Louis Larrieu


CHAPITRE III - LE SECOND EMPIRE ET LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE

Décret du 1er mars 1854

Une innovation importante du décret du 1er mars 1854 consista à placer dans les attributions du ministre de la Guerre, non seulement l’organisation et le commandement de la gendarmerie, mais encore l’exécution réglementaire de toutes les parties du service et le contrôle de tous les actes de la gendarmerie, même de ceux ressortissant aux autres ministères (article 73). C’est la leçon que sut tirer le maréchal de Saint-Arnaud, ministre de la Guerre, du décret du 22 janvier 1852 par lequel le ministre de la Police avait tenté de prendre le commandement de la gendarmerie.

Cette autorité exclusive du ministre de la Guerre apportera à l’indépendance de l’arme la sauvegarde qu’avait procurée jadis, pendant plusieurs siècles, à la maréchaussée, sa subordination directe aux maréchaux de France.

L’évolution de la compétence de la gendarmerie en matière de contraventions de simple police, que nous avons montrée ci-dessus, atteignait son terme avec l’article 488 du nouveau décret, aux termes duquel cette arme est compétente pour dresser des procès-verbaux des contraventions de toute nature qu’elle constate.

Le décret rappela de la manière la plus heureuse, dans un titre spécial, de quelles garanties les lois entouraient la liberté individuelle, l’obligation imposée aux agents de la force publique de porter secours à tout individu qui le réclame en cas de danger et, enfin, le droit imprescriptible, pour ces mêmes agents, de requérir tous les citoyens pour l’exécution des mandats qu’ils ont à remplir.

Ajoutons que le décret de 1854 apporta à l’interdiction des missions occultes la sanction réglementaire (article 119).

Nous avons vu le maréchal de Saint-Arnaud, ministre de la Guerre, rétablir le comité de la gendarmerie (16 décembre 1851) ; accorder à l’arme le droit de requérir les agents des diverses administrations (17 décembre 1851) ; améliorer la situation du personnel par le décret organique du 22 décembre 1851, prélude, quant à l’organisation, de celui du 1er mars 1854 ; interdire les missions occultes par la circulaire du 9 avril 1852, et le décret de 1854 (article 119), préciser de la manière la plus heureuse pour les exécutants, le droit de légitime défense (30 novembre 1853).

En assurant, enfin, l’indépendance de l’arme et renforçant son caractère militaire, en ne soumettant ses actes qu’au seul contrôle du ministre de la Guerre(1), le maréchal de Saint-Arnaud a, le premier, assuré, enfin, l’équilibre nécessaire à notre arme, non seulement dans son organisation interne, mais encore dans ses rapports avec les diverses autorités, pour qu’elle puisse accomplir sans heurt et de la manière la plus favorable au bien public, la mission qui lui est confiée.

Le décret de 1854 fut modifié par une décision impériale du 24 avril 1858, principalement en ce qui concerne les rapports de la gendarmerie avec les autorités judiciaires, la police judiciaire, civile et militaire et le service de la gendarmerie aux armées ; par un décret du 24 juillet 1873 en ce qui concerne le service de la gendarmerie(2) aux armées.

Du décret du 1er mars 1854 comprenant à la fois, à l’imitation de l’ordonnance de 1778, du règlement de l’an VIII et de l’ordonnance de 1820, l’organisation, le service spécial, le service intérieur, etc., furent détachées successivement, en premier lieu, la partie relative au service intérieur qui fit l’objet du règlement du 9 avril 1858, suivi de ceux des 10 juillet 1899, 4 avril 1900, 14 octobre 1905, 3 février 1914 et 17 juillet 1933 ; en second lieu, la partie concernant le service de la gendarmerie aux armées qui fit l’objet de l’instruction du 25 octobre 1887, suivie de celles des 18 avril 1890, 13 février 1900 et 31 juillet 1911.

Furent détachées encore du décret du 1er mars 1854 les dispositions concernant les honneurs et préséances, l’administration des réserves, la remonte, etc., de telle sorte qu’il se trouva réduit aux parties traitant de l’organisation de l’arme et du service spécial.

Le décret du 1er mars 1854 sanctionne l’organisation arrêtée par le décret du 22 décembre 1851.

Avec le nouveau décret, qui dispose que toutes les brigades à cheval seront de cinq et six hommes et que les brigades à pied seront toutes de cinq hommes, les termes lieutenance et capitainerie disparaissent. On ne trouve plus que des commandants d’arrondissement du grade de capitaine, de lieutenant ou de sous-lieutenant, ce qui est encore l’organisation actuelle sauf la substitution, depuis 1926, de la dénomination section à celle d’arrondissement. Les compagnies sont toutes commandées par des chefs d’escadron, les légions par des colonels ou des lieutenants-colonels.

Examinons la division du territoire en légions. On a vu que la gendarmerie se composait de vingt-cinq légions départementales (continent et Corse) et d’une légion de gendarmerie d’Afrique. Les sièges des vingt-cinq légions de l’intérieur étaient les suivants : 1re légion, Paris ; 2e, Chartres ; 3e, Rouen ; 4e, Caen ; 5e, Rennes ; 6e, Angers ; 7e, Tours ; 8e, Moulins ; 9e, Niort ; 10e, Bordeaux ; 11e, Limoges ; 12e, Cahors ; 13e, Toulouse ; 14e, Carcassonne ; 15e, Nîmes ; 16e, Marseille ; 17e, Bastia ; 18e, Grenoble ; 19e, Lyon ; 20e, Dijon ; 21e, Besançon ; 22e, Nancy ; 23e, Metz ; 24e, Arras ; 25e, Strasbourg.

Dans chacune des vingt-six légions (vingt-cinq de l’intérieur – continent et Corse – et légion d’Afrique), un décret des 28 février - 18 mars 1854 créait un brigadier secrétaire du chef de légion.

Un autre décret des 6 février - 1er mars 1858 divisait plusieurs arrondissements en sections ayant chacune à leur tête un officier subalterne. La campagne de 1859 entraînait la création, à l’intérieur, d’une 26e légion par décret impérial du 18 juin 1860.

Le service de surveillance, confié en Savoie et dans le comté de Nice à une compagnie de carabiniers, fut assuré par un personnel de sous-officiers, brigadiers et gendarmes fourni en partie par la force publique de l’armée d’Italie et en partie par les légions voisines de la Savoie et de Nice.

Le département formé du comté de Nice fut rattaché à la 16e légion (Marseille). Les deux départements savoisiens formèrent avec celui de l’Isère, détaché de la 18e légion (Grenoble), une légion nouvelle qui prit le n° 26 et dont le chef-lieu fut à Grenoble. La 18e légion, ainsi réduite d’une compagnie, eut son nouveau chef-lieu à Valence(3).

En Corse, où un décret du 3 janvier 1852 portait qu’à l’avenir l’année de service de gendarmerie serait comptée en sus comme année de campagne, l’empereur, par un décret du 11 février 1860, déterminait une nouvelle composition de la 17e légion.

Cette unité était divisée en quatre compagnies : Bastia, Corte, Ajaccio, Sartène, et les détachements de forces supplétives de Corte et de Sartène étaient supprimés. L’effectif de la légion était fixé à 27 officiers, 901 hommes de troupe et 185 chevaux(4). Mais par un nouveau décret du 28 mars 1868, la 17e légion ne comprenait plus que deux compagnies : Bastia et Ajaccio. L’effectif total était de 630 officiers et gendarmes.

En Algérie, un décret impérial des 10 mars - 9 avril 1855 avait augmenté l’effectif de la légion de gendarmerie d’Afrique en le portant à 661 hommes, dont 21 officiers, et à 443 chevaux, et un nouveau décret du 3 octobre 1860 attachait à cette légion des auxiliaires indigènes(5).

En 1872, les chefs de brigade auront, en Algérie, la qualité d’officiers de police judiciaire.

Effectif en 1861

En 1861, la gendarmerie départementale qui avait pris, par décret du 29 septembre 1853, le nom de gendarmerie impériale, comprenait : intérieur et Corse : 19 623 hommes ; légion d’Afrique : 623 hommes. Total : 20 257 hommes(6).

Code de justice militaire

Nous venons de voir le décret du 1er mars 1854 placer le service de la gendarmerie sous la seule autorité du ministre de la Guerre.

Le Code de justice militaire du 9 juin 1857 vint accroître encore le caractère militaire de notre arme en disposant dans son article 55 qu’elle aurait les conseils de guerre pour juges naturels et donna aux pouvoirs judiciaires des prévôts une existence légale(7).

Détachements prévôtaux

Jetons un coup d’œil sur ces détachements prévôtaux.

Le service prévôtal était réglé, en faisant suite à l’instruction du 29 floréal an VII et au règlement provisoire pour le service en campagne de 1909, par l’ordonnance du 8 mai 1832 sur le service en campagne qui fut appliquée, la même année, par la prévôté accompagnant à Anvers les 70 000 hommes du maréchal Gérard. Dans la suite, le décret du 1er mars 1854 consacrait au service de la gendarmerie aux armées un titre spécial.

Des détachements de force publique furent attachés notamment, en 1854, à l’armée d’Orient où la gendarmerie de la garde impériale se distingua devant Sébastopol(8) ; en 1859, à l’armée d’Italie où la prévôté fournit, à la fin de la campagne, le personnel de gendarmerie des pays annexés (Savoie et comté de Nice)(9) ; en 1859 et 1860, au corps expéditionnaire de Chine. La gendarmerie ne fournit point de prévôté à l’expédition de Cochinchine. Cependant une force publique fut créée en Basse Cochinchine, par décision ministérielle du 15 juin 1861(10) ; en 1860, au corps expéditionnaire de Syrie(11) ; en 1862, au corps expéditionnaire du Mexique.

Partout, la force publique fit son devoir. Elle sut faire preuve de courage, ainsi qu’en témoigne le Livre d’or.

Ajoutons qu’elle mérita les éloges du commandement. C’est ainsi qu’à Shanghaï, le général de Montauban, commandant en chef l’expédition de Chine, après avoir adressé au commandant de la force publique une lettre flatteuse au sujet d’un acte méritoire accompli par des gendarmes, disait au rapport général en s’adressant au prévôt :

« Mon cher capitaine, je viens de vous écrire pour vous témoigner toute ma satisfaction, ainsi qu’aux militaires sous vos ordres. Au surplus, vos gendarmes sont magnifiques, je ne fais que les admirer ; quelle belle troupe ! »

Ajoutons encore que le capitaine Janisset, prévôt du corps expéditionnaire, eut l’honneur d’assister, à Pékin, à la cérémonie de ratification du traité de paix avec la Chine(12).

En Syrie, le général de division Beaufort d’Autpoul, commandant le corps expéditionnaire, écrivait au prévôt en le priant de témoigner sa satisfaction à deux gendarmes et ajoutait : « Vos hommes accomplissent ici une mission pénible et difficile et je suis heureux de trouver une occasion de leur faire savoir que j’apprécie leur dévouement et leur zèle »(13).

Emploi abusif de la gendarmerie

On a vu que la gendarmerie devait beaucoup au Second Empire ; mais le Gouvernement impérial aura des exigences abusives qui nuiront au service ordinaire des brigades et à la considération de l’arme.

L’emploi électoral et politique de la gendarmerie sera porté à l’excès, notamment pendant les campagnes électorales de 1863 et de 1869. Le ministre de l’Intérieur de Persigny pratiqua, avec une extrême vigueur, le système de la candidature officielle et fit aux préfets les recommandations nécessaires. Sur les réquisitions de ces derniers, il était enjoint à chaque brigade d’adresser chaque jour au sous-préfet et au capitaine commandant 1’arrondissement un rapport confidentiel relatant tous les renseignements parvenus à sa connaissance sur les divers candidats et sur l’attitude des populations. Le capitaine, de son côté, réunissait ces renseignements et en composait un rapport général quotidien qu’il adressait au sous-préfet.

Ce dernier savait ainsi, tous les matins, où le candidat de l’opposition avait passé la journée de la veille, où il irait le jour même, les communes qu’il avait parcourues, les personnes de l’un ou de l’autre sexe qui lui avaient fait accueil, celles qui ne l’avaient pas reçu, celles avec qui il s’était entretenu, ce qui avait été dit en ces entretiens, le nombre de professions de foi distribuées, des affiches apposées, les noms des distributeurs, afficheurs, etc.(14)

Nous retrouverons les mêmes abus sous le Gouvernement du 16 mai 1877.

Réorganisation

Notons, en 1869, la décision du 25 septembre ramenant toutes les brigades à cinq hommes, et celle du 15 octobre tendant à circonscrire chaque légion dans une seule division militaire, de sorte que l’organisation de la gendarmerie reposera à la fois sur les divisions militaires et administratives du territoire.

Cette décision était logique : si, en effet, les attributions essentielles de la gendarmerie sont d’ordre civil, il est certain qu’au point de vue des opérations du recrutement et de la mobilisation, il importe que la gendarmerie se trouve située dans la région militaire du corps d’armée auquel elle est affectée, pour le compte duquel elle doit opérer(15).

Or, vingt et une légions sur vingt-six comprenaient des départements situés dans deux, trois ou même quatre divisions militaires différentes.

Dans la nouvelle répartition des vingt-six légions, dix-huit divisions militaires eurent chacune une légion ; quatre en eurent deux, ce furent la 1re division militaire (Paris et Orléans), la 8e division (Lyon et Dijon), la 9e division (Marseille et Nice), la 16e division (Rennes et Brest).

En 1870, les vingt-six légions de l’intérieur (continent et Corse) comptaient 90 compagnies, 421 arrondissements ou sections, 2 321 brigades à cheval, 1 303 à pied(16).

Guerre de 1870. Troisième République

Sur ces effectifs, furent prélevées, pour la guerre, les formations suivantes.

Force publique

Dix-sept légions et l’escadron de gendarmerie d’élite furent appelés à fournir les sous-officiers, brigadiers et gendarmes de la force publique de l’armée du Rhin dont le cadre officier comprenait un colonel, huit chefs d’escadron, vingt-six capitaines et douze lieutenants(17) ; dans la suite, les formations de campagne mises sur pied en province eurent une force publique comprenant en moyenne un officier, vingt gendarmes à pied et dix gendarmes à cheval par division.

Régiments de gendarmerie à pied et à cheval

Après les premiers revers, il parut utile d’utiliser toutes les ressources dont la France disposait, tant pour la défense du territoire que pour le maintien de l’ordre. Le 4 septembre, un Gouvernement de la Défense nationale est proclamé à Paris et le changement de régime apporte une vigueur nouvelle à l’organisation de la défense. Déjà, en exécution du décret du 11 août 1870, furent organisés, le 15 août, à Versailles, pour faire partie de la garnison de Paris(18), d’une part un régiment de gendarmerie à pied de deux bataillons à six compagnies comprenant 48 officiers et 1 200 sous-officiers, brigadiers et gendarmes – un 3e bataillon fut créé dans ce régiment avec les militaires de tous grades de la gendarmerie qui s’étaient repliés sur la capitale ; le complet de ce bataillon à six compagnies était fixé à vingt officiers, huit cents sous-officiers, brigadiers et gendarmes(19). D’autre part, un régiment de gendarmerie à cheval de six escadrons comptant 46 officiers, 720 sous-officiers, brigadiers et gendarmes. Deux nouveaux escadrons furent annexés à ce premier régiment de gendarmerie à cheval par décision ministérielle du 17 octobre, avec les officiers, sous-officiers, brigadiers et gendarmes à cheval provenant des compagnies repliées devant l’ennemi. Ces deux escadrons comptaient un chef d’escadron, deux capitaines et quatre sous-lieutenants(20).

Par décret du 29 septembre, il fut créé, avec les militaires repliés, un deuxième régiment de gendarmerie à cheval à six escadrons, à l’effectif de 46 officiers et 720 sous-officiers, brigadiers et gendarmes(21).

Pendant le siège, les régiments de gendarmerie de Paris se distinguèrent à Châtillon, à la Malmaison ; pendant la Commune à Sèvres, Courbevoie, Neuilly. Quatre gendarmes, faits prisonniers le 18 mars 1871 en même temps que des gardes républicains, furent fusillés, comme ces derniers, rue Haxo, par les insurgés, le 26 mai 1871.

Le régiment à pied fut licencié le 26 juin 1871. Les deux régiments à cheval furent dissous, le premier le 6 juin, le deuxième au mois d’avril. À l’occasion de leur licenciement, les régiments de gendarmerie de Paris servirent à la formation d’une légion de gendarmerie mobile créée par arrêté du 23 juin 1871, à l’effectif de 1 100 hommes.

Comme il importait d’utiliser, pendant la durée de la guerre, pour en faire des officiers, tous les militaires ayant les services et l’instruction voulus, un décret des 10-19 octobre 1870 disposait qu’il pourrait être nommé au grade de sous-lieutenant, dans les corps d’infanterie, des sous-officiers, proposés pour l’avancement, pris dans l’arme de la gendarmerie(22).

Les besoins de l’artillerie exigeant à Paris un personnel considérable pourvu de cadres instruits et vigoureux, un décret du 23 octobre 1870 décida que les militaires en activité appartenant à la gendarmerie, qui avaient antérieurement servi dans l’artillerie, pourraient être appelés à concourir à la formation des nouvelles batteries qui s’organisaient pour la défense de la capitale(23).

Par décret du 31 octobre 1870, il était créé un service spécial de prévôté dans la ville de Tours, siège du Gouvernement, à l’effectif d’un capitaine, un maréchal des logis, deux brigadiers, dix-sept gendarmes, avec mission de s’enquérir, auprès des autorités civiles et militaires de la résidence, de tout ce qui pouvait les intéresser au point de vue de la sécurité de leur action(24). Dans la suite, l’effectif de cette prévôté militaire fut porté à trente-deux maréchaux des logis, brigadiers et gendarmes à pied ou à cheval, commandés par un chef d’escadron(25).

Régiments de marche de gendarmerie

Comme il était devenu nécessaire d’utiliser, au profit de la défense du territoire, toutes les forces vives de l’armée, un décret du 31 octobre - 18 novembre 1870 forma, par des prélèvements opérés dans les légions de gendarmerie de l’intérieur, deux régiments de marche de gendarmerie à cheval à l’effectif de 480 hommes montés, répartis en quatre escadrons de 120 hommes chacun (cadres d’officiers non compris)(26).

Une note du 8 novembre désignait Saumur comme lieu de formation du premier régiment et Caen pour le second. Le même décret des 31 octobre - 18 novembre prévoyait, dans les mêmes conditions, la formation d’un régiment de marche de gendarmerie à pied de la force de 1 200 hommes répartis en deux bataillons à quatre compagnies de cent cinquante hommes, cadres d’officiers non compris. La note du 8 novembre désignait Bourges comme lieu de formation de ce régiment.

En dehors de ces trois régiments de marche il existait encore, à l’armée du Nord, deux escadrons de gendarmerie formés à Lille le 9 novembre 1870, et, à la deuxième division de réserve de la 2e armée de la Loire, une compagnie de gendarmerie de la Sarthe.

Quoiqu’appelés à prendre part aux opérations, les régiments de marche devaient assurer aussi un service spécial prescrit par le ministre pour arrêter les fuyards et surveiller les isolés. Mais leur nombre était insuffisant pour accomplir la tâche considérable qui leur était assignée. Cependant, il importait de réprimer énergiquement, dans les corps d’armées en campagne, la désertion et l’abandon des régiments, et la gendarmerie départementale offrait, par une organisation convenable, un moyen d’arriver à ce but.

Mobilisation de la gendarmerie sédentaire

En conséquence, un décret des 20 décembre 1870 - 23 janvier 1871 mobilisa la gendarmerie des départements en vue d’assurer la police militaire en arrière des corps d’armée et, notamment, d’intercepter, sur les principales voies de communication, les fuyards, déserteurs et autres troupes débandées.

La mobilisation consistait à réunir les brigades de gendarmerie aux chefs-lieux des compagnies et, s’il y avait lieu, à grouper sur certains points de concentration les escadrons ou compagnies provenant de la réunion aux chefs-lieux, de manière à en former des régiments dont les éléments seraient ainsi tirés de légions différentes. Ces diverses formations restaient placées sous l’autorité des généraux commandant les divisions ou subdivisions(27).

