Louis Larrieu


CHAPITRE II - SERVICE DE LA GENDARMERIE

Durant la période révolutionnaire, la gendarmerie ne reçut du pouvoir exécutif aucun règlement de service proprement dit. À la différence de l’ordonnance du 28 avril 1778, loi très complète réglant dans tous leurs détails l’organisation et le service de la maréchaussée, les lois révolutionnaires sur la Gendarmerie nationale furent surtout des lois d’organisation. La raison en est simple : autant il était nécessaire de réorganiser la maréchaussée pour l’adapter aux nouvelles divisions administratives et judiciaires du territoire, autant le service se trouvait déjà établi, après une expérience plusieurs fois centenaire, sur une base définitive.

L’Assemblée nationale n’avait accompli qu’une grande réforme dans le service de la maréchaussée : elle avait retiré aux prévôts le droit de juger(1). Mais, à la séance du 22 décembre 1790, le député de Noailles, rapporteur de la loi sur la Gendarmerie nationale, fit observer « qu’en supprimant les sièges de maréchaussée, on avait laissé à la gendarmerie les fonctions qui peuvent servir à constater ces preuves fugitives du crime qui doivent éclairer les tribunaux ». C’est ainsi que les militaires de la gendarmerie devinrent, suivant leur grade, des officiers ou des agents de la police judiciaire.

Par exception, les lois du 16 février 1791 (section 2), du 29 avril 1792 (titre 6) et du 28 germinal an VI (titres 9 et 10), quoique dictées par d’impérieux besoins de réorganisation, traitèrent d’une partie du service dans ses grandes lignes ; mais, dans la pratique, l’ordonnance de 1778 ne cessa d’être appliquée, dans le service, sur une grande échelle.

Déjà, la loi du 16 février 1791 précisait que la gendarmerie continuerait à faire le service dont la maréchaussée était chargée en ce qui concerne l’armée, les soldats et toutes les parties militaires, c’est-à-dire des matières qui, de haute ancienneté, étaient de son ressort. Peu après, la loi des 22 juin - 21 juillet 1791 décida qu’on devait continuer à exécuter l’ordonnance de 1778 dans tous les objets auxquels il n’avait pas été dérogé par la loi du 16 février 1791 concernant la Gendarmerie nationale, et la masse de ces objets était considérable. Cette prescription fut renouvelée par la loi du 29 avril 1792 (titre 4, article 1), en attendant le règlement que prévoyait cette loi, mais qui ne vit jamais le jour.

Il est bien vrai que les lois de 1791 et 1792, qui ordonnaient ainsi le maintien en vigueur de la vieille ordonnance royale de 1778, furent abrogées par la loi du 28 germinal an VI (article 235). C’est qu’en effet la loi de germinal avait décidé, en son article 175, l’établissement d’un règlement de service.

Mais comme, sous réserve de l’œuvre due à l’initiative du général Wirion(2), le règlement prévu dans la loi républicaine de germinal ne fut jamais élaboré, l’ordonnance de 1778 fut nécessairement appliquée, jusqu’à celle du 29 octobre 1820, pour tous les détails du service non réglementés dans la loi de germinal : tournées faites par deux hommes ; tenue des journaux de service ; informations à prendre au cours des tournées ; vérifications à effectuer au cours des revues, etc.

Destination de la gendarmerie

La maréchaussée, instituée au Moyen Âge pour être à la suite des troupes et empêcher les désordres des gens de guerre, avait été employée, à partir du XVIe siècle, pour donner la sûreté aux grands chemins, prêter main-forte à la justice et empêcher les violences publiques.

Vers la fin de l’Ancien Régime, son utilité était si bien reconnue que Brissot, le futur chef de la Gironde, écrivait que « la maréchaussée était un ressort dont l’absence causerait tout au moins un grand désordre, si elle ne devait entraîner la perte de l’État »(3). Aux États généraux de 1789, on pouvait lire, dans le cahier du tiers État d’Étampes : « Ce corps [la maréchaussée] est le plus utile de la nation ». C’est ainsi que, selon les termes mêmes du député de Noailles, les comités de constitution et militaire purent présenter à l’Assemblée nationale (séance du 22 décembre 1790) « une force déjà prête, exercée, créée pour veiller à la sûreté publique, qu’il ne s’agissait que de placer auprès des corps administratifs et des tribunaux pour le maintien de l’ordre et l’exécution des lois ».

Aux Cinq-Cents, dans la séance du 23 nivôse an V, Richard précisa que « la gendarmerie est placée par la nature de ses fonctions à côté de chaque citoyen comme une sentinelle chargée de s’assurer de son obéissance aux lois et de son respect pour les personnes et les propriétés. Elle n’est établie que pour la sûreté des citoyens, et elle ne doit être à craindre que pour les méchants ».

En définitive, et à la suite d’une expérience plusieurs fois séculaire, les fonctions que la maréchaussée provinciale transmit à la Gendarmerie nationale furent résumées dans la forme lapidaire suivante par la loi du 28 germinal an VI (article 1er) : « Le corps de la Gendarmerie nationale est une force instituée pour assurer, dans l’intérieur de la République, le maintien de l’ordre et l’exécution des lois ».

Conséquence : dès qu’il est porté atteinte à l’un des éléments de l’ordre public (tranquillité, sûreté, salubrité publiques), ou dès qu’elle a connaissance qu’une infraction à la loi pénale (sous réserve de certaines distinctions) a été commise, la gendarmerie a le devoir d’intervenir spontanément. Le désordre est le symptôme qui la guide. L’initiative en présence du désordre est, pour la gendarmerie, un devoir primordial.

Il résulte de ce qui précède que, pour les militaires de la gendarmerie, le champ d’honneur n’est pas seulement à la guerre ; il est aussi et surtout là où, dépositaires de l’exécution des lois, ils sont appelés à faire respecter, même au péril de leur vie, la mission qui leur est confiée. C’est ainsi que la gendarmerie, qui fait partie de l’armée comme corps militaire, s’en distingue essentiellement par le service dont elle est chargée.

En quoi consiste, essentiellement, l’exécution du service de la gendarmerie ?

Le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, en vigueur sous la loi de germinal an VI, distinguait entre la police administrative, qui prévient les délits, et la police judiciaire, qui recherche les délits que la police administrative n’a pu empêcher de commettre. En assignant ainsi à la police un rôle préventif, la loi traduisait les idées des philosophes du XVIIIe siècle.

« Un bon législateur, disait Montesquieu, s’attachera moins à punir les crimes qu’à les prévenir »(4). Beccaria, à qui le législateur de brumaire a emprunté jusqu’au titre de son ouvrage, observait « que c’était par la vigilance qu’on prévenait le plus sûrement les crimes »(5). Et Voltaire, commentant le célèbre ouvrage de Beccaria, disait que « la véritable jurisprudence était d’empêcher les délits »(6).

Ces idées nouvelles trouvèrent leur expression dans le 2e alinéa de l’article 1er de la loi du 28 germinal an VI sur la Gendarmerie nationale : « Une surveillance continue et répressive constitue l’essence de son service ». C’est, en effet, en cette surveillance continue que consiste la police préventive que la gendarmerie exerce par ses tournées, courses, patrouilles, par sa présence, en un mot, dans tous les lieux de sa circonscription.

Par sa présence, elle prévient les délits, et si le législateur a fait suivre les mots surveillance continue du qualificatif répressive, c’est pour rappeler à la gendarmerie que si, malgré son action préventive, malgré sa vigilance, il se commet néanmoins des infractions, c’est pour elle un devoir de les réprimer.

Exerçant à la fois la police administrative et la police judiciaire, la gendarmerie, parallèlement à son action répressive, a ainsi une action préventive de la plus haute importance, car ces deux actions sont, en quelque sorte, en fonction inverse l’une de l’autre. Plus, en effet, la gendarmerie, grâce à une surveillance très active dans tous les points de sa circonscription, exercera une action préventive efficace, moins il se commettra de délits et moins elle se trouvera dans la nécessité de les réprimer.

Du fait que la surveillance doit être continue découle pour la gendarmerie l’obligation de se renseigner sans cesse sur les événements de quelque importance qui surviennent dans sa circonscription et qu’elle est tenue de porter à la connaissance des autorités compétentes. Elle n’a pas le droit d’ignorer ces événements. La vigilance est donc son caractère principal ; c’est le caractère que le législateur de brumaire, s’inspirant de Beccaria, attribuait à la police.

En précisant que le service de la gendarmerie est essentiellement répressif, l’article 1er de la loi de germinal, qui charge la gendarmerie de veiller à l’exécution des lois, a eu soin de circonscrire la compétence de cette force publique aux matières pénales, à l’exclusion, par conséquent, des matières civiles(7). L’article 3 de la loi de germinal rappelle la spécialité essentielle du service de la gendarmerie. À ce sujet, nous avons examiné ailleurs un certain nombre de textes établissant que la maréchaussée était particulièrement destinée à assurer la liberté des chemins et la sûreté des campagnes.

Cette spécialité du service de la maréchaussée était jadis de première nécessité. En effet, s’il existait, pour assurer la défense des villes et y maintenir la tranquillité, des milices communales, les unes mobiles pouvant servir à côté de l’armée permanente, les autres sédentaires, comme le guet de Paris, par exemple, la maréchaussée était, dans les campagnes, la seule force opposable aux exploits des malfaiteurs.

Aucun changement notable ne fut apporté à cette situation sous la Révolution, ni par l’organisation d’une police municipale (loi du 22 juillet 1791), ni par la création des gardes champêtres (loi du 6 octobre 1791 sur la police rurale). Si, en effet, chaque ville avait désormais une police locale dont l’importance était proportionnée, en général, au danger de désordre qui pouvait menacer la cité, dans les campagnes, au contraire, la police civile demeurait pour ainsi dire inexistante. À la gendarmerie, surtout, incombait le soin de veiller à la sûreté des populations rurales.

Aussi, après la loi du 16 février 1791 qui précisait déjà que la gendarmerie était destinée à la sûreté des campagnes (section II, article 12), la loi du 28 germinal an VI disposa-t-elle à son tour en son article 3 : « Le service de la Gendarmerie nationale est particulièrement destiné à la sûreté des campagnes et des grandes routes ». Telle était la destination traditionnelle de la maréchaussée ; telle est, encore de nos jours, sa mission spéciale.

Nous venons d’analyser, d’après la loi du 28 germinal an VI toujours en vigueur, la mission essentielle de la gendarmerie. C’est une mission permanente et sévère exigeant que tous ceux qui détiennent dans cette arme une parcelle d’autorité ne prennent jamais conseil que de l’intérêt supérieur de l’exécution des lois. Par rapport à cette mission primordiale, toutes les autres fonctions pouvant être imposées à cette troupe d’élite, quelle que puisse être leur importance éventuelle, ne sont qu’accessoires. Cette différence fondamentale ne doit jamais être perdue de vue.

Au reste, nous sommes ici en présence d’un critérium infaillible où l’histoire se répète avec une régularité implacable. Toutes les fois que la criminalité prend dans le pays des proportions inquiétantes, que le chiffre des impoursuivis augmente, que l’audace des malfaiteurs s’accroît, que les routes, de-ci, de-là, deviennent peu sûres, tournons nos regards vers la gendarmerie.

Nous la trouverons occupée à de multiples et faciles besognes au profit de diverses autorités, mais au préjudice évident de sa mission propre tendant à une police active, préventive et répressive. Voyez, à une époque de brigandage, la discussion de la loi du 25 pluviôse an V, où Richard constate lors de la séance du 23 nivôse au Conseil des Cinq-Cents, que le « Directoire a trop considéré la gendarmerie comme force publique et pas assez comme moyen de police ». Voyez le rapport du 13 novembre 1897, présenté par M. de Marcère au nom de la commission extraparlementaire chargée de rechercher les moyens propres à améliorer la police du vagabondage et des campagnes, et où il est nettement précisé « que les exigences militaires ne doivent pas faire oublier que la mission prédominante de la gendarmerie, aux termes de sa loi d’institution, est d’être une force instituée pour veiller à la sûreté publique… ». Voyez la circulaire du ministre de l’Intérieur du 10 juin 1898 sur le vagabondage et la police des campagnes, où il est demandé avec insistance aux ministres de la Justice et de la Guerre « de tenter un nouvel et sérieux effort pour alléger la charge encore excessive qu’entraînent pour la gendarmerie les services judiciaires, d’ordre purement militaire, et du recrutement, ainsi que le travail de bureau, car cette force publique doit pouvoir disposer de beaucoup de temps pour la surveillance des campagnes, des routes et des chemins, et pour la répression de la mendicité et du vagabondage, lesquelles constituent ses attributions essentielles ».

Ainsi, le rappel de la mission essentielle de l’arme était motivé à la fin du XVIIIe siècle par le brigandage, à la fin du XIXe par le vagabondage.

À l’heure actuelle, où la sûreté est menacée par un nombre considérable d’étrangers indésirables, par de fréquentes agressions commises sur les routes par des bandits en automobile, voyez les décisions déjà prises en haut lieu pour rendre la gendarmerie à sa mission naturelle en fixant des limites raisonnables à l’instruction militaire de la gendarmerie départementale, officiers et troupe, et à l’emploi des brigades dans le fonctionnement des EPS-OR.

D’accord avec le bon sens, l’histoire atteste ainsi que, dans le choix de son destin, la gendarmerie se trouve inexorablement limitée : ou bien se consacrer à sa noble et ingrate mission essentielle en se détournant de tout régime de facilité, ou bien trahir ses devoirs envers le pays.

Rapports de la gendarmerie avec les diverses autorités

Rapports avec les autorités militaires

On connaît le caractère militaire de la maréchaussée. La loi du 16 février 1791 disposa dans son titre III (article 2) que la Gendarmerie nationale continuerait à faire partie de l’armée et conserverait le rang qu’y avait la maréchaussée ; ces dispositions furent maintenues par la loi du 28 germinal an VI : la gendarmerie prenait la droite des autres troupes et marchait en tête des colonnes (articles 150 et 151). Ainsi, la gendarmerie demeurait un corps mixte. Comme force armée, elle était militaire, mais elle était civile par destination.

Quelles étaient les attributions du ministre de la Guerre ? La loi du 16 février 1791 sur la Gendarmerie nationale ne s’expliquait pas sur ce point ; mais celle des 27 avril - 15 mai 1791 sur l’organisation du ministère disposa en son article 10 : « Le ministre de la Guerre aura la surveillance et la direction de la Gendarmerie nationale, mais seulement pour les commissions d’avancement, la tenue et la police militaire ». Le reste était dans les attributions d’un autre ministre que la loi ne désignait pas expressément, mais qui ne pouvait être alors que le ministre de l’Intérieur, puisque, aux termes de l’article 7, n° 3, celui-ci avait la surveillance et l’exécution des lois relatives à la sûreté et à la tranquillité de l’intérieur de l’État.

Sous la Convention, la loi du 10 vendémiaire an IV (2 octobre 1795) est plus explicite : après avoir rangé le service de la gendarmerie dans les attributions du ministre de l’Intérieur (article 4), elle place dans celles du ministre de la Guerre la Gendarmerie nationale pour l’avancement, la comptabilité, la tenue et la police militaire (article 6). La loi du 28 germinal an VI placera la gendarmerie dans les attributions du ministre de la Guerre pour ce qui concerne le matériel et la discipline.

Quels étaient les rapports de la gendarmerie avec les divers éléments de la défense nationale ?

Au moment où fut promulguée la loi du 16 février 1791, les moyens de défense de la France se divisaient en trois parties : l’armée active ; la réserve de soldats auxiliaires créée par la loi des 28 janvier - 4 février 1791 ; les gardes nationales dont on connaît l’origine(8).

Occupons-nous, en premier lieu, de l’armée active. On sait que la maréchaussée provinciale fut subordonnée au commandement territorial des maréchaux de France à partir de 1547 et aux généraux commandant les divisions dès 1778. Le principe de la subordination aux généraux demeura en vigueur pendant la Révolution et nous avons vu qu’en 1796, lorsqu’on organisa des colonnes mobiles contre les brigands, les brigades de gendarmerie furent placées sous les ordres des généraux commandant la force armée dans les départements(9). La loi du 28 germinal an VI (article 160) maintint à son tour la règle de 1778 : subordination complète aux généraux commandant les troupes sur le territoire, et subordination limitée vis-à-vis des commandants de places. Mais la loi disposa, d’autre part (article 152), que les commandants de troupes ne pourraient intervenir dans les opérations de la gendarmerie ni détourner cette arme des fonctions déterminées par la loi. Les rédacteurs de la loi, disait Lacuée dans son rapport au Conseil des Anciens, avaient voulu « prévenir les conflits d’autorité toujours funestes à la chose publique ».

Néanmoins, ces dispositions de la loi de germinal (articles 152 et 160 précités) n’étaient pas exemptes d’ambiguïté. Comme il en résulta, d’une part, des abus fréquents d’autorité, et, d’autre part, des résistances opiniâtres, une circulaire du ministre de la Guerre Scherer, du 18 vendémiaire an VII, disposa que les officiers de gendarmerie pourraient et devraient même faire des représentations motivées aux généraux dont les ordres paraîtraient de nature à compromettre le service spécial de la gendarmerie.

L’action des autorités militaires sur la gendarmerie reçut une autre limitation, essentielle, quand il s’agissait d’employer cette troupe au maintien de l’ordre. Dans ce cas, l’administration du département chargée d’assurer la tranquillité publique pouvait seule ordonner la formation de détachements de gendarmerie(10). Mais les officiers supérieurs de gendarmerie étaient tenus de donner connaissance aux généraux commandant les divisions militaires, et les officiers subalternes aux commandants des places, de tout ce qui pouvait compromettre la sûreté et la tranquillité publiques(11).

La loi de germinal rappelait en son article 2 qu’en vertu de la constitution de l’an III (article 274) les troupes de ligne (garde nationale en activité) pouvaient concourir avec la gendarmerie au maintien de l’ordre intérieur. Lorsque, par application de ce principe, des officiers de gendarmerie chargés d’une mission reconnaissaient qu’une force supplétive de troupes de ligne leur était nécessaire, la loi de germinal (article 153) les autorisait à adresser directement leurs demandes aux officiers généraux commandant les divisions ou aux commandants des places. (Dans la suite, le soin de requérir les autorités militaires, dans les mêmes circonstances, fut laissé aux préfets.) À grade égal, le commandement de ces détachements mixtes appartenait à l’officier de gendarmerie (article 158). Ajoutons que la gendarmerie pouvait requérir les gardes forestiers et les gardes ruraux (article 159).

En raison de sa mission spéciale, la gendarmerie ne pouvait participer au service de place au même que les autres troupes. Ses fonctions étant essentiellement distinctes du service purement militaire des troupes en garnison, la loi des 8-10 juillet 1791 concernant la police des fortifications et le classement des places et postes conservés décida que la Gendarmerie nationale ne serait jamais regardée comme portion de la garnison des places dans lesquelles elle était répartie (titre 3, article 42) ; en conséquence, les officiers de gendarmerie ne devaient point concourir au commandement militaire dans les places (article 43). Ces dispositions légales sont toujours en vigueur.

Passons à l’armée de réserve constituée par la loi des 28 janvier - 4 février 1791. Pour porter l’armée au pied de guerre, on s’assurait de cent mille soldats auxiliaires de dix-huit à quarante ans, de préférence ayant servi. Ces hommes vivaient dans leur domicile. Livrés à leurs occupations habituelles, ils s’engageaient à marcher en cas de guerre dans l’armée de ligne, contractaient à cet effet un engagement de trois ans avec une solde de trois sous par jour et des droits à la retraite.

Aux termes de la loi des 4-12 juin 1791, dans chaque département un préposé par le roi vérifiait l’aptitude au service des auxiliaires du département et en tenait les contrôles. Dans chaque district, un officier ou sous-officier de Gendarmerie nationale était chargé de tenir les contrôles particuliers des auxiliaires du district ; il entretenait une correspondance suivie, à cet égard, avec le préposé par le roi pour surveiller dans le département tous les détails relatifs aux auxiliaires. L’officier ou sous-officier de gendarmerie assistait aux revues passées par le préposé du roi, soit pour la réception des auxiliaires, soit, ultérieurement, pour s’assurer de leur existence.

Nous venons de voir l’action de la gendarmerie au sein de l’armée, c’est-à-dire de la garde nationale en activité, et auprès de l’armée de réserve de 1791. Quels étaient ses rapports avec la garde nationale sédentaire ? On sait que cette force n’était pas un corps militaire ; elle ne pouvait agir que sur la réquisition des autorités constituées, tandis que la gendarmerie exerçait la majeure partie de ses fonctions sans réquisition préalable.

