôté qui doit constamment courir après les nombreux déserteurs gagnés par le découragement ou fuyant les violences et maltraitances dont ils sont victimes. La discipline ne s’est par ailleurs pas imposée partout aussi naturellement que l’historiographie le laisse entendre, une réelle dichotomie ayant opposée les unités métropolitaines aux unités coloniales. Dans ces dernières, l’encadrement de la troupe passe même par le recours à une certaine violence. Poursuivant les déserteurs mais enregistrant les plaintes que certains militaires adressent à l’encontre de leur hiérarchie, la prévôté tente difficilement de maintenir l’équilibre précaire qui unit toutefois les FFL.

Forces gaullistes et forces giraudistes

En dépit des déclarations d’intention et même si de Gaulle (président du CFLN) et Giraud (commandant en chef jusqu’à avril 1944) partagent la même volonté de mobiliser toutes les ressources de l’Empire pour créer, à partir de l’armée d’Afrique et des unités de la France Libre, les forces capables de participer à la libération de la mère patrie, l’animosité entre Français libres et forces giraudistes, que les FFL se plaisent à qualifier de « vichystes », est constante. Et cela, malgré l’officialisation de la fusion des forces gaullistes et giraudistes à l’été 1943. Jean-François Muracciole constate « qu’en définitive, c’est essentiellement le contact avec les forces françaises demeurées fidèles à Vichy ou à Giraud qui provoque les incidents les plus nombreux (241) ». Il rappelle ainsi qu’à Alexandrie, on ne compte plus les bagarres, parfois graves, avec les marins de la Force X de l’amiral Godfroy, immobilisée dans la base britannique depuis juillet 1940. Après Bir Hacheim, les Français libres organisent même une sorte de concours pour le moins original : c’est à qui rapportera le plus de « pompons » de marins de la Royale. On imagine sans peine les rixes qui s’ensuivirent.

C’est à partir de l’été 1943 que la prévôté de la 1re DFL est confrontée de près aux tensions nées du choc de la rencontre des forces gaullistes et giraudistes, cette division intégrant un nombre conséquent de militaires issus des armées françaises d’Afrique du Nord à partir du printemps 1943. Un mouvement de désertion en faveur des FFL voit alors le jour. Il est bien évidemment soutenu et encouragé par les dirigeants de la France Libre, lesquels récusent d’ailleurs le terme de désertion et lui préfèrent les termes de « changements spontanés d’affectation ». Le général de Gaulle obtient même de Giraud, selon le protocole signé le 20 juin pour mettre fin à cette vague de « désertions », que les « changements spontanés » antérieurs au 7 juin ne soient pas sanctionnés, mais validés. Un accord qui scandalise l’état-major de Giraud. Mais s’il est vrai que les giraudistes se livrent à une « chasse » aux gaullistes en Afrique du Nord et les mettent même en prison, les FFL ne sont pas tendres non plus envers les nouveaux arrivant dans la division, qu’ils considèrent souvent comme des traîtres. C’est ce dont témoigne aux prévôtaux un tirailleur tunisien fraîchement rallié à la France Libre : « J’ai quitté mon corps pour les raisons suivantes : 1°) Des incidents se sont produits entre des militaires français et moi ; 2°) Ces derniers m’ont traité de “raton” et d’ex-collaborateur des Allemands (242). » À l’été 1943, on assiste donc, par réaction, à un mouvement, faible en comparaison, de désertion inverse à celui qui s’était amorcé au printemps : des militaires passés de l’armée de Giraud à la France Libre cherchent à réintégrer leur ancienne unité. Il faut noter que cette animosité concerne aussi bien les hommes de troupes que les sous-officiers, voire les officiers. Il est en effet très difficile aux Français libres, qui luttent depuis 1940, de se laisser commander par des officiers ou sous-officiers des forces restées fidèles à Vichy jusque fin 1942. Les nouveaux venus à la division sont, de fait, victimes d’un véritable ostracisme, comme l’aspirant André Rigopoulo, du BM 4, arrêté pour désertion – une accusation extrêmement rare en ce qui concerne les officiers – et qui fait part du découragement auquel les brimades de ses camarades l’ont réduit et des attaques généralisées dont les nouveaux venus sont la cible :

« J’ai été l’objet de vexations constantes. On n’a pas hésité à faire allusion devant moi à la racaille venue de Tunisie ni à la qualité des aspirants récemment affectés qu’on dénommait : “sous-verge de seconde zone”. Je n’ai pas voulu que l’ambiance dans laquelle je vivais fasse disparaître l’enthousiasme qui m’avait poussé à m’engager parmi les premiers à Tunis (243). »

La prévôté est alors investie d’une mission de propagande visant à faire disparaître, ou du moins à estomper, les traces trop visibles du collaborationnisme de l’Afrique du Nord, en particulier en Tunisie, d’où les Allemands ont lancé leurs attaques avant de s’y replier et de livrer le dernier combat aux côtés de la « phalange africaine », envoyée en renfort par Vichy. Les gendarmes mènent ainsi plusieurs enquêtes sur des personnes soupçonnées d’avoir poussé trop loin la collaboration lors de la présence allemande dans la Régence. Ils procèdent notamment, en septembre, à l’arrestation de la garde beylicale à Tunis après une dénonciation l’accusant d’intelligence avec l’ennemi. L’un de ses membres confie aux gendarmes l’opportunité qu’a représentée pour lui l’arrivée de l’Afrika Korps :

« Dès l’arrivée des Allemands, j’ai été embauché pour effectuer des travaux. À un certain moment, sans pouvoir préciser la date, me trouvant bien vu et bien traité par les autorités dont je dépendais ; j’ai contracté un engagement dans les forces allemandes pour la durée de la guerre. Je n’ai pas rendu compte à mes chefs de la garde beylicale de cet engagement de peur d’être puni très sévèrement (244). »

Autre fait significatif, en août 1943, alors que la 1re DFL est stationnée en Libye, le gendarme Leduc, commandant le poste prévôtal du camp de Zouara, qui effectue une patrouille dans la ville, remarque qu’un commerçant libyen propose à la vente des objets ayant appartenu aux forces ennemies italiennes et allemandes : broches en forme d’aigles à croix gammée, cartes postales « en couleur » représentant des soldats italiens en arme. Il procède alors à la saisie des objets, qu’il remettra à leur demande aux agents de la military police anglaise, puis dresse un rapport destiné au commandement signalant l’effet fâcheux de cet incident : « La vue [de ces objets] ayant provoqué l’indignation de deux sous-officiers français, j’ai estimé déplacée l’exposition de ces insignes et cartes rappelant la présence des ennemis dans ce pays. Je les ai saisies et déposées dans mon bureau (245). »

En contribuant à maintenir l’ordre et en cherchant à préserver le prestige des FFL, la prévôté de la 1re DFL a rendu les plus grands services à la France Libre, car, malgré l’inactivité dans laquelle ses hommes sont maintenus, la 1re DFL n’en continue pas moins de jouer un rôle politique important au cours de cette longue « traversée du désert » qui connaît des oppositions fortes entre forces gaullistes et forces giraudistes. De Gaulle parviendra en définitive à évincer définitivement Giraud et à arracher aux alliés la garantie que plusieurs divisions françaises participeront au débarquement de Provence et qu’au moins une d’entre elles sera associée au projet de débarquement depuis l’Angleterre. Il faut néanmoins attendre le mois d’avril 1944 pour que la 1re DMI de Brosset soit enfin engagée en Italie, après avoir été entièrement rééquipée avec du matériel américain, tout en restant fidèle au casque britannique, pour bien se démarquer des autres divisions françaises et afficher jusqu’au bout son esprit « free french ».

CONCLUSION

L’histoire des gendarmes pendant la Seconde Guerre mondiale, de leur participation efficace à la mise en œuvre de la politique de Vichy ou de leurs actions de résistance, passive puis active, est de mieux en mieux connue(246). Mais avant ce livre, un aspect particulier de la contestation de Vichy par des gendarmes n’avait pas fait l’objet d’une recherche : le choix d’un petit nombre d’entre eux de répondre à l’appel du général de Gaulle et de poursuivre la lutte en s’exilant hors du territoire national. Le ralliement de ces hommes à la France Libre et le recrutement d’autres gendarmes au sein de ce mouvement ont été oubliés, non seulement des historiens, mais aussi de l’institution, et avant même la fin de la guerre. Lorsque, le lieutenant-colonel Girard, nommé commandant de la gendarmerie et de la Garde républicaine par le GPRF, dresse, le 13 septembre 1944, avec une certaine exaltation et une bonne part de simplification, le bilan de l’action des gendarmes durant l’Occupation, il ne rend à aucun moment hommage à ceux qui sont passés à la France Libre. À ses yeux, seule compte l’action menée sur le territoire : « Les uns, restés sur place, se sont attachés, par de petits gestes quotidiens, à concilier la protection des personnes et des biens avec la résistance aux exigences de l’ennemi […]. D’autres […] n’ont pas hésité à abandonner leur famille et leur uniforme pour se joindre aux FFI et apporter leur anonyme contribution à la libération du pays. Certains, enfin, peu nombreux, ont failli à leur devoir (247). »

Il est vrai que le nombre de gendarmes engagés dans les FFL est infime au regard de l’effectif total de l’Arme. Sur les 54 500 gendarmes départementaux et gardes républicains dénombrés à la veille du conflit, sept seulement passent en Grande-Bretagne, dont cinq depuis la métropole, auxquels il faut ajouter les quelque trente gendarmes (dont trois officiers et quatre sous-officiers) ralliés au Levant dans le sillage de la campagne de Syrie de l’été 1941. La proportion de ralliés – un sur 1 500 – est très inférieure à celle des Français adultes, un sur 600 (248). Et, sur les trente gendarmes qui forment le noyau de la prévôté FFL mise en place en Syrie, cinq seulement sont versés dans les deux brigades françaises libres qui passent en Afrique du Nord pour participer à la guerre du désert aux côtés de la 8e armée britannique.