C’est ainsi que furent mobilisées, d’un seul coup, quinze légions. La 25e légion (Nice) ne fut mobilisée que par décret du 26 janvier 1871, et la 17e (Corse) par décret du 5 février(28).

Une circulaire du ministre de la Guerre en date du 20 janvier 1871 précise la mission confiée aux légions mobilisées. Elles devaient occuper en force, de nuit et de jour, les gares des points importants et y exercer la police militaire ainsi que dans les ambulances, hôpitaux et hospices civils. Cette surveillance s’étendait également aux dépôts d’isolés et de convalescents et même aux particuliers qui avaient recueilli des malades ou des blessés.

La gendarmerie était tenue d’arrêter et de conduire aux dépôts d’isolés les fuyards isolés ou en bandes et tous les militaires, officiers et soldats, voyageant sans titre régulier.

Elle était chargée de recueillir les armes, les munitions et les effets d’équipement abandonnés ou demeurés entre les mains des isolés et, enfin, de fouiller la contrée pour arrêter les espions et les gens suspects ou sans aveu.

Les commandants des légions de gendarmerie mobilisées devaient user d’initiative pour requérir les locaux nécessaires au casernement de leurs unités ainsi que pour modifier les emplacements de leurs postes d’après les mouvements de l’ennemi, ils avaient également droit de réquisition sur les compagnies de chemins de fer pour le transport des isolés, des détachements, des armes et des munitions(29).

Mais cette concentration des brigades aux chefs-lieux des compagnies avait pour effet de priver les campagnes de surveillance et l’éloignement simultané de leur résidence de tous les militaires de la gendarmerie était de nature à compromettre l’ordre et la sécurité des départements.

Institution de brigades provisoires

Aussi un décret du 14 janvier 1871 vint-il instituer, pour la durée de la guerre, des brigades provisoires de gendarmerie composées de gendarmes auxiliaires fonctionnant à la place des brigades mobilisées.

Le recrutement de ces auxiliaires avait lieu parmi les sous-officiers, brigadiers et gendarmes en retraite, de quarante-cinq à soixante ans, les autres militaires proposés pour la gendarmerie et, subsidiairement, les militaires mariés en cas d’insuffisance des deux premières catégories(30).

La mobilisation des légions, ordonnée par le décret du 20 décembre 1870, n’ayant pas produit tous les résultats qu’on en attendait, un arrêté du 27 février 1871 fit rentrer à leurs postes les légions mobilisées, ce qui supprima aussi le recrutement des brigades provisoires(31).

De même que les régiments de la garnison de Paris, les régiments de marche répondirent, en toutes circonstances, à la confiance que portaient en eux le Gouvernement et le pays. La guerre terminée, leur licenciement prononcé le 9 mars 1871, permit aux compagnies départementales de récupérer les officiers, sous-officiers, brigadiers et gendarmes qui avaient été appelés à faire partie de ces corps.

En rentrant à leurs résidences, ils furent accueillis de la manière la plus cordiale, car on se rappelait qu’à Orléans, à Meung, à Beaumont, à Coulmiers, à Beaugency, à Fréteval, à Villorceau, à Gravont, à Vendôme, à Pontlieu, à Nuits et à Beaune la gendarmerie avait combattu avec la plus grande valeur et avait su maintenir, aux yeux de tous, la réputation de bravoure de l’armée française.

À la bataille du Mans, en particulier (11 et 12 janvier 1871), le régiment de gendarmerie à pied avait tenu jusqu’au dernier moment derrière le pont de Pontlieu et s’était défendu ensuite dans la grande avenue de Pontlieu et les rues adjacentes. Ce régiment, qui avait opéré cette belle défense dirigée par le général Bourdillon, avait laissé là deux officiers et 88 sous-officiers ou gendarmes.

Deux généraux de brigade de gendarmerie étaient morts au champ d’honneur : à Dijon, le général Fanconnet, commandant la subdivision de la Côte-d’Or ; à Villorceau, le général Deflandre, tombé glorieusement à la tête de la 3e division du 17e corps d’armée (2e armée de la Loire)(32).

Aussi, en approuvant les crédits en faveur de la gendarmerie, la commission du budget de 1871 applaudissait-elle à des mesures qui auraient pour résultat, disait le rapporteur, « d’augmenter le nombre et le bien être d’un corps constamment animé du sentiment du devoir, utile en temps de paix comme en temps de guerre et dont le patriotisme égaIe le courage »(33).

Ajoutons qu’une loi des 5-10 janvier 1872 permit d’indemniser les militaires de la gendarmerie des pertes qu’ils avaient éprouvées durant la guerre et à la suite de l’insurrection de Paris.

La Commune à Paris

Nous verrons plus loin le massacre de militaires de notre arme par les insurgés lors des événements qui se déroulèrent du 18 mars au 20 mai 1871.

Rapports avec les autorités

La loi du 22 juillet 1872 ayant institué le service militaire obligatoire pour tous, cette réforme allait entraîner un grand développement du service de recrutement et de l’administration des réserves. Le gendarme allait devenir le facteur du recrutement. C’est ce dont se plaignait Ernest Leblanc dans le travail qu’il avait publié dans la Nouvelle Revue du 1er juin 1880 sous le titre « La gendarmerie, son histoire et son rôle, les inconvénients du régime mixte ». L’auteur s’exprimait ainsi :

« Quel est l’administrateur, quel est le juge de paix qui n’a pas remarqué dans la constatation des délits ruraux, des délits de chasse, des contraventions de roulage, etc., une progression décroissante hors de proportion avec la diminution réelle de ces contraventions et de ces délits ? D’où vient que les procès-verbaux se font plus rares ? C’est que les gendarmes sont trop souvent en course pour porter les avis de la division aux hommes de l’armée active, de la réserve, de l’armée territoriale. Où trouveraient-ils le temps de surveiller les champs et les chemins ? Ils pourraient, dira-t-on, s’occuper simultanément de la surveillance et du message. Non, faire à la fois un double travail, c’est le faire doublement mal. La poste reçoit tous les jours, distribue et remet exactement à leur adresse des lettres non moins importantes qu’une convocation militaire ; ses agents connaissent mieux les habitants des moindres hameaux, des métairies les plus isolées. Pourquoi retirer aux facteurs ce service qui leur appartient pour en accabler les gendarmes qui devraient y rester étrangers ? Ils l’accomplissent qu’en négligeant celui qui leur est propre et en violant l’article 99 du décret du 1er mars 1854. Ne serait-il pas toujours temps d’employer la force armée contre les convoqués récalcitrants ? »

Passons à l’autorité administrative. Nous avons vu, sous le Second Empire, l’emploi abusif de la gendarmerie pendant les périodes électorales. Il en fut de même sous le Gouvernement du 16 mai 1877, pendant la campagne électorale qui suivit la dissolution de la Chambre des députés et pour laquelle furent organisées partout des candidatures officielles.

Actionnés par les préfets du ministre de l’Intérieur Bardi de Fourtra, les gendarmes étaient nuit et jour sur les grandes routes et les chemins de traverse, courant à droite, courant à gauche, ici collant des affiches blanches du candidat officiel, là déchirant celles des candidats républicains(34) ; sans doute par absence de caractère vis-à-vis du préfet, un commandant de compagnie, par une circulaire confidentielle adressée à ses officiers, présentait la victoire des candidats républicains comme devant entraîner la suppression de l’armée et de toute force répressive.

À la Chambre des députés, le 15 novembre 1877, Gambetta protesta avec véhémence contre de tels agissements :

« Messieurs, voilà ce que l’on répand dans les rangs du corps le plus méritant, le plus nécessaire, le plus utile, le mieux recruté et qui devrait être le plus sévèrement tenu à l’écart de nos querelles politiques. On dit à ces braves gens et on les charge de répandre cette autre vérité que les 363 et le parti républicain sont partisans de la suppression de l’armée et de toute force répressive. C’est dans cette pensée criminelle que l’on dit à ces agents inférieurs que les candidats républicains veulent supprimer le rôle de la gendarmerie, que ce serait une trahison s’ils n’empêchaient pas les républicains de passer. Mais je glisse sur ces infamies ».

Répondant à l’orateur, le ministre de la Guerre déclarait qu’il n’avait pas adressé de circulaire et que le règlement de 1854 interdisait la politique dans la gendarmerie(35).

Cette réponse était bien dans l’esprit du décret organique qui interdisait les missions occultes, celles de nature à porter atteinte à la considération de l’arme, et limitant l’action des autorités civiles sur la gendarmerie à ce qui pouvait concerner le maintien de l’ordre et la tranquillité publique, mais rien, dans le décret, n’interdisait expressément de mêler le personnel aux questions électorales et à la lutte des partis ; cette précaution sera prise par la circulaire ministérielle du 31 août 1879, le discours de Gambetta ayant ainsi porté ses fruits.

Au reste, lorsqu’un officier ou un chef de brigade viendra servir dans un département, ou lorsqu’un gendarme y viendra par mutation, le préfet ne manquera-t-il point de se renseigner, auprès de son collègue du département où il servait précédemment, sur la conduite et l’attitude politique du nouveau venu.

C’est ainsi que le préfet de Lot-et-Garonne apprend que l’attitude politique du gendarme X…, nommé brigadier dans son département et venant de Tarn-et-Garonne, n’a pas été « d’une correction parfaite. En effet, à l’occasion des élections, il paraissait satisfait lorsque le résultat était favorable aux réactionnaires. On ne peut, cependant, lui imputer aucun acte d’hostilité envers le Gouvernement de la République »(36).

Leblanc, dans son ouvrage, faisait l’histoire des conflits élevés depuis la loi de germinal contre la gendarmerie et les diverses autorités ; il attribuait la cause de ces conflits à cette loi révolutionnaire qui faisait dépendre l’arme de plusieurs ministres et surtout au caractère militaire qui poussait l’arme, disait-il, à ne considérer que comme facultatif tout ce qui ne serait pas l’exécution d’un ordre militaire, assertion contre laquelle s’inscrit en faux le Livre d’or de cette arme d’élite.

Mais, que proposait l’auteur ? Chose curieuse : il s’est indigné de l’action abusive sur la gendarmerie des ministres de l’Intérieur, de Persigny sous le Second Empire, de Fourtou sous l’ordre moral – et c’est, semble-t-il, ce qui l’a incité à écrire son ouvrage – et il proposa cependant que la loi de germinal soit abrogée par une loi nouvelle qui placerait la gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. On comprend aisément pourquoi aucune suite ne fut donnée à sa proposition.

Au surplus, l’auteur constate avec amertume : « C’est ce régime [militaire] que, parmi nos amis républicains, quelques esprits droits, mais craintifs, veulent conserver. Ils s’élèvent contre toute mesure qui rattacherait la gendarmerie au ministère de l’Intérieur. La maintenir, énergiquement, dans les attributions du ministre de la Guerre est, à leur avis, le seul parti salutaire pour empêcher la gendarmerie de se discréditer par la politique ».

Sans doute la subordination de la gendarmerie au ministère de la Guerre, accentuée depuis le 1er mars 1854, n’a-t-elle point suffi à prévenir les abus dénoncés. L’auteur en fait la remarque, mais peut-être ignore-t-il que, bien avant ses amis républicains, la nécessité du caractère militaire de notre arme avait déjà été reconnue par des législateurs sous le Second Empire et, auparavant, sous la monarchie de Juillet, comme nous l’avons montré ci-dessus(37).

D’ailleurs, une constatation s’impose : ni l’opposition libérale, après sa prise du pouvoir au 4 septembre 1870, ni les républicains, après leur victoire de 1819 sur l’ordre moral, ne firent grief à la gendarmerie d’un service accompli pendant la campagne électorale et dont la responsabilité incombait au seul Gouvernement qui avait donné l’ordre. Il ne pourra y avoir dans la gendarmerie, sous la Troisième République, de punition pour faits d’obéissance à des supérieurs hiérarchiques.

Les chefs responsables du régime suivront une règle constante : suprématie du pouvoir civil et, dans l’armée, obéissance passive, garantie la plus sûre du loyalisme envers la Constitution et à laquelle nous verrons plus loin l’importance qu’y attachait Georges Clemenceau.

N’est-ce pas ce loyalisme, fruit de la discipline militaire qui, au retour des obsèques du président Félix Faure, le 23 février 1899, déterminera le général Roget à rentrer avec ses deux régiments à la caserne de Reuilly, alors que le chef des nationalistes, Paul Déroulède, qui avait saisi la bride du cheval du général sur la place de la Nation, engageait vivement ce dernier à marcher sur l’Élysée ?

Mais, afin de prévenir le retour des abus du passé, les règlements défendront expressément à notre arme de s’immiscer dans les questions touchant à la politique et, cette défense, qui vaudra pour les autorités civiles puisqu’elle sera mentionnée dans le décret du 20 mai 1903 (article 78), sera rappelée, en outre, dans le service intérieur de l’arme.

Conflit de deux réquisitions

Voici un cas d’espèce tiré des archives de l’ancienne 8e légion, dont le siège était alors à Bourges.

En 1886, le fermier de la pêche dans le lac des Settons (Nièvre) ayant pris une certaine quantité de poissons, ce fait de pêche occasionna, pour des raisons qu’il est sans intérêt de rappeler, un conflit des plus curieux. L’autorité judiciaire voulait faire saisir ce poisson, mais le propriétaire, en l’espèce l’État, représenté par un conducteur des Ponts et Chaussées, soutenu par le préfet, s’opposait à cette saisie. Un huissier porteur d’un jugement requit donc le chef de brigade de gendarmerie de l’assister dans la saisie du poisson objet du litige et ce gradé commençait à obtempérer à cette première réquisition lorsque le conducteur des Ponts et Chaussées, porteur d’une réquisition préfectorale à l’adresse de la force publique, vint à son tour lui demander main-forte pour s’opposer, au contraire, à la saisie en question. Après en avoir référé à ses chefs, le commandant de brigade obtempéra à la deuxième réquisition qui s’opposait à la saisie ; mais il fut poursuivi en justice pour avoir refusé d’obtempérer à la première, celle de l’autorité judiciaire(38).

L’acquittement du sous-officier prouva qu’il existe entre les réquisitions une hiérarchie et que, dans un conflit d’une réquisition de l’autorité judiciaire et d’une réquisition préfectorale, c’est la réquisition du préfet, représentant du Gouvernement, qui doit l’emporter.

Aucun texte ayant trait à la question n’existait, croyons-nous en 1886, mais on a vu à ce sujet, dans la suite, la circulaire Briand, président du Conseil, du 19 juillet 1926, le décret du 5 novembre de la même année qui rappelle que le préfet est le représentant du pouvoir exécutif dans le département et, plus tard, la circulaire Flandin, du 18 novembre 1934.

Ainsi, si la gendarmerie est saisie de deux réquisitions légales contradictoires, émanant, l’une de l’autorité administrative, l’autre de l’autorité judiciaire, c’est la première qui devra avoir la préférence.

Nous avons vu plus haut (affaire Degan) qu’un commandant de la force publique peut présenter comme excuse de sa désobéissance à une réquisition de l’autorité judiciaire, que les ordres de son supérieur hiérarchique l’ont empêché d’agir. Un militaire de la gendarmerie aura-t-il le même droit s’il est saisi d’un ordre militaire légal et d’une réquisition administrative légale, lorsque ces deux actes sont contradictoires ? Cela nous paraît certain.

Mais, qu’il s’agisse d’un ordre militaire ou d’une réquisition administrative ou judiciaire, si cet acte paraît à la gendarmerie entaché d’illégalité, elle devra refuser l’obéissance(39).

Réorganisation du ministère de la Guerre

Pendant longtemps, au ministère de la Guerre, les directions d’armes furent indépendantes et ce système, s’il présentait des avantages pour la gendarmerie qui, d’ailleurs, n’était représentée que par un bureau à la direction de la cavalerie, eut sa part de responsabilité dans les désordres de 1870.

Aussi, dès 1871, les services furent-ils concentrés, avec la création d’un État-Major général du ministre, à l’instar du Grand État-major prussien.

En 1878, il fallut revenir à l’autonomie des directions d’armes, mais, en 1888, l’état-major général du ministre devenait l’état-major de l’armée, auquel, à partir de 1890, les directions d’armes furent subordonnées(40). Cette subordination aura pour effet d’accroître les attributions militaires de la gendarmerie ; ses inconvénients apparaîtront surtout après la création, en 1926-1927, de la Garde républicaine mobile.

Réorganisation

Après la guerre, qui entraîna la disparition de la 6e légion (Strasbourg), le nombre des légions fut souvent modifié.

Rappelons d’abord que la réorganisation militaire de 1873 divisa la France en dix-huit régions de corps d’armée, non compris le corps d’armée d’Algérie qui avait le n° 19 et que, depuis la loi du 13 mars 1875, les cadres, effectifs et emplacements des brigades de gendarmerie peuvent être modifiés par décret, dans la limite des crédits ouverts, suivant les besoins du service(41).

Ainsi placée sous le régime des décrets, la gendarmerie n’est donc point, comme les autres armes, protégée par la loi des cadres. Cet état de choses a été souvent critiqué car l’arme se trouve exposée à des modifications n’ayant d’autre raison d’être qu’un caprice ou le besoin d’une économie imposée par la commission du budget(42).

La décision présidentielle du 27 avril 1815 porta le nombre des légions à trente et une, le n° 31 étant attribué à la légion de gendarmerie d’Afrique(43).

Les emplacements des légions étaient les suivants : 1re, Paris ; 2e, Lille ; 3e, Amiens ; 4e, Rouen ; 5e, Le Mans ; 6e, Orléans ; 7e, Châlons-sur-Marne ; 8e, Nancy ; 9e, Besançon ; 10e, Bourg ; 11e, Bourges ; 12e, Tours ; 13e, Poitiers ; 14e, Rennes ; 15e, Nantes ; 16e, Limoges ; 17e, Périgueux ; 18e, Clermont-Ferrand ; 19e, Saint-Étienne ; 20e, Lyon ; 21e, Chambéry ; 22e, Marseille ; 23e, Nice ; 24e, Bastia ; 25e, Montpellier ; 26e, Perpignan ; 27e, Toulouse ; 28e, Agen ; 29e, Bordeaux ; 30e, Bayonne.

Cette organisation fut modifiée, en 1879, sur rapport du général Grosley, ministre de la Guerre. Le ministre disait notamment : « Il importe, d’ailleurs, pour obtenir de l’unité dans la transmission et l’exécution des ordres, de mettre complètement en concordance la circonscription des légions avec celle des grands commandements, afin de constituer, dans chaque région, pour la gendarmerie, une autorité unique qui assure le service de l’arme et la discipline sans divergence d’appréciation. »

C’est ainsi qu’à la date du 23 novembre 1879, une décision présidentielle substituait aux trente et une légions existantes dix-neuf légions nouvelles, une par corps d’armée, celle d’Algérie ayant le n° 19.

Mais le général Farre, nouveau ministre de la Guerre, constatait que la réorganisation décidée par son prédécesseur, présentait dans son application certaines difficultés : une nouvelle décision du 31 mars 1880 rétablit les trente et une légions. Ces légions prirent les numéros correspondant à ceux des corps d’armée auxquels elles appartenaient, ces numéros étaient parfois des numéros bis pour les légions dont les chefs-lieux étaient à Nancy, Bourg, Poitiers, Périgueux, Saint-Étienne, Chambéry, Nice, Perpignan, Agen, Bayonne, avec le numéro ter (Corse). Pour le Gouvernement de Paris, la légion prenait le titre de légion de Paris(44).

Dans les corps d’armée comprenant plus d’une légion, celle du chef-lieu était placée sous les ordres d’un colonel spécialement chargé de l’organisation et de la mobilisation de la prévôté du corps d’armée. L’autre, ou les autres, étaient placées sous les ordres d’un lieutenant-colonel(45).

En 1886, on revint aux errements de 1879 ; le décret du 6 avril 1886 causa de graves perturbations en supprimant dix légions et en remplaçant un certain nombre de chefs d’escadron par des capitaines, ainsi que tous les capitaines-trésoriers de la gendarmerie départementale par des lieutenants ou des sous-lieutenants.

Le général Boulanger, ministre de la Guerre, avait estimé qu’il importait de donner à la gendarmerie une organisation moins coûteuse et mieux en rapport avec les besoins du service et avec l’organisation militaire du pays.