Observons, d’abord, qu’aux termes de la loi des 29 septembre - 14 octobre 1791 relative à l’organisation de la garde nationale, les officiers, sous-officiers et cavaliers de gendarmerie étaient compris parmi les citoyens dispensés du service de la garde nationale (section I, article 17). Aucun officier des troupes de ligne ni de gendarmerie ne pouvait être nommé officier de garde nationale (article 22) ; cependant, nous voyons que pendant la guerre de Vendée, à Rochefort (Morbihan), le 15 mars 1793, un officier de gendarmerie, le lieutenant Guérin, fut nommé, momentanément, commandant de la garde nationale. La garde nationale avait le pas sur la gendarmerie lorsque ces deux corps se trouvaient en concours de service (section 3, article 11) ; mais cette règle fut inversée par la loi de germinal (article 151) : la garde nationale n’avait plus son prestige du début de la Révolution, tandis que la loi de germinal se proposait, au contraire, d’accroître les prérogatives de la gendarmerie. S’il s’agissait d’actions militaires combinées entre la garde nationale sédentaire et la gendarmerie, le commandement appartenait toujours à l’officier de gendarmerie(12).

En raison de la situation spéciale de la capitale, une loi des 29 septembre - 2 novembre 1791 disposa qu’à Paris et dans les lieux où siégeait l’Assemblée nationale toutes les troupes seraient placées, pendant la durée de leur service, sous les ordres du commandant de la garde nationale. En cas de service extraordinaire, et d’après les ordres du chef de la municipalité, le commandant de la garde nationale requérait le service des troupes de ligne et de gendarmerie ; cependant, lorsqu’il y avait urgence à employer la force publique, comme en cas d’attroupements ou d’émeute, le chef de la municipalité pouvait requérir directement le concours de la force armée. Nous savons qu’au 9 thermidor la Convention, en lutte contre la Commune de Paris, destitua le commandant de la garde nationale et mit hors la loi des officiers municipaux.

Après avoir bien souvent dégénéré, sous la Révolution, en instrument de révolte, la garde nationale fut réorganisée sous le Directoire. L’arrêté du Directoire exécutif du 13 floréal an VII (2 mai 1799) contenait une instruction sur la garde nationale sédentaire et les rapports de l’autorité civile avec la force publique.

Si, en cas d’attroupements séditieux, les forces de garde nationale se trouvaient insuffisantes, le commissaire du Directoire exécutif près l’administration municipale provoquait la réquisition de la Gendarmerie nationale et de tout ou partie de la troupe de ligne qui se trouvait dans son arrondissement.

De leur côté, les officiers de la Gendarmerie nationale, dans le cas où une augmentation de force était nécessaire, avaient l’autorisation de requérir la garde nationale ; mais leur demande devait être adressée à l’administration municipale qui requérait le commandant de la garde nationale de prêter main-forte à la gendarmerie ; dans cette circonstance, le détachement de la garde nationale était toujours sous les ordres de l’officier de gendarmerie, chargé de l’exécution. Ces dispositions de l’arrêté du 13 floréal an VII étaient conformes aux articles 156 et 157 de la loi du 28 germinal an VI.

Rapports avec les autorités civiles

On a vu qu’en 1791 le service de la gendarmerie avait été placé implicitement, par la loi des 27 avril - 15 mai organisant le ministère, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. Malgré cette subordination de principe conforme à la suprématie du pouvoir civil, le pouvoir dont la gendarmerie était légalement investie ne tarda pas à paraître exorbitant, n’étant point soumis au contrôle des autorités locales.

Journellement, comme à l’époque actuelle, des patrouilles militaires sillonnaient les routes, des cavaliers en armes parcouraient les campagnes avec le droit de restreindre, le cas échéant, la liberté des citoyens, de procéder même à des arrestations, sans que les autorités civiles eussent un droit de regard sur ce service habituel qui n’était pas porté à leur connaissance.

Carnot le Jeune, député à l’Assemblée législative, redoutait cette grande liberté accordée à la gendarmerie par la loi du 16 février 1791 qui n’était, à ses yeux, qu’une loi de circonstance. On lit dans son rapport sur la loi du 29 avril 1792 :

« Telle est, Messieurs, la nature d’un corps militaire considérable et permanent dans l’intérieur du royaume que, seul, il pourrait menacer la Constitution et faire rétrograder l’esprit public en attaquant la liberté individuelle, si son organisation n’était ménagée en raison des dangers attachés à sa seule existence. Lorsque l’on envisage le soin extrême qu’a pris l’Assemblée constituante pour assurer la liberté civile, sans laquelle la liberté politique ne peut subsister longtemps ; lorsqu’on réfléchit sur la scrupuleuse attention avec laquelle les lois sur les jurés ont été combinées, on ne peut trop s’étonner de la sécurité, on pourrait dire de la hardiesse avec laquelle elle a essayé d’amalgamer à notre Constitution l’existence d’un corps dont les fonctions journalières les plus essentielles émanent de l’autorité arbitraire qui lui est confiée. Un grand peuple [l’Angleterre], moins jaloux d’acquérir dans toute sa plénitude la liberté politique par les résultats heureux et toujours renaissants de la liberté civile, n’a pas cru devoir tolérer un pareil établissement : aussi, n’est-ce pas sans inquiétudes, Messieurs, que les vrais amis de la liberté ont lu dans la loi sur l’organisation de la gendarmerie quelques dispositions qui fixent ses fonctions habituelles ; et, s’ils ont senti l’utilité d’une pareille loi dans les circonstances présentes, ils n’ont pu cependant l’envisager que comme une loi du moment, que le solide établissement de l’ordre et de la Constitution doit faire disparaître pour toujours. Votre comité, Messieurs, qui a senti tous les inconvénients des lois de circonstance, a donc dû examiner avec attention si celle relative à la Gendarmerie nationale réunissait les moyens les plus propres à lui donner le véritable caractère qu’elle doit avoir : celui de protéger la sûreté et la liberté des citoyens, sans jamais pouvoir leur être nuisible dans aucune circonstance ».

Après avoir examiné les dispositions de la loi de 1791 relatives à la nomination du personnel de la gendarmerie et à l’emplacement des brigades, Carnot ajoutait :

« Il est cependant difficile de ne pas s’apercevoir que ce corps est encore isolé et indépendant des différentes administrations pour toutes les fonctions qui ne sont point sujettes à des réquisitions légales, puisqu’il n’est réellement, jusqu’à présent, que sous les ordres et l’inspection immédiate de ses chefs qui ne rendent compte qu’au ministre de la Guerre : il paraît donc nécessaire que la Gendarmerie nationale, à qui les lois ont accordé des fonctions de police intérieure aussi essentielles que délicates, soit tenue de rendre compte de son service aux corps administratifs chargés par leur nature de la surveiller. Votre Comité vous proposera cette mesure comme absolument indispensable pour corriger les effets pernicieux auxquels pourrait entraîner l’existence d’un corps assujetti à toutes les règles et à toute la discipline militaire, et revêtu en même temps d’une autorité dangereuse puisqu’elle est arbitraire. Le temps n’est pas éloigné où l’on pourra proposer de donner à ce corps un régime plus analogue à l’esprit de la Constitution : ce temps sera celui où le calme sera rétabli ; et il le sera bientôt quand tous les bons citoyens voudront se réunir et s’entendre ».

On sait que la prédiction de Carnot fut loin de se réaliser : les citoyens ne réussirent point à s’entendre ; les partis s’entre-déchirèrent ; le brigandage désola le pays et il n’a jamais été question de toucher à la gendarmerie.

En attendant le rétablissement espéré du calme, Carnot organisa le contrôle civil du service de la nouvelle force publique en faisant incorporer les dispositions suivantes dans la loi de 1792 (titre VI, article 5) :

« Conformément aux anciens règlements, la Gendarmerie nationale tiendra exactement des feuilles de service. Ces feuilles seront adressées chaque mois aux directoires des districts par les officiers commandant la gendarmerie dans leur arrondissement respectif, ainsi que le contrôle exact de chaque brigade à leurs ordres : ils leur feront aussi connaître par écrit, le plus promptement possible, tous les objets qui pourraient intéresser la sûreté et la tranquillité publiques. Les directoires des districts rendront compte sur-le-champ aux directoires de département en leur faisant passer les feuilles de service qui leur auront été remises, avec leurs observations ; les officiers commandant dans les départements correspondront aussi, directement, avec ces directoires, et leur feront connaître notamment les résultats des procès-verbaux de l’extrait desquels ils sont tenus de faire l’enregistrement par les articles 7 et 11 de la section II de la loi du 16 février 1791 ».

L’article 6 prévoyait des sanctions contre les officiers qui contrevenaient aux dispositions qui précèdent.

Par sa circulaire du 24 mai 1792, le ministre de la Guerre recommandait aux administrateurs d’exercer leur surveillance sur la gendarmerie et de maintenir l’exécution du service dans toute l’activité possible. On renouait ainsi la tradition interrompue par la suppression des intendants de l’Ancien Régime auxquels la maréchaussée communiquait ses journaux de service. Au surplus, les officiers municipaux continuaient, comme dans le passé, à apposer leur signature sur les feuilles de service des brigades, et leur action sur la gendarmerie leur était rappelée par un avertissement placé en tête du journal mensuel et que nous retrouverons en traitant de l’exécution du service.

La loi du 10 vendémiaire an IV plaça expressément, on l’a vu, le service de la gendarmerie dans les attributions du ministre de l’Intérieur. En exécution de cette loi, le ministre de l’Intérieur, à la date du 15 nivôse an IV (5 janvier 1796) prescrivait aux administrateurs des départements de le renseigner sur l’assiette des brigades et d’entretenir avec lui une correspondance active sur les augmentations jugées indispensables ainsi que sur les changements de résidence nécessaires et tout ce qui pouvait intéresser le bien du service. Il leur demandait de lui communiquer les états des roues et communes où chaque brigade faisait habituellement son service.

Le service de la gendarmerie étant l’un des plus sûrs moyens de rétablir l’ordre et la tranquillité publiques, il était recommandé aux administrateurs de le faire exécuter avec la plus scrupuleuse exactitude, et de ne rien négliger pour mettre le ministre à même de l’améliorer et de faire cesser les abus qui pouvaient s’y être introduits.

Sur ces entrefaites, le Directoire avait réalisé une réforme importante au point de vue de l’ordre public. Jusqu’à cette époque, et depuis le début de la Révolution, la police n’était qu’une simple institution municipale ; à côté d’elle, la gendarmerie, héritière de la maréchaussée, destinée à poursuivre les criminels, était, alors comme aujourd’hui, la sûreté de tous les citoyens et la sauvegarde de la société.

Mais, à la date du 12 nivôse an IV (2 janvier 1796), la lieutenance générale de police était rétablie sous le nom de ministère de la Police générale. Ce ministère avait la haute main sur la police municipale dans toute l’étendue du territoire, ainsi que la surveillance politique pour déjouer les complots et contenir les séditieux.

Aux termes de la loi du 12 nivôse an IV, le service de la gendarmerie, pour tout ce qui est relatif au maintien de l’ordre public, fut distrait des attributions du ministre de l’Intérieur et releva de celui de la Police générale, et ces dispositions furent confirmées par la loi du 7 germinal an V (titre III, article 6).

La loi du 28 germinal an VI ajouta aux dispositions qui précèdent en plaçant le service de la gendarmerie dans les attributions du ministre de la Police générale pour tout ce qui avait rapport au maintien de l’ordre public et au service habituel des brigades.

Par application de la loi de germinal, le règlement du 7 germinal an VII (Wirion) prescrivait aux chefs d’escadron d’entretenir avec le ministre de la Police générale une correspondance active et régulière sur tout ce qui intéressait la tranquillité publique (article 57).

Jusqu’à cette époque, la magistrature des divers ministres de la Police s’exerça normalement. Dans la suite, Fouché, appelé à ce ministère à partir du 20 juillet 1799, rendit à la police l’esprit d’intrigue et de machinations qui l’avait caractérisée sous l’Ancien Régime ; mais le service de la force publique sous le Consulat et le Premier Empire ne rentre pas dans le cadre de la présente étude réservée à l’époque révolutionnaire.

Le 20 pluviôse an IV (9 février 1796), un arrêté du Directoire exécutif prescrivait aux commandants de gendarmerie, comme aux commandants de place, de se rendre chaque jour, à une heure réglée, chez le commissaire du pouvoir exécutif près les administrations des départements et les tribunaux civils et criminels, tant pour recevoir d’eux les réquisitions et instructions relatives à l’exécution des arrêtés des administrations, jugements et ordres supérieurs, que pour leur communiquer les renseignements qu’ils pouvaient avoir sur tout ce qui concernait l’ordre public. La gendarmerie, on le voit, était placée – comme, d’ailleurs, les commandants des places – sous la dépendance des autorités civiles.

Les dispositions concernant la visite journalière aux commissaires du pouvoir exécutif ne furent pas maintenues par la loi du 28 germinal an VI. Cette loi renouvela l’obligation d’envoyer les journaux de service, à la fin de chaque mois, aux commissaires près les administrations centrales des départements (article 126). La loi voulut, en outre, que les livrets sur lesquels les officiers certifiaient leurs revues ou tournées, et où ils inscrivaient les ordres donnés à leurs subordonnés, fussent paraphés par le commissaire du Directoire exécutif près chaque administration centrale (article 192).

Les dispositions qui précèdent étaient appelées à disparaître ; mais l’obligation de faire connaître aux administrations départementales tous les objets pouvant intéresser la sûreté et la tranquillité publiques fit l’objet de l’article 141 de la loi de germinal, dont le principe n’a jamais cessé d’être en vigueur.

Dans le cadre des réquisitions, la subordination de la gendarmerie au pouvoir civil était assurée dans des conditions de dignité pour l’arme grâce au principe de la réquisition écrite établi sous l’Ancien Régime et maintenu par les lois de la Révolution.

Déjà, la loi des 8-10 juillet 1791 disposait que, dans toutes les circonstances intéressant la police, l’ordre, la tranquillité intérieure des places, lorsqu’il s’agissait, par exemple, de patrouilles régulières, détachements pour le maintien de l’ordre et l’exécution des lois, police des foires, marchés et autres lieux publics, etc., le commandant militaire ne pouvait agir que d’après des réquisitions écrites émanant des officiers civils et dont les divers objets devaient être expliqués en détail ; mais l’exécution de ces dispositions et les mesures capables de la procurer, telles que consignes, conduite et direction des patrouilles, emplacement des gardes, choix des troupes et des armes, etc., demeuraient à la discrétion du commandant militaire.

On voit les précautions prises par le législateur pour prévenir la confusion de la direction d’un service d’ordre appartenant aux officiers civils, et du commandement des troupes qui ne sauraient recevoir d’ordres que de leurs chefs militaires. Ces prescriptions légales sont toujours en vigueur. Cependant, dans la pratique, la séparation de la direction du service et du commandement des troupes est souvent mal établie. Les conséquences de cette confusion peuvent être graves. Les erreurs commises à cet égard sur la place de la Concorde, le 6 février 1934, ont eu sur la politique de la France des conséquences d’une portée incalculable(13).

Les principes exposés ci-dessus, concernant l’obligation d’une réquisition écrite émanant des autorités civiles, furent confirmés par la loi des 26 juillet - 3 août 1791 relative à la réquisition et à l’action de la force publique contre les attroupements (article 6), par la constitution du 3 septembre 1791 (titre IV, articles 8 et 10) et la constitution de l’an III (articles 291 et 292).

Les officiers de gendarmerie n’eurent donc plus le droit, comme sous l’Ancien Régime, de déplacer ou de rassembler les brigades, de leur propre initiative, pour le maintien de l’ordre ; une réquisition des administrations municipales ou départementales était nécessaire, et ce principe fut confirmé par la loi du 28 germinal an VI (articles 144, 145 et 162).

La constitution de l’an III (article 292) voulut que la force publique ne pût être requise, par les autorités civiles, que dans l’étendue de leur territoire ; elle ne pouvait se transporter d’un canton dans un autre sans y être autorisée par l’administration du département, ni d’un département dans un autre sous les ordres du Directoire exécutif. Les dispositions qui précèdent furent maintenues par la loi du 28 germinal an VI (articles 143 à 146).

Cependant, le double principe de la réquisition et de sa validité territoriale souffrait une exception : lorsque la gendarmerie était à la poursuite de délinquants, elle pouvait se porter dans un arrondissement limitrophe et, même, sur le territoire d’un autre département. Cette règle dictée par le bon sens et qui fait l’objet de l’article 146 de la loi de germinal est toujours en vigueur.

Aux termes de l’article 22 de la loi des 26 juillet - 3 août 1791 relative à la réquisition et à l’action de la force publique contre les attroupements, les réquisitions adressées aux commandants, soit des troupes de ligne, soit des gardes nationales, soit de la Gendarmerie nationale, étaient faites par écrit et de la manière suivante :

« Nous… requérons, en vertu de la loi, N… commandant, etc., de prêter le secours de troupes de ligne, ou de la Gendarmerie nationale, ou de la garde nationale, nécessaire pour repousser les brigands, etc., prévenir ou dissiper les attroupements, etc., ou pour assurer le payement, etc., ou pour procurer l’exécution de tel jugement ou telle ordonnance de police, etc. Pour la garantie dudit ou desdits commandants, nous apposons notre signature. Fait à, etc. »

On remarquera que cette formule de réquisition ne diffère guère, au fond, de celle que les intendants des provinces adressaient à la maréchaussée(14). Elle était suffisante pour régler les rapports du pouvoir civil avec les troupes de ligne qui, en principe, ne sont jamais mises en mouvement à la légère ; mais cette formule ne pouvait garantir les chefs de la gendarmerie que le concours de leur troupe, aux attributions multiples, ne serait pas demandé d’une façon abusive par les diverses autorités.

C’est ainsi que la gendarmerie pouvait être chargée de transmettre aux municipalités des campagnes, et même aux citoyens, les avis et instructions du corps législatif ou des autorités administratives(15).

Des abus de l’emploi de la gendarmerie pour ce service particulier étaient inévitables. Il est vrai que le ministre de la Guerre Servan avait tenté de les prévenir. Dans sa circulaire du 24 mai 1792 aux administrateurs des directoires des départements, le ministre écrivait :

« Je ne peux trop vous engager, Messieurs, à considérer que l’objet le plus essentiel du service de la Gendarmerie nationale étant la sûreté des campagnes, il y aurait trop d’inconvénients à l’en détourner pour l’assujettir au transport habituel des lettres et paquets ; j’espère que vous voudrez bien insister auprès des directoires de district et des municipalités pour qu’ils n’y emploient les sous-officiers et gendarmes qu’avec la plus grande circonspection ».

En réalité, pendant la période révolutionnaire où toute la législation fut refondue, le concours de la gendarmerie pour la remise de pièces absorba trop souvent son activité. La désorganisation de cette arme et les abus commis par les autorités dans l’emploi des gendarmes firent négliger la police de sûreté et contribuèrent aux progrès du brigandage. Déjà, à la séance des Cinq-Cents du 23 nivôse an V (12 janvier 1797), Richard fit observer, on l’a vu, que le Directoire avait trop considéré la gendarmerie comme force publique à la disposition des autorités et pas assez comme moyen de police agissant spontanément pour prévenir les crimes et délits.

Le 26 nivôse an VI (15 janvier 1798), le ministre de l’Intérieur faisait sentir aux administrateurs des départements la responsabilité qu’ils encouraient dans l’emploi abusif de la gendarmerie. Il leur rappelait l’importance du service de cette arme et ajoutait :

« Tels sont les détails habituels du service de la gendarmerie ; et dans des temps si voisins surtout d’une révolution et d’une guerre à jamais mémorables qui ont dû mettre tant d’éléments dangereux en formation, on ne peut être raisonnablement surpris qu’il s’élève de diverses parties de la République des plaintes sur l’insuffisance de la gendarmerie ; mais ce qui doit étonner l’administration générale, c’est qu’en se plaignant elles-mêmes de cette insuffisance, les administrations ne se soient pas aperçues qu’elles y contribuaient particulièrement par l’emploi déplacé qu’elles font des militaires qui la composent. En effet, le port des lettres et paquets ou autres soins dont elles les chargent continuellement, en enlève une grande partie à leurs occupations légales et, en affaiblissant le nombre des cavaliers de la brigade, augmente les travaux des autres qui, fatigués bientôt par un service forcé, ou en négligent quelques parties, ou n’apportent plus dans toutes l’activité et la surveillance nécessaires. Ces inconvénients se sont encore multipliés depuis que les commissaires près les administrations et autres fonctionnaires disposent également des gendarmes soit pour les accompagner sans motif, soit pour porter des citations. De là l’irrégularité du service de cette force armée qui ne recouvrera les moyens d’agir avec efficacité pour le maintien de la sûreté intérieure qu’à compter du moment où elle sera rendue exclusivement aux fonctions qui ont un rapport direct avec cet objet de son institution. Veuillez, citoyens, prendre ces observations en grande considération et les transmettre immédiatement soit aux administrations secondaires, soit aux autres fonctionnaires auxquels elles s’adressent. La loi ordonne expressément que la gendarmerie ne pourra être distraite de son service pour aucun objet étranger. La raison et les circonstances s’unissent pour commander à toutes les autorités cette sage circonspection ; l’intérêt public et particulier vous en font un devoir. Je compte sur votre attention à vous y conformer désormais ».

Mais des remontrances aux autorités civiles ne suffisaient pas. Une régression légale vers la mission traditionnelle de la maréchaussée et l’établissement de nouveaux rapports de l’arme avec les différentes autorités étaient indispensables. La réforme fut réalisée par la loi du 28 germinal an VI. Il était nécessaire de fixer exactement les droits des diverses autorités et de les circonscrire par des bornes bien visibles afin, disait le général Lacuée dans son rapport au Conseil des Anciens, d’éviter « le spectacle pénible des luttes qui s’élèvent presque toujours entre des autorités dont les mutuelles prérogatives n’ont pas été déterminées avec assez de précision ».

