Louis Larrieu

CHAPITRE IV - SERVICE DE LA MARÉCHAUSSÉE

La justice prévôtale

Compétence. Les cas prévôtaux

Définitions

Nous connaissons déjà l’origine et les fondements de la justice prévôtale(1) ; nous allons montrer ci-dessous, en suivant l’ordre chronologique, comment cette juridiction, uniquement destinée, à l’origine, à réprimer les excès des gens de guerre et dont la compétence embrassa, à partir de François Ier, les crimes de grand chemin quels qu’en fussent les auteurs, prit une extension de plus en plus grande et finit par occuper une place importante dans les institutions judiciaires de l’ancienne France.

On appelait crime toute action injuste tendant à troubler l’ordre et la tranquillité publique. Les mots crime, maléfice et délit avaient la même signification ; cependant, on se servait du mot délit pour exprimer les moindres crimes et du mot crime pour exprimer les plus atroces et qui méritaient une punition exemplaire (de la Combe).

Les crimes atroces étaient, en général, des « crimes publics » qui nuisaient au bon ordre ; les cas prévôtaux rentraient dans cette catégorie. Dans les crimes légers rentraient les « délits privés », c’est-à-dire ceux qui n’intéressaient que les particuliers, comme les simples injures et légères voies de fait sans port d’armes ; nous verrons plus loin qu’au début du règne de Louis XIV, les prévôts des maréchaux furent compétents, pendant quelques années, pour connaître de tous crimes, mêmes des délits privés.

On appelait cas prévôtaux ou royaux certains délits qui blessaient l’autorité du prince ou qui compromettaient gravement la sûreté publique. Les cas prévôtaux, qui étaient de la compétence des prévôts des maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux, et lieutenants criminels de robe courte, furent énumérés à l’article XII du titre Ier de l’ordonnance de 1670. Les cas royaux, qui étaient jugés par les baillis, sénéchaux et présidiaux, firent l’objet de l’article XI du titre Ier de la même ordonnance. Certains cas royaux, tels que la plupart des crimes de lèse-majesté(2), ou le crime d’hérésie, n’étaient pas prévôtaux(3).

Par contre, le crime de désertion, cas prévôtal, n’était pas un cas royal ; aucun juge ordinaire ne pouvait en connaître(4).

Les cas prévôtaux étaient appelés aussi cas présidiaux, non seulement parce que c’était au présidial que le prévôt procédait à l’instruction et au jugement des procès, mais encore parce que le lieutenant criminel du bailliage auquel le présidial était attaché pouvait connaître des mêmes cas que le prévôt, par prévention et concurrence.

Crimes et vols de grand chemin (25 janvier 1536)

« Le vol sur les grands chemins doit s’entendre, a dit Pothier, lorsqu’il est fait avec agression ; car, si un voleur qui me trouve endormi le long d’un grand chemin, me dérobe ma bourse pendant mon sommeil, le vol n’est pas un vol de grand chemin »(5). Sous le terme de grand chemin, on comprenait aussi les routes qui, étant dans les bois et forêts, longeaient les grands chemins et servaient aux passants et voyageurs(6).

François Ier, par la déclaration du 25 janvier 1536 dont nous avons parlé précédemment, avait attribué aux prévôts la connaissance des crimes commis par les vagabonds et voleurs de grand chemin « tenant les champs, pillant et robant leurs hôtes, forçant et violant femmes et filles, détroussant et meurtrissant les passants, allans et venans » ; étaient justiciables du prévôt tous les délinquants, quels qu’ils fussent, vagabonds ou domiciliés ou des ordonnances (c’est-à-dire des corps de troupes). Comme il s’agissait de crimes exigeant une punition prompte et de justiciables généralement indignes de la faveur de l’appel, les jugements des prévôts des maréchaux étaient rendus en dernier ressort.

Chasse (12 décembre 1538)

Parcourant les campagnes pour les purger des malfaiteurs, la maréchaussée était particulièrement qualifiée pour réprimer le braconnage. Une ordonnance du 12 décembre 1538 attribua aux prévôts des maréchaux la connaissance des crimes et délits en matière de chasse et l’interdit aux juges ordinaires, à cause de la lenteur de leurs procédures. La compétence des prévôts fut confirmée par les lettres patentes du 1er juillet 1539, qui leur attribuèrent la moitié des amendes auxquelles étaient condamnés les infracteurs aux ordonnances sur la chasse : un quart fut attribué aux dénonciateurs.

La déclaration du 5 février 1549 constata que le Parlement n’avait voulu vérifier ni publier les ordonnances de 1538 et 1539 sur la chasse, qui étaient restées sans exécution ni effet. Elle les confirma, en rappelant que les infracteurs à ces ordonnances n’avaient aucune crainte des officiers et juges ordinaires des lieux, qui faisaient très mal leur devoir.

La cour de Parlement n’ayant pas voulu publier la déclaration de 1549, en ce qui concernait la chasse, sans être éclairée sur la qualité des personnes auxquelles la chasse était interdite, et ayant fait à ce sujet des remontrances au roi, le prince, par son ordonnance du 5 septembre 1552, confirma les précédentes et enjoignit « une fois pour toutes » au Parlement de procéder à la vérification, à la publication et à l’enregistrement de la déclaration de 1549, en tant qu’elle se rapportait à la chasse.

Mais, devant la résistance de la justice ordinaire, les prévôts ne jouirent pas des dispositions de l’ordonnance de 1552, qui ne fut pas vérifiée ; les infractions aux lois sur la chasse continuèrent à être réprimées par les juges des lieux, ainsi que par les maîtres des eaux et forêts créés par l’édit de février 1554 et à qui cette juridiction fut attribuée. Les dispositions qui attribuaient la compétence, en ces matières, aux prévôts des maréchaux, tombèrent en désuétude(7).

Des édits sur la chasse et la défense du port d’armes furent publiés en juin 1601 et juillet 1607 ; les capitaines des forêts royales de Saint-Germain et de Fontainebleau furent chargés de juger les délits commis dans ces forêts, et la maréchaussée fut tenue d’exécuter les décrets et jugements émanant de ces officiers, comme ceux émanant des maîtres des eaux et forêts ou des juges ordinaires.

L’ordonnance des eaux et forêts, enregistrée le 13 août 1669, constitua définitivement le Code de la chasse, de la pêche et forestier de l’Ancien Régime ; les tribunaux forestiers statuaient sur les délits.

Déclaration du 3 octobre 1544

Les lettres patentes du 6 avril 1543 mandèrent au prévôt de Paris de courir sus aux gens de guerre qui tenaient la campagne sans commission, d’y employer les prévôts des maréchaux et, même, de faire assembler le ban, l’arrière-ban et les communes, au son du tocsin.

Le 18 septembre 1544, la paix fut signée à Crépy entre le roi François Ier et l’empereur Charles-Quint ; les soldats licenciés se mêlèrent aux déserteurs des troupes conservées et aux voleurs et vagabonds qui, par suite de la négligence des baillis et sénéchaux, remplissaient la plus grande partie du royaume ; tous ces aventuriers commirent les pires méfaits.

Le 3 octobre 1544, François Ier publia une déclaration qui ordonna de courir sus à ces aventuriers. Déjà, la déclaration de 1536 avait attribué la connaissance des crimes de grand chemin aux prévôts des maréchaux, mais ce n’était qu’une simple commission à temps. La déclaration de 1544 fixa définitivement la compétence des prévôts, en leur accordant, par concurrence et prévention avec les baillis et sénéchaux, le droit de juger en dernier ressort « les gens de guerre qui désemparaient le service, les vagabonds et autres gens tenant les champs, foulant et opprimant le peuple, commettant force violences, pilleries, larcins et autres crimes et délits », en appelant à leurs jugements quatre notables personnages officiers du roi ou autres gens du conseil.

Faux saunage (4 janvier 1547)

Le règlement du 4 janvier 1547 sur le « fournissement des greniers et chambres à sel » attribua aux prévôts des maréchaux, contre les faux sauniers, le même pouvoir qu’ils avaient contre les vagabonds, en leur enjoignant d’y vaquer avec diligence. On trouve les mêmes dispositions dans un règlement de 1548. Le règlement des greniers à sel du 28 avril 1599 (article 25) confirma la compétence des prévôts, nonobstant appellations quelconques, en leur prescrivant d’appeler au jugement les officiers du plus proche grenier et, en cas de mutilation de membre ou de torture, des avocats au nombre nécessaire.

Dans la suite, le droit de juger les faux sauniers fut réservé aux officiers des greniers à sel, qui, cependant, entretinrent parfois, à leurs dépens, des prévôts et archers pour la répression de la contrebande (Montarlot).

Assassinat (juillet 1547)

Plusieurs assassinats ayant été commis par des Italiens, le roi rendit, en juillet 1547, un édit punissant de la peine de la roue les meurtriers et assassins.

Jusqu’alors, le prévôt des maréchaux n’était compétent, à l’égard des assassins, que pour les crimes de grand chemin(8). L’édit de 1547 disposa que, si les assassins ne pouvaient être consignés commodément entre les mains des juges ordinaires, ils seraient remis au prévôt des maréchaux, qui les prendrait en charge « pour en répondre, ensemble de ses diligences, quand métier serait ». Cette ordonnance n’attribuait pas nettement la compétence au prévôt des maréchaux.

Lors de la discussion de l’ordonnance de 1670, Talon dit qu’il n’y avait aucune ordonnance qui mit au nombre des cas prévôtaux l’assassinat prémédité ou le guet-apens ; mais Pussort fit remarquer que l’usage interprétait les ordonnances en faveur des prévôts(9).

Déclaration de Fontainebleau (5 février 1549)

Des cours de parlement et des juges ordinaires ayant voulu entreprendre contre la justice des prévôts des maréchaux, sous prétexte que des voleurs de grand chemin, poursuivis par ces officiers, se disaient domiciliés ou appartenir aux troupes du roi, la déclaration rendue, le 5 février 1549, par le roi Henri II confirma la compétence des prévôts à l’égard de ces criminels et accrut même la compétence de la justice prévôtale.

Les prévôts des maréchaux eurent le pouvoir de juger ceux qui étaient « chargés desdites voleries ou pris en flagrant délit, où se trouvaient avoir tenu ou tenir les champs » soit gens de guerre, de quelque condition qu’ils fussent, « les guetteurs de chemins, tant aux villes qu’aux champs, sacrilèges avec fracture, agressions faites avec port d’armes », et les faux-monnayeurs.

La compétence du prévôt continua à s’étendre jusqu’aux domiciliés ; mais, comme en 1544, les baillis, sénéchaux et juges présidiaux furent compétents en même temps que les prévôts, par prévention et concurrence.

Ordonnance du 12 novembre 1549

L’ordonnance du 12 novembre 1549 sur la gendarmerie chargea le prévôt des maréchaux d’entendre les plaintes et les doléances des habitants contre les hommes d’armes et de juger les coupables ; de punir d’une façon exemplaire ceux qui ne payaient pas les vivres qu’ils recevaient des habitants ; de saisir ceux qui, munis de congés, tenaient les champs et vivaient sur le peuple ; d’assembler au besoin, à cet effet, le ban, l’arrière-ban et les communes, et de punir les coupables de la peine de mort.

Ordonnance d’Orléans (janvier 1560)

Les populations reconnurent l’utilité d’une maréchaussée qui veillait à la sécurité matérielle des provinces, et les États généraux d’Orléans (1560) demandèrent que le service de cette force publique fût renforcé ; mais la nécessité d’investir les prévôts d’une compétence judiciaire fut souvent contestée. La compétence du prévôt des maréchaux pour juger les vagabonds fut rarement mise en discussion ; au XVIe siècle, comme de nos jours, les vagabonds constituaient le principal gibier de la maréchaussée ; on acceptait également la justice prévôtale, suivant sa mission traditionnelle, pour la répression des désordres des gens de guerre ; par contre, la compétence du prévôt, à l’égard des habitants domiciliés, fut vivement critiquée, notamment à Orléans, où le tiers état demanda qu’aussitôt après la capture, les prévôts fussent tenus de renvoyer les prévenus domiciliés devant le juge de leur domicile (article 70). Ce vœu fut accueilli par l’ordonnance qui maintint, en même temps, la compétence des juges ordinaires, par prévention, pour les cas prévôtaux (article 72). Il fut enjoint aux prévôts des maréchaux de procéder à la punition prompte et exemplaire des fautes et excès commis par les gens de guerre (article 115).

Règlement du 14 octobre 1563

Les restrictions apportées par l’ordonnance d’Orléans à la compétence de la maréchaussée ne tardèrent pas à paraître incompatibles avec les violences qui accompagnèrent les guerres de religion. Les troubles intérieurs, quelles qu’aient été leurs causes – religieuses, politiques ou économiques – ont toujours eu pour effet d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur notre arme et sur la nécessité d’accroître ses moyens d’action ; la paix sociale produit le phénomène inverse.

Aux États généraux d’Orléans, le chancelier Michel de l’Hôpital avait prêché l’union et la concorde ; mais ses appels à la conciliation n’avaient pu préserver la France de la première guerre civile, au cours de laquelle les deux partis rivalisèrent de cruauté (1562-1563)(10).

Au lendemain de cette guerre, le roi Charles IX, par son règlement du 14 octobre 1563, maintint la compétence des prévôts des maréchaux pour les délits commis au camp par les gens de guerre, ainsi qu’à l’égard des vagabonds, gens sans aveu, bannis et « essorillés » ; les jugements prévôtaux étaient sans appel (article 21). De plus, le roi rétablit la compétence des prévôts, toujours en dernier ressort, à l’égard des domiciliés et, par prévention des juges ordinaires, pour les cas qui leur étaient attribués par les ordonnances antérieures, tels que « fausses-monnaies, séditions, voleries publiques », mais à condition que ces domiciliés fussent arrêtés pour des crimes en dehors des villes closes (article 22).

Les prévôts avaient en tous lieux, contre toutes personnes et pour tous délits, le droit de décréter, d’arrêter et d’informer ; mais ils étaient tenus de rendre leurs prisonniers aux juges ordinaires, sauf dans les cas qui leur étaient attribués par les articles précédents (article 24). Les parties qui voulaient appeler du prévôt comme d’un juge incompétent étaient tenues de se pourvoir devant le roi.

Cette dernière disposition, ainsi que l’article qui attribuait au prévôt le droit de juger sans appel, ne furent pas enregistrés par le parlement de Toulouse, qui fit des remontrances à ce sujet(11).

Édit de Roussillon (août 1564)

L’édit d’août 1564 fixa la juridiction des prévôts des maréchaux et détermina avec précision les cas prévôtaux : « Auront lesdits prévôts et leurs lieutenants, connaissance de tous délits commis par gens de guerre au camp et à la suite d’icelui, guetteurs de chemins, voleurs, larrons publics, sacrilèges avec fracture, agressions faites avec port d’armes tant à la ville qu’aux champs, comme aussi contre tous vagabonds, gens sans aveu, bannis et essorillés, crime de fausse monnaie ». Et l’édit ajouta : « soit contre domiciliés ou non », supprimant ainsi définitivement les restrictions apportées à Orléans à la compétence des prévôts des maréchaux, à condition toutefois que les domiciliés fussent pris et appréhendés pour des crimes énumérés ci-dessus et commis en dehors des villes closes(12).

Comme dans le règlement de 1563, la répression, à l’intérieur des villes, était donc réservée, en principe, aux magistrats ordinaires, tandis que l’action judiciaire des prévôts des maréchaux ne s’exerçait pleinement que dans les campagnes. Cette distinction, que l’on trouve ainsi dans la réglementation du XVIe siècle, a subsisté jusqu’à nos jours. La gendarmerie actuelle « est particulièrement destinée à la sûreté des campagnes et des voies de communication »(13).

Certains criminels appelant cependant des prévôts comme de juges incompétents, l’édit décida que l’incompétence prétendue par un prisonnier serait jugée au présidial ou au siège royal le plus voisin, au nombre de sept juges.

Les prévôts pouvaient être prévenus par les juges ordinaires ; cependant, l’édit leur attribua, ainsi qu’à leurs lieutenants, « privativement à tous juges, la connaissance de tous crimes et délits commis dans les camps et armées par les gens de guerre ou autres ».

Ordonnance de Moulins (février 1566)

Pour réprimer les excès et voies de fait qui se commettaient dans le royaume, l’ordonnance de Moulins, deux années plus tard (1566), rendit à son tour justiciables du prévôt des maréchaux, dans les cas prévôtaux, toutes les personnes de quelque qualité qu’elles fussent, « domiciliées ou autres » (article 41).

Seuls, les juges aux sièges présidiaux eurent le droit de connaître, par prévention et concurrence, des cas attribués au prévôt des maréchaux (article 46) ; de même, l’incompétence prétendue devait être jugée au présidial le plus voisin (article 42).

L’édit d’Amboise (1572) voulut que les jugements sur la compétence ou l’incompétence fussent motivés. L’ordonnance du 1er février 1574 « sur le règlement de la gendarmerie, forme de vivre et payement d’icelle », ordonna aux prévôts des maréchaux de suivre les compagnies dans leurs déplacements, de recevoir les plaintes des habitants contre les troupes et de juger les coupables. Ces prescriptions furent renouvelées par l’arrêt du Conseil du 25 février 1666.

Ordonnance de Blois (mai 1579)

L’ordonnance de Blois (articles 189 et 201) confirma les ordonnances antérieures concernant la juridiction du prévôt des maréchaux. Les gens de guerre faisant alors beaucoup de ravages(14), l’article 306 accorda aux lieutenants criminels des simples bailliages le droit de connaître, par prévention et concurrence, des cas prévôtaux, droit qui n’appartenait, en principe, qu’aux officiers des sièges présidiaux(15).

Les prévôts étaient compétents pour punir les soldats coupables envers les habitants (article 302) ; il leur était enjoint, en outre, de chasser les filles de joie qui suivaient les compagnies de gens de guerre et de les châtier du fouet ; ils expulsaient, de même, les goujats qui excédaient le chiffre d’un pour trois soldats (article 311) ; les prévôts étaient, de plus, chargés de prendre et d’étrangler sans autre forme de procès ceux qui levaient des compagnies sans autorisation du roi (article 314), disposition confirmée par les ordonnances des 30 janvier 1595 et 25 octobre 1596.

Rapt et incendie

Le 18 janvier 1585, fut publiée une déclaration attribuant au prévôt général de Languedoc la connaissance des crimes de rapt et d’incendie qui ne rentraient point dans les cas prévôtaux fixés par les ordonnances. Bien que cette déclaration fût locale pour le Languedoc, d’autres prévôts se l’approprièrent, « l’intention du roi n’ayant pas été, disait Montarlot, d’attribuer cette juridiction au prévôt de Languedoc seulement ». Le Grand Conseil se serait rangé à cet avis(16). Par contre, Bornier n’admettait pas cette extension de juridiction(17).

Ordonnance de janvier 1629 ou code Michau

L’ordonnance de 1629 retira aux prévôts des camps et armées et de la suite(18) des maréchaux de France le droit de juger les domiciliés, et confirma leur compétence à l’égard des gens de guerre, pour les délits militaires ou prévôtaux (article 183).

Le prévôt d’armée connaissait des crimes et délits commis par les troupes « hors de dessous leurs drapeaux et cornettes et hors des factions militaires comme aussi dans le quartier général » (article 340). Les prévôts étaient compétents, comme les juges ordinaires, pour les crimes et délits commis soit hors des garnisons (article 341), soit dans l’enclos des garnisons contre les habitants (article 342).

Juridiction ordinaire

Les prévôts des maréchaux étaient compétents pour juger les cas prévôtaux, c’est-à-dire les grands crimes prévus dans l’édit de Roussillon ; un arrêt de la cour des Grands Jours de Poitiers, du 4 novembre 1634, portant règlement sur les fonctions des prévôts des maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux, de leurs lieutenants, greffiers et archers, rappela que les prévôts ne pouvaient connaître des crimes légers, tels que les injures verbales ou les simples voies de fait sans port d’armes.

Mais, afin que la punition des « crimes, délits, excès et maléfices » qui se commettaient dans le royaume, fût faite « plus promptement et plus exactement que par le passé », le roi résolut, par son édit d’août 1647, d’augmenter le pouvoir de toutes les maréchaussées. À cet effet, il attribua aux grands prévôts (prévôts généraux) la même juridiction qu’aux lieutenants criminels de robe longue des sièges présidiaux, bailliages et sénéchaussées, « pour connaître de tous crimes, délits, injures et offenses », commis en quelque lieu et par quelque personne que ce fût, excepté dans l’enclos des villes où il y avait des juges royaux.

Cette multiplicité de juges pour un même fait ayant entraîné un grand désordre dans la justice criminelle, un édit de février 1661 révoqua la juridiction ordinaire attribuée aux prévôts des maréchaux. Des lettres patentes du 27 avril 1655 l’avaient déjà supprimée en Normandie.

Les duels. Tribunal des maréchaux. Lieutenant des maréchaux

Nous sommes à une époque où les duels étaient sévèrement interdits. L’ordonnance de Moulins (1566) défendit, sous peine de la vie, de vider les querelles par les armes, et enjoignit à ceux qui avaient reçu une injure de se retirer par-devers les connétables et maréchaux de France. Ce tribunal d’honneur, qui connaissait des différends entre les gentilshommes, fut appelé, plus tard, tribunal des maréchaux.

Mais il fut très difficile de plier la noblesse au respect de la loi. Henri IV, malgré un arrêt du Parlement du 29 juin 1599 et les édits d’avril 1602 et juin 1609, qui défendaient les duels à peine de crime de lèse-majesté, ne peut arrêter la manie des combats singuliers qui, de 1591 à 1609, coûtèrent la vie à quatre mille gentilshommes(19).

Ses successeurs publièrent à leur tour plusieurs édits et déclarations contre ce crime. Nous mentionnerons la déclaration du 26 juin 1624 et l’édit de février 1626, que la maréchaussée fut chargée de faire appliquer en même temps que la justice ordinaire ; ce fut pour braver cet édit que le comte de Montmorency-Bouteville et son second des Chapelles se battirent place Royale ; condamnés à mort par le parlement de Paris, ils furent décapités place de Grève.

L’édit de juin 1643 retira aux maréchaux de France la connaissance des infractions de cette nature, et défense fut faite aux prévôts, par cet édit, d’informer contre les délinquants, qui ne furent plus justiciables que des cours de parlement et des juges ordinaires ; mais les édits de septembre 1651 et d’août 1679, dérogeant au précédent, attribuèrent de nouveau la compétence, en matière de duel, aux prévôts des maréchaux, concurremment avec les juges ordinaires, et à la charge de l’appel seulement. Cela fut ordonné en présence « de la licence effrénée des duels, considérant, d’ailleurs, que la diligence importe grandement pour la punition de ce crime » et que les prévôts des maréchaux, qui se trouvaient le plus souvent à cheval pour le service, « étaient plus prompts et plus propres pour procéder contre les coupables de duels et rencontres ». Prévôts et archers, sur le bruit d’un combat arrivé, devaient « se transporter à l’instant sur les lieux, pour arrêter les coupables et les constituer prisonniers dans les prisons royales les plus proches du lieu du délit ». Chaque capture donnait droit à une prime de 1500 livres.

Si un prévôt des maréchaux et un lieutenant criminel de robe courte se trouvaient avoir fait diligence égale pour décréter contre un duelliste, le prévôt était préféré au lieutenant criminel pour connaître de l’affaire(20).

La compétence de la maréchaussée en matière de duel fut maintenue par les édits postérieurs, et notamment par celui de février 1723, qui chargeait les prévôts, comme les juges ordinaires, « d’informer des querelles, outrages, insultes et voies de fait dont ils auraient avis ou connaissance, par quelque voie que ce fût ». Le rôle de la maréchaussée, en matière de duel, ne consistait pas uniquement à poursuivre et juger les coupables, conformément aux ordonnances précitées ; cette troupe prêtait, en outre, son concours à la juridiction chargée de prévenir les crimes de cette nature, juridiction, dite du point d’honneur, dont nous avons déjà parlé, représentée à Paris par le tribunal des maréchaux et, en province, par les lieutenants des maréchaux.

Parlons d’abord du tribunal des maréchaux. L’ordonnance de Moulins ayant défendu les voies de fait et ordonné aux gentilshommes de se retirer, en cas d’offense, devant les maréchaux de France, les maréchaux, assemblés dans leur tribunal, réglaient les différends ; ils prévenaient ainsi les duels, mais ils n’avaient pas qualité pour juger ces délits quand ils étaient consommés(21) ; ces infractions étaient de la compétence des juges ordinaires et aussi, nous venons de le voir, des prévôts des maréchaux.

Étaient soumis à la juridiction d’honneur des maréchaux de France, les gentilshommes, les militaires et les commensaux de la maison du roi.

Cette juridiction était compétente pour connaître des injures, de vive voix ou par écrit, et des voies de fait, excès réels ou simples menaces accompagnées de gestes outrageants ; elle prononçait les peines prévues par les règlements des maréchaux de France des 22 août 1653 et 22 août 1679, et par la déclaration du 12 avril 1723, sur les diverses satisfactions et réparations d’honneur. C’est ainsi, par exemple, que tout gentilhomme qui avait donné un coup de bâton, après avoir reçu un soufflet ou un coup de main, était puni de deux ans de prison. L’édit de décembre 1704 infligeait des peines spéciales aux officiers de robe coupables de paroles injurieuses ou de voies de fait.

Le tribunal des maréchaux réglait aussi les différends relatifs à la chasse, à la pêche ou aux droits honorifiques, tels que la prééminence du pas à la procession ou à l’offrande et le droit de placer un banc dans les églises ou de déplacer celui qui y avait été mis par une autre personne ; le tribunal prévenait ainsi les voies de fait auxquelles ces contestations pouvaient donner lieu entre gentilshommes.

Enfin, le tribunal recevait les plaintes des personnes, nobles ou non nobles, envers lesquelles des gentilshommes avaient souscrit des billets d’honneur ; il ne jugeait pas au fond ; il renvoyait les adversaires devant les juges ordinaires ; mais il punissait de la prison ses justiciables, lorsqu’ils n’avaient pas satisfait à leur engagement d’honneur (règlement des maréchaux de France du 20 février 1748, au sujet des billets d’honneur).

Des lieutenants, avons-nous dit, représentaient en province le tribunal du point d’honneur, et nous avons vu que des lieutenants des maréchaux furent créés en 1651, 1679, 1693, 1702 et 1707 et répartis dans les bailliages.

Un édit d’octobre 1704 créa, en chaque bailliage, un conseiller-rapporteur du point d’honneur, pour instruire toutes les affaires qui survenaient entre gentilshommes.

Comme le tribunal des maréchaux, les lieutenants avaient mission de prévenir les querelles et de mettre un terme aux difficultés que faisaient naître les droits honorifiques. Leurs fonctions étaient réglées par les divers édits de création que nous venons d’énumérer, en particulier par les édits de septembre 1651 et août 1679, par les règlements des maréchaux de France des 22 août 1653, 22 août 1679, et par l’édit de février 1723.

Dès qu’il apprenait qu’une querelle existait entre des gentilshommes, le lieutenant des maréchaux faisait appeler les deux adversaires ; s’il ne pouvait les réconcilier, il commençait par leur faire des défenses de voies de fait ; ces défenses leur étaient signifiées par des officiers ou des gradés de maréchaussée, qui en dressaient procès-verbal et faisaient signer par les parties leur engagement de s’y conformer ; le lieutenant des maréchaux devait rendre compte sur-le-champ au tribunal de l’ordonnance qu’il avait rendue, ainsi que des faits qui avaient précédé et suivi la querelle.

Si l’affaire était grave, le lieutenant pouvait, sans attendre la réponse et les ordres du tribunal, la faire instruire par un officier de maréchaussée ; les résultats de l’information étaient transmis au tribunal, qui statuait ; cependant, en cas d’urgence, le lieutenant pouvait statuer lui-même provisoirement. Lorsqu’il s’agissait d’une promesse de payement ou d’un billet d’honneur, le lieutenant faisait communiquer au débiteur, par un cavalier de maréchaussée, la requête du créancier ; le cavalier recevait la réponse du débiteur.

Un cavalier de maréchaussée pouvait être placé de garde auprès de la personne d’un gentilhomme. Les gentilshommes et les officiers punis de prison ne devaient pas être confondus avec les criminels ; sauf le cas de résistance, ils ne devaient pas être enchaînés ; l’officier de maréchaussée se contentait de leur retirer l’épée ou les autres armes.

Quels étaient les rapports des juges du point d’honneur avec la maréchaussée ? Tout gentilhomme ayant obtenu une charge de lieutenant des maréchaux était tenu d’en donner avis, « par lettre d’honnêteté », au prévôt général ; ce dernier ordonnait ensuite aux officiers et exempts sous ses ordres, de se rendre à la résidence du lieutenant pour le reconnaître(22).

Il était enjoint aux officiers et cavaliers de maréchaussée, sous peine de suspension de leurs charges et de privation de leurs gages, d’exécuter sans délai les ordonnances qui leur étaient adressées par le tribunal des maréchaux, ainsi que par les lieutenants juges du point d’honneur(23).

Les maréchaux de France ayant, en leur qualité de chefs de la maréchaussée, le droit de conférer à leurs lieutenants le pouvoir de commander à cette troupe en ce qui concernait la juridiction du point d’honneur, les lieutenants remettaient à la maréchaussée des ordres véritables et non des réquisitions ; mais ces ordres devaient être donnés par écrit ; toutefois, en cas d’urgence, la maréchaussée était tenue d’obéir aux ordres verbaux, sauf à demander ensuite une confirmation écrite ; si les lieutenants abusaient de l’autorité qui leur était confiée, des représentations étaient adressées au tribunal des maréchaux, qui statuait(24).

Les indemnités dues aux officiers et cavaliers de maréchaussée, pour l’exécution des ordonnances du tribunal ou des lieutenants des maréchaux étaient fixées par le règlement du 21 avril 1735, dont nous avons parlé ci-dessus(25).

Émotions populaires. Déclaration du 27 mai 1610

Le XVIIe siècle fut marqué par de graves désordres intérieurs et, notamment, des soulèvements populaires et des restes de brigandage féodal. Après l’assassinat du roi Henri IV, une déclaration du 27 mai 1610 renouvela les anciennes dispositions sur la défense du port d’armes et les assemblées illicites ; les infractions de cette nature étaient, jusqu’alors, de la compétence des juges ordinaires(26) ; cependant, le règlement du 14 octobre 1563 avait compris dans les cas prévôtaux les « séditions » et l’édit de Roussillon (1564), « l’agression avec port d’armes », terme qui fut subrogé à celui « d’assemblée illicite », a dit Talon, parce que l’on craignait de donner ombrage aux protestants(27).

Était réputée assemblée illicite, selon Montarlot, toute réunion de dix personnes ou plus, entreprenant « contre le service du roi, le repos public, la vie ou les biens des particuliers ».

La déclaration de 1610 chargea de son exécution les prévôts des maréchaux, qui furent tenus, à cet effet, « de tenir la campagne libre, d’assurer les chemins et de courir sus à toutes sortes de personnes entreprenant contre la liberté et la tranquillité publique ».

La mission de la maréchaussée allait ainsi en s’élargissant. Réprimer les excès des gens de guerre et les crimes des « guetteurs de chemins », tel était, jusqu’alors, en province, son principal rôle. Intervenir dans les attroupements, assurer le maintien de l’ordre dans les émotions populaires, telle allait être, désormais, l’une de ses principales attributions. La déclaration de 1610 nous montre, en outre, que la maréchaussée, comme la gendarmerie actuelle, était particulièrement destinée à assurer la sûreté des campagnes et des voies de communication.

Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, après la guerre civile de la Fronde, toutes les insurrections, à part la grande révolte des Cévennes, contemporaine des dragonnades et de la révocation de l’édit de Nantes, eurent pour cause quelque accroissement d’impôts ou l’établissement d’impôts nouveaux(28).

La haine de la gabelle, surtout, était générale. La résistance provint souvent de ce que l’on voulut assujettir à cet impôt des populations qui avaient payé autrefois pour être rédimées. Le mode de perception des droits était aussi de nature à provoquer les désordres. On faisait protéger les bureaux de perception par d’anciens soldats qui, placés sous les ordres des fermiers de la gabelle, devaient s’opposer à toute sorte de contrebande et de faux saunage ; autorisation leur était donnée d’arrêter et de fouiller toute personne suspecte ; déployant un zèle intempestif, ces agents se portaient à des vexations continuelles et injurieuses ; les populations ne voyaient dans ces « gardes du convoi » que des ennemis dont il fallait à tout prix se défaire ; de là d’innombrables assassinats dans les campagnes.

La résistance du peuple aux exigences fiscales dut être vaincue par la force, et il fallut faire appel aux troupes de ligne. Des révoltes éclatèrent dans le Boulonnais, en 1660, à cause d’une taxe d’exemption de logement des troupes ; dans les Landes, en 1664 et 1665, et en Roussillon, de 1667 à 1670, contre la gabelle ; dans le Berry, en 1664, au sujet d’une taxe sur les vins ; à Bordeaux et en Bretagne, en 1675, à l’occasion des nouveaux édits sur le tabac et le papier timbré. D’autres désordres se produisirent à Lyon (1669), à Angoulême (1674), au Mans (1675), à Cahors et à Périgueux.

Les récits de ces événements nous montrent la justice prévôtale secondant les efforts des commandants des troupes, pour réprimer les insurrections.

À l’époque où le personnel prévôtal tenait résidence au chef-lieu de la compagnie, le prévôt pouvait facilement se transporter avec toute sa troupe sur les points où l’ordre était troublé.

Lorsque le personnel fut divisé en brigades réparties dans chaque généralité, c’est-à-dire à partir de 1720, les officiers réunissaient, le cas échéant, le nombre de brigades nécessaires au maintien de l’ordre.

Brigandage. Déclaration du 18 décembre 1660

Indépendamment des grands mouvements populaires, le brigandage, vers le milieu du XVIIe siècle, désolait le royaume.

En traitant de l’armement des anciennes maréchaussées, nous avons mentionné un certain nombre d’ordonnances sur la défense du port d’armes. Il faut observer qu’il ne s’agit, ici, que du port d’armes individuel ou par quelques personnes, en tant qu’il se rapportait aux crimes d’homicide et de vol, et non aux assemblées illicites, dont nous avons parlé ci-dessus, et qui constituaient un crime de lèse-majesté.

Les lettres patentes du 12 février 1566, qui interdisaient à toutes personnes, même à la maréchaussée, le port d’armes à feu, donnèrent pouvoir aux prévôts des maréchaux, comme aux juges présidiaux, de juger sans appel les contrevenants. Les prévôts furent tenus de « faire leurs chevauchées par les champs, sans demeurer aux villes, et de regarder à nettoyer le pays de voleurs, vagabonds et oppresseurs du peuple ».

L’ordonnance du 4 août 1598 sur l’interdiction des armes à feu, qui exemptait de cette défense les archers de la maréchaussée « établis par les provinces, allant et venant pour l’exercice de leurs charges et portant leurs casaques », maintint aux prévôts des maréchaux le droit de juger les contrevenants ; mais le Parlement, en enregistrant l’ordonnance, restreignit la compétence des prévôts à la connaissance des infractions commises par les vagabonds et gens sans aveu.

Cependant, la juridiction à l’égard de tous les contrevenants, sans exception, vagabonds ou domiciliés, fut attribuée de nouveau aux prévôts des maréchaux « qui ont la force à la main, disait Montarlot, sont ordinairement à la campagne, et ne se soucieraient de faire les captures si on leur ôtait l’instruction du procès et le jugement ». Il en fut ordonné ainsi, notamment, par l’édit de septembre 1609 et la déclaration du 18 décembre 1660.

En 1660, le roi, « sur les plaintes qui lui furent faites de meurtres, querelles, homicides, vols de nuit et autres désordres », publia, le 18 décembre, une déclaration défendant la fabrication, le commerce et le port d’armes à feu, pistolets de poche, poignards, couteaux en forme de baïonnette, et sur la police des jeux et des cabarets, le port d’armes des militaires.

La déclaration du 25 juin 1665 défendit aux pages et laquais de porter des armes ; les prévôts des maréchaux eurent le pouvoir d’arrêter et de juger les contrevenants. La fabrication, le commerce et le port des armes firent l’objet de nouvelles défenses par l’édit de décembre 1666, la déclaration du 14 juillet 1716 qui défendait le port de toute espèce d’armes à tous les sujets du roi, sauf aux gentilshommes, aux gens vivant noblement et aux officiers de justice royale, la déclaration du 23 mars 1728, dont certaines dispositions sont encore en vigueur(29). Cette dernière déclaration fut confirmée par celle du 25 août 1737, relative à la police et au port d’armes des soldats des gardes françaises.

Au XVIIe siècle et, même au XVIIIe, on vit commettre, dans les campagnes, des excès d’une nature particulière qui rappelaient le brigandage féodal. Dans certaines provinces, où l’action du pouvoir royal pénétrait difficilement, des seigneurs, qui s’entouraient de soldats déserteurs ou de vulgaires bandits, s’installaient dans quelque château comme dans un repaire ; ils rançonnaient les paysans comme à l’époque de la guerre de Cent Ans, détroussaient les marchands sur les routes et tenaient tête à la maréchaussée(30). Certaines routes, dans la partie méridionale de l’Auvergne, traverse de vieux hameaux qui portent encore les noms de Printegarde, Avise-toi ; ces noms caractéristiques rappellent le danger qui, dans ces parages, menaçait jadis les voyageurs.

