Louis Larrieu

CHAPITRE III - ORGANISATION DE LA MARÉCHAUSSÉE

Nous avons vu que, l’unique prévôt des maréchaux à la suite de la Cour ne pouvant plus suffire, les rois Louis XI et Charles VIII avaient établi un prévôt près de chaque maréchal. Ces prévôts étaient à la suite des armées et ne connaissaient que des crimes commis par les gens de guerre, dont le châtiment appartenait aux maréchaux de France. Le successeur du prévôt unique continua, néanmoins, à demeurer près la personne du roi et nous voyons que, sous François Ier, il eut parfois le titre de grand prévôt ; tel fut, ainsi, le cas du seigneur Chaudiou (ou Chaudio), qui avait suivi l’armée en Italie en qualité de « capitaine de la justice » et que le roi avait laissé dans Milan, avec Théodore Trivulce, pour la garde des tranchées du château, avant la bataille de Pavie (1524)(1).

De même que les maréchaux de France, le connétable eut un prévôt attaché à sa personne pour exercer sa justice, et nous savons que le grand chef de la maréchaussée, successeur du prévôt unique, prit, en définitive, le titre de prévôt général de la connétablie et maréchaussée de France, office créé, selon Bauclas, vers 1543, supprimé dans la suite, puis rétabli par un édit de mars 1577(2).

Nous savons aussi qu’aux prévôts servant près des troupes s’ajoutèrent, sous Louis XII, des prévôts provinciaux et que, dès l’origine de cette transformation, il y eut ainsi des prévôts des maréchaux ordinaires, attachés à la personne des maréchaux de France, servant dans les camps et armées et payés par l’État, et des prévôts des maréchaux subsidiaires ou provinciaux, payés par les provinces. Il y eut des prévôts provinciaux particuliers et des prévôts généraux.

Nous allons examiner successivement la maréchaussée provinciale, la prévôté des camps et armées et la prévôté de la marine.

Maréchaussée provinciale

De François Ier à 1720 (anciennes maréchaussées)

Le personnel

Sous des appellations diverses (prévôts particuliers, prévôts généraux, prévôts en chef, vice-baillis, vice-sénéchaux, lieutenants criminels de robe courte), les chefs de la maréchaussée provinciale remplissaient des fonctions identiques ; ils obéissaient à la même autorité, celle des maréchaux de France(3) et recevaient des ordres du prévôt général de la connétablie(4).

Les prévôts des maréchaux faisaient partie du corps de la gendarmerie, ce qui fut rappelé par la déclaration du 27 juillet 1548, et les lois de ce corps lui étaient applicables(5).

Les prévôts devaient être des « gens de qualité, expérience, diligence et prudhomie »(6), « des gentilshommes notables et resséants »(7). Aux termes de la déclaration du 18 juin 1598, nul ne pouvait acquérir une charge de prévôt s’il n’était de bonnes vies et mœurs, ne faisait preuve de bonne noblesse, n’avait au moins 500 livres de rente en fonds de terre et s’il n’avait commandé dans les armées pendant quatre ans.

Les prévôts, vice-baillis, vice-sénéchaux et leurs lieutenants étaient reçus au siège de la connétablie. Ils devaient, à cet effet, présenter au lieutenant général leurs provisions, c’est-à-dire les lettres de grand sceau par lesquelles le roi leur avait accordé leurs offices(8). Le tribunal de la connétablie était le juge naturel des délits commis par les prévôts(9), mais le Parlement attirait les affaires les plus graves.

Le Grand Conseil était le juge et le conservateur de la juridiction prévôtale ; cependant, l’arrêt du Conseil privé du 18 mars 1636 voulait que les règlements de juges entre les prévôts et les juges ordinaires fussent jugés à la connétablie ; mais la connaissance des règlements de cette nature fut attribuée définitivement au Grand Conseil par l’ordonnance d’août 1669(10).

Si, contrairement aux ordonnances, on appelait des jugements des prévôts devant une cour de Parlement, c’était le Grand Conseil qui cassait les procédures faites à la cour souveraine. Le Grand Conseil connaissait des contestations et rendait des arrêts portant règlement entre les prévôts des maréchaux et les présidiaux ou les juges ordinaires(11).

Les plaintes contre les prévôts, relatives à l’exercice de la justice prévôtale, étaient aussi de la compétence du Grand Conseil. Mais ce corps ne devait pas connaître des autres matières, pour lesquelles les prévôts relevaient de la connétablie(12).

Les prévôts exerçaient deux sortes de fonctions, les unes comme officiers militaires, les autres comme officiers de justice. Comme officiers militaires, ils avaient l’obligation de chevaucher pour prévenir et empêcher les désordres et purger la campagne de vagabonds et de brigands ; de plus, ils étaient tenus de mettre à exécution les décrets et mandements de justice, lorsqu’ils en étaient requis, soit par les juges, soit par les parties. Pour exercer ces fonctions, ils disposaient de lieutenants, d’exempts et d’archers qui, tous, leur étaient subordonnés. Le pouvoir du prévôt des maréchaux sur ses archers n’était pas simplement disciplinaire ; si les archers se rendaient coupables d’un crime prévôtal, le prévôt était compétent pour le juger en dernier ressort(13). Comme officiers de justice, les prévôts des maréchaux jugeaient les cas prévôtaux et avaient, pour composer leur tribunal, des officiers de robe (procureurs du roi, assesseurs et greffiers) qui devaient être également reçus à la connétablie.

Les offices de prévôt étaient héréditaires ; les prévôts recevaient des gages ; ils jouissaient d’un certain nombre de privilèges et ils avaient droit à certains honneurs.

À l’origine, les emplois de prévôt tenaient lieu de récompenses et n’étaient exercés que par commission ; autrement dit, ils étaient gratuits et révocables. Ces emplois furent ensuite accordés à vie, c’est-à-dire érigés en offices, et une finance y fut attachée(14).

La vénalité des offices, qui avait été introduite en France sous Louis XII, fut suivie de l’hérédité. Afin que tous les officiers pussent conserver le prix de leurs charges et le mettre dans le commerce, François Ier et Charles IX leur accordèrent la faculté de résigner leurs offices, se contentant d’assujettir chaque résignataire à payer un droit de mutation et à condition que le résignant survécût quarante jours(15).

Cette faculté fut accordée aux prévôts des maréchaux par le roi Henri IV. Prenant en considération les dangers courus par les prévôts, qui exposaient généreusement leur vie et leurs biens pour le service du public, ce qui pouvait entraîner la ruine de leurs familles, l’édit d’octobre 1595 accorda aux prévôts et à leurs lieutenants le droit de résigner, pour une fois seulement, leurs états et offices, à des personnes capables, à condition de survivance, et moyennant finance modérément taxée au Conseil du roi. En cas de décès avant d’avoir résigné, le même édit voulut que les offices demeurassent aux veuves et héritiers pour en disposer, sans payer d’autre taxe que ce qui avait été payé pour la survivance ; un arrêt du Conseil privé, rendu en 1620, exigea, dans les mêmes circonstances, le payement d’une nouvelle taxe (Montarlot).

Or, « Henri IV ayant considéré que le prix des offices formait un objet important pour les familles, et ayant égard aux risques auxquels ces mêmes offices se trouvaient exposés par la règle des quarante jours, voulut bien en dispenser, par sa déclaration du 12 décembre 1604, tous ceux d’entre eux qui voudraient payer en ses revenus casuels un droit annuel (connu sous le nom de paulette), fixé alors au soixantième denier de la valeur de leurs offices et leur accorder la faculté de conserver ces mêmes offices à leurs veuves, enfants ou héritiers »(16).

Ces dispositions nouvelles ne tardèrent pas, à être appliquées à la maréchaussée, et un arrêt du Conseil, du 16 juillet 1621, accorde aux prévôts la dispense de quarante jours de survivance et les admet au payement du droit annuel.

Le droit de survivance accordé aux offices de maréchaussée fit encore l’objet d’une déclaration du 26 mars 1626 en faveur des exempts et archers et subit, dans la suite, quelques vicissitudes. On trouve, en effet, des textes qui confirment ce droit(17), qui le révoquent ou qui le rétablissent(18). Un édit de décembre 1663 révoqua toutes les hérédités et survivances ; mais un arrêt du Conseil, du 12 mars 1672, accorda de nouveau la survivance aux officiers de maréchaussée, en raison du service qu’ils exécutaient au péril de leur vie.

Les hérédités furent confirmées de nouveau par un édit de novembre 1701, avec exemption de tout droit de paulette ou de survivance, moyennant le seul payement des droits de marc et sceau accoutumés.

Les prévôts des maréchaux ne pouvaient exercer qu’un seul office(19), mais la vénalité de cet office unique eut parfois des conséquences fâcheuses sur le recrutement de la maréchaussée. Les emplois de prévôt ne pouvaient être confiés, nous l’avons vu, qu’à des gens de mérite, de courage et de fidélité connus ; mais la nécessité de trouver des personnes, nobles ou non nobles, capables de payer la somme voulue, pouvait faire négliger les qualités requises ; en outre, les offices étant achetés très cher, leurs titulaires cherchaient à leur faire rapporter le plus possible, ce qui pouvait être la source de malversations.

Aussi Guy Coquille estimait-il que les offices de prévôts de maréchaux auraient dû être accordés gratuitement à des hommes de valeur éprouvée : « Mais le principal serait que les prévôts fussent eux-mêmes bien choisis, hommes de bien, de valeur et de vertu, et ce, par élection des états du pays et sans argent, car – ajoutait le célèbre jurisconsulte par un aphorisme digne de nos méditations – la valeur du chef fait que la compagnie vaut »(20). Néanmoins, la vénalité des offices de prévôt subsista, comme celle de tous les offices de judicature de l’Ancien Régime, jusqu’à la Révolution.

Quelques provinces conservèrent, cependant, le privilège de nommer elles-mêmes des prévôts ou des lieutenants particuliers ; c’est ainsi qu’en Languedoc, la nomination de prévôts par les assemblées locales ne prit fin que par l’édit de mai 1696, qui créait à leur place, en titre d’office, des prévôts ayant « plus de considération et d’autorité » ; les prévôts particuliers de Bourgogne ne furent supprimés que par l’ordonnance de 1778(21).

La création de prévôts en titre d’office n’eut généralement d’autre but, quand le Trésor était dans l’embarras, que de faire rentrer le prix de vente de ces charges dans les caisses de l’État. Les provinces, tenues, on le sait, de payer les gages de la maréchaussée, protestèrent souvent contre ces créations qui leur imposaient des charges nouvelles. Cela donna lieu, quelquefois, à de graves conflits. C’est ainsi que, le roi ayant établi à Castres, par un édit de mars 1639, un office de prévôt s’étendant dans les diocèses de Castres, d’Albi et de Lavaur, ce qui entraînait la suppression des prévôts particuliers de ces trois diocèses, le diocèse d’Albi voulut néanmoins, en 1657, rétablir son prévôt(22). Le prévôt établi par le roi, Louis de Manelphe, et le prévôt diocésain, Claude Rempont, ne tardèrent pas à entrer en conflit. Un arrêt du Parlement enjoignit à Rempont de ne pas troubler Manelphe dans l’exercice de ses fonctions, et le Conseil d’État, en 1659, confirma cet arrêt ; mais le diocèse, appuyé par la province, obtint, en 1661, un nouvel arrêt du Conseil, qui maintenait Rempont en qualité de prévôt d’Albi. En 1670, Manelphe fut assassiné ; cette affaire, dont le diocèse dut supporter les frais, prit de grandes proportions et fut portée successivement devant le parlement de Bordeaux et celui de Paris. Dans la suite, la vacance de prévôt des trois diocèses fut comblée ; le prévôt particulier du diocèse d’Albi fut néanmoins maintenu, mais il fut remplacé par un prévôt créé en titre d’office, en exécution de l’édit de mai 1696 dont nous avons parlé ci-dessus(23).

Les rois ayant considéré que les prévôts, lieutenants et archers étaient obligés de faire de grandes dépenses pour s’acquitter avec exactitude de leurs fonctions, leur accordèrent des gages. Le taux des appointements des prévôts à la suite des maréchaux de France, qui était, en 1532, de 200 livres tournois pour un semestre(24), fut souvent modifié(25). L’ordonnance du 12 novembre 1549 porta la solde annuelle de 400 à 600 livres tournois(26).

Si l’on se reporte au rôle des prévôts provinciaux et de leurs lieutenants de l’an 1613, donné par Montarlot, on constate qu’il n’existait aucune uniformité dans les appointements. Le taux des gages d’un prévôt général variait de 1068 livres (Lyonnais), à 4000 livres (Normandie). Tel prévôt touchait 1480 livres (Anjou), tel autre 600 seulement (La Flèche). Le lieutenant du prévôt de Limousin touchait 200 livres, tandis que le lieutenant établi à Troyes était aux gages de 877 livres.

En outre, les voyages et séjours occasionnés par les procès étaient taxés, pour chaque journée de 10 lieues, à raison de 7 livres 10 sols au prévôt des maréchaux, 6 livres au lieutenant, 3 livres 15 sols au greffier(27).

Si la solde de la maréchaussée était une charge imposée aux provinces, si certains diocèses votaient, de leur propre initiative, les sommes nécessaires au payement des gages de leur prévôt particulier, le payement de la solde était, en réalité, assez aléatoire ; les assemblées provinciales ne se décidaient souvent à imposer les sommes nécessaires que lorsque le pays retentissait des exploits des brigands et des voleurs. La solde étant irrégulièrement perçue, les prévôts et archers ne remplissaient souvent leurs fonctions que pour le seul bénéfice des exemptions et des honneurs attachés à leurs charges.

L’absence de gages ou l’insuffisance de ceux qui étaient alloués furent le vice capital des anciennes maréchaussées ; le personnel se trouvait incité à exiger de l’argent des parties, d’où, parfois, des prévarications : « Comme ces officiers, ni leurs archers n’ont point de gages pour subsister, il n’y a point de malversations auxquelles ils ne soient abandonnés. Ils ne font aucune fonction s’ils n’espèrent en retirer de l’émolument […]. Tant que les prévôts des maréchaux recevront quelques salaires de leurs instructions, ils seront avides de connaître des affaires où il y aura partie civile et abandonneront la recherche des crimes, où le public seul se trouvera intéressé… ». Ainsi s’exprima Talon, lors de la discussion de l’ordonnance de 1670. Après avoir dénoncé la cause du mal, ce haut magistrat proposa le remède : « L’unique moyen de remédier à tous ces abus est de supprimer un grand nombre de maréchaussées et, dans celles qui seront conservées, donner aux prévôts et aux archers des gages suffisants pour subsister, tenir la campagne, et être incessamment à cheval et, en même temps, leur défendre de tirer aucun émolument des procès qu’ils instruiront, quand même il y aurait partie civile »(28).

Mais un demi-siècle devait s’écouler avant que le remède proposé fût sérieusement appliqué. L’attribution à la maréchaussée d’une solde certaine, pour en obtenir un meilleur service, fut l’une des principales réformes qui accompagnèrent la réorganisation de 1720.

Les officiers de maréchaussée étant du corps de la gendarmerie, eurent ce privilège que leurs gages ne pouvaient être saisis pour dettes particulières ; les gages n’étaient saisissables que si les dettes avaient été contractées, soit pour des dépenses de bouche, car la solde était donnée aux prévôts pour leurs aliments, soit pour des achats d’armes ou de chevaux. Cela fut ordonné par un arrêt du Conseil d’État rendu le 24 mars 1603 en faveur du lieutenant de maréchaussée de Berry établi à Châteauroux, et la même faveur fut rendue applicable à tous les officiers de maréchaussée par la déclaration du 5 janvier 1604, la saisie des gages étant de nature, disait le roi, à retarder le service dû par les prévôts.

Par contre, un arrêt du Parlement, du 2 septembre 1600, cité par Chenu dans son Recueil des règlements notables(29), admit que les offices de prévôts pouvaient être saisis et décrétés sur ceux qui en étaient pourvus.

À l’origine, les officiers de maréchaussée recevaient le payement de leurs gages et de ceux de leurs archers des mains des receveurs des tailles(30) ou autres deniers, et comme les prévôts distribuaient irrégulièrement la solde de leurs subordonnés(31), la déclaration du 5 février 1549 décida que cette solde serait payée par les receveurs généraux et particuliers (qui recevaient eux-mêmes les deniers des receveurs des tailles) ; mais un édit de mars 1586 créa, dans les diverses juridictions des prévôts des maréchaux en titre d’office, des receveurs et payeurs des gages de la maréchaussée.

Or, les deniers levés spécialement pour la maréchaussée, au lieu d’être remis aux receveurs du taillon(32), étant ordinairement divertis et employés à d’autres objets, ce qui obligeait le roi à procéder à des levées extraordinaires, un édit de novembre 1595, portant règlement pour le payement des gages et soldes des prévôts des maréchaux et de leurs lieutenants greffiers et archers, voulut que ces deniers fussent perçus séparément par les receveurs et remis au trésorier ordinaire des guerres. Un édit de juin 1602 supprima les offices de receveurs créés en 1586, et les unit à ceux des receveurs du taillon.

Les prévôts des maréchaux jouissaient des privilèges attachés au corps de la gendarmerie, dont ils faisaient partie. Ils étaient exempts, de même que les lieutenants et les archers, « de contribution de toutes tailles, subsides, impôts et octrois ». Le logement des gens de guerre était compris aussi dans les exemptions dont bénéficiait la maréchaussée.

Ces faveurs, dont les prévôts avaient joui « de toute ancienneté », furent rappelées par la déclaration du 27 juillet 1548 et confirmées par un édit de mars 1600 ; mais elles furent quelquefois révoquées, comme par la déclaration du 15 septembre 1662, parfois contestées, et les prévôts durent avoir recours au roi pour avoir confirmation de leurs privilèges(33).

L’édit d’août 1647, la déclaration du 12 janvier 1648, l’arrêt du Conseil du 8 juillet 1648 et les déclarations d’août 1666 et du 6 mai 1692, confirmèrent de nouveau les privilèges et exemptions dont jouissait la maréchaussée ; l’exemption de la taille fut supprimée par un édit du mois d’août 1715, mais elle fut rétablie en faveur de la maréchaussée, en 1720, comme on le verra ci-après ; la même faveur avait été accordée déjà par l’édit de septembre 1706 (article 22), aux prévôts, lieutenants, exempts et greffiers de la suite des maréchaux de France, et elle fut confirmée par des lettres patentes du 20 mars 1720(34).

Mentionnons, enfin, le privilège qu’avaient les officiers de maréchaussée d’être reçus en l’hôtel des Invalides. Ils subissaient, pour l’entretien de cet établissement, une retenue de deux deniers par livre sur leurs gages(35).

Les dernières années du XVIe siècle furent marquées par une criminalité excessive. Les malfaiteurs se réfugiaient dans Paris « comme en la plus belle forêt du monde »(36). La ville renfermait tant de voleurs « qu’il fut proposé de faire corps de garde et sentinelle la nuit pour la sûreté des maisons »(37). Les désordres attirèrent sur la maréchaussée l’attention des pouvoirs publics(38) ; on se plaignait de la négligence des prévôts ; quant aux archers, ils restaient oisifs dans leurs maisons, se contentant de toucher leurs gages ou de jouir des privilèges attachés à leurs charges. Henri IV ayant fait procéder à une enquête, découvrit les causes de cette négligence et en fit retomber toute la responsabilité sur les magistrats civils. Aussi bien dans les assemblées qu’à l’occasion du service, les juges n’avaient pas pour la maréchaussée la considération qui lui était due ; lorsque les prévôts avaient travaillé jour et nuit et hasardé leur vie pour arrêter des malfaiteurs, les juges présidiaux et ordinaires leur ôtaient l’honneur des captures, retenant qui bon leur semblait et ne laissant aux prévôts que le menu fretin.

Le roi ne se contenta pas d’interdire aux présidiaux d’entreprendre sur la juridiction des prévôts ; il résolut d’affermir l’autorité morale du corps de la maréchaussée, estimant que cette troupe ne pouvait remplir la mission qui lui était confiée que si elle était entourée des égards des corps judiciaires. Par la déclaration du 18 juin 1598, il chercha à accroître le prestige des prévôts, en soumettant leur recrutement à des conditions plus sévères ; en outre, il attribua aux prévôts des maréchaux, ainsi qu’à leurs lieutenants, le titre de conseiller ; ils eurent voix délibérative au jugement du procès de leur ressort et séance en tous les présidiaux et sièges royaux, ainsi qu’aux assemblées publiques, après les lieutenants généraux civils et criminels, des baillis et sénéchaux(39). Les prévôts eurent pareillement rang et séance dans les églises, au banc des officiers des présidiaux, lorsqu’ils assistaient aux sermons et offices religieux, et dans les assemblées particulières.

L’édit d’août 1647 attribua aux prévôts généraux et provinciaux rang, séance et voix délibérative tant aux audiences qu’en la chambre du conseil des présidiaux de leur province, immédiatement après le président, et à leurs lieutenants, après le dernier conseiller.

Tous les officiers de maréchaussée n’étant pas gradués en droit, un arrêt du Conseil, du 29 septembre 1693, décida que les prévôts des maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte, même s’ils n’étaient gradués, auraient voix délibérative dans les jugements des procès de leur compétence, instruits par eux, leurs lieutenants ou assesseurs. Défense était faite aux officiers des présidiaux et autres sièges de les y troubler, à peine de 1000 livres d’amende et de tous dépens, dommages et intérêts.

Le prévôt pouvait assister, avec ses archers, aux processions du Saint-Sacrement et de Pâques, comme aux Te Deum et actions de grâce qui se rendaient pour célébrer les victoires des armées françaises, et il marchait à la gauche des présidiaux(40).

Le prévôt des maréchaux avait la préséance sur les prévôts royaux. Un arrêté du Conseil, du 26 mai 1634, portait que le prévôt des maréchaux de Montfort-l’Amaury précéderait, dans toutes les assemblées, les officiers de l’Élection et le prévôt royal de la ville.

Le prévôt des maréchaux avait aussi le titre d’écuyer, qu’il joignait à celui de conseiller du roi. Le président de l’Élection de Meaux ayant voulu défendre au prévôt dudit lieu de prendre le titre d’écuyer en ses qualités, la Cour des aides rendit, le 14 janvier 1627, un arrêt en faveur du prévôt.

Mentionnons enfin la prérogative qu’avait le prévôt de faire sceller du sceau de ses armes tous les actes expédiés en sa juridiction(41).

Dès son origine, la maréchaussée provinciale se plia à l’organisation militaire et administrative de la France. Les prévôts qui se trouvaient à la tête d’un grand Gouvernement militaire, comme Guyenne, Normandie, eurent le titre de prévôts généraux, tandis que ceux des provinces subalternes furent appelés prévôts particuliers ou provinciaux de tel lieu : prévôt des Landes, prévôt de Bigorre, etc. Dans la suite, les prévôts généraux furent attachés aux généralités, circonscriptions financières administrées par les intendants.

Il résulte de la correspondance officielle et même du texte des ordonnances(42), que les prévôts généraux eurent le titre de grand prévôt.

On constate l’existence de prévôts généraux, dès le XVIe siècle, en Languedoc, en Guyenne, en Bretagne, en Normandie. D’une liste donnée par Montarlot, il résulte qu’en 1613, il existait sept prévôts généraux : Normandie, Picardie, Auvergne, Lyonnais, Bourgogne, Dauphiné, Languedoc ; cette liste ne comprend pas la maréchaussée de Bretagne.