La loi disposait :

« Considérant […] que le moindre retard pourrait compromettre essentiellement la tranquillité publique, la sûreté des personnes et des propriétés […] ; considérant enfin, qu’il est essentiel de rappeler le corps de la Gendarmerie nationale au véritable but de son institution et au service pour lequel elle est destinée, en réunissant dans un seul code les dispositions législatives qui doivent déterminer le service habituel de cette troupe, ses rapports avec les autorités civiles, avec la garde nationale sédentaire et la garde nationale en activité ».

Nous avons vu ci-dessus comment furent réglés les rapports avec les autorités militaires. À l’égard des autorités civiles la loi usa de formules impératives. L’article 149 interdit, sous quelque prétexte que ce soit, d’employer les gendarmes à porter les dépêches et correspondances des autorités ; les officiers doivent s’y opposer formellement.

Les autorités civiles et judiciaires, dans leurs réquisitions à la gendarmerie, ne peuvent, d’après l’article 137, employer d’autres termes que ceux consacrés par l’acte constitutionnel. Or, on ne voit dans les articles 291 à 294 de la constitution de l’an III que les mots réquisition, requérir ; donc, l’autorité civile qui met en action la force publique ne peut pas dire qu’elle ordonne, qu’elle enjoint, ou se servir d’autres expressions semblables. La même règle s’appliquait aux réquisitions que les officiers de justice et autres adressaient jadis à la maréchaussée(16).

En outre, à l’égard de la gendarmerie, la loi de germinal considéra comme insuffisante la formule de réquisition de 1791 ; elle exigea une formalité de plus dans les réquisitions à la Gendarmerie nationale : l’énonciation de la loi ou de l’arrêté qui ordonne l’action de la gendarmerie. L’article 147 dispose :

« Les autorités civiles qui requerront les commandants de la Gendarmerie nationale dans les cas prévus par la loi ne pourront le faire que par écrit. Les réquisitions énonceront la loi, l’arrêté du Directoire ou de l’administration ou de toute autre autorité constituée en vertu de laquelle la gendarmerie doit agir ; elles seront toujours adressées aux commandants de la gendarmerie des arrondissements respectifs ».

Ainsi, le commandant d’une troupe de gendarmerie requise trouvait désormais sa garantie, non plus dans la signature de l’autorité requérante, comme le veut encore la formule de 1791 demeurée applicable aux troupes de ligne, mais dans la légalité de l’objet de la réquisition.

Ces principes nouveaux furent rappelés peu après dans l’arrêté du Directoire exécutif du 13 floréal an VII (2 mai 1799) concernant une instruction sur la garde nationale sédentaire et les rapports de l’autorité civile avec la force publique. Tout en reproduisant, à l’usage d’une troupe de garde nationale requise, la formule de 1791, l’arrêté faisait observer que la loi du 28 germinal an VI exigeait une formalité de plus dans les réquisitions à la Gendarmerie nationale.

Mais la loi de germinal n’avait fait que poser un principe ; elle n’indiquait pas la formule exacte des réquisitions adressées à la gendarmerie ; elle laissait ce soin au règlement de service qui devait être rendu pour son application. Dans son règlement dit de l’an VIII, mais qui est, en réalité, du 8 germinal an VII, le général Wirion proposait la formule suivante dont le commencement et la fin s’inspiraient de l’ordonnance de 1778 :

« Au nom de la loi [désigner en cet endroit l’autorité constituée qui fait la réquisition]. Au [rappeler le nom, le grade et la résidence du commandant de la Gendarmerie nationale à qui la réquisition est adressée]. Le service de la République exige que la ou les brigades de la Gendarmerie nationale que vous commandez en conséquence de [placer ici la date de l’arrêté et désigner l’autorité dont il émane] fassent… se transportent… arrêtent… donnent main-forte suffisante pour [expliquer ici très exactement l’objet de la réquisition] et que vous nous fassiez part de l’exécution de ce qui ci-dessus requis. Fait à… [suivent les signatures et sceau de l’autorité qui requiert] ».

Wirion ajoutait :

« C’est sur les chefs de la Gendarmerie nationale à qui les réquisitions sont adressées que la loi fait peser ensuite la responsabilité de l’exécution : à eux seuls appartient le droit d’ordonner les mouvements des brigades, et de faire toutes les dispositions militaires qu’ils jugeront les plus efficaces, et de commander le nombre d’hommes qu’ils jugeront nécessaire pour l’exécution des réquisitions de l’autorité civile (article 189) ».

Dans ce même article 189 on lisait :

« Dans aucun cas les gendarmes nationaux n’agissent, en vertu des réquisitions, que d’après les ordres de leurs chefs respectifs en suivant les règles de la hiérarchie militaire ».

Telle était l’interprétation, par son principal auteur, de la loi de germinal. Dans la suite, ces principes trouvèrent leur application dans les décrets organiques successifs de l’arme : ordonnance du 29 octobre 1820 (article 58), décret du 1er mars 1854 (article 96), et, en dernier lieu, décret du 20 mai 1903 (article 74), toujours en vigueur et ainsi libellé :

« République française. Au nom du peuple français, conformément à la loi… en vertu de… [loi, arrêté, règlement] nous requérons le [grade et lieu de résidence] de commander, faire… se transporter… arrêter, etc., et qu’il nous fasse part [si c’est un officier] et qu’il nous rende compte [si c’est un sous-officier] de l’exécution de ce qui est par nous requis au nom du peuple français »(17).

Comme si l’on ne pouvait espérer que les autorités requérantes observeraient régulièrement les formes prescrites pour l’établissement de leurs réquisitions, la loi de germinal rechercha une protection particulière contre les abus de pouvoir en mettant en jeu la responsabilité des exécutants. Le même article 147 défendit, en effet, aux commandants de gendarmerie, de mettre à exécution les réquisitions qui ne seraient pas revêtues des formalités requises sous peine d’être poursuivis comme coupables d’actes illégaux et arbitraires.

Nous voyons ainsi que, précédant la circulaire Scherer, du 18 vendémiaire an VII, dont nous avons parlé ci-dessus, en traitant des rapports de la gendarmerie avec les autorités militaires, l’article 147 de la loi de germinal conférait déjà à la gendarmerie un droit dont elle est seule à jouir dans l’armée : le droit de délibérer(18). Mais si les réquisitions étaient faites dans les formes légales, les militaires de la gendarmerie qui refusaient de les exécuter étaient poursuivis en justice(19) sans préjudice de la destitution(20).

L’autorité civile qui avait requis la gendarmerie ne pouvait s’immiscer dans les opérations militaires ordonnées par les chefs responsables de l’exécution des mesures demandées ; elle ne pouvait exiger que le rapport de ce qui avait été fait en conséquence de la réquisition(21).

On a vu ci-dessus comment le principe qui précède, toujours en vigueur, fut traduit par Wirion dans son règlement de service (article 189 relatif aux réquisitions des autorités civiles). C’est dans la loi de germinal que la gendarmerie allait trouver le secret de sa force. Nous verrons, en traitant de l’exécution du service, que cette loi ne tarda pas à produire d’heureux effets.

Rapports avec les autorités judiciaires

Les officiers de gendarmerie avaient des fonctions de police judiciaire que nous examinerons plus loin et dans lesquelles ils étaient placés sous la surveillance du directeur du jury par le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV (titre I). D’autre part, pour ce qui était relatif à l’exercice de la police judiciaire, la gendarmerie fut placée par la loi de germinal (articles 171 et 174) dans les attributions du ministre de la Justice.

La loi du 16 février 1791 (section II) et celle de germinal (article 125) prescrivaient à la gendarmerie de recueillir, au cours de son service ordinaire, des renseignements sur les crimes et délits publics et de procéder à des arrestations dans les cas énumérés dans ces lois.

Quels étaient ces crimes et délits publics ? Aux crimes ou délits privés qui étaient les infractions ne pouvant être dénoncées que par ceux qui en étaient particulièrement offensés, parce que ces infractions intéressaient les particuliers et non la sûreté publique, comme les injures, larcins, légères voies de fait, etc., l’ancien droit opposait les crimes ou délits publics qui pouvaient être dénoncés par toutes sortes de personnes ; c’étaient – en ne citant que les crimes retenus par la législation moderne – la fausse monnaie, les vols sur les grands chemins ou avec effraction, les ports d’armes et assemblées illicites, les rébellions, assassinats, empoisonnements, incendies et autres crimes de cette nature(22).

En réalité, l’énumération des crimes publics, donnée par les criminalistes de l’Ancien Régime, ressemble fort à celle des cas prévôtaux définis par l’ordonnance de 1670, c’est-à-dire aux infractions de la compétence des prévôts des maréchaux, crimes sur lesquels la maréchaussée se renseignait dans ses tournées(23).

On voit qu’en respectant, dans l’expression crimes ou délits publics, la terminologie de l’ancienne législation, les lois de la Révolution ne voulurent point charger la gendarmerie de se renseigner ni de renseigner les autorités judiciaires sur les simples contraventions de police. Ce n’est qu’au cours du XIXe siècle, et progressivement, que l’action répressive de la gendarmerie s’est étendue aux infractions de simple police. Les procès-verbaux de corps de délit, de capture ou d’arrestation devaient être déposés dans les trois jours au greffe du tribunal de district(24), ou dans les vingt-quatre heures au juge de paix ou à tout autre officier de police judiciaire de l’arrondissement(25).

Un arrêté du Directoire du 22 frimaire an VII (12 décembre 1798) voulut que les procès-verbaux des gendarmes concernant la police générale et de sûreté et la vindicte publique fussent enregistrés gratis.

Les procès-verbaux de la gendarmerie étaient faits sur papier libre(26).

Les capitaines de gendarmerie étaient tenus de faire connaître aux commissaires du Directoire près les tribunaux civils et criminels tous les objets qui pouvaient intéresser la sûreté et la tranquillité publiques et pouvaient recevoir d’eux des réquisitions(27).

Nous avons dit plus haut qu’aux termes de l’arrêté du Directoire du 20 pluviôse an IV (9 février 1796) les officiers de gendarmerie étaient tenus de se rendre chaque jour, à une heure réglée, chez les commissaires du pouvoir exécutif près les tribunaux civils et criminels. Un arrêté additionnel du 16 pluviôse an V (4 février 1797) rendit ces visites obligatoires auprès des commissaires exécutifs près les tribunaux correctionnels dans les localités qui n’étaient pas chefs-lieux de tribunaux civils et criminels ; mais la loi de germinal abrogea toutes ces dispositions.

Au surplus, ce que nous avons dit ci-dessus au sujet de la légalité des réquisitions des autorités civiles s’appliqua aux réquisitions émanant des autorités judiciaires ; en outre, il y a lieu de faire ici une remarque très importante. Il faut observer que s’il appartenait à la gendarmerie, au cours de ses tournées, de recueillir des renseignements sur les crimes et délits publics et d’en donner connaissance aux autorités compétente(28), les réquisitions des commissaires près les tribunaux adressées à cette force publique ne pouvaient concerner que l’exécution des jugements et ordonnances de justice(29), à l’exclusion, par conséquent, de tous actes d’information officieuse. Ces dispositions restrictives n’étaient point une création du droit intermédiaire ; elles étaient la suite naturelle de l’ancienne législation.

De même que les gendarmes de l’an VI lorsqu’ils agissaient en vertu de l’article 125 de la loi de germinal, si les cavaliers de maréchaussée apprenaient, au cours de leurs tournées, qu’il avait été commis quelque crime ou délit, ils dressaient des procès-verbaux de renseignements(30), et là s’arrêtait leur rôle ; la suite de la procédure appartenait au magistrat et à lui seul.

En effet, de même que la loi de germinal à l’égard de la gendarmerie, l’ordonnance criminelle de 1670 ne prévoyait la réquisition des prévôts des maréchaux que pour la mise à exécution des décrets et mandements de justice (titre II, article 3). La maréchaussée ne pouvait être requise pour interroger des témoins. La législation était formelle à cet égard : l’information était faite en présence du juge (titre VI, article 8) ; en particulier, le prévôt des maréchaux, juge lui-même, on le sait, des cas prévôtaux, ne pouvait, sous peine d’interdiction, donner des commissions pour informer à ses archers (titre II, article 5). L’information par des sergents ou des archers, jusqu’alors tolérée sous l’empire de l’ordonnance criminelle de Villers-Cotterets (1539), était désormais interdite. Telles sont les origines de l’interdiction prononcée par l’article 140 de la loi de germinal.

Il importe de constater qu’aujourd’hui encore ni le Code d’instruction criminelle, ni aucune loi spéciale n’a abrogé les dispositions formelles de la loi de germinal que nous venons de citer, ni autorisé les magistrats à se faire suppléer, pour les enquêtes judiciaires, par la gendarmerie.

C’est la question des enquêtes officieuses, qu’ont fini par admettre une jurisprudence utilitaire et le décret du 20 mai 1903 sur l’organisation et le service de la gendarmerie (article 81), et dont nous ne dirons que quelques mots.

D’une manière générale, la doctrine semble s’accorder sur ce point que les enquêtes officieuses des officiers ou agents de la police judiciaire ne seraient pas illégales ; elles ne seraient qu’extralégales. Nous venons de voir que celles de la gendarmerie sont bien contraires à la loi de germinal (article 140), ce qui n’ôte rien, d’ailleurs, à leur grande utilité.

Quelle est leur origine ? En raison de la commodité d’emploi des brigades et de la confiance que les enquêtes de la gendarmerie inspirent aux magistrats, l’usage s’établir, chez les chefs du parquet, de faire recueillir par les brigades des renseignements judiciaires. Il y eut des abus contre lesquels protestèrent les chefs de l’arme ; contre la résistance de ces derniers s’éleva à son tour le procureur général Gensoul dans son fameux discours de Chambéry sur les auxiliaires de la justice, à la séance de rentrée du 16 octobre 1901.

En définitive, de tous les règlements rendus pour l’application de la loi de germinal : ordonnance du 29 octobre 1820, décret du 1er mars 1854, décret du 20 mai 1903, seul ce dernier a autorisé le procureur de la République et, même, le juge d’instruction à adresser à la gendarmerie toutes demandes de renseignements utiles. C’est l’article 81, qui manque de base légale, mais dont la suppression frapperait la justice française d’une paralysie redoutable(31).

Attributions de la gendarmerie

Fonctions spéciales des officiers

Dispositions générales

La gendarmerie hérita de la maréchaussée le principe de la division du travail. Depuis la répartition de la troupe en brigades de cinq hommes par la réforme de 1720, les prévôts et leurs lieutenants ne commandaient plus eux-mêmes les chevauchées ; ils n’assistaient pas aux tournées faites par les brigades ; par contre, l’exercice de la justice prévôtale leur était, comme jadis, réservé, et ils passaient des revues du personnel dont ils contrôlaient le service. De même, sous la Révolution, seuls les officiers remplissaient les fonctions d’officier de police judiciaire, et ils dirigeaient et contrôlaient le service des brigades qui seules effectuaient les tournées de communes.

Les officiers avaient-ils néanmoins et ont-ils encore aujourd’hui qualité pour remplir les fonctions expressément assignées à leurs subordonnés chefs de brigade et gendarmes ? Cette question a été parfois discutée. Elle doit être résolue par l’affirmative. Cela ne saurait faire difficulté si l’on se reporte à la loi des 16-29 septembre 1791 concernant la police de sûreté. En effet, en chargeant les capitaines et les lieutenants de gendarmerie, concurremment avec les juges de paix, comme on le verra plus loin, des fonctions d’officier de police, la loi eut soin de préciser en son titre I, article 3, que, là où ils ne rempliraient pas ces fonctions spéciales, les capitaines et lieutenants n’auraient que « celles attribuées à la gendarmerie par l’article 1er de la seconde section du décret du 24 décembre 1790 ». Or, il s’agit des fonctions énumérées dans la loi du 16 février 1791 et habituellement remplies par les brigades, ce qui résout la question.

Dans la suite, la loi du 28 germinal an VI, base du service actuel de la gendarmerie, a placé à son tour les fonctions dont il s’agit sous le titre : « Des fonctions de la Gendarmerie nationale » (titre IX), sans distinguer entre les officiers et la troupe.

Il en résulte que si, pour des raisons tirées de la discipline et de l’intérêt d’un meilleur rendement, il a été nécessaire de procéder, entre les divers échelons de la hiérarchie, à une division pratique des attributions, les officiers ont néanmoins reçu de la loi une compétence égale à celle des gradés et gendarmes quant à l’exécution du service et aux constatations qui peuvent en résulter.

Suppression de la justice prévôtale

On sait que, par un décret provisoire du 6 mars 1790, sanctionné par le roi le lendemain et rendu à l’occasion d’une plainte contre le prévôt de Tulle, l’Assemblée constituante décida que les procédures commises par les prévôts de maréchaussée seraient suspendues. On a vu aussi qu’un peu plus tard la justice prévôtale fut définitivement supprimée par un décret des 6-7-11 septembre 1790.

Nous avons montré qu’après la suppression de la justice prévôtale les excès du brigandage obligèrent les divers gouvernements à recourir à des lois de circonstance et, même, à des tribunaux spéciaux jugeant souverainement(32). L’abolition des pouvoirs judiciaires des prévôts apporta dans la recherche des malfaiteurs un relâchement nuisible à la sûreté publique.

On sait que dans chaque compagnie de maréchaussée le lieutenant était chargé de la justice prévôtale. Or, cet officier tenait un compte exact des vols, meurtres, brigandages, désordres qui se commettaient dans son arrondissement ; il y joignait le signalement des personnes évadées soupçonnées d’avoir commis quelque délit ; tout y était consigné, jusqu’à la description des objets volés, ce qui a fait plus d’une fois retrouver les coupables.

Des feuilles particulières de chaque lieutenant on composait un état pour toute une généralité ; cet état était imprimé sous le titre d’Extrait de la correspondance de la maréchaussée de telle généralité. Il en était envoyé des exemplaires aux officiers de police et de toutes les brigades de maréchaussée, tous les huit jours.

Le lieutenant de police de Paris, celui de Lyon et les corps judiciaires chargés de la répression du brigandage en recevaient également. Aucun événement important pour la sûreté et la tranquillité ne restait inconnu. Il y avait une correspondance générale entre tous les surveillants de la sûreté publique, et cette correspondance revenait à très peu de frais. Cette surveillance méthodique, qui mettait sous la main de la maréchaussée les malfaiteurs et les brigands, cessa lorsqu’en 1790 fut supprimée la justice exercée par les lieutenants de maréchaussée.

Ses avantages ne purent se retrouver, même après la création du ministère de la Police générale, dans les rapports de police qui, n’étant pas entre les mains de la gendarmerie, ne pouvaient la mettre à même d’exercer ses fonctions avec la promptitude de l’ancienne maréchaussée.

Sans doute, les lois nouvelles voulurent-elles que les signalements des brigands, voleurs, assassins et des individus sous mandat fussent délivrés à la gendarmerie(33). Sans doute encore, les corps municipaux devaient-ils communiquer à la gendarmerie, au cours de ses tournées, les listes d’individus à surveiller(34). Mais ce n’est qu’à une époque assez récente, notamment avec le bulletin de police criminelle tenu au ministère de l’Intérieur, que la diffusion des signalements des individus à arrêter a revêtu le caractère méthodique que lui imprimait jadis l’Extrait de la correspondance de la maréchaussée.

Justice ordinaire

La Révolution ayant supprimé la justice prévôtale, comment utilisa-t-on la compétence judiciaire des officiers de la ci-devant maréchaussée ? La question se posa, pour la première fois, lors de la discussion de la loi des 16-29 septembre 1791 concernant la police de sûreté, la justice criminelle et l’établissement des jurés. Malgré l’opposition de certains orateurs, qui redoutaient de donner à un officier de maréchaussée le « despotisme judiciaire » et le « despotisme militaire », la loi confia aux officiers de gendarmerie les fonctions de police de sûreté en concurrence avec les juges de paix. Cette concurrence était exercée par les capitaines et les lieutenants dans les villes où il n’y avait qu’un seul juge de paix. Dans les autres postes, les officiers de gendarmerie ne pouvaient remplir que les fonctions ordinaires de la gendarmerie(35). L’officier de police procédait à l’instruction préparatoire, soit d’office en cas de flagrant délit ou sur la clameur publique (titre IV), soit sur plainte de la partie lésée (titre V) ou dénonciation civique (titre VI).

Il faut observer que, dans le droit intermédiaire, c’est-à-dire depuis le commencement de la Révolution jusqu’aux codes napoléoniens, l’expression flagrant délit s’appliquait aussi bien aux simples délits qu’aux crimes proprement dits.

Tout dépositaire de la force publique et, même, tout citoyen était tenu de s’employer pour saisir un homme trouvé en flagrant délit ou poursuivi par la clameur publique comme coupable d’un délit, et de l’amener devant l’officier de police. Ce dernier interrogeait l’inculpé sur-le-champ ou, au plus tard, dans les vingt-quatre heures.