C’est ainsi que le nombre de légions de gendarmerie départementale était réduit de trente et une à vingt et une, soit : dix-neuf légions légion de Corse (n° 20) ; une légion pour le Gouvernement militaire de Paris (n° 21).

Mais à la suite d’un rapport fortement motivé du général Logerot, ministre de la Guerre, qui estimait, notamment, « qu’une concentration excessive rendrait illusoire la surveillance qu’aurait à exercer un chef unique dont l’activité ne serait plus assez immédiate pour être efficace » ; le décret du 24 décembre 1887 rétablit les cadres supprimés et porta le nombre des légions, y compris celle d’Algérie, à vingt-sept dont six légions bis dans les régions frontières où l’action militaire avait le plus besoin d’être renforcée à Nancy, Bourg, Chambéry, Nice, Perpignan, Agen et une légion ter (Corse).

Les légions étaient les suivantes : légion de Paris ; 1re, Lille ; 2e, Amiens ; 3e, Rouen ; 4e, Le Mans ; 5e, Orléans ; 6e, Châlons-sur-Marne ; 6e bis, Nancy ; 7e, Besançon ; 7e bis, Bourg ; 8e, Bourges ; 9e, Tours ; 10e, Rennes ; 11e, Nantes ; 12e, Limoges ; 13e, Clermont-Ferrand ; 14e, Lyon ; 14e bis, Chambéry ; 15e, Marseille ; 15e bis, Nice ; 15e ter, Bastia ; 16e, Montpellier ; 16e bis, Perpignan ; 17e, Toulouse ; 17e bis, Agen ; 18e, Bordeaux ; 19e, Alger.

En 1892, l’effectif des vingt-six légions de l’intérieur (continent et Corse) était de 621 officiers, 10 024 hommes de troupe à cheval, 8635 hommes de troupe à pied. Total : 25 538 hommes.

La gendarmerie d’Algérie comprenait 28 officiers, 1 050 hommes de troupe (790 à cheval, 260 à pied), 140 auxiliaires indigènes à cheval.

Un décret du 8 février 1898 supprimait la 6e légion bis et la remplaçait par la 20e légion ayant son siège à Nancy.

Enfants de troupe

La loi du 19 juillet 1884 supprimait les écoles d’enfants de troupe dans les corps et créait des écoles préparatoires. Dorénavant, les enfants de troupe étaient laissés dans leurs familles jusqu’au moment de leur mise en route sur les écoles militaires préparatoires. Les enfants devaient être âgés de treize ans au moins et de quatorze ans au plus au 1er août pour être admis dans les écoles militaires préparatoires(46).

Gendarmerie à l’extérieur

Gendarmerie de Tunisie

Rappelons la naissance de la gendarmerie en Tunisie(47). À la prévôté attachée, au printemps de 1881, au corps expéditionnaire, vint s’ajouter au mois d’août, pour être employé au service d’escorte et de prévôté, un détachement de gendarmerie mobile commandé par un capitaine ayant sous ses ordres trois lieutenants, trois maréchaux des logis, sept brigadiers qui furent montés à Marseille ainsi que soixante gendarmes ayant servi dans la cavalerie, avec des chevaux du 1er hussards, trois maréchaux des logis, quatre brigadiers et quatre-vingts gendarmes appelés à faire le service à pied. À la fin des opérations, ces militaires devaient rejoindre leur poste au bataillon mobile qui avait la garde du Sénat(48).

De fait, en 1882, la force publique de Tunisie était réduite à trois officiers, cinq sous-officiers, onze brigadiers et soixante-six gendarmes.

Ce détachement de gendarmerie du corps d’occupation devint, le

28 mars 1885, le détachement de gendarmerie de Tunisie qui comprenait en 1892 un capitaine, un lieutenant, vingt-cinq chefs de brigade, quatre-vingt-quinze gendarmes, vingt-trois auxiliaires indigènes, au total deux officiers et cent quarante-trois hommes de troupe dont quatre-vingt-trois à cheval et soixante à pied. En 1897, l’effectif total était de trois officiers et cent quarante et un hommes de troupe et, l’année suivante, le décret du 5 août 1898 transformait le détachement en compagnie de Tunisie(49).

Après la Tunisie, jetons un coup d’œil sur les détachements de force publique qu’exigea l’expansion coloniale de la France vers la fin du siècle dernier.

Expéditions du Tonkin

En 1883, le corps expéditionnaire du Tonkin avait une force publique comprenant un maréchal des logis, un brigadier et huit gendarmes et qui prit part au combat du Pont-de-Papier près d’Hanoï, où fut tué le commandant Rivière, et à la prise de Sontay, repaire des « Pavillons noirs ».

L’année suivante, arrivait au Tonkin un deuxième détachement de force publique tiré, comme le précédent, du bataillon de gendarmerie mobile, commandé par le capitaine Tasson et comprenant un maréchal des logis greffier et vingt gradés et gendarmes. Ce détachement prit part à diverses opérations depuis la prise de Bac-Ninh, le 8 mars 1884, jusqu’à la retraite de Lang-Son du 25 au 28 février 1885.

Expédition de Madagascar

En 1895, le corps expéditionnaire de Madagascar comprenait une prévôté commandée par le chef d’escadron Gaudelette ayant sous ses ordres un capitaine, un lieutenant, cinq gradés et trente hommes renforcés par la suite de quinze autres. Lors de la constitution de la colonne légère qui devait s’emparer de Tananarive, le chef d’escadron, un gradé et quatre gendarmes marchèrent constamment avec le groupe d’avant-garde(50).

Détachement de Crète

En 1897, les troubles survenus dans l’île de Crète ayant motivé l’intervention des grandes puissances, un détachement de gendarmerie, commandé par un capitaine, accompagna dans l’île les troupes françaises et sut mériter les éloges du commandement.

Déjà, le vice-amiral commandant anciennement la division détachée dans le Levant s’était exprimé ainsi : « Nos gendarmes se sont acquis en peu de temps une réputation de justice et de devoir reconnue par tous indistinctement : Crétois et Européens. Ces modestes serviteurs nous font grand honneur et, quoi qu’il arrive, leur passage en Crète y laissera une impression profonde. »

Dans la suite, en 1899, le colonel Spitzer, de l’infanterie de marine, commandant supérieur des troupes françaises en Crète, inspecteur général, terminait ainsi un ordre général d’inspection : « Dans le secteur international, comme dans le secteur français, en se montrant énergiques et bienveillants les gendarmes ont su faire aimer et respecter leur corps, s’attirer les nombreuses marques de sympathie et provoquer l’admiration des officiers, des soldats des troupes étrangères et de toute la population crétoise qui les verra partir avec regret. »

Prévôté de Chine

Au corps expéditionnaire envoyé en Chine, en 1900, pour combattre la révolte des Boxers, était jointe une prévôté commandée par le chef d’escadron Jacquillat, ayant sous ses ordres un capitaine, un lieutenant, quatre maréchaux des logis, six brigadiers et quarante gendarmes.

Organisation

Signalons le décret du 26 mars 1887 qui institua un adjudant à cheval dans chaque chef-lieu de compagnie et un maréchal des logis chef à cheval dans chaque chef-lieu d’arrondissement ou de section externe, et notons qu’à partir de 1894 un certain nombre de brigades à pied et même à cheval furent réduites de cinq à quatre unités. Ajoutons l’adoption de la bicyclette par dépêche ministérielle du 24 décembre 1900 pour le service de la gendarmerie à pied.

Affaire Vacher. Évolution du service

À la même époque (1897), l’affaire Vacher avait en France un grand retentissement. Ce vagabond avait pu commettre une série de crimes dont la longue impunité attestait un défaut de vigilance de la gendarmerie. La gendarmerie était-elle responsable ? Quelle était, en la matière, la doctrine des pouvoirs publics ?

Emmanuel Arène, rapporteur du budget de 1891, ne s’était-il pas exprimé ainsi : « Ce n’est pas faire injure aux gendarmes que de leur reconnaître plus d’énergie dans l’arrestation des criminels que de perspicacité dans la découverte des crimes. Ce n’est pas là au surplus l’affaire de ces braves soldats dont il ne faut mettre à épreuve que les incontestables qualités de courage et d’énergie »(51).

Mais, en 1897, après la longue série de crimes de Vacher, les pouvoirs publics n’hésitèrent pas à attribuer ce manque de surveillance à la multiplicité des services que les diverses autorités demandaient aux brigades et qui détournaient le personnel de sa mission essentielle de veiller à la sûreté publique. Le Gouvernement chargea une commission extraparlementaire de rechercher les moyens propres à assurer la police du vagabondage. La commission déclara « très nettement que les exigences militaires de la gendarmerie ne doivent pas faire oublier que sa mission prédominante, aux termes de sa loi d’institution, est d’être une force instituée pour veiller à la sûreté publique ».

La commission ne conclut pas au rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur, mais elle proposa de placer cette troupe sous la surveillance des commissaires spéciaux(52). Le Gouvernement rejeta cette étrange suggestion qui dut réjouir les mânes de Fouché, de Maupas, de Persigny et de tant de ministres de la Police ou de l’Intérieur, mais il recommanda aux différents départements ministériels, civils et militaires, d’alléger la charge de la gendarmerie, « car cette force publique doit pouvoir disposer de beaucoup de temps pour la surveillance des campagnes, des routes et chemins et pour la répression de la mendicité et du vagabondage lesquelles constituent sa mission essentielle »(53).

La gendarmerie avait échappé à des prétentions inadmissibles de l’Intérieur, mais elle allait subir l’assaut de la Justice, car Justice et Intérieur rivalisaient en matière de demandes abusives.

Un gendarme ne dut-il pas, sur la demande d’un magistrat, transporter un fœtus dans son portefeuille de correspondance, tandis que, pour établir les droits à la prime de chasseurs de renards, les gendarmes devaient, dans certains départements, inciser en forme de V les oreilles des renards capturés ? Les inspecteurs généraux de gendarmerie réagissent vigoureusement contre les réquisitions abusives et leurs rapports, publiés dans la presse de l’arme, ont un grand retentissement.

Contre cette action du haut commandement, le procureur général Gensoul réagissait dans son discours de Chambéry, sur les auxiliaires de la justice, à la séance de rentrée du 16 octobre 1901, où il exprima le désir que la gendarmerie fût « à la disposition » des membres du parquet(54).

Enquêtes officieuses

Remarquons, au sujet des rapports avec les autorités judiciaires, que les lois de 1791 et de germinal prescrivaient à la gendarmerie de recueillir des renseignements sur les crimes et délits, de procéder à des arrestations dans les cas énoncés dans ces lois. Comme autrefois dans la maréchaussée, les procès-verbaux de renseignements ou d’arrestation continuèrent à être remis aux officiers qui, n’étant plus juges eux-mêmes, les transmettaient aux magistrats compétents ; ce ne fut qu’à partir du 18 janvier 1923 que ces derniers reçurent directement des brigades, les premières expéditions de tous les procès-verbaux.

Il importe de considérer que les procès-verbaux de renseignements, dont l’envoi aux magistrats fut ordonné par les lois fondamentales précitées, n’étaient pas établis à la demande des autorités judiciaires ; il s’agissait des procès-verbaux de renseignements que les gendarmes recueillaient au cours de leurs tournées(55) ; ces deux lois précisèrent que les réquisitions des commissaires près les tribunaux ne seraient adressées à la gendarmerie que lorsqu’il s’agirait d’exécuter les mandements de justice(56). Telles étaient les réquisitions que recevait également la maréchaussée.

Aujourd’hui encore, ni le code d’instruction criminelle, ni aucune loi spéciale n’autorise les magistrats à se faire suppléer, pour les enquêtes judiciaires, par la gendarmerie.

Le code d’instruction criminelle règle minutieusement les manières de procéder du procureur de la République et du juge d’instruction et, s’il autorise ces magistrats, en tant qu’officiers de police judiciaire, à requérir la force publique (article 25), il n’est nullement question dans la procédure, d’enquêtes dites « officieuses » (interrogatoires de témoins, de prévenus, etc.) pouvant être confiées à de simples agents de la force publique.

Cependant, malgré la loi de germinal et vraisemblablement par suite de la négligence ou du manque de caractère des officiers, l’usage des enquêtes officieuses demandées à la gendarmerie s’est progressivement établi. Cette pratique a été vivement combattue par les juristes ; la jurisprudence, cependant, a fini par l’admettre ; la chancellerie, de son côté, par diverses circulaires (celle notamment du 23 février 1887) a recommandé d’user, le plus souvent possible, des enquêtes officieuses qui diminuent les frais de justice en dispensant, dans beaucoup de cas, d’une instruction régulière.

On verra plus loin qu’un nouveau décret organique (20 mai 1903) allait autoriser les magistrats de l’ordre judiciaire à adresser aux brigades les demandes de renseignements qu’ils jugeraient utiles (article 81). Mais le décret allait permettre aussi à la gendarmerie de refuser d’exécuter les réquisitions illégales ou simplement abusives et il organisait la procédure à suivre en pareil cas (article 69).

Au surplus, nous verrons dans la suite les progrès réalisés dans le service spécial et la recherche des malfaiteurs.

École des élèves officiers de gendarmerie

Avec le décret du 3 janvier 1901 créant à Paris une école des élèves officiers de gendarmerie, dans le but de compléter l’instruction des sous-officiers de gendarmerie signalés comme aptes à devenir sous-lieutenants, et qui fut installée à la caserne Schomberg, nous trouvons une réalisation due au général de division Mourlan, président du comité technique, qui allait élaborer le nouveau décret organique destiné à remplacer celui de 1854 : le décret du 20 mai 1903.

Décret du 20 mai 1903

Comme pour l’ordonnance de 1820, la nécessité de réviser le décret de 1854 résulta des nombreux changements qu’avait subis ce règlement, ainsi que des modifications profondes apportées successivement à toutes les parties de la législation militaire et de l’administration du pays.

Il convient d’ajouter que, dans la pensée du général Mourlan, président du comité technique qui devait procéder à la révision du décret du 1er mars 1854, cette révision avait pour but « d’affirmer le caractère essentiellement militaire de la gendarmerie, d’en faire plus que jamais, dans toute l’acceptation du mot, en toute indépendance, en dehors des querelles des partis, à l’abri de toute influence délétère, un des pivots les plus solides de l’ordre social »(57). En réalité, le décret du 20 mai 1903 n’apporta d’innovations importantes que dans les rapports de la gendarmerie avec les diverses autorités.

La loi de germinal (article 147) punit l’exécution, par la gendarmerie, de réquisitions illégales. Tout chef de cette arme recevant une réquisition a donc le devoir, avant de la mettre à exécution, de s’assurer de sa légalité. Il ne peut y avoir, ici, d’obéissance passive. La gendarmerie doit délibérer et refuser l’exécution si la réquisition n’est pas établie dans les formes légales. Mais il restait à réglementer l’exercice de ce droit de délibérer établi par la loi républicaine. Tel fut l’objet, à la suite des conflits que nous avons rappelés, de l’article 69 du décret du 20 mai 1903. Ainsi, d’une part, le décret impose à tous le respect de la légalité en organisant la procédure en cas de réquisitions illégales ou abusives(58).

Mais en raison du puissant intérêt qu’attachent les magistrats de l’ordre judiciaire aux enquêtes faites par nos brigades, le nouveau règlement permet, d’autre part, à ces magistrats, de se soustraire à la règle rigide des réquisitions en les autorisant à adresser à la gendarmerie de simples demandes exemptes de l’obligation de mentionner la loi qui les autorise.

C’est ainsi que le décret apporte la sanction réglementaire aux enquêtes officieuses, en autorisant le procureur de la République et le juge d’instruction et cela malgré les dispositions formelles de l’article 140 de la loi de germinal, à adresser aux commandants de section les demandes de renseignements, signalements, mandats et autres pièces que ces magistrats jugent utile de leur adresser pour enquête ou exécution (article 81)(59).

On sait que le refus de mettre à exécution une réquisition légale engage la responsabilité pénale(60). Or, les renseignements judiciaires rentrent expressément, désormais, dans les attributions de la gendarmerie (article 81), une réquisition est donc inutile (article 67). Il convient, par conséquent, de n’accepter pour les renseignements judiciaires, qu’une demande ordinaire, qui, en cas de conflit avec l’autorité requérante, ne peut jamais avoir que des conséquences disciplinaires.

Le décret de 1903 ne modifia point les sièges des légions tels qu’ils étaient fixés depuis 1887. L’effectif des vingt-six légions (intérieur et Corse) était en 1905 de 590 officiers, 10 912 hommes de troupe à cheval et 10 782 hommes de troupe à pied. Effectif total : 21 564 hommes.

En Algérie (19e légion) : 1193, plus 152 indigènes ; en Tunisie : effectif 118, plus 27 indigènes.

Gendarmerie du Maroc

Voici la France au Maroc. Nous avons vu la prévôté du corps expéditionnaire d’Alger (1830) et celle du corps expéditionnaire de Tunisie (1881) donner naissance à une gendarmerie d’occupation.

Il en fut de même, au Maroc, de la prévôté attachée aux troupes du général Drude, qui débarqua à Casablanca le 20 septembre 1907, à l’effectif d’un maréchal des logis, un brigadier et quatorze gendarmes, et de la prévôté de la colonne Branlière, formée à Lalla-Marnia, le 7 décembre 1907, à l’effectif d’un maréchal des logis et huit gendarmes(61).

Ces deux forces publiques du Maroc occidental et du Maroc oriental, dont les effectifs s’accrurent progressivement et dont le service participait à la fois du service prévôtal et du service de la gendarmerie d’occupation, donnaient naissance, en 1916, à la force publique du Maroc qui comprenait, en 1926, six officiers, 274 hommes de troupe français et 40 indigènes(62). Cette force publique deviendra, le 1er janvier 1928, la légion de gendarmerie du Maroc ayant son siège à Rabat et dont l’effectif, en 1935, sera de douze officiers et 390 hommes de troupe(63).

Ainsi se trouvait constituée la gendarmerie de l’Afrique du Nord, issue de la prévôté française : Algérie, Tunisie, Maroc.

Rapports avec la police mobile

Nous avons déjà mentionné le décret du 30 décembre 1907 instituant une police mobile prête à intervenir au moment où l’action ouverte des gendarmes revêtus de l’uniforme ne peut être efficacement produite dans la recherche ou l’arrestation des délinquants ou des criminels.

Une obligation découlait de cette création : celle des échanges, entre la gendarmerie et la police mobile, de renseignements concernant les infractions commises et les malfaiteurs recherchés. Ainsi naquit l’instruction du 1er octobre 1911 ayant pour objet de rendre plus étroites les relations de la gendarmerie avec les brigades régionales de police mobile. Cette liaison, élément primordial du succès entre services chargés de la police judiciaire, exigeait, pour être fructueuse, la réciprocité dans l’envoi de renseignements et ne pouvait entraîner aucune subordination de la gendarmerie à la police, notre arme n’étant l’auxiliaire, dans ce domaine, que de la Justice.

C’est un fait d’expérience qu’à l’origine des succès remportés dans les campagnes par la police mobile, se trouve souvent un renseignement recueilli par la gendarmerie, mais les communications faites à la presse laissent généralement les populations dans l’ignorance du véritable rôle joué par la gendarmerie dans la découverte des coupables.

Il semble que l’on s’émeut parfois outre mesure de cet état de choses qui n’est pas nouveau. La police mobile venait d’être créée qu’un crime atroce était commis dans les montagnes du Cantal : un individu qui avait assassiné une vieille femme pour lui voler son argent, avait ensuite incendié la maison pour faire disparaître les traces du forfait.

L’enquête fut conduite par la gendarmerie en parfait accord avec la police mobile qui informait de son côté. Le brigadier de gendarmerie Lepeix, d’Aurillac, ayant découvert la bonne piste, en avisa un inspecteur. Une perquisition eut lieu au domicile de l’inculpé ; on était sur le point de l’abandonner, lorsque l’un des gendarmes qui assistaient l’officier de police judiciaire, remarqua un bout de papier qui dépassait le bord d’une poutre ; ce papier renfermait, en pièces d’or, le produit du vol. L’inculpé fut arrêté, poursuivi et condamné à mort.

Or, dès le lendemain de l’arrestation, la grande presse relata cette affaire en des articles où l’on comparait les nouveaux policiers mobiles à des héros de Conan Doyle. Pas un mot n’était consacré à la gendarmerie à qui revenait tout le mérite de la découverte de l’assassin.