Un édit de mai 1637 rétablit le prévôt de Guyenne supprimé depuis 1563. Un édit de novembre 1641 créa un prévôt général dans la généralité de Limoges ; au prévôt étaient adjoints deux lieutenants, quatre exempts, un assesseur, un procureur, un avocat, trois greffiers, cinquante archers, un commissaire, un contrôleur, trois receveurs et payeurs. Cette création fut motivée par l’impuissance des prévôts provinciaux, pris séparément, à réprimer les crimes, violences et excès des gens de guerre. Le mois suivant (décembre 1641), un nouvel édit créa huit prévôts généraux : généralités d’Orléans, Bourges, Tours, Poitiers, Moulins, Lyon, Champagne et province de Metz, Toul et Verdun, Angers ; l’édit se basait sur les contestations qui s’élevaient entre les prévôts provinciaux et le peu d’assistance qu’ils se donnaient les uns aux autres, lorsqu’il était nécessaire de réprimer les désordres des gens de guerre et les émotions populaires ; le même édit créait deux cents archers qui furent répartis entre les huit prévôts généraux nouvellement institués, à raison de vingt-cinq pour chacun d’eux. Les prévôts particuliers pour maintenir les gens de guerre dans le devoir et empêcher ou dissiper les émeutes ; la juridiction du prévôt général s’étendait sur tout le territoire de la généralité, et les prévôts particuliers avaient le titre de lieutenant du grand prévôt.

Il semble que les prévôts provinciaux ne furent pas satisfaits du nouvel état de choses, car un arrêt du Conseil, du 10 décembre 1642, supprima les prévôts généraux créés en 1641 comme étant « à la ruine entière des anciennes maréchaussées du royaume » ; mais ces officiers furent rétablis par une déclaration du 12 janvier 1648 ; dans la suite, le nombre de prévôts généraux s’accrut progressivement et, à la fin du XVIIe siècle, il en existait dans presque toutes les généralités. On en trouve trente et un dans Saugrain, à la date de 1697, non compris le prévôt général de la connétablie résidant à Paris : Champagne, Picardie, Orléanais, Touraine, Anjou, Bretagne, duché de Bourgogne, pays et comté de Bourgogne, Berry, Bourbonnais, Poitou, Limousin, Auvergne, Lyonnais, Guyenne, Haute-Normandie (Rouen), Basse- Normandie (Caen), Dauphiné, Provence, Haut-Languedoc (Toulouse), Bas-Languedoc (Montpellier), Roussillon(43), Metz, Toul, Verdun, Épinal, Longwy, Sarre, Alsace, Flandre et Hainaut, Artois. Plusieurs de ces prévôts généraux ressortissaient parfois à la même généralité(44).

Aux termes du règlement des maréchaux de France du 9 septembre 1644, les prévôts généraux avaient, dans les principales villes de la généralité, un lieutenant et des archers en nombre suffisant ; ils passaient, chaque année, une revue générale ou des revues particulières des prévôtés placées sous leurs ordres ; les commissaires et contrôleurs dressaient procès-verbal de ces opérations. Lorsque les prévôts généraux convoquaient les prévôtés particulières pour le service du roi, ils en prenaient le commandement.

Les prévôts généraux connaissaient des révoltes, séditions, rébellions, mutineries, assemblées illicites, et de tous cas prévôtaux. Lorsqu’ils se trouvaient dans les lieux de résidence des prévôts provinciaux et particuliers, ils pouvaient juger les causes en instance devant les prévôtés particulières ; à cet effet, les greffiers leur présentaient les registres des procès. Les sentences des prévôts généraux et particuliers étaient intitulées au nom du prévôt général.

L’enchevêtrement des circonscriptions militaires (gouvernements) et des autres circonscriptions administratives (généralités), compliquait le service des prévôts généraux dont le commandement se rattachait à la fois à un Gouvernement que chaque prévôt général placé à la tête d’un Gouvernement eût, sur toute l’étendue de la province, la même autorité et le même pouvoir qu’il avait dans sa généralité ; de la sorte, il ne pouvait y avoir, sous un même Gouvernement, de prévôt particulier, qui ne fût sous les ordres d’un prévôt général (même s’il n’en existait pas dans sa généralité) ; mais le prévôt général d’un Gouvernement voisin ne pouvait, sous prétexte du mélange des généralités, être en partie prévôt général d’un Gouvernement et en partie d’un autre(45).

On appelait prévôts en chef des prévôts provinciaux qui n’étaient subordonnés à aucun prévôt général (contrairement à la règle qui précède). Exemple : le prévôt général de Languedoc exerçant alors son autorité sur toute l’étendue de la généralité de Toulouse et de Montpellier, le roi Louis XIII résolut de partager cet important commandement. Par l’édit de mars 1639 scinda la généralité de Montpellier en créant un prévôt spécial pour la sénéchaussée de Beaucaire et de Nîmes. Ces nouveaux prévôts furent indépendants du prévôt général, dont le commandement territorial se trouva ainsi réduit, et ils reçurent pour ce motif, le titre de prévôts en chef.

Une déclaration du roi François Ier, du 7 mai 1527, permit au prévôt de Paris de commettre un lieutenant de robe courte, et cette commission fut, depuis, érigée en titre d’office(46). Cet officier était chargé de veiller à la sûreté de la ville et de faire arrêter les meurtriers, vagabonds et gens suspects. Il connaissait des crimes intéressant particulièrement la sûreté publique : incendie, fausse monnaie, lèse-majesté divine et humaine, séditions populaires, vols de nuit et port d’armes.

L’ordonnance criminelle de 1670, qui régla la compétence des prévôts des maréchaux, vice-baillis et vice-sénéchaux, ainsi que des lieutenants criminels de robe courte qui existaient alors dans les provinces, n’entendit innover aux fonctions et droits du lieutenant criminel de robe courte du Châtelet(47).

Comme les prévôts, vice-baillis et vice-sénéchaux, le lieutenant criminel de robe courte jugeait en dernier ressort les cas prévôtaux(48) ; mais, tandis qu’il était défendu aux prévôts, vice-baillis et vice-sénéchaux de juger à la charge de l’appel(49), le lieutenant criminel de robe courte connaissait de certains cas dont on pouvait appeler au Parlement : rébellion à l’exécution de ses jugements, crimes et délits commis par les officiers et archers sous ses ordres, attentats à la vie des maîtres par leurs domestiques, viols et enlèvements contre toutes sortes de personnes, sauf contre les ecclésiastiques.

Le lieutenant criminel de robe courte du Châtelet ayant eu un conflit avec le prévôt de l’Île, en soutenant que ce dernier ne devait pas exercer les fonctions de sa charge dans la ville de Paris et qu’il devait aller à la campagne, cela donna lieu à un arrêt du Grand Conseil du 31 mars 1622.

Il fut décidé que le prévôt de l’Île aurait juridiction dans la ville et ses faubourgs pour les crimes commis en dehors de la ville, privativement au lieutenant criminel de robe courte ; s’il s’agissait de crimes commis dans la ville ou ses faubourgs, le prévôt devait, après la capture, délaisser aux juges ordinaires.

Mais le prévôt participait activement à la police de la capitale. Nous voyons ainsi le prévôt de l’île procéder à une perquisition chez le cardinal de Retz, lors d’une conspiration contre le cardinal de Richelieu(50).

À l’origine, le lieutenant de robe courte du Châtelet avait sous ses ordres une troupe de vingt archers à cheval, qui devint la compagnie de robe courte, composée de lieutenants, d’exempts et d’archers. Sous Louis XV, cette compagnie, commandée par un capitaine, se composait de quatre lieutenants, douze exempts et soixante archers(51), tous pourvus par le roi à la nomination du capitaine. Il était enjoint aux officiers de la compagnie de robe courte de constituer prisonniers toutes personnes prises en flagrant délit et d’en dresser des procès-verbaux qui étaient remis au greffe du Châtelet pour y être pourvu par le lieutenant criminel. En outre, un exempt et dix archers étaient commandés tous les mois pour exécuter les décrets et mandats de justice du lieutenant criminel.

La compagnie de robe courte ne fut supprimée que par la loi du 16 février 1791 ; tout son personnel fut versé alors dans la Gendarmerie nationale et forma deux compagnies chargées du service des tribunaux et de la garde des prisons(52). Le dernier lieutenant criminel de robe courte fut Brice, ancien lieutenant criminel au baillage et siège présidial de Château-Thierry.

La question de la compétence ou de l’incompétence des prévôts des maréchaux étant une source de conflits qui nuisait au maintien de la sécurité publique, Henri II résolut de supprimer la plupart de ces officiers et d’attribuer les fonctions de leurs charges aux lieutenants criminels des bailliages, auxquels il adjoignit des lieutenants criminels de robe courte(53).

Le roi ne conserva que les prévôts attachés à la personne des maréchaux de France et les prévôts généraux de Picardie, Champagne, Île-de-France, Lyonnais, Forez, Beaujolais, Auvergne, Dauphiné, Languedoc, Guyenne, Normandie, Bretagne et leurs lieutenants et archers ; en même temps, l’édit créait quarante-huit offices de lieutenant criminel de robe courte ; le nombre d’archers attribués à chacun de ces offices variait de quatre à douze.

Cette réforme n’ayant pas empêché les exploits des malfaiteurs, un nouvel édit, de mars 1555, créa un lieutenant criminel de robe courte avec quatre archers, dans chaque siège royal de bailliage, sénéchaussée, prévôté ou autre justice inférieure. Mais ces nouveaux officiers ne remplissant pas les fonctions que l’édit leur avait assignées, il devint nécessaire « pour tenir la province en assurance » de rétablir la plupart des prévôts des maréchaux supprimés ; un édit du mois de septembre de la même année 1555 rétablit le prévôt du Berry ; semblable rétablissement eut lieu, depuis, dans les autres provinces ; l’ensemble de ces réformes contradictoires avait eu pour résultat d’enrichir le Trésor du produit de la vente des nouveaux offices de lieutenant criminel de robe courte. Dans beaucoup de villes, il y avait simultanément des prévôts des maréchaux et des lieutenants criminels de robe courte, et comme leurs fonctions étaient « quasi semblables », ces officiers se jalousaient et ne rendaient pas au public, a dit Montarlot, le service qu’on aurait pu attendre d’eux s’ils avaient été réunis sous un même chef.

Le lieutenant criminel du bailliage et le lieutenant criminel de robe courte, indifféremment et par prévention, avaient le pouvoir d’arrêter et d’emprisonner ceux qui étaient coupables de crimes de la compétence des prévôts des maréchaux, ainsi que de procéder à l’information. Le jugement était rendu par le lieutenant criminel, qui était tenu d’appeler les lieutenants particuliers du siège, ainsi que le lieutenant criminel de robe courte, avec les magistrats et conseillers(54).

Nous venons de voir que l’ordonnance de 1670 attribua aux lieutenants criminels de robe courte la même compétence et le même pouvoir qu’aux prévôts des maréchaux, vice-baillis et vice-sénéchaux, sauf que les premiers avaient le droit, dans certains cas, de juger à la charge de l’appel(55).

Les lieutenants criminels de robe courte des provinces furent supprimés lors de la réorganisation de 1720.

Le prévôt général de Guyenne ne put pas réussir, en raison de l’étendue de son commandement qui correspondait à une dizaine de nos départements du sud-ouest, à empêcher les vols et les violences ; on le taxa de négligence et son office fut supprimé par un édit d’octobre 1563 ; ses fonctions furent confiées à trois nouveaux officiers qui les exercèrent : le premier dans les sénéchaussées de Guyenne, Saintonge, Périgord et Bazas ; le second, dans les sénéchaussées de Limousin, Quercy et Rouergue ; le troisième dans les sénéchaussées d’Agen, Condom, Landes, Armagnac et Comminge ; chacun d’eux eut un lieutenant, un greffier et vingt archers.

Ces officiers, qui avaient les mêmes attributions que les prévôts des maréchaux, furent appelés vice-sénéchaux, parce qu’ils représentaient ces magistrats (sénéchaux), dans l’une de leurs principales fonctions, celle qui, dans l’ordre militaire, consistait à empêcher les violences et les désordres des gens de guerre.

Les années suivantes, Charles IX créa, dans diverses provinces, de nouveaux vice-baillis et vice-sénéchaux qui ne différaient des prévôts des maréchaux qu’en ce que leur juridiction se trouvait bornée, parfois, par le ressort même du bailliage et de la sénéchaussée, tandis que celle du prévôt s’étendait sur toute la province ; ce n’était qu’un même office sous des noms différents, suivant les régions, et les ordonnances s’appliquèrent, indistinctement aux prévôts des maréchaux, vice-baillis et vice-sénéchaux(56) ; aussi, dans la correspondance officielle, le terme de prévôts s’appliquait-il fréquemment aux vice-baillis et aux vice-sénéchaux.

Le titre de vice-bailli ou de vice-sénéchal était plus relevé que celui de prévôt provincial ; en outre, s’il ne changeait rien à la chose, il donnait néanmoins satisfaction aux populations qui, lorsqu’elles avaient à se plaindre d’un prévôt, préféraient avoir à sa place un justicier aux apparences moins militaires.

Comme les lieutenants criminels de robe courte des provinces, les vice-baillis et les vice-sénéchaux disparurent avec la réorganisation de 1720 dans laquelle les chefs de la maréchaussée eurent uniformément le titre de prévôt.

Chaque prévôt des maréchaux, vice-bailli ou vice-sénéchal avait un ou plusieurs lieutenants. Nous avons vu que les prévôts devaient exercer eux-mêmes leur office et qu’il leur avait été interdit de commettre leurs lieutenants(57) ; cependant, Imbert constatait, en 1616, que les prévôts faisaient « tous les jours le contraire »(58) ; en réalité, selon Montarlot, les lieutenants ne pouvaient rien en présence de leurs prévôts ; mais, en leur absence, ils avaient « en l’exercice de la justice le même pouvoir et juridiction et, en la police et la discipline de la compagnie, même autorité et commandement que lesdits prévôts, excepté toutefois l’institution et destitution des archers, laquelle appartenait aux prévôts seuls ». De là vint que la plupart des lieutenants qui ne résidaient pas dans la même ville que leur prévôt prirent parfois, indûment, le titre de prévôt(59).

Si, un procès étant commencé par le lieutenant, le prévôt survenait, ce dernier pouvait, s’il le désirait, achever l’instruction ; il pouvait, de même, faire juger les procès instruits par le lieutenant ; tous les actes du lieutenant devaient être intitulés au nom du prévôt.

L’édit de Roussillon voulait qu’il ne fût pourvu aux offices de lieutenant que par commission ; mais l’édit d’octobre 1595 sur la survivance s’appliqua à tous les officiers de maréchaussée, aux lieutenants comme aux prévôts eux-mêmes. Le lieutenant devait obéissance au prévôt ; il était tenu d’exécuter tout ce qu’il lui commandait pour le service : apporter au greffe tous les procès-verbaux de ses chevauchées particulières, assister aux chevauchées générales et faire ses revues en présence du prévôt.

Si un archer commettait une faute envers le lieutenant, l’officier se bornait à en dresser procès-verbal et à l’adresser, pour sanction, au prévôt ou, en cas d’absence de ce dernier, au siège de la connétablie. Il fut jugé par le parlement de Paris, le 28 novembre 1606 que, si un archer ne résidait pas au lieu de sa charge, le lieutenant n’avait pas le droit de le casser pour ce motif(60). La subordination hiérarchique et le pouvoir disciplinaire de grade à grade, qui accentuèrent si heureusement le caractère militaire de la maréchaussée, ne furent introduits dans l’arme que par l’ordonnance du 28 avril 1778, titre II.

Henri IV créa des exempts, sous-officiers qu’il adjoignit aux officiers de maréchaussée. Un exempt fut créé, en août 1603, dans la compagnie du prévôt de l’Île, et une création semblable eut lieu, en 1606, dans la compagnie de Normandie.

Ces mesures furent généralisées par l’édit de février 1612, qui créa un exempt dans chaque compagnie de maréchaussée dans toute l’étendue du royaume. L’édit constatait que les prévôts, pour tenir la campagne libre, en présence des crimes qui se multipliaient de toutes parts, étaient obligés de diviser leurs compagnies en diverses bandes ; qu’eux-mêmes ne pouvaient se trouver partout où leur présence eût été nécessaire pour assurer la punition des coupables ; qu’en présence des plaintes qui survenaient, il fallait envoyer des archers de part et d’autre, et que ces derniers, n’étant pas commandés, laissaient échapper les malfaiteurs.

Les exempts eurent le droit de commander aux archers, de les conduire pour les captures et, à partir de 1720, de procéder aux informations. Cette institution, qui subsista jusqu’en 1778, facilita l’exécution du service et le commandement des chevauchées.

Les archers, successeurs des sergents des maréchaux, étaient des soldats placés sous le commandement des prévôts pour assurer le maintien de l’ordre public ; nous verrons qu’ils étaient tenus de procéder aux captures en cas de flagrant délit de grands crimes(61), tels que vols, meurtres, etc.(62), de mettre à exécution les mandats de justice(63), et qu’ils eurent parfois le droit d’informer.

Les archers avaient le pouvoir d’exploiter dans l’étendue des bailliages, sénéchaussées et maréchaussées de leur ressort(64) ; mais il leur était défendu d’exploiter sans provision(65). Les archers pouvaient être employés à un service d’escorte d’honneur. C’est ainsi que, dans les assemblées où les huissiers du présidial de Bourg-en-Bresse devaient assister, les archers du prévôt marchaient avant lesdits huissiers ; lors des séances prévôtales, deux des archers portant la bandolière et leurs armes, allaient prendre celui qui devait présider, dans sa maison, et l’y ramenaient(66).

Comme les gendarmes, les archers de la maréchaussée étaient montés.

Le titre d’archer provenait de l’ancienne manière de s’armer. Au XVIe siècle, en effet, l’arc et la flèche n’avaient pas encore été complètement remplacés par l’arbalète, et l’on voyait combattre côte à côte, des archers, des arbalétriers, des coulevriniers et des arquebusiers ; dans la suite, le titre d’archer continua à être maintenu aux soldats de la maréchaussée comme aux milices locales ou à des troupes qui n’avaient plus, cependant, comme armes, que des arquebuses, des piques ou des fusils. Le titre de cavalier de la maréchaussée fut substitué à celui d’archer, à partir de 1720, dans la correspondance officielle, même dans les ordonnances royales(67), et, définitivement, dans l’ordonnance du 19 avril 1760.

La gendarmerie, dont faisait partie la maréchaussée, comprenait, au XVIe siècle, des hommes d’armes et des archers. L’habillement de ces derniers manquait d’uniformité. Le règlement du 12 février 1533 (article 1) nous montre des archers portant une casaque ayant une manche de livrée du capitaine et une bourguignotte, casque léger muni d’une visière, d’un couvre-nuque et protégeant les oreilles ; d’autres archers portaient un hoqueton, casaque spéciale de la livrée de leur capitaine, et une salade, casque ayant un couvre-nuque, une visière et une mentonnière, dit bavière.

L’armure des archers était plus légère que celle des hommes d’armes ; aux termes du règlement du 12 novembre 1549 (article 23), l’archer portait une bourguignotte, une cuirasse avec avant-bras et cuissots, et une lance. Les archers avaient aussi un saye, vêtement qui s’attachait au bas de la cuirasse, couvrait la cuisse et soutenait l’épée.

Dans un but d’économie, le règlement du 12 novembre 1549 (article 9) recommanda la simplicité dans l’habillement ; il interdit toute passementerie inutile et ne toléra « qu’un bord ou bande de velours ou autre soie autour des dites saies ou hoquetons, lesquels seront seulement de drap simple ».

Au XVIIe siècle, la cuirasse disparut ; les archers de la maréchaussée portaient une casaque bleue (ou cramoisie), un plumet bleu et une bandoulière (baudrier) jaune.

Les archers des prévôts généraux portaient le hoqueton brodé ; par extension, le mot hoqueton servit à désigner les archers de la grande prévôté.

Le 30 avril 1626, lors de l’entrée à Bourges du duc d’Enghien (qui devint, plus tard, le Grand Condé), le jeune duc fut escorté « par le prévôt provincial, assisté de ses officiers et de trente archers avec leurs casaques de velours cramoisi, leurs épées soutenues par une main brodée en or et soye »(68).

Lorsque les archers allaient et venaient pour l’exercice de leurs charges, ils portaient leurs casaques(69) ; toutefois, la déclaration du 20 août 1559 autorisait les déguisements : elle permettait aux archers d’aller « sans soye quand il était question de la laisser pour secrètement faire quelque exploit ».

L’interdiction des déguisements ne fut formellement prononcée qu’au XIXe siècle ; le gendarme, non revêtu de son uniforme, ne peut être considéré comme étant dans l’exercice de ses fonctions.

Les ordonnances sur la défense du port d’armes ne s’appliquaient pas à la maréchaussée(70) ; mais ce privilège ne n’étendit pas toujours au port des armes à feu. Le droit de porter des arquebuses et des pistolets fut accordé à la maréchaussée par la déclaration du 20 août 1559, refusé par celle du 21 octobre 1561, qui n’autorisait que les corselets, jaques de mailles, javelines, hallebardes, épées et dagues(71), refusé encore par les lettres patentes du 12 février 1566 et accordé de nouveau le 4 août 1598 et le 14 août 1603.

Dès lors, à l’exception des pistolets de poche, dont l’interdiction générale fut prononcée le 12 septembre 1609, la maréchaussée eut le droit de porter les armes qui lui étaient nécessaires pour l’exécution de son service. Les archers étaient armés, au XVIIe siècle, de mousquetons et de baïonnettes. L’arrêt du Conseil du 6 mai 1608 n’autorisait les archers du vice-sénéchal d’Armagnac à porter des armes à feu que lorsqu’il s’agissait de procéder à une arrestation ; mais cette restriction ne fut pas généralisée. La déclaration du 18 décembre 1660 et l’édit de décembre 1666 confirmèrent l’autorisation donnée aux officiers et archers de la maréchaussée, de porter des armes à feu.

Dès l’origine, les prévôts eurent le droit de choisir leurs archers ; mais lorsque, après la création de lieutenants criminels de robe courte, il devint nécessaire de rétablir certains prévôts provinciaux, le roi crut devoir se réserver la provision des archers à la nomination des prévôts. Il en résulta que certains archers, qui avaient acheté leurs places, refusaient d’obéir aux prévôts, ne faisaient pas leur service, restaient même démontés, et que les vols et les meurtres se multipliaient.

Afin de contenir les archers dans le respect et l’obéissance qu’ils devaient à leurs chefs, l’édit de février 1559 rendit aux prévôts le droit de pourvoir aux places d’archers et leur prescrivit de n’appeler à ces emplois que des personnes capables ; le roi se réservait de pourvoir uniquement aux places de lieutenants et de greffiers.