S’inspirant de l’ancien droit, la loi de 1791 assimilait au flagrant délit le cas d’un homme fortement soupçonné d’être coupable d’un délit déjà dénoncé, comme lorsqu’il était trouvé saisi des effets volés ou d’instruments servant à faire présumer qu’il était l’auteur du délit. La capture pouvait, d’ailleurs, avoir lieu quel que fût le temps écoulé depuis l’accomplissement du délit. Si les inculpés ne pouvaient être saisis, l’officier de police délivrait un mandat d’amener pour les faire comparaître devant lui.

Il procédait aux premiers actes d’information, c’est-à-dire entendait des témoins et dressait des procès-verbaux ; après interrogatoire de l’inculpé, il pouvait, soit le mettre en liberté, soit le faire incarcérer en vertu d’un mandat d’arrêt qui devait contenir le motif de l’arrestation.

De l’officier de police de sûreté, l’affaire passait ensuite au directeur du jury d’accusation, composé au moins de huit citoyens. Le directeur du jury était un juge du tribunal de district. Si ce jury d’accusation décidait de mettre l’accusé en jugement, ce dernier comparaissait, au chef-lieu du département, devant un jury de jugement composé de douze citoyens qui prononçaient sur le fait. Si l’accusé était reconnu coupable, les juges du tribunal criminel n’avaient plus qu’à appliquer la loi en conséquence.

Il convient d’observer que la compétence des officiers de gendarmerie n’était entière qu’en cas de flagrant délit. Si une plainte ou dénonciation civique était portée devant lui, l’officier de gendarmerie pouvait bien délivrer un mandat d’amener, mais seulement devant le juge de paix de la résidence du prévenu ou du lieu du délit, lequel juge de paix pouvait seul décerner, s’il y avait lieu, le mandat d’arrêt (titres V et VI). Les fonctions qui précèdent confiées aux capitaines et lieutenants de gendarmerie rappelaient, par leur importance, du moins en cas de flagrant délit, les anciennes attributions des officiers de maréchaussée ; elles ne devaient pas avoir une longue existence.

Sans doute, le code du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) confiait-il aux officiers de gendarmerie des fonctions de police judiciaire. Cette police était exercée par les commissaires de police, les gardes champêtres et forestiers, les juges de paix, les directeurs des jurys d’accusation, les capitaines et lieutenants de Gendarmerie nationale (titre Ier) ; mais seuls les juges de paix exerçaient ces fonctions dans toute leur plénitude.

Nous ne nous occuperons ici que des officiers de gendarmerie. Ils ne pouvaient agir, comme officiers de police judiciaire, que par délégation du directeur du jury d’accusation. Ce dernier pouvait, pour la recherche et la poursuite d’un délit quelconque commis dans une commune où il n’y avait pas plus d’un juge de paix établi, charger un capitaine ou lieutenant de la Gendarmerie nationale de l’exercice des fonctions de la police judiciaire jusqu’au mandat d’arrêt exclusivement. Les mandats d’amener que les officiers de gendarmerie délivraient dans ce cas portaient l’ordre de conduire les prévenus devant le juge de paix ou, s’il s’agissait de délits de sa compétence, devant le directeur du jury lui-même (titre VII). Cependant, par dérogation aux dispositions qui précèdent, l’officier de gendarmerie avait le droit de décerner des mandats d’amener, sans réquisition du directeur du jury, en cas d’attentats sur les grandes routes ou d’autres crimes prévus par la loi du 29 nivôse an VI rendue contre les brigands(36).

On trouve, dans le code du 3 brumaire an IV, non seulement le mandat d’amener, mais aussi le mandat de comparution analogue au décret d’ajournement personnel de l’ancien droit.

Un prévenu pouvait être traduit sans mandat d’amener devant le juge de paix lorsqu’il avait été surpris en flagrant délit. La loi de brumaire assimilait au cas de flagrant délit celui où le délinquant, surpris au milieu de son crime, était poursuivi par la clameur publique et celui où un homme était trouvé saisi d’effets, armes, instruments ou papiers servant à faire présumer qu’il était l’auteur du délit. Dans ces divers cas, tout dépositaire de la force publique et même tout citoyen était tenu de saisir le prévenu et de l’amener devant le juge de paix. Le législateur de brumaire suivait ici, on le voit, la loi de 1791.

La loi consacrait un titre spécial (titre VI) à l’exécution du mandat d’arrêt. Déjà, la constitution de l’an III (article 223) exigeait que le mandat d’arrêt exprimât formellement, non seulement le motif de l’arrestation, mais encore la loi en conformité de laquelle elle était ordonnée. Le code du 3 brumaire an IV régla avec précision la mise à exécution du mandat d’arrêt : c’est ainsi que, si le prévenu ne pouvait être saisi, une perquisition était opérée à son dernier domicile, par le porteur du mandat, en présence des deux plus proches voisins ; le procès-verbal de perquisition était signé par les deux voisins et visé par l’agent municipal du lieu ou de son adjoint (article 135).

Rappelons que les capitaines et lieutenants de gendarmerie, de même que les autres officiers de police judiciaire (commissaires de police, gardes champêtres et forestiers et juges de paix), étaient placés sous la surveillance du directeur du jury et pouvaient être poursuivis par l’accusateur public en cas de négligence, d’abus d’autorité ou d’infraction à la loi dans l’exercice des fonctions de la police judiciaire (titre Ier).

La loi du 28 germinal an VI, relative à l’organisation de la Gendarmerie nationale, n’apporta aucune innovation dans les fonctions d’officier de police judiciaire conférées aux capitaines et aux lieutenants. Elle se borna à rappeler à ces officiers, en ses articles 194 à 196, les devoirs qui leur étaient imposés par le code du 3 brumaire an IV et par les autres lois relatives à la police judiciaire.

Telles étaient les fonctions de police judiciaire confiées pendant la Révolution aux officiers de gendarmerie.

Sous le Consulat, dont l’étude ne rentre pas dans le cadre du présent travail, la loi du 7 pluviôse an IX instituera un ministère public chargé de la recherche et de la poursuite des crimes et délits ; les officiers de gendarmerie ne seront plus désormais, de même que les juges de paix et les autres officiers de police judiciaire, que de simples auxiliaires de ce ministère public.

On a vu qu’en dehors des devoirs qui incombaient spécialement aux officiers, quant à la police judiciaire, le cercle de leurs attributions s’étendait aux fonctions générales confiées à l’ensemble de la gendarmerie par las lois organiques de l’arme et un certain nombre de lois spéciales.

Nous allons examiner ces fonctions générales dans leurs éléments essentiels.

Fonctions générales

Nous avons défini précédemment, d’après l’article 1er de la loi de germinal, la mission essentielle de l’arme.

Pour l’accomplissement de sa mission, la gendarmerie hérita, de la maréchaussée, de la distinction entre le service ordinaire qu’elle exécute en vertu de la loi seule, sans réquisition préalable, et sous sa seule responsabilité, et le service extraordinaire qu’elle ne peut remplir sans une réquisition expresse de l’autorité compétence. Ces diverses fonctions sont énumérées dans la loi du 16 février 1791, section 2, et la loi du 28 germinal an VI qui, en son titre IX, distingue nettement entre le service ordinaire et le service extraordinaire.

Ces fonctions, sous la Révolution, peuvent être résumées de la manière suivante.

Service ordinaire

Veiller à la sécurité des personnes et des propriétés ; surveiller particulièrement les routes et les campagnes ; protéger l’agriculture et la libre circulation des subsistances ; réprimer le vagabondage et la mendicité ; vérifier les passeports ; maintenir l’ordre dans les lieux publics, les foires, marchés et autres lieux de rassemblement ; protéger le libre exercice du culte ; disperser les attroupements ; faire rejoindre les militaires à l’expiration de leurs congés ou permissions ; assurer la police des troupes en marche.

Recueillir des renseignements sur les crimes et délits publics (on a vu qu’il s’agit d’infractions graves et non de contraventions de police). Opérer des arrestations dans les cas prévus par la loi : arrestations des voleurs, assassins et brigands dont le nombre s’était accru sur beaucoup de points du territoire français ; rechercher et arrêter les réfractaires à la réquisition militaire ainsi que les prêtres non assermentés et toutes personnes passibles de la déportation.

Service extraordinaire

Mettre à exécution les mandats de justice ; transférer les prisonniers(37) ; porter des citations ; porter des cédules aux citoyens appelés à faire partie des jurys d’accusation ou de jugement ; garder des scellés et des particuliers(38) ; prêter la main-forte aux autorités dans tous les cas où elle pouvait être légalement requise, notamment aux préposés des douanes, administrateurs et agents forestiers, percepteurs de contributions, inspecteurs et receveurs chargés de la perception des droits, huissiers et autres exécuteurs de mandats de justice ; fournir les escortes légalement demandées, escorter en particulier les deniers publics, les convois de poudre de guerre, les courriers, voituriers et messageries nationales ; fournir des détachements pour assurer la tranquillité publique ; maintenir l’ordre dans les exécutions de criminels.

Nous allons préciser la limite des attributions de la gendarmerie dans quelques cas particuliers.

Droit d’arrestation

Quelle était, sous la Révolution, l’étendue du droit d’arrestation ? Observons, d’abord, dans les textes révolutionnaires, la distinction entre saisir et arrêter.

La loi du 16 février 1791 disposait que la gendarmerie était tenue de rechercher et poursuivre les malfaiteurs, de saisir toutes personnes surprises en flagrant délit ou poursuivies par la clameur publique, gens trouvés porteurs d’effets volés, d’armes ensanglantées, brigands, voleurs, assassins attroupés, dévastateurs de bois et de récoltes, chasseurs masqués, contrebandiers armés, etc. Si elle n’était pourvue d’un mandat d’arrestation, la gendarmerie n’avait que le droit de saisir le coupable.

Or, la saisie ne faisait pas l’arrestation. Aux termes de la constitution du 3 septembre 1791 (chapitre V, article 10) nul ne pouvait être saisi que pour être conduit devant l’officier de police. À ce dernier appartenait le droit de décerner le mandat d’arrestation en vertu duquel le prévenu était constitué prisonnier. C’est ainsi que la loi des 16-29 septembre 1791 (titres II et IV) et le code du 3 brumaire an IV (titre V) disposèrent, on l’a vu, que tout individu surpris en flagrant délit devait être conduit devant le magistrat chargé de la police judiciaire, en principe le juge de paix ; c’était ce magistrat qui décernait s’il y avait lieu le mandat en vertu duquel le prévenu devait être arrêté et transféré dans une maison d’arrêt.

Cependant, la loi du 28 germinal an VI, pour des raisons de sûreté générale, créa, en faveur de la gendarmerie, un privilège réservé jusqu’alors aux officiers de police, en décidant que certains individus seraient « saisis et arrêtés », c’est-à-dire constitués prisonniers dès qu’ils auraient pu être saisis : émigrés, prêtres déportés, déserteurs, mendiants, tenanciers de jeux de hasard, etc. (article 125).

On s’est étonné, parfois, de cette distinction : si la loi prescrit, par exemple, de saisir et arrêter tout individu commettant des dégâts dans les bois et pris sur le fait (article 125, n° 26), pourquoi se borne-t-elle, quand il s’agit de grands criminels tels que brigands, voleurs de grand chemin, chauffeurs et assassins attroupés, à ordonner de les saisir (article 125, n° 6) ?

La raison en est simple. On ne peut arrêter qu’en cas de flagrant délit (article 169). Or, dans le premier cas, il y a par hypothèse flagrant délit, donc toujours matière à arrestation ; dans le second cas, les grands criminels dont il s’agit devront, de toute manière, être saisis pour être conduits devant l’officier de police qui procédera, s’il y a lieu, à leur arrestation. Il y avait flagrant délit quand le coupable était pris sur le fait ; mais nous avons vu que la loi du 29 septembre 1791 et le code du 3 brumaire an IV, imitant sur ce point l’ancien droit, assimilèrent certains cas au flagrant délit.

En dehors du flagrant délit, la gendarmerie procédait à des arrestations en mettant à exécution les mandats de justice. Cette mission était remplie par la maréchaussée conformément à la déclaration du 10 juillet 1566 interprétative de l’ordonnance de Moulins qui était du mois de février de la même année.

Cependant, depuis l’ordonnance du 19 avril 1760, les officiers et cavaliers devaient se borner à prêter main-forte aux huissiers porteurs de mandats des juges ordinaires. Mais nous savons que les États généraux de 1789 avaient demandé que la maréchaussée fût de nouveau compétente comme jadis pour mettre elle-même à exécution ces sortes de mandats. Il fut satisfait à ces vœux par la loi du 16 février 1791 (section II, articles 3 et 4), et nous avons vu ci-dessus que les lois du 29 septembre 1791 et du 3 brumaire an IV traitèrent du mandat d’amener et du mandat d’arrêt. À son tour, la loi de germinal disposa (article 133) que les mandats d’arrêt décernés par les juges de paix et autres officiers de police judiciaire pouvaient être notifiés aux prévenus et mis à exécution par les gendarmes nationaux.

On a vu que, lorsque le prévenu ne pouvait être saisi, les gendarmes porteurs du mandat d’arrêt ne pouvaient perquisitionner qu’à sa dernière habitation(39). Il était pourtant nécessaire que la justice pût faire saisir un criminel quel que fût son lieu de refuge et seule la gendarmerie était la force qualifiée pour remplir cette mission ; mais il fallait prévenir les abus ; c’est pourquoi, lorsqu’un coupable était soupçonné de s’être réfugié dans la maison d’un citoyen, la gendarmerie devait se borner à investir la maison ; elle ne pouvait y rechercher le coupable qu’en vertu d’un mandat spécial de perquisition(40), délivré par un officier de police judiciaire : directeur du jury, juge de paix, etc.(41)

Nous avons montré ailleurs que les dispositions relatives au mandat spécial de perquisition sont des précautions de pure gendarmerie, indépendantes des lois sur la procédure criminelle, et qu’elles ont conservé toute leur valeur. Nous n’y reviendrons pas ici(42). Faisons observer, simplement, que la mise à exécution des mandats et le droit d’arrestation en général devaient respecter certaines règles protectrices de la liberté individuelle que nous allons examiner.

Protection de la liberté individuelle

Les règles traditionnelles sur les limites du droit d’arrestation imposées à la maréchaussée, en dernier lieu, par la déclaration du 26 février 1724 firent l’objet de l’article 169 de la loi de germinal, aux termes duquel, hors le cas de flagrant délit, la gendarmerie ne peut arrêter aucun individu sans un mandat d’amener ou d’arrêt. La loi de germinal a procuré ainsi jusqu’à nos jours, à la liberté individuelle, une protection efficace conforme aux plus vieilles traditions de l’arme.

Nous savons déjà que tout individu saisi en flagrant délit devait être conduit à l’instant devant l’officier de police ; si ce dernier ne pouvait, pour cause d’absence, l’entendre immédiatement après la capture, le prévenu pouvait être gardé à vue dans une des salles de la maison commune ; mais la conduite devant l’officier de police ne pouvait être différée au-delà de vingt-quatre heures sous peine de poursuites pour détention arbitraire (article 168). Notons que les chambres de sûreté des casernes, dans les résidences où ne se trouvait pas de prison, étaient particulièrement destinées à déposer les prisonniers conduits de brigade en brigade (article 85).

D’autres dispositions de la loi interdisaient de conduire ou retenir un individu dans un lieu de détention autre qu’une prison (article 168) ; d’employer contre les prisonniers des rigueurs autres que celles prévues par la loi, à moins de résistance ou de rébellion (article 170).

L’article 131 proclamait l’inviolabilité du domicile pendant la nuit, conformément à la constitution de l’an III (article 359), sauf dans les cas d’incendie, d’inondation ou de réclamation venant de l’intérieur de la maison. Le même article disposait que, pendant le jour, la gendarmerie pourrait faire exécuter les ordres des autorités constituées dans les cas et formes prévus par les lois, et nous avons vu qu’un mandat spécial de perquisition était nécessaire pour visiter la maison d’un citoyen si l’on supposait qu’un coupable s’y était réfugié.

Les principes édictés par les lois révolutionnaires concernant l’inviolabilité du domicile passèrent dans la constitution de l’an VIII (article 76) ; elles font l’objet, de nos jours, de l’article 169 du décret du 20 mai 1903.

Le temps de nuit où ces différents textes défendent à la gendarmerie d’entrer dans la maison d’un citoyen fut réglé par les dispositions de l’article 1037 du Code de procédure civile (décret du 4 août 1806) qui passèrent dans les divers règlements organiques de l’arme.

C’est pour la gendarmerie un devoir impérieux que de concilier le droit d’arrestation, soit en cas de flagrant délit, soit en vertu d’un mandat de justice, avec le devoir de respecter l’inviolabilité du domicile quand le coupable s’est réfugié dans une maison.

Les lois révolutionnaires – 16 février 1791, 29 septembre 1791, 29 avril 1792, constitution de l’an III, code du 3 brumaire an IV, loi 28 germinal an VI – posèrent les principes qui régissent encore aujourd’hui cette matière, qu’a interprétés la jurisprudence et que nous allons rappeler succinctement :

– quel que soit le motif qui appelle les agents de la force publique dans la maison d’un particulier, il ne peut y avoir violation de domicile s’ils ne rencontrent pas d’opposition. La jurisprudence s’est prononcée dans ce sens(43) et cela résulte, d’ailleurs, dans tous les cas, des termes de l’article 184 du Code pénal, pourvu que le consentement du maître ait été donné librement et en connaissance de cause ;

– de haute ancienneté, le droit de suivre un coupable jusque dans une maison malgré la volonté du maître, que les gendarmes agissent dans le cas de flagrant délit, ou bien qu’ils soient porteurs d’un mandat de justice, n’est qu’un corollaire du droit d’arrestation accordé, en pareil cas, aux agents de la force publique. Ce droit a été consacré par des textes positifs :

- cas de flagrant délit(44). Voici un cas particulier de flagrant délit où le domicile cesse d’être inviolable : aux termes de l’article 36 du titre XIII de la loi des 28 juillet, 6-22 août 1791, pour l’exécution du tarif des droits d’entrée et de sortie dans les relations du royaume avec l’étranger, les préposés ont le droit de suivre les marchandises de contrebande, sans formalités jusque dans l’intérieur des maisons. La présence d’un magistrat n’est nécessaire, le cas échéant, que si les portes sont fermées et que l’ouverture en soit refusée. C’est par application des mêmes principes que, dans le cas de flagrant délit, les gendarmes ont le droit de poursuivre jusque dans une maison, par exemple un chasseur masqué, parce que ce délinquant doit être saisi(45), mais non un chasseur ordinaire qu’aucune loi n’oblige à mettre en état d’arrestation ;

- cas des mandats de justice : si les gendarmes sont porteurs d’un mandat (à l’exception des contraintes par corps qui sont soumises à des règles particulières), ils ont le droit d’entrer de force dans la maison d’un citoyen(46). Il en a été d’ailleurs jugé ainsi par la Cour de cassation le 12 juin 1834 (affaire Marin) ;

– quand il s’agit de rechercher des individus soupçonnés de s’être réfugiés dans une maison, la gendarmerie a le droit de procéder elle-même à des perquisitions, soit, en cas de mandat d’arrêt, au domicile du prévenu, soit, dans toute autre maison, en vertu d’un mandat spécial de perquisition. S’il s’agit de rechercher des déserteurs ou insoumis en vertu de signalements, le mandat spécial de perquisition peut être suppléé par l’assistance du maire, de son adjoint ou du commissaire de police(47) ;

– si l’entrée de la maison est matériellement interdite, les agents de la force publique n’ont pas le droit de requérir eux-mêmes l’ouverture. Qui aura ce droit ?

- cas de flagrant délit : ce sera toute autorité tenant de la loi, en l’espèce, le droit d’ouvrir une information et de faire arrêter le prévenu : en cas de crime flagrant, tout officier de police judiciaire auxiliaire du procureur de la République, le procureur de la République lui-même ou le juge d’instruction ; en cas de simple délit, seul le juge d’instruction aura ce droit ;

- cas des mandats de justice : si l’entrée est matériellement interdite, il y a lieu de requérir l’assistance du maire, chargé d’assurer l’exécution des lois ;

– les opérations qui précèdent ne peuvent être légalement exécutées que pendant le jour. Cependant, les dispositions de la constitution de l’an III – reproduites dans la constitution de l’an VIII (article 76) – qui restreignent, on l’a vu, le droit d’entrer dans une maison pendant la nuit, ne privent pas la gendarmerie du droit d’y pénétrer si le maître y consent.

Que des gendarmes en service de nuit poursuivent un coupable en flagrant délit et que ce dernier se réfugie dans une maison, aucune loi ne leur défend d’en requérir l’ouverture et aucune loi ne défend au maître de la maison de déférer à cette réquisition. C’est ce qu’a constaté un arrêt de la Cour de cassation, le 16 avril 1812.

De même, un mandat de justice peut être mis à exécution pendant la nuit au domicile d’un citoyen lorsque celui-ci ne refuse pas l’entrée de sa maison ou lorsque l’inculpé s’est réfugié dans la maison d’un particulier et que ce dernier, avisé des recherches faites, autorise à pénétrer dans son domicile pour y opérer l’arrestation de l’inculpé(48).