Ce fut pour faire sentir le joug à cette noblesse indisciplinée qu’en 1665, Louis XIV envoya de hauts magistrats tenir, à Clermont-Ferrand, les « Grands Jours d’Auvergne »(31). L’enquête fit découvrir des crimes abominables, qui furent suivis de la destruction de châteaux et de condamnations à la potence, à la roue, à la décapitation, aux galères, au bannissement. La plupart de ces condamnations furent prononcées par contumace, beaucoup de coupables ayant pu s’échapper à temps ; mais il y eut cependant des exécutions.

La violence des mœurs féodales persista longtemps encore, jusqu’au XVIIIe siècle. « Le cavalier de la maréchaussée, comme le gendarme d’aujourd’hui, redouté des vagabonds et des nobles pillards, était alors salué, dans les campagnes les plus reculées, comme le représentant d’une autorité tutélaire »(32).

Ordonnance criminelle de 1670, dite ordonnance de Colbert

Cependant, la juridiction du prévôt des maréchaux était vivement critiquée. On cite souvent, au sujet des abus reprochés à la maréchaussée, une lettre que l’évêque de Tarbes écrivit à Colbert le 21 mars 1664. La charge de prévôt des maréchaux de Bigorre venait d’être supprimée et on demandait que cet officier fût rétabli. « Je suis obligé de vous représenter, disait l’évêque de Tarbes, que si ce rétablissement se fait la voie est ouverte aux vengeances et aux ressentiments de ces officiers contre les peuples […]. En vérité, cette juridiction est formidable à ces peuples, que l’on rend souveraine dans tous les moindres crimes, jusqu’à un soufflet qui est qualifié des mots de l’art, c’est-à-dire d’assassinat avec port d’armes, pour faire juger la compétence en sa faveur par les officiers qui s’entendent avec lui »(33).

Les critiques les plus acerbes qui aient été émises contre la justice prévôtale furent entendues lors de la discussion de l’ordonnance de Colbert (1670)(34), et elles émanèrent de hauts magistrats, du président de Lamoignon notamment : « Il se peut dire que le plus grand abus qui se rencontre dans la justice criminelle a procédé de ces officiers, qui font naître entre toutes les affaires des conflits de juridiction(35), qui oppriment les innocents et déchargent les coupables ; que la plupart sont plus à craindre que les voleurs eux-mêmes ».

De son côté, le président de Novion dit « que ce n’était pas établir le repos public que d’étendre le pouvoir des prévôts des maréchaux ».

Enfin, nous avons vu ci-dessus, en traitant des gages des anciennes maréchaussées, que l’avocat général Talon avait parlé des malversations auxquelles s’étaient abandonnés les prévôts des maréchaux. Mais Talon reconnaissait lui-même que les prévôts étaient « non seulement utiles, mais nécessaires ». De son côté, le chancelier dit que l’on convenait des abus et des désordres que commettaient les prévôts des maréchaux, qu’il ne fallait pas, pour cela, ruiner leurs fonctions, dont le public pouvait tirer un bon usage.

Le conseiller Pussort, après avoir constaté que, « les prévôts des maréchaux ayant vécu avec peu d’intégrité, leur mauvaise conduite les avait fort décriés », ajouta « qu’en y apportant la réformation nécessaire, on ne peut tirer de grands services pour la sûreté publique ».

Quant à la cause des malversations commises par les prévôts, nous la connaissons déjà. Talon attribua les prévarications à l’insuffisance des gages. Lamoignon exprima la même opinion : « Leur nombre est trop grand et leurs gages petits, ce qui fait qu’ils ne cherchent qu’à gagner dans les affaires des particuliers ». Ces prévôts, ces archers, que les ordonnances astreignaient à des chevauchées incessantes, ces hommes qui, dans l’exercice de leurs fonctions, risquaient journellement leur vie, n’étaient pas payés, ou ne l’étaient que d’une façon dérisoire. Le remède aux abus consistait dans une amélioration des soldes. Point de bonne maréchaussée si elle n’était suffisamment payée. Il y avait unanimité à le reconnaître.

Ce n’est pas tout. Nous avons vu que l’arme ne fut uniformément recrutée et soldée par l’État qu’en 1720 ; si, en 1670, elle était mal payée, il convient d’ajouter que le recrutement manquait encore d’homogénéité et, aussi, que le contrôle était insuffisant. Il faut bien considérer, en effet, que les abus signalés dans la maréchaussée concernaient le personnel prévôtal plutôt que l’institution elle-même ; les critiques s’adressèrent surtout aux petites maréchaussées, dont le personnel était dispersé dans des bourgades différentes ; on se plaignait d’actes arbitraires, d’emprisonnements en chartres privées et de malversations(36).

L’évêque de Tarbes, lui-même, dans sa lettre précitée, visait spécialement le prévôt de Bigorre, qui avait « des imputations personnelles dont nous avons, disait-il, envoyé à M. Pellot [l’intendant de Guyenne] cent preuves convaincantes » ; mais la justice prévôtale était une institution nécessaire en Bigorre, comme elle l’était, selon le témoignage de Talon, dans tout le royaume : « Communément, lit-on dans un mémoire de cette époque, les habitants d’Azun sont judicieux, mais il ne manque pas d’y avoir plusieurs fainéants, meurtriers et sanguinaires, à cause de la licence qu’ils se donnent de porter armes en l’absence du sept grandes lieues de la ville de Tarbes, siège de la justice »(37).

La justice ordinaire, nous le voyons, était impuissante à assurer la répression du brigandage ; seule, la justice ambulante du prévôt des maréchaux était capable, au XVIIe siècle comme au siècle précédent, de faire sentir son action jusque dans les hameaux les plus reculés.

On ne saurait, d’ailleurs, porter un jugement équitable sur les prévôts du XVIIe siècle, si l’on faisait abstraction des abus qui régnaient à cette époque, comme d’ailleurs au siècle précédent, dans la justice ordinaire du royaume. Ce serait une erreur grossière, en effet, de croire que seule la justice prévôtale donnait lieu à de graves critiques. Dans La chronique criminelle d’une grande province sous Louis XIV, Barrière-Flavy a consacré un chapitre aux « magistrats indignes » et tous, certes, n’appartenaient pas à la maréchaussée. N’avons-nous pas, du reste, les témoignages des contemporains, Molière, La Bruyère, La Fontaine ?

La haute magistrature, elle-même, avait des défaillances. C’est ainsi que, lors des Grands Jours du Puy (1666), Pellot, intendant de Guyenne, signala à Colbert des conseillers du parlement de Toulouse comme étant coupables « d’injustice et de violences ».

Dans un mémoire rédigé par Pussort, on lit qu’on avait mis dans la magistrature « toutes sortes de personnes indifféremment, des enfants au sortir du collège […], des ignorants qui, sans le secours de leur bien, seraient demeurés dans la lie du peuple […], des corrompus et des gens nourris dans la débauche ». Pussort parlait encore « de l’appui que les personnes puissantes qui ont été accusées ont reçu des officiers de la robe par les liaisons qu’ils pratiquent avec eux, en sorte qu’il est rare de voir la punition d’un crime, quelque qualifié qu’il soit »(38), des sociétés de crimes appuyées de l’autorité des magistrats et mises en quelque façon sous la protection des lois […] ; des présidiaux où bien souvent « le coupable faisait informer contre l’innocent », etc.(39)

Que de magistrats violents, faussaires, prévaricateurs, méritant parfois le châtiment suprême ! Exemples : en 1665, le juge royal de Saint-Sever (Landes) est pendu pour avoir favorisé le rebelle Audijos pendant la révolte des Landes(40) ; en 1680, c’est le juge de Valentine (Haute-Garonne) qui subit le même châtiment pour malversations (Barrière-Flavy).

Des justices royales, descendons aux justices seigneuriales. « Au village, nous dit le jurisconsulte Loysel, pour avoir un méchant appointement d’audience, il faut saouler le juge, le greffier et les procureurs en belle taverne qui est le lieu d’honneur où les actes sont composés et où, bien souvent, les causes sont vidées à l’avantage de celui qui paie l’écot ».

Il ne convient pas de noircir le tableau des justices civiles de l’Ancien Régime ; bornons-nous à constater que la justice prévôtale était le complément nécessaire de la justice ordinaire, et qu’il suffisait de veiller au bon recrutement des officiers pour faire ressortir l’utilité de l’institution(41).

Au surplus, les désordres intérieurs que nous avons rappelés avaient démontré la nécessité de la juridiction du prévôt des maréchaux ; aussi, lors de la discussion de l’ordonnance de Colbert, en présence des actes de brigandage et des émotions populaires qui troublaient l’ordre public, l’autorité royale, malgré l’opposition de la haute magistrature, étendit la compétence des prévôts des maréchaux.

On discuta principalement la question de savoir si le prévôt devait être compétent pour les vols avec effraction, comme il l’était déjà pour les vols de grand chemin, et si les assassinats de toute nature devaient être compris dans les cas prévôtaux, au même titre que les crimes des guetteurs de chemin(42) ou les agressions avec port d’armes, dont les violences des guerres de religion avaient fait attribuer la connaissance au prévôt des maréchaux(43).

Malgré l’avis de Talon, ces divers crimes rentrèrent dans le domaine de la justice prévôtale. La compétence des prévôts des maréchaux fut réglée par le titre Ier de l’ordonnance qui groupa en son article XII les cas prévôtaux épars dans les ordonnances antérieures. Cet article était ainsi libellé : « Les prévôts de nos cousins les maréchaux de France, les lieutenants criminels de robe courte, les vice-baillis, vice-sénéchaux connaîtront en dernier ressort de tous crimes commis par vagabonds, gens sans aveu et sans domicile ou qui auraient été condamnés à peine corporelle, bannissement ou amende honorable ».

L’édit de décembre 1666 définissait ainsi les vagabonds : « Sont déclarés vagabonds et gens sans aveu ceux qui n’auront aucune profession, ni métier, ni aucuns biens pour subsister, qui ne pourront faire certifier de leurs bonnes vies et mœurs par personnes de probité connues et dignes de foi et qui soient de condition honnête ».

Ces individus étaient punissables, même s’ils n’étaient accusés d’autre crime que celui d’être vagabond. « Connaîtront aussi des oppressions, excès ou autres crimes commis par gens de guerre, tant dans leur marche, lieu d’étape que d’assemblée et de séjour pendant leur marche ; des déserteurs d’armée, assemblées illicites avec port d’armes, levée de gens de guerre sans commission de nous et de vols faits sur les grands chemins ».

Le règlement du 25 avril 1672, sur la police et la discipline des troupes en marche et dans les quartiers, enjoignit au prévôt général de la connétablie et maréchaussée de France, comme aux autres prévôts des maréchaux, de faire punir sur-le-champ les soldats délinquants(44).

Il y avait assemblée illicite lorsque ceux qui en faisaient partie « au nombre de dix ou plus étaient armés avec propos délibéré pour faire insulte et outrage à autrui » (Bornier).

Sous le mot de port d’armes, on entendait toutes sortes d’armes offensives, telles que couteaux, pierres, bâtons et, en général, tout ce avec quoi on pouvait nuire à autrui (Jousse). « Connaîtront aussi des vols faits avec effraction, port d’armes et violence publique, dans les villes qui ne seront point celles de leur résidence : comme aussi des sacrilèges avec effraction, assassinats prémédités, séditions, émotions populaires, fabrication, altération ou exposition de fausse monnaie, contre toutes personnes, en cas, toutefois, que les crimes aient été commis hors des villes de leur résidence ».

Le terme de port d’armes, disait Pothier, ne comprenait pas seulement les épées et les fusils, mais généralement toutes les choses dont un voleur peut se servir pour maltraiter ou intimider ceux qui s’opposent à son vol. La violence publique se commettait même sans armes, lorsqu’il y avait attroupement.

La sédition, lit-on dans le Dictionnaire de Claude de Ferrière, est une offense qui blesse la majesté du prince et trouble la tranquillité publique, par une entreprise qui met ceux qui doivent obéir à la place de ceux qui ont droit de commander, et qui rend des mutins et des scélérats dispensateurs de l’autorité publique. Émotion populaire, disait de La Combe, est ce qui tend à troubler le repos public et le bon ordre.

La dernière disposition de l’article 12 ci-dessus du titre Ier de l’ordonnance de 1670, rappelait le vrai caractère des prévôts qui, ayant été institués pour les champs, étaient particulièrement tenus de faire leurs chevauchées dans les campagnes sans séjourner aux villes. « Appeler les prévôts à juger les crimes commis dans les villes de leur résidence eût été les engager à y résider effectivement »(45).

L’article XV attribua la connaissance des crimes mentionnés ci-dessus aux juges présidiaux, préférablement aux prévôts, si ces derniers se laissaient prévenir, et nous avons vu que la même règle fut édictée à Moulins et à Blois.

Les nomades

La maréchaussée était éminemment apte à pourchasser les nomades, qu’on appelait alors bohémiens ou Égyptiens. Un arrêt du Conseil, du

4 août 1673, donna l’ordre aux prévôts des maréchaux, comme aux autres juges, de procéder contre les Bohêmes et de les faire attacher à la chaîne des forçats pour être conduits aux galères. Ces dispositions furent renouvelées par la déclaration du 11 juillet 1682, qui y ajouta des peines contre les femmes des bohémiens et des personnes qui leur donnaient asile.

Vagabondage et mendicité

Tous les édits et ordonnances depuis la déclaration de 1536 avaient attribué au prévôt des maréchaux la connaissance des vols de grand chemin et autres crimes commis par les vagabonds.

La déclaration du 21 octobre 1686 chargea expressément les prévôts d’envoyer aux galères les mendiants valides ; la déclaration du 28 janvier 1687 voulut aussi que les mendiants valides, qui étaient vagabonds et sans domicile, fussent pris et condamnés par les prévôts des maréchaux ; mais, si ces officiers trouvaient dans les campagnes des mendiants domiciliés, ils étaient tenus de les conduire, après arrestation, dans les prisons de la ville la plus proche, pour y être jugés par les baillis et sénéchaux.

Aux termes de la déclaration du 25 juillet 1700, la maréchaussée avait pour devoir de prêter main-forte aux lieutenants généraux de police, pour la capture des mendiants valides ; les prévôts des maréchaux étaient compétents pour juger ceux qu’ils arrêtaient dans les campagnes ou sur les grands chemins.

La déclaration du 18 juillet 1724 attribua la compétence aux prévôts pour juger en dernier ressort les mendiants et vagabonds, même dans les lieux où il y avait un lieutenant général de police, mais à condition, dans ce cas, de décréter avant ce magistrat.

Réorganisation de 1720

La réglementation de l’année 1720 modifia profondément l’organisation de la maréchaussée mais n’apporta pas de changement dans la juridiction prévôtale. Les prévôts et lieutenants des nouvelles maréchaussées eurent la même compétence que ceux des maréchaussées supprimées(46) ; toutefois, les exempts eurent le pouvoir d’informer en flagrant délit et lors de la capture seulement(47), en se faisant assister par un greffier(48) ; les archers purent donner les assignations à témoin et faire les significations dans les instructions et procédures des procès prévôtaux ; mais il leur était interdit d’exploiter dans les autres affaires(49) ; ils furent tenus de mettre à exécution les décrets des juges ordinaires(50).

Déclaration du 5 février 1731

L’ordonnance de 1670 fut le Code d’instruction criminelle de l’Ancien Régime et les cas prévôtaux qu’elle énumère furent jugés, jusqu’à la Révolution, sous les réserves indiquées ci-après, par les prévôts et lieutenants de maréchaussée ; l’ordonnance avait eu pour objet de marquer des bornes certaines entre les juges ordinaires et les prévôts des maréchaux, pour prévenir les conflits de juridiction, dont le principal inconvénient consistait à retarder un exemple qui ne pouvait être trop prompt. Il s’éleva cependant, depuis l’ordonnance de 1670, certaines difficultés qui furent réglées par des édits particuliers. C’est ainsi que la chambre souveraine de la réformation de la justice, siégeant à Poitiers, rendit, le 15 janvier 1689, un règlement général portant interprétation de l’ordonnance de 1670 pour les procédures criminelles des prévôts. C’est ainsi encore que l’édit d’avril 1695 (article 42) ne permit aux prévôts des maréchaux de connaître des procès criminels des ecclésiastiques qu’à la charge de l’appel(51) ; c’est ainsi, enfin, que la déclaration du 29 mai 1702 restreignit la compétence des présidiaux, même en cas de prévention où de concurrence avec les prévôts des maréchaux, aux crimes commis dans l’étendue des bailliages et sénéchaussées où les sièges présidiaux étaient établis.

Mais l’expérience fit voir qu’il restait encore plusieurs points importants, qui faisaient naître tous les jours des sujets de contestation entre les juges ordinaires et les juges des cas prévôtaux ; comme, d’autre part, la maréchaussée avait été réorganisée (1720) et qu’il importait de donner à l’arme des règles plus claires et plus précises sur la juridiction prévôtale, on jugea à propos de réunir dans une seule loi toutes les dispositions des lois précédentes sur les cas prévôtaux ; ce fut l’objet de la déclaration rendue par le roi Louis XV le 5 février 1731.

Cette déclaration reproduisit presque intégralement les cas prévôtaux de l’ordonnance de 1670 ; cependant, elle retira aux prévôts des maréchaux la connaissance de « l’assassinat prémédité » ; elle restreignit leur compétence, à l’égard des vols avec effraction, au cas où ces crimes étaient accompagnés de port d’armes et violence publique et à celui où l’effraction se trouvait avoir été faite, même sans violence ou port d’armes, dans les murs de clôture, toits des maisons ou fenêtres extérieures ; de même, les prévôts ne connaissaient des sacrilèges avec effraction que s’ils étaient accompagnés de l’une ou de l’autre des circonstances qui viennent d’être mentionnées pour les vols.

La déclaration de 1731 distingua très nettement entre les cas prévôtaux, par la qualité des personnes accusées, et les cas prévôtaux, par la nature du crime.

- Les cas réputés prévôtaux par la qualité des personnes accusées étaient de la compétence des prévôts des maréchaux, même s’il s’agissait de crimes commis dans la résidence des prévôts. Ces cas étaient les suivants (articles 1 à 4) : crimes commis par les vagabonds et gens sans aveu et délit spécial de vagabondage (la déclaration renfermait une définition de ce délit déjà donnée dans une déclaration du 27 août 1701 et qui est la source de celle du Code pénal de 1810 : « Ne seront réputés vagabonds et gens sans aveu que ceux qui, n’ayant ni profession, ni métier, ni domicile certain, ni bien pour subsister, ne pourront être avoués ni faire certifier de leurs bonnes vie et mœurs par personnes dignes de foi ») ; délit de mendicité (mendiants valides) ; crimes commis par ceux qui avaient été condamnés à peine corporelle, bannissement ou amende honorable (mais les prévôts ne pouvaient prendre connaissance de la simple infraction de ban, que lorsque le bannissement avait été par eux prononcé) ; excès, oppressions, crimes commis par les gens de guerre tant dans leurs marches que dans les lieux d’étapes ou d’assemblée ou de séjour pendant leur marche ; déserteurs d’armée et leurs complices, même s’ils n’étaient pas gens de guerre ;

- Les prévôts ne pouvaient connaître des cas prévôtaux par la nature du crime, lorsque ces crimes avaient été commis dans les villes et faubourgs des lieux de leur résidence ; nous connaissons déjà les raisons de cette exclusion. Rentraient dans cette catégorie les cas prévôtaux suivants (articles 5 et 6) : vols sur les grands chemins sans que les rues des villes et faubourgs pussent être considérés à cet égard comme grands chemins ; vols et sacrilèges avec effraction, sous les réserves ci-dessus mentionnées ; séditions, émotions populaires, assemblées illicites avec port d’armes ; levées de gens de guerre sans commission du roi ; fabrication ou exposition de fausse monnaie.

La déclaration de 1731 maintint la compétence des juges présidiaux pour les cas prévôtaux, à l’exception du délit de désertion dont le prévôt des maréchaux, nous l’avons vu, connaissait seul, à l’exclusion des juges ordinaires (article 7). Certains crimes prévôtaux, mais non royaux, pouvaient être jugés par les juges ordinaires, par prévention et concurrence avec les prévôts des maréchaux, mais à la charge de l’appel seulement (article 10).

La déclaration retira aux prévôts des maréchaux, comme aux présidiaux, le droit de juger les ecclésiastiques (article 11), les gentilshommes, à moins qu’ils ne s’en fussent rendus indignes (article 12), ainsi que les secrétaires du roi et les officiers de judicature (article 13) ; mais les prévôts pouvaient, cependant, informer et décréter contre les criminels de ces diverses catégories. La déclaration rappela que, dans les accusations de duel, les prévôts ne pourraient juger qu’à la charge de l’appel (article 27).

Ordonnance du 19 avril 1760

L’ordonnance de 1760 rappela en ces termes les devoirs de la maréchaussée concernant la justice prévôtale : « Veut et entend Sa Majesté que les officiers et cavaliers de maréchaussée soient tenus de se conformer, dans leurs fonctions à ce qui est prescrit par l’ordonnance de 1670 et autres édits, déclarations et règlements concernant lesdites fonctions en ce qui n’est pas contraire à la présente ordonnance » (titre 4, article 7).

L’ordonnance n’apporta aucun changement à la compétence judiciaire des prévôts, mais elle réagit contre l’emprise de la magistrature en défendant aux officiers et cavaliers de mettre à exécution les jugements ou mandements des juges ordinaires (titres 4 et 5).

Déclaration du 5 mai 1775

L’ordonnance de 1670 et la déclaration de 1731 avaient fixé les cas prévôtaux, mais des ordonnances particulières eurent pour effet, suivant les dangers que courait l’ordre public, d’accroître la compétence du prévôt des maréchaux. Nous avons déjà parlé de la répression des duels ; il convient de signaler encore la déclaration rendue par le roi Louis XVI, le 5 mai 1775, à l’occasion de la « guerre des farines ».

Turgot, partisan de la liberté du commerce, voulait laisser au libre jeu des forces économiques le soin d’établir des prix normaux ; c’est ainsi qu’il fit proclamer, par arrêt du Parlement du 13 décembre 1774, la liberté du commerce des grains dans l’intérieur du royaume et décider que l’État n’assurerait plus officiellement le service des subsistances.

La récolte de 1774 ayant été très mauvaise et l’hiver très rigoureux, une hausse s’ensuivit ; les accapareurs de blé, que la liberté de la circulation gênait dans leur trafic, persuadèrent au peuple que l’édit de Turgot était cause de l’élévation des prix. Des brigands attroupés se répandirent dans les campagnes pour piller les moulins, les bateaux et les rivières ; les émeutiers volèrent des blés, pillèrent des farines à Versailles et des boutiques de boulangers à Paris (1775). Turgot ne céda pas ; il fit destituer le lieutenant de police et rassembla autour de Paris 25 000 hommes de troupe, qui réprimèrent l’émeute ; enfin, il fit publier une déclaration du 5 mai 1775, qui portait attribution aux prévôts généraux de la maréchaussée de la connaissance et du jugement en dernier ressort des faits séditieux. Le Parlement, opposé à la liberté du commerce des grains, refusa d’enregistrer cette déclaration ; le roi l’y obligea, en tenant un lit de justice.

Bien que l’édit dont nous venons de parler ait été révoqué la même année, il est intéressant d’en reproduire l’extrait ci-dessous qui rappelle le but de la justice prévôtale, et les origines de la maréchaussée : « Les peines ne doivent être infligées que dans les formes prescrites par nos ordonnances, mais il est nécessaire que les exemples soient faits avec célérité. C’est dans ce but que les rois, nos prédécesseurs, ont établi la juridiction prévôtale, laquelle est principalement destinée à établir la sûreté des grandes routes, à réprimer les émotions populaires et à connaître des excès et violences commis à force ouverte ».

Arrêt de règlement du 1er juin 1775

L’arrêt de règlement du 1er juin 1775 (article 25) prescrivit aux prévôts généraux, lieutenants, assesseurs et procureurs « de s’occuper avec attention du maintien de leur juridiction telle qu’elle avait été fixée par la déclaration du 5 février 1731 et de veiller à ce que les crimes ne demeurassent pas impunis ».

Ordonnance du 28 avril 1778

Mentionnons encore l’ordonnance du 28 avril 1778 (titre 5, article 16) : « Veut et entend Sa Majesté que les officiers, bas-officiers et cavaliers de la maréchaussée se conforment, dans leurs fonctions relatives à la justice prévôtale, à ce qui est prescrit à l’ordonnance de 1670 et aux édits, déclarations et règlements concernant lesdites fonctions ».

Signalons, enfin, qu’une déclaration du 23 mai 1789 attribua aux prévôts de maréchaussée, privativement, le jugement des particuliers prévenus d’émotions populaires ou d’attroupements(52).

Ainsi, jusqu’à la Révolution, le maintien de la justice prévôtale fut une préoccupation constante des pouvoirs publics ; aux époques troublées, cette juridiction fut considérée comme une institution particulièrement susceptible de faire cesser les désordres et de rétablir la paix et la tranquillité. Un décret provisoire du 6 mars 1790 entraîna la suppression de la justice du prévôt des maréchaux.

Procédure

La procédure criminelle devant la justice prévôtale, c’est-à-dire la forme dans laquelle on poursuivait les auteurs de crimes prévôtaux, était, en principe, la même que devant les tribunaux ordinaires.

Les règles de la procédure criminelle furent fixées, principalement, à partir de François Ier, par l’ordonnance de Villers-Cotterêts du mois d’août 1539, les ordonnances d’Orléans, de Moulins et de Blois, l’ordonnance de 1629 et, enfin, par l’ordonnance criminelle de 1670. Le titre II de cette dernière ordonnance fut consacré aux procédures particulières aux prévôts des maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte, et codifia les règles concernant la justice prévôtale, éparses dans les ordonnances antérieures. La déclaration du 5 février 1731, dont nous avons parlé au sujet de la compétence, réglementa aussi la procédure.

Toute procédure prévôtale commençait ordinairement par une plainte qui était remise au prévôt, soit par la partie civile, soit par le procureur du roi du siège prévôtal.

L’ordonnance de 1670 distinguait nettement entre les plaintes qui émanaient des parties lésées, et les dénonciations ; il était défendu aux archers de les recevoir (titre 3, article 2). Saisi de la plainte ou de la dénonciation, le prévôt procédait à l’information, c’est-à-dire entendait les témoins. Cependant, dans le cas de flagrant délit ou de clameur publique, où l’on saisissait le coupable qu’on interrogeait sur-le-champ, le prévôt informait d’office, avant d’avoir reçu de plainte.

L’information était, le cas échéant, suivie d’un décret, c’est-à-dire d’une ordonnance par laquelle l’accusé était cité pour répondre à l’accusation dirigée contre lui. Après le décret, venait l’instruction du procès et, après l’instruction, le jugement.

L’ordonnance d’Orléans (article 70) voulut que les prévôts, qu’il y eût ou non partie civile, fissent leur devoir sans exiger de salaire d’aucune sorte ; aux États généraux, le tiers état avait estimé que les gages devaient suffire. L’ordonnance de Moulins (article 45) renouvela la défense faite aux prévôts, lieutenants et archers, « de rien prendre ou exiger des sujets du roi pour leurs dépens, frais, salaires et vacation, soit pour information, décret et capture des délinquants ou autre cause quelconque ».

Mais, en même temps qu’elles astreignaient les prévôts et archers à des chevauchées incessantes, les ordonnances n’avaient pas assuré le payement régulier de gages suffisants. L’expérience ne tarda pas à démontrer que la solde de la maréchaussée, d’ailleurs irrégulièrement payée, ne pouvait suffire à dédommager les prévôts et archers des dépenses que leur occasionnait l’exercice de leurs fonctions. La règle édictée à Orléans et à Moulins, excellente en principe, ne pouvait, dans la pratique, que provoquer la prévarication, les prévôts se trouvant dans l’obligation, faute de gages suffisants, soit de négliger de monter à cheval, soit d’exiger de l’argent des parties.

Déjà l’ordonnance de Blois (article 185), en obligeant les prévôts à monter à cheval pour se mettre à la poursuite des criminels, informer et décréter, n’avait plus exigé que les prévôts remplissent leurs fonctions « sans salaire ».

Dans la suite, comme le roi avait mis les offices de prévôt en ses parties casuelles où ils payaient le quart denier et le droit annuel, nous voyons le prévôt d’Orléans(53), le prévôt du Maine(54) taxer, non seulement les frais et dépens adjugés par les tribunaux prévôtaux, mais encore leurs vacations et celles des greffiers, exempts et archers, et bénéficier d’épices taxées par les officiers du siège présidial où le procès criminel avait été jugé. Cette taxation donnait lieu parfois à des conflits(55).

L’ordonnance de 1670 (titre 2, article 27) disposa, à son tour, que le prévôt taxerait les dépens adjugés par les jugements prévôtaux ; l’arrêt du Conseil d’État du 5 mai 1685 ordonna que les frais des procès faits par les prévôts des maréchaux, où il n’y aurait pas de partie civile et dont, par conséquent, le roi était tenu, seraient payés par les receveurs des domaines.

Un arrêt du Parlement du 10 avril 1691, portant règlement général sur les voyages et séjours nécessités par les divers procès, fixa la journée de cheval de 10 lieues par jour à 7 livres 10 sols pour le prévôt des maréchaux, à 6 livres pour le lieutenant, à 3 livres 10 sols pour le greffier. Un arrêt du Conseil d’État du 23 janvier 1742 fixa les salaires des témoins à 5 livres par jour pour les officiers, 1 livre 10 sols pour les cavaliers.

Une déclaration du 30 avril 1772 ayant autorisé les prévôts à faire juger les procès au siège royal où ils étaient établis, l’arrêt du Conseil d’État du 1er juin 1775 disposa, en son article 27, que le service des prévôts généraux, lieutenants, assesseurs et procureurs du roi serait purement gratuit, attendu qu’il ne leur était rien dû pour les actes faits dans le lieu de la résidence du siège de la maréchaussée.

Cependant, si, au cours des procès qui s’instruisaient hors de la résidence, les officiers de maréchaussée commettaient le procureur de la juridiction la plus voisine, cet officier avait droit à 3 livres par vacation (articles 31 et 36) ; de même, si les greffiers jugeaient à propos de se transporter hors de la résidence avec les officiers de leur siège, il leur était alloué 40 sous par vacation (article 34).

Examinons les diverses procédures d’un procès prévôtal.

Information

Le prévôt des maréchaux ayant reçu la plainte, c’est-à-dire l’acte par lequel le procureur du roi au siège prévôtal ou la partie lésée exposait le délit qui avait été commis et demandait à en faire la preuve et à en poursuivre la réparation, le prévôt rendait une ordonnance « en permission d’informer ». En vertu de cette ordonnance, les témoins étaient assignés devant le prévôt ; l’information était l’acte qui contenait leurs dépositions.

Le prévôt des maréchaux ne pouvait informer hors de son ressort, « sinon en flagrant délit et en passant, lorsqu’il était à la recherche et à la poursuite de quelque malfaiteur »(56) et sauf pour rébellion à l’exécution de ses décrets(57). Il était défendu au prévôt d’entendre en déposition ceux qu’il connaissait pour dénonciateurs(58).

L’information devait être faite par le prévôt en personne. L’ordonnance de Villers-Cotterêts (article 145) et l’ordonnance de Blois (article 203) permettaient cependant au magistrat instructeur de « faire informer », et l’usage s’était établi de confier cette mission à un sergent ; le prévôt des maréchaux pouvait donc, à cette époque, faire informer non seulement par un lieutenant, contrairement à l’arrêt du 9 février 1524, mais par un archer. En réalité, au XVIIe siècle, la jurisprudence fut sur ce point très hésitante. Tandis que l’arrêt du Conseil privé du 6 mai 1608 et l’arrêt du Grand Conseil du 30 juin 1618 ne permettaient aux prévôts d’Armagnac et d’Orléans de délivrer des commissions à leurs archers que pour les captures seulement, les arrêts du Grand Conseil des 24 mars 1618 et 30 septembre 1645 permirent aux prévôts des Landes et de Soissons de faire informer par leurs archers.

Il n’en fut plus ainsi avec l’ordonnance de 1670 ; la déposition devait être écrite par le greffier, en présence du juge (titre VI, article 2), et l’ordonnance précisa : « Défendons aux prévôts de donner des commissions pour informer à leurs archers » (titre 2, article 5).

Les archers se bornèrent à assigner les témoins et à faire les significations, droit qui leur fut accordé, nous l’avons vu, par la déclaration du 28 mars 1720.

Il est intéressant de constater, au sujet de ce qui précède, que le décret du 20 mai 1903 (article 81), en permettant au juge d’instruction de se faire suppléer par des gendarmes, a rétabli un usage qui fut aboli par l’ordonnance de Colbert ; nous reviendrons sur ce point dans la troisième partie de la présente étude.

La procédure était secrète. On trouve, dans l’ordonnance de 1670, des dispositions reproduites dans le Code d’instruction criminelle et relatives au serment à faire prêter aux témoins, qui devaient être ouïs secrètement et séparément, à la lecture et à la signature des dépositions, à la défense de laisser des interlignes, à la nécessité d’approuver les ratures et les renvois.

Par l’arrêt de règlement des Grands Jours d’Auvergne, du 10 décembre 1665, ni les prévôts des maréchaux, ni leurs greffiers ne pouvaient retenir dans leurs maisons les minutes des informations et instructions par eux faites ; elles devaient être déposées dans un greffe fermant à clef(59).

Quand l’information contenait des charges, elle donnait lieu à un décret (mandat ou ordonnance) qui devait toujours être rendu par le prévôt, sur les conclusions du procureur du roi, attaché au siège prévôtal.

Le cas de flagrant délit est, dit Jousse(60), « lorsqu’un crime vient de se commettre et que le corps de délit est exposé à la vue de tout le monde ; comme lorsqu’une maison vient d’être incendiée, un mur percé, ou qu’un homme vient d’être tué ou blessé, ou s’il arrive une émotion populaire, et dans ces cas les témoins sont ordinairement encore sur les lieux ».

Selon La Combe, « un accusé est censé être pris en flagrant délit, lors, par exemple, qu’en fait de vol, l’accusé a été pris volant ou dérobant, ou bien lorsque le voleur a été trouvé avec la chose volée ou dérobée(61) ; en fait de meurtre ou assassinat, lorsque le meurtrier a été pris dans l’action ou qu’il a été vu dans le lieu où le crime a été commis avec l’épée, lui ensanglanté ou son épée ».

Les prévôts étaient tenus d’arrêter les individus pris en flagrant délit ou à la clameur publique ; c’était leur mission traditionnelle, que précisa l’article 4 du titre 2 de l’ordonnance de 1670(62). Les archers avaient le même pouvoir dans tous les cas de flagrant délit de grand crime, et ils étaient tenus de conduire les individus arrêtés devant le prévôt ou son lieutenant(63). Il était dressé un procès-verbal de capture et une copie en était laissée aux prisonniers(64).

Lorsqu’un accusé avait été arrêté en flagrant délit ou à la clameur publique, le juge avait le droit de décréter sans information préalable(65) ; c’était sur le procès-verbal de capture et sur les conclusions du procureur du roi que le prévôt rendait son décret, pour faire écrouer l’accusé ; dans ce cas, la flagrance du délit tenait lieu d’information(66) ; cependant, s’il y avait des témoins en état de déposer, le prévôt recevait leurs dépositions en l’information de plano qui se faisait d’office, sinon l’information n’avait lieu qu’après le jugement de la compétence.

L’information, en cas de flagrant délit et lors de la capture seulement, pouvait être faite, nous l’avons vu, par un exempt(67) assisté d’un greffier(68).

Des décrets

Il y avait trois espèces de décrets : le décret d’« assigné pour être ouï », par lequel le juge ordonnait que l’accusé serait assigné pour être entendu sur les faits de l’information ; le décret d’« ajournement personnel », par lequel le juge ordonnait que l’accusé serait assigné à comparaître pour être interrogé ; le décret de « prise de corps », par lequel le juge ordonnait que l’accusé serait saisi au corps et conduit dans les prisons.

Si l’accusé n’obéissait pas au premier décret de « soit ouï », on rendait contre lui le décret d’ajournement personnel ; de même, faute de comparution, le décret d’ajournement personnel était converti en décret de prise de corps.

Pour choisir entre ces décrets, il fallait considérer la qualité des personnes et la nature des crimes. On ne pouvait décerner un décret de prise de corps contre un domicilié, sauf dans le cas de peine afflictive ou infamante, ce qui était la règle dans la justice prévôtale (titre 10, article 19)(69).

Les décrets ne pouvaient être décernés sans une information précédente ; mais ce principe subissait des exceptions ; nous connaissons déjà l’exception de flagrant délit ; le prévôt pouvait encore décerner prise de corps, sur la plainte du procureur contre les vagabonds ; un domestique pouvait être décrété sur la plainte de son maître ; on pouvait aussi décréter de prise de corps sur la seule notoriété, sans information préalable, ceux qui étaient coupables du crime de duel(70).