La déclaration du 15 janvier 1573 défendit aux prévôts, à peine de privation de leurs gages et d’amende arbitraire, de vendre, directement ou indirectement, les places d’archers et leur ordonna de ne les confier qu’à de bons soldats qu’ils pouvaient casser en cas de désobéissance ; un arrêt du 19 décembre de la même année 1573 précisa que les prévôts ne pouvaient destituer les archers sans cause raisonnable ni sans produire la preuve de leurs abus ou malversations ; il ne fallait pas, en effet, que le public pût croire, à tort, que la destitution avait pour fondement quelque cause infamante ; l’appel de ces destitutions était porté devant la connétablie, à la Table de marbre(72).

L’ordonnance de Blois de mai 1579 (article 188) veilla encore au bon recrutement des archers ; elle ordonna aux prévôts, vice-baillis et vice-sénéchaux de n’en prendre aucun qui ne fût domicilié et leur interdit de les choisir parmi leurs domestiques ; cependant, des lettres patentes du 15 mai 1586 autorisèrent le prévôt de Montfort à avoir deux archers domestiques pour sa sécurité et la rapidité des opérations(73). Les baillis et sénéchaux durent s’informer des qualités, vie et mœurs de ceux que les prévôts voulaient commettre aux places d’archers ; c’est l’origine du certificat de bonnes vie et mœurs que les candidats à un emploi de gendarme doivent réclamer, aujourd’hui, au maire de leur commune. La même ordonnance renouvelait la défense faite aux prévôts de destituer les archers sans cause légitime, et sous peine de mort, celle de vendre les états de leurs archers ; elle obligea aussi les futurs archers à se libérer de leurs dettes sous serment, avant d’être reçus à l’exercice de leurs charges.

Toutes ces précautions témoignent de l’existence d’abus et de malversations ; en présence du pouvoir redoutable qui était confié à la maréchaussée, la nécessité d’une intégrité absolue chez tous les membres de ce corps se faisait vivement sentir ; on constatait déjà que le recrutement de cette arme spéciale devait être l’objet des plus grands soins. « C’est bien raison, disait Guy Coquille, que le prévôt, qui est chef et capitaine de cette compagnie en laquelle sont les archers, choisissent ceux desquels il voudra s’aider en ses entreprises, lesquelles désirent la valeur et la prud’homie afin de faire les captures vaillamment et tenir secrètes les entreprises »(74).

Certains archers remplissaient, en même temps, l’office de sergent royal et il en résultait des inconvénients. Quand il fallait monter à cheval, l’archer apportait une exemption du juge ordinaire ; un arrêt du Parlement du 23 janvier 1623 mit fin à cet abus, en proclamant l’incompatibilité des deux offices d’archer et de sergent royal.

Les archers étaient tenus, de même que les exempts, de prendre des lettres du grand sceau, sur la nomination de leur chef(75).

Comme leurs officiers, les archers jouissaient de l’exemption « de toutes tailles (en général jusqu’à 5 livres ou 100 sols), subsides, impôts et octrois »(76).

Les arrêts du Conseil d’État des 23 décembre 1625, 21 mars 1626, et la déclaration du 26 mars 1626 accordèrent aux exempts et archers de la maréchaussée le droit de survivance de leurs charges : ils eurent le droit de les résigner, pour une fois seulement ; s’ils venaient à décéder sans avoir fait la résignation, leurs charges ne pouvaient être considérées comme vacantes et leurs veuves ou héritiers pouvaient en disposer ; nous savons que le même droit avait été accordé aux prévôts et à leurs lieutenants en 1595. Des lettres de vétérance étaient accordées aux archers après vingt ans de service (14 mai 1627).

Comme les prévôts, les archers avaient des gages insaisissables ; ceux de la maréchaussée provinciale recevaient 6 sols, 8 deniers par jour, soit, environ, 125 livres par an, « dont à grande difficulté ils pouvaient vivre », dit la déclaration du 27 juillet 1548 ; quant à la solde des archers de la suite des maréchaux, elle fut portée de 120 à 200 livres par l’ordonnance du 12 novembre 1549. L’absence ou l’insuffisance des gages des archers des anciennes maréchaussées suscitèrent les mêmes critiques que l’irrégularité de la solde des prévôts.

Il était enjoint aux archers d’obéir au commandement des prévôts ; les différends qui pouvaient survenir entre eux relevaient de la connétablie (articles fondamentaux) et il était défendu aux juges ordinaires d’en connaître (arrêt du Parlement du 4 mars 1625).

L’ordonnance de janvier 1629 (code Michau) voulut, à son tour, que les archers ne pussent être destitués, qu’en connaissance de cause et qu’ils eussent le droit de faire appel devant la connétablie (article 185)(77) ; elle renouvela aussi la défense de vendre les places d’archers et l’obligation de les donner gratuitement à des personnes capables (article 192).

L’édit de février 1640, qui créa des conseillers premiers assesseurs créa aussi, en chaque maréchaussée, un premier archer qualifié pour commander aux autres archers en l’absence des prévôts, lieutenants et exempts.

Si les archers devaient obéissance aux prévôts, ces derniers étaient tenus, en conséquence, des fautes que les archers pouvaient commettre en leur présence ou en leur absence illégitime, « parce que nous sommes responsables, a dit de Ferrière, de ce que font ceux qui sont sous notre dépendance et à qui nous sommes en droit de commander ». Voir, en ce sens, un arrêt de la Tournelle, du 12 juillet 1555.

Chaque siège de maréchaussée avait trois officiers de robe : un procureur, un assesseur, un greffier. Ces officiers jouissaient des exemptions et privilèges, sauf de l’exonération de la taille(78).

À l’origine, les prévôts des maréchaux faisaient leurs procès sans formalités et n’étaient pas tenus d’appeler un procureur pour requérir et conclure ; ils substituaient, à cet effet, des personnes non qualifiées qui n’apportaient pas tout le soin nécessaire aux poursuites ; d’autre part, les procureurs des bailliages, qui étaient tenus de résider dans les villes de leur établissement, ne pouvaient assister les prévôts dans leurs chevauchées, de sorte que beaucoup de crimes demeuraient impunis.

Afin que la répression pût s’exercer avec plus d’exactitude et de diligence, un édit de mai 1581 créa un procureur du roi en chaque juridiction des prévôts des maréchaux, lieutenants criminels de robe courte, vice-baillis et vice-sénéchaux. Le procureur assistait à la tournée que le prévôt faisait en son ressort de trois mois en trois mois, mais il était dispensé de se rendre aux revues. Au cours des chevauchées et en toutes circonstances, il pouvait requérir tout ce que bon lui semblait pour le bien de la justice.

Cette institution pouvant faire naître des conflits entre les procureurs du roi ordinaires et les nouveaux, un édit, du mois d’août de la même année 1581, se proposa d’éviter les disputes ; à cet effet, il supprima les offices de procureurs nouvellement créés et donna aux procureurs des sièges ordinaires où il y avait des prévôts en chef, la faculté de réunir lesdits offices au leur, avec pouvoir de se faire remplacer par une personne de probité et qualité requises pour assister aux chevauchées.

Comme il était nécessaire de fournir au procureur du roi le moyen de monter à cheval, un archer fut supprimé dans chaque compagnie de prévôt des maréchaux, vice-bailli ou vice-sénéchal, et ses gages furent attribués au procureur.

Montarlot nous apprend que le résultat le plus clair de cette réforme fut la suppression d’un archer en chaque siège prévôtal, sans que les procureurs fissent plus de diligence pour monter à cheval ; il ajoute que, toutes les fois qu’un conflit de juridiction survenait entre le prévôt et la justice ordinaire, le procureur, qui était pourvu de son office à la fois pour le siège ordinaire et le siège prévôtal, opinait toujours pour la justice ordinaire ; de la sorte, le procès était jugé au lieu de sa résidence, et il n’était pas tenu de se rendre à la campagne, ce qui eût été nécessaire si le prévôt avait été reconnu compétent ; de là, une infinité de procès que les prévôts étaient dans l’obligation d’intenter pour faire valoir leurs droits, ce qui les détournait du service auquel ils étaient destinés.

« Les prévôts des maréchaux, disait du Chalard, devraient être lettrés, de bonne vie et bien experts en pratique et non ignorants du droit, ce qui arrive quelquefois »(79) ; ne possédant pas toujours la science juridique requise, ils avaient besoin du secours d’un homme de loi et étaient tenus d’appeler avec eux, pour l’instruction des procès comme pour les interrogatoires, récolements et confrontations des témoins, des officiers royaux du siège le plus voisin ou des conseillers du siège présidial(80).

Henri IV estima que la présence constante d’un gradué dans chaque siège prévôtal était nécessaire au fonctionnement rapide de la justice. Par son édit de décembre 1594, le roi créa un conseiller assesseur en chaque juridiction des prévôts des maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte, pour remplacer l’officier de justice du siège le plus voisin, lequel était souvent éloigné ou refusait de se présenter, faute de gages, ce qui obligeait le prévôt à le payer de ses deniers.

Les assesseurs étaient reçus au siège de la connétablie(81) ; ils étaient responsables de leurs charges devant ce tribunal(82), et ils jouissaient des exemptions et privilèges. L’assesseur suivait les chevauchées, assistait aux informations et avait voix délibérative à la cour prévôtale ; en cas d’absence du prévôt et de ses lieutenants, il pouvait lui-même, avec un conseil, informer et décréter contre les accusés ; si, par contre, la charge d’assesseur était vacante, le prévôt faisait appel à un officier du siège royal le plus voisin(83).

Les premières charges d’assesseurs furent, presque toutes, possédées par d’anciens conseillers des sièges présidiaux, ce qui était très utile au bien de la justice et du public ; dans la suite, elles passèrent à des personnes à la dévotion des prévôts qui en portaient le prix à des sommes excessives. Pour éviter cet abus, l’édit de février 1640 créa un conseiller premier assesseur en chaque juridiction prévôtale et unit cette charge à un office de conseiller de bailliage, siège présidial ou autre juridiction royale.

On doit admettre que l’édit de 1640 ne dut recevoir qu’une application très limitée et qu’il ne se trouva guère de conseillers qui consentissent à faire la dépense de monter à cheval pour suivre les prévôts et faire des instructions à la campagne. En effet, lors de la discussion de l’ordonnance criminelle de 1670, Talon constata l’existence d’assesseurs dont les fonctions n’étaient pas réunies à celles des conseillers de sièges royaux, et dont il proposa, d’ailleurs, la suppression : « Ces charges, dit-il, sont possédées par des personnes qui n’ont, ni suffisance ni probité, et qui, étant entièrement dévouées aux prévôts, bien loin de veiller sur leurs actions, partagent la proie avec eux et commettent souvent plusieurs malversations de leur chef »(84). Talon proposa que les gages que l’on aurait donnés aux assesseurs servissent à payer les frais de voyage des conseillers qui assisteraient les prévôts dans leurs instructions. Mais l’ordonnance maintint les assesseurs, et ces officiers de robe, qui ne suscitèrent plus de critiques, existèrent, dans chaque siège de maréchaussée, jusqu’à la Révolution.

Les greffiers, chargés de faire des grosses des informations et autres procédures, étaient, à l’origine, à la disposition de leurs chefs, comme les archers, et mal recrutés. Des abus s’étant produits, la déclaration de Fontainebleau, du 5 février 1549, défendit aux prévôts de prendre des greffiers à leur discrétion ; il fut désormais pourvu à cet office par les soins du roi.

Certains lieutenants, qui ne résidaient pas dans la même ville que le prévôt, avaient un greffier en chef ; d’autres n’avaient que des commis nommés par le greffier du prévôt.

Le prévôt était tenu de faire donner tous les ans par son greffier, au receveur des domaines du lieu, le rôle de toutes les amendes et confiscations qu’il avait adjugées au roi, afin que le fisc ne fût pas privé de ses droits(85).

Le greffier était chargé de porter les procédures prévôtales au greffe du siège présidial ou royal où le procès devait être instruit et jugé, et il tenait un registre des jugements rendus par la cour prévôtale(86). Il existait, en outre, un registre où le prévôt faisait inscrire les dénonciations qui lui étaient faites, et dont il faisait remettre un extrait, tous les trois mois et toutes les fois qu’il en était requis, au procureur général du Parlement(87).

L’arrêt du Parlement du 12 décembre 1609 défendit aux greffiers d’informer seuls, sans les prévôts, lieutenants ou autres officiers ; cependant, l’arrêt du Grand Conseil du 30 septembre 1645 permettait au prévôt de Soissons de délivrer une commission à son greffier pour informer en son absence.

Lors de la discussion de l’ordonnance de 1670, les greffiers des maréchaussées n’échappèrent pas aux critiques de Talon, qui se plaignit de la facilité avec laquelle on altérait ou supprimait les minutes des informations. Il convient d’ajouter, d’ailleurs, « que le faux, dans toutes ses manifestations, fut pratiqué d’une manière courante au XVIIe siècle »(88).

À l’origine, les prévôts faisaient leurs montres (revues), en province, devant les baillis, sénéchaux ou juges présidiaux et, à Paris, devant les officiers de la Connétablie(89) ; mais, le roi ayant appris que les officiers de maréchaussée ne disposaient pas du nombre d’archers qui leur avait été prescrit lors de leur établissement ; que ceux qui existaient n’avaient souvent aucune expérience du métier militaire et n’étaient ni armés, ni montés, comme le prescrivaient les ordonnances, décida de faire passer périodiquement en revue les compagnies de maréchaussée pour vérifier tous ces points. Il créa, à cet effet, par un édit de mars 1587, trente commissaires et trente contrôleurs auxquels s’ajoutèrent, en juillet 1619, vingt commissaires et dix-neuf contrôleurs nouveaux, en leur attribuant des gages et les mêmes exemptions et privilèges dont jouissaient les commissaires et contrôleurs ordinaires des guerres. Ils n’étaient pas exempts de la taille(90). Les prévôts et les commissaires convenaient ensemble du jour des revues, qui avaient lieu tantôt tous les trois mois, tantôt tous les six mois.

Les commissaires procédaient à l’information de vie et mœurs de ceux qui sollicitaient une place d’archer et recevaient leur serment ; ils n’avaient pas qualité pour destituer les archers, mais ils pouvaient faire casser par les prévôts ceux qui ne remplissaient pas les qualités requises. Ils avaient le droit de faire réparer les grands chemins, pour que les cavaliers de la maréchaussée pussent y passer.

Certains commissaires voulurent exiger que les prévôts leur prêtassent serment, disant qu’ils avaient été créés à l’instar des commissaires des guerres, auxquels tous les capitaines et seigneurs, de quelque condition qu’ils fussent, étaient tenus de prêter serment lors des revues ; les prévôts objectèrent qu’ils étaient à la fois capitaines et juges, et qu’en cette dernière qualité, ils avaient déjà prêté serment à la connétablie. Le Conseil d’État dut intervenir à diverses reprises pour régler ces différends(91).

Il existait, à Paris, une cour des monnaies créée par un édit de janvier 1551 ; une deuxième cour des monnaies, établie à Lyon par un édit de juin 1704, fut supprimée en août 1771(92).

Auprès des hôtels des monnaies répartis dans les provinces, servaient des prévôts, préposés à leur garde, chargés d’arrêter les faux-monnayeurs, et nommés prévôts des monnaies. Après des alternatives de créations et de suppressions en 1548, 1555, 1577, 1581(93), ce service fut centralisé par la création à Paris, en 1635, à titre d’office formé et héréditaire, d’un prévôt général des monnaies dont l’action s’étendait sur tout le royaume. Cet officier avait sous ses ordres une compagnie composée d’un lieutenant, trois exempts, un greffier, quarante archers et un archer trompette(94).

L’édit de 1704, qui institua à Lyon une cour des monnaies, supprima le lieutenant du prévôt général des monnaies, l’exempt et les huit archers qui étaient établis dans les départements du Lyonnais et institua, pour la généralité de Lyon, Forez et Beaujolais, un prévôt général des monnaies avec un lieutenant, un assesseur, un procureur, quatre exempts, un greffier, trente archers et un archer-trompette.

L’édit de mars 1720, qui réorganisa la maréchaussée, ne laissa subsister que la compagnie du prévôt des monnaies de Paris ; cette compagnie fut supprimée à son tour, par la loi du 16 février 1791, et son personnel fut incorporé dans la Gendarmerie nationale. Bazard fut le dernier prévôt général des monnaies.

À l’origine, les prévôts des monnaies visitaient chaque mois « tous les orfèvres, joyautiers, changeurs, départeurs, affineurs et autres officiers des monnaies »(95). Plus tard, le prévôt général des monnaies fut chargé « d’arrêter les faux-monnayeurs et, en général, de poursuivre tous les délits relatifs aux monnaies, d’exécuter les arrêts de la cour des monnaies et de prêter main-forte aux députés de cette cour dans Paris et hors Paris. Il instruisait sommairement les procès de fausse monnaie ; mais le jugement en était déféré à la cour des monnaies. Le prévôt des monnaies assistait au jugement, mais sans voix délibérative ; il prenait rang et séance après le dernier conseiller et se bornait à rendre compte de ses procédures »(96).

Cependant, les prévôts généraux et provinciaux des monnaies rendirent des jugements contre les faux-monnayeurs, avec appel devant la cour des monnaies et, lorsque la fabrication ou l’exposition de fausse-monnaie furent comprises expressément par les cas prévôtaux de leur nature(97), les prévôts des monnaies purent juger ces crimes en dernier ressort(98).

Par deux édits de mai et octobre 1631, Louis XIV attribua aux prévôts des maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte, la qualité de chevaliers du guet et à leurs lieutenants, exempts et archers, celle de lieutenants et archers du guet, avec le pouvoir de faire le guet et la patrouille de jour et de nuit dans les villes de leur ressort.

Les charges de prévôt des maréchaux et chevalier du guet pouvaient être remplies conjointement ou séparément, au choix des intéressés, de sorte que si, parfois, la maréchaussée, indépendamment de ses fonctions normales de surveillance des routes et des campagnes, avait la charge de faire le guet dans les villes, ce dernier service pouvait aussi être assuré par un personnel spécial.

Le 1er décembre de la même année 1631, furent créés cinquante offices d’exempts et trois cents archers des « prévôts des maréchaux et chevaliers du guet », qui furent distribués dans les principales villes du royaume. Les exempts, aux gages de 200 livres, portaient le bâton et commandaient aux archers ; les archers recevaient 100 livres de gages et avaient le droit d’exploiter dans tout le royaume, comme les sergents à cheval du Châtelet.

Mais, pour permettre à la maréchaussée de se consacrer entièrement à ses chevauchées dans les campagnes, un édit de mai 1633 créa deux cents chevaliers, autant de lieutenants, cent cinquante exempts et trois cents archers du guet, pour être distribués dans les villes où il n’y en avait point.

L’édit de création exemptait des tailles les chevaliers et les lieutenants, et leur accordait la qualité d’écuyer. Les autres officiers et les archers ne jouissaient d’aucune exemption, ce qui fut confirmé par une déclaration de mai 1667(99).

Afin de soulager le peuple qui les avait à sa charge, un édit d’août 1669 supprima les offices de chevaliers, lieutenants, exempts et archers du guet créés en 1631 et 1633 ; cependant, un chevalier du guet fut rétabli, dans la suite, dans diverses villes, et il en existait, au siècle suivant, à Sens, Orléans, Clermont, Rouen(100), Lyon, Valence, Beaucaire et Nîmes(101).

Le service provincial du guet, dont nous venons de parler et sur lequel nous reviendrons, avait été créé à l’instar du guet de Paris, dont nous avons esquissé l’historique. À Paris, la compagnie du guet, unie à la garde de Paris sous le commandement de Rulhière, lieutenant de cavalerie, fut dissoute en 1790.

Au commencement du règne de François Ier, il n’y avait guère de province qui n’eût son prévôt, et ce prince augmenta progressivement le nombre des compagnies de maréchaussée ; mais l’effectif de cette troupe fut affecté sans cesse par des créations ou des suppressions dues à des causes diverses, et il est bien difficile de suivre ses variations avec exactitude(102).

L’édit de novembre 1554 réduisit à douze le nombre de compagnies de maréchaussée provinciale et créa, par contre, quarante-huit offices de lieutenant criminel de robe courte ; mais nous savons que, malgré cet édit et malgré celui de mars 1555, qui créa un lieutenant criminel de robe courte dans chaque siège royal, les prévôts provinciaux furent rétablis ; nous savons aussi qu’à partir de 1563 furent institués des vice-baillis et des vice-sénéchaux.

En 1613, il existait sept prévôts généraux avec douze lieutenants, trente et un prévôts provinciaux avec soixante et un lieutenants et vingt-huit vice-baillis ou vice-sénéchaux avec vingt-six lieutenants. À cet effectif de soixante-six compagnies, donné par Montarlot, il y a lieu d’ajouter, notamment, la maréchaussée de Bretagne, les prévôts particuliers de Bourgogne, les prévôts diocésains que certaines assemblées locales créaient ou supprimaient au gré des circonstances, ainsi que les lieutenants criminels de robe courte.

Dans la suite, beaucoup de petites maréchaussées, dont le nombre s’était accru, furent supprimées, afin de mieux payer celles qui restaient (1670) ; vers la fin du XVIIe siècle (1697), il existait, en province, trente-deux prévôts généraux avec vingt-sept lieutenants, quatre-vingts prévôts provinciaux ou particuliers avec trente lieutenants, quatre-vingt-douze lieutenants criminels de robe courte et trente et un vice-baillis ou vice-sénéchaux, soit, au total, trois cents officiers de maréchaussée environ, non compris les officiers de robe et les chevaliers du guet (Saugrain).

L’effectif des compagnies était très variable. Tel prévôt général avait vingt-cinq archers, tel autre trente ; tel prévôt provincial, tel lieutenant criminel de robe courte en avaient seulement cinq ou six, tel autre douze. Louis XIV se proposa, en 1670, de ne composer les compagnies de maréchaussée, après en avoir réduit le nombre, que de cinquante archers et cette réforme reçut un commencement d’exécution ; mais ce ne fut qu’en 1720 que la constitution des compagnies de maréchaussée et l’effectif des postes furent fixés suivant des règles uniformes dans tout le royaume. On le verra plus loin.

Déjà l’ordonnance de 1514 avait astreint les prévôts à résider avec les troupes dont ils avaient la surveillance ; dans la suite, il fut enjoint très expressément aux prévôts de faire résidence dans les provinces, et il leur fut défendu de s’en absenter sans une permission du roi, du connétable ou des maréchaux de France(103).

Les prévôts furent tenus de résider, en dehors de leurs chevauchées, au lieu de leur établissement(104), sous peine de privation de leurs gages et de leurs privilèges(105). On voulait que les prévôts eussent un domicile certain, où ceux qui avaient besoin d’eux pussent s’adresser(106) ; cependant, les prévôts généraux pouvaient résider dans la ville de leur choix(107). Il était enjoint, de même, aux greffiers, de résider au lieu de leur établissement, afin que ceux qui avaient besoin d’eux pussent les y trouver, eux ou leurs commis(108).

Pour la commodité des habitants, le personnel prévôtal se trouvait en général dispersé, le prévôt habitant en un lieu, le lieutenant dans un autre(109), l’assesseur dans un troisième ; cet état de choses présentait des inconvénients ; n’ayant pas toujours les archers à leur disposition, les officiers pouvaient être amenés à commettre à leur place des gens peu recommandables(110) ; aussi fut-il précisé que les officiers et archers seraient tenus de résider dans la ville du lieu de l’établissement de leur compagnie ; aucune permission de résider à la campagne ne pouvait être donnée ni obtenue, sous peine de révocation(111).