Maisons ouvertes au public

Les officiers, sous-officiers et gendarmes étaient autorisés par la loi des 22 juin - 20 juillet 1791 à visiter les auberges ou cabarets et autres maisons ouvertes au public pour y faire la recherche des personnes suspectes. Tel était l’objet des visites que la maréchaussée faisait déjà dans les mêmes établissements(49).

La loi de germinal (article 129) maintint les mêmes dispositions : la visite des auberges, cabarets et autres maisons ouvertes au public avait pour but la recherche des personnes signalées ou dont l’arrestation était ordonnée par l’autorité compétente. Les registres tenus par les hôteliers et aubergistes étaient communiqués à la gendarmerie (article 130).

Brigandage, émeutes, révoltes

On a vu au préambule de la section I le rôle dévolu à la maréchaussée, en 1789 et 1790, dans la dispersion des attroupements et la répression du brigandage. La loi des 26 juillet - 3 août 1791, relative à la réquisition et à l’action de la force publique contre les attroupements, disposa en son article 5 : « Les dépositaires de la force publique qui, pour saisir lesdits brigands et voleurs, se trouveront réduits à la nécessité de déployer la force des armes ne seront point responsables des événements ».

Cette excuse légale qui rappelle, par son caractère exorbitant, la déclaration du 25 janvier 1536 sur les attributions des prévôts des maréchaux, témoigne bien de l’épidémie de violences qui sévissait, en 1791 comme en 1789, sur divers points du royaume.

Les lois des 8-10 juillet 1791 et des 26 juillet - 3 août 1791 subordonnèrent à une réquisition écrite l’emploi de la force publique par les diverses autorités pour le maintien de l’ordre et l’exécution des lois(50). Aux termes de la loi des 26 juillet - 3 août 1791, la gendarmerie pouvait être requise, comme les autres troupes, par les autorités civiles ou judiciaires pour marcher contre les brigands ; elle contraignait à l’obéissance quiconque s’opposait à l’exécution des contraintes légales, saisies, jugements ou mandats de justice ou de police. Les officiers municipaux étaient tenus de requérir la gendarmerie pour rétablir la subordination dans les troupes de ligne en révolte(51).

La gendarmerie servant près l’Assemblée nationale, placée dans le service, par la loi des 29 septembre - 2 novembre 1791, sous les ordres du commandant de la garde nationale, pouvait être requise par cet officier en cas de service extraordinaire demandé par le chef de la municipalité. En cas d’urgence pour dissiper des attroupements ou émeutes, la gendarmerie pouvait, comme les autres troupes, être requise directement par le chef de la municipalité. Cette troupe, chargée de la garde du corps législatif et composée de deux compagnies de grenadiers-gendarmes, était sous les ordres d’un lieutenant-colonel placé lui-même sous l’autorité du colonel de Gendarmerie nationale servant au département de Paris.

Conformément à la loi des 11-14 septembre 1792, le lieutenant-colonel qui avait le commandement de ces deux compagnies ne dépendait plus que de l’Assemblée nationale. On sait comment, au 9 thermidor, cette troupe contribua à l’arrestation, sur un décret de la Convention, du général Hanriot, commandant de la garde nationale(52).

Nous avons rappelé, en traitant de la justice prévôtale, les dispositions prises, par la loi du 29 nivôse an VI (18 janvier 1798), pour la répression des vols et des attentats sur les grandes routes, etc., et le rétablissement de la sûreté publique. Au cours de la répression du brigandage, des émeutes et des révoltes, la dispersion des attroupements était soumise à certaines formes que nous allons examiner.

Dispersion des attroupements

La première loi sur les attroupements fut la loi martiale des 21 octobre - 21 novembre 1789(53) ; mais les prescriptions de la loi du 28 germinal an VI concernant la dispersion des attroupements par la gendarmerie (article 125, 9° et 10°, 231, 232) sont une combinaison des principes de la constitution de l’an III (articles 365 et 366) et de la loi des 26 juillet - 3 août 1791 relative à la réquisition et à l’action de la force publique contre les attroupements (articles 9, 25 et 27). Voir aussi l’arrêté du Directoire du 13 floréal an VII (2 mai 1799).

Nous allons dégager les principes généraux de cette législation révolutionnaire.

Les lois de la Révolution sur les attroupements établissent entre eux une double distinction :

- la loi des 26 juillet - 3 août 1791 a emprunté à l’ordonnance criminelle de 1670 la distinction entre l’émeute populaire, qui tend simplement à troubler le bon ordre, et la sédition qui implique une idée de révolte. Est réputé attroupement séditieux aux termes de la loi de 1791 (article 9) et puni comme tel, tout rassemblement de plus de quinze personnes s’opposant à l’exécution d’une loi, d’une contrainte ou d’un jugement.

- qu’il s’agisse d’émeute populaire ou d’attroupement séditieux, la constitution de l’an III distingue entre l’attroupement armé et l’attroupement non armé. Tout attroupement armé est un attentat contre la Constitution ; il doit être dissipé sur-le-champ par la force (article 365). Tout attroupement non armé doit être également dissipé, d’abord par voie de commandement verbal et, s’il est nécessaire, par le développement de la force armée (article 366)(54).

Aux termes de la loi de germinal (article 125, 9° et 10°), la gendarmerie est tenue de dissiper tout attroupement, armé ou non armé. Si l’attroupement est séditieux, elle doit en prévenir sans délai l’autorité civile.

La dispersion des attroupements rentrait dans le service ordinaire de la gendarmerie ; nous venons de voir les principes généraux qui devaient régler sa conduite ; mais le développement de la force armée était soumis à des règles particulières. La loi ne voulait pas que la force publique abusât de sa force en se ruant sans nécessité sur les manifestants. L’intervention de la force des armes devait être précédée, en général, d’avertissements déjà pratiqués sous l’ancienne monarchie(55).

Aux termes de la loi de 1791, les dépositaires de la force publique ne peuvent déployer la force des armes s’ils n’y sont expressément autorisés par un officier civil que dans deux cas : « Le premier, si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux-mêmes(56) ; Le second, s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent ou les postes dont ils sont chargés » (article 25).

La loi de germinal s’exprime différemment (article 231) : « Les membres de la Gendarmerie nationale ne pourront déployer la force des armes [ici il n’est pas question d’autorité civile] que dans les deux cas suivants : le premier, si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux-mêmes ; le second, s’ils ne peuvent défendre autrement les postes ou personnes qui leur sont confiés ou enfin [voici une addition au texte de la loi de 1791] si la résistance est telle qu’elle ne puisse être vaincue autrement que par le développement de la force armée ».

Mais il faut prendre garde que la partie finale de l’article 231, ajoutée au texte de 1791, doit être rapprochée de l’article suivant (article 232) où il est dit, précisément, que, dans le cas où la résistance ne peut être vaincue que par la force des armes, il faut l’intervention et les sommations de l’autorité civile.

Donc, s’ils n’y sont autorisés par un officier civil, la loi fondamentale de germinal ne reconnaît aux militaires de la gendarmerie d’autres droits que ceux qui leur sont conférés par la loi de 1791 (article 25 ci-dessus).

La seule modification apportée par la loi de germinal à celle de 1791 est la suivante : tandis que la loi des 26 juillet - 3 août 1791 n’autorise l’emploi des armes, dans le second cas, que pour défendre le terrain occupé ou les postes dont on est chargé, la loi du 28 germinal an VI l’autorise, de plus, pour défendre les personnes confiées à la force publique.

Concernant les dispositions postérieures à la loi de germinal, l’ordonnance du 29 octobre 1820 sur le service de la gendarmerie n’apporta aucune modification aux dispositions qui précèdent, de la loi de germinal, concernant la dispersion des attroupements.

Mais voici le décret du 1er mars 1854. Dans ce règlement, la corrélation entre les articles 231 et 232 de la loi de l’an VI, que nous venons de faire ressortir, a disparu. L’article 297 du décret de 1854 dispose :

« Les sous-officiers, brigadiers et gendarmes ne peuvent, en l’absence de l’autorité judiciaire ou administrative, déployer la force des armes que dans les cas suivants : le premier, si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ; le second, s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés, ou enfin si la résistance est telle qu’elle ne puisse être vaincue autrement que par la force des armes ».

Ainsi, cet article 297 englobe le cas : « si la résistance est telle qu’elle ne puisse être vaincue autrement que par la force des armes », dans l’ensemble des cas où la gendarmerie peut en venir à cette extrémité sans l’intervention de l’autorité civile. Et le décret du 20 mai 1903 a reproduit, purement et simplement, en son article 174, les dispositions de l’article 297 du décret du 1er mars 1854.

Tout se passe ainsi, dans le décret de 1903 ainsi que dans celui de 1854 comme si la gendarmerie pouvait, en toutes circonstances, déployer la force des armes sans y être autorisée par un officier civil. C’est la violation formelle de la loi de 1791, de la loi de l’an VI et de celle de 1848 sur la dispersion des attroupements.

Que s’est-il donc passé en 1854 ? Reportons-nous à cette époque. La gendarmerie était tenue alors en très haute estime. Le général Ambert, en 1852, avait célébré jusqu’au lyrisme les mérites du gendarme. Les brigades, en décembre 1851, n’avaient-elles pas fait preuve d’un dévouement sans bornes et versé leur sang pour le maintien de l’ordre ? Elles avaient eu des morts à Bédarieux (Hérault), à Clamecy (Nièvre), à Nogent-sur-Vernaison et à Bonny-sur-Loire (Loiret), à Cuers (Var). La gendarmerie était considérée comme le principal obstacle à opposer aux fauteurs de désordre. Ne convenait-il point, dès lors, de mettre à sa disposition le maximum de moyens ?

Ainsi naquirent les dispositions de l’article 297 du décret du 1er mars 1854, dispositions de circonstance, illégales, conférant à l’arme d’élite un pouvoir exorbitant dont elle a eu la sagesse de ne jamais faire usage. La violation des lois sur les attroupements, au XIXe et au XXe siècles, sera uniquement le fait des autorités civiles(57).

Les auteurs du décret du 20 mai 1903 firent allusion aux sommations de l’autorité civile, à l’article 173, en renvoyant le lecteur au décret sur le service de place : mais ils laissèrent subsister, à l’article 174, la disposition finale qui rend, en fait, les sommations sans objet.

Ce texte est illégal, anachronique et fait tache dans la réglementation de l’arme.

Lorsque, avant d’employer la force des armes pour vaincre la résistance, il faut que la nécessité de cette mesure soit reconnue par un arrêté de l’administration centrale ou municipale, l’administrateur qui a délibéré délègue un de ses membres : arrivé avec la force armée au lieu du rassemblement, il prononce à haute voix ces mots :

« Obéissance à la loi ! On va faire usage de la force ; que les bons citoyens se retirent ». Si, après cette sommation, trois fois réitérée, la résistance continue, et si les personnes attroupées ne se retirent pas paisiblement, la force des armes doit être à l’instant déployée contre les séditieux sans aucune responsabilité des événements ; ceux qu’on peut saisir ensuite doivent être livrés aux officiers de police judiciaire pour être poursuivis et jugés suivant la rigueur des lois(58).

Postérieurement à la loi de germinal, les sommations furent réglées de nouveau par la loi du 10 avril 1831 et celle du 7 juin 1848 qui distingue, dans la conduite à tenir par les autorités, entre l’attroupement armé et l’attroupement non armé.

Deux autres modifications aux lois révolutionnaires méritent d’être signalées :

- si les sommations demeurent sans effet, la dispersion de l’attroupement, aux termes des lois de 1791 et de l’an VI, doit avoir lieu par la force des armes. En pareil cas, les lois de 1831 et 1848 se bornent à imposer la dispersion par la force, ce qui n’implique pas l’usage immédiat des armes et laisse au chef militaire une liberté d’appréciation quant au choix des moyens ;

- si, dans les mêmes circonstances, c’est-à-dire après des sommations demeurées sans effet, le chef militaire juge nécessaire d’employer la force des armes, les lois de 1791 et de l’an VI exigent qu’il y soit expressément autorisé par un officier civil.

Cette disposition légale a été modifiée par l’instruction interministérielle du 12 octobre 1934. L’usage des armes, quand le chef militaire le juge nécessaire, ne peut plus avoir lieu sur une simple autorisation ; il faut une réquisition spéciale par l’autorité civile, ce qui a l’avantage de ne laisser au commandant de la troupe le moindre doute sur le consentement du magistrat requérant à l’emploi des moyens extrêmes. Cela peut simplifier le rôle des commissions d’enquête.

Mais, supposons que le chef militaire n’estime pas nécessaire l’usage des armes et que l’autorité civile en juge autrement et remette au commandant de la troupe une réquisition. Dans ce cas, très rare sans doute, mais possible cependant, apparaîtra l’inconvénient de la modification apportée à la loi par une simple instruction ministérielle, en substituant une réquisition spéciale à une autorisation dont on est libre d’user ou de ne pas user. À l’autorité civile qui lui remettrait une réquisition jugée par lui inopportune, le chef militaire pourrait opposer, en effet, l’illégalité d’une réquisition privant la troupe de la liberté de ses moyens d’action, et refuser d’y obtempérer.

Lorsque les membres de la Gendarmerie nationale sont menacés ou attaqués dans l’exercice de leurs fonctions, ils prononcent à haute voix : « Force à la loi ! » et à l’instant où ce cri sera entendu, tous les citoyens seront tenus de prêter main-forte à la Gendarmerie nationale, tant pour repousser les attaques que pour assurer l’exécution des réquisitions et ordres légaux dont la gendarmerie sera chargée(59).

Contraventions de police

La loi du 28 germinal an VI ayant institué la gendarmerie pour assurer le maintien de l’ordre, la jurisprudence s’est appuyée plus tard sur ce fait pour reconnaître aux gendarmes le droit de constater les contraventions de simple police par des procès-verbaux faisant foi en justice(60).

La loi de germinal, cependant, ignore, pour ainsi dire, les simples contraventions. Nous savons déjà qu’en chargeant la gendarmerie de recueillir des renseignements sur les crimes et délits publics, elle n’a pas voulu s’écarter de la tradition suivant laquelle la maréchaussée était destinée à la répression des crimes ou délits graves, des « grands crimes », disaient les arrêts du Grand Conseil du XVIIe siècle.

D’autre part, la loi de l’an VI n’a même pas mentionné les contraventions dans l’énumération des infractions qui doivent, quand elle en est témoin, motiver l’intervention de la gendarmerie ; elle n’a fait d’exception qu’à l’égard des voituriers et charretiers qui ne se tiennent pas à côté de leurs chevaux ou qui obstruent les passages ; c’est le seul cas de contravention de police qu’elle a chargé la gendarmerie de réprimer.

Dans la suite, la carence des maires en matière de police municipale et la faillite de l’institution des gardes champêtres feront attribuer à la gendarmerie une compétence générale en matière de simple police. Elles feront modifier ainsi profondément le caractère d’une force publique que la loi destinait essentiellement de haute ancienneté à la lutte contre les véritables malfaiteurs.

Une loi spéciale conférait à la gendarmerie certaines attributions en matière de police rurale.

Police rurale

La loi des 2-28 septembre - 6 octobre 1791 plaçait spécialement la police rurale sous la surveillance des gardes champêtres et de la Gendarmerie nationale. La loi énumérait les délits ruraux et forestiers et rappelait que tous dévastateurs de bois, récoltes ou chasseurs masqués pris sur le fait pouvaient être saisis par tout gendarme national (titre II, article 39).

La loi du 28 germinal an VI confirma ces dispositions et ordonna, de plus, à la gendarmerie de saisir et arrêter tout individu commettant des dégâts dans les bois, dégradant les clôtures des murs, haies et fossés, encore bien que ces délits ne soient pas suivis de vols ; tous ceux qui seront surpris en commettant des larcins de fruits et de productions d’un terrain cultivé (article 125, 7° et 26°).

Les signalements des brigands, voleurs, assassins, émigrés et déportés, perturbateurs du repos public, évadés des prisons et ceux des personnes contre lesquelles il était intervenu mandat d’arrestation, étaient délivrés à la Gendarmerie nationale qui, en cas d’arrestation de l’un des individus signalés, le conduisait de brigade en brigade jusqu’à la destination indiquée par lesdits signalements(61).

Aux termes de la loi des 19-22 juillet 1791 relative à l’organisation d’une police municipale et correctionnelle (titre I, article 1 et 3), les corps municipaux tenaient un registre de la population, vérifié chaque année, où ceux qui, étant en état de travailler, n’avaient ni moyens de subsistance, ni métier, ni répondant, étaient inscrits avec la note de « gens sans aveu ». Ceux qui refusaient toute déclaration étaient inscrits sous leur signalement et demeure avec la note de « gens suspects ». (Il faut noter qu’au sens de la loi de 1791 comme à celui des anciennes ordonnances de 1760 et 1778, un suspect était un individu soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit quelconque.) Ceux qui étaient convaincus d’avoir fait de fausses déclarations étaient inscrits sous le nom de gens malintentionnés. Il était donné connaissance de ces registres aux militaires de la gendarmerie au cours de leurs tournées.

Conformément au décret de la Convention du 24 ventôse an II (15 octobre 1793), toute personne convaincue d’avoir demandé de l’argent ou du pain dans les rues ou voies publiques était réputée mendiant, arrêtée par la gendarmerie ou les gardes nationales et conduite au juge de paix du canton. De leur côté, les lois sur le service de la Gendarmerie nationale ordonnaient à cette force publique de prendre à l’égard des mendiants, vagabonds et gens sans aveu, les précautions de sûreté prescrites par les lois(62).

Un décret du 17 septembre 1793 prescrivit de mettre en état d’arrestation tous les gens suspects (au sens de ce décret, il s’agissait de suspects au point de vue politique : partisans de la tyrannie ou du fédéralisme, ennemis de la liberté, etc.). Les commissaires de surveillance décernaient les mandats d’arrêt, et les commandants de la force publique, à qui étaient remis ces mandats, étaient tenus de les mettre à exécution sur-le-champ, sous peine de destitution.

Passeports

La loi des 1er février – 28 mars 1792 rendit le passeport obligatoire pour toute personne qui voulait voyager dans le royaume. La gendarmerie était chargée d’exiger des voyageurs la présentation de leur passeport. Ceux qui n’en présentaient pas étaient conduits devant les officiers municipaux qui pouvaient les faire enfermer pour une durée d’un mois dans une maison d’arrêt.

La loi des 28-29 juillet 1792 chargea de nouveau la gendarmerie d’exiger des voyageurs la présentation de leur passeport, dont l’obligation fut renouvelée par le décret du 10 vendémiaire an IV (2 octobre 1795).

Déserteurs et réquisitionnaires

La loi du 24 brumaire an VI (14 novembre 1797) édictait des peines sévères contre les fonctionnaires publics et les officiers de gendarmerie coupables de négligence dans l’exercice de leurs fonctions envers les déserteurs et les fuyards de la réquisition, fonctions dont cette force publique était chargée par la loi de 1791 (section 2, article 1, 17°), et que confirme celle de germinal an VI (article 125, 21° et 22°).

Un arrêté du Directoire, du 3 fructidor an VI (20 août 1798), constatait que l’exécution des lois et arrêtés aux militaires absents de leurs corps, aux réquisitionnaires et aux déserteurs, était entravée par la faiblesse des autorités, les conflits entre les commissaires du Gouvernement et la gendarmerie, la complaisance des officiers de santé dans l’établissement de certificats sur lesquels les congés de réforme étaient délivrés.

L’arrêté confiait directement à la gendarmerie l’exécution des prescriptions concernant les réquisitionnaires et déserteurs. Les administrations centrales et municipales étaient tenues de seconder la gendarmerie en lui fournissant la liste des réfractaires se trouvant dans leur ressort et lui prêtant main-forte en cas de besoin.

La gendarmerie devait veiller avec la plus sévère exactitude sur tous les militaires voyageant isolément avec des feuilles de route, arrêter et conduire à leur destination de brigade en brigade tous ceux qui s’en écartaient.

Quelques jours plus tard, la loi Jourdan, du 14 fructidor an VI, inaugurait la conscription. La recherche des déserteurs et des insoumis rentrait désormais dans la mission permanente de l’arme.

Exécution du service

On a vu quelles étaient les attributions de la gendarmerie sous la Révolution.

Depuis la transformation de la maréchaussée en Gendarmerie nationale, l’ordonnance de 1778 continuait à être appliquée, au cours du service, dans celles de ses parties qui n’avaient pas été abrogées par quelque loi nouvelle. C’est ainsi que deux hommes de chaque brigade exécutaient, comme dans le passé, des tournées journalières ; le service ordinaire et extraordinaire continuait à être mentionné sur un journal mensuel, comme le voulait, d’ailleurs, la loi des 14-29 avril 1792 (titre 6, paragraphe 5), ce qui fut confirmé, plus tard, par la loi du 28 germinal an VI (article 192).

Sur la première page du journal de service, du même modèle que celui en usage dans la maréchaussée, figuraient, en haut et à gauche, le mot Liberté ; en haut et à droite, le mot Égalité ; sous la Convention, ces deux mots encadraient un dessin représentant un bonnet phrygien ; un peu plus bas, à gauche, un avertissement, à l’adresse des officiers municipaux, que nous reproduirons plus loin ; à droite, l’indication de la division (légion), du département, de la compagnie, de la brigade, et celle du mois auquel se rapportait le journal de service.