À l’origine, les prévôts n’avaient le droit de décréter que contre leurs seuls justiciables ; le règlement du 14 octobre 1563 leur permit de décréter contre toutes personnes et pour tous délits, à charge de rendre à la justice ordinaire les prisonniers qui n’étaient pas de leur compétence ; malgré un arrêt du Parlement du 24 mars 1592, qui défendait aux prévôts de décréter hors les cas prévôtaux et qui leur enjoignait, même, de renvoyer les domiciliés, les prévôts continuèrent à décréter pour tous les crimes, même non prévôtaux, à charge de laisser la connaissance de ces derniers au juge des lieux du délit.

La formule de décret de prise de corps après information était la suivante :

« Vu la plainte… l’information par nous faite à la requête de…, nous prévôt de… ordonnons que [tel] sera pris au corps et conduit dans les prisons de… pour être ouï et interrogé sur les faits résultant des charges et informations, si pris et appréhendé il peut être ; sinon, après perquisition faite de sa personne, sera assigné à comparoir à quinzaine à son domicile si aucun il en a en ce lieu, sinon par affiche du présent décret à la porte de l’auditoire, après laquelle quinzaine à faute de comparoir, sera assigné à huitaine par un seul cri public à la place publique. Ses biens saisis et annotés, etc. ».

Lorsque le décret de prise de corps se rapportait à un accusé pris en flagrant délit, la formule était la suivante : « Vu le procès-verbal… nous, prévôt de…, après que [tel] pris en flagrant délit et à la clameur publique aura été emmené dans les prisons de…, nous ordonnons qu’il sera arrêté et écroué ». Ainsi, l’individu pris en flagrant délit et conduit prisonnier n’était réellement « arrêté » qu’en vertu du décret de prise de corps ; ce n’était pas la capture qui faisait le prisonnier ; c’était l’écrou(71).

Le décret de prise de corps pouvait être rendu contre un inconnu sur la seule désignation de l’habit du prévenu, ou bien sur la seule indication donnée par le plaignant.

Nous venons de voir que le décret de prise de corps ne pouvait être décerné, en principe, qu’après information ; cette procédure étant de nature à favoriser la fuite du coupable, le procureur du roi pouvait y remédier en demandant un « ordre du roi », c’est-à-dire une lettre de cachet ; le prévenu étant en prison, le décret de prise de corps intervenait et l’« ordre du roi » était levé. Ainsi que l’a fait remarquer M. Funck-Brentano, la lettre de cachet peut être assimilée, dans ces circonstances, au mandat d’amener de nos juges d’instruction(72).

Le porteur du décret se rendait au domicile du prévenu, accompagné de deux voisins(73). « Selon le droit commun, disait Imbert (en 1624), il n’était permis de prendre aucun en corps en sa maison, pourvu que ce soit de jour et non de nuit et avec deux records et non avec grande assemblée de gens de port d’armes ; et qu’on ne rompe rien en la maison et qu’on n’y prenne rien. Toutefois, si les portes sont fermées, soit de la maison ou de la chambre où est le délinquant, on peut les rompre(74) ».

Cependant, il fut permis au porteur du décret de prise de corps « d’arrêter de nuit comme de jour – même le dimanche et les jours de fête – le criminel contre qui le décret était rendu ; il pouvait l’arrêter, ou dans les rues, ou dans sa propre maison, ou dans quelque autre maison que ce fût, même dans les églises ; mais pour arrêter quelqu’un dans les maisons royales, il fallait une permission du roi »(75).

Le domicile cessait également d’être inviolable, lorsque l’entrée d’une maison était nécessaire, soit en cas d’incendie, soit pour l’exécution d’un règlement de police, soit, nous l’avons vu ci-dessus, en cas de flagrant délit. Dans ces cas, les officiers de justice étaient en droit de faire procéder à l’ouverture par violence, même de faire briser les portes(76).

Bien différent était le cas de la contrainte par corps ; on n’arrêtait pas un débiteur la nuit ; l’emprisonnement était déclaré nul s’il avait été fait après le coucher du soleil ; le débiteur ne pouvait, non plus, être arrêté les dimanches et fêtes, ni à l’église, ni même dans sa propre maison, sans une autorisation du juge donnée, dans des cas exceptionnels, sur la requête du créancier(77).

Comme dans le cas de flagrant délit, les archers qui avaient mis à exécution le décret de prise de corps dressaient un procès-verbal de capture et en remettaient une copie à l’accusé, qu’ils conduisaient devant le prévôt ou son lieutenant(78).

Ainsi, l’accusé d’un crime prévôtal ne pouvait être décrété, en principe, que dans deux cas : s’il y avait flagrant délit ou clameur publique ; après information précédente. Nous reviendrons plus loin sur cette question, en traitant du droit d’arrestation.

Lorsqu’un décret de prise de corps ne pouvait être exécuté par la capture de l’accusé, il s’exécutait par la perquisition de sa personne. Cette perquisition était faite par l’archer, porteur du décret, au lieu du domicile ou de la résidence de l’accusé ; si la perquisition était infructueuse, l’archer remplissait les formalités prévues dans l’ordonnance de 1670 (titre 17, articles 1 à 10) et indiquées dans la formule de décret donnée ci-dessus.

Les biens de l’accusé absent, dont on avait fait perquisition, étaient saisis (titre 17, article 1) ; la saisie des meubles et, s’il y avait lieu, l’ouverture des portes, se faisaient en présence de deux voisins(79).

Même si l’archer qui mettait à exécution un décret excédait ses pouvoirs, il était interdit de lui résister.

La rébellion était un crime de lèse-majesté au second chef sévèrement puni. L’ordonnance de Moulins (article 34) et l’ordonnance de Blois (article 190) défendirent, sous peine de la vie, d’excéder et outrager ceux qui exécutaient les actes de justice ; mais, dans la suite, la peine de mort ne fut plus appliquée lorsque la rébellion ne consistait qu’en simples voies de fait. En cas de rébellion, excès ou violence, l’archer dressait un procès-verbal qu’il remettait au prévôt pour y être pourvu(80).

Nous avons vu que le droit de juger ceux qui s’étaient rendus coupables d’excès envers la maréchaussée était réservé à la connétablie, et nous savons comment ce tribunal était saisi. C’est ainsi que, le 24 septembre 1471, le siège général de la connétablie et maréchaussée de France jugea un individu qui avait excité la foule contre un cavalier de la maréchaussée de Berry, maltraité ce militaire à coups de pierres et s’était emparé de son épée. Le tribunal le condamna à être appliqué au carcan sur la place publique, au lieu où se tenait la foire de Saint-Ferréol, dans la paroisse de Cosquoy, et à y demeurer attaché par le cou, l’espace de trois heures, pendant trois jours de marché consécutifs, avec une inscription devant et derrière contenant les mots : « séditieux et violent contre la maréchaussée »(81).

Nous savons déjà que les archers avaient, comme les officiers, le droit de porter des armes, même des armes à feu, notamment pour procéder aux captures. Dans quelle mesure la maréchaussée avait-elle le droit, en cas de rébellion, de faire usage de ses armes ?

En présence des actes de brigandage que commettaient les gens de guerre débandés des armées et tenant les champs, les déclarations des 25 janvier 1536 et 3 octobre 1544 avaient accordé aux prévôts, comme d’ailleurs aux baillis et sénéchaux, un pouvoir exorbitant : ils ne pouvaient être poursuivis, eux ni les personnes qui les accompagnaient, si, lors des captures, quelques délinquants étaient tués ou blessés ; mais une réaction ne tarda pas à se produire.

Déjà, en 1539, un individu armé d’un grand couteau s’étant enferré dans l’épée d’un archer qui voulait le capturer, l’archer avait été mis en état d’arrestation ; il avait obtenu, toutefois, des lettres de rémission (19 mai 1539).

Si le délinquant « faisant résistance par armes était occis », tel homicide, disait Papon au XVIe siècle, n’était pas punissable ; mais ce praticien ajoutait : « cela, toutefois, se doit discrètement faire, car il n’est pas raisonnable que, sous ombre d’autorité et mandement de prendre un délinquant, l’on le frappe ou tue ; mais seulement l’on le peut frapper pour repousser la résistance et selon icelle il faut mesurer l’excès sans user de colère »(82).

Autrement dit, au XVIe siècle, comme de nos jours, une corrélation devait exister entre les moyens de défense et le péril que faisait courir l’agression. Le prévôt des maréchaux de Châteaudun ayant tué le sieur de Montinboeuf, un arrêt de la Tournelle, du 25 février 1578, ordonna que le prévôt serait conduit à la Conciergerie et mis en jugement, bien que Montinboeuf, qui d’ailleurs était mal famé, se fût défendu avec un couteau(83).

Il fut admis que les prévôts et archers qui procédaient aux captures ne devaient tuer les délinquants « si autrement ils les pouvaient prendre »(84). Du Chalard dit simplement : « Encore que celui qu’on veut prendre prisonnier fasse résistance, il se faut bien garder de le tuer ».

Les arrêts de règlement des 30 septembre 1644 et 30 septembre 1645 autorisaient les archers des prévôts du Maine et de Soissons à porter les armes nécessaires sans qu’ils pussent en abuser ; ils étaient mis en état d’arrestation s’il y avait contre eux « plainte notable ».

Bornier(85) indique les conditions auxquelles ceux qui sont chargés de l’exécution d’un décret peuvent tuer impunément ceux qui leur résistent. Il faut que l’évasion du coupable soit très dangereuse pour la République (c’est-à-dire l’État) ; qu’il ait été surpris en crime flagrant ou que le coupable se serve de ses armes contre ceux qui le veulent saisir, c’est-à-dire qu’il lui résiste avec violence.

Au XVIIIe siècle, selon de la Combe, les archers qui avaient tué quelqu’un à cause de sa résistance n’étaient pas tenus de ce meurtre « si autrement ils ne pouvaient se garantir de la mort »(86). La doctrine de la Combe était conforme à celle de Papon, et il en résultait, évidemment, qu’un archer avait le droit de tuer un délinquant qui le mettait en joue. Mais de Ferrière(87) précisa que les prévôts et archers « ayant ordre d’arrêter un accusé pouvaient le tuer à leur corps défendant, au cas qu’il tire et qu’ils ne pussent se tirer autrement d’affaire eux-mêmes ». Ainsi, selon de Ferrière, les archers, aux prises avec des malfaiteurs, n’auraient pas eu le droit de tirer les premiers. Cette règle, trop absolue, a subsisté jusqu’au milieu du siècle dernier et a coûté la vie à de nombreux défenseurs de la loi.

Méconnaissant les principes du Code pénal de 1810, la loi du 28 germinal an VI (article 170), l’ordonnance du 29 octobre 1820 (article 219), on ne remarquait pas que le gendarme, toutes les fois qu’une arme à feu est dirigée contre lui, se trouve en état de légitime défense et, sans manquer à son devoir, peut faire feu sur celui qui le menace.

Un préjugé absurde, qui demeure un sujet d’étonnement, voulait que, lorsqu’un braconnier défendait aux gendarmes d’avancer et les mettait en joue, ces derniers n’eussent pas le droit de faire usage de leurs armes, du moins tant qu’ils n’avaient pas essuyé le feu du délinquant.

Un ministre énergique vint rappeler enfin que les gendarmes « ont des armes pour faire exécuter les lois et qu’ils doivent s’en servir dès que la sûreté de leur personne est sérieusement compromise »(88). La Cour de cassation, de son côté, a reconnu aux gendarmes le droit de faire usage de leurs armes pour leur défense(89).

Lorsque le prévôt des maréchaux, ses officiers ou ses archers arrêtaient quelqu’un, soit en vertu d’un décret, soit en flagrant délit ou à la clameur publique, ils étaient tenus de dresser inventaire des objets trouvés sur le prisonnier.

Cette formalité, qui avait pour objet d’empêcher la soustraction des choses saisies, datait de l’édit de novembre 1554 instituant des lieutenants criminels de robe courte ; l’inventaire des objets et des biens saisis devait être fait en présence de deux témoins.

La formalité de l’inventaire fut maintenue par le règlement du 14 octobre 1563, l’édit de Roussillon (1564) et l’ordonnance de Moulins (1566), qui voulurent que les biens et objets saisis fussent envoyés au greffe du siège de la justice ordinaire, ou du siège présidial, pour être rendus ou appliqués ainsi que la justice l’ordonnerait, disait l’ordonnance de Moulins, car il s’agissait souvent de choses volées par les individus arrêtés.

L’ordonnance de Blois (1579) exigea que les prévôts fissent l’inventaire en présence d’un notable bourgeois ou habitant du lieu de la capture, et que les biens saisis et inventoriés fussent déposés chez un voisin solvable.

L’ordonnance de Colbert (1670) fixa définitivement cette formalité (titre 2, article 9) : « Les prévôts des maréchaux, en arrêtant un accusé, seront tenus de faire inventaire de l’argent, hardes, chevaux et papiers dont il se trouvera saisi, en présence de deux habitants les plus proches du lieu de la capture, qui signeront l’inventaire, sinon déclareront la cause de leur refus, dont il sera fait mention, pour être le tout remis trois jours au plus tard, au greffe du lieu de la capture, à peine d’interdiction contre le prévôt pour deux ans, dépens, dommages et intérêts des parties et 500 livres d’amende ».

L’article XI du titre 2 de la même ordonnance défendit à tous officiers de maréchaussée « de retenir aucuns meubles, armes ou chevaux saisis ou appartenant aux accusés, ainsi que de s’en rendre adjudicataires ».

L’obligation de faire inventaire fut rappelée par l’ordonnance de 1760 (titre 3, article 7) et l’ordonnance de 1778 (titre 4, article 4).

Telle est l’origine des sages prescriptions de l’article 153 du décret du 20 mai 1903. L’accusé devait, dès l’instant de la capture et dans les vingt-quatre heures au plus tard, être conduit aux prisons du lieu, s’il y en avait, sinon aux plus voisines(90). Les prisonniers étaient transférés de brigade en brigade(91) et n’arrivaient souvent à destination que longtemps après leur arrestation, car ils séjournaient parfois dans les prisons jusqu’à ce que leur nombre fût assez grand pour former un convoi.

Les gradés ou cavaliers, chargés de la conduite, marchaient toujours à cheval, avec leurs uniformes et leur armement complet ; cependant, si les prisonniers étaient conduits en poste, une partie de l’escorte pouvait prendre place dans les voitures ; en principe, les prisonniers voyageaient à pied, sauf impossibilité absolue de marcher constatée par un certificat médical(92).

Il était défendu aux prévôts et archers de rien exiger des prisonniers qu’ils transféraient d’une prison dans une autre pour l’instruction des procès(93). Le 7 mai 1740, un jugement du siège de la connétablie condamna plusieurs cavaliers de maréchaussée coupables de « s’être approprié des aumônes, charités et effets appartenant à un prisonnier qu’ils conduisaient aux galères, d’avoir frappé et excédé leurs camarades cavaliers avec des soufflets, coups de pied et de pistolets de poche et autres excès, à être mandés en la chambre en présence du conseil, et y étant nu-tête et à genou, blâmés, déclarés incapables de servir dans les maréchaussées, et en 3 livres d’amende »(94).

L’ordonnance du 27 décembre 1769 (article 39) et celle de 1778 (titre 5, article 10) obligèrent les cavaliers chargés des conduites à se donner réciproquement des certificats de la remise des individus transférés, de leur argent et de leurs papiers ou effets.

Les cavaliers d’escorte étaient cassés en cas d’évasion des prisonniers, à moins qu’ils ne leur eussent été enlevés par force, ce dont ils devaient justifier(95). Il leur était interdit de faire usage de leurs armes contre les prisonniers qui s’évadaient sans violence « que, si le coupable avait seulement pris la fuite et qu’il ne se défendit point par les armes, ce serait une inhumanité de le tuer parce que c’est une chose naturelle, non seulement à ceux qui se sentent coupables, mais encore aux innocents de comparoir devant le juge »(96).

La sentence précitée de la connétablie, du 26 juin 1742, condamna à être pendu et étranglé un cavalier de la maréchaussée de Philippeville qui, étant chargé de conduire un soldat au régiment de Bourbonnais, avait tué ce soldat d’un coup de mousqueton, sans aucune nécessité.

En arrivant à la prison, les archers écrivaient sur le registre l’acte de l’emprisonnement ; c’est-à-dire l’écrou, dont nous avons parlé ci-dessus, qui avait pour effet de décharger l’archer de la personne du prisonnier pour en charger le geôlier. Ils donnaient à l’accusé une copie de l’écrou comme du procès-verbal de capture(97), mais non du décret de prise de corps.

L’édit d’août 1581 permettait aux prévôts, là où il n’y avait pas de prisons ordinaires, de mettre les accusés dans des maisons particulières. Cette tolérance, qui avait engendré des abus, ne fut pas maintenue. L’arrêt de mai 1608 défendit au vice-sénéchal d’Armagnac, sous peine de mort, de tenir les prisonniers dans des maisons privées. Des défenses de chartres privées furent faites dans la suite, par l’arrêt du 30 juin 1618 au prévôt d’Orléans, par l’arrêt du 30 septembre 1644 au prévôt du Maine et par l’arrêt du 30 septembre 1645 au prévôt de Soissons.

L’ordonnance de 1670 (titre 2, article 10) interdit, à son tour, aux prévôts de faire chartres privées dans leurs maisons ou ailleurs, même dans les maisons des archers, à peine de privation de leurs charges ; cette interdiction était conforme aux défenses faites antérieurement ; cependant, l’ordonnance, en son titre 10, article 16, permettait de détenir les prisonniers dans des maisons particulières pendant leur conduite, s’il y avait péril d’enlèvement.

Aux termes de l’ordonnance de 1778 (titre 5, article 10), les prisonniers transférés étaient déposés chaque nuit dans les prisons des résidences des brigades ou, à défaut de prisons, dans une chambre sûre des casernes. Les prisons, très malsaines, étaient « des séjours d’horreur et d’infection » ; elles devaient avoir des chambres distinctes pour les hommes et pour les femmes(98) ; mais ces prescriptions n’étaient pas observées. Lorsque, à défaut de prison dans une résidence, les prisonniers étaient déposés à la caserne de maréchaussée, c’était toujours la même promiscuité, puisqu’aux termes de l’ordonnance de 1778 (titre 5, article 10, et titre 9), il n’y avait, dans chaque caserne, qu’une seule chambre de sûreté.

On devine aisément ce qui pouvait en advenir : « Les hommes et les femmes sont renfermés dans la même prison, et il en résulte toujours que celles qui n’étaient pas grosses quand elles ont été arrêtées le sont toujours quand elles arrivent au dépôt »(99).

Il est surprenant que les auteurs, pourtant si clairvoyants, de la loi du 28 germinal an VI, n’aient pas aperçu l’erreur commise en 1778. Pendant longtemps, en effet, les casernes de gendarmerie n’eurent qu’une chambre de sûreté, qui n’était parfois qu’un simple cachot malsain (loi de germinal, article 85) ; mais l’ordonnance de 1820 (article 203) remédia à cet inconvénient en disposant que, si les prévenus à enfermer dans la chambre de sûreté unique étaient de différents sexes, les femmes seraient remises à la garde de l’autorité locale(100).

Un arrêt du Parlement du 5 mars 1575 défendit d’élargir les prisonniers sans entendre le procureur du roi. Les arrêts de règlement des prévôts d’Orléans, d’Armagnac, du Maine et de Soissons interdirent aux prévôts de procéder à l’élargissement sans prendre l’avis de l’assesseur de la maréchaussée, ainsi que, dans les grands crimes, celui des présidiaux, et sans communication préalable, soit au procureur du roi, soit au substitut du procureur général.

Aux termes de l’ordonnance de 1670 (titre 2, article 17), l’accusé ne pouvait être élargi, pour quelque cause que ce fût, avant le jugement de la compétence et ne pouvait l’être après, que par sentence du présidial. Quant au présidial, il n’avait pas le droit d’élargir les accusés prisonniers sur l’ordre du prévôt, s’il n’était saisi pour en délibérer(101).

Instruction du procès

Aux termes de la déclaration du 22 avril 1636, les prévôts ne pouvaient travailler à l’instruction des procès que dans les prisons et non dans leur logis ou dans d’autres maisons privées. La même déclaration obligea les prévôts à déposer les procédures dans les greffes, et nous avons vu que cette règle fut rappelée, en 1665, par les Grands Jours d’Auvergne.

Le prévôt était tenu d’interroger l’accusé dans les vingt-quatre heures de la capture(102). Il pouvait faire seul cet interrogatoire au moment de la capture(103) ou dans les vingt-quatre heures(104) ; s’il le faisait plus tard, il devait être assisté de son assesseur ou, en cas d’absence de ce dernier, d’un officier de robe longue commis par le siège où se faisait l’instruction du procès(105). L’assistance d’un conseil était interdite. Le prévôt devait, au commencement de cet interrogatoire, déclarer à l’accusé qu’il entendait lui faire son procès prévôtalement et en dernier ressort, et faire mention de cette déclaration(106).

Si le crime n’était pas de sa compétence, le prévôt était tenu d’en laisser la connaissance, dans les vingt-quatre heures à compter du premier interrogatoire, au juge du lieu du délit. Si ce délai de vingt-quatre heures était passé, ou bien si le prévôt se jugeait compétent, la compétence du prévôt devait être jugée au présidial, comme il va être dit ci-dessous(107) ; à cet effet, l’accusé était conduit aux prisons du présidial, où il pouvait aussi se mettre volontairement quand le prévôt avait décerné un décret de prise de corps contre lui(108).

Aux termes de l’édit de Roussillon (1564) et de l’ordonnance de Moulins (1566), si la compétence ou l’incompétence du prévôt était en dispute, l’accusé devait se pourvoir par requête, laquelle était jugée au siège présidial le plus proche par sept juges au moins. L’édit d’Amboise de 1572 (article 23) défendit aux parlements de connaître de la compétence ou de l’incompétence des prévôts.

Conformément à l’ordonnance de 1670 (titre 2, article 15), la compétence dut être jugée au présidial dans le ressort duquel la capture avait été faite, dans trois jours au plus tard, même si l’accusé n’avait point proposé de déclinatoire.

Le prévôt des maréchaux ne fut donc plus, en aucun cas, juge de sa propre compétence ; il devait la faire reconnaître pour chaque affaire ; à cet effet, il faisait remettre le procès au greffier du présidial, d’où il était porté chez le procureur du roi du même tribunal, qui donnait ses conclusions sur la compétence. Sur le rapport d’un conseiller, la compétence était jugée par le siège assemblé au nombre de sept juges au moins(109).

Le prévôt devait faire juger sa compétence même lorsque le procès se faisait par contumace ; et si, le prévôt ayant été reconnu compétent pour juger la contumace, l’accusé venait à se présenter, le prévôt était tenu de faire juger de nouveau sa compétence(110).

L’obligation de transférer l’accusé dans les prisons du présidial dans le ressort duquel la capture avait été faite étant une cause d’évasions, la déclaration du 30 avril 1772 décida que les prévôts des maréchaux, leurs lieutenants et assesseurs feraient juger la compétence au présidial établi dans le lieu de la résidence du siège de la maréchaussée et à défaut d’établissement de présidial en ce lieu, au présidial le plus proche, en quelque lieu que les captures eussent été faites, ce qui avait été déjà prescrit, deux siècles auparavant, à Roussillon et à Moulins.

Le prévôt ne pouvait assister au jugement de compétence(111) ; mais la compétence ne pouvait être jugée sans que l’accusé fût entendu debout, derrière le barreau(112), sur les moyens de son déclinatoire(113) ; la sentence était prononcée sur-le-champ à l’accusé, en présence de tous les juges(114) ; elle lui était signifiée et il lui en était laissé copie(115).

Quand l’accusé avait été arrêté en flagrant délit, le jugement de compétence pouvait être rendu, après audition de l’accusé, sur le seul procès-verbal d’arrestation et d’interrogatoire. Les récusations proposées contre les prévôts étaient jugées au présidial qui devait connaître de la compétence, ou au siège où le procès criminel devait être jugé, suivant qu’elles étaient proposées avant ou après le jugement de la compétence(116).

Nous avons vu qu’aux termes de la déclaration de 1536, si un accusé ayant commis un crime prévôtal se trouvait chargé de quelque autre délit, le prévôt en avait la connaissance ; autrement dit, le prévôtal attirait le non-prévôtal.

Plus tard, l’arrêt du Parlement du 7 février 1598 renversa la règle précédente ; elle porta que, si un coupable était accusé de deux crimes, l’un prévôtal et l’autre non prévôtal, le non prévôtal attirerait le prévôtal, et la connaissance en serait attribuée aux juges ordinaires.

Dans la suite, on adopta des solutions moins absolues. Aux termes de l’arrêt du conseil privé du 6 mai 1608 et de l’ordonnance de 1670 (titre 2, article 23), si, un procès étant commencé par un cas prévôtal, il survenait de nouvelles accusations dont il n’y eût pas eu de plainte en justice, pour des crimes non prévôtaux, elles devaient être instruites conjointement et jugées prévôtalement.

D’après la déclaration de 1731 (article 17 et 18), si un même accusé était poursuivi pour des cas ordinaires et pour des cas prévôtaux, la connaissance des deux accusations appartenait aux juges qui avaient informé et décrété les premiers ; aux termes de l’article 20, si dans le même procès il y avait plusieurs accusés dont les uns étaient poursuivis pour un cas ordinaire et les autres chargés d’un crime prévôtal, la connaissance des deux accusations appartenait aux juges ordinaires. Le présidial déclarait, par sa sentence, que le prévôt était compétent.

L’édit d’Amboise de janvier 1572 (article 14) exigea que, dans les sentences des juges présidiaux sur la compétence ou l’incompétence des prévôts, fussent insérées les raisons de leur déclaration sur ladite compétence ou incompétence. Mais ces prescriptions ne furent pas toujours bien observées et beaucoup de jugements présidiaux étaient insuffisamment motivés : « Tout considéré, nous avons, par jugement présidial en dernier ressort, déclaré le sieur prévôt général de la maréchaussée de Berry incompétent pour instruire et juger le procès dudit Couturier, attendu qu’il n’est prévenu d’aucuns cas prévôtaux ». Tels sont les termes d’un jugement rendu le 15 décembre 1780, par le siège présidial de Bourges(117).

À la date du 25 août 1772, le chancelier de Maupeou adressait aux officiers du présidial d’Agen, la lettre de remontrances suivante : « Vous vous êtes trop pressés de dépouiller le prévôt de la connaissance d’un délit qui, par l’événement, aurait pu lui appartenir par la qualité de l’accusé. Je ne peux que désapprouver le jugement que vous avez rendu. Ayez plus d’attention, à l’avenir, à l’examen des procédures prévôtales qui vous seront déférées et abstenez-vous de donner aussi légèrement atteinte aux droits de la juridiction du prévôt »(118).

Le prévôt déclaré incompétent ne pouvait se pourvoir contre le jugement, mais il pouvait se plaindre au roi, s’il estimait que le jugement portait atteinte à la juridiction prévôtale(119).

Au contraire, si le prévôt était déclaré compétent, l’accusé pouvait se pourvoir en cassation contre le jugement de compétence, à condition qu’il fût effectivement prisonnier et écroué. La déclaration du 23 septembre 1678 voulait que les requêtes en cassation pussent être reçues au Grand Conseil ; mais deux arrêts des 9 juillet et 25 juillet 1731 interdirent au Grand Conseil la connaissance de ces requêtes, qui fut réservée désormais au Conseil d’État du roi ; il en fut décidé ainsi, de nouveau, par le règlement du Conseil du 28 juin 1738(120).

Si le prévôt était déclaré incompétent, l’accusé était transféré dans les prisons du lieu où le délit avait été commis ; la conduite devait avoir lieu dans les deux jours qui suivaient le jugement d’incompétence ; les procès-verbaux de capture, d’interrogatoire et autres pièces étaient remis au greffe(121).

La déclaration du 26 février 1724 voulut qu’après le jugement de la compétence, les procès prévôtaux fussent portés et jugés, définitivement et sans appel, dans les bailliages et sénéchaussées dans le ressort desquels les crimes avaient été commis ; ces bailliages étant souvent fort éloignés de la résidence des officiers de maréchaussée, ce qui facilitait les évasions des prisonniers, la déclaration du 30 avril 1772 ordonna que les procès seraient portés au siège royal établi dans le lieu de la résidence des prévôts ou de leurs lieutenants, ou, à défaut, au siège royal le plus proche.

Le prévôt qui avait été déclaré compétent était tenu de procéder sans retard à la confection du procès, avec son assesseur remplissant les fonctions de rapporteur, ou, à défaut, avec un conseiller du siège où devait avoir lieu le jugement(122). L’ordonnance de 1629 (article 187) voulait que le prévôt mit le procès en état d’être jugé dans les deux mois au plus tard, après le jugement de la compétence.

Quand l’accusé avait été arrêté en flagrant délit, l’information n’avait lieu qu’après le jugement de la compétence ; mais, lorsque l’arrestation avait eu lieu en vertu d’un décret de prise de corps, l’information, nous l’avons vu, était généralement déjà faite. Dans tous les cas, sur les conclusions du procureur du roi, le prévôt devait rendre avec le présidial le règlement à l’extraordinaire, ainsi nommé parce qu’il n’avait lieu que pour les crimes graves, tels les cas prévôtaux pouvant mériter des peines afflictives ou infamantes. Ce règlement, qui devait être rendu, comme tous les autres jugements, par sept juges au moins, ordonnait que les témoins entendus dans l’information seraient récolés en leurs dépositions et confrontés avec les accusés(123).

S’il survenait de nouvelles accusations contre l’accusé, quoique pour des crimes non prévôtaux, le prévôt pouvait les instruire et les juger, comme il a été dit ci-dessus, pourvu qu’aucun autre juge n’eût informé et décrété avant lui.

Jugement

Lorsque toute l’instruction était faite, le procureur du roi donnait des conclusions qui pouvaient tendre à l’application de la peine comme à celle de la torture, et le prévôt faisait porter le procès au président du présidial, qui le distribuait à un conseiller pour le rapporter au siège ; le procès s’achevait par l’audition de l’accusé sur la sellette(124) et par le jugement prévôtal.

Nous savons déjà que le prévôt ne jugeait pas seul. Aux termes de la déclaration de 1536, il était tenu, pour rendre une sentence, de s’adjoindre quatre notables personnages. La déclaration du 5 février 1549 porta le nombre de juges à sept. Le règlement du 14 octobre 1563 le porta à dix. L’édit de Roussillon (article 4), l’ordonnance de Moulins (article 42), l’ordonnance de 1670 (titre 2, article 24) le fixèrent définitivement à sept au moins ; ils étaient choisis parmi les magistrats du présidial ou, à défaut, parmi les officiers et gradués en droit.

Le prévôt, nous l’avons vu, avait séance honorable et voix délibérative ; mais c’était le président ou, en son absence, un autre officier du présidial, qui présidait et faisait l’interrogatoire que devait subir l’accusé avant le jugement.

Après le jugement de compétence, les jugements préparatoires, interlocutoires ou définitifs, étaient tous intitulés au nom du prévôt, quoiqu’il n’eût pas la présidence, et il devait être fait mention, en fin de jugement, qu’il avait été donné par le lieutenant de résidence ayant fait l’instruction(125). Les jugements prévôtaux devaient contenir la cause de la condamnation ou celle de l’absolution(126).

Lorsque le prévôt des maréchaux avait condamné l’accusé à mort, ses fonctions étaient terminées ; c’était au juge des lieux de connaître de la vente des biens en justice, pour les réparations, dommages et intérêts des parties(127).

Un arrêt du Parlement du 15 septembre 1576 portait que les chevaux et les armes de deux criminels seraient donnés aux archers.

On faisait deux minutes des jugements prévôtaux ; l’une restait au greffe du présidial, l’autre au greffe de la maréchaussée et ces deux minutes devaient être signées de tous les juges(128). Cette règle s’appliquait même aux jugements portant que les témoins seraient récolés et confrontés aux accusés(129).

Nous savons que les jugements prévôtaux étaient rendus en dernier ressort, et c’est pourquoi ils requéraient un grand nombre de juges ; cette règle traditionnelle fut confirmée par l’ordonnance de 1670 (titre I, article 12).

Comme dans la justice ordinaire, l’accusé d’un crime prévôtal pouvait être appliqué à la question. Le procès-verbal de torture était fait par un juge rapporteur, en présence d’un conseiller du siège et du prévôt(130).

Envisagée au point de vue de l’intensité des tourments, la question se divisait en question ordinaire et question extraordinaire, le juge ayant toujours plein pouvoir pour s’arrêter à l’une ou pour pousser jusqu’à l’autre. On distinguait, d’autre part, la question préparatoire, qui servait à arracher à un accusé l’aveu de son crime, et la question préalable, qui était donnée aux condamnés pour les forcer à révéler leurs complices.

Aucune ordonnance ne contenait des prescriptions quant à la manière de donner la question ; les tourments variaient avec les parlements.

On lit dans Esmein : « Par la disposition du droit, les juges ne se doivent servir à la question que de cordes. Et néanmoins, en diverses provinces, les juges et prévôts des maréchaux se servent d’autres instruments, comme de riottes, de l’eau pour l’avalement, de la serviette, du vinaigre, de l’huile instillée par le gosier, de poix ardentes, des œufs cuits en la braise appliqués sous les aisselles, quelques-uns de froid intolérable, de la faim, de la soif occasionnée par la manducation de viandes extrêmement salées, données à l’accusé sans aucun breuvage ; autres par les doigts serrés étroitement et en extrémité ou dans le chien d’une arquebuse ou pistolet, ou liés de petites cordelettes ou ficelles entre divers petits bastons qu’ils nomment grésillons, autres par la botte d’une corde, autres par l’escarpin et autres diversement. Mais le tout despend de l’ordonnance du juge »(131).

« Dans l’étendue du parlement de Paris, on fait boire de l’eau et on donne les brodequins. La question à l’eau se donne en cette manière : l’accusé ou condamné est étendu sur un banc et attaché par les bras et les jambes à des boucles ou anneaux de fer avec cordes, et son corps étant tiré ne porte plus que sur les cordes auxquelles les pieds et les mains sont attachés, et, l’accusé ou condamné étant dans cette posture et dans cet état, on lui fait boire une certaine quantité d’eau par le moyen d’une grosse corne qu’on lui met par le bout dans la bouche. La question des brodequins se donne en mettant les jambes de l’accusé ou condamné dans des ais et des coins pour serrer les jambes entre les deux ais à coups de maillet ; le tout est bien serré et garotté avec des cordes et ensuite on frappe un certain nombre de coups de maillet. En Normandie, on donne la question en serrant le pouce ou autre doigt ou une jambe, et quelquefois les deux, avec des valets de fer sur un établi de bois. En Bretagne, c’est avec le feu contre lequel on approche les pieds du patient par degrés, étant attaché dans une chaise de fer ; ainsi des autres provinces qui ont leurs manières et leurs usages à cet égard »(132).

Le procès-verbal de question constatait de la manière suivante les déclarations du patient : « Au premier pot d’eau ou au premier coup de maillet sur le coin, donné par le questionnaire, l’accusé a dit… au second a dit… au troisième a dit… au quatrième a dit… ».

La torture fut, au XVIIe siècle, vivement combattue ; on critiquait, surtout, la question préparatoire qui avait pour résultat « de faire souffrir, pour un fait incertain, à l’accusé, une peine certaine. Ce n’est point, disait Beccaria, un dilemme nouveau que celui-ci : ou le délit est prouvé ou il ne l’est pas ; s’il l’est, on n’a plus besoin d’autre peine que celle que la loi inflige, et l’aveu du coupable n’étant plus nécessaire rend inutile la question ; s’il ne l’est pas, il est affreux de tourmenter celui que la loi regarde comme innocent »(133).

La torture fut abolie en 1780.

De quelques procédures particulières

L’instruction du procès contre les duellistes présentait quelques particularités rigoureuses.

C’est ainsi que, pendant l’instruction, les biens des accusés étaient régis par les administrateurs des hôpitaux et employés aux frais de poursuite(134). En cas de duel, il ne pouvait y avoir de règlement de juges entre les prévôts des maréchaux et les juges ordinaires. Si une procédure était commencée par un juge contre un homme qui se trouvait accusé de duel ou rencontre, le juge du duel connaissait seul du tout(135). Pour prononcer le décret de prise de corps et la saisie des biens, en cas de notoriété du crime de duel, il n’était pas besoin d’information préalable sur la notoriété.

La procédure contre les mendiants et vagabonds suivait la marche ordinaire dans la plupart des cas ; mais aux époques de grand vagabondage, notamment au XVIIIe siècle, elle offrait l’exemple d’une grande simplicité(136).

Elle ne se composait souvent que du procès-verbal d’arrestation, dressé par les cavaliers de la maréchaussée, d’une audition préventionnelle et d’une ordonnance rendue par l’assesseur de la maréchaussée, pour faire mettre en liberté les mendiants et vagabonds ou pour les faire renfermer dans un dépôt.

Il y avait des crimes pour lesquels on faisait le procès après la mort de ceux qui les avaient commis. Ces crimes étaient le crime de lèse-majesté (c’est ainsi que le marquis de Richelieu, prévôt de l’Hôtel et grand prévôt de France, fit le procès criminel au cadavre du moine Jacques Clément, assassin du roi Henri III ; l’arrêt rendu le 2 août 1589 condamna le corps du moine à être écartelé et brûlé)(137) ; le duel ; la rébellion à justice avec force ouverte, lorsque le criminel avait été tué dans la rencontre ; le suicide(138).