La gendarmerie obéira toujours aux ordres qui lui prescriront de communiquer à la police tous renseignements utiles, même si elle n’obtient pas une exacte réciprocité. La discipline militaire de notre arme a des vertus qui lui sont propres, que les autorités judiciaires n’ignorent point. Son zèle et sa loyauté constituent pour notre arme la meilleure des sauvegardes. La police elle-même ne s’y trompe point.

M. Hennion, alors directeur de la sûreté générale, ne déclare-t-il pas, en 1912, « qu’en présence de la mentalité des fonctionnaires civils, il voyait les plus grands inconvénients au rattachement de la gendarmerie à un ministère non militaire » ?

Voilà ce qui assurera l’avenir de notre arme, tant qu’elle ne fera pas de fausse manœuvre de nature à rompre l’équilibre de son caractère, à la fois civil et militaire.

Mouvement social et maintien de l’ordre

Dès le Second Empire, les atteintes à la liberté du travail ont occasionné des désordres, mais la gendarmerie n’a pris aucune part aux collisions sanglantes de la Ricamarie (16 juin 1869), d’Aubin (7 octobre 1869), ni à celle de Fourmies (1er mai 1891) dont nous parlerons plus loin.

Dès la fin du XIXe siècle, la gendarmerie prendra une part active au déploiement de forces que nécessiteront les revendications ouvrières et tous les événements troublant la tranquillité du pays. Sa présence sera d’autant plus nécessaire que les premières grèves ont été marquées par des violences parfois atroces.

Déjà, à Aubin, seule l’arrivée inopinée du préfet et de soixante-dix soldats venus de Rodez sauva la vie à l’ingénieur Tissot qu’une bande entraînait vers un réservoir pour l’y noyer(64). À Decazeville (le 26 janvier 1886), l’ingénieur Wattrin fut cruellement mis à mort par les grévistes, le maire de la localité, présumant trop de son autorité, ayant refusé l’assistance de la gendarmerie(65). À Carmaux, la grève débuta, le 15 août 1892, par la violation du domicile de l’ingénieur Humblot et, s’il ne s’était pas trouvé là par hasard quelques gendarmes, cet ingénieur aurait subi le sort de l’infortuné Wattrin(66).

La gendarmerie sera présente pour le maintien de l’ordre au Creusot, à Chalon-sur-Saône, à Montceau-les-Mines, à Lorient, à Nantes, à Dunkerque, à Limoges, dans le Nord et à Saint-Étienne. Deux mille gendarmes seront mobilisés, en 1906, lors de la grève générale qui éclatera à la suite de la catastrophe de Courrières, dans les bassins houillers du Nord et du Pas-de-Calais.

La gendarmerie assurera le maintien de l’ordre lors des inventaires des biens des églises prévus dans la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, et lors de la crise viticole, survenue en 1907, dans la région de Narbonne et de Montpellier. Elle fera face aux désordres lors des grèves de Draveil-Vigneux, en 1908, et des manifestations de la vie chère en 1911.

De nombreux officiers et gendarmes seront blessés et parfois mortellement atteints en assurant le respect des lois. Le personnel sera parfois victime des incidences du mouvement gréviste sur la politique. Le 2 juin 1900, à Chalon-sur-Saône, les gendarmes se trouvèrent dans l’obligation de faire usage de leurs armes. Le président du Conseil, Waldeck-Rousseau, savait bien que les gendarmes qui avaient tiré s’étaient trouvés en état de légitime défense ; le rapport du lieutenant de cavalerie d’Epinay, commandant le détachement mixte de cavaliers, fantassins et gendarmes, était formel à cet égard ; mais Waldeck-Rousseau avait besoin des voix des députés socialistes dans les moments difficiles(67) ; aussi, eut-il la faiblesse de faire traduire les gendarmes en conseil de guerre, bien que leur acquittement ne pût être douteux(68).

À Draveil-Vigneux, le 2 juin 1908, un détachement de gendarmes placés sous les ordres d’un chef de brigade, ayant procédé à l’arrestation d’un délinquant plusieurs heures après l’accomplissement du délit, cette opération occasionna des incidents sanglants qui eurent leur écho au Parlement. Commettant une erreur de droit sur les conditions du flagrant délit, le président du Conseil, Georges Clemenceau, fit traduire le chef de brigade devant un conseil d’enquête qui l’acquitta, l’arrestation ayant eu lieu légalement dans un temps voisin du délit(69).

Nous exposerons plus loin la thèse suivant laquelle une arrestation en flagrant délit peut avoir lieu tout le jour du délit et tout le lendemain.

La crise viticole de 1907, dans le Midi, nécessita le détachement d’un millier de gendarmes sous les ordres du colonel Ordioni. Cette crise, jointe au recrutement régional de l’armée, provoqua la mutinerie du 17e régiment d’infanterie. Fâcheuse coïncidence ; un colonel commandant un régiment d’infanterie du centre de la France, ancien professeur à l’École supérieure de guerre, convaincu que les principes de la subordination, tels qu’ils sont énoncés, ne conviennent qu’à la paix, entreprit de préparer son régiment à l’obéissance que la guerre réclamerait dès le lendemain de la mobilisation.

Il rédigea, à cet effet, une instruction où il était question de l’ordre et de l’interprétation de l’ordre ; on n’obéirait pas sans hésitation comme le prescrit le règlement ; on hésiterait, au contraire, sur le choix des moyens d’obéir ; on distinguerait, dans un ordre, la lettre et l’esprit ; on désobéirait parfois à la lettre pour mieux obéir à l’esprit. En somme, cette instruction battait en brèche les principes réglementaires de l’obéissance passive.

Georges Clemenceau, ministre de la Guerre, convaincu, au contraire, que l’obéissance passive doit être la règle dans l’armée, jugea fort inopportune, après la mutinerie du 17, l’initiative prise par l’ancien professeur de l’École supérieure de guerre qu’il mit en non-activité par mesure de discipline. Le célèbre homme d’État, imbu du principe de suprématie du pouvoir civil, voyait, certes, dans le respect de la discipline, la meilleure garantie de l’obéissance des chefs militaires au Gouvernement. Mais les chefs républicains n’étaient pas seuls à reconnaître les vertus du respect du devoir militaire.

Monseigneur Freppel, qui fut prélat et parlementaire, ne disait-il pas, dans son éloge funèbre du général de Sonis, le 22 septembre 1887 : « Ce qu’il faut voir, dans le service des armes, c’est l’idée morale qui en fait la grandeur, l’obéissance portée jusqu’à l’oubli de soi-même », l’abnégation, avait dit Alfred de Vigny(70).

La police des grèves exige des concentrations non seulement de gendarmerie, mais aussi de troupes de ligne ; elle nuit ainsi à la fois à la sécurité des campagnes et aux travaux ordinaires des régiments pour l’instruction des recrues et la préparation à la guerre. La solution pratique de ces difficultés semble résider dans la création d’une gendarmerie mobile qui déchargerait l’armée d’un rôle qui lui apporte une gêne sensible ; c’est ainsi qu’en 1907, on voit naître un projet gouvernemental de gendarmerie mobile qui grèverait les finances de six millions de francs.

Mais sur la question de la participation des troupes de ligne au maintien de l’ordre et sur le projet en question, l’opinion était divisée. Au moment des inventaires des biens des églises, des officiers avaient refusé d’obtempérer aux réquisitions légales de l’autorité civile ; plus tard, on vit un officier assister en uniforme à une réunion socialiste et déclarer solennellement qu’il ne marcherait pas contre des grévistes.

Méconnaissant les constitutions révolutionnaires de 1791 et de l’an III et le règlement sur le service de place proclamant que la force armée est essentiellement protectrice de l’ordre public, bien des citoyens ne comprenaient pas qu’en droit, l’armée pût devenir, selon le mot d’Alfred de Vigny « une sorte de gendarmerie »(71).

D’ailleurs, l’idée suivant laquelle la gendarmerie pourrait être seule chargée du maintien de l’ordre n’était pas nouvelle : à la séance de la Chambre du 28 janvier 1843, le rapporteur du projet de loi sur l’organisation de la gendarmerie, après avoir envisagé une réduction possible des effectifs de l’armée, ajoute : « Dans cette hypothèse, la gendarmerie pourrait être appelée à suffire seule avec ses seules forces à toutes les exigences de l’ordre public et à accomplir une tâche pour laquelle depuis 1830, l’armée lui a prêté un large secours ». On a vu le démenti apporté aux prévisions qui précèdent par les convulsions politiques et les mouvements ouvriers.

D’autres reconnaissaient, au contraire, que l’armée et la gendarmerie devaient concourir à assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des lois, et certains s’opposaient au projet de création d’une gendarmerie mobile, craignant qu’une telle force, ne devînt aux mains d’un sauveur pouvant agir, « un instrument d’un coup d’État marquant la fin de la République et de la démocratie ». Il valait mieux, selon l’historien Aulard, que nous venons de citer, que le maintien de l’ordre fût assuré par l’ensemble des jeunes citoyens que par « une troupe qui, spécialement dressée à la répression, deviendrait féroce et prétorienne »(72).

Autre question : si l’on créait une gendarmerie mobile, que feraient ces gendarmes spécialisés, lorsqu’il n’y aurait pas de grèves, disait un membre de la commission de l’armée, Charles Humbert, député de la Meuse ? La commission de l’armée ayant envisagé toutes les conséquences du projet, résolut de ne pas l’adopter.

On verra plus loin la solution apportée en 1921, par la création de pelotons mobiles.

Dispersion des attroupements

Nous avons vu plus haut que, sous la Seconde Restauration, la procédure des sommations préalables à l’emploi de la force pour la dispersion des attroupements était tombée en désuétude, aucun officier civil n’accompagnait les détachements de troupes.

Après la révolution de 1830 et le procès des ministres de Charles X, tandis que ceux-ci expiaient le sang versé pendant les journées de Juillet, le ministre de l’Intérieur Thiers, le 13 avril 1834, marchait à la tête d’une colonne contre les émeutiers, sous les balles, à côté du général Bugeaud. Mais dans la suite et en dépit de la loi de 1848 sur les attroupements, lorsque sont venues, sous le Second Empire, les revendications ouvrières, on a vu, de nouveau, l’autorité civile négliger ses devoirs, ne rien faire pour empêcher les rassemblements qui peuvent compromettre la sécurité publique et ne point faire de sommations.

C’est ainsi qu’à la Ricamarie (1867), l’autorité ne s’inquiéta pas du danger que la colonne conduisant des prisonniers à Saint-Étienne, pourrait courir du fait des grévistes ; qu’à Aubin, la même année, aucun officier civil ne se trouvait au siège de la forge défendue par des soldats ; que lors de l’exécution des décrets de 1860, on vit souvent la force armée procéder elle-même à des sommations, bris de portes, expulsions sans la présence d’une autorité civile ; qu’à Fourmies (1891), pendant que la troupe était en présence des manifestants, le maire, au lieu de s’interposer, se tenait derrière les soldats ; qu’à Châlon-sur-Saône (1900) comme à Fourmies, la patrouille qui dut faire usage de ses armes avait été laissée à elle-même ; qu’à Narbonne (1907) pendant que l’émeute assiégeait la sous-préfecture, aucune autorité ne se trouvait devant l’édifice pour tenter d’exercer sur la foule une pression légale.

La même carence de l’autorité sera constatée le 6 février 1934 sur la place de la Concorde. Nous le verrons plus loin(73).

Un coup d’œil sur le passé et les origines des sommations ne nous paraît pas inutile. Lorsque, sous Louis XIV, le lieutenant général de police de La Reynie voulut en finir avec les truands, coupeurs de bourses et tireurs de laine de la Cour des miracles contre lesquels se trouvait impuissant le guet de Paris, ancêtre de la Garde républicaine, La Reynie se rendit aux portes du repaire, précédé d’une escouade de sapeurs du régiment suisse, de cent cinquante soldats du guet à pied, d’un demi-escadron de cavaliers de maréchaussée, d’un commissaire et de quatre exempts. À l’aspect des soldats, la population tout entière de la Cour des miracles prit les armes et poussa horribles clameurs. La Reynie interdit à sa troupe de tirer : « Je pourrais vous faire jeter dans les prisons ou aux galères », cria-t-il à cette vile population en révolte, « j’aime mieux pardonner car peut-être y a-t-il ici plus de malheureux que de coupables. Écoutez et rendez-moi grâce ; je vais faire faire trois brèches à votre muraille ; vous vous échapperez librement par ces issues ; les douze derniers restants paieront seuls pour tous ; six seront pendus immédiatement ; les autres subiront vingt ans de galères ».

Les brèches ayant été pratiquées : « Partez tous, cria-t-il, et malheur aux douze derniers. » En vingt minutes, avait perdu sa population, la dernière cour des miracles qui était située près de la porte Saint-Denis. Ses huttes furent brûlées, ses murailles rasées. Il ne resta qu’une place nette sur laquelle furent édifiées, dans la suite, les maisons de la rue Sainte-Foy, de la rue des Filles-Dieu et de quelques autres de même espèce(74).

Voyons, à présent, un mouvement populaire sur la voie publique et les autorités à l’œuvre, lorsqu’en 1771 le peuple de Paris se mutina : « le pain était cher, les eaux avaient entravé les arrivages et la cherté servit de motif ou de prétexte à une émeute qui éclata sur la place Maubert ». Deux compagnies de mousquetaires de la Maison du roi furent mises à la disposition des magistrats pour réprimer cette émotion populaire.

De même que La Reynie, le lieutenant général de police de Sartines voulut éviter l’effusion de sang : « Il s’approcha du comte de Guliers qui commandait le peloton d’avant-garde et, après lui avoir parlé bas à l’oreille, lui ordonna d’avancer seul au milieu de ce peuple mutiné. L’officier obéit. Il marcha droit à l’émeute et, arrivé à quelques pas des premiers groupes : “Messieurs, dit-il en ôtant son chapeau avec courtoisie, nous venons ici au nom du roi, mais nous n’avons ordre de tirer que sur la canaille. Je prie donc les honnêtes gens de rentrer chez eux”. Cinq minutes après, il ne restait personne sur la place ; l’émeute avait été dispersée sans coup férir ».

La leçon des La Reynie et des Sartines, qui se trouve à l’origine des sommations encore en vigueur, ne fut pas perdue lorsque, à la suite des violences exercées par les troupes en 1788, on décida de créer la loi martiale(75) : « On va faire feu, que les bons citoyens se retirent », dira l’article 6 de la loi du 21 octobre 1789, et l’avertissement sera accompagné du déploiement du drapeau rouge ; mais ce ne sera plus le chef militaire qui, en se découvrant priera les honnêtes gens de rentrer chez eux ; ce sera un officier civil, et les bons citoyens seront, non point priés, mais sommés de se retirer.

Mais la technique de la dispersion des attroupements s’établit à une époque où la violence sur la voie publique et la force des armes seront des moyens d’action que la politique se plaira à mettre en œuvre. La Fayette, commandant de la garde nationale et Bailly, maire de Paris, en feront l’expérience, le 17 juillet 1791, au Champ-de-Mars, où le déploiement du drapeau rouge ne fera qu’aggraver la rébellion.

Et lorsque, après cette émeute, le décret du 21 juillet 1791 aura amendé la loi martiale, la politique ne cessera d’être présente aux mouvements populaires.

Nous avons montré ci-dessus la faillite des sommations faites par les officiers civils. Il sera remédié à cette situation par la loi du 21 juin 1943 qui confiera au dépositaire de la force publique le soin de faire les sommations et anéantira, en même temps, les réquisitions abusives ou illégales de l’instruction du 12 octobre 1934 sur la participation de l’armée au maintien de l’ordre public que nous examinerons en son temps ; mais la loi de 1943 sera abrogée en 1944 avec une hâte sans doute excessive, vu l’expérience acquise par notre arme au contact des foules.

Si la gendarmerie, après une longue expérience des bouleversements politiques et du mouvement social, a acquis la réputation de « déployer dans la défense de l’ordre un tranquille courage(76) », l’histoire des mouvements populaires atteste que ce sont surtout les passions politiques ou religieuses et la soif du pouvoir qui, au cours des siècles ont poussé des Français au massacre de leurs concitoyens et des défenseurs de l’ordre ; c’est la discorde politique qui a affaibli parfois la force publique par l’esprit de parti, provoqué sa défection et son épuration, et grossi un martyrologe où notre arme a une large place.

Organisation

La loi du 21 mars 1905 sur le recrutement de l’armée apporta des perturbations dans le recrutement des chefs de brigade dont les emplois furent partiellement réservés à des simples sergents ou maréchaux des logis des corps de troupes ; mais ces dispositions furent abrogées par la loi du 7 août 1913.

L’année 1910 vit trois décisions intéressant le cadre des sous-officiers : un décret du 15 mai 1910 créa le grade d’aspirant entre l’adjudant et le maréchal des logis. Étaient nommés aspirants les élèves-officiers des écoles de sous-officiers et les élèves des grandes écoles militaires ayant accompli une année de service ; un décret du 7 août 1910 créa un emploi de maréchal des logis-chef à pied à l’arrondissement chef-lieu de chaque compagnie, afin de permettre aux maréchaux des logis à pied l’accès à l’emploi de maréchal des logis-chef ; afin de parer à l’insuffisance du chiffre des aspirants de gendarmerie classés annuellement pour le grade de sous-lieutenant, un décret du 17 octobre 1910 étendit à la gendarmerie les dispositions du décret du 18 juin 1904 permettant de nommer au grade de sous-lieutenant les adjudants du cadre actif ayant au moins dix ans de service effectif, régulièrement proposés à cet effet et portés au tableau d’avancement. Ces adjudants pouvaient être nommés sous-lieutenants sans passer par une école dans la proportion d’un cinquième des nominations.

Un décret du 5 janvier 1913 supprima la 17e légion bis (Agen). L’année suivante, un décret du 13 mai 1914 supprima la 7e légion bis (Bourg) et créa une légion à Épinal (21e), de sorte qu’à la veille de la Grande Guerre il existait à l’intérieur vingt-cinq légions, dont trois légions bis ayant leurs chefs-lieux à Chambéry, Nice et Perpignan, et une légion ter (Corse).

En 1913, les effectifs étaient : à l’intérieur : 21 803(77) en Algérie ; 1189 + 74 indigènes ; en Tunisie : 115 + 46 indigènes.

Particularités du service

Nous rappellerons au cours de cette période d’avant-guerre, quelques incidents intéressant la liberté des citoyens qui nous déterminèrent à écrire, en 1921, notre Service spécial de la gendarmerie, ouvrage dans lequel nous nous étions proposés d’examiner les questions les plus délicates que pouvaient avoir à résoudre les brigades dans l’exercice de la police judiciaire(78).

L’assistance donnée par les gendarmes aux officiers de police judiciaire qui procèdent à des perquisitions manquait parfois de base légale. En 1907, un habitant de Chassaurs (Charente) était signalé par l’autorité militaire comme se livrant à l’espionnage, et se préparant à partir pour l’étranger avec des documents subtilisés à un officier. Sans tarder, le chef de brigade de gendarmerie alla trouver le maire et tous deux firent une perquisition chez l’inculpé, sans mandat du juge d’instruction. L’inculpé ne s’opposa pas à la perquisition, dont les résultats furent négatifs ; mais il porta plainte contre le maire qui fut condamné à deux mois de prison sans sursis et 300 francs d’amende(79).

Rappelons simplement que, hors le cas de crime flagrant, un officier de police judiciaire n’a le droit de procéder à des visites domiciliaires qu’avec une ordonnance du juge d’instruction, ou le consentement du maître de maison donné librement et en connaissance de cause(80).

L’année suivante (1908) les troubles de Draveil-Vigneux dont nous avons parlé en traitant du mouvement social, ont fait ressortir l’intérêt qui s’attache à la question de savoir pendant combien de temps le flagrant délit autorise l’arrestation.

« La question, écrivions-nous dans notre Service spécial, ne se pose que pour les délits instantanés, car la flagrance d’un délit continu et le droit d’arrestation qui en découle subsistent tant que dure le délit. » Nous rappelons que, d’après la définition du flagrant délit, à côté

des cas ou le crime ou le délit se commet actuellement et où le prévenu est poursuivi par la clameur publique, l’article 41 du code d’instruction criminelle et l’article 125 du décret organique énumèrent deux autres cas : celui où le crime ou le délit, vient de se commettre et celui où, dans un temps voisin du délit le prévenu est trouvé muni d’instruments, d’armes, d’effets ou de papiers faisant présumer qu’il est auteur ou complice.