Chaque page du journal était divisée en cinq colonnes : la première, à gauche, indiquait les jours du mois ; la deuxième, les lieues communes parcourues dans chaque tournée ; la troisième, le service hors de la résidence, avec les noms des militaires l’ayant exécuté et la nature de ce service pour tournées de communes, gardes et patrouilles sur les routes et dans les foires et marchés, escortes de voitures, correspondances, captures de voleurs, vagabonds et mendiants, main-forte, etc. ; la quatrième colonne indiquait le service à la résidence pour assistance aux foires et marchés, main-forte, captures, etc. ; la cinquième était réservée aux signatures des officiers municipaux qui étaient tenus de lire l’avertissement dont nous avons parlé, et de mettre leur qualité à la suite de leurs signatures. La dernière page du journal servait à recevoir la certification du service par le personnel de la brigade et la mention du contrôle hiérarchique, comme on le verra au paragraphe suivant.

C’est un fait d’expérience que, dans beaucoup de régions, les points situés à la limite d’une circonscription sont rarement visités au cours des tournées ordinaires. La loi des 16-29 avril 1792 prit, à cet égard, des précautions spéciales : après avoir prescrit de dresser l’état des routes et des communes où chaque brigade était tenue de faire habituellement son service, la loi exigea que chaque brigade située à la limite d’un département fît dans le département voisin, et jusqu’à une distance de 4 lieues communes de la résidence, le même service que dans son département (titre 6, article 4).

Ces dispositions ne furent pas maintenues par la loi du 28 germinal an VI qui restreignit la compétence territoriale de toute unité de gendarmerie, sauf en cas de poursuite de malfaiteurs, à l’étendue de sa circonscription. Si elles avaient continué à être appliquées, les tenanciers de l’auberge sanglante de Peirebeilhe, à la limite des départements de la Haute-Loire et de l’Ardèche, n’auraient sans doute pu continuer impunément, pendant un quart de siècle, la longue série de leurs crimes.

Cependant, la loi de germinal emprunta à l’ordonnance de 1778 les dispositions relatives aux correspondances entre les brigades : après avoir prescrit à son tour un nouveau dénombrement général des communes et routes formant l’arrondissement territorial de chaque brigade (article 182), la loi de germinal ordonna d’établir des liaisons de correspondance de chaque brigade avec les brigades voisines, même celles limitrophes des départements voisins (article 183).

Les brigades correspondaient deux fois par décade avec chacune de celles dont elles étaient environnées jusqu’à une distance de 40 kilomètres (article 184). Ces correspondances avaient pour objet, de la part des brigades, de se communiquer les avis qu’elles avaient pu recevoir sur tout ce qui intéresse la sûreté publique, de concerter leurs opérations relatives à la recherche des malfaiteurs, de se remettre les prisonniers conduits de brigade en brigade, ainsi que les lettres et ordres des officiers (article 185). Les correspondances entre les brigades ainsi que le service extraordinaire étaient constatés sur un livret spécial tenu par le chef de brigade (article 193).

L’examen des journaux de service de la période révolutionnaire fait ressortir l’importance que revêtait, à cette époque, le service extraordinaire ou sur réquisition des diverses autorités.

Sans doute relève-t-on des tournées de service ordinaire, dues à l’initiative de la brigade, et n’ayant d’autre objet que de faire les patrouilles habituelles dans les communes, de garder certaines routes afin de protéger les passants, ou certains chemins de traverse suivis par les malfaiteurs, de correspondre avec des brigades voisines, de maintenir l’ordre dans les fêtes locales, d’examiner les passeports et les patentes.

Sans doute encore faisait-on à la résidence des patrouilles en ville, des visites dans les auberges et cabarets pour vérifier les passeports des étrangers, des services aux fêtes publiques pour y maintenir le bon ordre, et des patrouilles aux abords de la résidence.

Mais, que de services extraordinaires, de réquisitions pour escorter des fonds, conduire des prisonniers ou des condamnés, prêter main-forte aux huissiers ou aux douaniers, exécuter des mandats de justice, maintenir l’ordre en des circonstances diverses, parfois trois jours consécutifs à une fête locale, procéder à des arrestations, assister à l’audience du juge de paix, monter la garde à une prison, porter des ordres, des lettres, des dépêches des diverses autorités, et ceci malgré les remontrances faites à ce sujet aux administrateurs, en 1792, par le ministre de la Guerre Servan !

Au mois d’août 1791, à La Roque, dans le Haut-Vallespir (Pyrénées-Orientales), le peuple est soulevé contre les préposés aux barrières. Cent hommes de troupes de ligne, cent gardes nationaux et une brigade de gendarmerie sont envoyés sur les lieux et vivent à discrétion chez les habitants.

Que de réquisitions pour contraindre les habitants au payement des impôts de la République ! Durant le mois de thermidor an V (juillet-août 1797), deux gendarmes de la brigade du Boulon doivent tenir garnison pendant sept jours consécutifs à Céret pour assurer la rentrée des contributions. Telle réquisition a pour objet l’arrestation, dans certaines communes maritimes, et leur conduite à Narbonne, de tous les marins entre dix-huit et cinquante ans non inscrits sur un rôle d’équipage.

Quel service ingrat lorsque certaines autorités communales font preuve de faiblesse ou se rendent complices des fauteurs de désordres ! Le 24 août 1792, à Arles-sur-Tech, c’est grâce à l’officier de gendarmerie Lassale que le juge de paix échappe à des forcenés qui voulaient le pendre malgré la présence des administrateurs. Le mois suivant, ce sont les douaniers qui favorisent la fraude en tolérant indûment l’exportation de grains en Espagne, et ce sont deux gendarmes de la brigade de Saillagouse qui découvrent cette prévarication.

Que de détachements pour appuyer les colonnes mobiles dirigées contre les brigands dans le Midi, ou dans l’Ouest, ou dans les départements réunis, et toujours avec cet égal dévouement dont témoigne le Livre d’or de la gendarmerie (période révolutionnaire) !

Souvent les brigades, faute d’effectifs suffisants, se trouvent impuissantes à exécuter avec leurs seuls moyens, dans leur propre circonscription, les réquisitions qui leur sont remises ; il est alors nécessaire de faire appel aux troupes de ligne pour renforcer la gendarmerie.

En traitant de la justice prévôtale, nous avons parlé, au sujet des colonnes mobiles, des réquisitionnaires et déserteurs qui erraient, en l’an IV, dans le Roussillon, et y commettaient des excès(63). Pour capturer les réfractaires réfugiés dans les montagnes, l’administration municipale d’Ille-sur-Têt requiert des dragons du 15e régiment. Quelques mois plus tard, pour cerner cette ville où le lieutenant de gendarmerie avait signalé les violences auxquelles se livraient quarante déserteurs, une réquisition est adressée, le 3 ventôse an IV (21 février 1796), au commandant de la 20e demi-brigade d’infanterie légère, en même temps qu’au commandant de gendarmerie de Perpignan. Le lendemain, sur réquisition des administrateurs de la ville de Prades, une autre expédition est dirigée contre cette ville où, par l’action combinée de la gendarmerie et de l’infanterie légère, trente déserteurs sont arrêtés d’un seul coup.

Les réquisitions se succèdent parfois de telle sorte qu’il est impossible d’y satisfaire. On lit dans une lettre du capitaine de Perpignan adressée le 30 prairial an V (18 juin 1797) à l’administration centrale du département :

« Lorsque j’ai reçu hier votre lettre pour aller à la poursuite des prêtres (réfractaires), je n’ai pu y envoyer personne, ayant toute la gendarmerie à Collioure (pour l’exécution d’une réquisition). Je me rends de suite à l’administration pour l’en prévenir […]. Voilà, citoyens, où nous réduisent les courses trop multipliées de la gendarmerie et l’insuffisance de sa police ».

Ne soyons donc pas surpris si, en présence du brigandage qui désolait le pays, Richard constatait aux Cinq-Cents, à la séance du 23 nivôse an V, qu’on avait « trop considéré la gendarmerie comme force publique (soumise à la réquisition des autorités) et pas assez comme moyen de police ». La plainte du capitaine de Perpignan et la constatation du député Richard ont une ressemblance frappante.

Une réaction s’impose et la loi du 28 germinal an VI, on l’a vu, vient assujettir à des règles sévères les réquisitions adressées par les autorités civiles à la Gendarmerie nationale. Sans doute, les abus sont-ils trop invétérés pour que la loi réussisse, en peu de temps, à les extirper ; mais les officiers de gendarmerie sont puissamment armés, désormais, par l’article 147, pour réagir contre les prétentions excessives de l’administration.

C’est ainsi que, le capitaine de Perpignan ayant reçu des observations de l’administration centrale du département au sujet d’attroupements qui s’étaient produits aux barrières contre le percepteur, et où la gendarmerie ne s’était pas présentée, cet officier, à la date du 9 thermidor an VI (27 juillet 1798), répond aux administrateurs que le percepteur avait quitté son poste et n’avait adressé à la gendarmerie aucune réquisition légale.

L’officier de gendarmerie se retranchant derrière la légalité en répondant aux administrateurs, c’était bien là, semble-t-il, un langage tout à fait nouveau.

Moins d’un mois plus tard, le 5 fructidor an VI (22 août 1798), le même officier fait des représentations auprès de l’administration centrale du département au sujet d’un arrêté antérieur prescrivant de détacher deux hommes de la compagnie, alternativement, à la brigade de Salses pour escorter les malles depuis Sigean jusqu’à Perpignan.

La présence de la gendarmerie, dit l’officier, est rendue nécessaire partout par les réquisitionnaires et les déserteurs ; les brigades sont affaiblies par ce détachement et ne peuvent plus faire de service à la résidence. Ce service d’escorte ruine la santé des hommes de la brigade de Salses, qui sont atteints des fièvres. Au surplus, les appointements ne sont pas payés ; le seraient-ils, que les gendarmes envoyés à Salses ne pourraient, pendant la durée de leur détachement, s’ils ont femme et enfants, ni nourrir leurs chevaux ni se procurer du pain. L’officier sollicite une augmentation d’effectif, et voici mieux encore : il demande que l’arrêté soit rapporté et que les courriers marchent seuls au risque d’être attaqués par les brigands, jusqu’à ce que les hommes du poste de Salses soient guéris(64).

De toute évidence, les temps sont changés ; les officiers s’enhardissent dans la résistance aux abus ; la loi de germinal commence à produire ses effets. Malheureusement, le 18 brumaire va exercer une influence fâcheuse en retardant l’établissement d’un règlement destiné à compléter la loi de germinal et ayant la sanction du chef du pouvoir exécutif. Nous reviendrons sur ce point.

Il est encore vrai que cette loi ne sera prise en considération qu’en partie par le Gouvernement consulaire et impérial. C’est ainsi que l’arrêté du 12 thermidor an IX, sur l’organisation de la Gendarmerie nationale, n’en retient que le titre IX relatif aux détails du service ; il est muet sur le titre X, malgré son importance pour la sauvegarde de la liberté des citoyens, et sur toutes les autres parties de la loi.

Quant au Gouvernement de la Restauration, il fera un silence absolu autour de cette loi républicaine. Les ordonnances du 11 juillet 1814 et du 10 septembre 1815 concernant la gendarmerie ne se réfèrent qu’à l’ordonnance de 1778 et à la loi de 1791. La grande ordonnance de 1820 fait de nombreux emprunts à la loi de germinal, s’inspire de ses principes essentiels, sans toutefois mentionner sa référence.

Mais les gouvernements et leurs décrets passent, tandis que la loi demeure. La loi du 28 germinal an VI existe et constitue pour le service de la gendarmerie une base inébranlable que ne cesse de reconnaître la jurisprudence de la Cour de cassation. Sous tous les régimes, en 1820, 1854, 1903, le règlement organique se conformera à la loi fondamentale pour imposer aux autorités le respect de la légalité des réquisitions, et interdire ces prétentions abusives, ces services accessoires qui détournent la gendarmerie de la mission essentielle pour laquelle, de haute ancienneté, elle a été instituée.

Outrages à la gendarmerie

L’intérêt général n’exigeait pas seulement que la gendarmerie fût protégée par la loi contre les réquisitions abusives ; une protection particulière lui était due contre les outrages, menaces ou attaques dont elle pouvait être l’objet dans son service.

On connaît la sévérité extrême, allant parfois jusqu’à la peine de mort, avec laquelle les lois de l’Ancien Régime punissaient ceux qui outrageaient la maréchaussée, et nous savons que les coupables étaient jugés au siège de la connétablie et maréchaussée de France.

Sous la Révolution, les coupables furent justiciables des tribunaux ordinaires. Aux termes de l’article 229 de la loi du 28 germinal an VI, ceux qui outrageaient ou menaçaient la gendarmerie par paroles ou par gestes pouvaient être à l’instant saisis et arrêtés ; le code des délits et des peines du 3 brumaire an IV leur était applicable.

Rappelons que lorsque les membres de la Gendarmerie nationale étaient menacés ou attaqués dans l’exercice de leurs fonctions, les citoyens étaient tenus de leur prêter main-forte (article 230).

Encouragements à la gendarmerie

S’il importait de protéger la gendarmerie contre les abus et les outrages, il était tout aussi nécessaire que des encouragements fussent prodigués à des hommes qui risquaient souvent leur vie dans l’accomplissement de leur mission.

C’est dans ce but que les anciens rois avaient érigé les emplois de prévôts et archers en titre d’offices, afin que ceux qui en étaient pourvus pussent les voir passer dans leur famille en la personne de leurs enfants, et nous savons qu’aux privilèges et exemptions accordés à la maréchaussée les ordonnances royales étaient venues ajouter des primes pour captures.

Les gratifications pour arrestations de déserteurs furent supprimées, le 7 septembre 1789, par le ministre de la Guerre, de la Tour du Pin, suivant les intentions du roi Louis XVI ; mais nous avons vu que la loi du 16 février 1791 avait accordé 1500 francs à chaque administration départementale pour lui permettre de récompenser les militaires de la gendarmerie qui avaient fait le meilleur service(65).

En présence de multiples attentats sur les grand’routes, des récompenses nationales de 50 francs, en cas de flagrant délit, et de 25 francs, en cas d’exécution d’un mandat de justice, furent accordées par la loi du 29 nivôse an VI (18 janvier 1798) aux sous-officiers et gendarmes ayant procédé à des arrestations de brigands. Ces gratifications, ainsi que celles qui étaient accordées en cas d’arrestation de forçats évadés, demeurèrent indépendantes de celles que la loi du 28 germinal an VI permit au ministre de la Guerre d’accorder aux meilleurs serviteurs (articles 200 et suivants).

Cette loi s’attachait à récompenser les captures importantes et les dangers imminents qui avaient été bravés. Des primes spéciales de 50 francs étaient accordées pour les captures d’émigrés ou de prêtres déportés. Les militaires de tout grade qui s’étaient le plus distingués dans les captures importantes avaient droit à l’avancement.

Les sous-officiers et gendarmes les plus méritants étaient signalés au ministre de la Police générale. Les noms de ceux qui avaient donné le plus de preuves de dévouement pour le maintien de la tranquillité publique et pour la répression du brigandage étaient rendus publics par la voie de l’impression et les soins du Directoire.

Contrôle du service

La gendarmerie avait hérité de la maréchaussée d’un double contrôle du service : le certificat des notables sur les journaux de service dans les communes visitées par la maréchaussée, et la vérification de ces documents par les officiers ainsi que par les autorités administratives ; le contrôle du service au cours d’inspections faites périodiquement par les officiers de tous grades dans les divers postes. Il convient de rappeler qu’indépendamment de ce contrôle les lieutenants de maréchaussée se portaient partout où leur présence était nécessaire pour constater les crimes et délits, faire les informations et agir de leur personne en cas de troubles.

Certificat de service

Nous avons vu au paragraphe précédent que, durant la période révolutionnaire, rien n’avait été changé au modèle du journal mensuel sur lequel la maréchaussée mentionnait le service exécuté.

Au cours de leurs tournées, les gendarmes de service présentaient le journal à la signature des officiers municipaux. Une mention portée dans la colonne destinée à recevoir cette signature invitait les officiers municipaux à lire l’avertissement placé en tête du journal et dont voici le texte :

« L’intention du Gouvernement est que les officiers municipaux ne certifient par leurs signatures, sur le présent état, que le service dont ils auront une pleine connaissance, et les refusent partout ailleurs que dans les lieux où aura été fait le service qui y sera mentionné, de même que lorsque ces signatures seront demandées par un seul gendarme, la sûreté des opérations exigeant qu’il y en ait toujours deux dans les tournées ordinaires que fait la Gendarmerie nationale. Ces tournées, dans les communes et sur les grands chemins, sont le premier devoir et le devoir journalier de cette troupe, et chaque citoyen est intéressé à ce qu’elle s’en acquitte exactement sans qu’une complaisance mal entendue engage à donner des certificats au moyen desquels l’administration croirait que la gendarmerie fait tout ce qu’elle doit tandis qu’elle ne s’occuperait que d’une partie des fonctions pour lesquelles elle a été établie »(66).

Chaque semaine, le lieutenant vérifiait le service et le mentionnait sur le journal. À la fin du mois, le journal était certifié véritable par le chef de brigade et les gendarmes du poste, vu et certifié par le capitaine commandant la compagnie, visé par le chef d’escadron et envoyé à l’administration centrale du département, conformément aux lois du 29 avril 1792 et du 28 germinal an VI (article 126).

Inspections

Dans le silence de la loi du 16 février 1791, et conformément à celle des 22 juin - 20 juillet de la même année, les officiers de gendarmerie continuèrent, sous la Révolution, à inspecter les brigades selon les principes de l’ordonnance de 1778. La loi de 1791 prévoyait, en outre, l’inspection de la tenue, de la discipline et du service de la gendarmerie par l’un des officiers généraux du territoire (titre III, article 13).

Aux termes de la loi du 29 avril 1792 (titre VI, article 1er) les colonels inspecteurs faisaient deux revues, et les lieutenants-colonels quatre revues par an. Conformément à la loi du 28 germinal an VI, des officiers généraux de l’armée de Terre pouvaient être désignés pour inspecter les divisions de Gendarmerie nationale (article 164).

La même loi imposa une revue annuelle aux chefs de division, semestrielle aux chefs d’escadron. Les capitaines devaient inspecter leurs brigades au moins trois fois par an et les lieutenants tous les mois (articles 186 à 188).

L’objet de ces revues était de prendre connaissance du service des brigades, de la tenue des hommes, de la discipline, de l’état des chevaux, des casernes et écuries, des approvisionnements en fourrages et de leur qualité, de la conduite du personnel de tout grade ; de donner aux uns et aux autres les instructions et ordres que les circonstances et les besoins du service pouvaient exiger ; de s’assurer auprès des autorités et des bons citoyens si la gendarmerie remplissait ses devoirs.

Les rapports d’inspection étaient transmis par la voie hiérarchique aux chefs respectifs, et les bonnes ou mauvaises notes de ces rapports étaient portées sur les registres de discipline établis dans chaque compagnie (article 189). La loi laissait à un règlement ultérieur le soin de préciser les époques et les détails de ces revues (article 191) et nous avons vu les causes du retard apporté dans l’établissement de ce règlement. Nous savons déjà que les officiers certifiaient leurs revues sur un livret paraphé par le commissaire du Directoire exécutif près l’administration centrale et où ils inscrivaient journellement les ordres donnés à leurs subordonnés (article 192).

Il convient de remarquer les dispositions de l’article 189 prescrivant aux officiers de « prendre connaissance du service des brigades » au cours des inspections « et de donner les ordres que les besoins du service pouvaient exiger ». Ces dispositions, qui s’inspiraient des traditions de la maréchaussée dont les officiers jouaient un rôle des plus actifs dans la répression des crimes et le maintien de l’ordre public, montrent bien la part réservée par la loi, dans les inspections faites par les officiers, non seulement au contrôle, mais encore à la direction du service spécial.

Il appartenait à l’un des principaux auteurs de la loi de germinal, au général Wirion, de préciser la pensée du législateur en interprétant, dans son règlement dit de l’an VII dont nous avons déjà parlé à diverses reprises(67), les dispositions de cet article 189 en conséquence duquel le contrôle et la direction du service sont inséparables. Plusieurs articles de ce règlement précisent les devoirs des officiers dans la direction du service spécial.

C’est ainsi qu’au cours de leurs tournées les capitaines et lieutenants vérifieront le service exécuté dans les plus grands détails (article 69) ; s’entendront avec les commandants des places pour que la gendarmerie et la garde nationale en activité puissent concourir efficacement à assurer la tranquillité publique et la répression des délits (article 70) ; que les lieutenants recommanderont aux brigades de faire des tournées fréquentes dans les campagnes pour surveiller les malveillants, vagabonds, mendiants, gens sans aveu, afin d’assurer, suivant les saisons, la protection de la propriété des cultivateurs et la conservation des moissons et vendanges (article 77) ; s’assureront si les cultivateurs ont été efficacement protégés par les brigades ; prescriront à ces dernières de diriger leurs tournées et leur service vers les forêts nationales pendant la coupe des bois (article 78) ; que les capitaines et lieutenants s’assureront que les chefs de brigade et gendarmes ont une connaissance exacte des localités de leur circonscription et de leurs habitants ; qu’ils s’attacheront eux-mêmes à connaître les crimes et délits les plus fréquents de leur arrondissement et prendront tous les renseignements qui leur serviront pour diriger la surveillance des brigades et leur donner des ordres et instructions commandés par la sûreté publique et individuelle (article 86), etc.