Les archives ont permis de découvrir tous ces hommes et de relater, au moins sommairement, leurs parcours personnels. La logique de l’engagement individuel a joué à plein : aucun de ces gendarmes n’a été incité à passer à la France Libre par une autorité supérieure. Tous ont choisi et pris le risque d’abandonner leur situation professionnelle et leur famille par conviction patriotique.

Pour remédier à la faiblesse des effectifs et donner une existence véritable à la prévôté des FTGB, en Angleterre, et à celle de la 1re DFL, en Afrique du Nord, les chefs de la France Libre font appel à des militaires issus des trois armées. Après un contrôle scrupuleux de leurs états de service, les recrues, principalement des sous-officiers, reçoivent une formation accélérée de gendarme, limitée cependant par le nombre insuffisant de manuels d’instruction et même d’armes. Tous ces prévôtaux assument deux fonctions majeures : le maintien de la discipline et la lutte contre la délinquance au sein de la France Libre, une force peu nombreuse et entièrement composée de volontaires. À la demande du commandement, la nouvelle police militaire française s’emploie, au premier chef, à faire respecter la discipline et les consignes relatives à la bonne tenue. Si ces vertus sont la préoccupation de toute force armée(249), elles revêtent une importance décisive dans le cas des FFL, car ces quelques milliers de Français se doivent, aux yeux du général de Gaulle, de « remettre dans la guerre, non point seulement des Français, mais la France(250) ».

En Grande-Bretagne, la prévôté permet d’éviter ou de réduire des incidents provoqués par des Français libres, et qui ternissent l’image même de leur cause. Mais le pouvoir et la rigueur des prévôtaux sont souvent mal acceptés par des soldats qui en viennent parfois aux mains avec eux, en oubliant qu’être volontaire pour se battre, c’est aussi accepter d’obéir. La mission ambitieuse assignée à la prévôté, celle de maintenir le prestige des Forces françaises libres, constitue une tâche délicate, et d’autant plus que ses hommes, peu nombreux et dépourvus de moyens suffisants, doivent faire appliquer les lois d’un pays qui n’est pas le leur et intervenir auprès d’une population dont ils ne maîtrisent pas bien la langue. Cependant, la prévôté de Londres, qui collabore régulièrement et en toute cordialité avec les polices anglaises, n’a eu, finalement, à enquêter que sur très peu de crimes et sur un unique cas de tentative de meurtre. Si les rixes entre militaires, en particulier avec les Américains, ou les pugilats avec les gendarmes sont relativement nombreux et violents, les procès-verbaux ne mentionnent jamais l’utilisation d’une arme à feu ou d’une arme blanche. Il ressort clairement de cette recherche que la lutte contre l’indiscipline, incompatible avec l’exemplarité exigée des FFL, ou contre la désertion, souvent motivée aussi par le désir de retourner sur le terrain des combats, a bien plus occupé la prévôté de Londres que toute autre forme de criminalité.

En Afrique, au contact direct des champs de bataille, la mission des prévôtaux est sensiblement différente. Ils doivent faire face à de nombreux crimes, comme des homicides et des viols, liés à l’omniprésence du danger et de la mort. L’objectif prioritaire de la prévôté est de s’assurer que tous les militaires font leur devoir de combattant. Or, le découragement guette plusieurs soldats de la France Libre. S’ils ne doutent pas de la justesse de leur cause et de la victoire finale, leur moral est vivement affecté par les fortes tensions qui traversent les rangs de la 1re DFL. Les principales cibles sont des coloniaux, et surtout des civils recrutés au Levant, victimes du racisme des cadres européens, ainsi que des légionnaires issus des pays ennemis, et qui subissent de violentes brimades de la part de leurs camarades. De plus, les officiers passés des forces giraudistes aux FFL, à partir de 1943, ont bien du mal à se faire obéir d’hommes qui les considèrent, au mieux comme des lâches, voire comme des traîtres. En Afrique, la prévôté est également confrontée aux relations parfois conflictuelles entre les Français libres et les populations civiles. À partir de 1943, les incidents atteignent une fréquence et un degré de violence extrêmes, dans un contexte de grande frustration pour les militaires de la 1re DFL. Au cours de la longue attente de Zouara et de Nabeul, entre juin 1943 et mars 1944, les rapports entre les soldats français et les civils indigènes deviennent même véritablement détestables. Au mépris de plusieurs Français libres pour les indigènes répond l’animosité des populations envers des militaires qui sont plus assimilés à des colons qu’à des libérateurs.

Les procès-verbaux de la prévôté tranchent avec la plupart des documents officiels, parfaitement lisses, car les multiples plaintes enregistrées témoignent de véritables dysfonctionnements au sein de la France Libre. En donnant la parole aux auteurs des infractions, dont les déclarations les plus crues sont reproduites dans un souci d’objectivité, les rapports des gendarmes se font les échos de la subjectivité des hommes qu’ils ont interpellés. Originale et jusqu’alors oubliée, cette source apporte un éclairage inédit sur la vie quotidienne des Français libres, dont Jean-François Muracciole estime qu’elle reste mal connue en raison des limites de la documentation écrite(251). Les archives de la prévôté comblent en partie cette lacune : elles révèlent plusieurs facettes des Français libres, très désireux de se battre, mais parfois rebelles, jouisseurs et qui n’hésitent pas à abandonner leur poste sans permission, notamment pour se rendre à Londres, la ville de tous les plaisirs. Leurs relations avec les alliés, et surtout avec les civils britanniques, ne sont pas non plus toujours aussi paisibles que le discours officiel le prétend. On découvre enfin que la délinquance de certains soldats, en particulier sur les champs de bataille africains, trouve souvent son origine dans les fortes tensions, politiques, idéologiques et raciales, qui agitent les rangs des Forces françaises libres, dont plusieurs membres, légionnaires ou coloniaux, n’ont pas la nationalité française. L’image idéalisée des Français libres, exemplaires, entièrement dévoués à leur devoir de militaires et soudés par un infrangible esprit de camaraderie, doit être nuancée, voire, par moments, corrigée : leur identification systématique comme des hommes unis par une « discipline librement consentie » relève en partie du mythe.

L’organisation d’une police militaire, ultérieurement baptisée prévôté, a constitué un véritable enjeu pour la France Libre, malgré la faiblesse des effectifs concernés. Placé au service des autorités françaises installées en Grande-Bretagne, ce nouveau corps a renforcé leur souveraineté sur leurs propres troupes, qui dépendaient, jusque-là, des seuls Anglais en matière de police judiciaire. Grâce à son pouvoir de coercition, il a également contribué à maintenir une certaine cohésion au sein de l’ensemble disparate des FFL.

Les registres, les dossiers de pension et surtout les procès-verbaux des prévôtés des FFL ont permis de sortir de l’ombre les parcours et les rôles singuliers des gendarmes rassemblés dans ces unités. Issus d’un corps associé à la politique de Vichy, ces prévôtaux ont pris part à la lutte contre ce régime hors de la métropole. Engagés volontaires dans l’armée de la France Libre, au mépris du respect de l’ordre hiérarchique et de la discipline militaire, ils se sont vus confier la tâche d’imposer le respect de cette même discipline à d’autres résistants, recrutés de la même manière. Cette poignée de gendarmes a répondu à l’appel du général de Gaulle pour poursuivre la guerre. Jusque-là occultée, leur histoire méritait d’être écrite, elle aussi.

ANNEXES

TABLEAUX

Tableau n° I - L’activité de la prévôté des Forces terrestres de Grande-Bretagne de 1941 à 1944

1941

1942

1943

1944

Procès-verbaux dressés

2

142

291

404

Constatations d’accidents de la route

0

8

78

91

Plaintes pour vol

0

4

10

33

Évasions et tentatives d’évasion de la prison prévôtale

1

3

4

9

Déserteurs arrêtés

0

46

76

99

Total des

arrestations

2

132

133

148

Tableau n° II - Bilan par armée des arrestations (absents illégaux et déserteurs) effectuées par la prévôté des FTGB entre 1941 et 1946 :

Arrêtés

Recherchés

Terre

255

3

Mer

210

5

Air

248

2

Tableau n° III - L’activité des prévôtés des deux brigades françaises libres de 1942 à 1943

Procès-verbaux dressés

Constatations d’accidents de la route

Plaintes pour vol

Mise à exécution de contraintes par corps

Évasions de la prison prévôtale

Déserteurs recherchés ou arrêtés

Meurtres, tentatives de meurtres et homicides involontaires

1re Brigade

1942

163

16

25

***

1

34

5

1943

(Janv à mars)

24

0

0

3

0

16

0

2e Brigade

1942

192

19

12

16

12

85

1

1943

(Janv à juin)

99

11

4

20

0

35

5

Tableau n° IV - L’activité de la prévôté de la 1re DFL en 1943

Procès-verbaux dressés

Constatations d’accidents de la route

Plaintes pour vol ou abus de confiance

Mise à exécution de contrainte par corps

Rixes, voies de fait et agressions

Déserteurs recherchés ou arrêtés

Meurtres, tentatives de meurtre et homicides involontaires

1re DFL (juillet-décembre 1943)

404

57

30

11

11

121

12

Poste de Zuara (août-septembre 1943)