Les expressions « vient de se commettre », « temps voisin du délit », sont vagues ; en les employant, le législateur a laissé un pouvoir d’appréciation aux agents chargés de procéder aux arrestations.

Avant la loi du 20 mai 1863, ces expressions soulevaient les difficultés d’interprétation : sans limiter strictement le droit d’arrestation à un délai de vingt-quatre heures depuis l’accomplissement du délit, on admettait qu’il avait été dans l’intention du législateur que cette limite fût respectée à moins de circonstances extraordinaires (Dalloz C.I.C., article 41).

Le sens de ces expressions est-il douteux encore aujourd’hui et y a-t-il lieu de s’en tenir comme par le passé, au délai de vingt-quatre heures ?

On lit à ce sujet, dans la Revue pénitentiaire et de droit pénal(81) : « Par la loi de 1863, leur sens a été précisé : le délit qui vient de se commettre, le temps voisin du délit, c’est le délit qui ne remonte pas à plus de quarante-huit heures ; autrement dit, le flagrant délit dure tout le reste du jour depuis le moment où il a été commis et tout le lendemain. La loi de 1863 donne en effet au procureur de la République jusqu’au lendemain inclusivement, pour faire comparaître l’individu arrêté devant le tribunal correctionnel suivant la procédure qu’elle organise. Donc, virtuellement, elle autorise son arrestation pendant le même délai » (Laborde). On trouve la même opinion dans Vidal(82).

Ainsi, d’après cette doctrine nouvelle qu’il y a lieu de retenir, une arrestation en flagrant délit peut avoir lieu tout le jour du délit et tout le lendemain. Après ce délai, il est trop tard pour que les gendarmes puissent arrêter l’auteur présumé d un crime ou d’un délit, même si les preuves de culpabilité sont manifestes ; le flagrant délit n’existe plus ; il leur faut un mandat du juge d’instruction ; en attendant, l’inculpé sera gardé à vue s’il est à craindre qu’il cherche, par la fuite, à échapper aux poursuites.

L’année suivante (1909), des incidents dans une légion du centre, qui eurent leur écho au Parlement, attestent une faute assez fréquente consistant dans la répression par à-coups des contraventions et autres infractions non intentionnelles. Cette manière de procéder est nuisible aux intérêts de l’arme, car elle est susceptible d’inspirer exagérément, chez les honnêtes gens, la crainte du gendarme que devraient seuls avoir les gens malintentionnés.

Vers la même époque, l’ignorance d’un gendarme, en matière d’extradition, fut la cause d’un incident diplomatique entre la France et l’Angleterre.

L’Hindou Savarkar était conduit d’Angleterre en Hindoustan où il devait être jugé pour un délit politique. Le bateau anglais qui le transportait ayant fait escale à Marseille, Savarkar s’évada et gagna le quai. D’après les traités internationaux, l’autorité britannique ne pouvait reprendre le fugitif qu’après avoir adressé au Gouvernement français une demande d’extradition qui, d’ailleurs, n’eut pas été accordée, puisqu’il s’agissait, en l’espèce, d’un délit politique. Poursuivi sur le quai par les agents du bateau, Savarkar fut arrêté par un gendarme français, remis à tort par ce dernier aux agents britanniques et ramené à bord. Le Gouvernement français réclama Savarkar au Gouvernement anglais qui refusa de le livrer. Le conflit fut porté devant la Cour de la Haye. Ce tribunal jugea que le Gouvernement français n’était pas fondé à réclamer Savarkar puisque ce dernier avait été remis bénévolement aux autorités anglaises. La France s’inclina, mais à une époque où l’entente cordiale ni la Cour de Justice internationale n’eussent pas existé, cet incident diplomatique aurait pu revêtir une extrême gravité.

Professions ambulantes

Les vols et les déprédations commis dans les campagnes par les nomades émeuvent l’opinion, et provoquent le vote de la loi du 16 juillet 1912 sur les professions ambulantes. Cette loi distinguait entre les ambulants les forains et les nomades. Ces derniers généralement pillards, intéressaient particulièrement la police des routes et des campagnes, l’une des attributions les plus essentielles de la gendarmerie.

Drapeau de la gendarmerie

Le drapeau donné à la gendarmerie par décision ministérielle du 21 mai 1913 lui était remis le 14 juillet 1913 par M. Poincaré, président de la République(83).

Prédominance du caractère militaire

On a vu que le décret du 20 mai 1903 s’était proposé d’affirmer le caractère militaire de la gendarmerie.

Cependant, n’avons-nous pas été témoins, de 1905 à 1913, de la fausse manœuvre qui a fait assimiler l’emploi de gendarme, à un emploi civil(84).

En outre, suivant l’exemple d’Ernest Leblanc dans son article « Les inconvénients du régime mixte », dont nous avons parlé précédemment, des voix s’élevaient, même dans les journaux de l’arme, contre le caractère militaire de l’institution pour réclamer sa subordination exclusive au ministère de l’Intérieur, solution rejetée, pourtant, nous l’avons vu, par le directeur de la Sûreté générale lui-même.

Il en était ainsi, notamment, dans la brochure de Georges Maire, La gendarmerie française, parue en 1906, et cette campagne, quoiqu’en opposition avec les plus vieilles traditions de cette force publique, pouvait séduire, vu la nature du service spécial de l’arme.

Ajoutons que les partisans du rattachement de la gendarmerie à un ministère civil trouvaient un argument de poids, surtout depuis le passage du général Mourlan à la présidence du comité technique, dans la prépondérance marquée de la partie militaire et de la manœuvre au cours des inspections, sur les questions intéressant le service spécial, c’est-à-dire la mission essentielle de l’arme.

Des précautions étaient prises pour que les officiers en cas de mobilisation fussent à hauteur de leur tâche : ceux qui étaient désignés pour commander un quartier général participaient à des voyages d’état-major. On imposait des travaux sur la carte à ceux qui étaient appelés à conduire des trains régimentaires.

À la date du 13 février 1912, le ministre de l’Intérieur écrivait au ministre de la Guerre une lettre dans laquelle il attirait son attention sur la nécessité de rendre plus efficace et, pour cela, de moderniser l’action de la gendarmerie dans son rôle de gardienne de la sûreté publique.

Il faut bien remarquer que, jusqu’à cette époque, les officiers provenant des corps de troupes rejoignaient directement leurs postes où ils avaient, dès le début, une tendance naturelle à s’attacher particulièrement à la partie de leurs attributions qui leur conférait une supériorité incontestable sur la troupe : la partie militaire.

C’est la thèse que soutiendra « Jean Darmes » dans son livre Pourquoi la gendarmerie se meurt, et cette thèse sera difficilement réfutable, surtout jusqu’au jour où les officiers ne pourront plus rejoindre leurs postes qu’après avoir été initiés à l’ensemble de leurs attributions, à 1’École de gendarmerie qui sera créée à Versailles à la fin de l’année 1918. Malgré la création de 1’École, l’attachement à la partie militaire reprendra parfois le dessus. On le verra dans la suite.

Mais si le service spécial a laissé longtemps à désirer, si la recherche des malfaiteurs a été souvent laissée au hasard, ce n’est point uniquement, nous l’avons dit, parce que les officiers de gendarmerie n’auraient pas su toujours s’adapter à des fonctions sensiblement différentes de celles des corps de troupes. Il faut incriminer aussi une réglementation dont les officiers n’étaient nullement responsables et qui, depuis 1820, comme nous l’avons montré ci-dessus, n’avait pas tenu suffisamment compte des dispositions de la loi de germinal, relatives au rôle dévolu aux officiers dans la direction du service spécial de l’arme.

L’appel du ministre de l’Intérieur du 13 février 1912 fut suivi d’effet. Déjà, le règlement de février 1914 sur le service intérieur venait porter, en principe, que les inspections avaient pour but le contrôle de toutes les parties du service et principalement du service spécial, la constatation des résultats et la recherche des progrès à réaliser (article 90).

Il y aura, comme auparavant, des inspections annoncées et d’autres inopinées, mais les itinéraires de tournées d’inspection fixés à l’avance étaient supprimés. Mais ce règlement venait d’être mis en application que l’Allemagne nous déclarait la guerre.

Guerre de 1914-1918

Pendant la guerre 1914-1918, quatorze officiers supérieurs de notre arme, trente-deux officiers subalternes et huit cent quatre hommes de troupe, tous volontaires, furent représentés sur le front dans les unités combattantes, où le général de division Bouchez commandait une division. Se trouvait de même, à la tête d’une division, le général de brigade Battesti lorsqu’il tomba glorieusement devant Reims, au début de la guerre. Presque tous les autres officiers et 17 802 hommes de troupe ont fait partie des formations prévôtales et sans défaillance le respect des lois et des règlements militaires.

Le personnel mobilisé fut remplacé dans les diverses unités par d’anciens officiers, chefs de brigade et gendarmes rappelés à l’activité et par des gendarmes auxiliaires tirés des plus vieilles classes.

À l’intérieur avec des effectifs diminués par les prélèvements de la prévôté aux armées, la gendarmerie dut suffire à une tâche considérablement augmentée : à la police générale, administrative et judiciaire, à la répression des délits de droit commun s’ajoutèrent l’exécution de la mobilisation, les réquisitions, la chasse aux insoumis et aux déserteurs, la surveillance des suspects et, plus tard, des prisonniers de guerre, la garde des frontières des pays neutres.

Grâce à l’activité de la gendarmerie, on n’eut pas à constater de faits de brigandage collectif si fréquents dans les guerres du passé.

Un ordre général en date du 11 juin 1917, du général Dubail, gouverneur militaire de Paris, constatait que les militaires de la Garde républicaine et des légions de gendarmerie du camp retranché de Paris, accomplissaient une tâche particulièrement pénible et ingrate, et il les remerciait, tout particulièrement, du tact et de l’humanité qu’ils montraient dans l’exercice de leurs fonctions.

Pendant la campagne, la gendarmerie des légions a arrêté 16 000 insoumis, 7 200 prisonniers de guerre évadés et 100 000 malfaiteurs ou suspects de tous ordres. 787 gendarmes ont été cités à l’ordre des légions pour actes de courage et de dévouement, en particulier au cours des opérations de sauvetage dans les villes bombardées : Dunkerque, Calais, Arras, Reims, Verdun, Nancy.

Organisation et rôle de la gendarmerie aux armées

Du décret du 1er mars 1854 avait été détachée la partie concernant le service de la gendarmerie aux armées qui fit l’objet de l’instruction du 25 octobre 1887 suivie de celle des 18 avril 1890, 13 février 1900 et 31 juillet 1911 en vigueur à la déclaration de guerre (2 août 1914) et déjà en désaccord avec les nouveaux tableaux d’effectif de guerre.

Dans chaque armée, sous l’autorité d’un prévôt d’armée du grade de colonel ou de lieutenant-colonel faisant partie du 2e groupe, DES (direction des étapes et des services) du quartier général de l’armée, se trouvaient, en 1914 : au QGA (1er groupe), une force publique commandée par un capitaine ; au QGA (2e groupe), une force publique commandée par un capitaine qui avait en même temps sous ses ordres une garde du quartier général composée de cent gendarmes à pied qui furent remplacés en 1915 par des soldats territoriaux, et répartis dans les prévôtés ; au même QGA (2e groupe) se trouvait une prévôté d’étapes, commandée par un capitaine ; au quartier général de chaque corps d’armée, une prévôté de corps d’armée commandée par un chef d’escadron ; au quartier général de chaque division, une prévôté de division commandée par un officier subalterne.

Des détachements mobiles de gendarmes destinés à seconder les prévôtés de l’avant et qui n’avaient plus de mobile que le nom, disparurent en 1917 lors de la réorganisation qui supprima la DES et la prévôté d’étapes de chaque armée pour organiser une direction d’étapes (DE) et une prévôté d’étapes dans chaque groupe d’armées.

Des pelotons mobiles seront créés dans la suite, dans la zone des armées.

Inspection des formations prévôtales

Les formations prévôtales furent inspectées par le général Baumann qui passa en 1915 à l’armée d’Orient, par le général Klein et, à partir de février 1917, par le général de division Bouchez qui eut la charge d’inspecteur général de la gendarmerie aux armées.

Le général Jacquillat remplit à Châlons-sur-Marne, jusqu’en octobre 1915, les fonctions de commandant d’étapes et d’adjoint au commandant d’armes.

Service prévôtal

Au service prévôtal traditionnel – maintien de l’ordre dans les cantonnements, répression de l’espionnage, direction des convois, garde des prisonniers, service judiciaire – s’ajoutera, au cours de la guerre, une tâche importante : assurer le service de la circulation, sur les routes et dans les localités de l’avant, de façon à prévenir les embouteillages. L’importance de ce dernier service, ingrat et dangereux, sous les bombardements, sera telle que le maréchal Fayolle pourra écrire : « La circulation est la partie vitale de l’armée ; si elle ne marche pas, la bataille est perdue »(85).

Partie aux armées avec un règlement de 1911 fait pour la guerre de mouvement et ses lignes d’étapes et ne conférant aux prévôts de tout ordre qu’une autorité illusoire sur les prévôtés des unités intérieures, strictement soumise, dans chaque grande unité, aux ordres du commandement, la prévôté n’avait pas tardé, dès que le front fut stabilisé, à donner le spectacle du mauvais emploi d’une grande partie de son personnel, tandis que, dans les cantonnements, l’action des officiers et gradés des corps de troupes sur leurs subordonnés était, le plus souvent, peu efficace.

On vit un emploi systématique des gendarmes pour vérifier des sauf-conduits, des permis de circuler, ou canaliser la circulation là ou des soldats RAT, surtout loin du front, auraient pu suffire.

Les commandants de cantonnement étaient tenus, en vertu du décret du 2 décembre 1913 sur le service en campagne (article 58), d’assurer l’ordre dans les lieux de stationnement au moyen d’une garde de police qui fournissait des patrouilles et des sentinelles, mais ces prescriptions furent souvent perdues de vue ; les gendarmes prévôtaux furent détournés de leurs fonctions normales pour prendre la place des sentinelles inexistantes et transformés ainsi en « épouvantails », selon l’expression du colonel commandant de secteur de gendarmerie (colonel Igert).

Outre la police de la circulation et des routes et la surveillance des personnes étrangères à l’armée, la poursuite des déserteurs, le bon ordre des cantonnements, la répression de l’alcoolisme et du pillage constituaient une tâche importante et ingrate. Le salut du pays étant la loi suprême, il fut parfois nécessaire, pour forcer l’obéissance, de transgresser les lois. C’est ainsi qu’en 1917 un gendarme fut félicité par un général commandant d’armée, pour avoir tiré sur un prisonnier qui avait pris la fuite sans avoir exercé de violences. Cette décision manquait de base légale et ne pouvait tirer sa justification que des nécessités de la guerre(86).

Le gendarme prévôtal a été souvent impopulaire, parmi la troupe, parce que sa consigne le mettait quelquefois en conflit avec le troupier qui, au retour des tranchées, était trop pressé de chercher la détente aux dépens de la discipline ; mais la gendarmerie n’a jamais fait qu’appliquer des prescriptions dont la moindre réflexion suffit pour faire comprendre à tous l’impérieuse nécessité.

« Le général commandant l’armée, disait le général Guillaumat dans son ordre général de la 2e armée n° 8652, n’admet pas que des difficultés puissent se produire entre les gendarmes et les militaires des autres armes […]. Les gendarmes, chargés d’assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des ordres du commandement ont à remplir, dans des circonstances souvent difficiles, une tâche pénible et ingrate et ils ont droit à la considération et à l’estime des autres militaires ».

Et le général Marjoulet, commandant le 14e corps d’armée, écrivait dans son ordre général n° 51 du 22 août 1917 : « La discipline et l’intérêt général ne peuvent que gagner à l’habitude prise du respect du soldat à l’application de la loi ou à l’observation des ordres du commandement ».

Certains troupiers voulaient voir dans le gendarme un non-combattant, mais le gendarme qui interdisait aux hommes un passage repéré était obligé d’y rester lui-même. « Vous voudrez bien faire remarquer à vos subordonnés, écrivait le général Valdant à un chef de corps, le 3 janvier 1916, que les gendarmes qui font le service de surveillance sur la route du “Rendez-vous de chasse”, constamment battue par les projectiles ennemis, courent autant de danger que les occupants de Vauquois ». Mais cette prévention se fera injustement sentir, après la guerre, lors de la délivrance de la carte du combattant.

L’ignorance des prérogatives de la force publique était telle que des officiers, même, s’étonnaient de ce que l’autorité de leur grade dut fléchir devant la consigne d’un simple gendarme, et le 11 juillet 1917 le général Pétain, commandant en chef, s’adressait dans les termes suivants aux généraux sous ses ordres :

« Au cours de récents incidents, des militaires des armées se sont laissés aller à proférer des injures et même, à exercer des violences graves contre les gendarmes. Des officiers et sous-officiers ne sont pas intervenus immédiatement de toute leur autorité. Comme leurs camarades des autres armes, les gendarmes remplissent avec conscience et dévouement la mission qui leur est dévolue. Responsables de la police et du maintien de l’ordre, ils ont le strict devoir de faire exécuter rigoureusement les ordres et les consignes. Étant toujours et partout de service, ils ont droit, en toutes circonstances, au respect dû aux sentinelles. Le méconnaître serait témoigner d’un manque absolu de camaraderie. Je vous prie d’inviter les officiers sous vos ordres à veiller, de la façon la plus formelle, à ce que les gendarmes soient toujours traités avec les égards qui leur sont dus et, à prendre une sanction sévère contre tout militaire ne se conformant pas aux ordres qui seront donnés à ce sujet ».

Au sujet de l’ordre qui précède, nous écrivions dans un mémoire dont l’objet était défini dans la note ministérielle du 29 décembre 1919 relative aux observations faites par les officiers au cours de la campagne : « Ce serait tirer un utile enseignement de la guerre que de compléter le décret sur le service des places et le décret sur le service des armées en campagne, par le texte lapidaire suivant, extrait d’un ordre du général commandant en chef : “Les gendarmes ont droit, en toutes circonstances, au respect dû aux sentinelles” ». Il fut satisfait à ce vœu par la nouvelle instruction sur le service en campagne du 24 juin 1929 (article 420).

La gendarmerie a eu, au cours de la guerre, un général, 43 officiers, 834 gendarmes et gardes tués ou morts des suites de leurs blessures ou de maladie contractées aux armées, 2 300 blessés, et elle mérite 4 800 citations(87).

Le 26 août 1919, le maréchal Pétain commandant en chef les armées de l’Est, écrivait la lettre suivante :

« Au moment où les hostilités vont prendre fin, le maréchal commandant en chef les armées françaises de l’Est tient à féliciter la gendarmerie des services qu’elle a rendus. Au début de la campagne, tout le long de la frontière, elle a déployé beaucoup de courage et d’activité en surveillant les étrangers suspects, en recueillant tous renseignements utiles et en engageant la lutte contre des patrouilles et des détachements ennemis. Pendant la campagne, la gendarmerie a su remplir avec tact et fermeté l’importante mission de maintenir l’ordre dans la zone armée du champ de bataille, souvent sous le feu, et de surveiller les populations civiles pour écarter les suspects. Tous ont bien mérité de la patrie ».

Cette attestation d’un chef illustre sert de préface au Grand livre d’or historique de la Gendarmerie nationale, et sa conclusion a été gravée sur le monument à la gloire de cette arme, dont l’inauguration a eu lieu à Versailles en 1946.

Organisation

Pendant la guerre de 1914-1918, furent prises plusieurs décisions concernant le personnel.

Un décret du 27 janvier 1916 créa le grade d’adjudant-chef dans l’arme à cheval.

Par décret du 21 février 1918, les gendarmes ont obtenu le rang de sous-officier. Par voie de conséquence, la dénomination des grades fut modifiée par le décret du 28 mars 1918 de l’adjudant-chef au brigadier ; les chefs de brigade devinrent chefs de brigade hors classe de 1re, 2e, 3e ou 4e classe.