Le groupement du personnel dans la résidence du prévôt facilitait l’emploi de la maréchaussée dans les émotions populaires ; mais il rendait difficile l’exploration des parties éloignées de la circonscription ; à partir de 1720, il parut avantageux, afin de mieux assurer la surveillance, de diviser le personnel de chaque compagnie en brigades réparties sur le territoire ; c’est le système encore en vigueur.

Les officiers et les archers avaient, dit la déclaration du 27 juillet 1548, « quelques petites maisons et domiciles » ; la maréchaussée fut ainsi logée, au cours des XVIe et XVIIe siècles, dans des maisons particulières louées par le personnel ou lui appartenant ; le logement en caserne et les écuries communes ne firent leur apparition qu’au XVIIIe siècle.

Rapports de la maréchaussée avec les autorités

Les prévôts subsidiaires, payés par le peuple, qui devaient des chevauchées ordinaires et continuelles par tous les lieux de leur ressort, se trouvant, à l’origine, sans chefs d’aucune sorte, éprouvèrent des difficultés et commirent des négligences dans le service.

Pour remédier à cette situation, le roi François Ier, reprenant un usage antérieur, divisa les provinces frontières en trois départements militaires et commit le Gouvernement des gens de guerre aux trois maréchaux de France (prince de Melphe, seigneur de Sedan, seigneur de Saint-André), sous leur responsabilité. Cela fut réglé par la déclaration du 26 juin 1547 : « Voulons et nous plaît qu’outre leurs prévôts et archers ordinaires et qui leur sont par nous soudoyés, les subsidiaires, payés et stipendiés par notre peuple et établis ès-élections des provinces, étant de leur département, leur répondent, obéissent et entendent diligemment, ensemble leurs lieutenants et archers, en tout ce qui leur sera commandé et ordonné par celui de nos dits maréchaux du département duquel ils seront ». On peut voir, dans cette ordonnance, l’origine de la subordination de la gendarmerie au commandement territorial.

Tant que subsista l’Ancien Régime, la maréchaussée resta placée sous l’autorité des maréchaux de France, dont le siège central était à la connétablie ; elle fut tenue d’exécuter les ordres des lieutenants des maréchaux juges du point d’honneur.

Nous savons déjà que les prévôts des maréchaux, tant généraux que particuliers, les vice-baillis, vice-sénéchaux et leurs lieutenants devaient, ainsi que les procureurs du roi, assesseurs et greffiers, être reçus en la connétablie, après information de vie et mœurs. Il en était de même des lieutenants criminels de robe courte, des chevaliers du guet, des commissaires et contrôleurs aux montres et des trésoriers receveurs et payeurs (article 10 des actes fondamentaux).

Le tribunal de la connétablie connaissait, « privativement aux autres juges », des fautes, abus et malversations des prévôts et autres officiers de maréchaussée(112), « car il est naturel, a dit Pothier, que les officiers inférieurs répondent, devant leurs supérieurs, de ce qui concerne les fonctions de leurs offices ». Ce tribunal connaissait encore des excès et rébellions faits à la maréchaussée, des règlements qui survenaient entre les prévôts pour leurs états, des procès qui survenaient entre eux en raison de leurs fonctions(113), des provisions, nominations, destitutions ou suspensions des archers(114) ; des taxes, des salaires et vacations des prévôts, des montres, de la police et de la discipline des compagnies (article 11 des actes fondamentaux et ordonnance des maréchaux de France du 4 juin 1666)(115).

La connétablie connaissait aussi des lettres d’entérinement, des lettres d’abolition, de rémission ou de pardon obtenues par les officiers et archers des maréchaussées pour crimes par eux commis en quelque lieu que ce fût du royaume en remplissant les fonctions de leurs charges (article 12 des actes fondamentaux). L’appel des sentences de la connétablie était porté au Parlement.

Comme les prévôts des maréchaux étaient juges eux-mêmes, en dernier ressort, pour les cas prévôtaux, il s’éleva quelquefois des conflits entre eux et la connétablie. Aussi, par l’ordonnance du 4 juin 1666, les maréchaux de France défendirent aux prévôts, ainsi qu’à leurs officiers et archers, toute distraction de la juridiction de la connétablie, directement ou indirectement, pour tout ce qui pouvait concerner la police de la maréchaussée.

Les prévôts provinciaux ou leurs lieutenants furent tenus de faire des procès-verbaux de leurs chevauchées et de les adresser de trois mois en trois mois à la connétablie, avec les certificats des juges royaux, ordinaires, baillis ou sénéchaux(116). L’ordonnance de Moulins (février 1566) obligea simplement les prévôts à tenir les procès-verbaux du service exécuté à la disposition de la justice, quand ils en seraient requis (article 43).

Et quant aux prévôts des maréchaux, chargés de suivre les compagnies des gens de guerre à cheval et à pied, ils furent astreints, par l’ordonnance d’Orléans (1560), à apporter les procès-verbaux trimestriels de leurs diligences du Conseil privé du roi, sans avoir droit à une taxe pour le voyage (article 68).

L’ordonnance de Blois (1579) établit un régime uniforme à tous les prévôts, tant des maréchaux de France, c’est-à-dire attachés aux troupes, que provinciaux ; les uns et les autres furent tenus de communiquer les procès-verbaux de leurs chevauchées aux juges et procureurs royaux et d’en tirer certificat. À la demande des États généraux, défense fut faite aux payeurs de donner aucun denier aux prévôts s’ils ne présentaient ce certificat (article 187). Plus tard, les prévôts furent tenus d’envoyer les procès-verbaux de leurs chevauchées au chancelier(117).

Aux termes de l’édit de novembre 1641, les procès-verbaux des chevauchées des prévôts provinciaux étaient centralisés par le prévôt général, qui adressait ensuite un procès-verbal d’ensemble au Grand Conseil.

La déclaration du 18 décembre 1660, sur le port d’armes, obligea de nouveau les prévôts à envoyer les procès-verbaux de leurs diligences, de trois mois en trois mois, à la connétablie.

Conformément à l’ordonnance du 1er juillet 1716 (article 4), les certificats que les prévôts furent tenus de prendre des magistrats ou principaux habitants des lieux où ils passaient en faisant leurs tournées, durent porter qu’ils y avaient vécu en bon ordre et discipline et qu’ils avaient fait le nécessaire pour le maintien de la sûreté publique ; c’était le certificat de bien-vivre ajouté au certificat constatant l’exécution du service. Ces certificats devaient être représentés lors des revues des compagnies, passées par les intendants ; ces hauts fonctionnaires, après les avoir examinés, les envoyaient à l’administration centrale de la guerre, en signalant les prévôts qui avaient satisfait à leurs obligations et ceux qui se trouvaient ne pas les avoir remplies. Ce qui précède nous montre les origines lointaines du bulletin de service actuel.

En obligeant la maréchaussée à communiquer les procès-verbaux de ses chevauchées aux magistrats locaux et à en tirer certificat, les ordonnances du XVIe siècle imposèrent aux prévôts une formalité à laquelle ils ne se soumirent pas sans élever des protestations. On lit, en effet, dans Guy Coquille(118) : « Mais ils disent [les prévôts] n’être sujets aux juges ordinaires, sinon pour juger définitivement ou juger les incompétences sans appel, qui est cause qu’ils peuvent tenir couvert ce qu’ils veulent ». Cette prétention des prévôts à ne vouloir relever que de leurs chefs, les maréchaux de France, était jugée sévèrement par Guy Coquille, qui ajoutait : « De vrai, ce n’est que dérèglement la juridiction déléguée et extraordinaire et nommément de cette racaille de juges bottés ». Évidemment, le célèbre jurisconsulte n’aimait pas la justice prévôtale, dont le praticien Papon disait, au contraire, à la même époque, qu’elle était si bien réglée que les prévôts « pouvaient à peine faillir »(119).

Nous verrons que la maréchaussée n’a jamais cessé, jusqu’à nos jours, de présenter ses journaux de service à la signature des magistrats locaux, et que ce vieil usage a été aboli par le décret du 31 mars 1924.

Nous venons de voir que, dès le XVIe siècle, les juges ordinaires (baillis et sénéchaux) exerçaient une surveillance sur la maréchaussée, puisqu’ils étaient tenus de certifier le service exécuté par les prévôts. Nous avons vu aussi qu’avant la création des commissaires et contrôleurs aux montres, qui eut lieu en 1587, les prévôts avaient coutume de passer la revue de leur troupe devant les baillis, sénéchaux et juges présidiaux(120).

Rappelons encore qu’un extrait du registre des dénonciations, tenu en exécution de l’ordonnance de 1629, était communiqué aux substituts des procureurs généraux.

Enfin, la justice prévôtale entraînait des rapports nombreux avec les juges ordinaires. Le prévôt des maréchaux n’était pas juge de sa compétence ; il devait la faire reconnaître, dans chaque affaire, nous le savons déjà, par le siège présidial le plus voisin et nous verrons plus loin qu’il y eut là une source de conflits tant que subsista l’Ancien Régime.

La maréchaussée, qui eut le droit d’arrestation, d’abord dans les cas prévôtaux, puis « contre toutes personnes et pour tous délits »(121), était toute désignée pour mettre à exécution les décrets (mandats) des juges ordinaires. Il en fut ainsi ordonné par une déclaration du 10 juillet 1566, interprétative de la récente ordonnance de Moulins, qui était du mois de février de la même année.

Telles sont les origines de l’action que la justice ordinaire n’a pas cessée, depuis lors, d’exercer sur notre arme. Cela n’eut pas lieu, dans les premiers temps, sans difficulté, car le tiers état, aux États de Blois (1579), exprima des plaintes sur la négligence qu’apportaient les prévôts à l’exécution des décrets de justice, et leur préférence marquée pour les actes de leur juridiction personnelle. Les vœux des États furent accueillis et l’ordonnance de Blois obligea les prévôts « à exécuter promptement et sans remise, excuse ou dissimulation, les décrets et mandats de justice délivrés par les juges et substituts des procureurs généraux, encore qu’il n’y ait plainte de partie civile, le tout à peine de privation de leurs états et de plus grande, selon l’exigence des cas » (article 185).

Depuis cette époque, les magistrats civils cherchèrent à exercer un pouvoir exclusif sur la maréchaussée, non seulement pour l’exécution des mandats de justice, mais encore à l’égard du service ordinaire. Les prévôts opposèrent une vive résistance et se montrèrent jaloux de leur indépendance. Au sujet de la recherche des voleurs, meurtriers et assassins, « la propre charge, disait Guy Coquille, est des prévôts des maréchaux qui ont la force et la diligence par les archers et chevaux qui sont soudoyés par le peuple ; il serait expédient que lesdits prévôts fussent tenus marcher et aider de leurs forces quant les hauts justiciers les sermonnent ; mais ils disent ne reconnaître autre commandement que de MM. les maréchaux de France et de leurs lieutenants à la Table de marbre, à quoi serait bon de pourvoir et de les y contraindre par saisie de leurs gages ».

Néanmoins, le droit, pour la justice ordinaire, de requérir la maréchaussée, resta limité au cas de mise à exécution des mandats, et il fut interdit aux magistrats civils de s’immiscer dans le service de cette troupe. Les officiers du présidial de Soissons ayant voulu prendre connaissance des affaires de la maréchaussée, donner des ordres aux archers et menacer l’un d’entre eux de le suspendre de sa charge s’il ne se rendait pas en équipage à l’hôtel du lieutenant criminel, le prévôt protesta et l’affaire fut portée devant le Grand Conseil. L’arrêt, qui fut rendu le 30 septembre 1645, défendit au lieutenant criminel et aux officiers du présidial de prendre connaissance des malversations pouvant être reprochées aux officiers de maréchaussée ; si des plaintes leur étaient remises à ce sujet, ils devaient se borner à les transmettre au Grand Conseil. Il leur était interdit de s’adresser à la maréchaussée sous une forme impérative. Si le prévôt était tenu, quand il en était requis, de prêter main-forte aux juges présidiaux pour l’exécution de leurs décrets, et de les faire assister, au besoin, par ses archers, il était interdit aux officiers du présidial d’adresser leurs décrets au prévôt sous forme « de commandement » et de leur « faire injonction » de les exécuter(122).

Aux termes de l’arrêt du 30 septembre 1644, pour le prévôt du Mans, les archers du prévôt étaient tenus de mettre à exécution tous décrets et mandats de justice. L’arrêt du 30 septembre 1645, pour le prévôt de Soissons, ordonna à son tour aux archers d’exécuter, non seulement les décrets de leur prévôt, mais encore tous les mandats de justice dont ils étaient requis par les parties.

L’ordonnance de 1670 maintint l’obligation, pour les prévôts, d’exécuter les mandats des magistrats civils « à peine d’interdiction et de 300 livres d’amende » (titre 2, article 3) ; il était enjoint, en outre, aux prévôts comme à leurs lieutenants et aux archers, de prêter main-forte à l’exécution de tous décrets et ordonnances de justice (titre 10, article 15). Les archers pouvaient exécuter les décrets de leur prévôt (titre 2, article 6) ; le président de Lamoignon ayant demandé, lors de la discussion de l’ordonnance, s’ils pourraient exécuter les décrets des autres juges, Pussort répondit que ce n’était pas dans l’ordonnance(123) ; aussi, un lieutenant général criminel ayant ordonné à un archer d’exécuter un arrêt, vit-on le prévôt faire défense d’agir, parce qu’on ne s’était pas adressé directement à lui(124). Il fut défendu aux archers de se charger d’exploits, significations, saisies et autres procédures, sauf en matière prévôtale(125).

L’action de la haute magistrature sur la maréchaussée ne commença réellement à s’exercer que sous le règne de Louis XV. On le verra ci-après.

En ordonnant à la maréchaussée d’exécuter les mandats des juges royaux « de nos juges et des substituts des procureurs généraux », disait l’article 185 de l’ordonnance de Blois, le pouvoir refusait aux juges des seigneurs et aux juges ecclésiastiques le droit de requérir l’assistance des prévôts ; mais il existait un certain nombre de juges d’exception ayant des rapports avec la maréchaussée et le pouvoir de la mettre en mouvement : prévôts des marchands, maîtres des eaux et forêts, juges des greniers à sel, juges des élections, lieutenants généraux de police(126).

On appelait prévôt des marchands, à Paris et à Lyon, le chef de l’administration municipale, magistrat qui, dans la plupart des autres villes, avait le titre de maire. À Paris, le prévôt des marchands pouvait requérir les brigades de maréchaussée de l’Île-de-France, de faire exécuter ses ordonnances concernant la navigation sur la Seine.

Les eaux et forêts ont toujours fait partie du domaine public. La grande ordonnance des eaux et forêts (août 1669) régla définitivement toutes les parties de l’administration et de la juridiction forestière. Les maîtres des eaux et forêts avaient qualité pour requérir la maréchaussée de prêter main-forte à l’exécution de leurs jugements(127).

Les greniers à sel, institués en 1342, étaient des tribunaux établis pour juger en première instance les contraventions aux ordonnances concernant les gabelles ou impôts sur le sel. Les appels de leurs sentences étaient portés à la Cour des aides.

Les prévôts des maréchaux furent compétents pour juger les faux sauniers, au même titre que les vagabonds(128) et, lorsque les fermiers généraux eurent pris à bail la perception des impôts, il fut enjoint à la maréchaussée d’arrêter les faux sauniers et de prêter aide et assistance aux commis des fermes.

On sait que le territoire de l’ancienne France était divisé en un certain nombre de circonscriptions financières, appelées généralités, administrées par les intendants. Pour la facilité des recettes, on avait subdivisé les généralités.

Aux pays d’élections, où des fonctionnaires royaux percevaient les impôts, s’opposaient les pays d’États, où les États provinciaux avaient conservé le privilège de voter, de répartir et de percevoir l’impôt sans l’intervention des agents du roi. Les procès-verbaux des assemblées des États provinciaux, qui votaient les sommes nécessaires au payement des gages des prévôts des maréchaux et de leurs archers, fournissent de précieux renseignements intéressant l’histoire des maréchaussées locales(129). Il était enjoint aux prévôts des maréchaux, de protéger la levée des tailles.

Par un édit du mois de décembre 1666, Louis XIV démembra de la charge de lieutenant civil du Châtelet de Paris, celle du lieutenant de police ; séparant ainsi la police de la juridiction civile et contentieuse, le roi réalisait une réforme qui ne prit un caractère général que sous la Révolution. On attribua ainsi au lieutenant de police une partie des fonctions primitivement remplies par le prévôt de Paris et, dans la suite, par le lieutenant civil et même par le lieutenant criminel.

Un édit du mois de mars 1667 régla les attributions du lieutenant de police qui, par une ordonnance du 18 avril 1675, prit le titre de lieutenant général de police. Cet officier fut chargé de veiller à la sûreté de la ville de Paris et de connaître des délits et contraventions de police.

« L’avantage que les bourgeois de Paris reçurent de cet établissement ayant paru considérable », Louis XIV, par ses édits des mois d’octobre et novembre 1699, créa des lieutenants généraux de police dans les différentes villes du royaume où la justice appartenait au roi ; leurs fonctions furent les mêmes, mais cependant d’une manière moins étendue que celles du lieutenant général de police de Paris. La maréchaussée fut tenue, de même que le guet, « d’exécuter les ordres et mandements de ces officiers ».

Nous connaissons déjà, en ce qui concerne les certificats de service, l’action des baillis et sénéchaux, qui étaient à la fois administrateurs et juges, et celle des magistrats locaux.

Dès le XVIIe siècle, les intendants placés à la tête des généralités et appelés, suivant leurs attributions, intendants de justice, police, finances, eurent des pouvoirs très étendus ; ils furent chargés de contrôler tous les services et, en particulier, de passer en revue les compagnies de maréchaussée. C’est ainsi que l’arrêt du Conseil du 15 mai 1668 ordonna aux prévôts des maréchaux de mettre leurs compagnies en bon état et d’en faire des revues par-devant les commissaires départis dans les provinces, c’est-à-dire les intendants ; nous avons vu que ces hauts fonctionnaires profitaient de ces revues pour vérifier les certificats que les prévôts retiraient des magistrats des lieux où ils passaient au cours de leurs tournées(130).

La même ordonnance (article 11) donnait pouvoir aux intendants de punir sévèrement et faire mettre en prison, pour tel temps qu’ils le jugeaient à propos, les archers qui ne gardaient pas la subordination et l’obéissance qu’ils devaient à leurs officiers ; en cas de récidive, les intendants rendaient compte au Conseil, afin que le roi pût donner les ordres nécessaires pour priver de leurs charges ceux qui se trouvaient coupables.

L’action des intendants sur la maréchaussée ne dérivait pas uniquement du pouvoir exorbitant que ces hauts fonctionnaires exerçaient sur toute l’administration, par délégation du roi ; en présence de l’organisation vicieuse des anciennes maréchaussées, ce contrôle extérieur répondait à un besoin.

Le préambule de l’ordonnance de 1716 nous apprend que la plupart des prévôts et des archers, au lieu de faire leurs tournées, restaient pendant des temps considérables dans les villes et lieux de leurs résidences, sans en sortir ; plusieurs archers étaient même occupés à faire valoir des biens à la campagne, ou à d’autres commerces incompatibles avec leurs fonctions.

Si la justice des prévôts des maréchaux avait trouvé sa formule presque définitive, comme nous le verrons plus loin, dans l’ordonnance criminelle de 1670 qui la soumit à des règles uniformes dans tout le royaume, l’organisation de l’arme, par contre, continuait à présenter la plus grande diversité suivant les provinces ; la hiérarchie prévôtale, en particulier, était restée défectueuse ; elle ne garantissait pas suffisamment cette discipline militaire où l’arme devait trouver, plus tard, le secret de sa force. Mais si, dans ces conditions, le contrôle des intendants s’imposait, les dispositions sévères de l’article 10 de la même ordonnance de 1716 s’expliquent plus difficilement.

Toute arrestation de criminel condamné à une peine capitale, opérée par des officiers de justice, syndics ou autres particuliers, donnait droit à une gratification de 100 livres, laquelle gratification était retenue, par ordre des intendants, moitié sur les gages du prévôt de la maréchaussée qui n’avait pas fait les diligences prescrites, et l’autre moitié sur les gages des autres officiers et archers de la compagnie.

Ces dispositions si rigoureuses, prises contre la maréchaussée, n’étaient pas justifiées. Il existait, vers la fin du règne de Louis XIV et le commencement du règne de Louis XV, une cause de brigandage qui, tout autant que la négligence des prévôts, était de nature à retenir l’attention du pouvoir ; c’était, dans certaines provinces, l’extrême misère du peuple ; dans l’élection de Vézelay, en Bourgogne, elle était si profonde qu’elle donna lieu aux plaintes de Vauban(131). En 1695, à Valentine, dans le Comminge, 89 chefs de famille sur 184 étaient mendiants. En outre, cette sévérité excessive semble établir que les auteurs de l’ordonnance de 1716, contresignée par le chancelier Phelypeaux, comte de Pontchartrain, n’avaient pas des idées très nettes sur le service de la maréchaussée qui, peut-être, était déjà pour eux « une arme inconnue »(132). Les prévôts et les archers n’auraient pu, en effet, être rendus responsables de la criminalité, que si certaines conditions préalables avaient été remplies.

Un ministre clairvoyant, le secrétaire d’État Le Blanc, se préoccupait déjà de réaliser la plupart de ces conditions, que nous allons examiner en traitant de la réorganisation du mois de mars 1720.

De 1720 à la Révolution (nouvelles maréchaussées)

L’ordonnance de 1716 constatait que les officiers et archers ne faisaient pas leur devoir ; mais elle n’apportait pas de remède efficace au mal dont souffrait la police du royaume ; une réforme radicale de la maréchaussée s’imposait.