29

2

0

0

1

20

1

Poste de Tunis

(août-septembre 1943)

52

3

1

0

0

19

0

Poste de Ména Camp

(août 1943-mars 1944)

56

0

6

2

1

36

0

Tableau n° V - Les Français libres étrangers dans les FFL *

Nationalité

Nombre

% du total des étrangers

Espagnols

480

17,1

Polonais

270

9,6

Belges

265

9,4

Allemands et Autrichiens

185

6,6

Italiens

180

6,4

Russes

175

6,2

Britanniques

130

4,6

Tchèques

90

3,2

Roumains

70

2,5

TOTAL

1845

65

* D’après Jean-François Muracciole

Tableau n° VI - Les pertes de la 1re DFL *

Année

Pertes des Européens

Pertes des coloniaux

Pertes totales

% de l’année

Nb de tués par mois

Total

Officiers

Total

Officiers

Total

Officiers

1940

8

0

0

0

8

0

0,19

1,3

1941

200

12

94

0

294

12

8,07

24,5

1942

375

28

195

1

570

29

15,7

47,5

1943

137

15

134

1

271

16

7,48

22,6

1944

1 038

97

631

2

1 669

99

46,1

139

1945

735

35

72

1

807

36

22,5

161

Total

2 493

187

1 126

5

3 619

192

100

* D’après Jean-François Muracciole

SOURCES

Archives

Service historique de la Défense

Prévôté des Forces Françaises en Grande-Bretagne

2007 ZM/100 64 82

- Liste du personnel, Pièces solde 1944

2007 ZM/100 64 93

- Carnets de déclaration 1942 à 1946,

- R/Transfèrements 1943

2007 ZM/100 64 94

- Carnets de déclaration, 1944 à 1946

2007 ZM/100 62 72

- Contrôle nominatif du personnel

2007 ZM/100 62 73

- R/2 1946, R/2R 1945,

- R/4 1944 à 1946

2007 ZM/100 62 74

- R/2 1942 à 1944

2007 ZM/100 62 75

- État nominatif des détenus,

- Registre d’écrou, Ordres d’écrou

2007 ZM/100 62 76

- Procès-verbaux 1942 à 1944

2007 ZM/100 62 77

- Procès-verbaux 1945 à 1946

2007 ZM/100 62 78

- R/C courant détenus 1944 à 1945,

- État nominatif des détenus 1945,

- Mutations 1946,

- Décisions place Londres 1944,

- R/Ordres 1941

2007 ZM/100 62 79

- R/P.-V. 1942 à 1946, JMO,

- Incidents journaliers 1945 à 1946,

- R/Transfèrements 1943 à 1946

2007 ZM/100 62 80

- R/Comptabilité,

- Feuilles d’émargement,

- Feuilles de journée

Dossier personnel du capitaine Foveau

8 YE/66 459

Prévôté de la Force L

2007 ZM/100 60 44

- Procès-verbaux 1941 à 1943

- R/4 1942

Prévôté des FFWD

2007 ZM/100 60 45

- Cahier de visite 1940

- R/2 1942

- R/4 1942

- Pièces diverses 1942

2007 ZM/100 60 46

- Procès-verbaux 1942 à 1943

2007 ZM/100 60 47

- R/2 1943 à 1946

- R/4 1943 à 1946

- Procès-verbaux 1943 à 1946

Dossier personnel du capitaine Zickenheiner

8YE/134 835

Dossiers personnels de gendarmes résistants

GR 16 P 337 899

- Pierre LAPLAUD

GR 16 P 464 766

- Alcide PENASSE

GR 16 P 580 823

- Jean-Louis UGUEN

GR 16 P 600 698

- Lucien WALTER

GR 16 P 538 369

- Georges SAYKALI

GR 16 P 289 020

- Frédéric HELM

GR 16 P 169 468

- Louis DELEAN

GR 16 0 302 907

- Gustave JABOUIN

SOURCES IMPRIMÉES

Témoignages

BORIS Jean-Mathieu, Combattant de la France Libre, Paris, Perrin, 2012, 219 p.

BROISSIA Pierre de (dir.), La France libre : l’épopée des Français libres au combat, 1940-1945, Paris, L.B.M., 2004, 191 p.

HATTU Guy, Un matin à Ouistreham, 6 juin 1944, Paris, Tallandier, 2014, 269 p.

MESSMER Pierre, PELISSIER Pierre, TAURIAC Michel, Nous les Français combattants de 39-45, Paris, Tallandier, 2005, 359 p.

Autobiographies et mémoires

ALPHAND Hervé, L’Étonnement d’être : journal 1939-1973, Paris, Fayard, 1977, 614 p.

ARON Raymond, Mémoires, Paris, Julliard, 1983, 778 p.

CHURCHILL Winston, Mémoires sur la Deuxième Guerre mondiale, Paris, Plon, 1948-1954, 6 tomes en 12 volumes.

CORDIER Daniel, Alias Caracalla, Paris, Gallimard, 2009, 931 p.

GAULLE Charles de (général), Mémoires de guerre, t. 1, L’Appel, 1940-1942, Paris, Plon, 1954, 683 p., – t. 2, L’Unité 1942-1944, Paris, Plon, 1956, 715 p., – t. 3, Le Salut, Paris, Plon, 1959, 656 p.

MOULIN Jean, Premier Combat, Paris, Éditions de Minuit, 1947, 171 p.

PASSY (colonel), Mémoires du chef des services secrets de la France libre, Paris, Odile Jacob, 2000, 801 p.

PAILLOLE Paul, Services spéciaux 1939-1945, Paris, Laffont, 1975, 565 p.

ROMMEL Erwin, La Guerre sans haine, t. 2 Les années de défaite, Paris, Amiot-Dumont, 1953, 318 p.

Périodiques

Le Journal officiel de la France libre : le Bulletin officiel des Forces françaises libres du 15 août 1940, le Journal officiel de la France libre du 20 janvier 1941 au 16 septembre 1943, Paris, Direction des journaux officiels, 1995, 230 p.

BIBLIOGRAPHIE

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MONTAGNON Pierre, Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Pygmalion, 2008, 973 p.

2. La France Libre

BROCHE François, MURACCIOLE Jean-François, CAITUCIOLI Georges, Max, CRÉMIEUX-BRILHAC Jean-Louis, SIRINELLI Jean-François, Dictionnaire de la France Libre, Paris, Robert Laffont, 2010, 1602 p.

HARISMENDY Patrick, LE GALL Erwan, Pour une histoire de la France Libre, Rennes, P.U.R., 2012, 188 p.

MARCOT François, LEROUX Bruno, LEVISSE-TOUZÉ Christine, Dictionnaire historique de la Résistance : résistance intérieure et France Libre, Paris, Robert Laffont, 2006, 1187 p.

3. La gendarmerie

EBEL Édouard, L’HEREEC Ronan, LUC Jean-Noël, Bibliographie de l’histoire de la gendarmerie, Vincennes, SHD, 2011, 308 p.

LUC Jean-Noël (dir.), Histoire de la maréchaussée et de la gendarmerie. Guide de recherche, Maisons-Alfort, SHGN, 2005, 1106 p.

LUC Jean-Noël, MÉDARD Frédéric (dir.), Histoire et dictionnaire de la gendarmerie, De la Maréchaussée à nos jours, Paris Jacob-Duvernet, 2013, 538 p.

II. Histoire de la France au XXe siècle

BEAUPRÉ Nicolas, Les Grandes Guerres : 1914-1945, Paris, Belin, 2012, 1143 p.

BERNSTEIN Serge, MILZA Pierre, Histoire de la France au XXe siècle, Bruxelles, Complexe 1995, 1406 p.

CORVISIER André (dir.), Histoire militaire de la France, t. 4, de 1940 à nos jours, Paris, P.U.F., 1997, 620 p.

GIRARDET Raoul, La société militaire de 1815 à nos jours, Paris, Perrin, 1998, 339 p.

MASSON Philippe, Histoire de l’armée française de 1914 à nos jours, Paris, Perrin, 1999, 507 p.

SCHOR Ralph, Histoire de la société française au XXe siècle, Paris, Belin, 2004, 479 p.

III. Histoire générale de la Deuxième Guerre mondiale

MICHEL Henri, La Seconde Guerre mondiale, Paris, Omnibus, 2001, nouvelle éd., 977 p.

MIQUEL Pierre, La Seconde Guerre mondiale, Paris, Fayard, 1986, 651 p.

PHAN Bernard, Chronologie de la Seconde Guerre mondiale, Éditions Points, 2010, 185 p.

QUELLIEN Jean, Histoire de la Seconde Guerre mondiale, Éditions Ouest France et Mémorial de Caen, Rennes et Caen, 1995, 385 p.

IV. La France dans la Deuxième Guerre mondiale

1. La bataille de France

AZÉMA Jean-Pierre, De Munich à la Libération, 1938-1944, Paris, Seuil, 1979, 412 p.

AZÉMA Jean-Pierre, 1940 l’année noire, Paris, Fayard, 2010, 464 p.

DURAND Yves, La France dans la Deuxième Guerre mondiale : 1939-1945, Paris, Armand Colin, 1993, 191 p.

RICHARDOT Jean-Pierre, 100 000 morts oubliés : les 47 jours et 47 nuits de la bataille de France, Paris, Le Cherche-Midi, 2009, 408 p.

2. Le Régime de Vichy

ABZAC-EPEZY Claude (de), L’armée de l’Air des années noires, Vichy, 1940-1944, Paris, Economica, 1998, 412 p.

AZÉMA Jean-Pierre, « La Milice », Vingtième siècle : revue d’histoire, n° 28, octobre-décembre 1990, pp. 83-105.