Par décret du 1er novembre 1918, des emplois de chef de brigade hors classe (adjudant-chef) et de 1re classe (adjudant) ont été créés dans l’arme à pied.

Enfin, en 1925, la dénomination des commandants de brigade a été de nouveau modifiée et réduite à trois échelons : adjudant-chef, adjudant et maréchal des logis-chef(88).

C’est ainsi que, tandis que les commandants de brigade de 2e classe (anciens maréchaux des logis chefs) étaient classés parmi les adjudants, les commandants de brigade de 3e classe (anciens maréchaux des logis) et de 4e classe (anciens brigadiers) étaient classés parmi les maréchaux des logis-chefs.

Ces dispositions lésaient les commandants de brigade de 3e classe qui n’avaient obtenu leurs anciens grades de maréchaux des logis qu’au prix de beaucoup d’efforts et de sacrifices et dont le classement au 2e échelon (adjudant) aurait dû être envisagé. Une réclamation, tardive il est vrai, sera rejetée par le Conseil d’État en 1951.

Mentionnons ici, pour y revenir plus loin, la création de centres d’instruction qui devinrent écoles préparatoires de gendarmerie (1918), d’une école de gendarmerie (1918), de secteurs de gendarmerie (1918), d’arrondissements d’inspections (1926), d’une direction de la gendarmerie.

Notons que le grade d’aspirant fut supprimé le 28 septembre 1919 pour être rétabli pendant la Deuxième Guerre mondiale, le 18 novembre 1939.

Notons encore que la longue durée des hostilités 1914-1918 avait conduit à maintenir en activité un grand nombre de gendarmes et de gradés ayant acquis des droits à la retraite et qu’on dût libérer, en masse, à la fin des hostilités, pour procéder à un recrutement intensif de nouveaux admis de qualité insuffisante qui porta à la gendarmerie un préjudice durable.

Organisation après la guerre

La victoire de nos armes entraîna le retour de l’Alsace-Lorraine à la France et la création à Strasbourg, le 31 décembre 1918, de la légion d’Alsace-Lorraine : départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, où les chefs de brigade auront la qualité d’officier de police judiciaire(89).

Théâtres extérieurs

Mais, ni l’armistice, ni le traité de paix ne supprimaient pas complètement l’action de la prévôté, ni le front occidental, ni en Orient.

Rhénanie

Dans les pays occupés de Rhénanie, on institua la prévôté de l’armée du Rhin qu’une décision ministérielle, du 16 octobre 1922, rendit autonome et transforma en légion de l’armée du Rhin dont le chef-lieu était Mayence et qui comprenait quatre compagnies dont les chefs-lieux étaient à Coblence, Mayence, Trèves et Kaiserlautern.

On créa également le détachement prévôtal de la Sarre, chef-lieu Sarrebruck. Cette prévôté fut supprimée en 1930 ainsi que la légion de l’armée du Rhin.

Orient

En Orient, la prévôté française se trouve avec les troupes d’occupation des territoires ennemis après l’armistice. C’est ainsi qu’elle fit partie, en 1919, de la police interalliée de Constantinople(90). On la trouve également près des troupes d’occupation des pays placés sous mandat français par la Société des Nations.

Sous le commandement du général Gouraud envoyé à Beyrouth en qualité de haut-commissaire, l’armée française avait relevé en Syrie les forces britanniques.

Entièrement constituée par des militaires détachés de leur résidence normale, la prévôté de l’armée du Levant composée des forces publiques du grand Liban, de la région des Alaouites, de la région de Damas, de la région d’Alep, avait, en 1924, un effectif réglementaire de cent trente officiers et hommes de troupe(91) et s’accrut dans la suite(92).

À côté de la prévôté, se placèrent les missions de réorganisation des gendarmeries locales. Renouant une tradition interrompue par la guerre, et suivant laquelle le sultan de Turquie confiait à des missions françaises la réorganisation de la gendarmerie de ses États, des officiers de gendarmerie, dès l’occupation des territoires sous mandat susmentionnés, s’attachèrent à la réorganisation des gendarmeries de ces territoires détachés de l’Empire turc et où la France avait, depuis longtemps, de puissants intérêts moraux(93).

Du groupement Syrie-Nord (Alep) dépendait la mission de réorganisation de la gendarmerie du Sandjak d’Alexandrette que les accords de 1939 ont laissé à la Turquie. Prévôté et missions de réorganisation se sont montrées à la hauteur de leur tâche, ainsi qu’en témoigne l’ordre du jour suivant du général Gamelin (année 1926) :

« Le général commandant supérieur des troupes du Levant cite à l’ordre de l’armée avec Croix de guerre la prévôté des troupes françaises et les missions de gendarmerie locales du Levant y ressortissant. Au cours des événements insurrectionnels qui se sont déroulés d’octobre 1925 à juin 1926, ont fourni de très gros efforts, obtenu d’excellents résultats et fait preuve de qualités professionnelles de premier ordre. Véritable synthèse de la Gendarmerie nationale dont toutes les légions sont également représentées au Levant, modèles de conscience, d’honneur, d’abnégation et de discipline, ont mérité des autorités militaires, administratives et judiciaires françaises ou locales, de la population ainsi que de leurs camarades de l’armée, la plus franche sympathie et souvent de spontanés et émouvants éloges. Ont, en maintes circonstances, fait preuve d’une réelle valeur combative. À Damas, notamment, pendant plusieurs mois, au cours d’attaques journalières, ont montré la froide ténacité et le modeste héroïsme qui sont de tradition dans leur arme d’élite ».

Sur cette même terre de Syrie, en 1860, la prévôté, on l’a vu, avait déjà été félicitée.

Gendarmerie internationale de Tanger

La ville de Tanger ayant un statut spécial, la convention de Paris, du 18 décembre 1923, entre la France, l’Angleterre et l’Espagne, y institua une gendarmerie internationale où la gendarmerie française, n’a cessé d’être représentée(94).

Andorre

Ne quittons point les théâtres extérieurs sans rappeler que, le 17 août 1933, sur réquisition du préfet des Pyrénées-Orientales, délégué permanent du président de la République, coprince d’Andorre, des gendarmes furent commandés « pour rétablir et maintenir l’ordre dans les vallées d’Andorre, pour faire respecter les décisions du coprince, assurer le fonctionnement régulier des opérations électorales, et en général, pour procéder à tous actes régulièrement requis par le viguier français commissaire extraordinaire ».

La mission du détachement, qui comprenait le chef d’escadron Baulard commandant la compagnie des Pyrénées-Orientales, un capitaine, deux adjudants, quatre maréchaux des logis-chefs à pied et quarante-quatre gendarmes à pied dont sept conducteurs d’automobile, prit fin le 9 octobre 1933 et valut à cette formation plusieurs témoignages de satisfaction(95).

En raison de la guerre civile espagnole, en 1936, le colonel Baulard revint en Andorre en qualité de haut-commissaire, à la tête d’un détachement de gardes mobiles. Cette mission prit fin en septembre 1940.

Gendarmerie mobile

Depuis longtemps, on avait eu l’idée de créer des forces de gendarmerie mobile composées d’hommes spécialement entraînés et instruits en vue du contact permanent avec la foule, afin que l’armée, formée d’hommes jeunes, impressionnables, sans l’éducation spéciale désirable, pût échapper, le plus possible, au contact des foules tumultueuses et à l’obligation de disperser les attroupements.

La loi du 22 juillet 1921 se proposa d’atteindre ce but par la création, au sein des compagnies de gendarmerie départementale, de 87 pelotons mobiles de 40 gendarmes, soit à cheval soit à pied.

Ces pelotons étaient spécialement destinés au maintien de l’ordre ; ils devaient constituer en outre des centres de perfectionnement pour les élèves issus des écoles préparatoires dont nous avons parlé ci-dessus, participer dans une certaine mesure, aux services des brigades départementales et fournir des cadres aux unités combattantes.

On profita de cette loi pour renforcer aussi les unités existantes, notamment en transformant 896 brigades de quatre hommes en brigades de cinq hommes et pour créer un « état-major particulier de la gendarmerie » avec la mise hors cadres d’officiers, à la direction de la gendarmerie, aux commandements de secteur, l’École des officiers et élèves-officiers, et aux écoles préparatoires de gendarmerie.

À cet effet, la loi accorda un crédit de 9 640 000 francs en vue de l’augmentation, échelonnée sur une période de trois années, des effectifs de la gendarmerie (trois officiers supérieurs, 124 officiers subalternes et 6 051 hommes de troupe) et de la création d’un état-major particulier de la gendarmerie comprenant vingt-huit officiers (six officiers supérieurs et vingt-deux officiers subalternes).

La loi nouvelle avait pour effet de porter les effectifs de la gendarmerie départementale, à l’intérieur aux chiffres suivants : 756 officiers et 29 060 hommes de troupe dont 13 516 à cheval et 15 544 à pied. Effectif total prévu : 29 816.

L’avis présenté au nom de la commission sénatoriale de l’armée par M. André Lebert disait notamment : « Il y a lieu de noter que la gendarmerie mobile ne constituera pas un corps particulier, mais fera partie intégrante de la Gendarmerie nationale […]. Elle sera placée sous le commandement des officiers supérieurs de la gendarmerie départementale qui aura à l’employer »(96). Tel était, en 1921, le vœu du législateur. Néanmoins, en 1926-1927 les pelotons mobiles ont été détachés de la gendarmerie départementale pour constituer sous le nom de Garde républicaine mobile, une nouvelle subdivision d’arme servant d’école pour les futurs gendarmes au point de vue de l’instruction élémentaire, militaire et spéciale, et brisant ainsi l’unité de l’arme.

Aucun texte officiel n’a jamais fait connaître au pays les motifs de la création de ce groupement dont la fonction allait créer l’organe : un inspecteur de la nouvelle subdivision d’arme.

Deux ans plus tard, on pouvait lire ce qui suit : « Au surplus, de quoi s’agit-il ? De profiter de la présence dans la Garde républicaine mobile des aspirants gendarmes pour compléter leur bagage militaire dans le plan : conduite du groupe ou conduite de la section au feu »(97). En apparence, c’était peu ; mais on ne s’étonnera point si la nouvelle subdivision d’arme, qui subira brillamment l’épreuve de la guerre et des troubles sociaux, donnera tous ses soins à l’instruction militaire des nouveaux admis au préjudice évident de leur instruction spéciale, ni si l’on assistera, comme on le verra plus loin, à un accroissement des obligations militaires de notre arme.

On ne s’étonnera pas davantage si celle-ci, en rupture d’équilibre, courra le risque d’être supplantée, par la police civile, dans sa mission essentielle de veiller à la sûreté publique, à celle des campagnes et des voies de communication. On verra plus loin les progrès de la police civile.

Projets de réforme de la gendarmerie

Lorsqu’on se livre à une étude raisonnée du décret du 20 mai 1903, on constate entre certains articles de ce règlement quelques contradictions, plus apparentes, d’ailleurs, que réelles ; exemple : contradiction apparente entre l’article 169 (mandat spécial de perquisition) et l’article 124 (interdiction des perquisitions domiciliaires). Beaucoup d’articles, nécessairement rédigés en termes généraux, ne peuvent donner la solution des différents problèmes qui se posent dans la pratique. Ailleurs les termes du règlement sont tantôt trop restrictifs ; exemple : article 170 (défense d’entrer dans une maison), tantôt trop compréhensifs ; exemple : article 299 (foi due aux procès-verbaux).

Il est remarquable que c’est surtout dans les dispositions relatives à la liberté individuelle et à l’inviolabilité du domicile, c’est-à-dire à des questions qui intéressent au plus haut point la gendarmerie, que les textes manquent de précision.

Il importe, cependant, que les cas où la force publique peut agir sans porter atteinte aux droits des citoyens soient nettement précisés. C’est ce qui nous détermina, en 1919, à rédiger un travail d’étude de quelques questions intéressant la liberté des citoyens. Ce travail fut suivi de deux autres intéressants, comme le premier, les attributions essentielles de l’arme et ces trois études formèrent la trame de notre ouvrage sur le Service spécial de la gendarmerie, ses origines, son évolution, ses principes essentiels.

D’ailleurs, au lendemain de la Première Guerre mondiale, un besoin de progrès dans l’organisation et le service poussaient à la révision de la réglementation de la gendarmerie. Une commission instituée à cet effet en 1920 et présidée par le général de division Jouffroy, décida de commencer par la base, c’est-à-dire par la loi du 28 germinal an VI, et c’est ainsi qu’une circulaire ministérielle du 13 avril 1921 provoqua la production de nombreuses études d’ensemble sur les modifications générales à apporter à la loi fondamentale.

Nous n’examinerons pas les diverses propositions qui furent faites à notre connaissance, en faveur d’une révision qui n’eut pas lieu. Nous nous arrêterons, par exception, à une proposition qui devait aboutir vingt et un ans plus tard : celle qui consistait à faire acquérir aux chefs de brigade la qualité d’officier de police judiciaire. Cette proposition avait ses partisans et ses adversaires. Les premiers avaient le dessein très louable de rehausser le prestige des chefs de brigade, et ils étaient appuyés par la magistrature désireuse de faciliter ainsi l’exécution des perquisitions domiciliaires en dispensant de recourir au maire.

Prenons garde cependant, et nous l’avons montré à diverses reprises, que ce droit attribué aujourd’hui aux chefs de brigade et à certains gendarmes officiers de police judiciaire, n’a pas l’étendue que l’on pourrait croire, et que l’ignorance, en cette matière, pourrait causer de graves mécomptes.

Les seconds estimaient qu’une réforme, de cette importance, ne pouvait avoir un but aussi limité et qu’il convenait de supposer que le décret organique permettait déjà aux autorités judiciaires de demander aux brigades tous renseignements utiles (article 81) contrairement d’ailleurs à la loi fondamentale (article 140), et qu’on allait ouvrir immanquablement la porte à de nouveaux abus qu’une jurisprudence utilitaire couvrirait de sa robe ; qu’il en résulterait un nouvel accroissement des charges imposées aux brigades au préjudice de leur mission essentielle, car les bureaux de ces brigades seraient transformés tôt ou tard, par le moyen des commissions rogatoires, en cabinets annexes du juge d’instruction, et que les chefs de brigade ne pourraient s’occuper à la fois de leurs fonctions d’officiers de police judiciaire et de la direction du service de poste. On voyait les commissions rogatoires du juge d’instruction suspendues comme une épée de Damoclès sur les chefs de brigade, officiers de police judiciaire, au préjudice de la police active.

Mais cette jurisprudence utilitaire que l’on redoutait n’existait-elle pas déjà ?

Si les articles 83 et 84 du n’ont prévu que les commissions rogatoires adressées par le juge d’instruction aux juges de paix, un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 12 novembre 1896 ne disposait-il pas que les dispositions des articles 83 et 84 du code d’instruction criminelle qui autorisaient les juges d’instruction à commettre des juges de paix pour recevoir des dépositions de témoins n’étaient pas limitatives et prescrites à peine de nullité, qu’ils pouvaient donner commission rogatoire à des officiers de police judiciaire pour procéder à des actes d’information, soit au lieu où ils habitent, soit dans le canton de leur résidence, soit dans l’arrondissement ? Cet arrêt ne s’appliquait-il pas aux officiers de gendarmerie, officiers de police judiciaire ?

Sans doute, la riposte à cet arrêt ne tarda pas à se produire. Le ministre de la Guerre et le ministre de la Justice furent d’accord, le premier par une circulaire du 31 décembre 1897, le second par une circulaire du 21 mars 1898, pour reconnaître que l’exécution de commissions rogatoires ne devait être confiée qu’à titre exceptionnel aux officiers de gendarmerie. Ces circulaires seront sanctionnées par le décret du 20 mai 1903, article 62.

Ces dispositions pourront s’appliquer aux commandants de brigade, ainsi qu’aux gendarmes officiers de police judiciaire ; mais quel poids pourront avoir un jour ces précautions, lorsqu’on sait qu’on a imposé à la gendarmerie les enquêtes officieuses qu’ignore le code d’instruction criminelle et qu’interdit la finale de l’article 140 de la loi du 28 germinal an VI ?

Nous reviendrons sur la question d’officiers de police judiciaire. Au sommet de la hiérarchie, on n’avait pas oublié les conflits de l’arme avec la Justice et l’Intérieur. On n’ignorait pas ce qu’avait coûté à la police des malfaiteurs une jurisprudence utilitaire qui avait abouti à une réglementation chargeant l’arme d’obligations nouvelles : contraventions de police de toute nature(98) pour suppléer à la négligence des maires et des gardes champêtres ; enquêtes officieuses(99) qui détournent fréquemment le personnel de la police active.

On craignit, si l’on révisait la loi de germinal, d’aggraver le mal. On redouta que les débats parlementaires viennent apporter à certaines administrations, à plus ou moins brève échéance, ce qui n’a jamais cessé d’être leur désir avoué ou secret, l’autorité sur les brigades de gendarmerie, ou tout au moins le droit, qu’avait revendiqué le procureur général Gensoul, d’avoir les brigades « à leur disposition ». On renonça à la révision projetée.

Un décret du 3 août 1922 ayant institué une commission de réforme des services publics, un rapport de cette commission (rapport Marin) parut au Journal officiel du 10 décembre 1923.

En ce qui concerne la gendarmerie, on trouve dans ce rapport des propositions déjà anciennes et qui aboutirent dans la suite : fusion de la gendarmerie maritime avec la gendarmerie départementale ; transformer les brigades à cheval en brigades à pied ; doter chaque gendarme à pied d’une bicyclette ; doter chaque brigade d’une machine à écrire. Mais on y trouve aussi des propositions singulières concernant l’organisation et le service de l’arme. Lorsqu’on examine de près les attributions des uns et des autres, on voit le peu d’intérêt qu’attachait l’auteur du projet au service spontané, à cette surveillance continue qui, d’après la loi fondamentale, constitue l’essence du service. On trouve une gendarmerie qui paraît ne donner signe de vie, que lorsqu’elle sera actionnée du dehors ; une gendarmerie vassale, condamnée à devenir le jouet des autorités(100). Un semblable projet ne pouvait intéresser les dirigeants de notre arme.

Protection de la liberté individuelle

Nous avons vu le décret du 20 mai 1903 réglementer les enquêtes officieuses demandées à la gendarmerie. Avec l’approbation d’une jurisprudence utilitaire, des officiers et même de simples agents de la police judiciaire procèdent à des actes d’information aux lieux et place du juge d’instruction, mais sans présenter aux inculpés les garanties que leur offre la loi du 8 décembre 1897 dans le cas d’une instruction régulière.

« On a proposé de remédier à cet inconvénient(101) par une loi qui accorderait, à tout individu, l’assistance d’un défenseur pendant la période policière du procès ; sans doute, cette réforme présenterait-elle des avantages : en ouvrant aux avocats l’accès des locaux de la police judiciaire, elle leur permettrait, en particulier, de porter une appréciation sur la “spontanéité des aveux” ; toutefois, l’aboutissement de cette réforme nous paraît peu probable ; nous croirions plutôt à la réalisation, tôt ou tard, des projets tendant au contrôle des enquêtes officieuses, grâce à une autorité plus efficace et une action plus réelle des magistrats sur les officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur de la République ». Nous écrivions ce qui précède il y a vingt ans, et voici dans le sens que nous avions prévu, une proposition de loi déposée par M. Coste-Floret, député(102).

Réorganisation

Une décision ministérielle du 25 juillet 1922, relative au regroupement des troupes, apporta des modifications aux circonscriptions de plusieurs légions, ce qui eut pour résultat de transférer le chef-lieu de la 8e légion de Bourges à Dijon.

Rappelons que, depuis le décret du 10 septembre 1926, les crédits destinés à l’entretien des effectifs de la gendarmerie métropolitaine, y compris le logement de la gendarmerie mobile, sont inscrits au budget du département de l’Intérieur qui les met à la disposition du département de la Guerre(103).

C’est en vertu des mêmes décrets de septembre 1926 relatifs aux économies, qu’on supprima les légions bis qui existaient encore : 14e bis Chambéry, 15e bis Nice, l6e bis Perpignan, ainsi que la 15e ter Corse. Toutefois, en 1927, la gendarmerie de Corse recouvrait son autonomie, mais en ne formant plus qu’une compagnie.