Dans leurs rapports, les chefs d’escadron feront mention des découvertes importantes qu’ils auront faites par eux-mêmes (article 60), etc.

Les articles précités du règlement de l’an VIII, qui imposaient aux officiers l’obligation de surveiller et diriger le service spécial, furent recueillis en partie par le règlement belge du 20 mars 1815, encore en vigueur chez nos voisins et amis(68).

En France, ce règlement fut appliqué partout où son auteur, le général Wirion, eut à exercer son autorité : dans les quatre nouveaux départements rhénans, dans les neuf départements réunis de Belgique, ainsi que dans l’ouest de la France où deux cents brigades furent établies, sous le commandement de Wirion lui-même, par l’arrêté du 29 pluviôse an VIII ; mais, si ce code de la gendarmerie reçut des approbations ministérielles, il ne fut jamais sanctionné par le chef du pouvoir exécutif.

Bien que Wirion l’eût communiqué à Radet, nommé à l’emploi d’inspecteur général créé par l’arrêté du 8 germinal an VIII, il ne fut tenu aucun compte de ce travail dans l’arrêté du 12 thermidor an IX sur l’organisation de la Gendarmerie nationale, ni dans les décrets ou ordonnances qui suivirent, ni dans l’ordonnance de 1820 qui, la première, vint compléter la loi de germinal, mais en laissant dans l’ombre le rôle de direction que Wirion avait confié, on vient de le voir, aux officiers de gendarmerie. Pourtant, en assignant aux officiers une mission de direction du service essentiel de l’arme, Wirion n’avait fait qu’appliquer la loi de germinal dont les principes, au point de vue qui nous intéresse, étaient ceux de l’ordonnance de 1778, issue elle-même d’une expérience séculaire(69).

À quoi peut-on attribuer l’abandon des principes de Wirion ?

Révolutionnaire convaincu, Wirion était animé d’un républicanisme ardent dont il avait imprégné son œuvre selon l’esprit de la loi de germinal. Son code de la gendarmerie était légal, certes ; mais, rédigé avant le 18 brumaire, sous un Gouvernement que Bonaparte avait renversé, il ne pouvait être accueilli avec sympathie par les dirigeants, ni sous le Consulat ni sous l’Empire.

Quant aux rédacteurs de l’ordonnance de 1820, à qui la Restauration avait confié le soin de régler le service de la gendarmerie ; quant à ces hommes nouveaux appelés aux emplois officiels après les épurations pratiquées parmi le personnel ayant servi l’Empereur, quel attrait pouvait avoir pour eux un règlement qui, en son article 48, prescrivait aux chefs de brigade et gendarmes de se rendre au temple de la loi « pour se nourrir de l’amour de la République, du Gouvernement constitutionnel et de la haine profonde que tout Français républicain doit porter à la royauté en France » ? Le règlement de Wirion était donc condamné à connaître la même défaveur qui pesait, nous l’avons vu, sur la loi de germinal elle-même.

Ce n’est pas tout. Wirion imposait aux officiers, dans l’intérêt de la sûreté publique, un rôle des plus importants qui ne s’accordait guère avec le nouveau mode de recrutement des officiers supérieurs. Depuis l’arrêté consulaire du 17 pluviôse an VIII, le commandement des légions pouvait, en effet, être attribué à des colonels de la ligne n’ayant aucune pratique du service de la gendarmerie. Quelle impulsion pouvaient donner au service spécial, dans le sens indiqué par Wirion et par la loi elle-même, des chefs de corps qui n’en avaient nulle connaissance et qui, au cours de leur carrière, n’avaient eu que des attributions purement militaires ? « Je ne sais pas les métiques, disait un général de brigade, mais je f… bien un coup de sabre »(70).

Encore plus que des mathématiques, ces officiers valeureux étaient ignorants du droit et d’un service qui pose à chaque instant aux exécutants la question de savoir ce que la loi permet et ce qu’elle défend.

C’est ainsi que le 18 brumaire et les régimes ayant suivi ce coup d’État ont conduit à l’élaboration, pendant plus d’un siècle, de règlements successifs où l’esprit des vieilles lois de la monarchie et de la loi républicaine de germinal elle-même sur les devoirs et la responsabilité des officiers quant à la mission essentielle de l’arme avait presque entièrement disparu.

Sous ce régime de moindre effort qui laissait aux chefs de brigade, dans la pratique, toute la responsabilité du service spécial, les officiers, vaguement chargés « de la direction et des détails du service », n’étaient positivement astreints qu’à contrôler les moyens d’action de leurs subordonnés, et réduisaient au minimum leur action personnelle dans la réalisation du but à atteindre.

Ils pouvaient se borner à porter leur attention sur les questions de discipline, de tenue et d’instruction qui ne sont que des moyens, car les règlements ne leur faisaient point de la direction du service spécial une obligation expresse, et ne les obligeaient nullement à contribuer effectivement à la police de leur circonscription.

Ce serait déborder le cadre du présent travail que de suivre jusqu’à nos jours l’évolution d’un régime de facilité qui a exercé une influence fâcheuse et insoupçonnée sur les moyens d’assurer l’ordre public, provoqué depuis un quart de siècle une réaction bienfaisante(71), mais qui mérite de retenir sans cesse l’attention des autorités responsables, car l’histoire, quoi qu’on en dise, n’est qu’un recommencement.

La gendarmerie aux armées

Pendant les guerres de la Révolution, la gendarmerie fournit aux armées des unités combattantes qui opérèrent en rase campagne ou tinrent garnison dans certaines places, des escortes, des estafettes, ainsi que des détachements de force publique assurant la police des camps et armées.

Nous allons examiner successivement les unités combattantes et la force publique ou prévôté aux armées.

Unités combattantes

Composition

Des unités combattantes furent fournies, en premier lieu, par la mobilisation de la gendarmerie des départements ; mais, en présence des dangers qui menaçaient la patrie, les divisions de Gendarmerie nationale parisienne constituées en vue du maintien de l’ordre dans la capitale(72) furent employées à leur tour, soit contre l’ennemi extérieur, soit contre les insurgés vendéens.

Mobilisation de la gendarmerie des départements

La mobilisation de la gendarmerie des départements s’effectua en deux temps.

Après la proclamation de la patrie en danger, la loi du 22 juillet 1792(73), relative au complément de l’armée de ligne, ordonna de tirer des différentes divisions de Gendarmerie nationale, dans toute l’étendue du royaume, un nombre d’hommes suffisant pour former deux nouvelles divisions de gendarmerie destinées à être employées contre les ennemis extérieurs. Ces deux divisions, appelées à faire partie du camp sous Paris, et qui prirent les numéros 31 et 32, furent organisées par les décrets des 12 et 16 août 1792 (loi du 21 août). Aux termes de la loi du 21 août, ces divisions devaient être à cheval. L’état-major de chaque division devait se composer d’un colonel, deux lieutenants-colonels, deux adjudants sous-officiers, un trompette-major, un chirurgien-major, un chirurgien aide-major, un quartier-maître, un maréchal expert, un sellier, un armurier, un bottier. Total : treize hommes, officiers compris. La division avait huit compagnies formant quatre escadrons. Chaque escadron avait un étendard portant d’un côté Gendarmerie nationale, force à la loi, et de l’autre Discipline et obéissance à la loi. Chaque compagnie comprenait douze brigades ; elle était composée d’un capitaine, trois lieutenants, un maréchal des logis-chef, quatre maréchaux des logis, un brigadier fourrier, douze brigadiers, quatre-vingt-douze gendarmes et un maréchal-ferrant, en tout cent quinze unités. L’effectif théorique d’une division était de 933 hommes, officiers compris.

Chaque directoire de département dut fournir autant de gendarmes montés qu’il y avait de brigades, soit à pied, soit à cheval, sur son territoire. On sait qu’il y avait alors en tout 1600 brigades ; en outre, la division de Gendarmerie nationale résidant à Paris dut fournir un maréchal des logis, six brigadiers et quarante et un gendarmes montés. On choisit les cavaliers qui, par leur âge et leur force, étaient les plus aptes à résister aux fatigues de la guerre. Chaque cavalier reçut, au moment de son départ, une indemnité d’entrée en campagne égale au traitement d’un mois. À partir du jour de leur arrivée à destination, les cavaliers avaient droit aux vivres et autres fournitures de campagne. Il leur était tenu compte du prix de leur cheval et ils étaient remontés au compte de la nation. Le logement dont jouissait chaque sous-officier ou gendarme restait affecté à sa famille. Les divers détachements furent tenus de se rendre montés, armés et équipés à un lieu de rassemblement dans le voisinage de la ville de Paris ; ils avaient droit à l’étape, gratuitement, sur le même pied que la cavalerie.

C’est aux lieux de rassemblement que furent formées les deux divisions ; à cet effet, les sous-officiers et gendarmes furent appelés à choisir les officiers de tout grade, ainsi que le décret du 13 août l’avait déjà prescrit pour la gendarmerie de la capitale(74).

Les officiers avaient droit à une indemnité d’entrée en campagne et aux mêmes augmentations d’appointements et aux mêmes fournitures que les officiers de cavalerie. Les quatre plus anciens maréchaux des logis choisis par les directoires des départements pour la formation des deux nouvelles divisions furent faits adjudants et les trente-six plus anciens gendarmes furent faits brigadiers.

L’état-major de chaque division, à l’exception des officiers, fut nommé par le pouvoir exécutif.

Sur les entrefaites, après la prise de Longwy, la Convention, par la loi des 26-27 août 1792, ordonna d’employer toutes les brigades de gendarmerie à renforcer les armées. Par ses circulaires des 27 août et 16 septembre, le ministre de la Guerre Servan donna aux administrations départementales les instructions nécessaires(75) : « Je suis bien convaincu, leur disait-il, que vous ne perdrez aucun instant pour en assurer l’exécution, parce que vous reconnaîtrez qu’elle intéresse le salut de l’Empire ».

Les brigades devaient fournir au moins six mille hommes qui seraient formés en divisions à cheval ayant la même composition que les deux divisions précédemment formées (31e et 32e). Dans chaque département, quatre gendarmes de chaque brigade devaient se rendre au chef-lieu de district le plus avancé sur la route à suivre ultérieurement pour y être passés en revue par un commissaire nommé par le directoire du département. Les lieux généraux de rassemblement prévus étaient Fontainebleau, Versailles et Châlons.

Dans chaque brigade, un sous-officier ou gendarme choisi tout d’abord parmi ceux qui étaient infirmes ou âgés fut désigné pour rester à son poste. Dans les brigades où l’effectif était incomplet on fit appel aux anciens cavaliers retirés que l’on aida à s’équiper. On procura aux gendarmes non montés ni équipés des chevaux saisis chez les émigrés ou donnés à bas prix par des citoyens de bonne volonté. Chaque gendarme emporta ses pistolets. Les mousquetons furent laissés à la résidence pour servir à l’armement des volontaires nationaux marchant aux frontières ; mais des marchés furent passés dans les départements pour fournir à chaque gendarme servant à l’intérieur un sabre et deux pistolets du modèle de la gendarmerie(76). De même que dans la levée des 31e et 32e divisions, chaque gendarme toucha une gratification d’un mois. Seuls, les hommes de troupe furent désignés pour les armées ; les officiers devaient rester à leur poste pour guider et instruire le personnel de remplacement.

Cette mobilisation inopinée, imposée par les dangers extérieurs, permit à la gendarmerie de participer à l’enthousiasme général(77).

À Perpignan, le départ des gendarmes pour Fontainebleau donna lieu à une manifestation patriotique :

« Quoique éloignés de Paris, les administrateurs étaient au courant des dangers que courait la France sur les frontières du Nord, et tous les courriers extraordinaires étaient communiqués à la population. Mais on avait ici une confiance entière en la valeur des défenseurs de la patrie, et, lorsque le pouvoir exécutif demanda la gendarmerie des Pyrénées-Orientales, ce fut un jour de fête où l’enthousiasme seul le disputa au patriotisme. La Société des Amis de la Constitution organisa une brillante marche militaire à laquelle furent invités les corps administratifs. Une nombreuse musique ouvrait la marche. Venaient ensuite les dames armées de piques, accompagnées par les administrateurs du district et ceux du département. La Société des Amis de la Constitution avait à sa tête le président Sévane armé d’une pique au bout de laquelle était attachée une couronne civique. Le cortège se rendait à l’Hôtel de Ville où l’attendait la municipalité. Après avoir parcouru la ville et fait le tour des arbres de la liberté qui ornaient les différentes places publiques, le cortège rentra au local des Amis de la Constitution »(78).

Arrivés dans les lieux de rassemblement, les sous-officiers et gendarmes désignèrent leurs officiers ; ils eurent la faculté de choisir quelques-uns de leurs officiers du temps de paix(79).

La procédure à suivre fut réglée par le décret des 5-6 octobre 1792. Lorsqu’ils étaient réunis en nombre suffisant pour former une division, les sous-officiers et gendarmes commençaient par nommer le colonel et les lieutenants-colonels(80). Deux maréchaux des logis, parmi les plus anciens, étaient faits adjudants dans chaque division.

L’état-major de la division étant formé par le pouvoir exécutif, le nombre des sous-officiers et gendarmes restant était fractionné en huit parties égales composées chacune, autant que possible, de détachements entiers fournis par chaque département, et chacune de ces parties était destinée à former une compagnie. Chaque compagnie choisissait dans son sein un capitaine et trois lieutenants ; les sous-officiers les plus anciens non promus officiers étaient faits maréchaux des logis chefs ; les brigadiers étaient choisis parmi les plus anciens gendarmes.

Il était procédé par le maréchal expert en présence du colonel ou de son délégué, ou d’un commissaire des guerres, au signalement et à l’estimation des chevaux des sous-officiers et gendarmes dont il était tenu un contrôle nominatif. Ainsi furent formées les huit divisions à cheval dont nous connaissons l’affectation(81).

On a vu que les directoires des départements étaient tenus de maintenir au complet les détachements de gendarmerie par eux fournis aux armées(82) ; cette disposition fut confirmée par la loi des 21-26 février 1793 relative à l’organisation de l’armée. (Cette loi, qui supprima la dignité de maréchal de France, déclara qu’à l’avenir les maréchaux de camp s’appelleraient généraux de brigade ; les lieutenants généraux de division, et les généraux d’armée généraux en chef).

Les noms des gendarmes à remplacer pour cause de démission, désertion, infirmité ou décès, avec la désignation des brigades où ils étaient employés avant de partir aux armées, étaient signalés aux départements par le ministre de la Guerre.

Les directoires désignaient aussitôt pour le front les surnuméraires qui avaient remplacé dans leurs brigades les militaires signalés comme disparus et envoyaient au ministre leur état signalétique. Les remplaçants se rendaient sans délai, montés, équipés et armés, au point du front désigné par le ministre ; ils recevaient l’étape pendant la route ; arrivés à destination, ils s’adressaient à l’officier commandant la division de gendarmerie à laquelle ils devaient être attachés.

Les gendarmes surnuméraires ainsi partis aux armées pour remplacer comme gendarmes à pied les infirmes, morts, démissionnaires ou déserteurs, étaient remplacés sur-le-champ dans leurs brigades par d’autres surnuméraires en état de servir à l’intérieur et, au besoin, à l’armée.

Les gendarmes évacués des armées pour cause de maladie rentraient dans leurs brigades et y reprenaient le service si leur état de santé le permettait(83).

Indépendamment de ces envois réguliers de gendarmes de remplacement, la gendarmerie des départements fut dans l’obligation de fournir des détachements de renfort, notamment pour les unités opérant en Vendée.

Par ordre du Comité de salut public, les cavaliers ainsi désignés pour les armées devaient être « pris parmi les mieux constitués, les plus patriotes, les plus entreprenants ». Ils étaient remplacés provisoirement dans les brigades « par des gardes nationaux les plus susceptibles des fonctions de gendarmes, c’est-à-dire sachant écrire, ayant des chevaux et reconnus pour bons patriotes ». Ces remplaçants recevaient le traitement des gendarmes pendant le temps qu’ils étaient employés(84).

Force publique

On sait qu’au XVIIIe siècle, la maréchaussée provinciale concourait déjà avec la prévôté de la connétablie pour assurer la police des armées en campagne et nous avons montré comment la loi des 18-23 mai 1792 renoua la tradition. On verra qu’elle fut pendant les guerres de la Révolution la composition des détachements prévôtaux.

Leur service aux armées trouva son expression dans l’instruction sur le service des détachements de Gendarmerie nationale employés pendant la guerre à la police des camps, due au général Wirion et approuvée par le ministre de la Guerre le 29 floréal an VII.

Solde et indemnités de campagne

Les divisions de gendarmerie des armées étaient d’un type uniforme analogue à celui des 29e et 30e créées par la loi du 28 août 1791 ; dans toutes ces divisions, la solde de base était celle attribuée à la gendarmerie de l’intérieur par la loi du 16 février de la même année ; en réalité, par le jeu des suppléments de solde, il existait à l’armée diverses unités de gendarmerie dont le traitement était différent(85) :

- des divisions à pied, formées à Paris. Les militaires qui les composaient et qui avaient joui dans la garde nationale soldée d’un traitement plus considérable que celui fixé par la loi du 16 février jouissaient de l’excédent par forme de supplément ; on avait voulu, par ce moyen, récompenser les citoyens qui, les premiers, avaient suivi la cause de la liberté. En outre, tous ces gendarmes touchaient, pour leur séjour à Paris, une indemnité de cherté de vie égale à la moitié de leur traitement. Ces militaires étaient tenus de se nourrir, de s’habiller et de s’équiper. À l’armée, ils recevaient, comme les autres troupes, un supplément de campagne qui consistait, pour les sous-officiers et soldats, dans la fourniture d’une ration de pain du poids de 28 onces (856 grammes) et d’une demi-livre de viande, moyennant une retenue sur la solde ;

- des divisions à cheval, formées à Paris. Les gendarmes de ces divisions étaient chargés de se monter, de s’habiller et de s’équiper et jouissaient des mêmes avantages que ceux des divisions à pied formées dans la capitale. Tous les gendarmes montés devaient aussi nourrir leurs chevaux ; mais, vu la rareté des fourrages, la nation était obligée de se charger de cette nourriture, et on faisait pour cet objet une retenue de 150 livres par an à chaque gendarme ;

- des divisions à cheval, formées de la gendarmerie de l’intérieur. Aux termes des décrets des 12-16 août 1792 (loi du 21 août), il était accordé aux officiers de ces divisions, à dater du jour où ils étaient rendus dans leurs quartiers, camps et cantonnements respectifs, l’augmentation d’appointements et les fournitures réglées pour les officiers des troupes à cheval ; les sous-officiers et gendarmes recevaient à l’armée les rations de vivres et autres fournitures de campagne ; ils recevaient aussi les fourrages avec la déduction de 50 livres par an ;

- enfin, un personnel employé à la police des armées. Aux termes de la loi du 23 mai 1792, les hommes de troupe recevaient un supplément de solde journalier de 20 sols par gendarme, une livre 5 sols par brigadier, une livre 10 sols par maréchal des logis. Ce supplément fut supprimé à partir du 31 décembre 1792 par la loi des 21-25 du même mois ; mais la loi des 30 avril - 21 mai 1793, qui porta à cent cinquante hommes l’effectif de la force publique de chaque armée, ne maintint pas la suppression de ce supplément que les intéressés continuèrent à percevoir.

Aux termes de la loi des 21-25 décembre 1792, tous les officiers de gendarmerie campés ou cantonnés recevaient, du moment de leur départ de leur résidence pour se rendre dans les camps ou cantonnements, les suppléments d’appointements de campagne réglés pour les officiers de ligne. Ils recevaient sur leurs appointements cinquante livres de numéraire par mois ; ils recevaient, dans les mêmes grades, les mêmes indemnités que les officiers de ligne ; en pays étranger, la totalité de leurs appointements était payée en numéraire.

Les gendarmes employés aux armées, soit en France, soit en pays étranger, reçurent, du moment de leur départ de leur résidence, jusqu’au 31 décembre 1792, en numéraire, le tiers de leur solde, déduction faite de 300 livres pour le fourrage, et le reste en assignats, sans indemnité.

Tous les gendarmes des armées devaient s’habiller et s’équiper à leurs frais ; mais les divisions n’avaient pas de magasins suffisamment garnis ; les étoffes et les draps étaient réquisitionnés ou pris dans les magasins nationaux ; enfin, tous les gendarmes ne pouvaient faire les dépenses nécessaires pour leur habillement et leur équipement. La République était donc bien obligée de faire les avances ; mais il était difficile, face à l’ennemi, et dans les mouvements rapides et fréquents que faisaient les divers corps de l’armée, de tenir une exacte comptabilité des avances faites et des retenues à opérer.