AZÉMA Jean-Pierre et BÉDARIDA Jean-Claude (dir.), Le régime de Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1992, 788 p.

COINTET Michèle, Le Conseil national de Vichy : vie politique et réforme de l’État en régime autoritaire, 1940-1944, Paris, Aux amateurs de livres, 1989, 483 p.

COINTET Jean-Paul, La légion française des combattants, 1940-1944, la tentation du fascisme, Paris, Albin Michel, 1995, 458 p.

COUTAU-BÉGARIE, Hervé et HUAN Claude, Darlan, Paris, Fayard, 1989, 873 p.

DELPERRIÉ de BAYAC Jacques, Histoire de la milice, 1918-1945, Paris, Fayard, 1969, 685 p.

DUROSELLE Jean-Baptiste, Politique étrangère de la France. L’Abîme 1939-1944, Paris, Seuil, 1986, 680 p.

FERRO Marc, Pétain, Paris, Fayard, 1987, 789 p.

GRYNBERG Anne, Les camps de la honte : les internés juifs des camps français, 1939-1944, Paris, La Découverte, 1999, 409 p.

KUPFERMAN Alfred, Laval, Paris, Balland, 1987, 570 p.

MASSON Philippe, La Marine française et la guerre, 1939-1945, Paris, Tallandier, 1991, 539 p.

MICHEL Henri, Darlan : amiral de la Flotte, Paris, Hachette, 1993, 451 p.

PAXTON Robert, La France de Vichy. 1940-1944, Paris, Seuil, 1999, 475 p.

–, L’armée de Vichy. Le corps des officiers français. 1940-1944, Paris, Seuil, 2005, 586 p.

RAJFUS Maurice, La Police de Vichy : les forces de l’ordre françaises au service de la Gestapo, 1940-1944, Paris, Le Cherche-Midi, 1995, 286 p.

ROSSIGNOL Dominique, Histoire de la propagande en France de 1940 à 1944, Paris, P.U.F., 1991, 351 p.

ROUSSO Henri, Les Années noires. Vivre sous l’Occupation, Paris, Gallimard, 1992, 192 p.

3. L’action clandestine en France et la Résistance

AZÉMA Jean-Pierre (dir.), Jean Moulin face à l’histoire, Paris, Flammarion, 2000, 41 p.

BOURDET Claude, L’Aventure incertaine : de la Résistance à la Restauration, Paris, Stock, 1975, 478 p.

CORDIER Daniel, Jean Moulin. L’Inconnu du Panthéon, t. 3, De Gaulle, capitale de la Résistance, Paris, Lattès, 1989, 1480 p.

–, Jean Moulin. La République des catacombes, Paris, Gallimard, 1999, 999 p.

GRANET Marie et MICHEL Henri, Combat. Histoire d’un mouvement de résistance, Paris, P.U.F., 1957, 331 p.

GUILIN François-Yves, Le Général Delestraint : premier chef de l’Armée secrète, Paris, Plon, 1995, 400 p.

MICHEL Henri, Jean Moulin l’unificateur, Paris, Hachette, 1964, 224 p.

MOULIN Laure, Jean Moulin, Paris, Presses de la Cité, 1969, 482 p.

MURACCIOLE Jean-François, Histoire de la Résistance en France, Paris, P.U.F., 2012 (5e éd. mise à jour), 127 p.

NOGUÈRES Henri, Histoire de la Résistance en France, t. 1, “La première année” : juin 1940-juin 1941, Paris, Laffont, 1967, 512 p.

–, t. 2, L’Armée de l’ombre, juillet 1941-octobre 1942, Paris, Laffont, 1969, 735 p.

–, t. 3, “Et du Nord au Midi”, Paris, Laffont, 1972, 717 p.

–, t. 4, Formez vos bataillons !, Paris, Laffont, 1976, 710 p.

–, t. 5, Au grand soleil de la Libération, Paris, Laffont, 1981, 923 p.

PÉAN Pierre, Vies et morts de Jean Moulin : éléments d’une biographie, Paris, Fayard, 1998, 715 p.

PERRIER Guy, Le colonel Passy et les services secrets de la France Libre, Paris, Hachette, 1999, 308 p.

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WIEVIORKA Olivier, Histoire de la Résistance, Paris, Perrin, 2012, 574 p.

4. Débarquements et Libérations

BUTTON Philippe, GUILLON Jean-Marie (dir.), Les Pouvoirs en France à la Libération, Paris, Belin, 1990, 590 p.

CRÉMIEUX Francis, La Vérité sur la libération de Paris, Paris, Belfond, 1971, 191 p.

FOULON Charles-Louis, Le Pouvoir en province à la Libération. Les commissaires de la République, 1943-1946, Paris, Armand Colin, 1975, 300 p.

FUNK Arthur Layton, Les Alliés et la Résistance. Un combat côte à côte pour libérer le sud-est de la France, Aix-en-Provence, Édisud, 2001, 229 p.

KASPI André, La Libération de la France, juin 1944-janvier 1946, Paris, Perrin, 1995, 562 p.

V. Histoire de la France Libre

1. Premières approches

ACCOCE Pierre, Les Français à Londres, 1940-1941, Paris, Balland, 1989, 341 p.

COINTET Michèle et Jean-Paul, La France à Londres : renaissance d’un État, 1940-1943, Bruxelles, Complexe, 1990, 271 p.

CRÉMIEUX-BRILHAC Jean-Louis, La France Libre, (2 vol.), Paris, Gallimard, 2001, 1522 p.

FLORY Maurice, Le Statut international des gouvernements réfugiés et le cas de la France Libre, 1939-1945, Paris, Pédone, 1952, 312 p.

GILLOIS André, Histoire secrète des Français à Londres, 1940-1944, Paris, Hachette, 1973, 397 p.

JENNINGS Éric, La France Libre fut africaine, Paris, Perrin, 2014, 350 p.

MICHEL Henri, Histoire de la France Libre, Paris, P.U.F. (Que sais-je ? n°126), 1980, 4e éd. corrigée, 126 p.

MURACCIOLE Jean-François, Histoire de la France Libre, Paris, P.U.F., 1996, 126 p.

–, Les Français libres, Paris, Tallandier, 2009, 424 p.

2. De Gaulle

ALBERTELLI Sébastien, Les Services secrets du général de Gaulle, le BCRA, 1940-1944, Paris, Perrin, 2009, 617 p.

AMOUROUX Henri, Le 18 juin 40, Paris, Fayard, 1990, 380 p.

COINTET Michèle, De Gaulle et Giraud : l’affrontement, 1942-1944, Paris, Perrin, 2006, 549 p.

CRÉMIEUX-BRILHAC Jean-Louis, De Gaulle, la République et la France Libre, Paris, Perrin, 2014, 493 p.

GIRARD DE CHARBONNIÈRES Guy, Le Duel Giraud-de Gaulle, Paris, Plon, 1984, 251 p.

KERSAUDY François, De Gaulle et Churchill, Paris, Plon, 1982, 411 p.

LACOUTURE Jean, De Gaulle, t. 1, Le rebelle, 1890-1944, Paris, Seuil, 1984, 869 p.

LA GORCE Paul Marie de, De Gaulle, Paris, Perrin, 1999, 1406 p.

3. L’armée de la France Libre

CASALIS André, Cadets de la France Libre : l’École militaire, Paris, Lavauzelle, 1994, 365 p.

CHALINE Émile (vice-amiral) et SANTARELLI Pierre (capitaine de vaisseau), Historique des Forces Navales Françaises Libres, Vincennes, Service historique de la marine, 1989, 461 p.

CHRISTIENNE Charles (général) et LISSARGUE Pierre (général), Histoire de l’aviation militaire. L’armée de l’Air 1928-1981, Paris et Limoges, Lavauzelle, 1980, 557 p.

GAUJAC Paul, L’armée de la victoire, t.1, Le Réarmement, 1942-43, Paris, Lavauzelle, 1984, 187 p.

–, t.2, De Naples à l’île d’Elbe, 1942-43, Paris, Lavauzelle, 1985, 203 p.

–, t.3, De la Provence à l’Alsace, 1944, Paris, Lavauzelle, 1985, 203 p.

–, t.4, Du Rhin au Danube, 1944-45, Paris, Lavauzelle, 1986, 219 p.

GRAS Yves, La 1ère DFL : les Français libres au combat, Paris, Presses de la Cité, 1983, 449 p.

INGOLD François (général), préface de Charles de GAULLE (général), L’Épopée Leclerc au Sahara, Paris, Berger-Levrault, 1945, 264 p.

LE GOYET Pierre (colonel), La Participation française à la campagne d’Italie, 1943-1944, Paris, Imprimerie nationale, 1969, 347 p.

–, La campagne d’Italie, une victoire quasi-inutile, Paris, Nouvelles Éditions latines, 1985, 302 p.

LEVISSE-TOUZÉ Christine, Du capitaine de Hauteclocque au général Leclerc, Bruxelles, Complexe, 2000, 478 p.

NOTIN Jean-Christophe, La campagne d’Italie, Paris, Perrin, 2002, 798 p.

PASQUELOT Maurice, Les sous-marins de la France Libre, 1939-1945, Paris, Presses de la Cité, 1981, 285 p.

SAINT-HILIER (général), « La 1re D.F.L. dans la campagne d’Italie », Revue de la France Libre, n° 284, 4e trim. 1993, pp. 4-7.

VERNET (chef de bataillon), Le Réarmement et la réorganisation de l’armée de Terre française, 1943-1946, Vincennes, S.H.A.T., 1980, 241 p.