Depuis lors, en excluant la gendarmerie de l’Afrique du nord, la gendarmerie départementale ne comprend que vingt et une légions dont les chefs-lieux sont les suivants : légion de Paris ; 1re, Lille ; 2e, Amiens ; 3e, Rouen ; 4e, Le Mans ; 5e, Orléans ; 6e, Châlons-sur-Marne ; 7e, Besançon ; 8e, Dijon ; 9e, Tours ; 10e, Rennes ; 11e, Nantes ; 12e, Limoges ; 13e, Clermont-Ferrand ; 14e, Lyon ; 15e, Marseille ; 16e, Montpellier ; 17e, Toulouse ; 18e, Bordeaux ; 20e, Nancy ; Alsace-Lorraine, Strasbourg ; compagnie de la Corse, Bastia.

Décret du 1er décembre 1928

Nous avons vu qu’un décret du 28 août 1925 avait transformé la hiérarchie des militaires de la gendarmerie ; d’autre part des modifications étaient nécessaires pour mettre le décret du 20 mai 1903 en harmonie avec la loi du 30 mars 1928 sur le statut des sous-officiers de carrière. C’est pourquoi il parut indispensable de procéder à une révision d’ensemble du décret sur l’organisation de l’arme ; tel fut l’objet du décret du 1er décembre 1928.

Mais par suite du développement des effectifs de la Garde républicaine mobile et de l’accroissement des missions qui incombent à cette subdivision d’arme, par suite, aussi, de la réglementation nouvelle régissant l’admission dans le cadre des sous-officiers de carrière, il parut nécessaire d’apporter des modifications au décret du 1er décembre 1928. Tel fut l’objet du décret du 10 septembre 1935.

Gendarmerie de Tunisie

Le décret du 6 août 1939 a transformé la compagnie de Tunisie en légion de gendarmerie de Tunisie ayant son chef-lieu à Tunis.

Commandement

Les colonels et lieutenants-colonels commandant de légion sont sous l’autorité immédiate des officiers généraux commandants de région ; cependant en 1935, afin de coordonner leur action, on a placé les forces de gendarmerie de la capitale (légion de gendarmerie de Paris ; légion de la Garde républicaine de Paris, 1re légion de Garde républicaine mobile), sous les ordres d’un général de brigade provenant de l’arme de la gendarmerie. Depuis 1938, ce commandement, qui s’est accru des 9e et 22e légions de GRM, a été assuré à Paris par un général de division.

Les forces de gendarmerie départementale et de GRM ont été de même, placées sous un commandement unique en Algérie en 1935 et dans la 11e région militaire (Nantes) en 1938(104).

Gendarmerie frontière

Pour assurer la police des étrangers et par décret du 12 novembre 1938, des formations de gendarmeries spécialisées dans la surveillance des frontières étaient créées sous la dénomination de brigades de gendarmerie frontière. Pour l’exécution du service et leur administration, ces brigades, dont les effectifs globaux ne pouvaient dépasser 1 500 hommes, officiers compris, étaient rattachées à la compagnie de gendarmerie du département où elles étaient stationnées(105).

Police spéciale de la route

Les progrès accomplis dans la construction des véhicules automobiles et les accidents qui en résultent sur la voie publique attirent l’attention du Gouvernement.

À la suite d’une conférence interministérielle, une instruction du ministre de la Guerre, en date du 10 mai 1928, a confié la police spéciale de la route, celle qui est assurée par des agents se déplaçant rapidement en automobile, à la gendarmerie que la loi chargeait déjà de la police de la circulation dont le but principal est d’assurer la liberté des communications, au double sens du terme : protéger les voyageurs contre les guetteurs des chemins, assurer la liberté des passages(106).

Les pelotons mobiles auraient pu rendre de grands services dans cette partie essentielle des attributions de la gendarmerie ; mais nous avons vu qu’ils viennent d’être séparés de la souche-mère pour constituer la Garde républicaine mobile, au préjudice du service des brigades et de cette police spéciale de la route à laquelle s’intéressent les pouvoirs publics.

Cet état de choses, contraire aux vues du législateur de 1921 et de son inspirateur le général Plique, directeur de l’arme, qui avaient voulu instituer des pelotons de pure gendarmerie, va laisser le champ libre à des formations de police civile.

Surveillance de la fréquentation scolaire

Une circulaire du ministre de la Guerre du 6 octobre 1930 prévoyait l’emploi de la gendarmerie à la surveillance de la fréquentation scolaire. Après avoir recommandé aux militaires de la gendarmerie de se tenir en liaison avec les membres de l’enseignement de leur circonscription, le ministre ajoutait : « Sans qu’il en résulte aucun déplacement spécial, les gendarmes interpellent, au cours de leurs tournées, les enfants d’âge scolaire rencontrés pendant les heures de classe, leur demandent les motifs de leur absence de l’école et les signalent au commandant de brigade. Celui-ci, après s’être assuré que les enfants en question ne sont pas légalement dispensés de la fréquentation scolaire, s’informe auprès de la famille ou du tuteur de l’enfant des motifs de l’absence et, si elle n’est pas due à un cas de force majeure, rappelle aux intéressés les prescriptions de la loi. Il agit de même à l’égard des enfants qui lui seraient signalés par l’instituteur comme fréquentant irrégulièrement l’école. En cas d’absences injustifiées, prolongées ou fréquentes, le commandant de brigade dresse procès-verbal, en deux expéditions, des renseignements recueillis et en adresse une expédition au préfet et l’autre à l’inspecteur d’académie ».

La circulaire du 6 octobre 1930 consacrait une initiative qu’avait prise, dès 1926, le chef d’escadron Vohl commandant la compagnie de la Somme, en offrant sa collaboration aux autorités dépendant du ministère de l’Instruction publique.

On remarquera que ces nouvelles méthodes, qui n’étaient pratiquement appliquées que dans la mesure où les autorités scolaires le jugeaient nécessaire, étaient parfaitement légales(107).

Améliorations

L’exécution du service, que la maréchaussée n’effectuait qu’à cheval, et qui, depuis la loi de 1791, est effectuée soit à cheval soit à pied, a été facilitée depuis 1900(108) par l’utilisation de la bicyclette et, depuis, par l’usage de la motocyclette, de l’automobile et l’emploi du téléphone. Depuis 1933, on utilise également la bicyclette à moteur auxiliaire.

L’emploi de la bicyclette a entraîné progressivement la transformation des brigades à cheval en brigade à pied(109), en vertu, notamment, d’un décret de septembre 1926 relatif à des mesures d’économie dans l’armée(110), d’une circulaire ministérielle du 13 avril 1932, et d’une circulaire ministérielle du 20 juin 1937, en vertu de laquelle cette transformation a été achevée(111).

Afin de permettre d’assurer, dans de meilleures conditions, l’acheminement de forces supplétives sur les points qui réclamaient leur utilisation, une circulaire ministérielle du 3 juillet 1936 se proposait de doter progressivement de camionnettes un certain nombre de compagnies départementales(112).

À la suite d’événements où des défenseurs de l’ordre avaient trouvé la mort, après le drame de La Flèche (1938)(113), et afin de protéger le personnel en certaines circonstances, ou d’obtenir dans le plus court délai la mise hors d’état de nuire de malfaiteurs retranchés ou barricadés, les compagnies de gendarmerie départementale reçurent un équipement spécial(114).

Agitation politique. Dispersion des attroupements

Des manifestations contre le Parlement, provoquées en partie par le scandale de l’affaire Stavisky, occasionnent des collisions sanglantes, le 6 février 1934, à Paris, sur la place de la Concorde, et le bilan de cette tragique journée fut le suivant : dix-huit morts dont dix-sept manifestants ou curieux et un représentant de l’ordre, plusieurs centaines de blessés dans chaque camp.

Une commission d’enquête fut désignée. Dans une communication que nous lui adressâmes et qui fut insérée dans la Revue de la gendarmerie du 15 mai 1934, sous le titre « La responsabilité des événements dans la répression des mouvements populaires », nous exprimions l’espoir que la commission d’enquête dira si, le 6 février, des mesures concentrées entre l’autorité civile et l’autorité militaire sur le meilleur moyen de protéger les points menacés, si un commandement des pelotons mobiles mieux concentré dans les mains de leur chef naturel, si le choix des troupes et des armes laissé aux chefs militaires, n’auraient pas permis d’assurer le maintien de l’ordre avec moins de spontanéité meurtrière et porté ainsi la population parisienne à une plus juste appréciation du devoir rempli ce jour-là par la Garde républicaine mobile.

Nous ajoutions au sujet des sommations, qui sont du ressort des officiers civils : « À maintes reprises, nous avons exprimé l’avis que toute réquisition à la force publique, si elle peut avoir pour effet de placer la force armée en présence de rassemblements, devrait être toujours accompagnée de la désignation d’officiers civils en nombre suffisant pour se tenir à portée des divers détachements ».

Dans ses conclusions du 5 juillet 1934, la commission d’enquête établit la responsabilité de l’autorité civile dans cette répression sanglante d’un mouvement populaire. Elle conclut « que le préfet de police n’a exercé aucune directive, soit pour assurer avec le minimum de violence une efficace protection des points menacés, soit pour remplir les obligations d’emploi des sommations légales, soit pour empêcher les tirs à balle spontanés du service d’ordre ».

De là est née une instruction interministérielle du 12 octobre 1934 relative à la participation de l’armée au maintien de l’ordre public, qui rappelle que l’autorité civile responsable du maintien de l’ordre a le droit de requérir la force armée, et prévoit trois sortes de réquisitions générales, particulières ou spéciales. L’instruction a satisfait au vœu que nous avions formulé tendant à assurer, en cas de troubles, la présence d’officiers civils à portée des détachements militaires pour procéder, le cas échéant, aux sommations légales ; c’était la principale leçon à tirer des événements de la place de la Concorde ; mais en créant des réquisitions particulières et des réquisitions spéciales, l’instruction d’octobre 1934 a dépassé le but. Au lieu de concentrer le commandement militaire, on a créé des réquisitions particulières qui tendent à le dissoudre et à réduire à néant le rôle du dépositaire de la force armée à qui l’on « vole » ses unités.

On a créé des réquisitions spéciales qui sont illégales par définition (article 7). En effet, ces réquisitions ont pour objet de « prescrire » un usage des armes que la loi de 1791 (article 25), citée pourtant dans le texte, ne permet aux officiers civils que de l’« autoriser », ce qui peut retirer aux chefs militaires après la troisième sommation, le pouvoir d’apprécier la situation que leur a conféré manifestement la loi de 1848 qui n’a prévu la dispersion en son article 3 que par la force, ce qui n’implique pas l’usage immédiat des armes.

Ajoutons que si le commandant de la troupe est un officier ou sous-officier de gendarmerie, l’officier civil requérant doit se borner à requérir ; il n’a pas le droit de prescrire(115) comme le voudrait cependant l’instruction (article 7).

Au surplus, la formule de réquisition donnée dans l’instruction de 1934, n’est bonne que pour le commandement territorial et les troupes de ligne. Toute réquisition adressée directement à la gendarmerie doit mentionner la loi qui l’autorise (décret de 1903, article 73) et s’il s’agit, pour un officier civil, de requérir l’emploi des armes contre un attroupement, cette loi n’existe pas(116).

On n’a pas observé qu’aussi bien que la réquisition spéciale créée par l’instruction de 1934, l’autorisation expresse prévue dans la loi de 1791 était de nature à prévenir l’emploi abusif des armes par le chef militaire qu’elle couvre, tandis qu’aucune borne n’apparaît aux réquisitions spéciales, sinon le refus d’y obtempérer du commandant de la troupe s’il les juge inopportunes.

On a créé en effet une source possible de conflits entre l’officier civil qui, fort de son droit de réquisition, croirait devoir prescrire l’emploi des armes et le dépositaire de la force armée qui, fort du pouvoir d’appréciation que lui laisse la loi, ne jugerait pas nécessaire la force des armes pour disperser l’attroupement et refuserait d’y recourir. On a attribué aux officiers civils, par l’article 7, un pouvoir dangereux.

Les auteurs de l’instruction n’ont certainement pas eu la pensée de dépouiller le commandant militaire d’un droit qui lui appartient au premier chef : celui d’apprécier la nécessité de l’emploi des armes. Mais il était indispensable de fixer une limite au droit de réquisition spéciale et de préciser, nettement, qu’il ne peut y avoir de réquisition de cette nature, sans l’assentiment du dépositaire de la force armée. On dira que cela est sous-entendu dans l’instruction, mais, selon le mot de Clemenceau : « ce qui va sans dire va encore beaucoup mieux en le disant ».

Il est certes peu vraisemblable qu’en temps normal les officiers civils puissent user avec excès du pouvoir que leur a conféré, contrairement à la loi, l’instruction de 1934, et qu’il puisse y avoir conflit entre les chefs civils et militaires chargés du maintien de l’ordre public. Mais les règles du déploiement de la force des armes ne sont pas faites pour les temps calmes, et de quoi demain sera-t-il fait ?

Dans une matière aussi délicate, l’application d’un texte doit être prévue dans toutes ses conséquences possibles. Les auteurs de l’instruction de 1934 n’ont pas remarqué que leur texte était de nature à rompre le sage équilibre entre les deux pouvoirs, civil et militaire, que la loi de 1791 avait établi après les tragiques fusillades du Champ-de-Mars pour corriger la loi martiale(117), et qu’il conférait aux officiers civils une prérogative illégale que les circonstances politiques ou le manque de sang-froid pourraient rendre dangereuse.

C’est une tradition française, bien fâcheuse, de n’amender sérieusement la procédure de dispersion des attroupements que lorsque les vices de cette procédure ont produit tous leurs méfaits. L’histoire est, hélas, probante à cet égard.

On conviendra qu’il serait sage de rompre avec la tradition. Le retour à la légalité, par la suppression des réquisitions spéciales et leur remplacement par des autorisations expresses de dispersion d’un attroupement par la force des armes, et un frein apporté aux réquisitions particulières dont l’abus désagrège dangereusement la force armée, agiraient, au surplus, très opportunément, en faveur du prestige nécessaire de l’armée et du commandement militaire. On verra plus loin la loi du 21 juin 1943.

Toulouse

Le 9 juin de la même année 1934, un banquet politique dans un hôtel de Toulouse provoque une manifestation et une collision avec les gardes républicains mobiles qui protégeaient l’établissement. Des barrages se succèdent sur divers points jusqu’à trois heures du matin ; un civil et un gendarme blessé mourront des suites de leurs blessures, un manifestant est arrêté, poursuivi et condamné pour avoir cherché à transformer un garde mobile en torche vivante(118).

Clichy

En mars 1937, c’est autour de la mairie de Clichy que se produisirent des bagarres, mais la leçon du 6 février 1934 a porté ses fruits ; les dispositions prise préviennent les excès de la force publique, à tel point qu’une personnalité politique croira devoir reprocher aux gardes mobiles de n’avoir pas le « souffle républicain ». La Garde, en effet, n’avait su se montrer partisane, ni faire de sa force un usage inutile ; elle ne pouvait recevoir de plus bel éloge(119).

Cet incident est significatif. Que l’autorité civile présente sur les lieux d’un attroupement qu’il s’agit de disperser par la force, ait un « souffle politique », l’instruction de 1934 lui attribuera illégalement un pouvoir redoutable ; c’est pourquoi nous avons montré ci-dessus la nécessité de modifier cette instruction.

Psychologie des attroupements et technique de dispersion

La psychologie des foules et leur criminalité ont déjà fait l’objet de nombreux et savants travaux d’ordre général ; mais l’action de la force armée, dans ses rapports avec la psychologie spéciale des attroupements, est un domaine à peine exploré(120).

Mouvement social

Le progrès social qui aboutira, au profit des travailleurs, aux lois sur la journée de huit heures, les congés payés, etc. s’accompagne en 1937 de mouvements grévistes portant atteinte à certains droits individuels. Des « grèves sur le tas » provoquent la réquisition de la Garde républicaine mobile pour neutraliser des usines. Cette occupation a lieu parfois contre le gré du propriétaire ou du directeur de l’établissement ; elle porta atteinte à la liberté du travail, de sorte que la réquisition de la force publique est illégale. Il en est de même lorsque des gardes mobiles, requis pour le maintien de l’ordre, se trouvent protéger, en fait, des piquets de grèves s’opposant à la liberté du travail. Cette crise de la légalité produit une émotion dont la presse se fait l’écho(121).

L’augmentation de la gendarmerie métropolitaine, entre 1913 et 1926, non comprise la gendarmerie mobile créée en 1921, est due principalement à la création de la légion d’Alsace-Lorraine après la victoire de 1918 ; la diminution du nombre des officiers entre 1926 et 1936 résulte des décrets d’économie qui, depuis 1926, ont entraîné la suppression de légions bis et ter et d’un certain nombre de sections de gendarmerie.

En Algérie, la progression des effectifs entre 1926 et 1936 est due à la formation d’unités de Garde républicaine mobile comprises dans l’effectif du tableau en annexe.

En Tunisie, cette progression résulte de la création de nouvelles sections, celles de Bizerte, du Kef et de Sfax.

Évolution du service

L’évolution du service, depuis la guerre de 1914-1918 a posé, une fois de plus, le problème de la gendarmerie, celui du maintien d’un juste équilibre entre les deux caractères d’une arme militaire par nature et civile par sa destination principale.

Après l’injuste sort que le personnel, on l’a vu, avait subi aux armées, et qu’allait aggraver le refus de la carte de combattant, même aux prévôtés les plus rapprochées de la ligne de feu, injustice qui sera vivement ressentie et dont témoigneront de nombreux articles dans la presse de l’arme(122), on vit battre en brèche la subordination de la gendarmerie aux autorités militaires.

On alla jusqu’à préconiser le remplacement des généraux commandants de secteur par des inspecteurs détachés du cadre de l’état-major général. D’autres envisageaient, même, la perte du caractère militaire de notre arme, par son passage au ministère de l’Intérieur, campagne dont nous avons montré l’origine.

Au lendemain de la guerre, cette campagne encourageait ceux qui voyaient, dans le caractère militaire de la gendarmerie, un obstacle insurmontable à l’unification désirée de la police sous le ministre de l’Intérieur. Cet état d’esprit était compréhensible, mais dangereux. Aussi n’hésitions-nous pas dans notre ouvrage sur le service spécial de la gendarmerie, publié en 1922, à plaider en faveur du caractère militaire de notre arme.

Le personnel était, d’ailleurs, orienté vers le service spécial, et nous avons vu qu’à la veille de la guerre, le règlement de 1914 sur le service intérieur avait été rédigé dans ce sens.

Au début de l’année 1918, une sous-direction de la gendarmerie était créée, et le colonel Plique, sous-directeur, se montrait aussitôt favorable à l’esprit nouveau. Il allait subir un violent assaut, dont il aura la fierté d’être sorti vainqueur, de ceux qui voudraient abolir le caractère militaire de la vieille maréchaussée et lorsqu’en 1920 sera créée une direction de la gendarmerie, le colonel Plique, qui en aura la charge, sera un grand directeur.

Une circulaire du 3 mai 1918 rappelait les officiers à l’application de l’article 99 précité et insistait sur la direction à donner au service en vue de l’arrestation des individus pris en flagrant délit ou faisant l’objet de mandats de justice.

Les instructions ministérielles des 10 et 17 mai 1918 encourageaient les travaux d’étude des officiers et on allait assister à une éclosion de travaux et d’ouvrages sur le service spécial de l’arme ou son histoire : la période qui s’étendra de 1918 à la guerre de 1939 sera féconde à cet égard(123).

Une circulaire ministérielle du 17 décembre 1918 s’oppose courageusement à l’emploi abusif de la gendarmerie par les autorités civiles et militaires. Cependant, nous avons vu ci-dessus qu’un besoin de rénovation avait poussé l’arme à un projet de révision de la loi du 28 germinal an VI. Nous savons pourquoi aucune suite ne fut donnée à ce projet ; mais la direction de l’arme s’attacha à l’amélioration par voie ministérielle ou réglementaire.

C’est ainsi qu’en 1924, les prescriptions du service intérieur de 1914 relatives aux inspections étaient remplacées par des dispositions s’inspirant davantage de l’importance de la police judiciaire.