On faisait le procès soit au cadavre, soit à la mémoire du défunt. Le juge, après information, ordonnait que le cadavre serait apporté à la prison, en faisait faire la reconnaissance et le faisait saler ou embaumer pour le conserver, après quoi, il nommait d’office un curateur au cadavre du défunt ; c’était contre ce curateur que le procès était instruit. Les peines qu’on avait coutume de prononcer contre un cadavre étaient de le condamner à être traîné sur une claie, la face contre terre, par les rues et carrefours, pendu par les pieds à une potence et ensuite, traîné à la voirie(139).

Tout juge coupable de vol, fraude ou concussion pouvait être pris à partie, c’est-à-dire intimé devant un tribunal supérieur, par la partie lésée, pour la réparation du dommage causé.

Dans les matières où ils étaient juges en dernier ressort, ce qui était le cas des affaires prévôtales, les juges ne pouvaient être pris à partie que devant le Conseil privé(140).

Exemple de procédure prévôtale

- Procès-verbal fait par les consuls de Villeneuve-sur-Lot sur l’évasion du nommé Teulière, vagabond, inculpé de vol sacrilège et sur des effractions qu’il a faites aux prisons dudit Villeneuve- sur-Lot.

- Procès-verbal de translation de Glanda, vagabond, inculpé de vol sacrilège, complice de Teulière, de la prison de Villeneuve- sur-Lot à celle d’Agen.

- Audition rendue par ledit Glanda après sa translation.

- Plainte du procureur du roi de la prévôté, en permission d’informer contre lesdits Glanda et Teulière, avec l’ordonnance de M. de Lagauzie, lieutenant de maréchaussée qui permet d’informer des faits contenus dans ladite plainte.

- Conclusions du procureur du roi du présidial d’Agen aux fins de jugement de compétence.

- Audition rendue par ledit Glanda, derrière le barreau avant le jugement de compétence.

- Jugement présidial qui déclare le prévôt compétent pour faire le procès à Glanda et à son complice Teulière, ce dernier étant contumax et les juger prévôtalement en dernier ressort.

- Audition rendue par Glanda après le jugement de compétence.

- Ordonnance de M. de Lagauzie, lieutenant de maréchaussée ; rendue sur la réquisition du procureur du roi en la maréchaussée pour la vente d’une bourrique avec son aubarde(141) et licou saisis lors de l’arrestation des deux accusés.

- Vente de cette monture et de son harnais pour la somme de 12 livres 10 sols.

- Informations avec les décrets contre Glanda et Teulière.

- Commission rogatoire qui commet le juge royal de Villeneuve-sur-Lot pour faire le procès-verbal du bris de prison de la tour de Monflanquin, dudit Villeneuve, par Teulière accusé.

- Procès-verbal par le juge royal de Villeneuve, qui constate le bris de prison de la tour de Monflanquin, dudit Villeneuve.

- Commission du décret de prise de corps contre Teulière.

- Procès-verbal d’affiche du décret à la porte de l’auditoire.

- Assignation à la quinzaine portant affiche à la porte de l’auditoire contre ledit Teulière.

- Assignation à la huitaine par un seul cri public au nommé Teulière, contumax.

- Conclusions de M. le procureur du roi de la prévôté aux fins de règlement extraordinaire.

- Sentence de règlement extraordinaire contre Glanda et Teulièr.

- Récolement des témoins ouïs dans l’information.

- Confrontation des témoins faite audit Glanda.

- Conclusions définitives, du procureur du roi en la maréchaussée.

- Audition rendue par Glanda sur la sellette en procédant au jugement de son procès.

- Jugement prévôtal et en dernier ressort condamnant Glanda à cinq ans de galères et Teulière, contumax, à neuf ans de la même peine.

Peines applicables aux cas prévôtaux

L’ordonnance de 1670 ne réglait que l’instruction criminelle. Il n’y avait pas, sous l’Ancien Régime, de code répressif analogue à notre Code pénal. Les crimes et délits étaient punis par des dispositions spéciales contenues dans un nombre considérable d’ordonnances, d’édits et de déclarations.

Au XVIIIe siècle, Jousse classa les infractions par ordre alphabétique. On trouve un classement méthodique dans un recueil intitulé Code pénal paru en 1754 et dans l’ouvrage, beaucoup plus important, que Muyart de Vouglans publia en 1780 sous le titre Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel.

Les peines étaient les suivantes(142) : « la mort naturelle, la question, à la réserve des preuves en leur entier, les galères perpétuelles, le bannissement perpétuel, la question sans réserve des preuves, les galères à temps, le fouet, l’amende honorable et le bannissement ».

Aux peines afflictives et infamantes s’ajoutèrent, dans la suite, le carcan, la marque d’un fer-chaud, la pendaison sous les bras (pour les non-adultes) et le pilori (de la Combe, p. 2).

Le genre de mort le plus ordinaire était la peine de la potence. Il faut observer qu’il était enjoint aux juges de mettre dans leurs jugements de condamnation à mort : « tant que mort s’ensuive » ; en conséquence, si, un condamné ayant été pendu, on s’apercevait, au moment de l’enlever, qu’il était encore en vie, le prévôt des maréchaux le faisait pendre une deuxième fois. Il serait injuste d’imputer à la maréchaussée cette pratique inhumaine, car elle résultait de la jurisprudence de l’époque(143).

On condamnait à la roue pour les crimes les plus atroces. L’ordonnance du 4 février 1534 régla de la manière suivante le supplice de la roue : « C’est à savoir les bras leur seront brisés et rompus en deux endroits : tant haut que bas, avec les reins, jambes et cuisses et mis sur une roue haute plantée et élevée, le visage contre le ciel, où ils demeureront vivants pour y faire pénitence tant et si longuement qu’il plaira à notre Seigneur les y laisser, et morts jusqu’à ce qu’il en soit ordonné par justice, afin de donner crainte, terreur et exemple, etc. ».

Souvent, par un retentum, afin que le patient n’endurât pas les souffrances d’une lente agonie sur la roue, le jugement de condamnation arrêtait que le coupable serait secrètement étranglé sans même sentir de coups vifs, ou après en avoir senti un certain nombre, ou après les avoir tous sentis. C’est ainsi que Mandrin fut étranglé après avoir été laissé huit minutes les membres broyés(144).

La peine du feu était aussi en usage pour certains crimes, tels que les sacrilèges énormes.

Ceux qui attentaient à la vie des rois étaient punis « tellement que ce fût chose exemplaire toujours »(145) ; suivant un usage établi par les parlements, les coupables de ces crimes de lèse-majesté au premier chef étaient écartelés par quatre chevaux. Voltaire rapporte qu’en 1588, le grand prévôt de Saint-Jean d’Angély fit tirer à quatre chevaux Ancellin Brillant, ancien avocat au parlement de Bordeaux, convaincu de complicité dans l’empoisonnement du prince Henri de Condé(146). C’est ainsi, encore, que périrent, place de Grève, Ravaillac, l’assassin d’Henri IV, et Damiens, qui avait attenté à la vie du roi Louis XV.

Nous allons passer rapidement en revue les peines applicables aux cas prévôtaux, en distinguant, comme l’ordonnance de 1670 et la déclaration de 1731, les cas prévôtaux par la qualité des accusés et les cas prévôtaux par la nature du crime.

Cas prévôtaux par la qualité des accusés

Le prévôt des maréchaux connaissait du délit spécial de vagabondage(147), aussi bien que de tous les crimes commis par les vagabonds et gens sans aveu.

Les peines contre les vagabonds et gens sans aveu ont varié suivant les époques. Saint Louis, en 1270, prononça simplement la peine de bannissement. Henri II, par une ordonnance rendue à Paris, le 18 avril 1558, punit de la peine de la hart les vagabonds et gens oisifs, sans aveu, maître ni métier, qui ne sortiraient pas dans les vingt-quatre heures de la ville et des faubourgs de Paris(148). Le plus souvent, les vagabonds étaient punis de peine arbitraire qui était ordinairement, celle du fouet ou du bannissement(149).

La déclaration du 18 décembre 1660 concernant le port d’armes, dont nous avons parlé ci-dessus, prononça la peine du fouet contre les vagabonds, gens oisifs et sans aveu qui n’auraient pas quitté la capitale dans les trois jours. Suivant la déclaration du 28 janvier 1687, les vagabonds étaient condamnés : les hommes aux galères à perpétuité et les femmes au fouet, à la marque et au bannissement. La déclaration du 27 août 1701 (article 5) condamnait les vagabonds, pour la première fois, à être bannis du ressort de la prévôté et vicomté de Paris, et, pour la seconde, aux galères pour trois.

L’ordonnance du 10 mars 1720 voulut que les vagabonds et gens sans aveu qui se trouvaient valides et d’âge convenable fussent conduits aux colonies pour y servir au défrichement et à la culture des terres et renfermés jusqu’au jour de leur départ. Les archers préposés à ce service « marchaient en brigade, revêtus de leurs habits uniformes et avec leurs bandoulières : chaque brigade était commandée par un exempt pour prévenir les abus ; les exempts et les archers étaient payés d’avance tous les huit jours »(150). Cette transportation fut supprimée par la déclaration du 1er juillet 1722.

Au XVIIIe siècle, les vagabonds, qu’on appelait « gibier de prévôt », furent pour les campagnes un fléau terrible que, seule, la maréchaussée pouvait combattre avec quelque efficacité. L’arrêt de la cour de Parlement du 9 juillet 1740 enjoignit aux officiers et archers de maréchaussée de faire recherche et perquisition des mendiants et vagabonds, de les arrêter et faire arrêter, tant dans les villes que dans les campagnes, grands chemins, fermes et autres lieux, pour être procédé contre eux suivant la rigueur des ordonnances.

La criminalité prenant des proportions considérables, le Gouvernement résolut de l’enrayer par une répression énergique du vagabondage et de la mendicité ; à cet effet, l’ordonnance du 4 août 1764, suivie de l’instruction du 20 juillet 1767, définit ainsi le vagabondage : « Sont réputés vagabonds et gens sans aveu et condamnés comme tels, ceux qui, depuis six mois révolus, n’ont exercé ni métier ni profession et qui, n’ayant aucun état ni aucun bien pour subsister, ne pourront être avoués ni faire certifier leurs bonnes vie et mœurs par personnes dignes de foi »(151).

On remarquera qu’aux termes de cette définition, qui avait été déjà donnée dans l’édit de décembre 1666, un individu peu recommandable pouvait être poursuivi pour vagabondage, même s’il était domicilié, et cela seul témoigne de l’excès du mal.

Au lieu du bannissement inefficace, les peines étaient désormais les suivantes : pour les valides, trois ans de galères ; en cas de récidive, neuf ans ; à la seconde récidive, les galères à perpétuité. Pour les invalides, trois ans de prison ; en cas de récidive, neuf ans ; à la seconde récidive, la prison perpétuelle. Au-dessous de seize ans, les enfants étaient enfermés dans un hôpital. « Mercier compte en France (vers la fin de l’Ancien Régime) une armée de plus de 10 000 brigands et vagabonds contre lesquels la maréchaussée, composée de 3756 hommes, est toujours en marche »(152).

L’ordonnance de juin 1539 avait ordonné aux juges d’envoyer les bohémiens aux galères sans autre forme de procès. L’ordonnance d’Orléans (article 104) prononça les mêmes peines contre ceux qui n’auraient pas obéi dans les deux mois à un ordre d’expulsion, et prescrivait, en outre, de raser les cheveux et la barbe aux hommes, les cheveux aux femmes et aux enfants. L’édit de décembre 1666 renouvela les dispositions qui précèdent et y ajouta des peines contre les femmes et les filles qui accompagnaient les bohémiens ; elles devaient être fouettées, flétries et bannies hors du royaume.

Nous avons vu que l’arrêt du Conseil du 4 août 1673 avait prescrit également au prévôt des maréchaux de faire attacher les vagabonds et bohêmes à la chaîne des forçats ; mais il fut impossible de chasser entièrement du royaume ces voleurs, à qui certains gentilshommes et seigneurs justiciers donnaient retraite dans leurs châteaux.

Le 11 juillet 1682, Louis XIV ordonna aux prévôts des maréchaux et autres juges « d’arrêter et faire arrêter tous ceux qui s’appelaient Bohêmes ou Égyptiens, les femmes, enfants et autres de leur suite ; de faire attacher les hommes à la chaîne des forçats pour être conduits dans nos galères et y servir à perpétuité ; et, à l’égard de leurs femmes et filles, ordonnons à nos juges de les faire raser la première fois qu’elles auront été trouvées menant la vie de Bohémiennes, et de faire conduire dans les hôpitaux les plus proches des lieux les enfants qui ne seront pas en état de servir dans nos galères, pour y être nourris et élevés comme les autres enfants qui y sont enfermés et, en cas que lesdites femmes continuent de vaquer et de vivre en Bohémiennes, de les faire fustiger et bannir hors du royaume, le tout sans autre forme ni figure de procès ».

Quant aux gentilshommes et seigneurs justiciers qui donnaient retraite aux nomades, ils s’exposaient à être privés de leur justice, à ce que leurs fiefs fussent réunis au domaine royal et à une plus grande peine, le cas échéant.

La déclaration de 1731 prescrivit au prévôt des maréchaux d’arrêter les mendiants valides et de procéder contre eux suivant les édits et déclarations donnés sur le fait de la mendicité.

Une déclaration de François Ier, du 16 janvier 1545, portait qu’à Paris, les mendiants valides seraient employés aux ouvrages publics et que ceux qui seraient trouvés mendiant après le commencement des travaux seraient punis du fouet.

L’édit du 9 juillet 1547, en admettant les pauvres valides aux-dits travaux, renouvelait l’interdiction de la mendicité qui était punie du fouet pour les femmes et des galères pour les hommes. Quant aux pauvres invalides, le même édit ordonnait de les répartir entre les hôpitaux de la ville de Paris pour y être nourris et entretenus.

Les édits et déclarations contre les vagabonds s’appliquaient parfois aux mendiants, surtout aux mendiants valides.

Louis XIV institua, dans la plupart des villes, des hôpitaux généraux, destinés principalement à obvier à la mendicité. Des archers spéciaux, dits archers des hôpitaux, étaient attachés à ces établissements pour rechercher et perquisitionner les mendiants et vagabonds.

Nous avons vu ci-dessus que la déclaration du 21 octobre 1686 punissait des galères les mendiants valides ; quant à la déclaration du 28 janvier 1687, elle punissait ainsi qu’il suit les mendiants valides et domiciliés : pour la première fois, défense de récidive ; pour la deuxième fois, le fouet, la marque et le bannissement, tant contre les hommes que contre les femmes ; pour la troisième fois, les galères à perpétuité contre les hommes.

La déclaration du 18 juillet 1724 prescrivit d’arrêter tous les mendiants, valides ou invalides, et de les conduire dans l’hôpital général le plus proche du lieu de leur arrestation, les invalides pour y être nourris pendant leur vie, les valides pour y être renfermés et nourris au pain et à l’eau pendant le temps jugé convenable par le directeur de l’établissement et pour deux mois au moins.

La même déclaration prévoyait certaines circonstances aggravantes du délit de mendicité, dont se sont inspirés les auteurs du Code pénal de 1810 : « Les mendiants qui seront arrêtés, demandant l’aumône avec insolence ; ceux qui se diront faussement soldats, qui sont porteurs de congés qui ne sont pas véritables ; ceux qui, lorsqu’ils auront été arrêtés et conduits à l’hôpital, auront déguisé leurs noms et surnoms et le lieu de leur naissance ; ensemble, ceux qui seront arrêtés contrefaisant les estropiés, ou qui feindront des maladies qu’ils n’auraient pas ; ceux qui se seraient attroupés au-dessus du nombre de quatre, non compris les enfants, soit dans les villes ou dans les campagnes, ou qui auront été trouvés armés de fusils, pistolets, épées, bâtons ferrés ou autres armes et ceux qui se trouveraient flétris d’une fleur de lys ou de la lettre V ou autre marque infamante, seront condamnés, quoique arrêtés mendiant pour la première fois, savoir : les hommes valides, aux galères, au moins pour cinq années ; et, à l’égard des femmes ou hommes invalides, au fouet dans l’intérieur de l’hôpital, et à une détention à l’hôpital général à temps, ou à perpétuité, suivant l’exigence des cas, laissant au surplus à la prudence des juges de prononcer de plus grandes peines s’il y échet (article 7) ».

Les hôpitaux généraux tenaient un registre de tous les mendiants arrêtés et en envoyaient une copie à l’hôpital général de Paris, qui tenait un registre général de tous les individus arrêtés dans toute l’étendue du royaume, ainsi qu’un registre alphabétique. On faisait imprimer, à la fin de chaque semaine, la copie de ce qui avait été porté pendant le cours de la semaine sur le registre général et sur le registre alphabétique ; chaque officier de maréchaussée en recevait un exemplaire (article 5).

La déclaration défendait à la maréchaussée d’empêcher, sous prétexte de réprimer la mendicité, le libre passage des personnes qui avaient coutume de se rendre dans certaines provinces éloignées, pour faire la récolte des foins ou la moisson (article 12).

Enfin, les peines infligées aux vagabonds par l’ordonnance du 4 août 1764 précitée s’appliquaient aussi aux mendiants. « L’intention de Sa Majesté, disait l’instruction circulaire du 10 juillet 1767, n’est pas seulement qu’on arrête les vagabonds qui courent les campagnes, mais aussi tous les mendiants, lesquels, n’ayant point de profession, peuvent être regardés comme suspects de vagabondage […]. Un mendiant qui s’est exposé à être arrêté par la maréchaussée ne doit être relâché qu’après la plus grande certitude qu’il ne mendiera plus ; on ne s’y déterminera donc que dans le cas où des personnes dignes de foi et solvables répondraient du mendiant, s’engageraient à lui donner de l’occupation ou à le nourrir et indiqueraient les moyens qu’elles ont pour l’empêcher de mendier ».

« En vertu de cette loi, dit Taine, cinquante mille mendiants furent arrêtés tout d’un coup, et, comme les hôpitaux et prisons ordinaires ne suffisaient pas à les contenir il fallut construire des maisons de force ».

Le vagabondage et la mendicité prenaient alors le caractère d’un véritable fléau, car Taine ajoute : « Les grands chemins, écrit un intendant, sont infestés de vagabonds dangereux, de gens sans aveu et de véritables mendiants […]. Le pays est ruiné ; il périt victime de l’oppression et la multitude des pauvres qui désolent les campagnes et se réfugient dans les villes ; de là, cette foule de fraudeurs ; de là, cette multitude d’hommes devenus voleurs et assassins, uniquement parce qu’ils manquaient de pain »(153).

Le prévôt des maréchaux connaissait de tous les crimes commis par ceux qui avaient été condamnés à peine corporelle, bannissement ou amende honorable, mais il ne pouvait prendre connaissance de la simple infraction de ban que lorsque la peine du bannissement avait été par lui prononcée.

La peine de la marque, lorsqu’elle avait été appliquée, permettait de reconnaître les repris de justice ; à cet effet, les jugements de condamnation ordonnaient parfois à l’exécuteur de la haute justice de flétrir les condamnés en les marquant sur l’épaule droite de certaines lettres, telle que V (voleur), GAL (galérien), etc. Sur les cas où la marque était applicable, voir la déclaration du 4 mars 1724, concernant la punition des voleurs.

Les cavaliers de la maréchaussée faisaient déshabiller les individus arrêtés, pour vérifier s’ils n’avaient aucune marque indiquant qu’ils fussent repris de justice.

Ceux qui enfreignaient le ban prononcé par une sentence prévôtale étaient punis des galères à temps ou à perpétuité par la déclaration du 31 mai 1682 ; les femmes étaient condamnées à être enfermées dans un hôpital à temps ou à perpétuité(154). On donnait lecture des déclarations qui précèdent aux accusés, en leur lisant le jugement qui les condamnait au bannissement(155).

Cas prévôtaux par la nature du crime

Les voleurs de grand chemin étaient condamnés à expirer vifs sur la roue(156). Les rues des villes étaient réputées grands chemins quant à la punition des voleurs(157) ; mais non point à l’égard de la compétence du prévôt des maréchaux(158).

Les vols avec effraction étaient punis de la peine de la roue par la même ordonnance de 1534. Nous savons que, pour que le prévôt des maréchaux fût compétent, la déclaration de 1731 exigea que le vol avec effraction fût accompagné de port d’armes et violences publiques, ou bien que l’effraction eût été faite dans les murs de clôture ou les toits des maisons, portes et fenêtres.

Nous avons vu précédemment que le port d’armes, en tant qu’il se rapportait aux crimes de vol ou d’homicide, était un délit spécial puni par la déclaration du 18 décembre 1660. Les peines étaient : la confiscation de l’arme, 80 livres d’amende et une peine corporelle le cas échéant (articles 1 et 2).

L’édit de décembre 1666, qui réglait le port d’armes, afin de prévenir la continuation des meurtres, assassinats et violences qui se commettaient journellement, punissait le port d’armes prohibées, outre la confiscation de 200 livres d’amende pour la première fois et de 1000 livres en cas de récidive. Si le coupable était insolvable, il était condamné à six mois de prison dans le premier cas, et aux galères dans le second cas.

La déclaration du 14 juillet 1716 prononçait une amende de 10 livres pour la première fois et de 50 livres pour la seconde, au profit des hôpitaux les plus voisins. La peine fut portée à six mois de prison et 500 livres d’amende par la déclaration du 23 mars 1728.

Les vols simples étaient de la compétence des juges ordinaires : la maréchaussée se bornait à procéder aux arrestations des délinquants. Les arrêts de condamnation ordonnaient fréquemment que les voleurs seraient attachés au carcan et y demeureraient pendant un certain temps, ayant devant et derrière des écriteaux portant des inscriptions telles que : Voleur de melons dans les marais pendant la nuit, Voleur de raisins dans les vignes, Voleur de légumes dans la campagne, Voleur d’artichauts nuitamment dans les marais, etc.

Nous avons vu que l’assassinat, cas prévôtal par la nature du crime, selon l’ordonnance de 1670, ne fut plus mentionné dans la déclaration de 1731 ; cependant, la maréchaussée continua, en présence de crimes de cette nature, à faire les informations et procédures nécessaires.

« Les meurtres, assassinats ou homicides de guet à pens » étaient punis de la peine de la roue par l’édit rendu par le roi Henri II en juillet 1547. Ceux qui accompagnaient les meurtriers, sous quelque prétexte que ce fût, étaient punis de la même peine(159).

Nous savons que ce fut la nécessité de réprimer les attentats dont nous venons de parler qui amena la transformation de la maréchaussée en organisme judiciaire d’ordre inférieur(160).

L’atrocité du supplice auquel s’exposaient les voleurs et les assassins explique la terreur qu’inspirait la juridiction prévôtale ; cependant, malgré les supplices, la criminalité ne cessa, sous l’Ancien Régime, d’être très élevée ; les vieilles ordonnances l’attestent d’une manière indiscutable. On lit dans Taine : « Les vagabonds, dit Letrosne, sont pour la campagne le fléau le plus terrible ; ce sont des troupes ennemies qui, répandues sur le territoire, y vivent à discrétion et y lèvent des contributions véritables. Combien de vols de grands chemins et de vols avec effraction ! Combien de voyageurs assassinés, de maisons et de portes enfoncées ! Combien d’assassinats de curés, de laboureurs, de veuves qu’ils ont tourmentés pour savoir où était leur argent et qu’ils ont tués ensuite »(161).

Même en 1782, c’est-à-dire à la veille de la Révolution, la justice prévôtale de Montargis eut à instruire le procès de Hulin et de plus de deux cents de ses complices qui, depuis dix ans, terrorisaient les populations.

Montesquieu constatait que le supplice de la roue n’avait suspendu les vols sur les grands chemins que pendant quelque temps. « Depuis ce temps, on a volé comme auparavant sur les grands chemins […]. Qu’on examine la cause de tous les relâchements ; on verra qu’elle vient de l’impunité des crimes et non pas de la modération des peines »(162).

« Ce n’est point par la rigueur des supplices, disait à son tour Beccaria, qu’on prévient le plus sûrement les crimes : c’est par la certitude de la punition »(163).

Le prévôt des maréchaux était compétent pour les sacrilèges, accompagnés des circonstances ci-dessus indiquées, à l’égard des vols commis avec effraction. Ce crime était puni de mort par l’édit de pacification rendu le 24 février 1561 par le roi Charles IX et qui défendait d’abattre et démolir les croix et les images et de faire d’autres actes scandaleux et séditieux.

L’édit du mois de juillet 1682 (article 3) prononça la peine de mort contre le sacrilège joint à la superstition et à l’impiété. Le sacrilège avec profanation des choses sacrées était, de même, puni très sévèrement.

La sédition était punie de mort. De même, l’émotion populaire qui se faisait de propos délibéré, pour exciter une sédition de la part de la population afin de causer du désordre entre les habitants, était un crime capital (de la Combe). Quant aux assemblées illicites, elles constituaient un crime de lèse-majesté humaine au second chef, et il en était de même du port d’armes, en tant qu’il se rapportait auxdites assemblées. L’ordonnance rendue le 25 novembre 1487 par le roi Charles VIII punissait ce crime « grièvement », c’est-à-dire de la peine de mort.

Ceux qui, en contravention à l’ordonnance du 16 juillet 1546, portaient harnais ou allaient couverts d’armes, étaient saisis au corps, pendus et étranglés sans autre forme de procès.

Les assemblées illicites, port d’armes, émotions populaires furent interdits de nouveau par l’ordonnance de Moulins (articles 27 et 30).

L’ordonnance de Blois (articles 192 et 278) défendit de faire « assemblée de gens » sous peine d’être puni comme criminel de lèse-majesté et perturbateur de repos public.

Enfin, la déclaration rendue le 27 mai 1610, après le régicide, sur la défense du port d’armes et les assemblées illicites, chargea le prévôt des maréchaux « de courir sus à toutes personnes qui entreprenaient contre la liberté et la tranquillité publiques ».

Le maintien de l’ordre rentrait ainsi dans la mission essentielle de la maréchaussée et l’ordonnance de 1670, ainsi que la déclaration de 1731, attribuèrent au prévôt des maréchaux le droit de juger les instigateurs des attroupements séditieux.

Au XVIIIe siècle, aux époques de la moisson, on vit parfois des bandits et vagabonds, se disant moissonneurs, rôder en troupe dans les campagnes, armés de bâtons et d’autres instruments capables de nuire et, même, de causer la mort. Ils arrêtaient eux-mêmes leur salaire et menaçaient les fermiers et laboureurs d’empêcher la moisson, s’ils ne leur offraient pas le prix qu’ils avaient fixé. Ils menaçaient et frappaient les moissonneurs, qu’ils obligeaient à abandonner leur travail, en leur enlevant les faucilles et autres outils.

Il était enjoint à la maréchaussée d’arrêter ces individus, de leur faire le procès comme à des séditieux et perturbateurs du repos public et, à cet effet, de faire exactement leurs rondes et tournées dans les campagnes pendant le temps de la moisson(164).

Il existe, sous le rapport du maintien de l’ordre, une différence profonde entre les attributions de la maréchaussée et celles de la gendarmerie actuelle.

Aujourd’hui, quand la tranquillité est menacée, le groupement des brigades et leur emploi pour le maintien de l’ordre n’ont lieu que sur réquisition de l’autorité civile ; même dans les cas urgents, le commandant de section ne peut déplacer ses brigades sans une entente avec le sous-préfet.

Dans les mêmes circonstances, l’intendant de la province pouvait, comme de nos jours le préfet, requérir le rassemblement de plusieurs brigades de maréchaussée ; mais le prévôt des maréchaux et ses lieutenants avaient eux-mêmes le pouvoir d’ordonner ces rassemblements.

Ayant le droit de juger les instigateurs des troubles, ils avaient toute liberté pour employer leur troupe dans les émeutes populaires, les attroupements séditieux et autres événements.

Sur un ordre écrit du prévôt général, les lieutenants pouvaient réunir un certain nombre de brigades, même toutes les brigades du département et les conduire partout où le service le demandait. Il était rendu compte de ce détachement extraordinaire au secrétaire de l’État de la Guerre(165).

L’ordonnance du 27 décembre 1769 (article 38) permettait au lieutenant de rassembler les brigades nécessaires pour réprimer les désordres ; elle autorisait même le commandant de brigade, dans les cas pressants et de flagrant délit, à requérir l’assistance des brigades voisines. Aux termes de l’ordonnance de 1778 (titre 3, article 25), les lieutenants qui avaient fait un rassemblement de brigades pour rétablir la tranquillité étaient tenus d’en informer aussitôt l’intendant de la province et le prévôt général.

La règle autorisant les chefs de l’arme à réunir le nombre de brigades nécessaires au maintien de l’ordre fut remise en vigueur par l’ordonnance du 29 octobre 1820 (article 75) et disparut avec le décret du 1er mars 1854, qui fixa, en ses articles 113 et 117, la réglementation actuelle.

Notons, à ce sujet, que le principe, actuellement en vigueur, suivant lequel « force doit rester à la loi »(166), ne fut pas inscrit dans les ordonnances sur la maréchaussée. Aussi, le 30 juillet 1780, au cours d’une émeute à Gontaud, en Agenais, vit-on trois brigades de maréchaussée, commandées par un lieutenant, relâcher un prisonnier et prendre le parti de se retirer sous la menace d’une foule « immense » il est vrai, armée de bâtons(167).

En rappelant précédemment les émotions populaires du XVIIe siècle, nous avons montré que le maintien de l’ordre était assuré, comme de nos jours, par les troupes de ligne aussi bien que par la maréchaussée.

Certaines cités, villes libres en quelque sorte, n’avaient point de garnison, et c’était l’un des privilèges auquel elles tenaient le plus ; dans ce cas, c’était à la maréchaussée seule que pouvait incomber, parfois, le soin de rétablir la tranquillité publique. Lors du commencement de guerre de religion qui éclata à Caussade, le 13 octobre 1762, Toulouse n’ayant pas de garnison, l’intendant de Montauban ne put ainsi disposer que de quelques brigades de maréchaussée ; toute la contrée étant en armes, ces brigades ne purent parvenir jusqu’à Caussade ; elles furent environnées et poursuivies dans leur retraite sur Réalville(168).

En principe, tous les éléments de la force publique pouvaient, comme à l’époque actuelle, être employés de concert. C’est ainsi qu’après l’attentat de Damiens, le roi Louis XV ayant décidé d’exiler seize conseillers au Parlement, on vit partir de Versailles, le 17 janvier 1757, à dix heures du soir, trois carrosses à quatre chevaux escortés de grenadiers du régiment de gardes françaises, précédés de nombreux détachements de maréchaussée, tandis que la route était bordée de gardes, de suisses et d’archers du guet à pied et à cheval(169).

De même encore qu’aujourd’hui, la force armée pouvait être appelée à titre préventif ; c’est ce qui eut lieu, par exemple, le 8 mai 1788. Le ministre Loménie de Brienne envoya, ce jour-là, dans toutes les cours souveraines, des maîtres de requêtes chargés de faire enregistrer des édits impopulaires. Pour empêcher le soulèvement du peuple, le ministre fit accompagner les maîtres de requêtes par des officiers généraux et de nombreuses troupes. À Toulouse, le comte de Périgord, commandant en Languedoc, se fit escorter du régiment de Bresse-infanterie et de plusieurs escadrons de dragons de Noailles, et ces troupes étaient précédées de plusieurs brigades de maréchaussée(170).

Ceux qui levaient des gens de guerre à pied ou à cheval, sous quelque prétexte que ce fût, sans lettres de commission du roi, étaient punis comme criminels de lèse-majesté. Ce crime fut particulièrement fréquent pendant les guerres de religion ; aussi, l’ordonnance de Blois (article 314) chargea-t-elle le prévôt des maréchaux de faire pendre et étrangler les coupables(171).

Tous ceux qui contrefaisaient ou altéraient la monnaie en cours étaient punis de mort. Il en était de même de ceux qui contribuaient à l’exposition des espèces contrefaites ou à leur introduction dans le royaume(172).

Police générale

Nous avons insisté assez longuement sur la justice prévôtale, non seulement à cause de la place importante qu’elle occupait dans les institutions judiciaires de l’ancienne France, mais encore en raison du rôle prépondérant qu’elle jouait dans le service spécial de l’arme.

Il est certain, en effet, que la répression du brigandage, des mouvements séditieux, du vagabondage, de la désertion et des autres cas prévôtaux, constituait un large domaine, à tel point qu’à la fin du XVIIe siècle, le mot maréchaussée n’avait encore d’autre sens que celui de « juridiction des maréchaux de France »(173).

Cependant, cette juridiction était loin d’absorber toute l’activité de la maréchaussée, dont les attributions étaient très étendues.

Droit général d’arrestation

Nous parlerons d’abord du droit général d’arrestation. Nous avons traité sommairement cette question ci-dessus en parlant de la procédure prévôtale. Entrons dans quelques détails.

L’action de la maréchaussée, en matière d’arrestation, fut limitée, à l’origine, aux cas prévôtaux, dont la connaissance était attribuée au prévôt des maréchaux par les édits et ordonnances (1536, 1549, 1560). Mais les désordres des guerres de religion déterminèrent le chancelier de L’Hôpital à étendre le droit d’arrestation dévolu aux prévôts ; ces officiers reçurent le droit d’arrêter dans tous les cas, même non prévôtaux, et la mission de mettre à exécution les mandats de justice des juges ordinaires : « Auront, les prévôts des maréchaux et leurs lieutenants, l’information, décret et capture en tous lieux et places contre toutes personnes et pour tous délits, à la charge de rendre les prisonniers aux juges ordinaires royaux, hors les cas attribués à iceux prévôts et leurs lieutenants »(174).

« Il leur est enjoint, à peine de privation de leurs offices, de prêter main-forte aux juges ordinaires pour les captures et l’exécution de leurs jugements »(175).

Les textes que nous venons de citer étendaient considérablement les pouvoirs de la maréchaussée, sur qui allait reposer principalement, de ce fait, la police judiciaire du royaume ; ils augmentaient, en même temps, les difficultés de sa mission ; les abus de pouvoir étaient presque inévitables avec un personnel dont le recrutement laissait encore à désirer ; une réglementation précise du droit d’arrestation était nécessaire.

Un principe gouvernait cette matière : pas de décret sans information précédente, sauf dans certains cas ; si, par exemple, un criminel était pris en flagrant délit, le prévôt pouvait décréter contre lui, c’est-à-dire le faire écrouer sur-le-champ. Mais il ne suffisait pas de limiter le droit de décréter ; il était nécessaire, pour éviter les arrestations arbitraires, de préciser le droit de capture ; aussi, parallèlement au principe qui précède, en trouvons-nous un deuxième : pas de capture sans décret précédent, c’est-à-dire sans mandat du juge, sauf en cas de flagrant délit(176).

La déclaration du 22 avril 1636 défendit, à son tour, à tous les prévôts, « de constituer aucun prisonnier sans décret », si ce n’était en flagrant délit.

L’arrêt du 30 septembre 1645 permettait aux archers du prévôt de Soissons d’arrêter, soit en vertu d’un décret de leur prévôt, soit en cas de flagrant délit de grand crime.

L’ordonnance de 1670 précisa, dans les termes suivants, les devoirs des prévôts des maréchaux : « Seront tenus de mettre à exécution les décrets et mandats de justice » (titre 2, article 3). « Leur enjoignons d’arrêter les criminels en flagrant délit ou à la clameur publique » (titre 2, article 4).

Enfin, la déclaration du 26 février 1724 fit « défense aux maréchaussées d’arrêter aucune personne domiciliée hors le cas de flagrant délit ou de clameur publique, sans information et décrets préalables, à peine de demeurer responsables des dommages et intérêts des parties ».

L’arrestation pouvait donc avoir lieu dans deux cas seulement : quand il y avait flagrant délit (cas où le crime ou le délit se commet actuellement ou vient de se commettre), ou quand le prévenu était poursuivi par la clameur publique, ou quand il avait été vu ou trouvé sur le lieu du crime, porteur d’objets ou d’effets faisant présumer sa culpabilité ; en vertu d’un décret, soit du prévôt, soit d’un juge ordinaire.

En définitive, l’arrestation pouvait avoir lieu, comme de nos jours, dans le cas de flagrant délit ou en vertu d’un mandat de justice. Telles sont les origines de l’article 304 du décret du 20 mai 1903.

L’ordonnance de 1778 sur la maréchaussée ne se borna pas à confirmer les règles antérieures concernant l’arrestation en flagrant délit, suivie de délaissement aux juges compétents (titre IV, article 6) ; elle porta, de plus, une grave extension au droit d’arrestation.

Nous avons montré qu’à cette époque, le brigandage et le vagabondage désolaient le royaume. Déjà l’ordonnance de 1760 (titre 3, article 6) ordonnait aux cavaliers d’arrêter les individus « qui leur paraissaient suspects, n’ayant ni passeports, ni certificats pour se faire connaître » ; l’arrestation se trouvait justifiée par le défaut de pièces d’identité. Aux termes de l’ordonnance de 1778 (titre 4, article 4), il fut enjoint aux cavaliers de la maréchaussée qui, au cours de leurs tournées, recevaient « connaissance de quelques criminels, délinquants, vagabonds ou personnes suspectes », de se mettre à leur poursuite, de les joindre, de les arrêter, de relâcher ceux qui, n’étant dénoncés que comme vagabonds ou suspects, pouvaient se justifier de cette inculpation, enfin, d’écrouer ceux qui étaient convaincus de vagabondage ou qui demeuraient « suspects » de crimes ou délits.