4. La France Libre et l’Empire

ABOULKER Marcel, Alger et ses complots, Paris, Fournier, 1945, 896 p.

BARRÉ Georges (général), Tunisie, 1942-1943, Paris, Berger-Levrault, 1950, 322 p.

CHAMINE [Geneviève DUMAI, alias], Suite française. La Conjuration d’Alger, Paris, Albin Michel, 1946, 447 p.

–, Suite française. La Querelle des généraux, Paris, Albin Michel, 1952, 589 p.

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DAVET Michel-Christian, La Double Affaire de Syrie, Paris, Fayard, 1967, 360 p.

MAST (général), Histoire d’une rébellion, Alger, 8 novembre 1942, Paris, Plon, 1969, 523 p.

ORDIONI Pierre, Le Secret de Darlan (1940-1942) : le vrai rival de De Gaulle, Paris, Albatros, 1974, 299 p.

PAILLAT Claude, L’Échiquier d’Alger, t.1, Avantage à Vichy, juin 1940-novembre 1942, Paris, Laffont, 1966, 416 p.

–, t.2, De Gaulle joue et gagne, novembre 1942-août 1944, Paris, Laffont, 1967, 415 p.

VOITURIEZ Albert-Jean, L’Affaire Darlan, Paris, Lattès, 1980, 275 p.

VI. Histoire et actualité de la gendarmerie

1. Généralités

ALARY Éric, Histoire de la gendarmerie, Paris, Perrin, 2010, 320 p.

BERLIÈRE Jean-Marc, Le monde des polices en France, Bruxelles, Complexe, 1996, 275 p.

BESSON Jean (général), ROSIÈRE Pierre, La Gendarmerie nationale, Paris, Xavier Richer, 1982, 590 p.

BROUILLET Pascal (dir.), De la Maréchaussée à la Gendarmerie, manuel d’histoire, Maisons-Alfort, SHGN, 2002, 142 p.

DIEU François La gendarmerie, secrets d’un corps, Bruxelles, Complexe, 2002, 334 p.

–, Sociologie de la gendarmerie, Paris, L’harmattan, 2008, 230 p.

GALERA Yann, Les gendarmes dans l’imaginaire collectif : de 1914 à nos jours, Paris, Nouveau Monde, 2008, 367 p.

LUC Jean-Noël (dir.), Gendarmerie, État et Société au XIXe, Paris, PUPS, 2002, 510 p.

–, Soldats de la loi, La gendarmerie au XXe siècle, Paris, PUPS, 2010, 534 p.

MIQUEL Pierre, Les Gendarmes, Paris, Orban, 1990, 417 p.

2. La gendarmerie dans la Deuxième Guerre mondiale

ACCOCE Pierre, Les gendarmes dans la Résistance, Paris, Presses de la Cité, 2001, 341 p.

BERLIÈRE Jean-Marc, Les policiers français sous l’Occupation, Paris, Perrin, 2001, 388 p.

CAZALS Claude (colonel), La gendarmerie sous l’Occupation, préface du général Pierre-Charles Sérignan, Paris, Éditions de la Musse, 1994, 320 p.

–, La gendarmerie et la « Libération ». Résistance. Combats libérateurs. Réorganisation. Épuration, Paris, Éditions de la Musse, 2001, 384 p.

CHAMPCHESNEL Hélène de, La déchirure. Guerre fratricide en gendarmeries. Levant, 1939-1945, Vincennes, SHD, 2014

GRANDEMANGE Hélène, La gendarmerie en Syrie et au Liban pendant la Seconde Guerre mondiale, doctorat, histoire, sous la dir. de J. Frémeaux, 2008, 430 p.

HABERBUSCH Benoît, La gendarmerie en Algérie : 1939-1945, Maisons-Alfort, SHGN, 2004, 593 p.

–, « La gendarmerie pendant la campagne de Tunisie (novembre 1942 – mai 1943) », Force publique, n° 2, La gendarmerie, les gendarmes pendant la Seconde Guerre mondiale, SNHPG, 2007, pp. 51-56.

LUC Jean-Noël, « L’histoire de la gendarmerie sous l’Occupation entre panégyrique, réquisitoire et recherche », Force publique, n° 2, La gendarmerie, les gendarmes pendant la Seconde Guerre mondiale, SNHPG, 2007, pp. 11-23

MOURAZ Bernard, « La gendarmerie départementale pendant la “drôle de guerre” », Revue de la Gendarmerie nationale, Maisons-Alfort, SHGN, 3e trim. 2002, pp. 35-41.

– (dir.), Gendarmes résistants. Du refus aux combats de la Libération, 1940-1945, Vincennes, SHD, 2006, 214 p.

NATIVITÉ Jean-François, « La mémoire de la gendarmerie durant la Seconde Guerre mondiale. Entre mémoire du silence et silences de la mémoire », Revue historique des armées, n° 234, mars 2004, pp. 102-112.

NATIVITÉ Jean-François, Servir ou désobéir, Paris, Vendémiaire, 2013, 477 p.

SAIT Aziz « La Garde républicaine mobile pendant la campagne de 1939-1940 », Force Publique, n° 2, La gendarmerie, les gendarmes pendant la Seconde Guerre mondiale, SNHPG, 2007, pp. 25-42.

VII. Histoire des prévôtés

1. Études générales

CANESTRIER Paul, « De l’institution de la gendarmerie prévôtale », Revue de la Gendarmerie, n° 45 à 48, 1935, pp. 311-327, 489-499, 673-682 et 840-851.

CHABANIER Jean, « La gendarmerie au combat », Revue historique des armées, n° spécial, 1961, pp. 119-128.

2. Les prévôtés durant la Première Guerre mondiale

BUCHBINDER Olivier, Gendarmerie prévôtale et maintien de l’ordre (1914-1918), Maisons-Alfort, SHGN, 2004, pp. 17-22.

–, « La Prévôtés aux armées sur le front occidental (1914-1918) », Force publique, n° 1, La gendarmerie, les gendarmes et la guerre, SNHPG, 2006, pp. 45-57.

FÉRY Marie-Laure, Prévôté et lutte contre l’alcoolisme et l’indiscipline dans le Groupe d’armées du Nord pendant la Grande Guerre, Maîtrise, Histoire, sous la dir. de Jean-Noël LUC, Paris IV, 2000, 149 p.

JUVÉ Valérie, Rôle et dysfonctionnement de la prévôté pendant la Grande Guerre, Maîtrise, Histoire, sous la dir. de Jean-Noël LUC, Paris IV, 2001, 150 p.

NOWAK Jean-Michel, « La Gendarmerie prévôtale à Salonique », Revue historique des armées, n° 214, 1999, pp. 65-80.

PANEL Louis, préface de Jean-Jacques BECKER, Gendarmerie et contre-espionnage (1914-1918), Maisons-Alfort, SHGN, 250 p.

–, La Grande Guerre des gendarmes, Paris, Nouveau Monde, 2013, 604 p.

RAKOTO André, « Les prévôtés françaises près des unités américaines (1917-1919) », Revue historique des armées, n° 213, 1998, pp. 50-60.

ROY Isabelle, La gendarmerie en Macédoine (1915-1920), Maisons-Alfort, SHGN, 2004, 256 p.

–, Un ordre français au carrefour des nations : La prévôté française à Salonique et en Macédoine occidentale pendant la Première Guerre mondiale (1915-1920), Maîtrise, Histoire, sous la dir. de Jean-Noël LUC, Paris IV, 2001, 243 p.

SAUREL Louis, « Les prévôtés des armées en campagne », Revue historique des armées, n° spécial, 1961, pp. 135-140.

3. Les prévôtés durant la Seconde Guerre mondiale

GIMONET Jean-Marc, Les prévôtés du débarquement en Provence : des gendarmes de la Libération au service de la 1ère armée française (15 août 1944 – 1er mai 1946), master 2, histoire, sous la dir. de Jean-Noël LUC, Paris IV, 2009, 246 p.

LHOMEAU Vincent, Discipliner « l’autre Résistance », la police militaire de la France Libre en Grande-Bretagne de 1940 à 1944, Master II, histoire, sous la dir. de Jean-Noël LUC, Paris IV, 2014.

ROULLEAU-GALLAIS Dimitri, La prévôté, une solution efficace aux comportements du corps expéditionnaire en Italie (1943-1945), master 1, sous la dir. de Jean-Noël LUC, Paris IV, 2008, 122 p.

SAIT Aziz, Les Prévôtés, de la « drôle de guerre » à « l’étrange défaite ». Organisation et missions (1939-1940), doctorat, histoire sous la dir. de Jean-Noël Luc, Paris IV, 2012.

4. Représentation de la gendarmerie prévôtale

GALÉRA Yann, « La prévôté vue par les poilus », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 210, 2003, pp. 101-112.

PANEL Louis, « Cognes, hommes noirs et grenades blanches : la représentation du gendarme de la Grande Guerre, les enjeux d’une bataille », Sociétés et représentations, n° 16, 2003, pp. 167-182.

(1) Jean-François Muracciole, Les Français libres : l’autre Résistance, Paris, Tallandier, 2009, pp. 22-23. « La date butoir du 31 juillet 1943 correspond à la fusion des forces giraudistes et gaullistes, les Forces françaises libres étant alors officiellement dissoutes au profit des Forces françaises combattantes, c’est-à-dire l’armée du CFLN. », p. 26.

(2) Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France Libre, Paris, Gallimard, 2001, pp. 187-223.

(3) Article 1er du titre XII de l’Instruction provisoire sur le service en campagne, mise à jour avec l’erratum du 28 octobre 1924, Paris, Charles Lavauzelle, 1924, p. 159.