L’instruction du 11 mars 1930 viendra préciser la participation des officiers à la police de la route. En même temps, de nouvelles méthodes de recherches préconisées par le colonel Plique et basées, notamment, sur le rôle de direction incombant aux officiers, ainsi que sur l’identification des inconnus, étaient appliquées dans la plupart des légions, tandis que des théories étaient faites, dans les brigades, sur 1’instruction pour les recherches techniques dans les affaires criminelles, due à M. le docteur Locard, directeur du laboratoire de police technique à Lyon.

L’idée d’améliorations dans cet ordre d’idées n’était pas nouvelle. En 1906, un précurseur, le capitaine P.A. Fabre, avait publié un ouvrage, Procédés actuels de recherche et de surveillance des malfaiteurs et autres individus dangereux : améliorations dont ils paraissent susceptibles. Se basant sur « la preuve indéniable d’identité obtenue par l’emploi de la pièce d’identité », le capitaine Fabre proposait le port obligatoire d’une pièce d’identité pour tous les hommes majeurs, les jeunes gens de seize à vingt et un ans, les femmes au-dessus de seize ans, et l’affectation de numéros d’ordre ou numéros matricules à tous les individus circulant en France. On sait que, dans cet ordre d’idées, la carte d’identité n’a été rendue obligatoire en France qu’en 1940(124).

Les méthodes préconisées par le colonel Plique étaient rendues obligatoires dans toutes les unités par une instruction du 11 octobre 1926 « sur la recherche des malfaiteurs par la gendarmerie » qui précisait le rôle des officiers dans cette partie du service. Déjà, une instruction du 15 décembre 1923, sur le « développement du flair policier », due au général Bonnet et exposant des cas concrets d’arrestations opérées par le personnel de son secteur, tendait à « fortifier la volonté de rechercher les malfaiteurs ».

Ces nouvelles méthodes venaient au moment opportun car, malgré la diffusion des signalements dans les brigades et les commissariats de police, malgré la publication du bulletin de police criminelle et en raison de l’absence de fichiers dont l’usage ne fut réglementé que plus tard, le nombre d’affaires abandonnées par le ministère public, soit parce que les auteurs étaient demeurés inconnus, soit parce qu’ils n’avaient pas été arrêtés, n’avait pas cessé d’augmenter.

Cet état de choses, déjà ancien, joint à l’obligation, pour la gendarmerie, d’exercer en tenue militaire la recherche des malfaiteurs, signalés ou non, fut l’une des raisons qui motivèrent la création de la police mobile(125). À la base des succès de cette police civile avec laquelle le personnel entrera en liaison, se trouvera fréquemment, d’ailleurs, un procès-verbal de gendarmerie.

L’équilibre entre les deux caractères de la gendarmerie se trouvait heureusement établi lorsqu’une oscillation vint à se produire au profit du caractère militaire, après la création, en 1926-1927, de la Garde républicaine mobile.

Il était fatal que, se détachant du service spécial de l’arme, la nouvelle formation apporterait tous ses soins à son instruction militaire, et que cette initiative, survenant au moment où l’organisation de l’armée réclamait des militaires de carrière, serait de nature à intéresser l’état-major de l’armée.

Et en effet, l’évolution dans ce sens fut si bien encouragée et si rapide qu’elle aboutit, en 1934, à la création d’un inspecteur général de la gendarmerie, membre du conseil supérieur de la Guerre, et qu’elle atteignit son point culminant, l’année suivante, avec les instructions ministérielles du 28 juin et la note de l’inspecteur général du 10 juillet fixant les connaissances que devaient posséder les militaires de la gendarmerie des divers grades quant aux formations de combat, et qui renforçaient sensiblement le caractère militaire de notre arme.

Aussi, vit-on un développement des obligations de l’arme en matière militaire : préparation de la mobilisation déjà devenue plus complexe, recrutement et administration des réserves, instruction physique et concours apporté aux écoles de perfectionnement des sous-officiers de réserve, participation à l’encadrement des troupes, instruction militaire accentuée par les instructions précitées de 1935.

Sans doute, le décret du 17 juillet 1933 sur le service intérieur a-t-il marqué un progrès sensible, dans le sens du service spécial, en précisant le rôle du commandant de section (article 17) quant à l’impulsion à donner aux services des brigades à la recherche des malfaiteurs, à la coordination des opérations des brigades et à la continuité des recherches. Mais le développement des fonctions d’ordre militaire provoque, à côté de la mission essentielle de l’arme, un accroissement dont témoignent d’ailleurs les statistiques officielles des services secondaires ou accessoires.

Ce développement, qui s’exerce fatalement au préjudice de la surveillance des circonscriptions et de la police judiciaire, atteste une crise de croissance de notre arme, consécutive à la création de nombreuses unités de Garde républicaine mobile. Cette crise s’accompagne d’une tendance à considérer le gendarme comme un soldat comme les autres, erreur déjà condamnée, on le sait, par Napoléon lui-même.

Chose plus grave encore : cette crise engendra un esprit nouveau en faisant naître, chez de nombreux militaires de la nouvelle subdivision d’arme, une désaffection pour la gendarmerie départementale.

Cet état d’esprit pouvait surprendre certains officiers provenant des régiments et venus dans notre arme pour y faire un métier différent de celui des corps de troupes, mais d’autres pouvaient s’en accommoder, très aisément, et rester attirés par leur tâche militaire au préjudice de la mission essentielle pour laquelle ils avaient été institués.

Les conséquences de cet état de choses ne tardaient pas à apparaître : pénurie de cadres, les officiers des corps de troupes hésitaient à venir dans une arme où une lourde tâche les attendait ; vœux réclamant la suppression des exercices militaires dans la gendarmerie et même… le passage de la GRM au ministère de l’Intérieur, la gendarmerie maritime réclamait et obtenait le retour à la Marine(126) ; création à titre d’essai d’une police civile de la route dans certains départements ; création d’une police d’État rurale en Seine-et-Oise et Seine-et-Marne.

La gendarmerie n’était-elle pas, cependant, depuis des siècles, la seule et véritable police d’État dans les campagnes ? Déjà concurrencée dans la police criminelle par les brigades régionales de police, allait-elle se voir déposséder, peu à peu, de la police des routes et des campagnes, but de son institution ? Notons, en passant, que ces polices civiles furent l’embryon de nombreuses unités qui prirent le nom, un peu plus tard, de groupes mobiles de réserves, puis de compagnies républicaines de sécurité.

Le danger des tendances que nous venons d’exposer provoqua une vigoureuse réaction dans les journaux de l’arme : Écho, Progrès, Voix de la gendarmerie(127). Cette réaction provoque, à son tour, des décisions ministérielles réduisant l’instruction militaire dont l’importance, dans la gendarmerie départementale, prenait des proportions inadmissibles, et d’autres décisions, contre lesquelles s’élèveront en vain certains commandants de région, réduisant les tâches imposées à l’arme auprès des EPSOR(128).

Cette heureuse évolution s’accomplissait tandis que s’aggravait la situation internationale, et la guerre, le 2 septembre 1939, éclatait de nouveau.

(1) Décret de 1854, art. 73.

(2) Titre 4, chap. 5 du décret de 1854.

(3) Journal de la gendarmerie, 1860, p. 201, 231.

(4) Journal de la gendarmerie, 1860, p. 77.

(5) Chef d’escadron R. Baulard, La gendarmerie d’Afrique (1830-1930), Paris, 1930.

(6) Lieutenant-colonel de Chamberet, Précis historique sur la gendarmerie depuis les premiers temps de la monarchie jusqu’à nos jours, Paris, 1861.

(7) Voir « La justice prévôtale depuis la Révolution » dans Revue de la gendarmerie, 15 mars 1938.

(8) Journal de la gendarmerie, 1854, p. 226.

(9) Journal de la gendarmerie, 1860, p. 201.

(10) Journal de la gendarmerie, 1860, p. 33, 375.

(11) Journal de la gendarmerie, 1861, p. 16, 207.

(12) Journal de la gendarmerie, 1860, p. 375.

(13) Journal de la gendarmerie, 1861, p. 11.

(14) E. Leblanc, La gendarmerie, son histoire et son rôle : les inconvénients du régime mixte, Paris, 1880.

(15) Journal de la gendarmerie, 1860, p. 231.

(16) Dictionnaire de la gendarmerie, notice historique.

(17) Journal de la gendarmerie, 1870, p. 268.

(18) Journal de la gendarmerie, 1870, p. 309.

(19) Décret du 1er octobre 1870 ; Journal de la gendarmerie, 1870, p. 372.

(20) Journal de la gendarmerie, 1870, p. 378.

(21) Journal de la gendarmerie, 1870, p. 366.

(22) Journal de la gendarmerie, 1871, p. 244.

(23) Journal de la gendarmerie, 1870, p. 387.

(24) Journal de la gendarmerie, 1871, p. 244.

(25) Revue de la gendarmerie, juin 1909.

(26) Journal de la gendarmerie, 1871, p. 245.

(27) Journal de la gendarmerie, 1871, p. 258.

(28) Journal de la gendarmerie, 1871, p. 260, 261.

(29) Revue d’histoire, juin 1909.

(30) Journal de la gendarmerie, 1871, p. 259.

(31) Revue d’histoire, juin 1909.

(32) Journal de la gendarmerie, 1871, p. 136 ; général Chanzy, La deuxième armée de la Loire, Paris, 1871 ; lieutenant-colonel L. Rousset, Histoire générale de la guerre franco-allemande (1870-1871), Paris, 1895-1898 ; général Bézégher, « La gendarmerie de la deuxième armée de la Loire », dans Revue de la gendarmerie, n° 8, 2e trim. 1951 ; G. Benoît-Guyod, Histoires de gendarmes, Paris, 1937 ; Grand livre d’or historique de la gendarmerie.

(33) Journal de la gendarmerie, 1871, p. 181.

(34) E. Leblanc, La gendarmerie

(35) Journal officiel, débats Chambre des députés, 15 novembre 1877.

(36) Arch. dép. Lot-et-Garonne, 1879-1890.

(37) Loi du 28 janvier 1843, code J. M., 9 juin 1857.

(38) Arch. 8e légion, registre de correspondance de 1866.

(39) Revue de la gendarmerie, 15 juillet 1937, Du despotisme au droit de délibérer.

(40) Colonel J. Revol, Histoire de l’armée française, Paris, 1929.

(41) Décret de 1903 annoté Lavauzelle.

(42) Journal de la gendarmerie, 1891, p. 99, 256, 371.

(43) Journal de la gendarmerie, 1871, p. 227.

(44) Journal de la gendarmerie, 1880, p. 118.

(45) Circulaire ministérielle du 31 mars 1880, Journal de la gendarmerie, 1880, p. 139.

(46) Instruction du 12 avril 1888.

(47) Voir capitaine Quincy, La gendarmerie en Tunisie, Paris, 1923.

(48) Journal de la gendarmerie, 1881, p. 368.

(49) Capitaine Quincy, La gendarmerie en Tunisie

(50) Grand livre d’or historique de la gendarmerie.

(51) Journal de la gendarmerie, 1891, p. 453.

(52) Journal officiel, 20 mars 1898, rapport du 13 novembre 1897.

(53) Journal officiel, 21 juin 1898, circulaire Intérieur du 10 juin 1898.

(54) Journal de la gendarmerie, 19 novembre 1901 et numéros suivants : analyse du discours du procureur général Gensoul ; Revue de la gendarmerie, 15 novembre 1935, p. 779, « L’évolution du régime mixte de la gendarmerie ».

(55) Loi de 1791, fonctions de la Gendarmerie nationale, art. 1, n° 2 ; loi du 28 germinal an VI, art. 125.

(56) Loi de 1791, fonctions de la Gendarmerie nationale, art. 1, n° 10 ; loi de germinal, art. 140.

(57) Journal de la gendarmerie, 1901, p.665.

(58) Voir des cas d’espèce dans notre article de la Revue de la gendarmerie du 15 juillet 1937 : « Du despotisme au droit de délibérer ».

(59) Nous avons vu ci-dessus l’origine de cet article dont nous avons montré à la fois l’illégalité et l’utilité dans notre Service spécial de la gendarmerie (1922) et la Revue de la gendarmerie du 15 mai 1939, p. 356 et suiv. Sur la substitution de la police ou de la gendarmerie au juge d’instruction pour les interrogatoires de prévenus ou de témoins, qu’a rendu possible cet art. 81, voir la protestation véhémente de Me Garçon, de l’Académie française, dans l’Écho de la gendarmerie du 7 janvier 1951, p. 2 et suiv.

(60) Code pénal, art. 237 ; décret de 1903, art. 70.

(61) Capitaine Georgin, « Le protectorat français et la gendarmerie au Maroc », dans Revue de la gendarmerie, 15 mai 1934.

(62) Annuaire général de la gendarmerie, 1926.

(63) Annuaire général de la gendarmerie, 1936.

(64) Journal officiel, 17 octobre 1869.

(65) Débats Chambre des députés, 15 février, 12 et 13 mars 1886.

(66) Débats Chambre des députés, 12 et 27 octobre 1892.

(67) G. Sorel, La révolution dreyfusienne, Paris, 1909.

(68) Débats Chambre des députés, 15 janvier 1900 ; Journal de la gendarmerie, 1900, p. 695.

(69) Débats Chambre des députés, 11 juin 1908.

(70) « Discipline », dans la Dépêche de Toulouse, 30 mars 1944.

(71) A. de Vigny, Servitude et grandeur militaires, Paris, 1836.

(72) A. Aulard, « Armée et gendarmerie », dans la Dépêche, 2 août 1907.

(73) « La responsabilité des événements dans la répression des mouvements populaires », Revue de la gendarmerie, 15 mai 1934.

(74) H. Raisson, Histoire de la police de Paris, Paris, 1844.

(75) C. Comte et H. Raisson, Histoire complète de la garde nationale… et notre article précité de la Revue de la gendarmerie du 15 mai 1934.

(76) Discours du président de la République Raymond Poincaré lors de la remise de son drapeau à la gendarmerie départementale, le 14 juillet 1913.

(77) Annuaire général de la gendarmerie, 1913.

(78) Voir « L’évolution de la sûreté individuelle », dans Revue de la gendarmerie, 15 janvier 1933.

(79) Nous avons exposé les principes à observer en cette matière dans notre Service spécial.

(80) Jurisprudence de la Cour de cassation, et notamment, arrêt de 11 octobre 1912. Sur le droit d’entrer dans une maison en cas de flagrant délit et sur le mandat spécial de perquisition, nous renvoyons le lecteur à notre Service spécial et à nos articles de la Revue de la gendarmerie du 15 mai 1933 sur l’inviolabilité du domicile et du 15 juillet 1939 sur la gendarmerie sous la Révolution.

(81) Juillet 1908, p. 932.

(82) Cours de droit criminel et de science pénitentiaire, 4e éd., n° 811.

(83) Voir capitaine Burat et lieutenant Durieux, Le drapeau de la gendarmerie, son histoire, ses batailles.

(84) Loi du 21 mars 1905 modifiée par celle du 7 août 1913.

(85) Colonel Bolotte, article dans la Voix de la Gendarmerie du 16 décembre 1950.

(86) Voir notre Service spécial de la gendarmerie, 1922, p. 201.

(87) Nous renvoyons le lecteur à L’historique de la gendarmerie, guerre de 1914-1918, dont Georges Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre avait, le 2 mai 1918, dans une pensée de haute justice reconnu la nécessité, et qui fut rédigé par le capitaine Dreneau.

(88) Décret du 28 août 1925.

(89) Arrêté du 2 juillet 1919.

(90) Commandant Bolley, article dans la Revue de la gendarmerie du 15 septembre 1933.

(91) Annuaire général de la gendarmerie, 1926.

(92) Annuaire général de la gendarmerie, 1930 et 1935.

(93) Annuaire de la gendarmerie, 1935 ; Revue de la gendarmerie de mars à septembre 1932 : « Trois filles de la gendarmerie française : les gendarmeries syriennes, libanaise, alaouite » (articles du colonel Gilbert et des capitaines Le Bars, Freyssinel, et Charollais).

(94) Nous renvoyons le lecteur à l’intéressante étude que le colonel Candille a consacré dans le n° 6 de la Revue de la gendarmerie du 4e trimestre 1950 aux différents statuts de Tanger et à la première gendarmerie internationale.

(95) Chef d’escadron Baulard, « La gendarmerie française dans la vallée d’Andorre », dans Revue de la gendarmerie, 15 septembre 1935 et suiv.

(96) Écho de la gendarmerie, 1931, 296, 309.

(97) Écho de la gendarmerie, 2 juin 1929.

(98) Décret de 1854, art. 488.

(99) Décret de 1903, art. 81.

(100) Écho de la gendarmerie, 27 janvier, 3 février, 16 mars, 27 avril, 11 mai 1924.

(101) Écrivions-nous dans la Revue de la gendarmerie du 15 janvier 1933, sous le titre : « L’évolution de la sûreté individuelle ».

(102) Voir l’Écho de la gendarmerie du 27 avril 1952, p. 223.

(103) Écho de la gendarmerie, 1926, 621, 622.

(104) Voir mes articles de l’Écho du 12 mai 1939 : « Commandement régional » et du 26 mai 1939 : « Épée de Damoclès », au sujet du déversoir du commandement que j’avais préconisé et qui s’imposait dans chaque région depuis la création de la Garde républicaine mobile.

(105) Écho de la gendarmerie, 1938, 929.

(106) Revue de la gendarmerie, 15 mars 1931 : « La police de la route, fondement et limites de son action » ; voir l’ouvrage du colonel Vohl, Code de la route et police de la circulation, Paris, 1935.

(107) Revue de la gendarmerie, 15 septembre 1931, « La fréquentation scolaire et sa surveillance par la gendarmerie ».

(108) Journal de la gendarmerie, 1891, 284 ; Écho de la gendarmerie, 3 février 1901.

(109) Journal de la gendarmerie, 1890, 184 ; Journal de la gendarmerie, 1891, 20, 26, 131.

(110) Écho de la gendarmerie, 1926, 622.

(111) Écho de la gendarmerie, 1937, 170.

(112) Écho de la gendarmerie, 1936, 628.

(113) Écho de la gendarmerie, 13 février 1938.

(114) Circulaire ministérielle du 20 juin 1938.

(115) Décret de 1903, article 75.

(116) Voir mes articles de l’Écho du 14 mai 1939 : « Emploi des armes » et mon observation dans la Revue de la gendarmerie du 15 mai 1939, p. 332.

(117) Décrets des 21 octobre et 21 novembre 1789 ou loi martiale ; voir Revue de la gendarmerie, 15 mai 1934 : « La responsabilité des événements dans la répression des mouvements populaires ».

(118) Écho de la gendarmerie, 8 juillet 1934.

(119) Écho de la gendarmerie, 9 mars 1937.

(120) Voyez cependant Psychologie des attroupements, étude faite en 1914 par le chef d’escadron Bonnet et dont s’est inspiré le chapitre IV de l’instruction secrète du 20 janvier 1921. Dans le même ordre d’idées, ainsi que sur la dispersion des attroupements et la guerre des rues, nous renvoyons le lecteur à notre article précité de la Revue de la gendarmerie du 15 mai 1934, à celui du 15 septembre 1939 : « La gendarmerie sous la Révolution », et aux nombreux articles, de divers auteurs, parus dans la même revue, de 1928 à 1939. Voir aussi l’ouvrage de B. Sansot, La police dans les manifestations. Dans la suite, on verra les articles du chef d’escadron Guetta, « Les rapports du pouvoir civil et de la force armée dans le cadre du maintien de l’ordre », dans Revue de la gendarmerie, n° 2, 3e et 4e trim. 1949 ; « L’usage des armes par la gendarmerie », dans Revue de la gendarmerie, n° 6, 4e trim. 1950.

(121) Revue de la gendarmerie, 15 janvier 1937 : « Du despotisme au droit de délibérer ».

(122) Voir notamment les nombreux articles du colonel Lelu dans l’Écho de la gendarmerie, et l’article précité du colonel Bolotte.

(123) Le lecteur pourra s’en convaincre en se reportant à la bibliographie du Grand livre d’or historique, t. IV.

(124) Loi du 27 octobre.

(125) Décret du 30 décembre 1907.

(126) Décret du 30 octobre 1935.

(127) Écho de la gendarmerie, 1er décembre 1935 ; Écho de la gendarmerie, 1er janvier 1939.

(128) Circulaire ministérielle du 6 décembre 1938.