De même, si des militaires en semestre troublaient la tranquillité publique, la maréchaussée les arrêtait sur la dénonciation de gens dignes de foi (titre 4, article 10). L’ordonnance de 1778 permettait ainsi que la liberté d’un honnête homme fût mise en péril par une fausse dénonciation.

Il convient d’ajouter que la manière de rédiger les procès-verbaux diminuait encore les garanties qui restaient à l’inculpé ; seuls, les prévôts dressaient leurs procès-verbaux d’information conformément à l’ordonnance criminelle de 1670 ; les cavaliers, du moins dans la sénéchaussée d’Agen, donnaient à leurs actes la forme de rapports où l’on ne trouvait pas la signature des déclarants, et l’on sait combien cet usage est dangereux et mérite d’être combattu ; cependant, il était laissé à l’inculpé une copie du procès-verbal d’arrestation ; en outre, l’individu arrêté était tenu de signer le procès-verbal ; en cas de refus ou d’impossibilité, il en était fait mention sur l’acte(177).

L’ordonnance de 1778 ne tarda pas à produire ses effets : « J’ai vu [c’est un intendant qui parle en 1785], dans le dépôt de Rennes, plusieurs maris arrêtés sur la seule dénonciation de leurs femmes et autant de femmes sur celle de leurs maris ; plusieurs enfants du premier lit à la sollicitation de leurs belles-mères ; beaucoup de servantes, grosses des œuvres du maître qu’elles servaient, enfermées sur la dénonciation de leur séducteur ; des enfants sur la dénonciation de leur père, et des pères sur la dénonciation de leurs enfants ; tous sans la moindre preuve, etc. »(178).

En 1783, sur la plainte de deux habitants de Vinet, près de Troyes, et sur de vagues soupçons de vol nocturne avec violence et effraction, le brigadier et un cavalier de la brigade de maréchaussée d’Arcis-sur-Aube procédèrent à des arrestations sans flagrant délit et sans décret. Trois innocents furent ainsi condamnés à la roue, mais le roi, averti, suspendit l’exécution(179).

En ajoutant aux prescriptions de l’ordonnance de 1670, les auteurs de l’ordonnance de 1778 avaient méconnu les leçons du passé. Dans un corps où le service intéresse à un si haut degré la liberté du citoyen et la considération de l’arme, il sied de ne toucher qu’avec une grande réserve à des prescriptions consacrées par une pratique séculaire.

Plus tard, l’ordonnance de 1820 (article 98), le décret de 1854 (article 275), le décret de 1903 (article 153), ont reproduit les dispositions de l’article précité de l’ordonnance de 1778, mais remplaçant les mots écrouer et suspect, qui permettaient tous les abus, par celui de saisir, terme qui n’implique pas nécessairement l’« arrestation », et par celui de prévenu, dont on connaît la signification précise. Tous ces règlements, d’ailleurs, comme les textes de 1608, 1636, 1645 et 1724, ont fixé nettement les limites du droit d’arrestation, par un texte formel, de nature à éviter le retour des erreurs passées(180).

Observons, cependant, que les lois actuelles permettent encore de mettre en état d’arrestation un individu simplement suspect(181). L’article 41 du Code d’instruction criminelle permet aux gendarmes d’arrêter un inculpé « présumé » auteur ou complice d’un crime ou d’un délit ; mais cette présomption légale de culpabilité est subordonnée à deux conditions : elle doit résulter de la possession, par l’inculpé, d’armes ou de certains effets ; la constatation de cette possession doit avoir lieu dans un temps voisin du délit(182). Cette double condition a paru suffisante pour mettre un innocent à l’abri d’une arrestation injustifiée. L’ordonnance de 1778 ne présentait pas les mêmes garanties.

Crimes et délits non prévôtaux

La maréchaussée tenant des ordonnances le droit d’arrêter dans tous les cas de flagrant délit, il n’était pas nécessaire, pour qu’elle usât de ce droit, que le prévôt des maréchaux fût désigné dans la loi parmi les magistrats chargés de la faire exécuter ; même s’il n’y avait pas lieu de procéder à une arrestation, la maréchaussée recueillait des renseignements sur les crimes et délits et en dressait procès-verbal(183).

Néanmoins lorsque, en dehors des cas prévôtaux, une loi intéressait particulièrement la police générale du territoire, elle faisait appel expressément au concours de la maréchaussée pour veiller à son exécution. Nous citerons les rébellions à justice, les pèlerinages sans autorisation, la contrebande, le faux saunage et le braconnage.

Rebellions à justice

Lorsque les condamnés « tenaient fort » en leurs maisons et châteaux, contre les gens de la justice, il était permis aux baillis et sénéchaux d’assembler les prévôts des maréchaux, aussi bien que le ban, l’arrière-ban, les communes ou les troupes réglées(184).

Lorsque des rébellions venaient à se commettre contre les collecteurs des tailles, les prévôts des maréchaux faisaient les informations nécessaires(185) ; il était d’ailleurs enjoint aux prévôts, pour prévenir les excès, de chevaucher de trois mois en trois mois, avec leurs archers, par les paroisses de leurs élections(186). C’est ainsi qu’à la séance du 1er février 1663, des États du Languedoc, où furent arrêtées les conventions avec le prévôt général de la province, le prévôt fut exhorté, non seulement à punir les crimes, spécialement les duels, à veiller à la sûreté des chemins, à la liberté des foires et du commerce, mais encore à protéger la levée des tailles. La même recommandation fut faite aux prévôts diocésains en 1669(187).

Pèlerinages sans autorisation

Divers règlements (25 juillet 1665, août 1671) punissaient comme vagabonds ceux qui se rendaient en pèlerinage à l’étranger sans produire les passeports ou les attestations requises. Des abus s’étant produits, les déclarations des 7 janvier 1686 et 1er août 1738 prononcèrent la peine des galères à perpétuité pour les hommes, et une peine afflictive, à fixer par le juge, pour les femmes, qui se rendaient en pèlerinage sans permission du roi à Saint-Jacques, en Galicie, à Notre-Dame de Lorette et à tous les autres lieux hors du royaume. Le prévôt des maréchaux fut chargé, comme les autres magistrats, d’arrêter les délinquants et de les conduire en prison, pour être remis aux juges des lieux.

Contrebande et faux saunage. Mandrin

Signalons aussi l’action de la maréchaussée dans la répression de la contrebande et du faux-saunage. Ces délits ne rentraient pas, selon l’ordonnance de 1670, dans les cas prévôtaux, et il existait une véritable armée de commis des fermes pour faire la chasse aux innombrables fraudeurs(188), mais, comme les brigades rencontraient souvent dans leurs tournées, des gens faisant la contrebande, et qu’elles procédaient à des arrestations de fraudeurs, les fermiers généraux décidèrent, par leur délibération du 8 avril 1721, d’accorder des gratifications aux maréchaussées qui feraient des captures de contrebandiers.

Ces derniers trouvaient des complices, surtout parmi les cabaretiers, les fermiers et autres gens de la campagne qui leur donnaient asile. Les complices étaient punis de la même peine que l’auteur principal, soit des galères pour trois ans la première fois, et des galères à perpétuité en cas de récidive. Si ceux qui avaient reçu les contrebandiers y avaient été contraints par la violence, ils devaient avertir, dans les vingt-quatre heures, la maréchaussée, qui était tenue de se transporter aussitôt sur les lieux(189).

Il était enjoint aux maréchaussées de prêter main-forte et assistance aux commis des fermes et de dresser au besoin procès-verbal des contraventions(190).

La contrebande et le faux-saunage se transformaient facilement en véritables entreprises de brigandage qui appelaient, tout naturellement, l’action de la maréchaussée. Nous avons déjà parlé des désordres qu’avait occasionnés, au XVIIe siècle, l’impôt sur le sel. Des désordres de même nature se produisirent au siècle suivant.

Mandrin, le « colonel général des contrebandiers et faux-sauniers de France », était célèbre par ses exploits. Le 5 janvier 1754, il pénétra en France, venant de Savoie, à la tête d’une centaine de bandits montés sur des chevaux petits et robustes, avec armes et bagages, de petits canons à la biscaïenne et une quantité considérable de marchandises de contrebande (faux tabac, étoffes, bijouterie, etc.) portées à dos de mulet.

Bien accueilli par le peuple, qui détestait les fermiers généraux ; par les nobles ; par les curés, qui usaient de faux tabac ; par les femmes, qui profitaient des « occasions » d’acheter des étoffes à bas prix ; ayant des intelligences dans tous les pays qu’il visitait, Mandrin, au cours de l’année 1754, fit six campagnes à travers le Dauphiné, le Languedoc, le Rouergue, l’Auvergne, le Bourbonnais, le Lyonnais, la Bresse, le Bugey, la Franche-Comté et la Bourgogne.

Se faisant précéder d’espions, tacticien habile, « tantôt répartissant ses hommes en petits détachements, tantôt les groupant pour entrer en force dans une localité », le célèbre contrebandier déjouait toutes les manœuvres des troupes lancées à sa poursuite et les mouvements de la maréchaussée, qui arrivait toujours trop tard, nous savons pourquoi.

Il entra dans vingt-sept villes, levant des réquisitions, comme à Beaune, forçant les représentants des fermes, comme le receveur-buraliste de Craponne (Haute-Loire) à accepter contre argent comptant des tabacs de contrebande, délivrant les prisonniers, comme à Montbrison, battant les employés des fermes, livrant même de véritables combats aux troupes et à la maréchaussée, comme à Geunand, hameau de Brion, près d’Autun.

Mandrin ne put être pris que par trahison et au prix d’une violation de la frontière de Savoie, au château de Rochefort en Novalaise, le 11 mai 1755. Condamné à mort par la commission de Valence, tribunal d’exception pour juger les contrebandiers, Mandrin fut roué vif, dans cette ville, sur la place des Clercs, le 27 mai suivant(191).

Braconnage

Nous avons vu que le prévôt des maréchaux fut dépouillé du droit de juger les délits de chasse, au profit des juges ordinaires, puis des maîtres des eaux et forêts. Il était prescrit, cependant, aux prévôts, comme aux capitaines des chasses et aux maîtres des eaux et forêts, de tirer les chiens couchants qu’ils rencontraient(192). D’ailleurs de même que la contrebande, le braconnage occasionnait des violences qui appelaient l’intervention de la maréchaussée.

En 1777, près de Sens, en Bourgogne, sept braconniers tirèrent sur le gibier aux yeux du propriétaire, et bientôt tirèrent sur ce dernier lui-même et le blessèrent ; la maréchaussée étant arrivée, les braconniers la repoussèrent ; on dut faire venir des dragons et un combat s’engagea ; un dragon et quatre braconniers furent tués(193).

Polices de l’ordre public

La justice prévôtale étant particulièrement destinée à réprimer les attentats en matière criminelle, la maréchaussée, à l’origine surtout, n’eut guère d’action en matière de simple police. On trouve, cependant, à la date du 5 janvier 1549, une déclaration qui fixe le taux du prix du gibier et déclare cas prévôtal « l’infraction commise par les marchands et le menu peuple ».

On pourrait supposer que cette décision ne fût prise que par analogie avec l’ordonnance qui attribuait alors au prévôt des maréchaux la connaissance des délits de chasse ; mais il n’en fut pas ainsi ; les motifs de cette décision furent les suivants.

Il existait une ordonnance de 1538, qui défendait aux rôtisseurs, pâtissiers et revendeurs de détenir et de vendre des perdrix, lièvres et hérons ; mais cette ordonnance ne fut pas observée, et il en résulta des abus, « le tout par la coulpe et connivence, comme il est vraisemblable à croire, de nos officiers présidiaux et de nos procureurs en leur siège, auxquels la charge de faire observer ladite ordonnance et la connaissance de l’infraction d’icelle a été commise »(194).

Cette ordonnance de 1549 nous apporte donc une nouvelle preuve qu’aux origines de la justice prévôtale, la nécessité de cette juridiction résulta des défaillances de la justice ordinaire.

Les contraventions, d’une manière générale, étaient de la compétence de la justice de droit commun. Nous savons qu’au-dessus des prévôts royaux, qui constituaient l’échelon inférieur de la justice ordinaire, étaient placés les baillis ou sénéchaux. Les lieutenants criminels créés dans chaque bailliage par François Ier, en 1522, jugeaient les affaires criminelles ; quant aux affaires de simple police, elles occasionnèrent des conflits de juridiction entre les baillis ou sénéchaux, d’une part, et les prévôts royaux, d’autre part. La compétence fut définitivement attribuée aux prévôts par l’édit de Crémieu du 19 juin 1536, mais il fallut y revenir par un édit de 1581.

L’ordonnance de Moulins sur la réformation de la justice (1566) confia la charge et l’intendance de la police, dans chaque paroisse et dans chaque quartier des villes dont la police appartenait aux officiers du roi, à un ou deux bourgeois élus par leurs concitoyens, qui purent condamner jusqu’à 60 sols, sauf appel devant les juges ordinaires.

En conformité avec cette prescription, une ordonnance fut rendue l’année suivante (4 février 1567), concernant la police générale du royaume ; elle traitait des matières les plus variées : denrées alimentaires, gibier, marchands, hôteliers, cabaretiers, professions diverses, etc. L’ordonnance chargea de veiller à son exécution les lieutenants et conseillers des sièges ordinaires de la justice, les prévôts des marchands, les échevins de la ville ; elle ne nomma pas la maréchaussée. D’autres édits (1567, 1572, 1577, 1666) confièrent le soin de la police aux juges ordinaires.

Il en fut ainsi pendant tout l’Ancien Régime ; même l’ordonnance de 1778 sur le service de la maréchaussée ne parle que de criminels, de délinquants et de suspects ; cependant, en assurant le service du guet qui lui fut imposé par les édits de 1631, la maréchaussée pouvait intervenir, en matière de contraventions, dans la mesure où elle recevait, à cet égard, des mandements des lieutenants généraux de police ; en outre, dès le commencement du XVIIIe siècle, les ordonnances royales, celles des intendants des provinces et les arrêts des cours souveraines étendirent l’action de la maréchaussée, dans le domaine de la simple police préventive, toutes les fois que des infractions, même légères, intéressaient particulièrement le bon ordre.

Cette évolution du service, qui n’avait surtout pour objet, à l’origine, que la répression des grands crimes, fut grandement facilitée par la réorganisation de 1720, qui fractionna toute la maréchaussée en brigades de cinq hommes ; ainsi répartie en petits détachements, cette troupe, en effet, était particulièrement apte à exercer la police dans presque tous ses domaines et jusque dans les parties les plus reculées du royaume.

Si l’on recherche quel était le rôle de la maréchaussée en ce qui concerne la police préventive, on constate que son action avait principalement pour objet les polices particulières suivantes : police urbaine, le guet, patrouilles à la résidence ; police des cabarets, fréquentation, fermeture, étrangers ; police des foires et marchés, jeux de hasard, regrattiers ; armes prohibées ; police rurale, dégâts aux récoltes, animaux nuisibles, échenillage, glanage ; police sanitaire, morve, rage ; police de la navigation ; police du roulage.

Police urbaine

L’action de la maréchaussée s’étendait sur tout le territoire, puisque les cas prévôtaux, par la qualité des accusés, étaient, en tous lieux, de la compétence du prévôt ; mais la maréchaussée était particulièrement destinée à veiller à la sûreté des campagnes, et les prévôts devaient chevaucher par les champs sans séjourner aux villes ; nous citerons plus loin un certain nombre d’ordonnances strictes à cet égard.

Cependant, il était inévitable que la maréchaussée fût employée à la protection des populations urbaines.

Nous avons vu qu’il existait, pour veiller à la sécurité de la capitale, un service spécial qu’on appelait le guet, ayant à sa tête un chevalier du guet. Cette troupe était placée sous la juridiction du prévôt de Paris. Un service du guet existait également dans quelques villes de province, notamment à Lyon et à Orléans.

Louis XIV, « voulant établir le repos et la tranquillité dans ses États », décida de faire remplir par la maréchaussée, dans toutes les villes du royaume, les fonctions dont le guet avait la charge dans quelques grands centres seulement ; nous avons vu qu’en 1631, le roi attribua, dans ce but, aux prévôts des maréchaux et à leurs archers, la qualité de chevaliers et archers du guet.

De cette époque datent les patrouilles régulières de jour et de nuit, faites par les militaires de la maréchaussée dans les villes et faubourgs de leurs circonscriptions, « pour y entretenir le repos et la tranquillité publique, principalement aux jours de cérémonies, de foires, marchés et autres assemblées publiques, pour y garder et observer l’ordre et la police nécessaire »(195).

Nous avons vu aussi que des charges de chevaliers, lieutenants et archers du guet, créées en 1633, furent supprimées en 1669 ; mais la maréchaussée continua à faire des patrouilles à la résidence que nous allons retrouver dans les ordonnances du XVIIIe siècle, et dont nous venons de montrer l’origine.

Le service de patrouille, dans les villes, devait nécessairement entraîner des rapports entre la police ordinaire et la maréchaussée, et nous savons que, lorsque des lieutenants généraux de police furent créés dans la plupart des villes (1699), la maréchaussée fut tenue d’exécuter les « ordres et mandements » de ces officiers qui jugeaient, notamment, les contraventions de police.

Police des cabarets

Les cabarets, auberges et hôtelleries n’avaient été établis que pour le soulagement et la commodité des voyageurs ; aussi, trouve-t-on des arrêts interdisant aux habitants, sous peine d’amende, de fréquenter les cabarets de leur domicile dans le rayon d’une lieue, et aux cabaretiers et taverniers de les y recevoir et de leur donner à boire, à manger et à jouer en quelque temps que ce fût(196).

L’édit de décembre 1666 fixait la fermeture des cabarets à six heures du soir à partir de la Toussaint et à neuf heures à partir de Pâques. Aux termes d’un arrêt du Conseil d’État du 4 janvier 1724, il était permis aux cabaretiers de vendre du vin et des boissons à toute heure de jour, excepté pendant le service divin ; mais il leur était défendu de tenir les cabarets ouverts, d’y donner à boire et à manger et d’y recevoir aucune personne après huit heures du soir en hiver et dix heures en été. Un arrêt du parlement de Dijon, du 10 février 1724, punissait les contrevenants, tenanciers ou consommateurs, d’une amende pour la première fois, et de prison en cas de récidive ; il était enjoint à la maréchaussée de prêter main-forte, pour l’exécution de cet arrêt, aux officiers des bailliages, et d’arrêter les contrevenants en cas de récidive.

Il était enjoint aux cabaretiers, du moins en Bourgogne, dès que des personnes inconnues arrivaient dans leurs maisons, d’en avertir sur-le-champ les maires dans les villes, les seigneurs ou les baillis et curés dans les bourgs et villages, lesquels étaient « tenus de prendre les mesures convenables pour arrêter ces sortes de gens suspects et vagabonds et d’en aviser les prévôts des maréchaux qui en ordonnaient suivant l’exigence des cas »(197).

Aux termes de l’ordonnance du 19 avril 1760 (titre 3, article 10), les brigades étaient tenues de faire des patrouilles dans les villes et lieux de leur résidence, de se faire représenter la liste des étrangers arrivés dans les auberges pour vérifier le signalement de ceux dont la découverte était nécessaire ; le même article renouvelait les prescriptions de l’édit de 1631 et d’une ordonnance du 25 avril 1707 concernant le guet, les patrouilles de cavaliers et l’obligation des aubergistes de représenter la liste des étrangers logés chez eux. Aux dispositions qui précèdent, l’ordonnance de 1778 (titre 4, article 8) ajoutait l’obligation, pour les bas-officiers et cavaliers, de dresser des procès-verbaux contre les aubergistes qui ne facilitaient pas à la maréchaussée l’exercice de ses fonctions.

Police des foires et marchés

L’ordonnance de 1778 insistait, en son titre 4, sur le service organisé dans les foires et marchés pour y maintenir le bon ordre et la tranquillité ; elle prévoyait des patrouilles, non seulement à la résidence avec l’obligation de parcourir les routes, le soir, pour protéger le retour des particuliers et des marchands (article 14), mais encore aux foires, marchés, fêtes patronales et assemblées qui se tenaient dans l’étendue du district, avec le concours, si c’était nécessaire, des brigades voisines (article 15) ; un corps de garde était établi à portée de l’assemblée ; deux hommes de chaque brigade employés à ce service marchaient en ordre, baïonnette au canon, et étaient relevés d’heure en heure (article 16) ; le retour à la résidence s’effectuait lentement, pour observer les passants et prévenir les désordres (article 17).

Les cavaliers étaient tenus de surveiller les colporteurs qui fréquentaient les foires et marchés où, sous prétexte de débiter quelques marchandises de peu de valeur, ils tenaient des jeux de hasard tels que les cartes, les dés, la bague, le tourniquet, etc. Tous ces jeux étaient défendus. Ceux qui les tenaient étaient, « ou des filous qui cherchaient à gagner leur vie par une industrie criminelle, ou des repris de justice, qui, se voyant chassés des villes où leur conduite était trop connue, couraient la campagne pour abuser de la crédulité des peuples qui ne les connaissaient pas, ou enfin, des soldats sortis du service qui, n’ayant aucune profession certaine, ne pouvaient s’occuper qu’à faire du mal ». La maréchaussée était tenue de saisir et d’arrêter ceux qu’elle trouvait en contravention, de les conduire dans les prisons du lieu où ils avaient donné à jouer et de remettre entre les mains des officiers dudit lieu, avec le procès-verbal de saisie, les chevaux, marchandises et équipages des contrevenants, ainsi que l’argent du jeu(198).

La maréchaussée de service dans les foires devait surveiller aussi les regrattiers car, s’il était permis d’acheter des grains aux marchés pour son usage, il était défendu d’en acheter pour les revendre(199). Une autre sentence du Châtelet, du 8 juillet 1740, défendait aux laboureurs et fermiers de venir acheter des grains sur le carreau des halles et sur les ports de la ville pour en faire le regrat ; une troisième sentence, du 11 août 1741, défendait aux producteurs de vendre leurs grains dans leurs fermes et dans leurs greniers, leur enjoignait de les faire conduire sur les carreaux des halles et marchés et interdisait aux meuniers d’acheter des grains ou farines dans lesdits marchés. La maréchaussée dressait procès-verbal des contraventions et saisissait les blés ainsi que les moyens de transport.

Armes prohibées

La noblesse, seule, avait le droit de porter des armes, ce qui la distinguait de la roture ; le droit qu’elle avait de porter l’épée appartenait aussi aux officiers et soldats, et à ceux des roturiers qui avaient des charges ou commissions leur permettant de la porter. Il appartenait au prévôt général de la province d’empêcher que les roturiers ne portassent l’épée.

Parmi les ordonnances concernant le port d’armes, dont nous avons parlé plus haut, celle du 14 juillet 1716 intéressait particulièrement la maréchaussée, car elle avait pour objet le désarmement des gens de la campagne. Lorsque les officiers ou cavaliers agissant, soit en vertu d’ordres supérieurs, soit en faisant leurs chevauchées et tournées, avaient trouvé et saisi des armes prohibées chez des particuliers auxquels il était interdit d’en garder, ils étaient tenus de déposer les armes chez les maires ou les syndics au lieu de leur résidence et de dresser un procès-verbal de saisie, qu’ils faisaient signer de deux voisins, et déposaient dans les vingt-quatre heures au siège de la maréchaussée.

En donnant des instructions au lieutenant de maréchaussée de Pamiers pour l’exécution de l’ordonnance de 1716, le duc de Duras, commandant les troupes à Montauban, prescrivait à cet officier, le 15 septembre 1722, non seulement de saisir les armes prohibées, mais encore de faire payer par les contrevenants l’amende prévue par l’ordonnance(200).

Cette procédure ayant engendré des abus, une sentence de la connétablie, du 21 juillet 1741, disposa, très sagement, qu’il n’appartenait pas aux officiers et cavaliers de contraindre de leur propre autorité les contrevenants au payement d’amendes qui n’auraient pas été déclarées encourues par le juge(201).

Police rurale

Il était défendu de passer sur des terres ensemencées depuis que le blé était en tuyau(202). Une ordonnance du lieutenant général de police de Paris, du 28 mars 1739, renouvelait la défense qui précède ; elle interdisait spécialement aux marchands de chevaux de faire des courses dans les champs ensemencés, d’y couper des blés et d’y laisser pâturer leurs chevaux ; elle ordonnait aux nourrisseurs de chèvres et de bourriques de les conduire par leurs longes le long des chemins et défendait aux herbières et glaneuses d’entrer ou de rester dans les champs avant le lever et après le coucher du soleil. L’ordonnance enjoignait à la maréchaussée, en cas de contravention, de saisir les chevaux et bestiaux et d’emprisonner les contrevenants qui se seraient rendus coupables de rébellion ou de violences.

Il était défendu à tous pâtres et conducteurs de bestiaux de les conduire au pâturage ou de les laisser répandre sur les bords des grands chemins plantés d’arbres et de haies d’épines, à peine de confiscation et de 100 livres d’amende(203).

Les boucs, chèvres et chevreaux devaient être gardés par une corde pour qu’ils ne fissent pas de dégâts aux arbres, buissons et haies des champs. Les animaux de cette espèce qui étaient trouvés hors des étables et basses-cours, non attachés et conduits comme il vient d’être dit, devaient être tués sur-le-champ par les cavaliers de maréchaussée des brigades voisines ; des tournées devaient être faites à cet effet, et il était rendu compte à l’intendant des contraventions constatées et des animaux tués. Il était défendu à toutes personnes, de quelque condition qu’elles fussent, à peine d’être poursuivies extraordinairement, de troubler les cavaliers de la maréchaussée dans l’exécution de ce service(204).

Il était ordonné aux propriétaires, fermiers, et à tous ceux qui faisaient valoir des héritages, d’écheniller les arbres et de brûler sur-le-champ les nids et toiles des chenilles, et les ordonnances des intendants enjoignaient à la maréchaussée d’y veiller(205).

La maréchaussée était tenue aussi de prêter main-forte aux syndics des paroisses chargés de dénoncer les contrevenants à l’arrêt du Parlement du 11 juillet 1782 sur le glanage.

Police sanitaire

La pousse, la morve et la courbature étaient les vices rédhibitoires en matière de vente des chevaux. Des mesures sévères étaient ordonnées par les intendants pour prévenir la communication et le progrès de la morve, et il était ordonné à la maréchaussée de prêter main-forte aux autorités locales, lorsqu’elle en était requise, pour l’exécution de ces mesures(206).

Il était enjoint aux officiers et cavaliers de maréchaussée, en faisant leurs rondes et tournées dans les villes et villages de leurs districts, de faire des recherches exactes des chevaux morveux, de les tuer après que la maladie avait été constatée et d’adresser à l’intendant de la généralité de Paris.

La campagne était souvent parcourue par des chiens enragés ; il était enjoint à toutes personnes de les tuer ainsi que les chiens qui, n’étant point malades, avaient été mordus ; il était défendu aux maîtres de ces derniers d’empêcher de les tuer. Si les chiens enragés avaient mordu des bœufs, vaches, moutons et pourceaux, les maîtres de ces animaux devaient les tuer promptement et les faire enfouir dans des fosses profondes. Il était permis de tuer les chiens qui n’étaient avoués de personne(207).

Police de la batellerie

Des mesures étaient prises, sur les rivières navigables, pour que les personnes allant en bateau fussent en sûreté. C’est ainsi qu’à Paris, le bachotage était interdit à toutes personnes autres que les bachoteurs reçus en l’Hôtel de Ville ; il était défendu à ces derniers de commettre à des personnes inexpérimentées la conduite des bachots, de se servir de bateaux défectueux, de charger dans chaque bachot plus de seize personnes, de faire payer à chaque passager plus de 4 sols pour Sèvres et Saint-Cloud, plus de 2 sols pour Chaillot et Passy, plus de 2 sols 6 deniers pour Auteuil, etc. Les maréchaussées de l’Île-de-France étaient requises de dresser des procès-verbaux des contraventions dont elles avaient connaissance(208).

Police du roulage

Il existait des règlements limitant le nombre de chevaux pouvant être attelés aux voitures.

La déclaration du 14 novembre 1724, considérant que l’usage des charrettes à deux roues était la principale cause de dégradation des routes, « parce que, le poids n’étant pas partagé comme sur les voitures à quatre roues, l’effet était quatre fois plus considérable », ordonna que chaque charrette à deux roues ne pourrait avoir que quatre chevaux depuis le 1er octobre jusqu’au 1er avril et trois chevaux depuis le 1er avril jusqu’au 1er octobre, à peine de confiscation des chevaux, charrettes et harnais, et de 300 livres d’amende. Ceux qui se servaient de charrettes à quatre roues pouvaient y atteler telle quantité de chevaux qu’ils jugeaient à propos ; la même faculté était accordée à ceux qui se servaient de charrettes à deux roues pour la culture à une distance de 3 lieues de leur demeure. Il était enjoint à la maréchaussée de veiller avec attention à ce qu’il ne fût pas contrevenu à cette déclaration, de remettre au greffe de la justice royale ou seigneuriale la plus rapprochée les procès-verbaux des contraventions et d’y faire conduire les voitures.

Plus tard, on établit des barrières sur les routes et des commis étaient chargés de constater les contraventions et d’en dresser procès-verbal(209) ; mais un nouvel arrêt, du 28 décembre de la même année, chargea les officiers et cavaliers de la maréchaussée d’arrêter et saisir les chevaux en excédent, de dresser procès-verbal des contraventions et de les envoyer aux intendants des provinces.

Exécution du service. Les chevauchées

Les caractères dominants du service de la maréchaussée étaient les suivants.

La maréchaussée était particulièrement destinée à la sûreté des campagnes. Surtout à l’origine, le but du service était essentiellement répressif ; le service, enfin, était très actif, les ordonnances voulant que les chevauchées fussent incessantes.

Jusqu’au XVIIIe siècle, les chevauchées furent de véritables expéditions, militaires et judiciaires, dirigées par les prévôts des maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux ou leurs lieutenants, ou par les lieutenants-criminels de robe courte. Ces officiers montaient à cheval, à la tête de leurs archers, accompagnés de l’assesseur et du procureur du siège de la maréchaussée, pour battre la campagne, de trois mois en trois mois, dans leur circonscription, prévenir les désordres et purger le pays de vagabonds et de brigands.

De François Ier à 1720

Ordonnance du 20 janvier 1514

Aux termes de l’ordonnance du 20 janvier 1514, les prévôts des maréchaux chevauchaient de garnison en garnison, « pour mieux faire justice, tenir ordre et police aux gens de guerre et corriger les fautes, oppressions et pilleries que lesdits gens de guerre pouvaient faire au peuple » ; mais, auparavant, les prévôts chevauchaient déjà dans tout le pays pour faire la chasse aux soldats débandés, aventuriers, vagabonds ou gens sans aveu opprimant le peuple.

Déclarations des 25 janvier 1536 et 3 octobre 1544

À partir de 1536, les tournées eurent lieu dans tous les sens, pour purger le pays de vagabonds et de brigands et les juger, même s’ils étaient domiciliés.

Déclaration du 5 février et ordonnance du 12 novembre 1549

Le service ordinaire des prévôts, des lieutenants et de leurs archers consistait en chevauchées sur le territoire de leurs provinces, jusqu’à ses limites(210).

Veiller spécialement à la sûreté des campagnes était le seul but essentiel du service, car la même ordonnance interdit aux prévôts de séjourner dans les villes plus de deux jours, sinon pour un motif urgent qu’ils devaient justifier auprès des juges ordinaires des lieux de séjour.

Cependant, il était recommandé aux prévôts de visiter les garnisons de leurs provinces pour entendre les plaintes et les doléances des habitants contre les militaires, et pour administrer justice(211).

Ordonnance de février 1552

Ayant constaté que les prévôts de la suite du connétable et des maréchaux, ainsi que les prévôts provinciaux, négligeaient de faire les chevauchées et les visites des garnisons et autres lieux, le roi Henri II leur enjoignit, sous peine de privation de leurs offices, de faire leurs chevauchées sans exiger de salaire extraordinaire, attendu, disait l’ordonnance de février 1552, que les gages et soldes payés à la maréchaussée par le roi ou par le peuple étaient suffisants et raisonnables. Les gages, en effet, avaient été améliorés en 1549, mais nous avons vu qu’en réalité, au XVIe et au XVIIe siècles, la maréchaussée, fut, d’une manière générale, insuffisamment et irrégulièrement payée.

Ordonnance d’Orléans (janvier 1560)

À la demande des États généraux, l’ordonnance d’Orléans (1560) recommanda à tous les prévôts d’apporter le plus grand zèle dans leur service.

Les prévôts des maréchaux furent chargés de suivre les compagnies de gens de guerre et tenus d’entrer en liaison avec les prévôts de la province voisine où entraient les troupes, « pour ensemble avoir l’œil à garder nos sujets et pauvres laboureurs d’oppressions et violences […]. Allant par les champs, ne séjourneront en un lieu plus d’un jour sans cause nécessaire » (article 68). L’ordonnance recommandait la même activité aux prévôts provinciaux, en leur enjoignant de vaquer soigneusement au fait de leurs charges (article 69).

Tous les prévôts, sans exception, étaient tenus de monter à cheval dès qu’ils étaient avertis de quelque violence, meurtre ou autre délit ; s’ils ne faisaient pas toute diligence pour procéder à une information, sans accepter de salaire quand il y avait plainte de partie civile, ils se mettaient en état de prévarication et étaient punis de la privation de leurs états ou de peines plus graves, suivant l’exigence des cas. Les dispositions qui précèdent rappellent l’une des principales obligations de la gendarmerie, celle qui fait l’objet de l’article 302 du décret de 1903.

Règlement du 14 octobre 1563

Le règlement du 14 octobre 1563 (article 24) enjoignit aux prévôts des maréchaux et à leurs lieutenants d’aller par les champs suivant un itinéraire circulaire embrassant tout leur district, « circuit la province », pour l’exercice de leurs charges.

Édit de Roussillon (août 1564)

L’édit de Roussillon défendit aux prévôts « de séjourner dans les villes, bourgades ou villages de leurs provinces plus de huit jours sans cause légitime et occasion nécessaire » et leur enjoignit « de faire leurs chevauchées par la province de leur charge pour la purger des malvivants » (article 9).

Ordonnance de Moulins (février 1566)

L’ordonnance de Moulins sur la réformation de la justice et les lettres patentes du 12 février de la même année 1566 renouvelèrent les prescriptions antérieures, mais en supprimant totalement l’autorisation de séjourner dans les villes. « Lesdits prévôts des maréchaux, vice-baillis et vice-sénéchaux ou leurs lieutenants sont tenus de faire leurs chevauchées par les champs et y vaquer continuellement sans séjourner aux villes, sinon pour occupation nécessaire et légitime, à peine de privation de leurs états, et plus grande suivant l’exigence des cas »(212).

Comme à Orléans, des précautions étaient prises contre la corruption et la prévarication. Si les prévôts ou archers acceptaient des deniers comme récompense de leurs informations ou captures, ou bien s’ils négligeaient de monter à cheval pour se rendre sur les lieux du crime ou se mettre à la recherche des délinquants, ils étaient punis de la privation de leur office et condamnés aux dépens, dommages et intérêts des parties(213).

Arrêt du 17 avril 1568

Mais il fut bien difficile d’obtenir un service de tournées conforme aux vœux des ordonnances.

Nous avons déjà constaté qu’en 1514, alors que le service ne consistait encore qu’à chevaucher de garnison en garnison, il fallut interdire aux prévôts de quitter leur province pour se rendre à la cour.

L’attrait de la capitale fut bien plus puissant encore lorsque, plus tard, le service de la maréchaussée consista à chevaucher continuellement par les rudes chemins de province. Malgré l’édit de Roussillon qui, nous l’avons vu, défendait aux prévôts de s’absenter de leur province sans la permission du roi, quelques-uns se rendaient à Paris sans autorisation. Un arrêt du Parlement, du 17 avril 1568, enjoignit aux prévôts des maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux, qui étaient alors à Paris, d’en sortir dans les trois jours et de faire leurs chevauchées par les champs, sans séjourner aux villes, à peine de prison et de privation de leurs états. Le prévôt de Paris reçut l’ordre d’informer des contraventions à cet arrêt qui fut publié et affiché.

Arrêt du 12 décembre 1573

Comme l’ordonnance de Moulins, l’arrêt du Parlement du 12 décembre 1573 enjoignit aux prévôts de faire leurs chevauchées et d’aller ordinairement par les champs, sans séjourner aux villes, pour appréhender les voleurs et meurtriers, en assemblant le peuple au son du tocsin si c’était nécessaire.

Ordonnance du 1er février 1574

L’ordonnance du 1er février 1574 sur la gendarmerie ordonna aux prévôts de la suite des maréchaux, comme aux prévôts provinciaux, de chevaucher et de visiter les garnisons de leur département ; les prévôts étaient tenus également de suivre les troupes dans leur marche, pour recevoir les plaintes et doléances des habitants et rendre la justice.

Ordonnance de Blois (mai 1579)

Deux années plus tard, à Blois (1576), les États généraux se plaignirent de la lenteur des prévôts, de la rareté de leurs chevauchées, de la négligence qu’ils apportaient à l’exécution des ordres de justice(214).