(4) Jean-Noël Luc (dir.), Soldats de la loi, La gendarmerie au XXe siècle, Paris, PUPS, 2010, 534 p., et Alain Corbin, « Un objet historique aux multiples facettes », dans Jean-Noël Luc (dir.), Gendarmerie, État et société au XIXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, pp. 485- 487.

(5) Les prévôtés créées après le débarquement allié en Afrique du Nord ne seront pas prises en compte. Les prévôtés des troupes giraudistes sont dès lors hors champ, de même que les armées françaises ayant participé à la campagne d’Italie et au débarquement de Provence. Ces deux terrains qui ont déjà été explorés : par Dimitri Roulleau-Gallais dans La prévôté, une solution efficace aux comportements du corps expéditionnaire en Italie (1943-1945), master 1, sous la dir. de Jean-Noël Luc, Paris IV, 2008, 122 p., et par Jean-Marc Gimonet, Les prévôtés du débarquement en Provence : des gendarmes de la Libération au service de la 1ère armée française (15 août 1944 - 1er mai 1946), master 2, sous la dir. de Jean-Noël Luc, Paris IV, 2009, 246 p.

(6) « À la mobilisation, le territoire national est partagé en zone de l›intérieur restant sous l›autorité du ministre de la Guerre, et en zone des armées placées sous l›autorité du commandant en chef. La zone des armées se prolonge, le cas échéant, sur les parties occupées du territoire ennemi ou allié. », Article 2 Alinéa 74, Instruction sur l’emploi tactique des grandes unités, ministère de la Guerre, Paris, Charles Lavauzelle, 1938, 232 p.

(7) Voir notamment François Kersaudy, De Gaulle et Churchill, Paris, Plon, 1982, 411 p.

(8) Cité par Jean-Louis Crémieux-Brilhac, op. cit., p. 124.

(9) Jean-François Muracciole, op. cit., pp. 144-146.

(10) Charles De Gaulle, op. cit., p. 74.

(11) Ibid., p. 79.

(12) Jean-Louis Crémieux Brilhac, op. cit., p. 116.

(13) Cité par Jean-Louis Crémieux-Brilhac, op. cit., p. 121.

(14) Ibid., p. 122.

(15) Jean-François Muracciole, op. cit., p. 144.

(16) R/Ordres, SHD, 2007 ZM/100 62 78.

(17) Voir Jean-Louis Crémieux-Brilhac, op. cit., pp. 89-94.

(18) Charles de Gaulle, op. cit., p. 86.

(19) R/Ordres, SHD, 2007 ZM/100 62 78. Décision n° 13 du 14 septembre 1940.

(20) Commune anglaise située au sud-ouest de Londres.

(21) R/Ordres, SHD, 2007 ZM/100 62 78. Décision n° 262 du 22 juin 1941.

(22) R/Ordres, SHD, 2007 ZM/100 62 78. Décision n° 263 du 23 juin 1941.

(23) Ibid. Décision n° 285 du 19 juillet 1941.

(24) R/Ordres, SHD, 2007 ZM/100 62 78. Décision n° 285 du 19 juillet 1941.

(25) Ibid. Décision n° 287 du 22 juillet 1941.

(26) Le colonel Kœnig.

(27) R/Ordres, SHD, 2007 ZM/100 62 78.

(28) R/Ordres, SHD, 2007 ZM/100 62 78.

(29) Ibid. Décision n° 265 du 25 juin 1941.

(30) De Gaulle affiche clairement cette ambition dans ses Mémoires : « Pour que l’effort en valût la peine, il fallait aboutir à remettre dans la guerre, non point seulement des Français, mais la France. » Charles de Gaulle, op. cit., p. 69.

(31) R/Ordres, SHD, 2007 ZM/100 62 78.

(32) « Les autorités britanniques ont appris que des officiers et des hommes de troupe utilisaient de l’essence militaire dans des voitures automobiles privées. Un service spécial a été créé pour faire cesser ces agissements qui sont absolument interdits et des punitions exemplaires seront infligées aux coupables. La présence d’essence en provenance du “War Department Petrol” peut être aisément constatée par l’analyse. Tous les officiers et hommes de troupe, conduisant des voitures automobiles privées, sont dans l’obligation de se prêter aux inspections qui peuvent être faites sur la voie publique par la Police Militaire britannique spécialement chargée de cette surveillance. » R/Ordres, SHD, 2007 ZM 100 62 78, Décision n° 319 du 29 août 1941.

(33) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 22 du 9 mars 1942.

(34) R/Ordres, SHD, 2007 ZM/100 62 78. Décision n° 273 du 4 juillet 1941.

(35) Extrait de l’accord du 7 août 1940, cité par Pierre Accoce, Les Français à Londres, 1940-1941, Paris, Balland, 1989, p. 141.

(36) Cependant, les attributions de la police militaire des FTGB étant les mêmes que celles d’une prévôté, on se permettra ici de désigner ce corps également par le terme de « prévôté ».

(37) François Broche, Jean-François Muracciole, Georges Caitucioli, Max Gallo, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Jean-François Sirinelli, Dictionnaire de la France libre, Paris, Robert Laffont, 2010, pp. 682-683.

(38) Texte de l’appel du 18 juin cité par Jean Lacouture, De Gaulle, t. 1, Le Rebelle, 1890-1944, Paris, Seuil, 1984, pp. 369-370.

(39) Jean-François Nativité, op. cit., pp. 175-185.

(40) JMO, SHD, 2007 ZM/1 00 62 79.

(41) Brevet d’aptitude physique.

(42) Brevet de préparation élémentaire au service militaire.

(43) Ces informations ont été recueillies auprès du maréchal des logis-chef Marty de la brigade de Louvres, dont le témoignage servira de base au rapport sur le « Maréchal des Logis Chef » (en réalité, son action au sein des FFL l’a fait passer au grade de Lieutenant) Foveau, adressé, le 24 juin 1942, au colonel commandant les forces de gendarmerie sous l’autorité duquel était placé Foveau avant son départ pour le front, en septembre 1939.

(44) C’est d’ailleurs le commandant du seizième CA, le général de division Bertrand Fagalde, qui est chargé de la défense de Dunkerque du 20 mai au 3 juin 1940.

(45) C’est-à-dire qu’il appartient à l’ex Garde républicaine mobile, l’ancêtre de la gendarmerie mobile, dont les premiers pelotons sont créés en 1921. Voir Éric Alary, Histoire de la gendarmerie, Paris, Perrin, 2011, pp. 161-163.

(46) Contrôle nominatif du personnel, SHD, 2007 ZM/100 62 72.

(47) JMO, SHD, 2007 ZM/1 00 62 79.

(48) Voir Jean-François Muracciole, op. cit., pp. 65-70 : « Jeunesse absolue, jeunesse relative ».

(49) En novembre 1943, le 2e classe Charles Sergent, volontaire pour la police militaire, se verra ainsi refuser sa demande d’affectation car, âgé de quarante-deux ans, « il ne pourra parfaire vingt-cinq années de service à cinquante-cinq ans d’âge ». Contrôle nominatif du personnel, SHD, 2007 ZM/100 62 72.

(50) JMO, SHD, 2007 ZM/100 62 79.

(51) Il s’agit du soldat de première classe Louis Duprat, alias Gourgues, de l’infanterie de l’air, affecté en avril, du marin Pierre Guillem, affecté en juin, et d’Albert Guéneau, affecté en septembre.

(52) « Les militaires de la gendarmerie, avant d’entrer en fonction, sont tenus de prêter serment d’après la formule suivante, qui est mentionnée en marge des commissions et lettres de service : Je jure d’obéir à mes chefs en tout ce qui concerne le service auquel je suis appelé, et, dans l’exercice de mes fonctions, de ne faire usage de la force qui m’est confiée que pour le maintien de l’ordre et l’exécution des lois. » Article 5 du décret du 20 mai 1903 sur l’organisation et le service de la gendarmerie, Paris, Lavauzelle, 22e édition mise à jour au 10 février 1928, p. 12.

(53) R/2, SHD, 2007 ZM/100 62 75. Note du capitaine Intatrtaglia à M. Le général commandant supérieur des Forces Françaises en Grande-Bretagne en date du 20 mai 1944.

(54) Conformément à l’article 146 du décret du 20 mai 1903 portant règlement sur l’instruction et le service de la gendarmerie : « Les officiers de police judiciaire des forces armées [c’est-à-dire les gendarmes membres de la prévôté] reçoivent les plaintes et dénonciations ; ils procèdent aux enquêtes préliminaires ou de flagrant délit et exécutent les réquisitions ou délégations militaires qui leur sont adressées. »

(55) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. Procès-verbal n° 10 du 24 janvier 1942.

(56) « La question habillement fut réglée par la note 101/principes/46/Q/Jut du 3/1/42 qui a rendu applicable aux membres de la Police militaire la première mise d’équipement attribuée aux officiers. » JMO, SHD, 2007 ZM 100 62 79.

(57) Le général de division Paul Legentilhomme.

(58) JMO, SHD, 2007 ZM/100 62 79.

(59) R/Comptabilité, SHD, 2007 ZM/100 62 80.

(60) R/2, SHD, 2007 ZM/100 62 74, note du 20 mai 1944.