Pour qu’une fraction de cette arme eût pu être rendue responsable, comme on le voulait en 1716, des crimes qui se commettaient dans son district, il eût été nécessaire :

- que le personnel reçût régulièrement une solde suffisante, lui permettant de se consacrer entièrement à l’exercice de ses fonctions ; or, les anciennes maréchaussées étaient mal payées ; le secrétaire d’État Le Blanc le reconnut dans une lettre aux intendants en date du 5 juin 1716 : « Le défaut des payements de leurs gages, disait-il, a pu être la cause de la négligence dans laquelle sont tombés les officiers et les archers »(133). De même le préambule de l’édit de mars 1720 constatait « que la modicité des gages et soldes qui ont été attribués aux archers, et le peu d’exactitude dans leurs payements les ont obligés à s’attacher à d’autres emplois, ce qui cause un grand relâchement dans la discipline et le service auquel ces compagnies étaient destinées » ;

- que l’organisation du corps fût telle qu’une exacte discipline, basée sur la subordination hiérarchique, pût être observée à tous les échelons ; or, la maréchaussée n’était pas homogène : « La multiplicité des anciennes maréchaussées, lit-on dans le préambule précité, avec création d’officiers sous différents titres, faisait naître entre eux des contestations, sous prétexte d’indépendance les uns envers les autres » ;

- que les postes de maréchaussée fussent suffisamment nombreux ; or, sauf dans la région de Paris, où les compagnies avaient déjà été fractionnées en brigades de cinq unités, la maréchaussée ne comprenait, avant 1720, qu’un nombre de postes trop restreint, où les archers étaient groupés auprès du prévôt ou de ses lieutenants ; les zones de surveillance étant trop vastes, les malfaiteurs avaient, dans beaucoup de régions, la quasi-certitude de l’impunité. À la date du 21 septembre 1716, Le Blanc écrivait aux intendants : « Les maréchaussées ayant été créées pour empêcher les désordres qui arrivent ordinairement sur les grands chemins et veiller à la sûreté publique, il est nécessaire d’établir pour cet effet, des brigades qui puissent répondre des étendues qu’elles auront à garder »(134). Nous trouvons, dans cette lettre, la genèse de l’assiette actuelle des brigades ; à partir de 1720, toute la maréchaussée fut répartie comme aujourd’hui, en fractions de cinq hommes ; mais les postes créés au cours du XVIIIe siècle demeurèrent trop peu nombreux, et les cahiers des États généraux de 1789 en font foi ; les brigades rurales n’eurent une densité suffisante que beaucoup plus tard, par la loi du 29 juillet 1850, qui en attribua une à chaque canton ;

- de plus, afin de permettre à la maréchaussée d’assurer, sous l’autorité du commandant militaire, la sécurité intérieure du royaume, il eût été nécessaire de régler l’action des hautes autorités civiles qui, pour des raisons diverses, s’arrogeaient le droit de donner des ordres à cette force publique. Ce difficile problème, que les ministres de l’ancienne monarchie, Belle-Île(135), Choiseul(136), Montbarey(137) tentèrent en vain de résoudre, fut abordé par les législateurs de l’époque révolutionnaire et partiellement résolu par la loi du 28 germinal an VI, qui renferma dans d’étroites limites le droit de réquisition des autorités civiles sur la gendarmerie ; mais la solution radicale n’intervint que plus tard, et fut apportée par le décret du 1er mars 1854, qui confia au seul ministre de la guerre le contrôle de tous les actes de la gendarmerie (article 73) ;

- il n’aurait pas suffi de réaliser les conditions qui précèdent. Les ordonnances du XVIe siècle avaient destiné la maréchaussée à la répression de certains crimes, en particulier du brigandage rural ; mais, à partir du règne de Louis XIV, le service avait évolué. Des matières criminelles on avait étendu le domaine de la maréchaussée, comme on le verra plus loin, jusqu’à la répression de légers délits, de simples contraventions de police et même jusqu’à des missions totalement étrangères au maintien de la sûreté publique. Or, si une troupe est détournée, pour des missions secondaires, de sa mission essentielle de rechercher et d’arrêter les malfaiteurs, sa responsabilité se trouve évidemment diminuée d’autant, dans l’accroissement de la criminalité. Il aurait donc fallu que la maréchaussée pût se consacrer entièrement à l’accomplissement de son service essentiel, qu’elle ne pût « jamais être employée, sous aucun prétexte, comme le voulut plus tard le maréchal duc de Belle-Île, à aucunes fonctions étrangères à son établissement »(138), « qu’elle ne fût point détournée de son service pour quelque cause que ce pût être » comme le voulut Choiseul(139). Il était dans les destinées de notre arme de ne voir jamais réaliser complètement cette condition.

Examinons les solutions apportées, au cours du XVIIIe siècle, aux principaux problèmes de l’organisation de la maréchaussée.

Le personnel

Le secrétaire d’État Le Blanc se proposa, en premier lieu, de donner au corps de la maréchaussée l’homogénéité qui lui faisait défaut.

Le premier acte de la réorganisation fut la suppression de toutes les charges de prévôts généraux et provinciaux, vice-baillis, vice-sénéchaux, lieutenants criminels de robe courte, lieutenants, assesseurs, procureurs, greffiers, exempts, archers, payeurs, commissaires et contrôleurs, à l’exception de la compagnie du prévôt général de la connétablie et maréchaussée de France, du prévôt général de l’Île-de-France, de la compagnie de la banlieue de Paris, des compagnies du lieutenant-criminel de robe courte du Châtelet et du prévôt des monnaies de Paris, ainsi que de celles des chevaliers du guet de Paris et de Lyon (article 1er). Furent maintenues également les compagnies des prévôts de la suite des maréchaux de France (article 10).

La division du territoire la plus importante n’était plus à cette époque, celle en gouvernements ; c’était la division en généralités. L’édit de mars 1720, en réorganisant la maréchaussée, l’adapta à ces dernières circonscriptions ; en supprimant les anciennes compagnies, payées par les provinces, le roi en créait une nouvelle, soldée par l’État, dans chaque généralité.

Toutes les compagnies étaient soumises à un régime uniforme. Chacune se composait d’un prévôt général, d’un certain nombre de lieutenants, d’officiers de robe (procureurs, assesseurs, greffiers), d’exempts, brigadiers, sous-brigadiers, archers et trompettes (article 3). Tout ce personnel fut distribué en brigades de cinq cavaliers, réparties entre diverses résidences et commandées par un exempt, ou un brigadier, ou un sous-brigadier. Les nouvelles compagnies étaient déclarées du corps de la gendarmerie et sous le commandement des maréchaux de France (article 6).

Les prévôts généraux et leurs lieutenants étaient établis en titre d’offices formés et héréditaires et il y était pourvu par le soin du roi, en faveur de personnes capables ayant servi au moins quatre années de suite dans les troupes ; ces officiers étaient reçus à la connétablie, sur la présentation d’un certificat qui leur était remis par le secrétaire d’État de la Guerre (article 4).

Le secrétaire d’État délivrait également des commissions aux officiers de robe choisis par le roi, ainsi qu’aux exempts, brigadiers, sous-brigadiers, archers et trompettes présentés par les prévôts généraux après information de vie et mœurs (article 5).

Le prévôt général était le chef et commandait aux lieutenants, exempts, brigadiers, sous-brigadiers et archers qui étaient sévèrement punis en cas de désobéissance (article 1er).

Les brigadiers et sous-brigadiers étaient nommés, en principe, à l’ancienneté ; il était défendu aux prévôts d’exiger un droit de nomination de ceux qu’ils proposaient pour les places d’exempts, brigadiers, sous-brigadiers, archers et trompettes (article 2).

Il était interdit, sous les peines les plus sévères, aux lieutenants, exempts, brigadiers, sous-brigadiers et archers, de sortir des lieux de leur résidence, sans un congé par écrit du prévôt général (article 11). Le prévôt général disposait du trompette, qui était toujours prêt à son commandement (article 15).

Pour maintenir une discipline exacte et uniforme dans le service, cinq inspecteurs généraux, à chacun desquels était fixé un arrondissement d’inspection, étaient choisis parmi les meilleurs prévôts (article 15). Les dispositions de cet article ayant cessé d’être appliquées, elles furent remises en vigueur par l’arrêt du Conseil d’État du 29 juin 1759.

L’ordonnance du 17 décembre 1721 décida que les prévôts généraux payeraient leur capitation sur le pied de celle des lieutenants-colonels en pied de cavalerie, les lieutenants des prévôts comme capitaines et les exempts comme lieutenants.

Les brigadiers, sous-brigadiers et archers furent dispensés, comme les brigadiers et cavaliers des autres troupes, du payement de cet impôt.

« Le roi, dit le préambule de l’ordonnance du 19 avril 1760, fut informé que les maréchaussées ne procuraient point à ses sujets tous les avantages qu’ils pouvaient attendre de leur service, dont l’objet doit être de rechercher et poursuivre les malfaiteurs et autres ennemis intérieurs de l’État, garantir les voyageurs de leurs entreprises, en tenant les grands chemins libres et assurés ; observer les marches de troupes, veiller au bon ordre dans les fêtes et autres assemblées, et maintenir en toutes circonstances la sûreté et la tranquillité publique ». Il résulte de ce préambule, qui définit exactement la mission de la maréchaussée, que la réorganisation de 1720 n’avait pas atteint son but. Des cavaliers(140) tenaient cabaret ou exerçaient d’autres professions ; certains prêtaient leurs chevaux ; les brigades faisaient peu de tournées, quoiqu’elles rapportassent des certificats des courses qu’elles disaient avoir faites ; certaines paroisses n’étaient jamais visitées ; tel chef de brigade ne montait jamais à cheval, etc.(141)

Remarquons que l’édit de mars 1720 n’exigeait des candidats à un emploi d’archer qu’un certificat de bonnes vie et mœurs. Faute d’une limite d’âge réglementaire, on trouvait, dans certaines brigades, des gradés et des cavaliers sexagénaires ou même septuagénaires ; le père et le fils servaient parfois dans le même poste ; les illettrés pullulaient.

« À Pamiers, lit-on dans un état de revue de l’an 1753, il n’y a que le sieur Privat, sous-brigadier, qui soit en état de dresser procès-verbal, les quatre cavaliers ne sachant que signer imparfaitement leur nom »(142).

L’ordonnance de 1760 voulut que les places de cavaliers ne fussent données qu’à des personnes de bonnes vie et mœurs, d’une taille de 5 pieds, 4 pouces au moins (1,728 mètre), sachant lire et écrire et ayant autant que possible, servi dans les autres troupes (titre 1er, article 8). Les exempts devaient être pris, alternativement parmi les brigadiers et sous-brigadiers, et dans les corps de troupes (titre 1er, article 6). Au cours de leurs inspections, les lieutenants étaient autorisés à punir, pour le temps qu’ils jugeaient convenable, les cavaliers, brigadiers ou sous-brigadiers qu’ils trouvaient en défaut ; ils signalaient au prévôt général les exempts répréhensibles (titre 1er, article 11).

Et afin que le roi fût à portée de connaître les sujets les plus propres à remplir les charges de prévôts et de lieutenants, leur présentation dut lui y être faite par les maréchaux de France (titre Ier, article 3) ; cette disposition fut maintenue par l’ordonnance de 1769 (article 3) et celle de 1778 (titre 1er, article 13).

La déclaration du 25 février 1768 (article 2) dispose que les offices de prévôts généraux et de lieutenants ne seraient plus, à l’avenir, possédés qu’à vie ; quant aux prévôts et lieutenants en exercice, dont les offices étaient héréditaires, ils furent dispensés du payement de certains droits : annuel, de mutation et autres droits casuels (article 1er)(143).

Une lettre du 4 juillet 1768 du ministre aux intendants nous apprend que le territoire fut divisé alors en quatre inspections. Les inspecteurs généraux désignés (prévôts de Rouen, de Berry, des évêchés et d’Auvergne) reçurent une commission de mestre de camp de cavalerie et durent se démettre de leurs charges de prévôts généraux « pour ne s’occuper que du soin de bien faire leurs inspections »(144).

L’ordonnance du 27 décembre 1769 fixa le temps de service à exiger, dans chaque grade, pour être admis dans la maréchaussée : douze ans pour les prévôts généraux, les exempts, les brigadiers et les sous-brigadiers ; huit ans pour les lieutenants et les cavaliers (article 2).

Les prévôts généraux avaient rang de lieutenant-colonel de cavalerie ; les lieutenants, de capitaines ; les exempts, de lieutenants ; les brigadiers et sous-brigadiers, de maréchaux des logis ; les cavaliers, de bas-officiers (article 6).

L’ordonnance prévoyait des brigades de cinq hommes, de quatre hommes et trois hommes ; on verra ci-après les raisons de ces dispositions. Il était enjoint aux maréchaussées de s’abstenir, dorénavant, de faire aucun commerce ni d’exercer ni métier ni profession (article 16).

Mais, ni l’ordonnance de 1769, ni celle de 1760, n’avaient apporté à l’organisation de 1720 les améliorations qui s’imposaient ; la vraie formule n’était pas encore trouvée. Sauf dans le cas où il était porteur d’un ordre écrit du prévôt général, l’autorité du lieutenant sur le personnel subalterne était mal définie et, en réalité, très limitée ; il ne pouvait donner des ordres, soit aux commandants des brigades, soit aux cavaliers, sans en avoir préalablement fait part au prévôt ; de là bien des conflits préjudiciables à la discipline(145).

D’autre part, l’organisation bipartite des cadres (prévôt général-lieutenant) était insuffisante ; le lieutenant était trop loin de sa troupe pour être en mesure d’exercer sur les brigades une surveillance efficace. Le 12 février 1733(146), le ministre, constatant que les prévôts et leurs lieutenants n’étaient pas à portée de veiller par eux-mêmes sur toutes les brigades, avait prescrit aux intendants d’ordonner à leurs subdélégués de suppléer au contrôle défaillant des officiers de maréchaussée, en vérifiant eux-mêmes l’exécution des tournées ; mais cette solution, qui était mauvaise, n’avait pu donner de bons résultats ; l’organisation était vicieuse ; il s’agissait d’y porter remède. Le roi Louis XVI s’étant fait rendre compte, reconnut que, pour améliorer le service de la maréchaussée, il fallait accentuer le caractère militaire de l’arme ; tel fut l’objet de l’ordonnance du 28 avril 1778.

Les compagnies de maréchaussée, disait le préambule de l’ordonnance, avaient été mises, à l’origine, sur un pied relatif à la constitution de l’ancienne gendarmerie, à laquelle elles étaient rattachées. Il parut convenable, pour leur bonne composition et l’avantage du service, que les principes qui avaient autrefois déterminé leur assimilation aux troupes réglées, fussent suivis en tout ce qui pouvait s’adapter à la nature de leurs fonctions.

L’ordonnance réunit en un seul corps les trente-trois compagnies alors distribuées dans le royaume. Ces compagnies continuèrent, sous l’autorité supérieure des maréchaux de France, à avoir pour chefs les prévôts généraux, qui eurent rang de lieutenant-colonel, et elles furent réparties en six divisions sous les ordres d’inspecteurs généraux ayant rang de mestre de camp. Chaque compagnie comprenait un certain nombre de lieutenances, à la tête desquelles étaient des lieutenants ayant rang de capitaine ; il y avait aussi des sous-lieutenants ayant rang de lieutenant.

La troupe, répartie en brigades de quatre hommes, comprenait des maréchaux des logis, assimilés aux maréchaux des logis en chef de cavalerie, des brigadiers assimilés aux maréchaux des logis, et des cavaliers assimilés aux brigadiers. Les grades d’exempt et de sous-brigadier étaient supprimés. L’avancement aux divers grades était l’objet des plus grands soins ; les cavaliers devaient avoir servi seize ans pour être admis dans la maréchaussée (titre Ier). Les brigades n’étant composées que de quatre hommes, l’ordonnance prévoyait que des surnuméraires seraient détachés des brigades les plus proches pour remplacer les hommes malades ou absents par congé (titre II, article 13). La maréchaussée prenait rang immédiatement après la gendarmerie, comme faisant corps avec elle et avant toutes les autres troupes (titre Ier, article 10).

La création du sous-lieutenant comblait la grave lacune que nous avons signalée dans les organisations précédentes. Il est remarquable que l’organisation tripartite des cadres, ainsi créée sous l’ancienne monarchie – prévôt général (légion), lieutenant (compagnie), sous-lieutenant (arrondissement) – a permis à la gendarmerie, à toutes les époques, malgré la spécialité de son service, d’adapter son organisation à celle de l’armée contemporaine.

Non moins heureuses furent les dispositions du titre II, qui appliquaient à la maréchaussée, du cavalier à l’inspecteur général, la subordination de grade à grade établie pour les corps de troupe, réglaient le droit de punir, celui d’accorder des permissions et tous les détails de la discipline.

L’édit de mars 1720 disposa, en son article 6, que la maréchaussée jouirait de l’exemption de la collecte, du logement des gens de guerre, de la tutelle, curatelle et des autres charges publiques. Ce privilège, confirmé par un arrêt du Conseil d’État du 30 août 1727, fut maintenu et renouvelé par l’ordonnance de 1778 (titre 14, article 5).

Les cavaliers de maréchaussée étaient reçus aux hôpitaux des lieux de leur résidence ou à l’hôpital le plus prochain, pour y être traités suivant les usages pratiqués pour les autres troupes du roi, moyennant une retenue de 7 sols par jour sur la solde(147).

Les officiers et archers étaient admis à l’hôtel des Invalides lorsqu’ils se trouvaient hors d’état de continuer leurs services, soit à cause des blessures reçues dans leurs fonctions, soit après vingt ans, pour infirmités(148). L’ordonnance de 1778 accorda aux intéressés un droit d’option entre l’admission à l’hôtel ou une pension de 1200 livres au prévôt général, 600 au lieutenant, 400 au sous-lieutenant,

250 au maréchal des logis, 168 au brigadier, 126 au cavalier (titre 14, article 1er et suivants).

L’édit de mars 1720 (article 6) accorda aux prévôts généraux et aux lieutenants la qualité d’écuyer. La déclaration du 30 octobre 1720 maintint à ces officiers les anciennes prérogatives concernant le rang, la séance et la voix délibérative aux sièges présidiaux. Sous Louis XVI, tous les officiers de maréchaussée recevaient la croix de chevalier de Saint-Louis, après un certain nombre d’années de service.

La réorganisation de 1720 fut précédée d’une étude particulière à chaque province, faite par le secrétaire d’État Le Blanc, de concert avec les intendants. Le réseau des brigades fut établi de telle sorte que chacune eut, en moyenne, « 4 ou 5 lieues sur une grande route à garder d’un côté et d’un autre, et autant à sa circonférence ».

Le ministre appelait grandes routes les chemins par où passaient les voitures publiques messagères, et les autres, chemins de traverse(149).

Mais le principe posé quant à l’assiette des brigades souffrait des exceptions, et certaines régions, dépourvues de grandes routes, restaient sans surveillance. C’est ainsi qu’entre Prades (Roussillon) et Tarascon (pays de Foix), villes faisant partie de la même compagnie et distantes de 34 lieues, il n’existait aucune brigade intermédiaire ; aussi, dans un mémoire établi en 1747, le prévôt général du Roussillon et pays de Foix, écrivait-il : « Vu le peu de brigades qu’il y a dans ladite province, il leur est impossible de faire le travail ordinaire et extraordinaire dont elles sont chargées, étant obligées, quelquefois et même très souvent, de découcher trois nuits pour faire une simple vérification de signalement ou verbal de sommation (aux militaires en retard de rejoindre), ce qui ruine totalement les cavaliers »(150).

Si la nouvelle organisation devait permettre, en principe, aux brigades « de répondre de tout ce qui arriverait » dans leur circonscription (lettre ministérielle du 5 février 1721 aux prévôts)(151), elle avait aussi pour but « d’établir une correspondance certaine sur toutes les grandes routes du royaume, ce qui pouvait servir à faire les conduites des déserteurs et des prisonniers avec moins de frais » et à faciliter la relève des escortes (lettre ministérielle du 28 décembre 1722 aux intendants)(152).

Chaque prévôt général reçut du ministre une carte faisant connaître le terrain que chaque brigade devait garder, ainsi que les grandes routes et les chemins de traverse qui le sillonnaient. Le prévôt fut tenu d’établir un état des lieux situés sur les grandes routes, avec mention des distances de l’un à l’autre, ainsi qu’une liste alphabétique des villes, bourgs, villages ou paroisses contenus dans chaque district de brigade, avec indication des jours de foire et de marché et des marchandises ou bestiaux qu’on y amenait, des dîners et couchers, des voitures publiques, des chemins de rouliers, des routes de postes et des circonstances de ces routes, plaines, bois, forêts, chemins creux, lieux dangereux à surveiller plus spécialement, etc. Un exemplaire de ce travail statistique fut adressé au ministre et un autre à l’intendant de la province(153).

Cette nouvelle organisation était grosse de conséquences. La dispersion des brigades, leur éloignement des lieux de résidence des officiers devaient entraîner la nécessité, non seulement, comme on l’a déjà vu, d’une exacte discipline militaire, mais encore d’une administration minutieuse jusqu’alors inconnue ; en outre, admirablement placée pour prêter son concours aux diverses autorités jusque dans les parties les plus reculées du territoire, la maréchaussée allait se trouver de plus en plus dans l’obligation de réagir – sous peine de dégénérer – contre des abus et des prétentions tendant à la détourner de sa mission véritable.

L’organisation de 1720 prévoyait trente et un prévôts généraux et quatre-vingt-dix-sept lieutenants ; mais l’édit de juillet 1721 ayant rendu au duc de Bourbon, gouverneur de Bourgogne, Bresse, Bugey, Vabromey et pays de Gex, le droit de nommer des prévôts particuliers, l’effectif après cette réorganisation partielle, fut de trente prévôts généraux, dix prévôts particuliers et cent deux lieutenants. Chaque lieutenant commandait à un certain nombre de brigades de cinq hommes, était chargé de la justice prévôtale et disposait, pour composer son tribunal, d’un assesseur, d’un procureur du roi et d’un greffier. Il existait 565 brigades.

Les chefs-lieux des compagnies étaient Amiens, Soissons, Melun, Châlons-sur-Marne, Orléans, Angers, Bourges, Moulins, Poitiers, Limoges, Clermont-Ferrand, Lyon, La Rochelle, Dijon, Rouen, Cane, Alençon, Rennes, Bordeaux, Montauban, Montpellier, Grenoble, Aix, Pau, Perpignan, Metz, Lille, Valenciennes, Strasbourg et Besançon.

La liste qui précède ne comprend, ni la compagnie du prévôt général de la connétablie, ni la compagnie du prévôt général de l’Île-de-France, dont le siège était à Paris. Cette dernière, affectée au service de la capitale et de sa banlieue, relevait du secrétaire d’État ayant le département de Paris, et elle ne figurait pas, de même que la prévôté générale de la connétablie, sur les états de la maréchaussée.

Sous les ordres du prévôt général de l’Île-de-France, quatre lieutenants commandaient les arrondissements de Paris, Bourg-la-Reine, Sceaux et Charenton ; un guidon commandait à Bondy. Le lieutenant commandant l’arrondissement de Paris était, en même temps, inspecteur des brigades de la compagnie. Modifiée dans la suite, la compagnie de l’Île-de-France se composait, en 1740, des arrondissements de Paris, Saint-Denis, Charenton, Bondy et Sceaux.

Au mois d’octobre 1739 fut créée la compagnie de Lorraine et du Barrois, dont l’assimilation aux autres compagnies de maréchaussée du royaume eut lieu en juillet 1767. Le siège de cette compagnie était à Nancy.

En 1764, la maréchaussée provinciale comprenait 32 prévôts généraux, 98 lieutenants, 294 officiers de robe (assesseurs, procureurs, greffiers) et 2839 hommes de troupe.

L’effectif de la maréchaussée s’étant révélé insuffisant, le roi projeta, en 1767, de l’augmenter considérablement. Le 26 décembre de la même année, Choiseul, dont la grande habileté étendit ses bienfaits dans l’administration de la maréchaussée, donna aux intendants les directives suivantes pour les créations à intervenir :

« La facilité de contenir ou arrêter les déserteurs plutôt dans un endroit que dans un autre, le besoin de garnir les grandes routes et les passages dangereux pour la sûreté des voyageurs et du transport des deniers royaux, les représentations fondées des officiers de justice sur le défaut de main-forte pour l’exécution de leurs décrets et mandements ; enfin les foires et marchés établis dans les villes ou gros bourgs : voilà les considérations qui doivent déterminer le choix des lieux où il faudra placer des brigades nouvelles, et il convient, cependant, d’observer les distances de manière qu’elles puissent aisément communiquer avec celles déjà existantes, entretenir une correspondance continuelle et, même, se rassembler plusieurs en un jour s’il en était besoin, et il faudra peut-être, pour parvenir à cet arrangement, déplacer certaines brigades »(154).