L’ordonnance rendue en 1579 accueillit les doléances des États généraux. Comme à Orléans et à Moulins, il fut enjoint aux prévôts, sous les mêmes peines, de monter à cheval dès qu’ils étaient avisés de quelque « volerie, meurtre ou autre délit », en ajoutant aux prescriptions antérieures l’obligation d’exécuter promptement et sans remise les décrets de la justice ordinaire (article 185). Il fut enjoint aux prévôts « de faire leurs chevauchées par les champs et d’y vaquer continuellement sans séjourner aux villes, sinon pour occupation nécessaire et légitime » (article 187).

Arrêt du Conseil privé du 16 mai 1608

Parmi les règlements entre divers prévôts provinciaux et les juges des sièges présidiaux, nous mentionnerons celui du 6 mai 1608 qui, tout en rappelant les prescriptions des grandes ordonnances que nous venons de citer, ordonnait au vice-sénéchal d’Armagnac, à ses officiers et à ses archers, de se tenir le plus souvent, pendant leurs chevauchées trimestrielles, aux grands chemins, forêts et autres lieux suspects, pour assister les marchands et passants. Au cours de leurs chevauchées, le vice-sénéchal et ses officiers étaient tenus de se transporter aux lieux où la justice devait s’exercer, afin que les habitants eussent connaissance de leur venue et pussent déposer leurs plaintes.

Déclaration du 27 mai 1610

La déclaration de 1610 sur le port d’armes et les assemblées illicites enjoignit aux prévôts de « tenir la campagne libre et d’assurer les chemins ».

Ordonnance de janvier 1629 (code Michau)

Aux États généraux de 1614, le tiers état demanda, ainsi qu’à Blois, la régularité des chevauchées et, comme sanction, la suppression des gages. Il demanda que le payement des gages fût effectué au prévôt des maréchaux en personne, au moment de la revue, avec attribution aux pauvres de la solde des absents ; cette dernière mesure fut adoptée par le code Michau (article 185). Les prévôts étaient tenus d’accompagner et de suivre toutes les troupes qui passaient dans leur circonscription et de ne les point quitter avant de les avoir « consignées ès mains du prévôt dans le droit duquel elles avaient à entrer » (article 257).

Édits de novembre et décembre 1641

Les prévôts généraux chargés d’inspecter les prévôts particuliers et de régler leurs différends, étaient tenus de se transporter dans les villes de leur généralité, pour recevoir les plaintes et prévenir les troubles, révoltes et mutineries. Nous savons déjà qu’ils avaient le droit de convoquer, pour le service, les prévôtés particulières et d’y commander en chef.

Déclaration du 18 décembre 1660

La déclaration de 1660 sur le port d’armes, dont nous avons déjà parlé ci-dessus, confirma la réglementation antérieure en enjoignant aux prévôts de faire leurs tournées par les champs sans séjourner dans les villes.

Arrêt du Conseil du 25 février 1666

L’arrêt du 25 février 1666 ordonna aux officiers de maréchaussée de suivre, chacun dans son ressort, les gens de guerre qui y passaient, de les faire vivre suivant les ordonnances, de recevoir les plaintes portées contre eux, d’en informer et de remettre les procédures à l’intendant de justice.

Ordonnance criminelle de 1670

L’ordonnance de 1670, qui fut un code de procédure criminelle, ne s’occupa point des chevauchées ; mais nous avons vu ci-dessus qu’elle prit des précautions minutieuses pour éviter les désordres et les malversations : inventaire des effets trouvés sur l’individu arrêté ; incarcération de ce dernier dans les vingt-quatre heures au plus tard ; interdiction de l’enfermer dans un lieu autre que la prison.

La discussion de l’ordonnance criminelle et l’ordonnance elle-même produisirent certainement de bons résultats, et, dans l’ensemble du royaume, la police fut meilleure ; cependant, en 1682, un intendant se plaignait encore de ce que les officiers et archers faisaient mal leur devoir et que le secret des opérations était mal gardé : « Lorsque je les ai avertis de quelques vols commis dans leur détroit, ils y vont cinq ou six jours après, et on sait le jour qu’ils doivent partir et qu’ils doivent arriver »(215).

Ordonnance du 1er juillet 1716

Nous arrivons au XVIIIe siècle. Une longue expérience avait démontré que l’initiative laissée à la maréchaussée, pour l’exécution de ses chevauchées, ne pouvait donner de bons résultats.

En 1716, nous trouvons une réglementation précise des tournées. Les maréchaussées pouvaient être partagées en deux troupes qui roulaient entre elles pour les expéditions prévôtales. Le prévôt, dans ce cas, marchait en tête d’une fraction ; l’autre fraction était commandée par le lieutenant ou un exempt ; chaque troupe comprenait au moins un officier et trois archers.

Lorsque, après avoir battu la campagne sur les grands chemins, l’une des troupes rentrait à la résidence, l’autre devait partir le lendemain pour assurer la continuité du service. Quand les circonstances l’exigeaient, les deux troupes se joignaient ; il en était ainsi, notamment, lors des passages des troupes, pour maintenir le bon ordre et arrêter les soldats délinquants(216).

De 1720 à la Révolution

À partir de 1720, le personnel de chaque compagnie fut distribué en brigades de cinq hommes réparties sur le territoire de la généralité ; un grand changement fut apporté ainsi dans l’exécution du service ; les grandes chevauchées, en effet, firent place à un service de tournées plus modeste, mais bien plus efficace ; pendant un demi-siècle, le service, dont on cherchait la véritable formule, fit l’objet de différentes réglementations, qui furent fondues ensuite dans la grande ordonnance de 1778, dont nous parlerons plus loin(217).

Dans chaque compagnie, qui, nous l’avons vu, avait à sa tête un prévôt général, les lieutenants étaient chargés de la justice prévôtale, qu’ils exerçaient sous la haute direction du prévôt, et ils se transportaient sur les lieux toutes les fois qu’il était nécessaire.

Les brigades assuraient le bon ordre, intervenaient lors des émotions populaires, faisaient des tournées dans leur district et constataient les délits ; elles n’avaient pas le droit d’informer(218), mais elles procédaient aux arrestations, soit en flagrant délit, soit en vertu de mandat de justice, et faisaient les translations des prisonniers. Quand elles arrêtaient des mendiants, vagabonds, déserteurs ou autres criminels, elles dressaient des procès-verbaux de capture qu’elles remettaient à leur lieutenant, et elles enfermaient les individus arrêtés dans les prisons royales.

La législation contre les mendiants et vagabonds était alors très sévère et entraînait de nombreuses arrestations. Tout « quidam de mauvaise figure » rencontré par la maréchaussée, s’il ne pouvait exhiber un passeport ou un congé militaire, était arrêté sous présomption de vagabondage ou de désertion et on lui faisait « passer le guichet »(219).

Examinons la réglementation de cette époque.

Réorganisation de 1720

À partir de 1720, les tournées ne furent plus dirigées, comme auparavant, par les officiers. Chaque chef de brigade fut tenu de se transporter, un jour sur deux, avec ses quatre cavaliers, dans toutes les paroisses de sa circonscription ; dans certains cas, les tournées étaient effectuées par deux hommes seulement. On lit, dans un mémoire rédigé en 1747 par le lieutenant de maréchaussée en résidence à Perpignan, que « généralement parlant, les brigades sont composées de cinq hommes pour marcher tous ensemble à l’ordinaire pour plusieurs raisons : la première pour avoir la force en main en cas de besoin ; la deuxième, parce que ce nombre d’hommes, bien montés et bien armés, sont un porte-respect pour la canaille dans les paroisses et sur les grands chemins qu’ils doivent battre ; et la troisième, pour que le chef fasse et fasse faire le devoir aux cavaliers qui lui sont confiés et pour répondre du désordre qu’eux-mêmes pourraient commettre ».

Ce dernier argument démontre que la réorganisation de 1720, si elle avait constitué un grand progrès, n’avait pas réussi – ainsi que nous l’avons déjà dit – à établir une discipline exacte dans le corps de la maréchaussée ; en particulier, les patrouilles de deux cavaliers seulement ne faisaient pas toujours leur devoir ; le lieutenant auteur du mémoire constatait que « deux cavaliers et jamais plus, montent à cheval après dîner(220) et supposé qu’il fasse beau temps et rentrent, environ, dans les trois ou quatre heures du soir, et ce travail, qui a plutôt l’air d’une promenade, est si mal fait qu’il vaudrait autant qu’on se reposât ». Et d’ailleurs, « au lieu de faire leurs tournées dans les paroisses de deux jours l’un, conformément à l’ordonnance, ces cavaliers désœuvrés se promènent sans armes, une baguette à la main, vont où bon leur semble, sans congé, de sorte que, dans une occasion imprévue, il serait impossible quelquefois d’en rassembler deux »(221).

Hâtons-nous d’ajouter que le mémoire attribuait au prévôt général le désordre qui régnait dans sa compagnie.

Ordonnance du 19 avril 1760. Tournée par deux hommes. Journal de service

Mais le désordre de la maréchaussée n’était pas particulier à la compagnie du Roussillon et pays de Foix. Le préambule de l’ordonnance de 1760 nous apprend, en effet, que la maréchaussée ne procurait pas, dans l’ensemble du royaume, tous les avantages qu’on pouvait en attendre. Aussi cette ordonnance dut-elle intervenir, nous l’avons vu, pour réglementer de nouveau la subordination et la discipline de la maréchaussée, régler les honneurs dus par cette troupe et interdire qu’elle fût détournée de son service.

Le principe de la tournée journalière faite par deux hommes seulement, sur les grands chemins et les chemins de traverse, fut définitivement adopté. Le chef de brigade (exempt, brigadier ou sous-brigadier) montait lui-même à cheval à la tête du détachement plusieurs fois par semaine et aussi souvent que le besoin pouvait le requérir (titre 3, article 1)(222).

On devait varier les itinéraires et faire les tournées plus fréquemment sur les routes dangereuses, comme celles qui étaient près des forêts, montagnes ou vallons (article 2) ; faire aussi des tournées dans les foires et marchés publics, pour y maintenir le bon ordre et arrêter les filous et gens sans aveu qui pouvaient s’y rencontrer (article 4), se transporter de même dans les paroisses les jours de fête (article 5) ; faire des patrouilles à la résidence et visiter les auberges (article 10).

Il ne suffisait pas d’ordonner des tournées journalières ; l’expérience avait démontré la nécessité d’un contrôle rigoureux du service exécuté.

L’ordonnance prescrivit donc la tenue d’un journal, sur lequel les chefs de brigade devaient inscrire les tournées ordinaires et les courses extraordinaires (titre Ier, article 24).

À la fin de chaque mois, le chef de brigade remettait le journal au lieutenant, qui l’envoyait à son tour au prévôt général (article 25).

Les prévôts généraux adressaient tous les deux mois, au secrétaire d’État de la Guerre, les états des brigades, dans lesquels il était fait mention des tournées journalières et du service auquel elles avaient été employées ; les prévôts informaient le secrétaire d’État de ce qu’ils avaient appris d’intéressant (article 26).

Ordonnance du 27 décembre 1769. Correspondance entre les brigades

L’ordonnance de 1769, on l’a vu, eut surtout pour objet l’administration de la maréchaussée ; le service, cependant, ne fut pas oublié. Le nombre de brigades ayant été augmenté, le roi voulut que les tournées journalières se fissent avec la plus grande exactitude, tant dans les paroisses que sur les grands chemins et routes de traverse et que les cavaliers s’informassent exactement de tous les objets qui pouvaient intéresser le bon ordre et la tranquillité publique (article 37) ; les brigades étaient, en outre, dans l’obligation d’entretenir entre elles une correspondance continuelle et de se rendre, au moins une fois par semaine, à des points de rencontre fixés à l’avance par les prévôts généraux, à l’effet de se communiquer les renseignements intéressant le service (article 36)(223).

Ordonnance du 28 avril 1778

L’ordonnance de 1778 sépara nettement les fonctions des officiers et celles de la troupe. Les fonctions des officiers, du sous-lieutenant à l’inspecteur général, consistaient dans un service d’inspection des brigades.

En outre, les lieutenants assuraient le fonctionnement de la justice prévôtale ; il leur était ordonné de se porter partout où leur présence était nécessaire, non seulement pour constater les crimes et délits commis dans l’étendue de leurs lieutenances et faire les informations et procédures dont ils étaient tenus en leur qualité, mais encore pour agir de leur personne toutes les fois que la sûreté publique pouvait être menacée par des émeutes populaires, attroupements de voleurs ou autres événements (titre 3, article 25).

Le titre 4 était consacré au service ordinaire des brigades. L’article 1er concernait les ordres à prendre pour le service et les comptes rendus du service exécuté.

Le service de la troupe consistait à faire chaque jour une tournée sur les grands chemins et chemins de traverse, ainsi que dans les bourgs, villages, hameaux, châteaux et lieux suspects du district de la brigade.

Les quatre militaires du poste formaient deux divisions, dont chacune était toujours composée des deux mêmes hommes ; les deux divisions marchaient alternativement, de manière que celle qui avait fait un jour le service hors la résidence le faisait à la résidence le lendemain, et inversement ; à moins de circonstances particulières, le chef de brigade ne devait pas intervertir l’ordre fixé, à peine de prison pour la première fois et de destitution en cas de récidive. Cette sévérité atteste la ferme volonté d’obtenir la régularité des tournées et un roulement, pour le service, entre le chef de brigade et les cavaliers.

Tout en ayant perdu de sa rigidité, ce principe a subsisté jusqu’à nos jours ; naguère encore (service intérieur de 1900), c’était une obligation précise, dans la vérification du cahier du service, de s’assurer si le chef de brigade avait « marché à son tour »(224).

La recherche, la poursuite et l’arrestation des assassins, voleurs, vagabonds, déserteurs et autres délinquants, ainsi que la surveillance des militaires en congé, constituaient toujours la partie essentielle du service ; la visite des auberges, elle-même, avait surtout pour objet de vérifier si la liste des étrangers ne comprenait pas des gens suspects ou à arrêter ; les captures et les renseignements recueillis sur les crimes et délits faisaient l’objet de procès-verbaux qui devaient être envoyés sans retard au lieutenant du district ; les procès-verbaux de capture et les procès-verbaux des déclarations faites par les individus arrêtés devaient être revêtus de la signature de ces individus, sauf refus dont il était fait mention sur le procès-verbal (articles 3 à 13).

Cependant, nous avons vu que l’ordonnance de 1778, par des dispositions rappelant l’édit de 1631 sur le guet, fit une large place à la police purement préventive : service aux foires, marchés, fêtes patronales et assemblées, pour y maintenir le bon ordre et la tranquillité ; les jours de foire, patrouilles le soir, par toute la brigade, pour protéger le retour des particuliers et marchands (articles 14 à 17).

« Le chef de brigade était tenu de diriger les tournées sur les chemins et lieux les plus exposés aux entreprises des malfaiteurs ; il devait néanmoins les varier de manière que chaque ville, bourg, village et hameau de son district pût éprouver successivement le secours et la confiance que le roi avait eu l’intention de procurer à tous ses sujets et particulièrement à ceux des campagnes, lorsqu’il avait mis la maréchaussée en état, par l’augmentation de sa solde, de remplir tous les objets de service pour lesquels elle avait été instituée »(225).

Les brigades devaient correspondre, une fois par semaine, avec chacune de celles dont elles étaient environnées jusqu’à la distance de 5 lieues (articles 18 à 20) ; « ces correspondances avaient pour objet, de la part des brigades, de se communiquer les avis qu’elles avaient pu recevoir sur tout ce qui intéressait la sûreté publique et de concerter leurs opérations relatives à la recherche des malfaiteurs dont elles avaient connaissance ; elles servaient aussi à la translation des prisonniers dont les conduites avaient été ordonnées de brigade à brigade et, enfin, à la remise des ordres et lettres des prévôts généraux et lieutenants vers les résidences desquels lesdites correspondances étaient toujours dirigées » (article 19).

L’article 21 était relatif à la surveillance des troupes en marche. Tous les objets de service étaient portés jour par jour sur un journal de service ordinaire, arrêté par la signature des notables (article 22).

Le journal se composait de feuillets que les cavaliers emportaient dans leurs tournées, et d’un cahier où le chef de brigade transcrivait chaque jour le service porté sur les feuillets. Tandis que le cahier restait à la brigade, les feuillets étaient remis mensuellement au sous-lieutenant, vérifiés successivement par le sous-lieutenant, le lieutenant et le prévôt général, et adressés à l’intendant. Chaque cavalier était tenu de se munir d’un portefeuille pour porter les journaux dans ses courses.

Les journaux devaient être remplis chaque jour ; on inscrivait, dans les diverses colonnes, la distance de la résidence aux lieux que les cavaliers avaient visités, le transport dans chaque lieu et le service qui y avait été exécuté, ainsi que le service fait par les cavaliers qui étaient restés à la résidence ; la dernière colonne était réservée aux signatures et à la mention des qualités des personnes désignées par l’ordonnance pour certifier le service. Deux personnes au moins signaient le journal dans chaque lieu ; elles étaient autorisées à refuser la signature à un seul cavalier qui la leur aurait demandée, l’intention du ministre étant que les tournées fussent toujours faites par deux cavaliers au moins. S’il arrivait qu’on osât mettre de fausses signatures sur les journaux de service, les commandants des brigades en étaient rendus responsables et on les punissait sévèrement(226).

Le titre 5 se rapportait au service extraordinaire et réglait divers points auxquels nous nous sommes déjà arrêtés : définition de la maréchaussée (article 1) ; rapports avec les premiers présidents et les procureurs généraux (article 2) ; avec les intendants (articles 3 et 4) ; réquisitions des officiers de justice (articles 5 à 8) ; conduite des prisonniers (articles 9 à 12) ; procès-verbaux de rébellion (articles 15) ; exercices de la justice prévôtale (article 16).

En outre, il était prescrit aux chefs de brigade d’escorter et de faire escorter, autant que possible, les voitures publiques qui passaient à portée de leurs résidences, surtout dans les passages dangereux ou suspects (article 13).

Enfin, la maréchaussée pouvait être requise d’escorter les deniers royaux (article 14).

Contrôle du service

De François Ier à 1720

Les chefs de service (prévôts des maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux, lieutenants-criminels de robe-courte) et leurs lieutenants dirigeant eux-mêmes les opérations, le contrôle du service ne pouvait être qu’extérieur à l’arme.

Ce contrôle était assuré, soit par l’administration centrale (Conseil privé du roi), ou la connétablie, ou l’intendant de la province, ou la justice ordinaire du roi. Il consistait dans l’examen des procès-verbaux que les prévôts devaient faire de leurs chevauchées et des certificats qu’ils devaient rapporter des lieux où ils étaient passés(227).

Nous avons parlé des certificats du service exécuté, ainsi que des revues passées devant les baillis, sénéchaux et juges présidiaux, ou devant les commissaires aux revues, ou les intendants, et qui n’étaient que des revues du personnel ; nous avons vu, cependant, que les intendants examinaient, au cours de leurs revues, les certificats rapportés par les prévôts.

Au XVIIe siècle, avec l’organisation des prévôtés générales, nous voyons apparaître un contrôle intérieur. Les édits de novembre et décembre 1641 et le règlement des maréchaux de France du 9 septembre 1644 ordonnèrent, en effet, aux prévôts provinciaux, de remettre au prévôt général (ou grand prévôt) les procès-verbaux de leurs chevauchées ; avec ces documents, le prévôt général rédigeait, en double expédition, un procès-verbal d’ensemble qu’il adressait, avec le procès-verbal de ses propres chevauchées, d’une part au Conseil privé du roi, d’autre part au greffe de la connétablie.

Mais ce fut en vain que les édits ordonnèrent aux prévôts généraux de s’assurer que les prévôts provinciaux s’acquittaient fidèlement de leurs charges ; nous avons signalé les plaintes dont les prévôts furent l’objet ; la persistance de ces doléances, au cours des XVIe et XVIIe siècles, démontre que le contrôle du service de la maréchaussée était alors mal organisé et insuffisant.

C’est un fait bien digne de remarque, que les abus et les négligences reprochés, à cette époque, à la maréchaussée, aient coïncidé avec l’absence d’un contrôle intérieur minutieux.

De 1720 à la Révolution

Ce ne fut, en effet, qu’à partir de 1720, que la maréchaussée eut des inspecteurs généraux provenant de l’arme et un contrôle hiérarchique sévère. Ce système, consistant à passer des revues dans les résidences des brigades, s’établit progressivement. Il fut réglementé, pour la première fois, par l’ordonnance du 16 mars 1720, puis par celles de 1760, 1769 et 1778 ; il a subsisté jusqu’à nos jours.

Ordonnance du 16 mars 1720

Les cinq prévôts choisis comme inspecteurs généraux faisaient tous les ans les tournées qui leur étaient ordonnées dans l’étendue de leur département pour examiner et vérifier si le service était rempli avec exactitude (article 17). En Roussillon et pays de Foix, la revue annuelle avait lieu à Perpignan, où toutes les brigades de la compagnie étaient rassemblées à cet effet. L’inspecteur général envoyait une expédition de l’état de revue aux maréchaux de France et une autre au secrétaire d’État de la Guerre.

Aux termes de l’ordonnance, les prévôts généraux étaient tenus de faire trois tournées, tous les ans, dans les villes et lieux de résidence de leur généralité ; mais les lettres patentes du 16 septembre 1721 sur un arrêt du Conseil d’État du 26 août précédent prescrivirent quatre tournées trimestrielles ; les prévôts faisaient, dans chaque résidence, les revues du personnel, vérifiaient si les officiers(228) et archers remplissaient leur devoir et si les chevaux, armes et équipages étaient en bon état (article 6) ; ils examinaient et paraphaient les registres des procédures et des commissions. En Roussillon et pays de Foix, pour chaque revue trimestrielle, tout le personnel de la compagnie était rassemblé à Perpignan. L’état de revue servait au payement des gages, solde et appointements de trimestre ; un exemplaire de l’état était envoyé au secrétaire d’État de la Guerre et un autre à l’intendant.

Le prévôt général passait sa revue en présence de l’intendant ou de son subdélégué (article 7) ; nous avons vu, d’ailleurs, que l’intendant passait lui-même des revues de la maréchaussée, et nous savons en quoi consistaient ces opérations.

L’inspecteur général, le prévôt général et l’intendant employaient des états de revue du même modèle, où l’on inscrivait le nom des officiers, des exempts, brigadiers, sous-brigadiers et archers (ou cavaliers), la mention : Présent ou Absent, l’indication de la résidence, les signalements des chevaux et des observations sur la valeur des montures.

Les lieutenants faisaient tous les mois la revue de leur personnel dans chaque chef-lieu de brigade ; ils envoyaient un exemplaire de l’état de revue à l’intendant et un autre au prévôt général (article 9).

Il était interdit aux prévôts et aux lieutenants d’employer aucun gradé ou cavalier qui n’eût assisté effectivement à la revue (article 10), et cette interdiction fut renouvelée par l’ordonnance du 19 avril 1760 (titre Ier, articles 13 et 18).

Ordonnance du 19 avril 1760

L’ordonnance de 1760 ordonna aux prévôts généraux de faire deux tournées tous les ans, dans les villes et lieux de résidence de leur département (article 10). Si les intendants se trouvaient sur les lieux, les prévôts les avertissaient quatre jours à l’avance pour que la revue pût avoir lieu en leur présence, sinon les prévôts appelaient à la revue les subdélégués des intendants (article 16). Tous les trois mois, les prévôts généraux établissaient un état de revue pour servir au payement de la solde, le faisaient viser par l’intendant, en adressaient un exemplaire au secrétaire d’État de la Guerre et un autre au trésorier chargé du payement des maréchaussées (article 17).

Les lieutenants étaient tenus de faire une revue tous les deux mois dans le chef-lieu de chaque brigade ; indépendamment des vérifications prescrites aux prévôts généraux (exactitude du service, entretien des chevaux, des armes et des équipages), les lieutenants devaient s’assurer que les chevaux n’avaient pas été loués ou empruntés pour les revues. L’état de revue était envoyé au prévôt général (article 11).

Les exempts, brigadiers et sous-brigadiers, assemblaient leurs brigades chacun dans leur résidence deux fois par mois, à l’effet de vérifier si les armes, équipages et chevaux étaient en bon état et ils rendaient compte au lieutenant (article 19).

Transformation des inspections générales

Le système de l’ordonnance du 16 mars 1720, dans lequel le soin des inspections était confié à cinq prévôts généraux remplissant habituellement les mêmes fonctions que les chefs des compagnies inspectées, tomba en désuétude, et nous savons qu’un arrêt du Conseil d’État du 29 juin 1759 dut intervenir pour le remettre en vigueur, « afin de rétablir l’ordre et la discipline la plus exacte dans un corps dont les fonctions sont si nécessaires au bien public ».

L’ordonnance de 1760 ne s’occupa point des inspections générales, mais nous savons qu’il parut nécessaire d’ordonner aux prévôts chargés des inspections, de se démettre de leurs charges de prévôts généraux, afin qu’ils pussent se consacrer entièrement à leurs nouvelles fonctions ; qu’on leur accorda des commissions de mestre de camp de cavalerie, et que le territoire fut divisé en quatre inspections (1768). Ce système fut maintenu par l’ordonnance du 27 décembre 1769 (article 15).

Ordonnance du 27 décembre 1769

Les inspecteurs généraux faisaient tous les ans une revue d’inspection de chaque compagnie de maréchaussée dans les généralités qui leur avaient été désignées ; ils étaient accompagnés, dans leurs inspections, par chaque prévôt général dans l’étendue de son département ; ils envoyaient un état de revue aux maréchaux de France et un autre au secrétaire d’État de la Guerre (article 14).

Les prévôts généraux faisaient tous les ans la revue de leur compagnie (article 7) ; les lieutenants se transportaient une fois par trimestre dans chaque résidence de brigade (article 8) ; les commandants de brigade faisaient, au moins une fois par semaine, l’inspection des cavaliers et des chevaux (article 9).

Ordonnance du 27 avril 1778

Le roi ayant « jugé que de fréquentes revues de la maréchaussée étaient nécessaires pour remédier à l’impossibilité, à cause de la nature de son service, de la rassembler comme les autres corps de troupes », le titre III de l’ordonnance de 1778 traita longuement de ces opérations, dont nous ne donnerons qu’un résumé succinct.

Nous savons déjà que l’ordonnance porta à six le nombre des inspecteurs généraux ; les trente-trois compagnies formèrent ainsi six divisions analogues aux arrondissements d’inspection actuels. Les inspecteurs généraux réunissaient les brigades par lieutenances en août et septembre, vérifiaient les contrôles établis par les lieutenants et qui contenaient les noms, signalements et états des services des bas-officiers et des cavaliers, les notes du personnel, les signalements des chevaux et des renseignements sur les fourrages et le casernement. Les inspecteurs portaient leurs investigations sur la tenue, la discipline, l’instruction professionnelle, les remontes, etc., et présidaient le conseil d’administration que l’ordonnance avait créé dans chaque compagnie (articles 1 à 15).

Les prévôts généraux groupaient les brigades de leur compagnie, par lieutenances, entre le 15 avril et le 15 mai ; ils faisaient coïncider leurs revues avec celles des commissaires des guerres, afin d’éviter des déplacements trop fréquents et les frais d’étape qui en résultaient. Ils procédaient aux mêmes opérations que l’inspecteur général, interrogeaient leurs subordonnés sur leurs devoirs, punissaient publiquement les officiers et cavaliers qui n’avaient pas satisfait à leurs obligations, et donnaient des louanges publiques à ceux qui les avaient méritées par leur bonne conduite et leur exactitude dans le service (articles 16 à 21).

Les lieutenants qui participaient personnellement à l’action répressive, faisaient, en outre, trois tournées d’inspection par an dans les lieux où les brigades étaient établies, vérifiaient si les bas-officiers et les cavaliers faisaient exactement leur service, s’ils ne donnaient lieu à aucune plainte, s’ils ne contractaient pas de dettes occasionnant des réclamations, s’ils prêtaient la main-forte due aux personnes ayant droit de les requérir ; si l’on se conformait, à cet égard, aux règles établies par les réquisitions ; si les brigades n’étaient pas employées à des fonctions étrangères à leur institution, si elles se refusaient sans motif légal à ce qu’on était en droit d’exiger d’elles ; ils examinaient le casernement, les fourrages, la remonte, l’habillement, l’équipement, l’armement et le harnachement (articles 22 à 27).

Les sous-lieutenants étaient les surveillants du service des brigades. Leurs fonctions consistaient particulièrement à faire sans cesse des tournées, d’une brigade à l’autre, pour vérifier si elles faisaient le service dont elles étaient chargées ; chaque brigade devait être vue au moins tous les huit jours ; les sous-lieutenants examinaient le journal du service de la huitaine et le contrôlaient dans les lieux où ils passaient ; ils se renseignaient auprès des notables et vérifiaient si les brigades remplissaient leurs devoirs à la satisfaction du public, si les chefs de brigade et les cavaliers ne donnaient pas lieu à quelque plainte par des vexations, abus de pouvoir, excès ou violences commis sous prétexte de leurs fonctions ; ils faisaient en outre, dans le plus grand détail, les vérifications et examens prescrits pour les revues des lieutenants (articles 28 à 35).

Ainsi, comme les prévôts des organisations précédentes, les sous-lieutenants étaient astreints à des chevauchées incessantes, mais le but de cette activité n’était pas le même qu’auparavant ; tandis qu’autrefois le prévôt des maréchaux, à la tête de ses archers, battait la campagne pour assurer le bon ordre, ce soin n’incombait plus qu’aux brigades, et, si les sous-lieutenants visitaient leurs postes sans discontinuer, c’était pour s’assurer si les brigades remplissaient leur mission de veiller à la sécurité publique.

Tel était le système de contrôle, résultat d’une expérience déjà vieille de plusieurs siècles, que la maréchaussée allait transmettre à la gendarmerie.

Service de la maréchaussée aux armées

Il n’existait pas, sous l’Ancien Régime, de réglementation sur la maréchaussée en campagne, analogue aux instructions qui ont paru, entre les deux guerres de 1870 et de 1914, sur le service de la gendarmerie aux armées. Il ne semble pas, d’ailleurs, qu’il y ait eu pour l’armée, avant l’année 1732, d’instruction sur le service en campagne.

Les sources de la réglementation su service de la maréchaussée aux armées étaient les suivantes : les ordonnances royales sur la police des gens de guerre, et spécialement sur la discipline des troupes dans les camps(229) ; les ordres que le commandement donnait pour chaque campagne(230) ; les instructions concernant le service en campagne(231) ; les ordonnances que le prévôt de l’armée rendait sur la police des quartiers généraux, le ravitaillement de l’armée en denrées et subsistances et sur les vivandiers et autres marchands suivant l’armée(232).

En faisant une synthèse de tous les éléments qui, dans les sources que nous venons de citer, se rapportent à la maréchaussée en campagne, on peut résumer sous les rubriques suivantes le service prévôtal dans les armées de l’ancienne monarchie : organisation de la maréchaussée aux armées ; attributions générales du grand prévôt ; service judiciaire ; service dans les marches et pendant le combat ; stationnement ; service de la maréchaussée du territoire en temps de guerre.

Organisation de la maréchaussée aux armées

On sait qu’au Moyen Âge, le connétable et les maréchaux de France avaient sur les troupes une juridiction qu’ils faisaient exercer par un prévôt. Jusqu’au XVe siècle, les prévôts des maréchaux n’eurent de fonctions qu’à la suite des armées, et ne connurent que des crimes commis par les gens de guerre.

Louis XII établit des prévôts provinciaux et ces officiers, d’abord astreints à résider dans les lieux où séjournaient les troupes, furent ensuite répartis peu à peu dans les provinces qu’ils étaient chargés de purger de malfaiteurs, et cela donna lieu à l’établissement de deux sortes de prévôts. Les ordonnances du XVIe siècle distinguent nettement les deux catégories, en réservant le nom de prévôts des connétables et maréchaux de France aux prévôts qui, suivant la tradition, étaient attachés aux troupes ; elles appellent prévôts subsidiaires, ou prévôts provinciaux, les prévôts destinés au service de la province.

Nous n’avons à nous occuper, ici, que de la prévôté aux armées. À la tête du service était placé le prévôt général de la connétablie, appelé aussi grand prévôt et, dans la suite, prévôt de l’armée, ayant sous ses ordres la compagnie de la connétablie. Le grand prévôt avait la direction des opérations de police générale de l’armée, et les prévôts de la suite des maréchaux concouraient avec lui au maintien du bon ordre et à la répression des crimes de leur compétence.

L’état militaire de la France, pour l’année 1562, fait ressortir que le prévôt du connétable de Montmorency disposait de cinquante-sept archers et que les prévôts des quatre maréchaux de Saint-André, de Brissac, de Terne et de Montmorency en avaient chacun vingt.

La compagnie de la connétablie, réduite, dans la suite, à quarante-huit gardes, assura seule à la guerre, pendant longtemps, la police des troupes ; quand le général divisait son armée et en formait des corps séparés, le grand prévôt fournissait à chaque détachement un officier avec des gardes de la connétablie.

En 1744, on fit concourir, pour la première fois, la maréchaussée provinciale au service de la prévôté en campagne. Aux deux armées qui opéraient alors en Flandre sous les ordres du maréchal de Saxe, nous trouvons qu’indépendamment du détachement de la connétablie comprenant le grand prévôt, trois lieutenants et quarante gardes, il existait un détachement de maréchaussée, prélevé principalement sur les brigades de Flandre et de Hainaut et composé comme il suit : de Cambon, prévôt général de Rouen, un lieutenant, un procureur du roi, trois exempts, un greffier, vingt-cinq cavaliers et un exécuteur des hautes œuvres.

La même année 1744, la maréchaussée du département de Metz fournit à l’armée opérant sur la Meuse et sur la Moselle une prévôté commandée par Ferrand, prévôt général de Metz, et comprenant un lieutenant, un exempt, un procureur du roi, un greffier, dix cavaliers et un exécuteur.

Le prévôt de l’armée disposait, outre son propre détachement, d’une garde qui fut composée, pendant la guerre de Sept Ans, de trente hommes d’infanterie commandés par un lieutenant et destinés à la garde des prisonniers, ainsi que de trente maîtres, cavaliers ou dragons appelés à servir d’escorte ou à prêter main-forte aux patrouilles de maréchaussée.

Enfin, suivant les besoins, le prévôt de l’armée avait le droit d’augmenter l’effectif des officiers et des gardes en délivrant des commissions à des hommes de valeur éprouvés et choisis, de préférence, parmi les gardes attachés aux maréchaux de France ; les lieutenants ainsi nommés faisaient enregistrer leurs commissions à la connétablie et ce n’était qu’après avoir subi un examen qu’ils avaient le droit de procéder et d’assister aux jugements prévôtaux. Les officiers et gardes commissionnés étaient traités sur le même pied que ceux qui étaient pourvus d’offices.

Chaque place de guerre avait un prévôt et dix archers, avec un exécuteur de la haute justice et ses valets.

La solde mensuelle de la maréchaussée aux armées était, vers la fin de l’Ancien Régime, supérieure à celle du temps de paix : grand prévôt, 300 livres ; lieutenant, 150 livres ; assesseurs, 150 livres ; procureurs, 150 livres ; exempt, 60 livres ; greffier, 60 livres ; brigadier ou sous-brigadier, garde ou cavalier, 25 livres.

En outre, le grand prévôt avait droit à douze rations de pain et de fourrages ; le lieutenant, l’assesseur et le procureur à six rations ; l’exempt et le greffier à trois rations ; les gardes et les cavaliers à une ration. Ces rations étaient supérieures à celles de l’ordonnance du 1er juin 1733, qui accordait en outre, aux troupes campées sur la Meuse, par officier ou archer, deux cordes 5/6 de bois à brûler pour dix jours.

De plus, une indemnité extraordinaire était payée aux détachements de la connétablie. On lit dans une note concernant un détachement de l’armée de Brunswick rentrant en France, en 1719, par la Cerdagne, que l’usage avait toujours été de donner 15 francs par jour au lieutenant, 10 francs à l’exempt, et 100 sols à chaque garde.

Attributions générales du grand prévôt

Aux termes de l’édit de mars 1600, le grand prévôt avait connaissance de tous cas, tant en matière civile que criminelle et avait la haute main sur la police de l’armée. Dans la suite, l’intendant fut le représentant du roi pour l’exercice de la police et de la justice, ainsi que pour la gestion des finances de l’armée.

Le grand prévôt veillait spécialement, avec ses lieutenants et les autres prévôts, à la répression de tous excès commis envers les habitants par les militaires, assurait la liberté des chemins et empêchait qu’on ne vexât ou pillât les paysans et les marchands qui apportaient des provisions à l’armée. Il réprimait les querelles, combats ou duels entre militaires et punissait aussi ceux qui se livraient aux jeux de hasard.

Il faisait exécuter les ordres du commandement concernant la santé et la sûreté des troupes ; il proposait au commandant en chef des ordonnances pour le bon ordre, en rendait lui-même « de par le roi », pour régler notamment le commerce des vivandiers et marchands sur lesquels il avait juridiction, et il fixait les prix des denrées. Il réprimait la désertion, était chargé de tous les ordres de punition qui lui étaient donnés par le commandant en chef et assurait la police du quartier général où il avait son logement.

Lorsque le roi était en personne à l’armée, accompagné du prévôt de l’Hôtel ou grand prévôt de France, le prévôt de l’armée conservait néanmoins ses fonctions ; mais la connaissance des crimes, délits et malversations commis dans le quartier réservé au roi et à sa garde, appartenait au prévôt de l’Hôtel(233).