(61) « Dès le 1er Janvier 1942 un cours fut commencé, il comprenait, instruction élémentaire, instruction spéciale et militaire et des cours d’anglais. La PM ne disposant d’aucun règlement de gendarmerie (décrets annotés – service en campagne – service intérieur etc.), il fallut pour établir le programme de travail et commencer l’instruction, obtenir le prêt de la bibliothèque du War-Office d’un BO n° 392 et d’un BO n° 45. Des extraits polycopiés furent distribués aux élèves gendarmes, tandis que par télégramme officiel la documentation nécessaire était demandée aux colonies ralliées - Brazzaville, Nouméa, Pondichéry - et ne parvint que beaucoup plus tard. » JMO, SHD, 2007 ZM/100 62 79.

(62) D’après Roland Dorgelès. Contrôle nominatif du personnel, SHD, 2007 ZM 100/62 72.

(63) Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, t. 2, L’Unité, Paris, Plon, 1956, p. 1.

(64) Voir Jean-Louis Crémieux-Brilhac, op. cit., pp. 465-486.

(65) R/2, SHD, 2007 ZM/100 62 73. Note de service du 23 février 1946.

(66) Ibid. Note de service du 23 février 1946.

(67) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 60 du 7 mars 1944.

(68) Tous ces chiffres sont récapitulés dans le Tableau n° I qui figure en annexe.

(69) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 167 du 23 juin 1944.

(70) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 102 du 17 novembre 1942.

(71) Ibid. P.-V. n° 38 du 5 mai 1942.

(72) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 55 du 7 mars 1943.

(73) Ibid. P.-V. n° 262 du 3 décembre 1943.

(74) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 77. Rapport du 15 février 1945.

(75) Charles de Gaulle, op. cit., p. 104.

(76) Profitant de la colère des Américains, et de la désapprobation sourde des Britanniques, Muselier – opposé dès le départ à une opération qu’il a, bien malgré lui et sur les ordres directs de De Gaulle, dû exécuter – tente, à son retour en Angleterre au début du mois de mars 1942, de mettre le chef de la France Libre en difficulté. Il démissionne du CNF le 3 mars 1942. La réponse du Général ne se fait pas attendre : il destitue aussitôt Muselier de son commandement des FNFL. Refusant cette décision, Muselier engage un bras de fer qui débouche sur sa propre démission le 23 mars. Voir Jean-Louis Crémieux-Brilhac, op. cit., pp. 372-386.

(77) De Gaulle, qui partage la présidence du CFLN avec Giraud depuis le 3 juin 1943, menace de faire sécession le 20 septembre et obtient des membres du comité, le 25, que le pouvoir militaire – incarné par Giraud – soit enfin soumis à l’autorité civile, c’est-à-dire au CFLN dont lui, de Gaulle, assure la présidence. Giraud, qui tente un temps de s’opposer, doit s’incliner, avant d’être évincé du CFLN le 9 novembre. Voir Jean-Louis Crémieux-Brilhac, op. cit., pp. 857-892.

(78) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 2 du 6 janvier 1942.

(79) C’est à Dolphin Square que la prévôté tient ses bureaux jusqu’à son déménagement à l’été 1944.

(80) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 215 du 5 octobre 1943.

(81) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 3 du 11 janvier 1942.

(82) P.-V., SHD, 2007/ZM 100 62 76. P.-V. n° 269 du 4 décembre 1943.

(83) Voir Jean-Louis Crémieux-Brilhac, op. cit., pp. 122-131 : « l’esprit de la France Libre ».

(84) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 154 du 9 juin 1944.

(85) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 251 du 13 août 1944.

(86) Le règlement de 1929 est très clair sur la question : « À l’extérieur, les militaires doivent conserver une tenue et une attitude correctes et ne jamais se donner en spectacle ; en ville il leur est interdit de déboutonner leurs vêtements, de mettre les mains dans les poches, de lire en circulant et de fumer la pipe. », « Règlement du service dans l’armée », Discipline générale, Paris, Lavauzelle, 1929, p. 23.

(87) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 282 du 12 décembre 1943.

(88) Voir Louis Panel, La Grande Guerre des gendarmes, Paris, Nouveau Monde, 2013 : « Les dernières salves », pp. 531-541.

(89) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 265 du 3 octobre 1943.

(90) Ibid. P.-V. n° 266 du 3 octobre 1943.

(91) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 32 du 3 février 1944.

(92) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 54 du 1er mars 1944.

(93) R/2, SHD, 2007 ZM/100 62 73.

(94) Surnom affectueux donné aux agents de police anglais en uniforme.

(95) Charles de Gaulle, op. cit., p. 102.

(96) L’affaire particulièrement intéressante dont il est fait mention ici est exposée dans la deuxième partie du chapitre IV de cette étude : « Les soldats américains, victimes de la violence des FFL ».

(97) Décision place Londres, SHD, 2007 ZM/100 62 78.

(98) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 324 du 23 sept 1944.

(99) Décision place Londres, SHD, 2007 ZM/100 62 78. Décision n° 10 du 28 mars 1944.

(100) R/2, SHD, 2007 ZM/100 62 73. Note de service du 23 février 1946.

(101) Charles de Gaulle, op. cit., p. 245.

(102) Charles de Gaulle, op. cit., p. 249.

(103) « Est considéré comme déserteur à l’intérieur : 1° Six jours après celui de l’absence constatée, tout officier, caporal, brigadier ou soldat qui s’absente de son corps ou détachement sans autorisation : néanmoins, si le soldat n’a pas trois mois de service, il ne peut être considéré comme déserteur qu’après un mois d’absence. 2° Tout sous-officier, caporal, brigadier ou soldat voyageant isolément d’un corps à un autre ou dont le congé ou la permission est expiré, et qui, dans les quinze jours qui suivent celui qui a été fixé pour son retour ou son arrivée au corps, ne s’y est pas présenté. […] En temps de guerre, tous les délais […] sont réduits des deux tiers. », Code de justice militaire, Paris, Lavauzelle, volume mis à jour à la date du 10 novembre 1920, pp. 57-58.

(104) Charles de Gaulle, op. cit., p. 246.

(105) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 161 du 12 juin 1944.

(106) Ibid. P.-V. n° 266 du 20 août 1944.

(107) Fairford est le nom du camp où sont stationnées les unités parachutistes alliées en Grande-Bretagne.

(108) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 286 du 1er septembre 1944.

(109) Jean-François Muracciole, op. cit., pp. 158-159.

(110) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 273 du 26 août 1944.

(111) Ibid. P.-V. n° 402 à 404 du 22 décembre 1944.

(112) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 136 du 13 juillet 1943.

(113) Ibid. P.-V. n° 384 du 26 novembre 1944.

(114) Ibid. P.-V. n° 46 du 13 février 1944.

(115) Ibid. P.-V. n° 292 du 4 sept 1944.

(116) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 200 du 22 juillet 1944.

(117) Ibid. P.-V. n° 24 du 3 février 1943.

(118) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 354 du 14 octobre 1944.

(119) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 179 du 6 juillet 1944.

(120) Ibid. P.-V. n° 156 du 11 août 1943.

(121) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 15 du 28 janvier 1943.

(122) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 227 du 29 juillet 1944.

(123) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 181 du 10 juillet 1944.

(124) Ibid. P.-V. n° 30 du 8 février 1943.

(125) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 70 du 16 mars 1944.

(126) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 73 du 18 mars 1944.

(127) Ibid. P.-V. n° 231 du 2 août 1944.

(128) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 134 du 20 mai 1944.

(129) Ibid. P.-V. n° 147 du 25 mai 1944.

(130) Voir la troisième partie du chapitre II : « Le cadre de travail : postes de police militaire et prison prévôtale ».

(131) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 62 76. P.-V. n° 279 du 25 août 1944.

(132) Voir Jean-Louis Crémieux-Brilhac, op. cit., pp. 208-211.

(133) Pièces diverses, SHD, 2007 ZM/100 60 45.

(134) Ces opérations de harcèlement, baptisées « Jock columns » par les Anglais, terme repris par les Français libres, consistent à la formation de groupes de reconnaissance motorisés légers qui parcourent le désert afin de reconnaître les positions ennemies, tenter de faire des prisonniers et éventuellement de détruire des postes faiblement défendus. La vitesse permet à ces « colonnes » d’éviter le combat quand ils viennent à rencontrer des unités ennemies plus lourdement armées.

(135) Charles de Gaulle, Mémoires de Guerre, t. 1 l’Appel, Paris, Plon, 1954, p. 260.

(136) Yves Gras, La 1re DFL, Les Français libres au combat, Paris, Presses de la Cité, 1983, pp. 143-144.

(137) Pièces diverses, SHD, 2007 ZM/100 60 45.

(138) Jean-Louis Crémieux-Brilhac, op. cit., p. 469.

(139) Jean-François Muracciole, op. cit., pp. 50-64.

(140) Jean-François Nativité, Servir ou désobéir, Paris, Vendémiaire, 2013, p. 431.

(141) Hélène Grandemange, La Gendarmerie en Syrie et au Liban pendant la Seconde Guerre mondiale, doctorat histoire, sous la dir. de J. Frémeaux, 2008, 430 p.

(142) Idem, pp. 381-382.

(143) Cité par Hélène Grandemange, op. cit., p. 96.

(144) R/4, SHD, 2007 ZM/100 60 45, rapport du 25 mars 1942.

(145) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, note du 21 janvier 1942.

(146) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, note du 13 avril 1942.

(147) Dossier personnel du capitaine André Zickenheiner, SHD, 8 YE/134 835.

(148) R/4, SHD, 2007 ZM/100 60 45.

(149) Pièces diverses, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Note de service du 21 septembre 1942.

(150) Pièces diverses, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Lettre du 29 novembre 1942.

(151) Pièces diverses, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Note de service du 29 juillet 1942.

(152) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Note de service du 4 mai 1942.