En conséquence, le roi décida, par son ordonnance du 25 février 1768, que le nombre total des brigades, qui était d’environ 560, serait augmenté de 200.

Le 18 octobre 1769, Choiseul fit procéder à une enquête afin de savoir si les brigades, après l’augmentation projetée, qui devait avoir lieu le 1er janvier 1770, seraient « assez rapprochées entre elles pour suffire aux conduites de brigade en brigade et entretenir en tout temps une communication journalière pour l’avantage de leur service » ; au besoin, le ministre devait proposer au roi de décomposer certaines brigades ; il espérait, en augmentant le nombre des postes, que la maréchaussée « opérerait plus utilement que si elle se trouvait plus éloignée en plus grands détachements »(155).

C’est ainsi que l’ordonnance du 27 décembre 1769, afin d’assurer avec plus de promptitude le maintien de la sûreté et de la tranquillité publique, multiplia encore les résidences des maréchaussées, en disposant qu’il y aurait, à partir du 1er janvier 1770, des brigades de cinq hommes commandées par un exempt, de quatre hommes commandées par un brigadier et de trois hommes commandées par un sous-brigadier (article 35). Une décision du même jour (27 décembre 1769), créa la compagnie de l’île de Corse, dont le chef-lieu fut à Bastia ; mais, en réalité, jusqu’à la Révolution, le régiment provincial assura, dans l’île, le service de la maréchaussée.

L’ordonnance du 24 mars 1772 créa, à Versailles, la compagnie des voyages et chasses du roi qui, en 1778, comprenait un prévôt général, un lieutenant, deux sous-lieutenants, quatre maréchaux des logis, seize brigadiers, soixante cavaliers et un trompette. Cette compagnie était chargée, non seulement du service des chasses, mais encore de la garde et de la sûreté des routes de Paris à Compiègne, Fontainebleau et autres endroits où le roi faisait des voyages.

L’ordonnance du 10 avril 1774 fixa ainsi qu’il suit, les cinq arrondissements de la compagnie de l’Île-de-France : Paris, Villejuif, Sceaux, Saint-Denis, Charenton.

En 1778, la solde de la maréchaussée, à peine augmentée d’un cinquième depuis 1720, n’était plus en rapport avec le coût de la vie, et l’état des finances ne permettait pas d’engager de nouvelles dépenses(156).

Désireux cependant de « traiter favorablement les officiers, chefs de brigade et cavaliers, en considération du service continuel dont ils étaient chargés et de la nature de ce service », le roi, adoptant un système qui, trop facilement, fut imité dans la suite, résolut d’augmenter les soldes au moyen d’économies réalisées sur la maréchaussée elle-même. Il réduisit le nombre des brigades d’un sixième, afin de mieux payer le personnel qui resterait en fonction. On commença par supprimer la 3e brigade des résidences des prévôts généraux et on continua par la seconde des résidences des lieutenants, puis par celles qui se trouvaient à moins de 4 lieues des autres brigades, puis enfin, si c’était nécessaire, par celles des endroits les moins suspects, de préférence celles qui étaient le plus mal casernées (lettre ministérielle aux intendants du 17 mai 1778)(157).

L’ordonnance du 3 octobre 1778 ayant décidé une augmentation d’effectif de soixante brigades commandées par des brigadiers, et de quatorze sous-lieutenants, le total des brigades fut de 780 ; nous savons déjà que leur effectif fut de quatre hommes seulement, mais avec le correctif des surnuméraires. La maréchaussée formait ainsi un corps de 2340 cavaliers commandés par 146 maréchaux des logis et 634 brigadiers.

La maréchaussée provinciale, aux termes de l’ordonnance du 28 avril 1778 (article 1), comprenait, outre les trente compagnies créées en 1720, la compagnie de Lorraine, celle de Corse, celle des voyages et chasses du roi, et la maréchaussée de la principauté de Dombes, qui ne tarda pas à être rattachée à la compagnie du Lyonnais, où elle forma la lieutenance de Trévoux.

Les trente-trois compagnies, nous le savons déjà, formaient six divisions ayant chacune à la tête un inspecteur général. Sous les trente-trois prévôts généraux servaient 111 lieutenants et 163 sous-lieutenants ; un trompette était affecté à chaque compagnie et nous savons qu’à chaque lieutenance étaient attachés trente-trois officiers de robe.

Une ordonnance du 18 juillet 1784 réunit la compagnie de maréchaussée de l’Île-de-France au corps de la maréchaussée ; elle fit partie de la 1re division et elle continua à être administrée par le secrétaire d’État ayant le département de Paris ; elle comprenait, avec le prévôt général, quatre lieutenants commandant les arrondissements de Paris, Sceaux, Saint-Denis, Villejuif ; sept sous-lieutenants à Paris, Saint-Germain-en-Laye, Versailles, Passy, Bondy, Bourg-la-Reine, Charenton ; huit maréchaux des logis, dix-sept brigadiers, soixante-quinze cavaliers et une trompette.

Le dernier prévôt général de l’Île-de-France fut Papillon, lieutenant-colonel de cavalerie, qui, lors de la réorganisation de la maréchaussée par la loi du 16 février 1791, prit le titre de colonel commandant la 1re division de Gendarmerie nationale (départements de Paris, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne).

Administration. Les masses

La question de la solde fut, en 1720, au premier plan des préoccupations du secrétaire d’État Le Blanc. En demandant aux intendants des états du personnel des maréchaussées de leurs provinces, en vue de la réorganisation des cadres, le ministre avait signalé l’importance de la révision des gages et avait eu soin de se faire renseigner sur les appointements qui étaient attribués aux officiers et archers et sur le personnel qui, n’ayant pas de gages, jouissait seulement des exemptions.

En fixant à 40 000 livres ou 30 000 livres, suivant le cas, la finance des offices de prévôts généraux, l’édit de mars 1720 accorda aux prévôts de la première catégorie 1200 livres de gages, qui représentaient l’intérêt de la finance de la charge et 2800 de solde ; il accorda aux autres, 900 livres de gages et 2100 de solde. Les offices des lieutenants furent fixés à 15 000 livres et chacun de ces officiers reçut 450 livres de gages et 1050 de solde (article 7).

L’ordonnance du 16 mars 1720 fixa les appointements des assesseurs et procureurs à 300 livres, ceux des greffiers à 350 (article 3), la solde des exempts à 700, des brigadiers à 600, des sous-brigadiers à 550 et celle de chaque archer ou trompette à 500 (article 4). La solde était payée de trois mois en trois mois, par le trésorier général des maréchaussées de la province, sur les fonds à ce destinés dans chaque généralité ; chaque prévôt général établissait un contrôle nominatif, lors des revues trimestrielles passées en présence de l’intendant, et cet état servait au payement des gages, soldes et appointements du trimestre. Aucune retenue ne pouvait être faite sur la solde, sauf pour le payement des dettes concernant la nourriture, les chevaux ou le harnachement(158).

Un immense progrès était ainsi réalisé ; cependant, en 1732, les cavaliers de la maréchaussée du Roussillon se plaignaient du commis du trésorier général, qui ne leur payait pas régulièrement la solde et leur faisait même prendre en payement des marchandises de son commerce ; des plaintes analogues se renouvelèrent en 1747.

Outre la solde, le roi accordait aux cavaliers des gratifications, soit en cas de blessure contractée en service commandé, soit en cas de perte subie dans la vente de leurs vieux chevaux, soit en cas de perte de leurs montures ; mais, si le cavalier avait perdu son cheval en poursuivant des contrebandiers, le ministre lui suggérait de demander un dédommagement au directeur des fermes(159).

D’une manière générale, le roi remboursait les dépenses extraordinaires occasionnées par le service ; ce remboursement, dont le principe avait été posé, pour les officiers et les exempts, par l’ordonnance du 16 mars 1720 (article 13), fut généralisé dans la suite et réglé définitivement par l’arrêt du Conseil d’État du 1er juin 1775, dont nous parlerons plus loin.

En outre, une délibération des fermiers généraux en date du 8 avril 1721 accorda des gratifications aux maréchaussées qui faisaient des captures de contrebandiers.

Quant aux frais et vacations dus aux officiers et cavaliers employés à l’exécution des ordonnances du tribunal des maréchaux, ils furent fixés ainsi qu’il suit, par une ordonnance des maréchaux de France du 21 avril 1735.

Pour chaque journée de 10 lieues en été et 8 lieues en hiver, il était payé au prévôt général 15 livres ; au lieutenant et à l’assesseur, 7 livres 10 sols ; à l’exempt, 7 livres ; au brigadier, 6 livres ; au sous-brigadier, 5 livres ; au cavalier, 4 livres.

À l’origine, la solde avait pour objet de permettre aux cavaliers des nouvelles maréchaussées, non seulement de pourvoir à leur subsistance et d’assurer leur service, mais encore de s’habiller, de s’équiper et de se remonter avec un cheval de la taille de ceux des dragons(160) de poil bai ou noir(161) ; certains cavaliers s’étant contentés de louer ou d’emprunter une monture, l’ordonnance du 16 juillet 1722 punit très sévèrement les exempts, brigadiers, sous-brigadiers et cavaliers qui se présentaient à une revue avec un cheval ne leur appartenant pas, et rendit même responsable le prévôt général. Au moyen de la solde, les cavaliers étaient encore tenus de nourrir leurs montures, de se loger et même de loger leurs chevaux, sauf dans les postes à plusieurs brigades, où la ville était tenue de fournir une écurie commune et un grenier suffisant(162).

On ne tarda pas à reconnaître l’impossibilité où se trouvaient les maréchaussées de remplir les différentes parties de leur service, à cause des frais qu’elles occasionnaient et auxquels la solde ne pouvait suffire. Deux systèmes principaux furent employés conjointement pour remédier à cet état de choses : système des masses alimentées par l’État et consistant à mettre en réserve les sommes que les commandants de brigade ou cavaliers auraient dues ménager sur leurs appointements, pour satisfaire à divers besoins ; service gratuit de certaines prestations, soit par l’État, soit par les provinces.

La première masse fut instituée le 29 novembre 1728 et se rapporta à l’habillement et à l’équipement, dont la description avait été donnée dans l’ordonnance du 16 mars 1720 (article 5). L’habillement réglementaire se composait, pour les archers, d’un justaucorps de drap bleu doublé de rouge avec parement rouge, d’un manteau bleu avec parement rouge, d’une aiguillette de soie blanche et d’un chapeau bordé d’argent. Des ganses sur les manches ou sur certaines parties de l’habit, différenciaient les divers grades. L’exempt avait un habit ; le lieutenant et le prévôt avaient une veste de chamois, le premier avec le justaucorps, le second avec l’habit. L’équipement comprenait une bandoulière et un ceinturon de buffle, une housse de cheval de drap bleu, des fourreaux de pistolet et des bottines à boucles de cuivre toutes uniformes.

Les masses d’habillement, destinées à payer les effets, furent, à l’origine, distinctes par compagnie ; mais un marché général était passé à Paris, pour l’habillement de toutes les maréchaussées du royaume. Les draps, d’Elboeuf ou de Sedan, de Lodève ou de Romorantin, étaient expédiés dans les chefs-lieux de compagnie. Les tenues étaient distribuées pour une durée déterminée, à la fin de laquelle elles étaient remplacées. Si un exempt, brigadier, sous-brigadier ou cavalier, obtenait son congé ou venait à être cassé ou à décéder, son habillement, son équipement et son armement étaient distribués gratuitement à celui qui le remplaçait.

L’ordonnance du 10 octobre 1756 institua une masse unique pour l’habillement et l’équipement de toutes les compagnies. Un fournisseur général était chargé de la façon des habits et des livraisons. L’usage, qui s’était établi de faire confectionner les habits des maréchaussées à Paris, d’après les mesures envoyées des différentes provinces, ayant présenté des inconvénients, le ministre écrivit, le 20 mai 1758, qu’à l’avenir, les étoffes nécessaires seraient envoyées au chef-lieu de chaque compagnie, et que les prévôts recevraient les sommes nécessaires au payement des tailleurs chargés de la confection(163).

La même ordonnance de 1756 supprima l’aiguillettte, la bandoulière pour les brigadiers et sous-brigadiers, et remplaça les bottines à boucles de cuivre par des bottes molles. Indépendamment de l’habit de drap croisé bleu de roi, les commandants de brigade et les cavaliers recevaient sur la masse, une veste de drap couleur chamois et un surtout bleu. Ils recevaient aussi des effets de harnachement : têtière et rênes, bossettes argentées, bridon à chaperon, croupière et poitrail. L’habillement était renouvelé tous les six ans ; mais il n’était fourni de manteau que tous les douze ans.

Près d’un demi-siècle s’était écoulé depuis la réorganisation des maréchaussées, et il restait cependant à résoudre certaines questions très importantes, au nombre desquelles figuraient celles du logement, de la remonte et des fourrages :

- sauf dans certaines villes, où les cavaliers étaient tenus de loger dans la même maison que l’écurie commune ou dans le voisinage(164), les cavaliers se logeaient comme ils l’entendaient, et les provinces les dédommageaient par des indemnités dont le règlement, d’ailleurs, était une source de difficultés ; or, on reconnaissait qu’il y avait intérêt, pour le service, à ce que les hommes et les chevaux fussent rassemblés ;

- il était difficile aux cavaliers de se procurer des chevaux. Dans un mémoire établi en 1758, le prévôt du Roussillon écrivait : « Pour faire un bon cavalier de maréchaussée, il faut qu’il sache lire et écrire, qu’il soit de force et taille convenables, qu’il soit brave et honnête homme, sage, fidèle, et qu’il ait, en outre ce, au moins 240 livres pour se monter ou équiper son cheval. Ce dernier article est précisément le plus difficile à trouver ». Et le prévôt proposait l’établissement d’une masse de remonte alimentée par des retenues sur la solde ;

- faute d’une nourriture suffisante, beaucoup de chevaux dépérissaient. Pour remédier à cette situation, le même prévôt avait pris l’initiative, dès 1752, de former un fonds de masse pour la nourriture des chevaux des brigades de Perpignan ; ce système procurait des économies et une ration variée, mais il exigeait, comme le précédent, des retenues sur la solde ; ce n’était pas la meilleure solution.

Afin de réaliser les réformes qui s’imposaient et de procéder, par surcroît, à l’augmentation nécessaire des effectifs, Choiseul conçut un projet d’une grande hardiesse. Il se proposa de faire fournir les fourrages et le casernement des brigades par les villes où elles seraient établies. Grâce aux avantages ainsi procurés à la maréchaussée, les appointements des commandants de brigade et des cavaliers auraient pu être réduits, et les économies ainsi réalisées sur la solde auraient permis d’augmenter les effectifs. À la date du 29 décembre 1767, le ministre soumit ses projets aux intendants(165).

À l’égard du casernement, l’intendant du Roussillon exprima l’avis que, beaucoup de communautés étant misérables, il serait difficile de trouver des maisons pouvant contenir tous les logements. Il ajoutait que les cavaliers qui avaient des maisons à eux ou à leurs femmes, ou qui en louaient, préféraient recevoir le logement en argent ; d’autre part, une habitation commune à des gens dont la plupart étaient mariés et avaient des familles nombreuses, ne présenterait-elle pas des inconvénients ? Comment pourraient-ils s’accorder à vivre en paix ? Il était plus que probable que cette réunion forcée serait le principe de mille discussions et de mille altercations.

Quant à la fourniture des fourrages, disait l’intendant, ce serait une trop lourde charge pour les communautés et elle entraînerait obligatoirement l’imposition de toute la province ; de plus, les officiers municipaux ne pourraient pas apporter le soin nécessaire à cette nouvelle gestion, qui entraînerait des difficultés de toutes sortes avec les fournisseurs. L’intendant concluait en proposant de laisser aux cavaliers le soin de pourvoir à la nourriture de leurs chevaux et de leur en payer le montant.

Choiseul, bien résolu à améliorer la situation de la maréchaussée, modifia ses projets et adopta les solutions suivantes(166).

Les appointements des officiers et ceux du trompette, fixés en 1720, ne subirent pas de modifications ; mais la solde des exempts fut réduite à 450 livres, celle du brigadier à 360, celle du sous-brigadier à 324, et celle du cavalier à 270. Grâce à ces réductions, Choiseul put créer les deux cents brigades dont nous avons parlé ci-dessus.

La diminution de la solde de la troupe était compensée par des avantages considérables. Une indemnité, de 30 livres pour les exempts, de 20 livres pour les brigadiers, sous-brigadiers et cavaliers, destinée à l’entretien du cheval et des équipements (harnachement), était payée, en même temps que la solde, à chaque commandant de brigade ou cavalier.

Les fourrages étaient fournis à la troupe, sur le pied d’une ration journalière par cheval, de 15 livres de foin, 5 livres de paille et 8 livres d’avoine ou les deux tiers du boisseau de Paris. L’achat des fourrages se faisait tous les ans en commun, par le commandant de la brigade et les cavaliers, dans la saison la plus convenable à cet approvisionnement. Le chef de brigade établissait des états détaillés du prix des denrées, et le prévôt général en faisait payer comptant la moitié par le trésorier des maréchaussées ; l’autre moitié était payée d’après les ordres du secrétaire d’État de la Guerre.

Les officiers recevaient, au lieu des denrées, une indemnité représentative de 500 livres pour chaque prévôt général, et 250 livres pour chaque lieutenant. L’État prenait donc intégralement à sa charge la fourniture des fourrages.

Le logement était fourni aux commandants de brigade et aux cavaliers, de même que les écuries pour les chevaux et les greniers pour les fourrages, comme il l’était aux troupes en quartiers ou en garnison dans les provinces, c’est-à-dire par les populations. Dans les résidences où, au lieu du logement chez les habitants, il était fourni une caserne, elle devait être composée d’un nombre de chambres suffisant pour loger le chef de brigade et les cavaliers, d’écuries assez vastes pour contenir deux chevaux de plus que ceux de la brigade, pour les cavaliers étrangers, et de greniers pour la provision de fourrage au moins d’une année.

Les provinces étaient tenues de payer une indemnité de logement de 500 livres à chaque prévôt général et de 250 livres à chaque lieutenant. Ce payement ne s’effectuant pas régulièrement, le ministre dut intervenir, « afin que les officiers ne fussent pas privés plus longtemps de ce qui leur avait été solennellement promis par l’ordonnance »(167).

À la masse d’habillement déjà instituée, et que la nouvelle ordonnance fixait à 80 livres pour l’exempt, 60 livres pour le brigadier, 48 livres pour le sous-brigadier et 40 livres pour le cavalier, s’ajoutait une masse de remonte fixée à 35 livres pour l’exempt et à 30 livres pour le brigadier, le sous-brigadier et le cavalier, et destinée au payement des chevaux. Les fonds de ces masses, payés sur le pied complet, devaient rester entre les mains des trésoriers généraux des maréchaussées.

Tout cavalier démonté devait se pourvoir sans délai d’une monture qu’il présentait au lieutenant ; le prévôt général faisait payer la moitié de la somme convenue, par le trésorier des maréchaussées, l’autre moitié ne pouvant être acquittée que sur les ordres du secrétaire d’État.

Si un cavalier venait à perdre son cheval, ce qui pouvait manquer à la masse pour payer une nouvelle monture était retenu sur la solde ; mais, si nous observons que les chevaux de nouvelle remonte étaient jeunes, qu’après huit ans depuis l’acquisition, la masse d’un cavalier se trouvait enrichie de 240 livres, ce qui représentait le prix d’un cheval, nous voyons que, pratiquement, Choiseul avait réalisé la remonte gratuite de la maréchaussée. Au surplus, une prime de conservation de leurs montures était accordée, après dix ans, aux commandants de brigade et aux cavaliers.

À l’égard de l’habillement, l’ordonnance de 1769 reproduisit la plupart des dispositions de celle de 1756 ; mais, indépendamment des effets que le roi faisait délivrer sur la masse, les cavaliers étaient tenus de se fournir à leurs frais d’une culotte de peau de daim, d’une paire de gants chamois et de manchettes de bottes de toile blanche ; ils devaient s’entretenir aussi de bottes molles de cuir de veau et se pourvoir d’une selle de cuir noir à quartiers carrés, d’une bride et d’un bridon également en cuir noir.

Les cavaliers étaient armés d’un mousqueton et d’une baïonnette, d’une paire de pistolets de neuf pouces de long seulement, afin qu’ils pussent servir en même temps de pistolets de poche, et d’un sabre à garde de cuivre couvert de deux branches.

Les réformes qui précèdent avaient pour résultat d’assimiler la maréchaussée, au point de vue des prestations, aux autres corps de l’armée et de l’établir sur un pied de plus en plus militaire. Cette conséquence en entraîna une deuxième.

Les états de revues, pour le payement de la solde, ne furent plus dressés par les prévôts généraux ; l’ordonnance disposa qu’à partir du 1er janvier 1770, les revues de subsistance de la maréchaussée seraient faites par les commissaires des guerres, dont les fonctions consistaient essentiellement à faire les revues des troupes du roi, pour constater les journées de présence des hommes et des chevaux et établir les droits aux diverses prestations. Les commissaires se transporteraient tous les quatre mois aux endroits désignés, où les officiers et les brigades seraient tenus de se rassembler (articles 10 à 12).

L’ordonnance du 27 décembre 1769 venait à peine de paraître, que Choiseul se préoccupa d’en régler l’application ; c’est ainsi que furent publiés successivement les règlements suivants.

Le 30 décembre 1769, parut une ordonnance portant règlement sur les revues que les commissaires des guerres devaient faire aux maréchaussées à partir du 1er janvier 1770 ; elle fixait les époques des revues, traitait de l’établissement des contrôles pour ces opérations, de la manière de passer les revues, des mentions à porter sur les contrôles par les commissaires, etc. Une lettre du ministre aux intendants, du 30 avril 1770, précisa que les revues auraient lieu, en principe, dans les résidences des lieutenants et que les brigades auraient droit, pour s’y rendre, au logement et à l’étape(168).

Le 20 juin 1770, un arrêt du Conseil d’État et des lettres patentes sur cet arrêt réglèrent la manière de payer au lieutenant la solde et les fourrages de son unité, et au prévôt général les fonds destinés aux masses d’habillement et de remonte.

Le 1er août 1770, fut rendue une ordonnance concernant le logement des brigades de maréchaussée ; on lit, dans le préambule, que les casernes déjà installées ne permettaient pas toujours aux cavaliers de se loger séparément, ce qui était cependant indispensable, « eu égard à l’activité de leur service, qui ne leur permet pas de faire ordinaire entre eux comme les troupes, d’autant que la plupart desdits commandants et cavaliers sont mariés, et Sa Majesté n’ayant jamais entendu leur interdire les avantages et la liberté du mariage, qui ne peut que contribuer à leur bonne conduite et les attacher à leur état ». Cette ordonnance ne renfermait que trois articles :

« Art. 1. Les casernes des brigades de maréchaussée, ou maisons qui en tiendront lieu, seront composées au moins de deux chambres à cheminée pour le commandant, d’une chambre pareillement à cheminée pour chaque cavalier, et d’une autre chambre pour les cavaliers étrangers, indépendamment des écuries qui devront contenir deux chevaux de plus que ceux de la brigade, pour lesdits cavaliers étrangers, et de greniers pour la provision des fourrages au moins d’une année, ainsi qu’il est ordonné par l’article 26 de l’ordonnance du 27 décembre 1769, que Sa Majesté confirme et interprète en tant que de besoin.