Service judiciaire

Compétence

De haute ancienneté, les prévôts des maréchaux jugeaient les crimes et délits commis en campagne. Au XVe siècle, lors de l’institution d’une armée permanente, les rois voulurent que les excès commis par les gens de guerre envers les habitants fussent punis par les juges ordinaires (Charles VII en 1439, Louis XI en 1470). Cependant, malgré les ordonnances royales, on vit le prévôt des maréchaux Tristan l’Ermite se transporter dans certaines provinces où stationnaient des troupes royales, pour réparer les méfaits commis par les gens d’armes et châtier lui-même les coupables.

Mais ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que la compétence judiciaire des prévôts, à l’égard des gens d’armes tenant garnison, fut nettement reconnue(234). Dans la suite, plusieurs déclarations, édits ou ordonnances chargèrent expressément le prévôt des maréchaux de saisir et punir les soldats coupables d’excès envers les habitants : déclaration du 25 janvier 1536, lettres patentes du 26 mars 1537 et du 6 avril 1543, déclarations du 3 octobre 1544 et du 5 février 1549, ordonnance du 12 novembre 1549, ordonnance d’Orléans de janvier 1560, ordonnance du 1er février 1574, ordonnance de Blois de mai 1579, ordonnance de janvier 1629 (ou code Michau), arrêt du Conseil du 25 février 1666, ordonnance criminelle de 1670, règlement du 25 avril 1672 sur la police et la discipline des troupes en marche, ordonnance du 20 octobre 1689, règlement du 8 avril 1718, déclaration du 5 février 1731 sur la justice prévôtale.

Mais il faut remarquer que la compétence du prévôt n’était incontestable qu’à l’égard des troupes en marche. L’ordonnance criminelle de 1670 (titre 2, article 12), dans l’énumération des cas prévôtaux, c’est-à-dire des crimes de la compétence des prévôts des maréchaux, disposait : « Connaîtront aussi des oppressions, excès ou autres crimes commis par gens de guerre, tant dans leur marche, lieu d’étapes que d’assemblée et de séjour pendant leur marche ».

Pour que le prévôt fût compétent à l’égard des gens de guerre – terme sous lequel n’étaient pas compris les officiers –, il était nécessaire que le cas fût prévôtal aux termes des ordonnances ou que les crimes fussent commis par des troupes en déplacement ou ne séjournant que quelques jours pour se reposer ; les crimes ordinaires commis envers les habitants par les soldats en garnison ou en quartier d’hiver étaient punis, selon Jousse, par les juges des lieux, qui étaient tenus d’appeler à l’instruction et au jugement du procès le prévôt des bandes ou du régiment, ou des officiers du corps auquel appartenait l’accusé(235). Par contre, Talon estimait que le prévôt était compétent à l’égard des soldats, même en garnison ou quartier d’hiver(236). En réalité, la doctrine et la jurisprudence ne furent jamais fixées sur ce point. Au XVIIIe siècle, le jurisconsulte Pothier constatait que cela « faisait difficulté »(237).

La compétence du prévôt était motivée par les graves excès dont se rendaient coupables les gens de guerre et dont la répression rapide importait au maintien de la discipline. Aussi l’ordonnance d’Orléans (article 67) voulait-elle que les prévôts qui ne faisaient pas leur devoir fussent cassés et rendus responsables des dégâts commis envers les habitants. C’est qu’en effet, au XVIe siècle, les désordres des gens de guerre furent particulièrement graves et leur répression se montra d’une sévérité extrême.

La mort, même sans forme ni figure de procès, revient sans cesse dans les peines à infliger aux soldats délinquants.

Étaient déclarés ennemis de l’État et livrés à la merci de qui pouvait les prendre : « ces aventuriers, gens vagabonds, vicieux, perdus, méchants, flagitieux, abandonnés à tous vices, larrons, meurtriers, faits pour nuire à chacun, lesquels sont coutumiers de manger et de dévorer le peuple, battre, chasser et mettre le bonhomme hors de sa maison » (25 septembre 1523).

Il était ordonné de courir sus aux gens de guerre qui tenaient les champs, « les rompre et défaire comme ennemis de l’État » (11 mars 1524, 6 avril 1543), de « courir sus aux aventuriers et mangeurs de peuple, les tuer et mettre en pièces » (3 octobre 1544) ; étaient punis de la peine de mort les gens d’armes et leurs valets qui tenaient les champs et vivaient sur le peuple (12 novembre 1549).

Dans la première moitié du XVIIe siècle, la discipline fut aussi difficilement maintenue qu’aux siècles antérieurs, surtout dans l’armée en campagne.

On lit, dans un mémoire du temps, qu’en 1665, dans la commune de Doazit, pendant la révolte des Landes, « les dragons emportèrent, tant en dépenses qu’en argent, plus de 10 000 livres. Et si les habitants manquaient de porter, chaque matin, leurs cotisations, les dragons allaient par les villages et emportaient tout ce qu’ils trouvaient de bon dans les maisons ; aussi le pauvre monde est-il à la faim »(238).

En 1652, pendant la guerre de la Fronde, les troupes du prince de Condé ayant occupé Pergain, en Gascogne, leurs ravages furent tels que les habitants durent quitter leurs maisons ; c’était « chose déplorable de voir que les pauvres hommes étaient contraints de s’habiller en femmes, afin qu’ils ne fussent pas reconnus de leurs hôtes (soldats de Condé) ; car, si ça eût été, ils les auraient pris, attachés et fait mourir misérablement avec de gros coups ou, pour le moins, leur auraient fait rôtir leurs pieds »(239).

Le pillage, l’incendie, les violences envers les habitants, la destruction des vignes et des vergers étaient les crimes les plus fréquents commis par les gens de guerre.

Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, la discipline fut soumise à des règles précises ; elle fut cependant difficile à maintenir, et elle s’affaiblit considérablement au siècle suivant, pendant la guerre de Sept Ans.

Vers la fin de l’année 1757, le lieutenant général Saint-Germain écrivait : « Je commande une bande de voleurs, d’assassins à rouer, qui lâchent pied au premier coup de fusil et qui sont toujours prêts à se révolter. Le roi a la plus mauvaise infanterie qui soit sous le ciel et la plus indisciplinée […]. Le pays, à 30 lieues à la ronde, est saccagé et ruiné comme si le feu y avait passé ; à peine vos traîneurs et maraudeurs ont-ils laissé exister les maisons […]. Il n’y a plus moyen de servir avec pareilles troupes ».

Le maréchal Belle-Isle témoignait lui-même : « Le désordre, l’insubordination et le brigandage de l’armée de M. de Richelieu ont été portés au-delà de toutes les limites. Je n’ai rien vu qui, à beaucoup près en approche, depuis cinquante-six ans que je vais à la guerre »(240).

Cependant, les règles de la discipline étaient empreintes de la plus grande sévérité. Il était défendu, notamment, sous peine de vie, de prendre des vivres et denrées, sinon de gré à gré et en payant ; de mettre le feu ou de prendre autre chose que le simple fourrage dans les lieux où il était permis de fourrager ; d’entrer dans les lieux où il y avait des sauvegardes ou de leur faire violence ; de s’écarter hors de l’enceinte ordonnée pour les fourrages ; de couper aucun arbre fruitier ou des vignes ; de dégrader les maisons, de pêcher dans les rivières, viviers et étangs ou d’endommager les moulins ; de quitter, dans les marches, son régiment ou détachement(241). Les cavaliers, dragons ou soldats qui faisaient commerce de faux-sel, de faux tabacs ou de marchandises prohibées étaient condamnés à être pendus et étranglés s’ils faisaient ce commerce avec port d’armes, et aux galères à perpétuité dans le cas contraire. Étaient, de même, punis de mort ceux qui maltraitaient et spoliaient à main armée les employés des fermes conduisant des prisonniers ; le procès était instruit par le prévôt des maréchaux et jugé par le conseil de guerre(242).

Les soldats s’absentant de leur garnison et trouvés à la campagne en troupe étaient censés pris en flagrant délit de vol et châtiés comme tels par les prévôts des maréchaux ou les autres juges(243).

Pour les infractions moins graves, les soldats étaient punis des peines plus légères, telles que celle d’être mis sur le cheval de bois, ou celle de passer par les baguettes (infanterie) ou d’être mis au piquet (cavalerie). C’est ainsi qu’on passait par les verges (ou baguettes) les hommes qui allaient au-devant de ceux qui portaient les vivres au camp(244), ceux qui allaient se ravitailler dans les villages sans y être conduits(245).

On mettait au piquet pendant quinze jours, à l’heure de la garde, ceux qui vendaient leur poudre ou leur plomb(246).

Les peines variaient, parfois, suivant les corps auxquels appartenaient les coupables, certains corps d’élite bénéficiant d’un traitement de faveur. C’est ainsi qu’aux termes de l’ordonnance du 25 août 1698, pour le camp de Compiègne, un délit de pêche était puni de prison s’il était commis par un garde, un mousquetaire, un chevau-léger, un grenadier ou un gendarme, et des galères s’il était commis par un cavalier, un soldat ou un dragon.

Les prévôts des camps et armées, comme les autres juges, punissaient de 1000 livres d’amende les officiers qui se livraient aux jeux défendus : hoca, pharaon, barbacole, bassette et pour ou contre(247).

L’ordonnance du 1er juillet 1727 défendit d’établir aucun jeu au quartier général, dans le camp ni aux environs.

Les combats particuliers entre militaires, soit dans les places, soit en campagne, étaient sévèrement interdits ; les coupables étaient cassés, sans préjudice des poursuites criminelles pour infraction aux édits sur les duels.

Une mention spéciale doit être réservée au crime de désertion, le principal fléau des armées de l’Ancien Régime. La compétence du prévôt des maréchaux, à l’égard des déserteurs d’armée, remontait à l’ordonnance rendue en 1356 par le roi Jean le Bon, avant la bataille de Poitiers, contre « les explorateurs, espions, proditeurs, traîtres, transfuges qui s’enfuyaient de l’armée pour se rendre au parti de l’ennemi, et déserteurs qui étaient ceux qui s’en allaient sans congé de leurs chefs ».

La désertion à l’ennemi était un crime de lèse-majesté(248). À toutes les époques, ce crime fut puni de la peine de mort. Étaient également condamnés à mort ceux qui abandonnaient le poste où les avait placés le capitaine ou sergent de bataille(249).

Les peines contre la désertion simple ont beaucoup varié. Sous Charles V, cette infraction n’était punie que de la privation de la paye ; si des gens d’armes partaient avant l’expiration de leur congé, le trésorier des guerres « rabattait pour le temps qu’ils avaient été hors »(250).

Aux termes de l’ordonnance du 2 novembre 1439 (article 26), se rendaient coupables du crime de lèse-majesté les gens de guerre qui quittaient, sans en avoir reçu l’ordre, les forteresses ou garnisons où ils avaient été établis.

Plus tard, à la perte des gages, l’ordonnance du 20 janvier 1514 (article 29) ajouta une peine à la discrétion du capitaine. L’ordonnance du 24 juillet 1534 (article 55) voulut, à son tour, que ceux qui avaient quitté leur légion sans congé fussent punis « ainsi qu’ils auraient mérité et desservi ». Aux peines « devant servir d’exemple à tous autres », les lettres patentes du 26 mai 1537 ajoutèrent la peine de mort, pour ceux qui tenaient les champs.

Dans la suite, principalement sous Louis XIII et sous Louis XIV, la désertion simple fit l’objet d’un grand nombre d’ordonnances auxquelles nous ne nous arrêterons pas et qui appliquèrent, tantôt la peine de mort, tantôt celle des galères, soit à temps, soit à perpétuité.

L’ordonnance du 4 décembre 1684 portait que les déserteurs seraient condamnés à avoir le nez et les oreilles coupées, à être marqués de deux fleurs de lys aux joues, rasés et enchaînés pour être envoyés aux galères. Les ordonnances du 2 juillet 1716 et du 2 janvier 1717 retournèrent à la peine de mort, qui fut maintenue pendant tout le règne de Louis XIV. Cette peine ne put, cependant, enrayer la désertion, ce que Montesquieu expliquait de la manière suivante :

« De nos jours, la désertion fut très fréquente : on établit la peine de mort contre les déserteurs et la désertion n’est pas diminuée. La raison en est bien naturelle : un soldat, accoutumé tous les jours à exposer sa vie, en méprise ou se flatte d’en mépriser le danger. Il est tous les jours accoutumé à craindre la honte : il fallait donc laisser une peine qui faisait porter une flétrissure pendant la vie (c’est-à-dire maintenir l’ordonnance de 1684). On a prétendu augmenter la peine et on l’a réellement diminuée »(251).

Le nombre considérable de déserteurs inspirait à Voltaire les réflexions suivantes : « Je fus effrayé, un jour, en voyant la liste des déserteurs : depuis huit années seulement, on en comptait soixante mille. C’étaient soixante mille compatriotes auxquels il fallait casser la tête au son du tambour et avec lesquels on aurait conquis une province, s’ils avaient été nourris et bien conduits »(252).

La désertion faisait de tels ravages qu’il était nécessaire de recourir à de fréquentes amnisties pour porter l’armée à un effectif suffisant, surtout à la veille d’une campagne. Au début de la campagne de 1672, on put former un régiment d’infanterie de vingt-deux compagnies avec les déserteurs français retirés dans les provinces rhénanes ou chez les Hollandais.

Des précautions étaient nécessaires pour faire observer une exacte discipline par les déserteurs amnistiés allant, après leur présentation, rejoindre leur corps d’affectation. C’est ainsi qu’après l’amnistie du 6 novembre 1734, les déserteurs désignés pour servir à l’armée d’Italie marchaient en troupe sous la conduite d’officiers spécialement commandés pour ce service ; ceux qui s’écartaient et commettaient des vols ou occasionnaient des désordres étaient arrêtés, conduits aux prisons les plus rapprochées et condamnés prévôtalement à être pendus, ce qui était exécuté sur-le-champ, sans forme ni figure de procès(253).

L’ordonnance du 12 décembre 1775 remplaça la peine de mort par la chaîne, de six à trente ans, suivant le cas. En conséquence, une deuxième ordonnance, du même jour, créa une chaîne à Lille, Metz, Strasbourg et Besançon, où les déserteurs devaient être astreints à travailler aux ouvrages vils et dangereux. La chaîne devait avoir 8 pieds de longueur (2,60 mètres environ), était bâtie, sur une ceinture de cuir épais et large de trois pouces, attachée par le milieu du corps et fermée par un cadenas sûr.

Au bout de la chaîne était fixé un boulet de canon, du poids de 16 livres. Les forçats devaient porter le boulet en main dans leurs marches et le traîner pendant les travaux (article 7). Les cavaliers de la maréchaussée, chargés de conduire les déserteurs dans les places où ils devaient être mis à la chaîne, étaient porteurs d’une copie du jugement du conseil de guerre qui les y avait condamnés (article 12).

La chaîne fut abolie par l’ordonnance du 1er juillet 1786, qui punit la désertion simple de dix tours de baguettes et de huit ans de service au-delà du terme fixé par l’engagement.

Sous Louis XIV, étaient considérés comme déserteurs, ceux qui s’écartaient de plus d’une demi-lieue de leurs garnisons ou campements sans être munis d’un congé régulier. On traitait comme déserteurs, en campagne, les soldats, cavaliers et dragons qui sortaient illégalement soit de jour, soit de nuit, au-delà des gardes de l’armée(254).

Le secrétaire d’État de la Guerre faisait publier mensuellement, dans toutes les généralités du royaume, un état récapitulatif pour permettre aux prévôts de la maréchaussée de rechercher les individus signalés et de fournir aux bureaux de la guerre les procès-verbaux de leurs enquêtes. En vue de faciliter les recherches, le rôle des signalements dressés par les commissaires des guerres devait comprendre l’indication du lieu de naissance des soldats. La maréchaussée faisait tous les mois des perquisitions aux lieux de naissance des déserteurs(255).

Pendant les marches à l’intérieur du royaume, les commandants des troupes étaient tenus de signaler à la maréchaussée les soldats qui désertaient ou quittaient le régiment pour aller piller, afin qu’elle se mît à leur poursuite(256).

Une lettre adressée le 14 août 1746, par le comte d’Argenson, ministre de la Guerre, aux prévôts généraux, constatait que des soldats dont le congé était expiré, d’autres porteurs de billets de sortie d’hôpitaux, même des déserteurs, restaient tranquillement dans leur pays, sans que personne y donnât attention. On se plaignait aussi de ce que les cavaliers de la maréchaussée chargés de faire des sommations aux soldats de recrue et à ceux absents pour congé négligeaient de se transporter dans les lieux indiqués et, sans se déplacer, dressaient des procès-verbaux portant qu’ils ne les avaient pas trouvés ; cet abus avait pour conséquence la condamnation par contumace, comme déserteurs, de soldats qui n’avaient pas satisfait, dans les délais légaux, aux sommations qui ne leur avaient pas été présentées. Le ministre donnait des ordres sévères pour une meilleure exécution du service(257).

Aux termes de l’ordonnance de 1760, titre 3, articles 6, 8, 13, 14, dans leurs tournées, les brigades arrêtaient les individus n’ayant pas de pièces d’identité et les écrouaient comme étant soupçonnés de désertion. Elles arrêtaient les déserteurs et les emprisonnaient ; les procès-verbaux de capture étaient adressés au lieutenant, qui informait le prévôt général ; ce dernier rendait compte au secrétaire d’État de la Guerre.

L’ordonnance du 12 décembre 1775, dont nous avons parlé ci-dessus, réglementa avec précision, en son article 21, le service de la maréchaussée de l’intérieur, quant à la recherche des déserteurs :

« Ordonne Sa Majesté et enjoint de la manière la plus expresse aux officiers, bas-officiers et cavaliers de la maréchaussée, de faire les recherches les plus exactes des déserteurs dans les auberges, cabarets et lieux publics des villes, bourgs, villages, hameaux, fermes, moulins, carrières et autres endroits de leurs districts, de les arrêter et de les conduire dans des prisons sûres, d’informer de leurs captures le secrétaire d’État ayant le département de la Guerre et de lui donner pareillement avis des endroits privilégiés, châteaux, couvents, maisons et autres lieux où ils auraient pu découvrir que se seraient réfugiés des déserteurs, afin que les ordres nécessaires pour les arrêter dans lesdits endroits soient expédiés et envoyés auxdits officiers de maréchaussée, sauf le compte qui sera rendu à Sa Majesté des noms des personnes qui auraient donné retraite auxdits déserteurs, pour être par Elle pourvu à leur punition. Une gratification de 50 livres sera payée aux brigades de maréchaussée pour chaque capture de déserteur, plus les frais de conduite aux régiments sur les fonds de l’extraordinaire des guerres, d’après le procès-verbal de capture, interrogatoire et preuve de désertion. Veut pareillement Sa Majesté que, dans le cas où il serait prouvé qu’un ou plusieurs officiers et cavaliers de maréchaussée auraient eu connaissance d’un déserteur qu’ils n’auraient point arrêté, ayant été à portée de le faire, ils soient cassés, de même que ceux qui, chargés de conduire un déserteur, l’auraient laissé évader ».

Il était enjoint aux brigades de s’occuper particulièrement, dans leurs tournées, de la recherche des hommes de troupe en retard de rejoindre après l’expiration de leurs congés, de les arrêter et de les emprisonner en attendant les ordres pour les transférer à leurs régiments(258).

En campagne, la maréchaussée de l’intérieur secondait les prévôtés d’armée dans la répression de la désertion.

L’ordonnance rendue le 25 août 1698, pour la discipline des troupes campées devant Compiègne, et qui servit de règle pour les camps formés dans la suite, réglementa, en son article 5, cette partie du service :

« Enjoint Sa Majesté à tous prévôts et autres officiers de maréchaussée dont les résidences sont dans le voisinage du camp où seront les dites troupes, même à celui de l’armée, d’arrêter tous ceux qu’ils rencontreront hors les dites gardes et au-delà de la dite rivière (l’Oise). Ordonne aussi Sa Majesté aux maires, échevins et habitants des villes et lieux qui sont au long de la dite rivière et dans les environs du camp, d’arrêter tous ceux qui s’y présenteront et de les garder prisonniers jusqu’à ce que le prévôt de l’armée, sur l’avis qu’ils lui en donneront, les aille prendre où ils seront gardés, pour les conduire au camp et les faire punir selon qu’ils l’auront mérité ».

Procédure

Toute procédure devait, en principe, suivre les règles tracées par les ordonnances et qui furent arrêtées, dans le dernier état du droit, par l’ordonnance criminelle de 1670. Toute procédure comprenait, notamment, une information régulière. Il existait, cependant, des cas de justice sommaire. C’est ainsi que, le roi ayant rendu, le 18 février 1761, une ordonnance par laquelle il attribuait au grand prévôt la connaissance des malversations commises par les employés de l’armée, il fut ordonné que l’information devait être prompte et sommaire, et que les coupables devaient être jugés sur-le-champ, sans que le prévôt fût obligé de se faire assister par des gradués.

Le prévôt de l’armée disposait, pour composer son tribunal, d’un assesseur, d’un procureur du roi et d’un greffier ; il était nécessaire que ces officiers de robe fussent parfaitement instruits des affaires civiles et criminelles, car, occupé sans cesse par les soins de la police, le grand prévôt était dans l’obligation de s’en rapporter à eux sur la manière d’instruire les procès.

Lorsque le grand prévôt n’avait pas un nombre suffisant de lieutenants pour réunir les sept juges prescrits par l’ordonnance criminelle de 1670, il pouvait choisir des juges dans le quartier général ou dans les villes des environs, parmi des personnes graduées, les juges des lieux, les avocats, etc. ; il pouvait faire appel aussi au ministère des commissaires des guerres.

Il était interdit au lieutenant général et aux officiers de la connétablie, de connaître des procès commencés dans les camps et armées, ainsi que de ceux qui s’ensuivaient, la connaissance de ces affaires appartenant au grand prévôt(259).

Le roi se réservait de prononcer sur les différends qui survenaient dans les armées à l’occasion des jugements du grand prévôt(260) et il fut interdit à toutes les cours et à tous les juges d’en connaître(261).

Le grand prévôt faisait enregistrer et entériner gratis les lettres d’abolition et les brevets de grâce accordés aux déserteurs et autres criminels des armées.

Le greffier du prévôt exerçait aux armées les fonctions de notaire. Il recevait le testament des officiers et des autres personnes qui suivaient l’armée, et faisait les contrats de mariage. Il faisait aussi des inventaires, expédiait des certificats de vie après légalisation par le grand prévôt, ainsi que des procurations, passait des obligations et délivrait tous actes quelconques.

Il était dépositaire des effets publics, en dressait des états et en tenait des registres exacts.

Service dans les marches et pendant le combat

Surveillance des troupes en marche par la maréchaussée

Nous rappellerons, tout d’abord, que la surveillance des troupes en marche rentrait essentiellement dans les attributions de la maréchaussée. À la demande des États généraux, l’ordonnance d’Orléans (1560) voulut que les prévôts des maréchaux fussent chargés de suivre les compagnies de gens de guerre et tenus d’entrer en liaison avec les prévôts de la province voisine où entraient les troupes « pour ensemble avoir l’œil à garder nos sujets et pauvres laboureurs d’oppressions ou violences ». On trouve des recommandations analogues dans l’ordonnance du 1er février 1574, l’ordonnance du 16 janvier 1629 (code Michau) et l’arrêt du Conseil du 25 février 1666.

Pendant les marches à l’intérieur, il était enjoint aux commandants des troupes et aux prévôts des maréchaux, astreints à suivre les troupes dans leurs déplacements et à rendre compte de leur conduite aux intendants et au secrétaire d’État de la Guerre, de convenir ensemble des moyens de maintenir le bon ordre. Lorsque des soldats commettaient des désordres ou s’écartaient de leur troupe, la maréchaussée les ramenait à leur corps s’il n’était pas très éloigné, sinon elle les enfermait dans les prisons royales les plus rapprochées et prévenait l’intendant(262).

Les commandants des troupes étaient tenus de déférer aux réquisitions de main-forte que leur remettaient les prévôts. Les soldats coupables de rébellion envers le prévôt ou ses archers étaient condamnés à être pendus(263) ; l’ordonnance du 1er juillet 1727 défendit à son tour, sous peine de la vie, de s’opposer à ce que le prévôt ou ses archers arrêtassent prisonniers des soldats ou autres accusés, de les leur ôter de force ou d’essayer de les leur ôter.

De même que l’ordonnance d’Orléans (1560), le règlement du 8 avril 1718 punissait de la privation de leurs charges les prévôts, lieutenants ou archers coupables de négligence dans la surveillance des troupes en marche.

Le service des brigades sur le flanc et en arrière des troupes en marche fut réglementé de nouveau par l’ordonnance de 1760 (titre 3, article 12) et par l’ordonnance de 1778 (titre 4, article 21).

Campement

En campagne, le prévôt d’armée commandait un détachement pour marcher avec les campements du quartier général, maintenir le bon ordre, prêter main-forte aux fourriers et marqueurs et empêcher qu’aucun soldat, cavalier, dragon ou domestique, ne pénétrât dans le quartier général, avant que les maisons fussent marquées. Tout contrevenant était arrêté, remis au prévôt et puni d’une amende.

Surveillance des colonnes

Pendant les marches, le prévôt d’armée devait se trouver, autant que possible, auprès du général, afin d’être à portée de recevoir ses ordres et de se porter partout où sa présence pouvait être nécessaire.

Le prévôt était tenu d’envoyer un détachement commandé par un officier à chacune des colonnes de l’armée. Ce détachement devait veiller à ce que personne ne s’écartât et ne commît des dégâts dans les villages, bourgs et hameaux qui se trouvaient sur la route ; il faisait arrêter et emprisonner les contrevenants. Le prévôt laissait un détachement à l’arrière-garde de l’armée, pour empêcher les désordres dans le camp et faire rejoindre les traînards.

Lorsque le camp était formé, les divers détachements de la prévôté rentraient au quartier général ; ils rendaient compte au prévôt de l’armée de ce qui s’était passé et des arrestations opérées, afin que le prévôt pût en rendre compte à son tour au général et prendre ses ordres pour les punitions à infliger.

Lorsqu’un commandant de détachement chargé d’escorter un convoi constatait, en arrivant au camp, que des soldats étaient chargés de butin, il les faisait arrêter et conduire sur-le-champ au prévôt. Le prévôt avait le pouvoir de faire enlever les filles de joie qui suivaient les compagnies d’infanterie et de cavalerie, et de les faire châtier du fouet.

Colonne des équipages

La marche des équipages était soigneusement réglée, suivant les préséances. C’est ainsi que les bagages du prévôt de l’armée prenaient rang après ceux des officiers de la maison du roi et du maréchal général des logis des camps et armées, et avant ceux des commissaires des guerres étant au quartier du roi(264).

Un détachement de la prévôté était laissé à la colonne des équipages, afin d’y maintenir le bon ordre et veiller à ce que chacun restât à son rang. Tous les valets, chevaux de main ou équipages que l’on trouvait écartés de la colonne, ou qui étaient entrés dans les villages, étaient conduits chez le prévôt, qui faisait payer une amende aux contrevenants.

Les jours de bataille, la prévôté redoublait de vigilance pour combattre la désertion et gardait les passages derrière les troupes engagées.

Stationnement

Police du quartier général

Lorsque le quartier général était établi, le prévôt de l’armée, à qui en incombait la police, ordonnait, dans les environs, des patrouilles à pied et à cheval pour empêcher les désordres.

Il faisait marquer le terrain que devaient occuper les marchands et vivandiers suivant l’armée, et le choisissait de manière à ne pas embarrasser le quartier général ; les bouchers étaient éloignés et tenus de faire enterrer leurs vidanges.

Lorsque le quartier du roi était, en même temps, le quartier général, le prévôt ne pouvait y placer les vivandiers de l’armée que sur le terrain désigné par le prévôt de l’Hôtel(265).

Le prévôt était juge de tous les différends ou procès qui survenaient entre les vivandiers et autres marchands de l’armée, qui avaient établi leurs boutiques au quartier général. Il rendait les ordonnances de police qui s’appliquaient aux marchands et vivandiers des régiments comme à ceux des quartiers généraux, et qu’il faisait publier et afficher. Les ordonnances publiées par le prévôt général de Beaufort, pendant la guerre de Sept Ans, renfermaient des prescriptions que nous résumons ci-dessous.

Police des vivandiers et marchands

Une première ordonnance prescrivait ce qui suit.

Défense à tous marchands, vivandiers, bouchers, boulangers et limonadiers de s’établir à la suite de l’armée sans un passeport signé du prévôt général. Emploi exclusif de voitures à quatre roues attelées à quatre bons chevaux avec indication des nom et numéro du marchand et l’inscription Quartier général.

- Peines sévères contre les regrattiers, petits vivandiers et colporteurs faisant le commerce « de la poche à la main ».

- Défense aux marchands et vivandiers du quartier général de se mêler à ceux des régiments et de s’établir ailleurs qu’à l’endroit indiqué.

- Défense à tous marchands, sous peine de la potence et sans autre forme de procès, de recéler ou d’acheter du matériel de guerre ou des effets, bijoux, denrées, etc., provenant des soldats, valets ou de toutes autres.

- Défense aux mêmes de se ravitailler dans les villages avoisinant la ligne ; de se présenter sur les places et dans les marchés avant neuf heures du matin, afin de faciliter l’approvisionnement des officiers et des soldats ; de tenir aucun jeu, de donner à boire et d’avoir de la lumière ou du feu aux environs de leurs tentes, après la retraite.

- Vérification des poids et mesures par le prévôt.

- Expulsion de l’armée et trois jours consécutifs de carcan avec écriteau, pour ceux qui vendaient avec de faux poids ou de fausses mesures.

- Ordre aux marchands de boissons en gros arrivant au quartier général, les jours de marché, de s’informer au greffe de la prévôté du parc à ce destiné.

- Obligation aux bouchers de camper à l’endroit indiqué et d’enterrer les tripailles et le sang des bestiaux.

- Désignation, par le prévôt, de syndics chargés de faire vérifier la qualité de la viande, et d’autres syndics pour les boulangers.

- Défense à ces derniers de vendre le pain ailleurs qu’à l’endroit indiqué et non en cachette et frauduleusement, sous peine d’être châtiés du carcan et chassés.

- Défense de vendre au-dessous du poids de marc de seize onces à la livre.

- Peine de mort contre les contrôleurs, maîtres d’hôtel, officiers de maison et domestiques coupables de connivence avec les marchands et vivandiers pour des trafics frauduleux.

- Protection aux habitants des pays occupés par les troupes françaises apportant des subsistances à l’armée.

Une deuxième ordonnance renfermait quelques prescriptions nouvelles.

Ordre aux habitants des pays avoisinants d’apporter des denrées et subsistances dès l’arrivée de l’armée, pour les vendre librement.

- Défense aux marchands et vivandiers de donner asile à aucune fille publique.

- Défense à tous soldats, cavaliers, dragons, hussards, domestiques et autres suivant l’armée, d’y faire aucun commerce et d’empêcher les habitants de vendre tranquillement leurs denrées.

- Défense à toutes personnes de se faire fournir des marchandises par aucun marchand ou habitant, autrement qu’en payant de gré à gré.

- Défense à quiconque de faire le colporteur ou de vendre des armes, munitions, effets, etc., ailleurs que dans une boutique et en justifiant de la provenance desdits effets.

- Défense à toutes personnes à la suite de l’armée de troubler, inquiéter, insulter ou molester les habitants.

Taxes sur les marchands ou vivandiers

Le prévôt de l’armée percevait une taxe sur les vivres entrant dans les quartiers généraux ; ce droit lui avait été accordé pour le dédommager, ainsi que sa compagnie, des dépenses considérables auxquelles cette troupe était assujettie par l’obligation de se remonter et de s’équiper à ses frais pendant la guerre ; à cet effet, Louvois avait publié au camp de Mons, en 1691, le règlement suivant, qui servit de base aux ordonnances postérieures :

« Chaque marchand de vin, eau-de-vie ou bière entrant dans les quartiers généraux doit au prévôt général un pot de chaque pièce vendue en gros pour les entrées. Chaque vivandier doit un pot par pièce de vin, eau-de-vie ou bière vendue au détail, et 20 sols par semaine pour la place qu’il occupe. Chaque boucher ou mercier doit par semaine 20 sols. Tous les autres petits marchands ou artisans doivent pareillement, pour chaque semaine, 5 sols. Il ne sera rien payé pour les chariots ou chevaux de bât chargés de marchandises, à moins qu’il y ait étalage des dites marchandises. Les droits de passeports annexés à la charge du dit prévôt et qui lui ont été confirmés par le roi au mois de janvier 1691, seront perçus par lui à raison de 3 livres par passeport. La police de l’armée sur tous les vivandiers, marchands, artisans ou gens suivant l’armée lui appartient exclusivement à tout autre ».

Prisons

Les prisons étaient installées au quartier général, sur un emplacement sain et aéré et à proximité du logement du prévôt de l’armée, afin que ce dernier pût procéder facilement aux interrogatoires.

Le détachement de trente hommes d’infanterie qui, nous l’avons vu, gardait les prisonniers, était relevé toutes les vingt-quatre heures. L’officier qui commandait la garde descendante remettait à celui qui le relevait l’état des prisonniers établi par le greffier de la connétablie, et les officiers de garde étaient successivement responsables du nombre de prisonniers qui leur étaient confiés.

La maréchaussée, on le voit, n’était pas chargée de la garde des prisonniers, ce qui lui permettait de se consacrer tout entière à la surveillance du camp et de ses abords.

Prisonniers de guerre

Lorsque les prisonniers de guerre n’étaient pas très nombreux, on les plaçait sous la garde du prévôt, en attendant leur évacuation sur les places frontières.

Police des camps

Le prévôt de l’armée avait le droit d’ordonner des visites et des perquisitions dans l’intérieur des camps. Nous avons vu que les soldats qui injuriaient le prévôt ou ses archers (gardes ou cavaliers) et ceux qui leur résistaient ou les empêchaient de remplir leurs fonctions étaient punis de mort.

Le prévôt et les officiers montaient à cheval jour et nuit avec leurs archers et faisaient le tour du camp, même hors des grand’gardes ; à cet effet, le mot leur était communiqué. Ces patrouilles avaient pour objet la protection des marchands qui apportaient des subsistances à l’armée et l’arrestation de tous soldats, cavaliers, dragons ou autres qui se trouvaient en position irrégulière. Les chevaux lâchés en pâture dans les blés étaient capturés par le prévôt de l’armée, même en dehors des gardes. Le prévôt rendait compte au général des arrestations opérées et prenait ses ordres pour les punitions.

Les gardes ordinaires, placées en avant ou sur les flancs du camp, avaient pour consigne d’envoyer au prévôt les soldats qui se présentaient pour passer. Les gardes placées en arrière du camp procédaient de même à l’égard de ceux qui se présentaient sans avoir un congé régulier, et nous savons déjà que ces derniers, s’ils franchissaient les gardes, étaient considérés comme déserteurs.

Étaient, de même, conduits au prévôt, les soldats, cavaliers ou dragons trouvés chargés de hardes ou d’ustensiles provenant de la maraude.

Une heure après la retraite, les officiers et sergents de piquet se rendaient chez les vivandiers, faisaient sortir les soldats qui avaient pu s’y attarder, défendaient de continuer à donner à boire, arrêtaient les filles de mauvaise vie ou les gens suspects qui pouvaient se trouver dans l’établissement et les faisaient conduire au prévôt.

Nous voyons, ainsi, que la police des hommes de troupe, à l’intérieur du camp, appartenait à leurs chefs naturels, tandis que les patrouilles extérieures rentraient dans les attributions essentielles de la maréchaussée.

Les jours de fourrage, le service de la maréchaussée était particulièrement actif. Les officiers chargés de conduire les fourrageurs faisaient arrêter et remettre au prévôt les soldats, cavaliers et dragons qui voulaient se joindre aux fourrageurs de leur régiment pour aller en maraude. Étaient, de même, conduits au prévôt, pour être châtiés, les fourrageurs qui étaient pris revenant de la corvée lorsque les autres y allaient, ainsi que les hommes fourrageant ailleurs que dans les lieux indiqués, qui avaient été ordinairement reconnus, la veille, par un officier de l’état-major.

Afin d’assurer l’exécution des prescriptions qui précèdent, tous les jours de fourrage, un détachement de la prévôté marchait à la tête de la colonne des fourrageurs, un autre détachement marchait avec les troupes qui formaient la chaîne, en se tenant sur les ailes, pour empêcher qu’aucun fourrageur ne s’écartât ou ne quittât le terrain désigné.

Service de la maréchaussée du territoire en temps de guerre

L’entretien des routes utilisées par l’armée était assuré par les pionniers civils, réquisitionnés par les soins de l’intendant de l’armée et que l’on employait, en outre, aux travaux de fortification et à diverses corvées. Ces pionniers étaient escortés, dans leur marche, par des brigades de maréchaussée.

La maréchaussée du territoire était employée aussi, en arrière des armées, à combattre la désertion et la maraude. À cet effet, l’intendant de la province faisait diriger des brigades sur les points où l’on signalait des bandits, déserteurs français ou autres, se livrant au pillage.