(153) Voir « Le front commence au dernier gendarme », in Louis Panel, op. cit., pp. 384-395.

(154) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 116 du 9 octobre 1942.

(155) Voir Louis Panel, La Grande Guerre des gendarmes, Paris, Nouveau Monde, 2013.

(156) R/4, SHD, 2007 ZM/100 60 44, Rapport du 25 décembre 1942.

(157) Cité par Jean-Noël Luc, in Jean-Noël Luc et Frédéric Médard (dir.), Histoire et Dictionnaire de la gendarmerie, Paris, Jacob-Duvernet, 2013, p. 119.

(158) Jean-Mathieu Boris, Combattant de la France Libre, Paris, Perrin, 2012, p. 83.

(159) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Rapport du 8 avril 1942.

(160) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Lettre du 12 juillet 1942.

(161) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Rapport du 8 décembre 1942.

(162) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Rapport du 22 septembre 1942.

(163) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Rapport du 28 février 1942.

(164) Pièces diverses, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Note de service du 31 octobre 1942.

(165) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 39 du 2 août 1942.

(166) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 97 du 27 septembre 1942.

(167) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Rapport du 19 novembre 1942.

(168) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 47, Rapport du 22 octobre 1943.

(169) Jean-François Muracciole, op. cit., p. 239.

(170) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, note de service du 6 juillet 1942.

(171) Il s’agit ici de la Force « Leclerc », ancêtre de la 2e DB, et non de la Force « Larminat », à partir de laquelle sera formée la 1re DFL.

(172) Voir tableau en annexe.

(173) Pour plus de détails voir « Mourir pour la France Libre », in Jean-François Muracciole, op. cit., pp. 267-294.

(174) Louis Panel, La Grande Guerre des gendarmes, Paris, Nouveau-Monde, 2013, pp. 264-265.

(175) Idem, p. 397.

(176) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, compte rendu du 13 septembre 1942.

(177) Voir l’Introduction : « La police militaire dans les armées françaises », p. 13.

(178) Voir les tableaux en annexe.

(179) Voir le chapitre VII.

(180) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 25 du 10 juillet 1942.

(181) Au cours de la fouille, les gendarmes découvrent également quatorze tablettes de haschisch. La lutte contre les stupéfiants ne semble cependant pas avoir été une priorité pour la prévôté, cette saisie constituant la seule allusion à la question contenue dans les archives.

(182) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 106 du 29 juin 1943.

(183) Voir « Des relations très conflictuelles avec les populations civiles », au chapitre VII.

(184) Voir « Les femmes et la prostitution », in Jean-François Muracciole, op. cit., pp. 255-265.

(185) Jean-François Muracciole, op. cit., p. 255.

(186) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 86 du 17 septembre 1942.

(187) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 112, du 8 juillet 1943.

(188) Yves Gras, La 1re DFL : les Français libres au combat, Paris, Presses de la Cité, 1983, pp. 143-144.

(189) Jean-François Muracciole, op. cit., pp. 237-238.

(190) Jean-Mathieu Boris, Combattant de la France Libre, Paris, Perrin, 2012, pp. 79-80.

(191) Voir « De Zouara à Nabeul : l’instauration d’un climat de frustration », au chapitre VII.

(192) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 16 du 8 août 1943.

(193) « Discipline librement consentie, proximité entre soldats et gradés, relâchement des marques de respect, fraternité et esprit de camaraderie s’imposent dans tous les témoignages. “Avec les officiers et les sous-officiers on ne tenait même pas compte des grades. (Paul Ravard), Jean-François Muracciole, op. cit., p. 236.

(194) Il s’agit peut-être de Pierre Messmer, le futur ministre des Armées du général de Gaulle de 1960 à 1969, qui a rejoint l’Angleterre en juillet 1940 et intégré la 13e DBLE.

(195) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 44, P.-V. n° 13 du 10 janvier 1943.

(196) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 290 du 17 novembre 1943.

(197) Jean-François Muracciole, op. cit., p. 159.

(198) Idem, p. 252.

(199) Idem, p. 252.

(200) P.-V., SHD, 2007, ZM/100 60 45, P.-V. n° 18 du 7 mars 1943.

(201) R/2, SHD, 2007 ZM/100 60 45, Note de service du 2 juillet 1942.

(202) Jean-François Muracciole, op. cit., pp. 260-263.

(203) Pour plus de détails voir « Les femmes et la prostitution », in Jean-François Muracciole, op. cit., pp. 255-265.

(204) Jean-François Muracciole, op. cit., p. 361.

(205) Pour plus de détails, voir « Pourquoi l’engagement ? », in Jean-François Muracciole, op. cit., pp. 201-223.

(206) Jean-François Muracciole, op. cit., p. 188.

(207) Charles de Gaulle cité par Jean-Louis Crémieux Brilhac, in op. cit., p. 135.

(208) Yves Gras, op. cit., p. 246.

(209) Yves Gras, op. cit., p. 257.

(210) Jean-François Muracciole, op. cit., p. 251.

(211) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, Rapport du 11 août 1943.

(212) Jean-François Muracciole, op. cit., p. 240.

(213) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, Note de service du 31 août 1943.

(214) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 259 du 30 octobre 1943.

(215) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 19 du 24 décembre 1943.

(216) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 76 du 8 juin 1943.

(217) Jean-François Muracciole, op. cit., p. 253.

(218) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 214 du 12 octobre 1943.

(219) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 131 du 23 juillet 1943.

(220) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 138 du 7 août 1943.

(221) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 179 du 25 septembre 1943.

(222) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, Note de service du 31 août 1943.

(223) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, Rapport du 3 septembre 1943.

(224) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, Rapport du 8 septembre 1943.

(225) Cité par Éric Jennings, in La France Libre fut africaine, Paris, Perrin, 2014, p. 104.

(226) Voir « la naissance des FFL », chapitre I.

(227) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 113 du 9 octobre 1942.

(228) Jean-Mathieu Boris, op. cit., p. 98.

(229) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 114 du 9 octobre 1942.

(230) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 45 du 9 août 1942.

(231) Éric Jennings, La France Libre fut africaine, Paris, Perrin, 2014, p. 162.

(232) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 11 du 21 août 1943.

(233) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 72 du 4 septembre 1942.

(234) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 6 du 23 mai 1942.

(235) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 73 du 5 septembre 1942.

(236) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 62 du 17 mai 1943.

(237) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 41 du 1er avril 1943.

(238) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 299 du 18 novembre 1943.

(239) Pour plus de détails, voir « Sous officiers et racisme », in Éric Jennings, La France Libre fut africaine, Paris, Perrin, 2014, pp. 165-168.

(240) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 76 du 5 septembre 1942.

(241) Jean-François Muracciole, op. cit., p. 244.

(242) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 14 du 3 août 1943.

(243) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 293 du 17 novembre 1943.

(244) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, P.-V. n° 184 du 30 septembre 1943.

(245) P.-V., SHD, 2007 ZM/100 60 46, Rapport du 6 août 1943.

(246) La Gendarmerie pendant la Seconde Guerre mondiale. Entre l’État et la nation, actes de la journée d’études Paris-Sorbonne – SNHPG, Force publique, n° 2, février 2007, 232 p., avec une introduction de Jean-Noël Luc, « L’histoire de la gendarmerie sous l’Occupation entre panégyrique, réquisitoire et recherche », p. 11-23 ; Benoît Haberbusch, La gendarmerie en Algérie (1939 à 1945), Maisons-Alfort, SHGN, 2004, 593 p. (thèse Paris-Sorbonne) ; Bernard Mouraz (dir.), Gendarmes résistants. Du refus aux combats de la Libération, 1940-1945, Vincennes, SHD, 2006, 214 p. ; Jonas Campion, Les gendarmes belges, français et néerlandais à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, Bruxelles, André Versailles, 2011, 344 p. (thèse Paris-Sorbonne - Université catholique de Louvain) ; Jean François Nativité, Servir ou désobéir, Paris, Vendémiaire, 2013, 477 p. (thèse Montpellier III) ; Hélène de Champchesnel, La Déchirure. Guerre fratricide en gendarmeries. Levant, 1939-1945, Vincennes, SHD, 2014 (thèse Paris-Sorbonne). Le panorama le plus récent, rédigé par Jonas Campion, se trouve dans Jean-Noël Luc et Frédéric Médard (dir.), Histoire et dictionnaire de la Gendarmerie, Paris, Jacob-Duvernet-DMPA, 2013, pp. 64-77.

(247) Cité par Jonas Campion dans Jean-Noël Luc et Frédéric Médard (dir.), op. cit., p. 64.

(248) Jean-François Muracciole, op. cit., p. 361.

(249) Comme le rappelle le règlement : « La discipline faisant la principale force des armées, il importe que tout supérieur obtienne de ses subordonnés une obéissance entière et une soumission de tous les instants, que les ordres soient exécutés littéralement, sans hésitation ni murmure ; l’autorité qui les donne en est responsable et la réclamation n’est permise à l’inférieur que lorsqu’il a obéi. », article 1 du Règlement du service dans l’armée, Discipline générale, Paris, Lavauzelle, 1929, p. 5.

(250) Charles de Gaulle, op. cit., p. 69.

(251) « Si l’on tente […] d’écrire l’histoire des Français libres et non de la France Libre, des hommes et non de l’institution, de leur univers culturel et sensible, et pas seulement de leurs combats, de leur devenir et de leur mémoire, et non uniquement de leur action durant la guerre, les archives écrites, ces vestiges du passé aléatoires et contingents, s’avèrent tout à la fois nécessaires et très insuffisantes. », Jean-François Muracciole, op. cit., p. 21.