Art. 2. Sa Majesté dispense les villes et communautés par lesquelles ces casernes seront fournies, de les garnir d’aucuns meubles et ustensiles ; les maisons acquises ou louées pour en tenir lieu devant seulement être mises en bon état de réparation, rendues logeables et bien entretenues aux frais desdites villes et communautés.

Art. 3. L’intention de Sa Majesté est qu’il soit procédé sans délai à l’établissement desdites casernes, dans tous les lieux de résidence des brigades de maréchaussée ; que les commandants et cavaliers y soient logés au plus tôt, et qu’en attendant, il leur soit assigné des logements chez les habitants, ainsi qu’il en est usé pour les troupes en quartier ou en garnison dans les provinces, conformément à l’article 26 de ladite ordonnance du 27 décembre 1769, dont Sa Majesté confirme le surplus des dispositions ».

Le 25 juin 1771 fut publié un règlement sur la masse de remonte établie par l’ordonnance du 27 décembre 1769 ; il réglait les conditions du payement des chevaux de nouvelle remonte, la destination du prix de vente des chevaux réformés, le remboursement du prix d’estimation des chevaux qui existaient au jour de la mise en application de la masse, etc.

Le roi Louis XVI, « désirant procureur aux brigades de maréchaussée de nouveaux motifs d’encouragement pour se livrer à la recherche des coupables et prêter main-forte à la justice, résolut d’étendre les récompenses et les salaires à des objets, dont le service avait été jusqu’alors fait gratuitement ». Il existait, d’autre part, « dans la manière dont les mémoires concernant les frais à la charge du Domaine étaient rédigés et dans les époques où ces mémoires étaient adressés au Conseil d’État, des différences qui n’étaient pas moins préjudiciables aux intérêts du roi qu’à ceux de la maréchaussée et du bien du service »(169).

Ayant « reconnu que, si d’un côté il était juste que la maréchaussée fit gratuitement le service ordinaire qu’exigeait son institution, il convenait également de prendre des mesures pour que le payement des frais de courses et vacations qui lui étaient dus, dans le cas de service extraordinaire, lui fût assuré », le roi rendit un arrêt dans ce sens, sur le rapport de Turgot, à la date du 1er juin 1775.

Au moyen de la solde, les brigades étaient tenues de se transporter gratuitement dans tous les lieux de leur circonscription où leur présence était nécessaire pour maintenir le bon ordre, assurer la punition des coupables, constater les délits, recueillir des pièces à conviction, faire des tournées dans les paroisses du district, escorter les deniers royaux, se transporter sur les lieux lors des émeutes populaires, procéder aux captures et translations des accusés dans les prisons de la résidence du siège, donner assignation aux témoins. Ces opérations ne donnaient lieu à répétition que si les cavaliers ne pouvaient revenir coucher dans le lieu de leur résidence, après avoir été obligés de faire une marche excédant 10 lieues en été et 8 en hiver ; dans ce cas, ainsi que dans celui des captures faites sur des ordres ou des réquisitions à la distance d’au moins une lieue de la résidence, les chefs de brigade et les cavaliers avaient droit à des primes variant, suivant le grade, de 6 à 3 livres par journée. Il ne devait être employé que deux cavaliers pour la conduite d’un prisonnier, trois pour la conduite de deux et ainsi de suite.

Les primes donnaient lieu à l’établissement de mémoires par les prévôts généraux ; ces documents étaient transmis aux intendants et ces derniers les adressaient, revêtus de leur avis, au contrôleur général des finances, qui assurait le payement des sommes dues. Il y avait des règles spéciales pour le payement des frais occasionnés par les captures, des mendiants et vagabonds ; par l’exécution des jugements, décrets ou arrêts par une partie civile ; par celle des réquisitions de main-forte aux employés des fermes ; par les escortes de messageries et les secours portés aux citoyens ; par l’exécution des ordres des gouverneurs et des intendants, par la capture et la translation des prisonniers d’État.

Le service extraordinaire relatif au département de la Guerre continuait à être payé sur les ordres du secrétaire d’État, et il y avait un règlement particulier pour les frais de capture et de conduite des déserteurs et des insoumis ; aucun changement n’était apporté au payement des frais occasionnés par l’exécution des ordonnances des maréchaux de France(170).

Les dispositions qui précèdent ne furent pas, à l’origine, très bien observées ; les mémoires étaient envoyés au ministre irrégulièrement et en retard, et ces lenteurs en apportaient, nécessairement, dans le règlement des frais dus à la maréchaussée et dans l’expédition des ordres pour leur payement. Ces lenteurs, écrivait le ministre Necker aux intendants le 10 février 1778, « excitent les réclamations des brigades qui, se trouvant privées des avantages que les dispositions du règlement du 1er juin 1775 leur avait présentés, se plaignent fréquemment et avec raison qu’elles souffrent dans l’attente d’un payement qui, souvent, a moins celui d’un salaire pour objet, qu’un remboursement d’avances. Elles ralentissent, enfin, leur zèle et leur inspirent un découragement dont les suites ne peuvent qu’être fort préjudiciables au bien du service et, même, devenir funestes pour la société, par l’espérance que ceux qui la troublent doivent en concevoir de se soustraire plus facilement à la punition de leurs crimes »(171). Le ministre concluait en invitant les intendants à tenir la main à l’exécution de l’arrêt du 1er juin 1775 plus exactement que par le passé, et à envoyer les mémoires à mesure de leur remise par les brigades, ou tous les mois, ou, du moins, dans les trois mois au plus tard.

Les réformes de Choiseul, en 1769, avaient eu pour effet d’assimiler l’administration de la maréchaussée à celle des autres troupes. L’ordonnance du 28 avril 1778, qui accentua à son tour, comme nous l’avons vu, le caractère militaire des cadres, respecta, dans ses grandes lignes, l’œuvre administrative de Choiseul. En voici les points essentiels.

Le titre VII fixait la solde, dont l’augmentation accompagna la réduction du nombre des brigades. L’inspecteur général reçut 4000 livres de solde annuelle ; le prévôt général, 2400 (outre les gages fixés en 1720) ; le lieutenant, 1200 (outre les gages) ; le sous-lieutenant, 1000 ; le maréchal des logis, 600 ; le brigadier, 450 ; le cavalier, 366 ; le trompette, 270. La solde était payée tous les mois, d’après les revues des commissaires des guerres, sans autre retenue que celle de deux sous par jour faite aux cavaliers, pour leur entretien en effets non payés sur la masse d’habillement. Aucune retenue pour dettes ne pouvait être faite sur la solde des militaires de la maréchaussée, sauf pour le payement de leur nourriture personnelle.

Les officiers avaient droit, pour leurs revues, à une indemnité forfaitaire annuelle de 500 livres pour le prévôt général et de 300 livres pour le lieutenant (article 2).

Le titre V (article 10) maintenait les règles fixées par l’arrêt du 1er juin 1775, pour le payement du service extraordinaire ; mais, au lieu de recevoir les indemnités prévues par ce règlement, les cavaliers avaient droit à l’étape et au logement, s’il s’agissait des conduites de soldats ou de déserteurs (article 11).

Des abus s’étant produits dans la perception de l’étape, une lettre ministérielle du 23 mai 1779(172) décida, conformément à l’arrêt du 1er juin 1775, que deux cavaliers seraient employés pour la conduite d’un déserteur, trois lorsqu’il y en aurait deux, et quatre pour trois ; dans tous les cas, les cavaliers ne pouvaient recevoir l’étape que pour leur nombre effectif. Une autre lettre ministérielle, du 31 janvier 1780(173), décida que les prévôts généraux et leurs lieutenants n’auraient jamais l’étape pour faire leurs tournées de revues, puisque l’ordonnance leur accordait des gratifications, pour les dédommager des frais de ces tournées ; mais que l’étape serait accordée, par contre, aux sous-lieutenants, maréchaux des logis, brigadiers et cavaliers, pour se rendre à ces revues.

L’étape donnait droit, par journée de marche, aux prestations suivantes : aux prévôts généraux, dix rations de vivres et dix de fourrages ; aux lieutenants, quatre rations et demie de vivres et quatre de fourrages ; aux sous-lieutenants, trois rations et demie de vivres et trois de fourrages ; aux maréchaux des logis et brigadiers, une ration et demie de vivres et une ration de fourrages ; aux cavaliers, une ration de vivres et une de fourrages. Les journées de marche étaient payées sur le pied de 8 lieues en été et de 6 en hiver.

Les fourrages formaient la matière du titre VIII. L’ordonnance fixait les places de fourrages qui devaient être payées en argent aux officiers, soit deux places aux prévôts généraux et une place aux lieutenants et sous-lieutenants, sur le pied de 300 livres par place ; elle fixait aussi le taux de la ration journalière qui devait être fournie à chaque bas-officier (maréchal des logis ou brigadier) ou cavalier, soit, en principe, deux tiers de boisseau d’avoine, 10 livres de foin et 10 livres de paille ; elle réglementait les achats de fourrages, qui continuaient à être faits conjointement par le commandant de la brigade et les cavaliers, ainsi que leur comptabilité et leur mode de payement par les trésoriers généraux des maréchaussées.

Le titre IX concernait le logement. Il devait être fourni, dans chaque résidence de brigade, une caserne ou une maison louée en tenant lieu, composée d’au moins cinq chambres, dont quatre à feu, une écurie de six chevaux et un grenier pour l’approvisionnement d’un an en foin, paille et avoine. Il n’était pas permis d’introduire, dans ces maisons ou casernes, des locataires pouvant gêner le service des brigades, annoncer leur marche ou divulguer leurs opérations ; moins libérale que celle de 1769, l’ordonnance de 1778 interdisait expressément aux chefs de brigade et aux cavaliers de faire loger leurs femmes dans les casernes (titre Ier, article 17). À défaut de prison dans la localité, les prisonniers étaient déposés dans la chambre la plus sûre de la caserne ; ce local, si l’on en juge par la chambre de sûreté de l’« hôtel de la maréchaussée », qui abrite encore aujourd’hui la gendarmerie de Vézelay (Yonne), présentait contre les évasions toutes les garanties désirables.

Si le logement ne pouvait être fourni en nature, il était payé par les habitants du district non exempts du logement des gens de guerre : à chaque maréchal des logis, 70 livres ; à chaque brigadier, 60 livres ; à chaque cavalier, 50 livres.

Comme il était difficile de trouver des casernes dans toutes les résidences des brigades, le ministre recommanda à l’intendant du Roussillon, le 7 juillet 1779, de faire les plus grands efforts pour compléter le casernement, « parce qu’il est bien différent, disait le ministre, pour le bien et l’exactitude du service, que les brigades soient casernées ou ne le soient pas »(174).

Le titre X avait pour objet les remontes. Les cavaliers ne pouvaient présenter à l’agrément du lieutenant que des chevaux âgés de cinq à huit ans, de robe noire ou brune et ayant une taille de 4 pieds, 8 à 9 pouces (1,512 mètre à 1,539 mètre).

Aucun sujet ne pouvait obtenir une place de cavalier de maréchaussée s’il ne versait à la masse de remonte une somme de 300 livres. Ce versement, que l’ordonnance présentait – sous une forme assez embarrassée – comme l’équivalent de la finance qui aurait pu être attachée à la charge de cavalier (titre X, article 2), avait pour effet de retirer à la maréchaussée le bénéfice de la remonte gratuite, qu’avait voulu lui procurer Choiseul en 1769, et que l’arme devait retrouver, après un long passé de revendications, en 1919 (décret du 19 juillet).

La masse de remonte, destinée au payement des chevaux de remplacement, était constituée par les fonds que le roi versait annuellement, à raison de 30 livres par chef de brigade ou cavalier, sur le pied complet. Le lieutenant était dépositaire des fonds de la masse, dont la vérification était faite, au cours de leurs revues, par les inspecteurs et les prévôts généraux.

Le titre XI établissait, dans chaque brigade, une bourse commune destinée à recevoir les amendes prononcées au profit de la maréchaussée, les gratifications pour captures et, généralement, tous les payements faits pour vacations et service extraordinaires ; le partage avait lieu à raison du tiers pour le chef de brigade et des deux tiers, par parts égales, pour les trois cavaliers. Les gratifications dues pour les captures de déserteurs ne rentraient pas dans la bourse commune ; elles étaient dues aux militaires qui avaient procédé à l’arrestation.

Le titre XII traitait des revues des commissaires des guerres et reproduisait, presque intégralement, les dispositions de l’ordonnance du 30 décembre 1769.

Le titre XIII concernait l’habillement, l’équipement et l’armement et faisait une description minutieuse de l’uniforme. Aucun changement important n’était apporté aux dispositions antérieures. Notons, cependant, le rétablissement de l’aiguillette, supprimée en 1756. Notons aussi que l’habillement (habit, veste de drap et culotte de peau) était renouvelé tous les deux ans ; le manteau l’était tous les huit ans.

Pour constituer la masse d’habillement, le roi versait, tous les ans, aux trésoriers généraux des maréchaussées, 45 livres par maréchal des logis, 42 par brigadier, 40 par cavalier, 30 par trompette. Le personnel recevait gratuitement, sur les fonds de la masse, la plus grande partie des effets nécessaires. Les effets de linge, les culottes, bas, bottes et souliers étaient à la charge des hommes, ainsi que l’entretien et le ferrage des chevaux, les selles, brides, bridons, licols et leurs garnitures.

L’armement, fourni par les magasins du roi, comprenait : pour les brigadiers et cavaliers, un mousqueton de cavalerie, une baïonnette, un sabre et deux pistolets de 9 pouces ; pour les maréchaux des logis, un sabre et deux pistolets ; pour le trompette, un sabre. Les officiers étaient armés d’un sabre et de deux pistolets.

Rapports des nouvelles maréchaussées avec les autorités

Aucun changement ne fut apporté, en 1720, aux rapports de la maréchaussée avec le tribunal de la connétablie.

L’ordonnance de 1760 (titre 4, article 6) prescrivit de remettre les procès-verbaux d’excès commis envers les officiers et les cavaliers dans l’exercice de leurs fonctions au greffe de la maréchaussée du département ; le procureur du siège faisait écrouer et interrogeait les coupables ; puis il adressait les procès-verbaux de capture, de conduite et d’interrogatoire au procureur du roi de la connétablie, où le jugement était ensuite rendu. Ces dispositions furent renouvelées par l’ordonnance de 1778 (titre 5, article 15).

La maréchaussée continua à faire partie du corps de la gendarmerie, sous le commandement des maréchaux de France(175). Elle rendait à ces hauts dignitaires les mêmes honneurs qu’au roi, à la famille royale et aux princes du sang. Lorsqu’un maréchal de France arrivait sur le territoire d’une compagnie ou le quittait, les brigades établies le long de la route l’accompagnaient et, s’il le jugeait à propos, lui fournissaient une garde(176). La maréchaussée exécutait les ordonnances du tribunal des maréchaux.

Les prévôts généraux furent tenus de monter à cheval, à la tête de leur troupe, le jour de l’entrée et de la réception des gouverneurs et des lieutenants généraux des provinces(177) ; cette obligation fut étendue, par l’ordonnance de 1769 (article 20), au cas de réception de tous officiers généraux commandant dans les provinces.

La maréchaussée était tenue d’exécuter les ordres du roi qui lui étaient remis ou communiqués par les gouverneurs, les lieutenants généraux et les commandants des provinces(178), et l’ordonnance de 1769 (article 16) ajouta qu’elle serait tenue de se conformer aussi aux ordres émanant de ces officiers généraux ; cette dernière disposition n’était, d’ailleurs, que la consécration légale d’une situation de fait préexistante : en 1752, le commandant de la place de Perpignan avait utilisé la maréchaussée, faute de cavalerie, pour faire des patrouilles sur les côtes, lors de la présence de vaisseaux anglais(179). Ainsi, depuis 1720, chaque ordonnance marquait un progrès dans la subordination de la maréchaussée au commandement territorial.

L’ordonnance de 1778, allant encore plus loin dans la même voie, décida que la maréchaussée exécuterait les ordres des généraux commandant les divisions de troupes et qu’elle serait passée en revue annuellement par ces officiers généraux (titre 2, article 3) ; cette arme continuait à recevoir aussi des ordres des gouverneurs, des commandants dans les provinces, ainsi que des commandants des places mais elle n’était tenue de rendre compte à ces derniers que des opérations concernant le service militaire et la sûreté des places (titre 2, article 2).

Ainsi, la subordination de la maréchaussée était entière à l’égard des généraux commandant les divisions, et restreinte à certains objets, à l’égard des commandants de place ; nous retrouverons plus tard cette distinction.

Certains officiers de maréchaussée n’ayant pas voulu reconnaître l’autorité des cours souveraines, l’arrêt du Conseil d’État, du 8 janvier 1724, décida que les prévôts et leurs lieutenants prêteraient serment et feraient enregistrer leurs provisions au Parlement ; l’arrêt ajouta que les prévôts, officiers et archers mettraient à exécution les ordres qui leur seraient donnés par les premiers présidents et les procureurs généraux pour tout ce qui concernerait le bien de la justice et la police générale.

Si les officiers de maréchaussée ne pouvaient être soumis à la juridiction des cours de parlement, s’ils ne pouvaient recevoir d’ordres particuliers des officiers desdites cours, autres que les premiers présidents et les procureurs généraux, il appartenait à ces derniers d’informer le chef de la justice et le secrétaire d’État de la Guerre de la mauvaise conduite des prévôts et des lieutenants, et de leur négligence dans l’exécution des ordres et des mandants de justice.

Le même arrêt réglait le cérémonial qu’était tenue d’observer la maréchaussée, lors des rentrées des cours et aux cérémonies publiques.

Cette subordination à la haute magistrature fut confirmée par l’ordonnance de 1760 (titre 2, article 4), celle de 1769 (article 17) et celle de 1778 (titre V, article 2). Par contre, il fut défendu aux juges inférieurs d’adresser leurs réquisitions à la maréchaussée en termes impératifs, tels que mandons, enjoignons, etc., au lieu de se servir du terme requérons prescrit par l’ordonnance de 1670 (titre 2, article 3). Divers arrêts furent rendus dans ce sens : arrêts du Conseil du 9 juin 1733 contre le lieutenant général de police d’Orléans, du 10 mai 1741 contre le bailli de Beauvais, du 28 février 1742 contre le lieutenant criminel de Poitiers. Nous citerons aussi une sentence de la connétablie, du 23 août 1742, contre un maître particulier des eaux et forêts de la province de Guyenne, laquelle rappelle les arrêts précités il y est dit, en outre, que les juges royaux ordinaires doivent requérir la maréchaussée « en termes décents et d’autant plus convenables, que les officiers des maréchaussées sont, pour la plupart, d’anciens officiers militaires, recommandables par leurs services et par leur zèle à remplir leurs fonctions avec l’exactitude qu’elles méritent », etc. En outre, il fut ordonné aux mêmes juges de faire par écrit leurs réquisitions à la maréchaussée(180).

Les dispositions qui précèdent furent maintenues par l’ordonnance de 1778 (titre 5, articles 5 et 6) ; de plus, les officiers de justice, de même que les commissaires des guerres, les subdélégués (des intendants) et toutes les autorités ayant qualité pour requérir la maréchaussée, furent tenus d’exprimer, dans leurs réquisitions, les objets du service à remplir et de les adresser à l’officier ou bas-officier de l’arme commandant dans le district (titre 5, article 5).

Les prévôts des anciennes maréchaussées étaient tenus, on l’a vu, de mettre à exécution les mandats des juges ordinaires ; mais, sauf en matière prévôtale, les archers ne pouvaient, dans le dernier état de la réglementation(181), être chargés d’aucune signification.

Aux termes de l’arrêt du Conseil d’État du 8 janvier 1724, les officiers et archers des nouvelles maréchaussées furent tenus de prêter main-forte à l’exécution des mandements de justice, sur la simple réquisition des huissiers ou autres officiers chargés de les mettre à exécution.

La déclaration du 26 février 1724 ajouta aux attributions de la maréchaussée ; les officiers et archers furent tenus de mettre à exécution sur-le-champ et sans délai, à la première réquisition, les décrets des juges ordinaires.

L’ordonnance du 19 avril 1760 (titre 4, article 5), revenant à l’ancienne réglementation, interdit aux officiers et cavaliers d’exploiter, hors les cas prévôtaux ; lorsque ces militaires prêtaient leur assistance à un officier de justice, ils ne devaient pas s’immiscer dans l’exécution du jugement ou mandement pour lequel la main-forte avait été requise. Dans leurs réquisitions de main-forte, les huissiers ou sergents devaient expliquer ce qui les empêchait d’exécuter le décret(182).

Les dispositions qui précèdent furent maintenues par l’ordonnance de 1778 (titre 5, article 5) ; mais, à la demande des États généraux, les militaires de tout grade de la maréchaussée furent tenus de nouveau, par la loi du 16 février 1791, d’obtempérer aux réquisitions ayant pour objet l’exécution des jugements et ordonnances de justice ; ces prescriptions sont encore en vigueur.

Nous avons vu ci-dessus que l’ordonnance de 1716, renouvelant des prescriptions qui remontaient au XVIe siècle, astreignit les prévôts à prendre des certificats des magistrats des lieux où ils passaient ; ces dispositions restèrent en vigueur et les nouvelles maréchaussées continuèrent à les observer, bien qu’elles n’eussent pas été reproduites dans l’ordonnance du 16 mars 1720.

Cette obligation fut rappelée par l’ordonnance de 1760 ; aux termes de l’article 3 du titre 3, les cavaliers étaient tenus de faire constater la visite de leurs tournées par des certificats des magistrats ou du curé et, à leur défaut, d’un des principaux habitants des lieux qu’ils avaient parcourus. L’ordonnance de 1769 (article 37) exigea la présentation de certificats des maires et des syndics, et l’ordonnance de 1778 (titre 4, article 3), la signature des officiers municipaux, curés, seigneurs des paroisses et autres personnes notables sur le journal de service(183).

En fractionnant la maréchaussée en brigades de cinq hommes, le secrétaire d’État Le Blanc ordonna aux prévôts généraux, le 28 mai 1720, de faire tenir par chaque chef de brigade « un rôle des habitants des paroisses comprises dans son district, pour avoir connaissance de la conduite desdits habitants, de ceux qui sont sans métier, décrétés repris de justice et autres mauvais sujets »(184).

Les bayles et consuls de la circonscription des brigades de Perpignan ayant refusé, sous divers prétextes, de fournir à la maréchaussée les éclaircissements que celle-ci leur demandait, l’intendant de la province dut intervenir. Par son ordonnance du 26 juin 1721, il ordonna aux magistrats locaux de remettre aux officiers de maréchaussée à leur première réquisition, et à peine de deux mois de prison, les noms des habitants de leurs paroisses et tous les renseignements utiles sur leur conduite et leur passé judiciaire. Il devint nécessaire de renouveler les prescriptions de l’ordonnance de 1721 ; le 10 janvier 1748, sur les représentations du prévôt général du Roussillon, l’intendant ordonna aux magistrats communaux « de donner à la maréchaussée tous les éclaircissements dont elle avait besoin pour parvenir à avoir une connaissance de la conduite des habitants des paroisses »(185).