La maréchaussée provinciale devait, enfin, veiller à la sûreté publique, à celle des convois et assurer la liberté des chemins. Souvent affaiblie par des prélèvements au profit de la prévôté aux armées, la maréchaussée ne pouvait toujours remplir intégralement sa mission ; dans ce cas, l’intendant de la province ordonnait parfois à tous les habitants, en arrière des armées, d’établir par village une garde de quatre ou cinq hommes, armés de bâtons, avec ordre d’arrêter tous les vagabonds, de se prêter main-forte mutuellement à cet effet, et, au besoin, d’alerter la population au son du tocsin.

La maréchaussée en 1789

Nous avons suivi pas à pas, au cours de l’étude qui précède, l’évolution de la maréchaussée. Pendant la guerre de Cent Ans, l’unique prévôt des maréchaux n’a de fonctions qu’à l’armée ; sa juridiction ambulante ne s’exerce, en droit, sinon de fait, qu’à l’égard des gens de guerre.

Lorsque, pendant les guerres d’Italie, le pays subit les excès des aventuriers, les prévôts provinciaux apparaissent ; la maréchaussée comprend, dès lors, des prévôts de la suite des maréchaux de France, payés par l’État et attachés aux troupes, et des prévôts subsidiaires ou provinciaux, payés par les provinces ; les uns et les autres n’ont encore de juridiction que sur les militaires ; mais la criminalité prend dans le royaume une telle extension, que la justice ordinaire se trouve impuissante à l’enrayer ; le roi François Ier a recours à la maréchaussée et, en 1536, il charge les prévôts de juger les coupables, non seulement les gens de guerre ou les vagabonds, mais encore les domiciliés ; la maréchaussée devient une organisation d’ordre intérieur.

La compétence des prévôts des maréchaux n’embrasse, d’abord, que les meurtres et vols de grand chemin, et nous avons vu que, sous l’influence des guerres de religion, puis des désordres du XVIIe siècle, la justice prévôtale étendit son domaine, pour trouver son expression définitive dans l’ordonnance criminelle de 1670 et la déclaration de 1731.

Dès le XVIe siècle, la maréchaussée exerçait déjà, indépendamment de la justice prévôtale, des fonctions de police judiciaire ; à la tête de leurs archers, les prévôts et leurs lieutenants faisaient des chevauchées et arrêtaient, non seulement leurs propres justiciables, mais encore tous les criminels pris en flagrant délit, et ils mettaient à exécution les décrets de justice, même des juges ordinaires.

L’action de la maréchaussée, à l’origine, était surtout répressive et ne s’exerçait guère qu’en matière de grands crimes ; mais, dans la suite, et surtout dès la fin du XVIIe siècle, cette troupe vit s’accroître ses attributions dans le domaine de la police préventive.

En même temps, l’organisation de la maréchaussée subissait des transformations. Les tribunaux prévôtaux, rudimentaires au début, furent complétés, dès le XVIe siècle, par des officiers de robe attachés à chaque siège de maréchaussée (procureurs, greffiers, assesseurs) ; mais le commandement, réparti entre des prévôts particuliers, des prévôts généraux, des vice-baillis ou des vice-sénéchaux et des lieutenants criminels de robe courte, dont les titres différents étaient une source de conflits, demeura disparate et défectueux jusqu’au XVIIIe siècle ; la maréchaussée ne devint un corps homogène, soumis à des règles uniformes dans toute la France, qu’en 1720.

Dès lors, des tournées journalières de chefs de brigade et de cavaliers sillonnent les campagnes dans tout le royaume ; des patrouilles se transportent partout où des désordres sont à redouter, font la police des foires, des marchés et des fêtes publiques ; l’arme étend son action jusqu’aux troupes en campagne, dont la police est assurée par le prévôt de l’armée.

Depuis 1720 et pendant plus d’un demi-siècle, la nouvelle maréchaussée cherche la meilleure formule de son service et elle est régie, en dernier lieu, par l’ordonnance de 1778.

Il faut observer qu’au cours des siècles, le caractère de l’institution s’est profondément modifié. Dès le Moyen Âge, on voit le connétable et les maréchaux de France, assistés de leurs prévôts, châtier les fauteurs de désordre. La répression du brigandage est alors une fonction militaire (Il en est d’ailleurs de même, encore de nos jours, dans les pays de moindre civilisation, comme au Maroc ou en Syrie, où les pillards opèrent en force, et comme au Sahara, où les méharistes sont les gendarmes du désert).

Mais, avec le développement de la justice prévôtale, le service de la maréchaussée, strictement militaire à l’origine, prend de plus en plus, pour le conserver définitivement, le caractère d’une fonction civile ; le recrutement des prévôts et de leurs lieutenants subit, à son tour, des variations ; malgré la tradition et les ordonnances, les charges de prévôt, aux XVIe et XVIIe siècles, sont confiées, parfois, à des hommes de loi n’ayant jamais commandé dans les armées du roi ; à partir de 1720, devant la nécessité, qui s’impose, d’affermir la discipline du corps, on suit rigoureusement la règle ; les charges de prévôt général ou de lieutenant sont confiées uniquement à d’anciens militaires, et il en est de même des places de cavaliers, à partir de 1769.

L’ordonnance de 1778 accentue, à son tour, le caractère militaire de l’arme ; depuis lors, surtout, la maréchaussée présente nettement le double caractère d’une institution militaire par son organisation et civile par ses attributions essentielles.

La Révolution de 1789 vint troubler l’application de l’ordonnance. Le code de la maréchaussée fut progressivement abrogé pendant les années qui suivirent, mais l’institution fut maintenue ; les principes consacrés par l’ordonnance lui survécurent et servirent de base à l’organisation nouvelle ; la justice prévôtale, cependant, disparut, mais là s’arrêta le sacrifice fait par la maréchaussée à l’esprit nouveau ; les cahiers des États généraux, en effet, avaient hautement proclamé l’utilité de cette arme ; s’ils avaient demandé que la juridiction d’exception, qu’était la justice prévôtale, fût abolie, ils avaient formulé aussi des vœux pour que le corps de la maréchaussée fût, non seulement conservé, mais renforcé.

En 1789, l’effectif de la maréchaussée se composait de six inspecteurs, 33 prévôts généraux, 176 lieutenants, 174 sous-lieutenants et 3600 hommes de troupe, tous montés.

Cet effectif était trop faible et ne permettait pas à la maréchaussée, dont les postes étaient trop éloignés les uns des autres, d’accorder aux populations toute la protection désirable. Les doléances des États généraux fournissent la preuve de l’insuffisance numérique de cette troupe ; les vœux tendant à faire augmenter le nombre des brigades reviennent, en effet, comme un leitmotiv, surtout dans les cahiers du tiers état : officiers de l’élection de Château-Gontier ; tiers état des bailliages ou sénéchaussées de Châteauroux, Saint-Brieuc, Vannes, Nantes, Chalon-sur-Saône, Chaumont-en-Bassigny, Étampes, Évreux, Le Mans, Mende, Moulins, Saint-Pierre-le-Moutier, Poitou, Usson, Rodez, Rouen, Taillebourg, Trévoux ; noblesse des bailliages de Vendôme, Chalon-sur-Saône, Loudun, Poitou, Rouen ; clergé du Mans ; les trois ordres de Saumur. Le tiers état de Nantes demande, en outre, que les chevauchées soient plus fréquentes et réglées de manière qu’il y ait toujours des cavaliers sur les routes.

Plusieurs cahiers veulent que la maréchaussée soit composée de troupes à pied et de troupes à cheval (officiers de l’élection de Château-Gontier, noblesse de Chalon-sur-Saône, tiers état de Vannes, Chalon-sur-Saône, Le Mans, Mende).

Nous verrons que les vœux qui précèdent, tendant à l’augmentation de l’effectif de la maréchaussée et à la création de brigades à pied, furent accueillis par la loi du 16 février 1791.

Retenons encore quelques vœux isolés. Il est nécessaire d’augmenter la solde de la maréchaussée (tiers état d’Étampes et de Trévoux, noblesse de Vendôme). Les places de cavaliers ne seront données qu’à des militaires ayant servi huit ans dans les autres troupes (noblesse de Loudun), ou ayant bien mérité de la patrie (tiers état d’Usson). Le cahier du bourg de Vassigny demande le remplacement des cavaliers de la maréchaussée, garde-bois, garde-pêche et garde-chasse, par des gardes provinciaux établis près des cours et tribunaux.

Les maréchaussées pourront mettre à exécution les décrets décernés par les juges, sans l’assistance des huissiers ; autrement dit, on reviendra au système en vigueur avant 1760 (tiers état de Saint-Pierre-le-Moutier et du Mans). Il fut satisfait à ce vœu par la loi du 16 février 1791.

Le tiers état de Dourdan demande que la maréchaussée soit aux ordres des bailliages pour le maintien de l’ordre public. Le tiers état du bailliage secondaire de Beaumont-le-Roger demande que la maréchaussée soit subordonnée à la magistrature dans ses fonctions civiles et inspectée, au point de vue militaire, par des officiers généraux retirés dans les provinces, aux lieu et place des inspecteurs, qui seraient supprimés. Le tiers état du Poitou demande aussi que les inspecteurs soient supprimés, et que l’inspection de la maréchaussée soit confiée aux États provinciaux.

Si les députés de Cahors se plaignent de ne jamais voir les cavaliers paraître dans les paroisses que pour y prendre des certificats les jours ouvriers, plusieurs vœux font ressortir l’utilité de l’arme : « l’importance de son service pour le maintien de la tranquillité publique » (tiers état de Châteauroux) ; « l’utilité de ce corps, journellement en action pour la sûreté intérieure » (noblesse de Loudun) ; « les ressources que la maréchaussée présente pour l’avantage et la sûreté des peuples » (tiers état de Taillebourg). Le tiers état de Fismes parle de la maréchaussée, « si utile et si nécessaire pour la sûreté et la tranquillité publique ». « Instituée pour faire respecter les lois de la société, pour veiller au maintien de la sûreté et de la tranquillité publique, la maréchaussée par l’ordre et l’activité de son service, remplit aussi parfaitement qu’il est en elle le but de son établissement » (tiers état du Poitou). Et le tiers état d’Étampes déclare : « ce corps est le plus utile de la nation ».

On verra que cette vieille institution, dont l’utilité était si nettement reconnue à la veille de la Révolution, a poursuivi ses destinées, suivant une courbe régulière et ascendante, et n’a jamais cessé d’être considérée comme l’un des meilleurs soutiens de l’ordre social.

(1) Voir la déclaration du 25 janvier 1536, lettres patentes du 26 mai 1537.

(2) On distinguait les crimes de lèse-majesté au premier chef, qui étaient les attentats directs contre la personne du roi ou la sûreté de l’État, et les crimes de lèse-majesté au second chef qui, sans contenir d’attentat, blessaient néanmoins le respect de l’autorité royale. Certains cas prévôtaux : assemblées illicites, levées de troupes sans autorisation du roi, étaient des crimes de lèse-majesté ; il en était de même du crime de duel.

(3) Cependant, les prévôts eurent affaire, parfois, à des individus prévenus d’hérésie, puisque, le 25 septembre 1554, les États de Languedoc « supplièrent le roi de limiter la juridiction des prévôts des maréchaux de France et de la restreindre aux voleurs, en sorte qu’ils ne l’exerçassent pas contre les hérétiques, etc. » (dom Devic et dom Vaissete, Histoire générale de Languedoc…, t. XI, p. 314).

(4) Déclaration du 5 février 1731, art. 7.

(5) R.-J. Pothier, Œuvres posthumes, Orléans, 1778, t. 8, p. 198.

(6) D. Jousse, Nouveaux commentaires de l’ordonnance de 1670, Paris, 1763, note sous l’art. 12 du titre Ier.

(7) Voir P. Bornier, Conférence des nouvelles ordonnances de Louis XIV…, Paris, 1703, ordonnance de 1670, titre II, art. 2.

(8) Déclaration de 1536.

(9) Procès-verbal de l’ordonnance de 1670, p. 30 à 32.

(10) Le 27 décembre 1561, l’église de Saint-Médard, à Paris, ayant été envahie par les protestants que les catholiques venaient de troubler dans leur prêche, la maréchaussée et le guet royal durent intervenir. Cette affaire parut assez sérieuse pour que le lieutenant du prévôt des maréchaux, qui avait commencé à l’instruction, fût dessaisi, par ordre du roi, en faveur du Parlement. Pour avoir manqué de prudence dans cette affaire – il était entré à cheval dans l’église –, le chevalier du guet fut condamné à la potence, ainsi qu’un archer de la maréchaussée. Voir Tasson, Le guet de Paris, Paris, 1878.

(11) Dom Devic et dom Vaissete, Histoire générale de Languedoc…, t. XI, p. 448.

(12) Art. 3 de l’édit de 1564 dans le recueil de Bobin et celui de Néron et Girard. Dans Fontanon, Guénois et Saugrain, le numérotage des articles de cet édit est différent : la compétence des prévôts y fait l’objet des art. 7 et 8, moins explicites que le texte ci-dessus.

(13) Décret du 20 mai 1903, art. 1er.

(14) Voir de l’Estoile, sur les compagnies de gendarmes « saccageant, pillant, volant, violant femmes et filles, tuant, mettant le feu aux maisons et aux granges partout où ils passaient » (Mémoires, journaux, t. I, « Règne de Henri III »). Écoutons aussi la prière de Pierre de Ronsard dans son Hymne des pères de famille à Saint-Blaise : « Chasse la guerre bien loing/Romps les armes dans le poing/Du soldat qui frappe et tue/Celui qui tient la charrue/Mangeant son bien en deux coups/Je te prie, écoute-nous ».

(15) Voir, à ce sujet, un arrêt du Grand Conseil du 1er avril 1702 dans Brillon, Dictionnaire…, V° Maréchaussée.

(16) Voyez Montarlot, Le prévôt des maréchaux

(17) P. Bornier, Conférence des nouvelles ordonnances…, note sous l’art. 1 du titre 2 de l’ordonnance de 1670.

(18) Les mots de la suite ont été omis dans le texte d’Isambert, ce qui a pu faire croire, par erreur, à quelques auteurs, que le droit de juger les domiciliés avait été retiré aussi aux prévôts provinciaux. Voir G.- M. Picot, Histoire des États généraux…, t. 4, p. 65.

(19) A.-N. Rambaud, Histoire de la civilisation française, Paris, 1885-1888, I, chap. 26. Deux cents furent tués dans le semestre qui précéda l’édit de juin 1609 (de l’Estoile, Mémoires, journaux, t. 9, supplément, p. 424).

(20) Déclaration du 30 décembre 1679.

(21) Édit de juin 1643.

(22) Règlement du 10 novembre 1723.

(23) Voir notamment les édits de septembre 1651, d’août 1679 et de mars 1693 et les règlements des maréchaux de France des 22 août 1653 et novembre 1723.

(24) Lettre du maréchal duc de Richelieu, du 6 juillet 1782, aux prévôts généraux de la maréchaussée.

(25) Voyez de Beaufort, Recueil

(26) Ordonnance du 25 novembre 1487, du 16 juillet 1546, de Moulins (1566), art. 27 et 30, de Blois (1579), art. 192 et 278.

(27) Procès-verbal de l’ordonnance criminelle de 1670, p. 31. Il existait, en effet, des lois qui punissaient spécialement les assemblées faites pour exercer une religion autre que la religion catholique, lois dont l’édit de Roussillon n’entendait pas charger la maréchaussée d’assurer l’exécution.

(28) A.-N. Rambaud, Histoire de la civilisation française…, t. 2 chap. 5. La Fronde, elle-même, fut provoquée à l’origine, en province comme à Paris, par les mesures fiscales de la Cour (archives historiques de la Gascogne : La Fronde en Gascogne, p. 11).

(29) Dalloz, Code pénal, art. 484, n° 34.

(30) A.-N. Rambaud, Histoire de la civilisation française…, t. 2, chap. 4.

(31) Déjà, au siècle précédent (en 1579), des Grands Jours s’étaient tenus à Poitiers. Parmi les commissaires, siégeait le prévôt érudit Nicolas Rapin, dont nous avons déjà parlé. Rapin mourut en cette même ville de Poitiers, en février 1608, à l’âge de 69 ans, et fut regretté, a dit l’Estoile, « tant pour son bel esprit que pour sa doctrine ».

(32) A.-N. Rambaud, Histoire de la civilisation française…, t. 2, chap. 4.

(33) G.-B. Depping, Correspondance administrative sous Louis XIV, Paris, 1850-1855, t. 2, p. 133. C’était le marquis d’Antin, sénéchal de Bigorre, qui demandait le rétablissement du prévôt.

(34) Procès-verbal de l’ordonnance criminelle de 1670, p. 25 à 32.

(35) Inversement, l’autorité royale dut intervenir fréquemment pour empêcher les juges ordinaires de troubler la justice prévôtale. Voyez, d’ailleurs, à ce sujet, l’art. 12 de l’édit d’Amboise (janvier 1572).

(36) A. Esmein, Histoire de la procédure criminelle…, p. 191.

(37) Arch. dép. Gascogne : La gabelle en Gascogne, p. 421. Ne serait-ce point précisément pour cette raison, que le rétablissement du prévôt de Bigorre – qui déplaisait tant à l’évêque de Tarbes – aurait été demandé par le sénéchal ?

(38) On lit, dans de l’Estoile, Mémoires, journaux, t. XI, année 1610 : « J’ai vu pendre beaucoup de bélîtres et marauds mais je n’ai jamais vu au gibet ni à la potence un homme duquel l’habillement valait plus d’un écu. Et cela vient que les juges sont bien certains que tels pauvres misérables n’ont ni parents, ni amis, pour se venger du juge ».

(39) A. Esmein, Histoire de la procédure criminelle…, p. 182, 189, 190.

(40) Arch. dép. Gascogne : La gabelle en Gascogne, p. 196, 364.

(41) Voir la correspondance de Pellot à Colbert au sujet de la désignation du sieur Laralde comme vice-sénéchal des Landes lors de la révolte qui eut lieu dans cette région (La gabelle en Gascogne, p. 347, 366, 393).

(42) Déclaration de 1549.

(43) Édit de 1564.

(44) Voir aussi l’ordonnance du 20 octobre 1689 et le règlement du 8 avril 1718.

(45) A. Esmein, Histoire de la procédure criminelle…, p. 220.

(46) Édit de mars, art. 8 ; déclaration du 28 mars, art. 2.

(47) Édit de mars, art. 8.

(48) Déclaration du 9 avril.

(49) Ordonnance du 1er juillet 1716, art. 6, et déclaration du 28 mars 1720, art. 5.

(50) Déclaration du 26 février 1724.

(51) C’était une question fort controversée, avant 1731, de savoir si les prévôts des maréchaux ou les présidiaux pouvaient connaître des cas prévôtaux commis par les ecclésiastiques (voir de la Combe, p. 125 et suiv.).

(52) En enregistrant pour un an cette loi de circonstance, le parlement de Toulouse se réserva le droit d’exercer la plénitude de sa juridiction, le cas échéant, pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité publique (arch. dép. du parlement de Toulouse, juin 1789, f° 97).

(53) Arrêt du 30 juin 1618.

(54) Arrêt du 30 septembre 1645.

(55) Voyez l’arrêt du Grand Conseil du 26 février 1677, portant règlement entre le vice-sénéchal du Bas-Limousin et les officiers du présidial de Brive.

(56) Déclaration du 22 avril 1636.

(57) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 2.

(58) Arrêt du Grand Conseil de 1634, cité par le premier président du Paty dans un Mémoire justificatif pour trois hommes condamnés à la roue, Paris, 1786.

(59) C.-J. de Ferrière, Dictionnaire…, V° Prévôt des maréchaux.

(60) Noté sous l’article 4 du titre 6 de l’ordonnance de 1670.

(61) Dans le lieu où le vol a été commis (Dumont, Nouveau style criminel, p. 60).

(62) Les vieux auteurs confondaient clameur et rumeur publique. Une ordonnance de Philippe IV de l’an 1328, citée par du Paty (Mémoire précité) voulait que la rumeur publique fût justifiée, appuyée de présomptions, de vraisemblance et de la fuite. Il faut observer que la loi n’interdisait pas de poursuivre jusque dans une maison, du moins pendant le jour, le criminel en flagrant délit.

(63) Arrêt du 30 septembre 1645.

(64) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 7.

(65) Décision du 29 décembre 1533.

(66) Ordonnance de 1670, titre 10, art. 9.

(67) Édit de mars 1720, art. 8.

(68) Déclaration du 9 avril 1720.

(69) Il était défendu de décréter au corps dans les cas de crimes légers et d’injures. Voyez, dans le Recueil des édits…, un arrêt du parlement de Toulouse du 15 juin 1744.

(70) Ordonnance de 1670, titre 10, art. 8.

(71) Nous verrons la différence qui existe aujourd’hui entre saisir et arrêter.

(72) F. Funck-Brentano, La société sous l’Ancien Régime, Paris, 1934.

(73) Arrêt du 6 mai 1608.

(74) Imbert, La pratique judiciaire…, livre 3, chap. 5, paragr. 2.

(75) R.-J. Pothier, Œuvres posthumes…, t. 8, p. 259.

(76) E. de Fréminville, Dictionnaire…, p. 103.

(77) R.-J. Pothier, Œuvres posthumes…, t. 8, p. 30 et 260.

(78) Arrêts des 6 mai 1608 et 30 septembre 1645, ordonnance de 1670, titre 2, art. 7.

(79) Arrêt du 6 mai 1608, ordonnance d’avril 1667, titre 33, art. 4 et 5. Un arrêt du parlement de Paris du 10 juillet 1604 défendait aux prévôts des maréchaux de saisir les meubles des domiciliés et leur enjoignait, quand ils saisissaient les meubles des vagabonds, de les remettre au greffe (Brillon, Dictionnaire…, V° Maréchaussée).

(80) Ordonnance de 1670, titre 10, art. 14.

(81) E. de Fréminville, Dictionnaire…, p. 625.

(82) Papon, Arrêts notables, livre 22, titre 5, art. 2.

(83) Néron, note de du Chalard sous l’art. 71 de l’ordonnance d’Orléans.

(84) Code du roi Henri III, note de la p. 121.

(85) Note sous l’article 14 du titre 10 de l’ordonnance de 1670.

(86) De la Combe, Traité des matières criminelles…, p. 58.

(87) V° Prévôt des maréchaux.

(88) Mémorial de la gendarmerie, circulaire du 30 novembre 1853.

(89) Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, t. 92, n° 6, p. 371, du 23 juin 1887 (note sous l’art. 174 du décret du 20 mai 1903, éd. Lavauzelle).

(90) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 10.

(91) Ordonnance de 1769, art. 39, ordonnance de 1778, titre 5, art. 10.

(92) Sentence de la connétablie du 26 juin 1742, ordonnance de 1778, titre 5, art. 9.

(93) Arrêt du Parlement du 1er septembre 1717.

(94) Ibid, p. 549.

(95) Ordonnance du 12 décembre 1775, ordonnance de 1778, titre 5, art. 9.

(96) P. Bornier, Conférences… note sous l’art. 14 du titre 10 de l’ordonnance de 1670.

(97) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 7.

(98) Ordonnance de 1670, titre 13, art. 20.

(99) H. Taine, Les origines de la France contemporaine, Paris, 1877, p. 498 et suiv.

(100) Lorsque des prisonniers arrêtés par le prévôt des maréchaux s’évadaient d’une prison royale, le prévôt était compétent pour juger en dernier ressort le geôlier complice de l’évasion (arrêt du Grand Conseil du 17 août 1703, dans Brillon, Dictionnaire…, V° Maréchaussée).

(101) Arrêt du 30 septembre 1645.

(102) Édit de Roussillon, art. 9 ; arrêt du Parlement du 30 octobre 1565 ; ordonnance de 1629, art. 186 ; ordonnance de 1670, titre 2, art. 12.

(103) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 12.

(104) Déclaration 5 février 1731, art. 28.

(105) Déclaration de 1731, art. 28.

(106) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 13.

(107) Ordonnance Orléans, 1560 ; arrêt du 30 octobre 1565 ; ordonnance de 1670, titre 2, art. 14 ; déclaration de 1731, art. 23.

(108) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 8.

(109) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 18.

(110) Édit de décembre 1680.

(111) Déclaration du 11 décembre 1566.

(112) Une barre séparait les juges des avocats et des parties ; près de cette barre était placé le barreau, ou banc des avocats (A. Chéruel, Dictionnaire…, V° Barre).

(113) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 19.

(114) Déclaration de 1731, art. 25.

(115) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 20.

(116) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 16.

(117) Arch. dép. Cher, B 1054.

(118) Arch. dép. Lot-et-Garonne, B 451.

(119) Déclaration de 1731, art. 26.

(120) R.-J. Pothier, Œuvres posthumes…, t. 8, p. 392.

(121) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 21.

(122) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 22 ; déclaration du 28 mars 1720, art. 3.

(123) Ordonnance de 1670, titre 15, art. I.

(124) Petit siège de bois sur lequel se plaçait l’accusé pour subir le dernier interrogatoire lorsque les conclusions du ministère public tendaient à une peine afflictive (A. Chéruel, Dictionnaire…, V° Sellette).

(125) Déclaration du 28 mars 1720, art. 4.

(126) Arrêt du Parlement 28 août 1702.

(127) Arrêt du Parlement du 15 décembre 1557.

(128) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 25.

(129) Déclaration d’octobre 1694.

(130) Ordonnance de 1670, titre 2, art. 26.

(131) Histoire de la procédure criminelle…, p. 149 ; Le procès civil et criminel par Claude Lebrun de la Rochette, à Rouen, 1616, 2e partie, p. 140.

(132) De la Combe, Traité des matières criminelles… p. 306.

(133) Beccaria, Traité des délits et des peines, paragraphe XVI.

(134) Édit d’août 1679, art. 14.

(135) Déclaration du 30 décembre 1679.

(136) Arch. dép. Lot-et-Garonne (voir la série B).

(137) Voltaire, Histoire du parlement de Paris…, chap. 31.

(138) Ordonnance de 1670, titre 22, art. 1er.

(139) R.-J. Pothier, Œuvres posthumes…, t. 8, p. 402.

(140) Arrêt de la Cour des aides du 18 juillet 1691. Voir dans Brillon, Dictionnaire…, V° Prévôt des maréchaux, un intéressant mémoire de l’auteur sur une prise à partie et l’arrêt du 10 septembre 1709 condamnant le prévôt général de Haute-Normandie à l’amende et à la destitution.

(141) Aubarde : mot patois gascon désignant une sorte de bât.

(142) Ordonnance de 1670, titre 25, art. 13.

(143) Voir de la Combe, Traités des matières criminelles…, p. 341.

(144) F. Funck-Brentano, Mandrin.

(145) Ordonnance de 1531, article 1er.

(146) Voltaire, Histoire du parlement de Paris…, chap. 29.

(147) Déclaration de 1731.

(148) Code pénal, titre 18.

(149) Ordonnance de mars 1498, art. 91 et 92 ; ordonnance de Moulins, art. 73.

(150) Ordonnance du 3 mai 1720.

(151) H. Taine, Les origines…, p. 498 et suiv.

(152) Ibid.

(153) H. Taine, Les origines…, p. 498 et suiv.

(154) Déclaration du 29 avril 1687.

(155) Arrêt du Parlement du 12 mars 1685.

(156) Ordonnance du 4 février 1534.

(157) Ordonnance précitée.

(158) Déclaration de 1731, art. 5.

(159) Ordonnance de Blois, art. 194.

(160) Déclaration de 1536.

(161) H. Taine, Les origines…, p. 498 et suiv.

(162) Montesquieu, De l’esprit des lois, livre 6, chap. 12.

(163) Beccaria, Traité des délits et des peines, paragr. 27.

(164) Ordonnance de l’intendant de la généralité de Paris du 17 juillet 1737.

(165) Ordonnance 16 mars 1720, art. 8 ; ordonnance 19 avril 1760, titre I, art. 23.

(166) Art. 176 du décret du 20 mai 1903.

(167) Arch. dép. de Lot-et-Garonne, B 503.

(168) Notice historique sur le parlement de Toulouse (extrait du t. I de l’Archéologie pyrénéenne).

(169) Voltaire, Histoire du parlement de Paris…, chap. 66.

(170) Notice historique précitée.

(171) Voir aussi l’ordonnance du 14 avril 1615 et celle de janvier 1629, art. 171.

(172) Édits ou ordonnances de Saint Louis (1262), Philippe III (1273), François Ier (juillet 1536 et mars 1540), Henri II (janvier 1549), d’Orléans (article 149), de Louis XV (février 1726).

(173) Dictionnaire de l’Académie française, 1694.

(174) Règlement du 14 octobre 1563, confirmé par l’ordonnance de Moulins de 1566, art. 41.

(175) Déclaration du 10 juillet 1566, confirmée par l’ordonnance de Blois de 1579, art. 185.

(176) Arrêt du Conseil privé du 6 mai 1608, concernant le prévôt d’Armagnac.

(177) Ordonnance de 1760, titre 3, art. 9 ; ordonnance de 1778, titre 4, art. 7.

(178) H. Taine, Les origines…, p. 498 et suiv.

(179) Mémoire justificatif pour trois hommes condamnés à la roue, par Mercier du Paty, ancien président à mortier, Paris, 1786.

(180) Loi du 28 germinal an VI, art. 169 ; ordonnance de 1820, art. 297 ; décret de 1854, art. 615 ; décret de 1903, art. 304 : « Hors le cas de flagrant délit déterminé par les lois, la gendarmerie ne peut arrêter aucun individu, si ce n’est en vertu d’un ordre ou d’un mandat décerné par l’autorité compétente ».

(181) Nous employons ici le mot suspect dans le sens qu’il avait autrefois, où il signifiait tout individu soupçonné d’un crime ou d’un délit quelconque. Ce terme a été employé depuis dans un sens plus restreint, pour désigner les individus douteux au point de vue national.

(182) Cette deuxième condition n’était pas exigée par la loi des 16-29 septembre 1791, concernant la police de sûreté, la justice criminelle et l’établissement des jurés (titre 4, art. 4).

(183) Ordonnance de 1778, titre IV, art. 9.

(184) Ordonnance de décembre 1559.

(185) Règlement du 27 novembre 1641.

(186) Règlement de la Cour des Aides du 10 mai 1590.

(187) Dom Devic et dom Vaissete, Histoire générale de Languedoc…, t. 14, p. 820 et 1073.

(188) Saint-Simon nous apprend que, vers la fin du XVIIe siècle, plus de cinq mille faux-sauniers faisaient la contrebande haut la main en Champagne et en Picardie.

(189) Déclaration du 2 août 1729.

(190) Arrêt du Conseil d’État du 30 octobre 1736 ; voir P. Viollet, Le roi et ses ministres…, p. 308 et suiv.

(191) Nous avons extrait les renseignements qui précèdent du très intéressant ouvrage de M. Funck-Brentano, Mandrin

(192) Édit de juillet 1607, art. 6.

(193) H. Taine, Les origines…, p. 498 et suiv.

(194) N. de Lamare, Traité de la police

(195) Édit de mai 1631.

(196) Arrêt du parlement de Dijon, du 12 janvier 1718.

(197) Ordonnance du duc de Bourbon, prince de Condé, gouverneur de Bourgogne, du 7 juin 1715.

(198) Arrêt du Parlement du 8 février 1708.

(199) Sentence du Châtelet du 22 mai 1739.

(200) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 692.

(201) Cette doctrine traditionnelle du droit français, rappelée par la circulaire ministérielle du 27 juin 1924 (Mémorial de la gendarmerie), a trouvé une application récente : les gendarmes ne peuvent contraindre au payement d’une amende les contrevenants au Code de la route (instruction ministérielle du 11 mars 1930).

(202) Ordonnance des Eaux et Forêts de 1669, titre 30, art. 18.

(203) Arrêt du Conseil du 16 décembre 1759.

(204) Ordonnance de l’intendant de Moulins du 17 octobre 1733.

(205) E. de Fréminville, Dictionnaire…, p. 196 - 200.

(206) Ordonnance de l’intendant de Lyon, du 16 mars 1739.

(207) Id., 209 et suiv.

(208) Ordonnance de police du prévôt des marchands et des échevins de la ville de Paris du 29 mars 1743.

(209) Arrêt du Conseil du 20 avril 1783.

(210) Déclaration de Fontainebleau du 5 février 1549.

(211) Ordonnance du 12 novembre 1549 sur l’entretien et la police des gens de guerre.

(212) Ordonnance de Moulins, art. 43.

(213) Ordonnance de Moulins, art. 45.

(214) G.-M. Picot, Histoire des États généraux…, t. II, p. 529.

(215) E. Lavisse, Histoire de France, t. 7, I, p. 309.

(216) Voir Lemaître, Historique de la gendarmerie, Paris, 1880.

(217) Ordonnances de 1720, 1760, 1769, 1778.

(218) Ordonnance de Colbert, 1670, titre II, art. 5.

(219) Arch. Lot-et-Garonne, B.

(220) C’est-à-dire dans l’après-midi.

(221) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 695.

(222) On voit qu’il n’existait pas de roulement, pour le service, entre le chef de brigade et ses subordonnés.

(223) La gendarmerie d’avant-guerre ne tirait du système de rencontres, qui existait encore à cette époque, qu’un parti insuffisant quant à la sûreté publique ; aussi, les rencontres méthodiques entre brigades furent-elles supprimées par le règlement du 3 février 1914 ; leur principal avantage était d’assurer la présence de la gendarmerie en des points qui, se trouvant situés à la limite de deux circonscriptions, étaient rarement visités au cours des tournées ordinaires de communes ; ceci est un point qui méritera toujours de retenir l’attention des officiers.

(224) Dans notre Service spécial de la gendarmerie, paru en 1922, nous avons émis cette opinion, à la p. 97, que la règle de 1778 n’était plus compatible avec les nombreuses obligations qui aujourd’hui incombent personnellement au chef de brigade. Cette règle a été abolie par le décret du 31 mars 1924.

(225) Lettre ministérielle du 28 avril 1778 (arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 698).

(226) Lettre ministérielle du 28 avril 1778 (arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 698). Le journal de service de la maréchaussée a été conservé par la gendarmerie, sans changements appréciables, dans la feuille de service qui a été remplacée, depuis la guerre, par le bulletin et le cahier de service actuels.

(227) Voir une copie du procès-verbal de chevauchées, de l’année 1601, dans l’Histoire de la maréchaussée de Gévaudan, du commandant Plique.

(228) Le titre d’officier s’appliquait alors aussi bien aux commandants de brigades (exempts, brigadiers ou sous-brigadiers) qu’aux lieutenants, et il en fut ainsi jusqu’à l’ordonnance de 1778, qui comprit les commandants de brigade (maréchaux des logis et brigadiers) parmi les bas-officiers.

(229) Consulter les recueils d’ordonnances d’Isambert, Fontanon, Guénois, Néron, etc., et le code militaire de Briquet.

(230) Voir l’ordre du maréchal de Saxe pour la campagne de 1744, dans la Revue d’histoire, janvier 1901, p. 44.

(231) Voir l’instruction de 1732 dans la Revue d’histoire, septembre 1905, p. 435.

(232) Consulter de Beaufort, Recueil

(233) Décision du comte d’Argenson, ministre de la Guerre, du 28 avril 1745.

(234) Ordonnance du 20 janvier 1514.

(235) D. Jousse, Nouveau commentaire… (note sous l’art. 12 du titre Ier).

(236) Voir le Procès-verbal de l’ordonnance criminelle de 1670, p. 32, Paris, 1697.

(237) R.-J. Pothier, Œuvres posthumes…, t. 8, p. 197.

(238) Arch. dép. Gascogne : La gabelle en Gascogne, p. 268.

(239) Arch. dép. Gascogne : La Fronde en Gascogne, p. 71.

(240) A. Quarré de Verneuil, L’armée en France…, p. 266.

(241) Ordonnances des 1er juillet 1727 et 20 juillet 1741.

(242) Ordonnance du 20 avril 1734.

(243) Ordonnance du 20 octobre 1689.

(244) Ordonnance du 1er juillet 1727.

(245) Règlement sur le service en campagne.

(246) Ordonnance du 1er juillet 1727.

(247) Arrêt du Conseil d’État du 15 janvier 1691.

(248) Ordonnance du 24 juillet 1534, art. 52.

(249) Ordonnance du 24 juillet 1534, art. 53

(250) Ordonnance du 13 janvier 1373, art. 5.

(251) Montesquieu, De l’esprit des lois, livre VI, chap. XII.

(252) Voltaire, Dictionnaire philosophique, Londres, 1770, V° Supplices.

(253) Ordonnance du 15 janvier 1735.

(254) Ordonnance du 1er juillet 1727 et du 20 juillet 1741.

(255) Ordonnance du 2 juillet 1716.

(256) Règlement du 8 avril 1718, art. 43.

(257) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 694.

(258) Ordonnance de 1778, titre 4, art. 12.

(259) Arrêt du Conseil d’État du 12 avril 1681.

(260) Arrêt précité.

(261) Arrêt du Conseil d’État du 10 juillet 1686.

(262) Règlement du 8 avril 1718 ; ordonnance du 19 avril 1760, titre 3, art. 12 ; ordonnance du 28 avril 1778, titre 4, art. 21.

(263) Règlement du 8 avril 1718.

(264) Règlements des 25 avril 1672 et 5 mai 1692.

(265) Décision précitée du 28 avril 1745.