D’autre part, la diversité des traitements que nous avons signalée, jointe à l’obscurité des lois, occasionna une grande confusion dans la comptabilité ; s’appliquant à des hommes dont les services étaient égaux, cette diversité provoqua des réclamations et des abus.

Certains corps interprétaient en leur faveur des lois qui ne les concernaient pas et dénaturaient celles qui les concernaient. Les divisions formées à Paris continuaient à toucher, abusivement, l’indemnité de cherté de vie de la capitale.

Tantôt des gendarmes percevaient en campagne le supplément de solde que la loi du 22 mai 1793 n’avait accordé aux gendarmes des départements que pour le temps de paix, en raison de la cherté des vivres et des fourrages ; tantôt des gendarmes qui avaient obtenu une permission pour l’intérieur se faisaient rappeler de la totalité de leur solde sans retenue, quoique, pendant leur absence, ils eussent reçu l’étape et fait nourrir leurs chevaux aux frais de la République.

On citait, dans une division de l’armée du Nord, un quartier-maître (trésorier) qui s’était fait payer son traitement sur le pied de 7800 livres par an (solde d’un colonel : 6000 livres). Il y eut des prétentions si exagérées qui obtinrent un certain succès auprès des représentants du peuple en mission aux armées, et de si grands abus, que la loi du 2 thermidor an II (20 juillet 1794) dut prendre une mesure radicale pour uniformiser et régulariser les traitements. Elle décida que la gendarmerie à cheval employée aux armées serait traitée, tant pour la solde que pour les fournitures en tous genre, comme la cavalerie, et la gendarmerie à pied comme l’infanterie. Les officiers étaient traités comme ceux des armes auxquelles ils appartenaient. Mais la Convention se garda bien de méconnaître le privilège qui s’attachait à l’état de gendarme et qui comportait, de haute ancienneté, en raison de la spécialité du service, des avantages pécuniaires.

L’Assemblée ne tenait pas, d’ailleurs, à léser les intérêts des divisions de gendarmerie « dont plusieurs étaient composées de citoyens qui s’étaient distingués par leur courage et leur énergie dans les différentes époques de la Révolution ». La loi décida donc que les sous-officiers et gendarmes employés aux armées et qui jouissaient, en vertu des lois existantes, d’un traitement plus fort que celui qu’elle leur attribuait recevraient, pendant tout le temps qu’ils seraient en activité de service aux armées, un supplément de solde égal à la différence de ces deux traitements. Comme les gendarmes étaient assimilés aux militaires des autres armes pour les vivres et les fournitures diverses, ce supplément équivalait à une véritable gratification.

La loi du 28 germinal an VI disposa, en son article 219, que la solde des sous-officiers et gendarmes appelés à la guerre serait augmentée dans les proportions qui seraient déterminées par le pouvoir législatif.

La loi du 23 fructidor an VII (9 septembre 1799), relative au personnel de la guerre, faisait ressortir que la solde individuelle des trois détachements de gendarmerie faisant le service des armées s’échelonnait de 1080 francs (gendarme ou trompette) à 4200 francs (chef d’escadron). La solde des 450 militaires détachés s’élevait à 518 520 francs.

Service de la gendarmerie du territoire en temps de guerre

Nous avons vu les conditions dans lesquelles la gendarmerie du territoire devait procéder au remplacement des gendarmes évacués des armées et fournir, au besoin, des détachements de renfort.

De toutes ses fonctions habituelles, l’une des plus importantes fut la lutte contre la désertion, cette plaie des armées révolutionnaires. Nous l’avons déjà montré soit en traitant de la justice prévôtale, soit en examinant les attributions de la gendarmerie.

Déjà, aux termes du décret des 28 mars - 2 avril 1723, la gendarmerie était mise en état de réquisition permanente à l’effet de fournir des patrouilles sur les routes et chemins qui conduisaient aux armées. Elle arrêtait tout militaire qui revenait de l’armée sans congé ou se détournait de la route qui lui avait été donnée pour se rendre à l’armée ; elle le constituait prisonnier et le renvoyait de brigade en brigade à son bataillon pour que son procès lui fût fait.

On a vu les mesures qui furent prises sous le Directoire (arrêté du 3 fructidor an VI) pour rendre efficace l’action de la gendarmerie dans l’arrestation des déserteurs et réquisitionnaires.

Dans la suite, la loi Jourdan, qui inaugurait la conscription, provoqua de nombreuses insoumissions ; la gendarmerie fut chargée de les vaincre et de poursuivre les conscrits réfractaires.

(1) Voir notre article dans la Revue de la Gendarmerie de mai 1938 : « Comment finit la justice prévôtale ».

(2) Voir notre article dans la Revue de la Gendarmerie de janvier 1939.

(3) Brissot, « Les moyens d’adoucir les lois pénales en France », p. 39.

(4) De l’esprit des lois, livre VI, chap. IV.

(5) Traité des délits et des peines, chap. XXVII.

(6) Commentaire sur le livre des délits et des peines, chap. Ier.

(7) Cette distinction trouve de nos jours une application fréquente dans la police de la route ; voir notre article dans la Revue de la Gendarmerie du 15 mars 1931 : « La police de la route : fondement et limites de son action ».

(8) Voir le chapitre sur « Les convulsions de la force publique pendant la Révolution ».

(9) Voir Revue de la Gendarmerie du 15 janvier 1938 : « La justice prévôtale depuis la Révolution ».

(10) Constitution de 1791, titre IV, art. 10 ; constitution de l’an III, art. 292 ; loi du 28 germinal an VI, art. 162.

(11) Loi de germinal, art. 161.

(12) Loi des 29 septembre - 14 octobre 1791, section III, art. 11 ; loi de germinal, art. 157.

(13) Voir, dans la Revue de la Gendarmerie du 15 mai 1934, notre article : « La responsabilité des événements dans la répression des mouvements populaires ».

(14) Ordonnance de 1778, titre V, art. 3.

(15) Loi du 16 février 1791, section II, art. 13.

(16) Ordonnance de 1778, titre V, art. 6.

(17) Nous avons fait remarquer la différence profonde, quant à la garantie de l’autorité requise, entre la formule de 1791 et la formule ci-dessus, du décret du 20 mai 1903, basée sur la loi de germinal. Il peut arriver, par application de l’instruction interministérielle du 12 octobre 1934 relative à la participation de l’armée au maintien de l’ordre public, que des forces de gendarmerie (départementale ou Garde républicaine mobile ou de Paris) participant à un service d’ordre, soient placées sous les ordres d’un officier général ou supérieur commandant de troupes de ligne. Cet officier général ou supérieur aura été requis suivant la formule de 1791 ; mais cela importera peu aux forces de gendarmerie mises sur pied, puisqu’elles auront à obéir, non point à la réquisition reçue par le commandant des troupes, mais aux ordres militaires de ce dernier. Mais toutes les fois qu’un commandant de gendarmerie (officier général, supérieur, subalterne, ou sous-officier) sera requis directement, soit par une réquisition générale préalable au service d’ordre, soit par une réquisition particulière au cours du service, ce commandant de gendarmerie, gardien de la légalité, ne devra recevoir ni accepter que des réquisitions légalement libellées conformément au décret organique. À cet égard, l’instruction précitée du 12 octobre 1934 a omis une précaution. Sa formule de 1791 prévoyant la réquisition de troupes de toutes sortes, il aurait fallu rappeler, ne fût-ce que par un simple renvoi, que toute réquisition adressée à un commandant de gendarmerie doit être libellée suivant la formule de l’article 74 du décret du 20 mai 1903. Les instructions antérieures sur la réquisition de la force armée ne nécessitaient pas la même précaution, car leur formule de 1791 ne prévoyait que la réquisition de troupes de ligne (instructions de 1903, 1907, 1929).

(18) Voir, dans la Revue de la Gendarmerie du 15 juillet 1937, l’article : « Du despotisme au droit de délibérer ».

(19) Loi des 26 juillet - 3 août 1791, art. 4.

(20) Loi de germinal, art. 233.

(21) Loi de germinal, art. 138.

(22) D. Jousse, Nouveau commentaire…, titre Ier, paragraphe 1er. Selon F. Tielemans, Répertoire de l’administration et du droit administratif de la Belgique, Bruxelles, 1856, t. 8, V° Gendarme, il y aurait, dans l’expression crimes et délits publics employée dans la loi de germinal, une idée de publicité des infractions, publicité qui seule permettrait à la gendarmerie de les constater sans violer le secret des familles. Malgré l’autorité de l’auteur belge, nous avons estimé que l’exacte signification de l’expression dont il s’agit devait être recherchée à la lumière de l’ancien droit français qui a immédiatement précédé notre droit intermédiaire.

(23) Ordonnance de 1778, titre IV, art. 9.

(24) Loi du 16 février 1791.

(25) Loi de germinal, art. 132.

(26) Loi du 29 avril 1792, titre VI, art. 2.

(27) Loi de germinal, art. 141.

(28) Loi de germinal, art. 125.

(29) Loi du 16 février 1791, section II, art. 10 ; loi de germinal, art. 140.

(30) Ordonnance du 28 avril 1778, titre IV, art. 9.

(31) En opposition avec ce qui précède, un arrêt de la Cour de cassation, du 15 avril 1937, cité par M. Louis Hugueney, professeur de droit criminel à la Faculté de Paris, dans un très intéressant article de la Revue de la Gendarmerie du 15 mars 1938, dispose que la gendarmerie tire de l’article 125 de la loi de germinal le droit de procéder à une enquête, non seulement d’office, mais encore sur la réquisition du parquet. En présence des dispositions formelles de l’article 140 de la même loi, cette nouvelle jurisprudence, en tant qu’elle s’appuie sur la loi de germinal pour légitimer les enquêtes de gendarmerie sur la réquisition du parquet, nous paraît mal fondée.

(32) Voir nos articles sur la justice prévôtale dans la Revue de la gendarmerie de janvier, mars et mai 1938.

(33) Loi du 16 février 1791, section 2, art. 3 ; loi du 28 germinal an VI, art. 128.

(34) Loi du 22 juillet 1791, titre Ier, art. 3 ; loi du 28 germinal an VI, art. 125, § 15.

(35) Titre Ier, art. 3 de la loi des 16-29 septembre 1791.

(36) Voir dans la Revue de la gendarmerie du 15 janvier 1938 l’article : « La justice prévôtale depuis la Révolution ».

(37) Aux termes de la loi du 4 vendémiaire an VI (25 septembre 1795), les gendarmes préposés à la conduite ou à la garde d’individus arrêtés, détenus ou condamnés, étaient responsables, en cas de connivence ou de négligence, de l’évasion de ces individus.

(38) Dans les premières années de la Révolution, la gendarmerie fut employée à la garde de scellés et de particuliers ; mais on verra au chapitre de la « Gendarmerie des tribunaux » que la loi du 11 pluviôse an II (30 janvier 1794) interdit cet emploi à l’avenir, sauf réquisition du Comité de sûreté générale.

(39) Code du 3 brumaire an IV, art. 135.

(40) Loi des 14-29 avril 1792, titre VI, art. 3.

(41) Loi de germinal, art. 131.

(42) Voir dans la Revue de la gendarmerie du 15 mai 1933 l’article : « Sur l’inviolabilité du domicile ».

(43) Dalloz, Jurisprudence générale du royaume, 57.

(44) Décret du 1er mars 1854, art. 292 ; décret du 20 mai 1903, art. 170.

(45) Loi du 16 février 1791 ; police rurale, 6 octobre 1791 ; loi de germinal an VI.

(46) Loi du 29 septembre 1791, titre II, art. 8.

(47) Décret du 4 août 1806.

(48) Arrêt de la Cour de cassation, 8 mars 1851.

(49) Ordonnance de 1778, titre IV, art. 8.

(50) Le principe de la réquisition écrite avait été instauré par l’ancienne monarchie ; voir ordonnance du 28 avril 1778, titre V, art. 3.

(51) Décret du 28 août 1791.

(52) Voir le chapitre « La gendarmerie au 9 thermidor ».

(53) Voir dans la Revue de la gendarmerie du 15 mai 1934 : « La responsabilité des événements dans la répression des mouvements populaires ».

(54) Aucune loi révolutionnaire ne définit l’attroupement armé ; cette lacune sera comblée par la loi du 7 juin 1848. D’autre part, les lois de la Révolution interdisent les attroupements en tous lieux. Les lois postérieures sur les attroupements (10 août 1831, 7 juin 1848) ne les interdiront que sur la voie publique.

(55) Du 4 août 1780 (extrait des registres du parlement de Bordeaux). « Ce jour le procureur du roy est entré et a dit qu’il était obligé de déférer à la Cour un attroupement et émotion populaires arrivés dans la ville de Gontaud en Agenais le 30 du mois dernier, et la rébellion la plus marquée pour empêcher la publication et l’exécution de quatre arrêts de la Cour [relatifs à la translation du cimetière de Gontaud] ». Cette rébellion marquée donna lieu d’appeler trois brigades de maréchaussée (sous les ordres du lieutenant de Sauvaud) pour le trente, afin de contenir la populace ; mais la présence de cette troupe ne servit qu’à rendre le peuple plus furieux ; en vain les officiers municipaux et le commandant de la maréchaussée tâchèrent-ils de les calmer par leurs exhortations et de leur persuader qu’ils devaient l’obéissance à l’arrêt dont ils allaient entendre la lecture ; tout fut inutile ; le tocsin assembla tous les habitants de la ville et de la campagne et des paroisses voisines ; le peuple était immense et menaçait la maréchaussée de se porter aux derniers excès ; elle fut obligée de relâcher un des métayers du maire de la ville qui était à la tête des révoltés ; le commandant fut menacé de coups de bâton et enfin, pour éviter d’en venir aux dernières extrémités contre les rebelles, la maréchaussée prit le parti de se retirer, et le peuple ne parut se calmer que quand on l’assura qu’il ne serait plus question de la lecture de l’arrêt.

(56) Il faut observer, ici, qu’il doit exister une corrélation entre les moyens de défense et le péril que fait courir l’agression. On ne peut admettre que l’on puisse tuer des adversaires dans tous les cas de légitime défense. La défense n’est légitime qu’autant que les actes au moyen desquels elle a été exercée n’excède pas la mesure des efforts nécessaires pour repousser l’agression. En d’autres termes, la mesure de la défense est donnée par le danger de l’agression. On a toujours estimé, par exemple, qu’une attaque à coup de pierres peut être de nature à placer une troupe en état de légitime défense et à l’autoriser à riposter par des coups de feu. Interpellé, le 24 juin 1907, sur les événements de Narbonne. Clemenceau s’écriait : « Vous dites : le blessé a été atteint seulement par une pierre ; mais c’est comme cela qu’on meurt, comme cela qu’on tue ». Clemenceau n’avait pas oublié le lieutenant Lautour, tué par une pierre aux grèves du Nord, l’année précédente, sabre au fourreau. Sans doute, se rappelait-il aussi la grêle de pierres qui avait fondu sur la troupe à Fourmies (1891). La riposte à coups de fusil fit quatorze morts et vingt-deux blessés ; mais nul ne reprocha à la troupe de s’être défendue. Par contre, on blâma sévèrement l’attitude des autorités civiles qui, au cours de ces événements, ne s’étaient pas tenues à leur place et avaient abandonné la troupe à elle-même. À qui appartient-il d’apprécier la nécessité de la défense ? Les lois observent, à cet égard, un silence prudent. Il est évident, en premier lieu, que l’usage des armes par les troupes doit être toujours commandé par les chefs militaires et jamais par les officiers civils, et, en second lieu, que le pouvoir ainsi attribué aux chefs militaires ne saurait exclure, le cas échéant, le droit de légitime défense individuelle pour les isolés. Une opinion a été émise à ce sujet par M. Blum, président du Conseil, à la séance de la Chambre des députés du 23 mars 1937 : « Je répète que, pour une troupe formée et commandée, le droit de légitime défense individuelle n’existe pas ». Autrement dit, le droit de légitime défense ne saurait appartenir, selon M. Blum, qu’au commandant de la troupe. Cela est évident si la troupe n’est pas en contact avec les manifestants. Mais si elle procède à une intervention sans déployer la force des armes, la troupe pourra bien, en maintes circonstances, demeurer dans la main de son chef ; mais il pourra y avoir aussi une mêlée : des hommes pourront se trouver isolés par le corps à corps et exposés à un péril certain. Ces isolés se trouveraient-ils donc privés du droit de légitime défense ? Cela est inadmissible. S’ils se défendent pour ne pas succomber. On ne saurait les poursuivre sans commettre une révoltante iniquité. Or, les prises de contact sont plus ou moins profondes. Comment distinguer entre celles au cours desquelles la troupe conservera légalement son caractère de troupe formée dans la main de son chef, et celles qui auront, au contraire, pour effet d’ouvrir le droit de légitime défense individuelle ? Comment établir entre elles une ligne de démarcation ? Allons plus loin. La défense individuelle, dans un corps à corps, peut avoir pour résultat de faire reculer l’agression et de rendre inutile un feu de salve qui toujours dépasse le but. Le feu de salve de Fourmies ne fut précédé d’aucune défense individuelle. Il nous paraîtrait donc dangereux de toucher à la législation en vigueur en y introduisant la théorie de la troupe « formée et commandée ». Bien appliquée, cette législation, fruit de trois révolutions, prévient les abus de la force contre les émeutiers, sans perdre de vue le but à atteindre qui est d’obtenir que force reste à la loi. Mais il est rare qu’elle soit bien appliquée. C’est là et non ailleurs que gît le mal (voir dans la Revue de la gendarmerie du 15 mai 1934 : « La responsabilité des événements dans la répression des mouvements populaires »).

(57) Voir dans la Revue de la gendarmerie du 15 mai 1934 : « La responsabilité des événements dans la répression des mouvements populaires ».

(58) Loi des 26 juillet - 3 août 1791, art. 26 et 27 ; loi de germinal an VI, art. 232.

(59) Loi de germinal, art. 230.

(60) Arrêt de la Cour de cassation, 8 août 1840.

(61) Loi de germinal, art. 128.

(62) Loi de 1791, section 2, art. 1er, 10° ; loi de germinal, art. 125, 15°.

(63) Voir Revue de la Gendarmerie du 15 janvier 1938.

(64) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1043, 1044, 1045 ; P. Vidal, Histoire de la Révolution

(65) Les primes d’arrestation de déserteurs furent rétablies par un décret impérial du 12 janvier 1811.

(66) On voit qu’afin de prévenir l’inscription, sur les journaux mensuels, de services fictifs, les gouvernants n’hésitaient pas à placer la gendarmerie, à l’égard des officiers municipaux, dans une sorte de subordination. Dans notre Service spécial de la gendarmerie, paru en 1922, nous avons émis cette opinion que le visa du bulletin de service par les maires ou notables constituait, de nos jours, un anachronisme. Cette formalité a été supprimée par le décret du 31 mars 1924.

(67) Voir Revue de la Gendarmerie des 15 novembre 1938 et 15 janvier 1939.

(68) Voir notamment les articles 21, 24 et 30 de ce document.

(69) « Lesdits lieutenants se porteront partout où leur présence sera nécessaire, non seulement pour constater les crimes et délits qui auront été commis dans l’étendue de leurs lieutenances et faire les informations et procédures dont ils sont tenus en leur qualité de lieutenants de prévôts des maréchaux, mais encore pour agir de leur personne toutes les fois que la sûreté publique pourrait être menacée par des émeutes populaires, attroupements de voleurs ou autres événements, etc. » ; ordonnance de 1778, titre 3, art. 25.

(70) P. Cantal, Études sur l’armée révolutionnaire, Paris, 1927.

(71) Règlements sur le service intérieur de 1913 et de 1933. Voyez aussi l’action personnelle des officiers dans la recherche des malfaiteurs (instruction de 1926) et la police de la route (instruction de 1930).

(72) Voir Revue de la Gendarmerie du 15 mars 1936.

(73) Décrets des 17, 19 et 20 juillet.

(74) Voir Revue de la Gendarmerie du 15 septembre 1936.

(75) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1037.

(76) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1040.

(77) Voyez Maréchaussée du Bas-Limousin et Gendarmerie de la Corrèze, par le capitaine Breillout.

(78) P. Vidal, Histoire de la Révolution

(79) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L. 1037, circulaire du ministre Servan, du 16 septembre 1792.

(80) Certains choix furent particulièrement heureux. C’est ainsi que la 2e division, formée à Versailles, appela à sa tête le lieutenant Dugua, de la Haute-Garonne, qui allait se distinguer comme colonel, sous Perpignan, dans l’armée des Pyrénées-Orientales, puis, comme général, à la bataille des Pyramides.

(81) Voir Revue de la Gendarmerie du 15 janvier 1935.

(82) Loi du 21 août 1792, titre 4, art. 2.

(83) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1034, lettre ministérielle du 10 décembre 1792.

(84) Arch. dép. Aude, L 818, lettre ministérielle du 16 ventôse an II.

(85) Rapport sur la solde des troupes, fait à la Convention nationale au nom des comités de salut public, des finances, de l’examen des marchés et de la guerre, du 2 thermidor an II (20 juillet 1794).