Ainsi, le secrétaire d’État Le Blanc avait estimé que la mission d’arrêter les malfaiteurs, qui incombait à la maréchaussée, exigeait que les brigades eussent une connaissance exacte de la population. Depuis lors, deux siècles ont passé et le vœu du créateur des nouvelles maréchaussées dicte encore à la gendarmerie un devoir que les règlements ne lui imposent pas avec une précision suffisante(186).

Une ordonnance du 17 février 1715, du prince de Condé, gouverneur des provinces de Bourgogne et de Bresse, ordonnait aux cabaretiers d’avertir les maires et curés, et à ceux-ci d’informer à leur tour la maréchaussée, des personnes inconnues arrivant dans leurs maisons(187). Si ces prescriptions avaient été observées, les détrousseurs de diligences et autres criminels aux ordres de Cartouche, ainsi que les espions dont Mandrin avait soin de se faire précéder, auraient pu souvent être arrêtés, et ces deux célèbres bandits n’auraient pu poursuivre aussi longtemps le cours de leurs exploits, qu’ils expièrent sur la roue, le premier en 1721, le deuxième en 1755 ; mais les aubergistes étaient affiliés, comme receleurs, à la bande de Cartouche et les maires et les curés, au lieu d’avertir les prévôts, donnaient asile aux hommes de Mandrin(188).

Nous reviendrons plus loin sur cette dernière affaire, qui eut un grand retentissement. Le rôle effacé de la maréchaussée en présence des crimes et des violences du capitaine des contretandiers – on dut faire appel aux troupes réglées – a été un sujet d’étonnement ; des contemporains ont accusé cette troupe de négligence ; des historiens se sont demandés si elle n’aurait pas été impuissante ou, même, complice d’un bandit qui, en somme, était sympathique aux populations.

Il n’est pas de meilleure explication, semble-t-il, à la passivité des brigades, dans ces circonstances, que l’inertie des magistrats locaux et leur négligence à renseigner la maréchaussée sur les cabaretiers et les particuliers qui logeaient les gens sans aveu complices de Mandrin. Nous verrons, dans la deuxième partie, qu’un grand chemin reste encore à parcourir dans cet ordre d’idées. Aujourd’hui, comme jadis, la gendarmerie, pour accomplir sa mission, doit se résoudre à compter sur sa propre vigilance, mieux que sur l’empressement des maires à lui fournir spontanément des indications sur les voyageurs, étrangers, vagabonds, nomades et délinquants.

En particulier, l’utilité de confier à la gendarmerie la police des étrangers, dès leur arrivée dans la circonscription, en la chargeant de leur immatriculation, ne nous paraîtrait pas douteuse.

Au XVIIIe siècle, les intendants, dont l’autorité s’étendait sur tous les services, eurent un pouvoir considérable sur la maréchaussée. Nous avons vu le rôle important que jouèrent ces hauts fonctionnaires dans l’étude des diverses réorganisations de l’arme ; leur action ne fut pas moindre sur le service et la discipline intérieure du corps.

L’ordonnance du 16 mars 1720 (article 7) voulut que les prévôts généraux fissent les revues périodiques du personnel de leur compagnie en présence de l’intendant ou, à défaut, de l’un de ses subdélégués. De plus, l’usage qui existait, avant 1720, de charger les intendants de faire eux-mêmes une revue annuelle des compagnies de maréchaussée, fut remis en vigueur ; il en est question dans le règlement du 10 novembre 1723 des maréchaux de France, et ces revues ne devinrent sans objet que lorsque les inspecteurs généraux, provenant des prévôts, n’eurent à s’occuper que du soin de leurs inspections(189).

Au cours de leurs revues, les intendants entraient dans le détail pour connaître si les cavaliers étaient en état de servir, s’ils étaient habillés et armés convenablement, si les chevaux étaient bons et s’ils appartenaient aux cavaliers. Leur attention se portait principalement sur les officiers, pour voir s’ils étaient bien armés et équipés, s’ils s’acquittaient de leurs devoirs et s’ils étaient propres au commandement. Ils réformaient les cavaliers et les chevaux quand ils le jugeaient à propos, et adressaient au ministre des mémoires particuliers concernant les officiers ; enfin, ils se faisaient présenter les registres des greffiers, pour voir s’ils étaient bien tenus(190).

Les intendants étaient tenus de s’informer de la manière dont la maréchaussée faisait son service, et nous avons vu que l’intendant du Roussillon fut invité à faire vérifier, par ses subdélégués, l’exécution des tournées (1733). Nous voyons le même haut fonctionnaire, en 1747, chargé par le ministre de vérifier la capacité des sujets présentés par le prévôt général.

L’action des intendants sur la maréchaussée ne consistait pas uniquement à contrôler les actes de cette troupe. L’ordonnance de 1760 (titre 4, article 1), enjoignit aux prévôts d’exécuter les ordres du roi qui leur étaient remis ou communiqués par les intendants.

Aux termes de l’article 22 de l’ordonnance de 1769, lors des tournées des intendants pour la répartition des impôts, les brigades établies dans les villes où ils séjournaient, montaient à cheval, pour se trouver sur leur passage le jour de leur départ desdites villes, à l’heure qui leur était donnée par lesdits intendants.

L’ordonnance de 1778 voulut que les feuilles mensuelles de service des brigades, après avoir été vérifiées à tous les échelons, du sous-lieutenant au prévôt général, fussent adressées à l’intendant, pour qu’il pût faire à son tour toutes vérifications utiles, s’il le jugeait à propos, et rendre compte au secrétaire d’État de la Guerre (titre 4, article 22).

En outre, quand les prévôts généraux étaient informés, par les brigades, d’un événement pouvant intéresser la police et l’administration dont l’intendant de la province était chargé, ils devaient lui en faire part, et la même règle devait être observée par les lieutenants, sous-lieutenants et même les chefs de brigade, lorsque les événements ou découvertes étaient de nature à exiger de promptes mesures pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité publique (titre 4, article 23).

La subordination de la maréchaussée aux intendants des provinces fut consacrée en ces termes par l’ordonnance précitée : « Tout ce que les intendants jugeront à propos d’ordonner à la maréchaussée, concernant l’administration dont ils sont chargés, sera de même par elle exécuté ».

Pour que la forme à employer par les intendants, en requérant la maréchaussée, fût compatible avec l’institution militaire de ce corps, ils furent tenus de s’exprimer ainsi : « Le service du roi exige que (tel officier ou bas-officier) commande […], fasse […] se transporte […] arrête, etc., et qu’il nous fasse part (ou nous rende compte si c’est un bas-officier) de l’exécution de ce qui est par nous ci-dessus prescrit au nom de Sa Majesté. Fait à… » (titre 5, article 3).

On remarquera que cette formule de réquisition permettait tous les abus : le « service du roi », c’était la volonté personnelle de l’intendant, laquelle se manifestait, notamment, lorsque ce haut fonctionnaire parcourait sa généralité pour assurer les impôts, faire la levée des soldats ou pour toutes autres opérations (titre 5, article 4).

Les ordres donnés par les autorités militaires à la maréchaussée concernaient principalement la police des troupes en marche, l’arrestation des déserteurs, les sommations aux recrues en retard de rejoindre ou aux soldats dont le congé était expiré, ainsi que l’exécution de certaines ordonnances royales telles que, par exemple, celles qui étaient relatives à la défense du port d’armes. Tous ces services rentraient dans la mission essentielle de l’arme.

L’action des juges sur la maréchaussée était, de même, régulière, lorsque ces magistrats se bornaient à requérir la main-forte pour l’exécution des mandats de justice, conformément à l’ordonnance de Blois qui exprimait la volonté des États généraux, et à l’ordonnance criminelle de 1670.

Mais la subordination de la maréchaussée aux intendants des provinces avait souvent pour effet d’altérer gravement le service. C’est en vain que le ministre avait rappelé, le 12 février 1733, à l’intendant du Roussillon, que les « tournées étaient la partie la plus essentielle des fonctions des brigades, et qu’il était nécessaire de faire faire ce service avec exactitude »(191) ; recevant, de toutes parts, des ordres de nature à paralyser son initiative, la maréchaussée négligeait trop souvent sa mission naturelle de surveillance des campagnes, qui étaient cependant la proie des vagabonds.

L’ordonnance de 1760 tenta de réagir contre l’abus du service extraordinaire, en disposant que « la maréchaussée ne pourrait être employée à aucunes fonctions étrangères à son établissement » (titre 4, article 3) ; l’année suivante (12 mai 1761), Choiseul, écrivant aux prévôts généraux, rappelait que, dès son origine et de toute ancienneté, la maréchaussée était une troupe militaire faisant corps avec la gendarmerie, notamment par l’édit de 1720 et l’ordonnance de 1760 et, par cette raison, ne devait, sous aucun prétexte, être distraite de l’autorité militaire de MM. les maréchaux de France et des gouverneurs et commandants des provinces(192).

Il ordonnait aux intendants de faire par écrit leurs réquisitions à la maréchaussée, car « il importait au bien du service d’augmenter l’émulation dans ce corps par la noblesse de son état ».

Vains efforts. Au pouvoir central, responsable de l’ordre public, qui rappelait sans cesse la maréchaussée à sa mission traditionnelle d’assurer la liberté des chemins, la tranquillité des campagnes et d’arrêter les malfaiteurs, vagabonds, déserteurs, etc., s’opposaient les prétentions des autorités locales à disposer des brigades pour des fins particulières. Au service ordinaire, tout de vigilance, tout d’initiative, s’opposait le service extraordinaire, sur réquisition, trop souvent abusive, des diverses autorités(193).

La maréchaussée était une arme complexe, dont l’organisation n’était pas facile. De haute ancienneté, cette troupe était militaire ; mais ses principales attributions étaient d’ordre civil. Convenait-il d’accentuer son caractère militaire, afin d’assurer, par une exacte discipline, une meilleure exécution du service ? N’était-il pas logique, au contraire, que la maréchaussée fût placée sous les ordres des autorités civiles, qui avaient son service dans leurs attributions ? La solution de ce problème fut l’un des principaux objets de l’ordonnance du 28 avril 1778(194).

Cette ordonnance, qui assura la discipline du corps, se ressentit de l’influence des cours souveraines et des intendants, ces puissances de l’Ancien Régime. La maréchaussée fut ainsi définie :

« L’intention de Sa Majesté est que la maréchaussée s’emploie en toutes circonstances pour le maintien du bon ordre et de la tranquillité publique ; qu’elle soit la force dont les autorités établies dans les provinces pourront user pour la police et administration dont elles sont chargées ; et qu’en conséquence, les officiers de corps exécutent et fassent exécuter avec toute la diligence nécessaire les ordres de Sa Majesté qui leur parviendront directement, ou qui leur seront remis ou communiqués, ainsi que ceux des secrétaires d’État, gouverneurs et commandants des provinces, et ceux des officiers généraux commandant les divisions de ses troupes (titre V, article I) ».

Cette définition est significative. Si l’ordonnance renferme de nombreuses prescriptions relatives au service ordinaire des brigades, c’est-à-dire aux courses, patrouilles et surveillances diverses (titre 4), les termes de la définition qu’on vient de lire et la place que ce texte occupe dans l’article 1er du titre 5, relatif au service extraordinaire, c’est-à-dire sur réquisition, nous révèlent l’idée dominante des auteurs de l’ordonnance de 1778 : pour eux, la maréchaussée était, certes, la troupe qu’avaient voulue les États généraux du XVIe siècle, troupe ayant sa mission propre et « allant par les champs », mais c’était aussi et surtout une force à la disposition des autorités.

En résumé, l’ordonnance de 1778, tout en faisant perdre aux maréchaux de France la grande influence qu’ils avaient sur la maréchaussée, plaça cette arme sous la triple autorité des généraux, de la haute magistrature et des intendants des provinces. C’était porter une atteinte grave à l’indépendance d’un corps qui ne pouvait remplir sa mission sans jouir d’une grande liberté d’action ; c’était, en outre, créer une source d’inévitables conflits. Une organisation aussi complexe favorisait les projets les plus divers, que nous feront connaître les cahiers des États généraux de 1789.

Nous signalerons, ici, une proposition isolée tendant à faire commander chaque maréchaussée par un homme choisi par l’assemblée provinciale, comptable de sa conduite à l’assemblée générale et dont le commandement, sous aucun prétexte, n’aurait pu durer que trois ans. Seuls, disait-on, « les membres d’une province ou d’un district peuvent connaître ceux qui ont assez de lumières, de probité, de fermeté, pour mériter leur confiance et pour garantir de toute attaque leurs propriétés et leurs personnes ». Retenons, de cette proposition, les qualités morales que son auteur reconnaissait nécessaires à tout chef de maréchaussée(195).

En réglant sur des bases nouvelles les rapports de la gendarmerie avec les diverses autorités, les lois révolutionnaires remédièrent à l’une des principales imperfections de l’ordonnance de 1778.

Prévôté des camps et armées

À partir du XVIe siècle, malgré la transformation opérée par François Ier, la surveillance des troupes et la répression des désordres qu’elles pouvaient commettre rentrèrent, comme auparavant, dans les attributions normales de la maréchaussée.

Rappelons succinctement l’état de l’armée de l’Ancien Régime. Ce fut sous le règne de François Ier que les troupes mercenaires commirent les excès les plus graves. Nous citerons, en traitant des crimes commis par les gens de guerre, un certain nombre d’ordonnances rendues contre les aventuriers et ordonnant de « courir sus à ces mangeurs du peuple, de les tuer et de les mettre en pièces ».

Légions provinciales

En présence des inconvénients que présentait le grand nombre de troupes étrangères, François Ier essaya de constituer une infanterie nationale. À cet effet, l’ordonnance du 24 juillet 1534 institua, dans les provinces, sept légions d’infanterie, d’arquebusiers et de hallebardiers, de six mille hommes chacune. Les cinq provinces de Normandie, Bretagne, Picardie, Languedoc et Guyenne levèrent chacune une légion ; une sixième légion fut fournie par la Bourgogne, la Champagne et le Nivernais, une septième par le Dauphiné, la Provence, le Lyonnais et l’Auvergne. Chaque légion comprenait six bandes de mille hommes, commandées par des capitaines ayant chacun sous ses ordres deux lieutenants. En temps de paix, les légionnaires devaient faire une manœuvre générale annuelle.

La justice était exercée, dans chaque légion, par un prévôt (prévôt des bandes), qui disposait de quatre sergents.

Régiments

Les légions ne tardèrent pas à être abandonnées. Après la défaite de Saint-Quentin (1557), Henri II forma de leurs débris, en même temps que de vieilles bandes de routiers, les premiers régiments qu’ait eus la France : les quatre régiments de Picardie, Champagne, Navarre et Piémont, si célèbres dans les guerres de la monarchie. De la même époque (1558) datent les dragons, infanterie à cheval que le maréchal de Brissac avait organisée pendant la guerre de Piémont.

Dès lors, les rois préférèrent payer des étrangers qu’aguerrir leurs sujets : ils recrutèrent leurs armées parmi les Suisses, réputés, depuis Granson et Morat, les premiers fantassins de l’Europe, et parmi les lansquenets allemands.

Cependant, Henri IV essaya de s’affranchir du concours des mercenaires et créa de nouveaux régiments d’infanterie et de cavalerie légère. Sous Louis XIII, Richelieu acheta l’armée du duc de Saxe-Weimar, mais l’effectif de l’infanterie nationale fut néanmoins encore augmenté. Sous Louis XIV, l’accroissement des armées fut tel qu’il fallut se servir surtout de nationaux ; on augmenta le nombre de régiments d’infanterie ; la cavalerie s’accrut également, notamment par la création des carabiniers et des hussards. En 1672, sur un total d’environ 130 000 hommes de pied, les nationaux figuraient pour un peu moins des trois quarts ; sur un effectif d’environ trente mille cavaliers, on comptait neuf Français sur dix soldats(196). À la fin du règne de Louis XIV, il y avait 119 régiments d’infanterie et 274 régiments de cavalerie. En tête de toutes les troupes, marchait la maison militaire du roi ; puis venait la gendarmerie, héritière des premières compagnies d’ordonnance et dont le point d’honneur était de ne jamais fuir, quoi qu’il arrivât.

Compétence judiciaire des prévôts

Nous verrons plus loin quelle était la compétence judiciaire des prévôts des maréchaux et en quoi consistait le service de la maréchaussée aux armées.

Pour réprimer les « délits simples », c’est-à-dire les délits militaires qui intéressaient uniquement la police intérieure des corps, les régiments de très vieille formation ou d’origine étrangère avaient des prévôts spéciaux, soit des prévôts des bandes, soit des prévôts régimentaires. L’artillerie possédait des prévôts appartenant à l’état-major de l’arme et détachés dans les équipages.

Le prévôt des bandes réprimait, notamment, les disputes, querelles de jeux, vengeances privées et mutineries, punissait ceux qui, pendant les routes à l’intérieur, ne payaient pas les vivres ou ne réparaient pas les dégâts qu’ils avaient commis dans les maisons ; les réparations étaient faites sur les gages. Les mutins étaient condamnés à la potence. Le prévôt des bandes avait le droit de requérir l’assistance de la troupe pour appréhender les soldats délinquants(197).

Il était défendu, sous peine de la vie, à tous les capitaines et soldats, d’injurier et d’outrager « de fait ni de parole » le prévôt, ses lieutenants, son greffier ou ses archers ; les coupables de ces crimes devaient être rigoureusement châtiés, comme ayant attenté à l’autorité et à la puissance du souverain(198).

Aux termes de l’article 338 de l’ordonnance de 1629, le prévôt des bandes connaissait « de tous crimes commis de soldat à soldat, comme aussi des soldats envers leurs capitaines, chefs et officiers, soit en l’obéissance et la discipline militaire, soi autrement » ; il connaissait également « des contraventions aux ordonnances militaires et des excès commis en faction ».

Conseils de guerre

Des conseils de guerre furent, d’ailleurs, spécialement institués pour maintenir la discipline intérieure des corps de l’armée et pour les fautes dont les chefs et les soldats pouvaient se rendre coupables dans les combats et les mouvements militaires ; cela fut réglementé, pour la première fois, par Louis XIV(199).

Ces tribunaux siégeaient dans les places ou garnisons, et il y avait aussi des conseils de guerre aux armées. Ils avaient pour justiciables les gens de guerre, tous les soldats et, dans certains cas, les officiers.

Les généraux, les gouverneurs des provinces, les commandants d’armes avaient le droit de convoquer le conseil de guerre. L’autorité qui avait ordonné la convocation désignait les officiers qui devaient composer le tribunal. Ces juges devaient être au nombre de sept au moins(200). Des sergents et des maréchaux des logis pouvaient entrer dans la composition du conseil, lorsqu’il n’y pouvaient entrer dans la composition du conseil, lorsqu’il n’y avait pas dans la place, ni dans les places voisines, assez d’officiers pour faire le nombre de sept.

En garnison, le conseil de guerre était présidé par le commandant d’armes, et le major de la place faisant l’instruction du procès ; en campagne, le commandant de la brigade présidait et le major du régiment était chargé de l’instruction.

La procédure devant les conseils de guerre fut réglée par diverses ordonnances successives et, en dernier lieu, par celle du 1er mars 1768(201). Les séances étaient publiques et il était recommandé aux officiers d’y assister.

L’ensemble des ordonnances et règlements militaires tenait lieu de code répressif. Muyart de Vouglans a donné l’énumération des délits militaires, ainsi que des peines qui y étaient attachées, et les a classés en trois catégories :

- les auteurs des délits contre le service du roi et la sûreté de l’État étaient justiciables des conseils de guerre ; cependant, en ce qui concerne la désertion, le conseil ne pouvait connaître que de la désertion simple à l’intérieur du royaume ; le prévôt de l’armée était seul compétent à l’égard des déserteurs d’armée ou transfuges ;

- le conseil de guerre jugeait les délits contre la discipline militaire ou la subordination des troupes ;

- les délits contre la police des troupes hors le temps de leur service, étaient jugés par le conseil de guerre, à l’exception des infractions que les soldats commettaient dans leurs marches et hors de leurs drapeaux ; la connaissance de ces infractions, commises en général au préjudice des particuliers, était attribuée spécialement aux prévôts des maréchaux.

Le conseil de guerre pouvait, comme les juges ordinaires, condamner à la roue, à la potence ou aux galères ; il existait, en outre, cinq peines particulières de ce tribunal : celle de passer par les armes ou d’avoir la tête cassée ; celle d’être mis sur le cheval de bois ; celle de passer par les baguettes (infanterie) ; celle d’être mis au piquet (cavalerie) ; la prison.

Il y avait une peine spéciale, celle de la chaîne, pour les déserteurs. En campagne, le prévôt d’armée faisait exécuter les sentences des conseils de guerre.

Prévôté de la Marine

Les prévôts de Marine, institués, semble-t-il, sous Louis XIV, avaient établis pour juger des crimes commis par les gens de mer. Une ordonnance de 1674 donna aux prévôts et à leurs lieutenants l’entrée des conseils de guerre de la marine, mais sans voix délibérative(202). Se tenant vers les côtes de la mer, ils montaient à cheval et gardaient les passages, pour empêcher la désertion dans l’armée navale ; ils étaient secondés, dans ce service, par la maréchaussée provinciale.

Un édit d’avril 1704 révoqua les commissions données antérieurement pour exercer les offices de prévôt, lieutenant, exempt, procureur, greffier et archer dans les ports et villes maritimes, et institua des juridictions stables et permanentes, sous le nom de prévôtés de la marine, dans les principaux ports du royaume.

Ces tribunaux, destinés à « aider à l’administration de la justice à réprimer les désordres et punir ceux qui en commettaient » furent au nombre de huit et installés à Brest, Rochefort, Toulon, Marseille, Dunkerque, Le Havre, Port-Louis et Bayonne. À cet effet, l’édit créa, en titre d’office héréditaire, huit prévôts, huit exempts, huit procureurs, huit greffiers et deux cents archers.

Les prévôts de Marine furent créés à l’instar des prévôts des maréchaux, dont ils exerçaient les fonctions dans les lieux où ils étaient établis. Ils faisaient juger leur compétence au présidial dans le ressort duquel la capture avait été faite. Les jugements étaient rendus, au nombre de sept juges fixé par l’ordonnance de 1670, soit au présidial, soit au bailliage dans le ressort duquel le crime avait été commis(203).

Les prévôts de Marine avaient une juridiction spéciale sur les déserteurs de la marine, dont ils étaient tenus d’instruire le procès qu’ils portaient ensuite au conseil de marine ou au présidial, pour y être jugés en dernier ressort. Ils exerçaient cette juridiction à l’exclusion des officiers de l’amirauté, dont la compétence s’étendait aux délits commis sur mer par d’autres que les soldats et aux délits commis par des gens de mer envers les particuliers.

Tandis que les officiers de l’amirauté, dont nous n’avons pas à nous occuper ici, exerçaient sur terre leur juridiction, celle du conseil de guerre de la marine s’exerçait sur mer ; elle était réglée par les ordonnances d’août 1681 et avril 1689(204). Le conseil se composait de l’amiral et de six autres officiers, dont le prévôt de la marine.

Étaient justiciables du conseil les soldats et les officiers, tels que les maîtres et patrons qui composaient le vaisseau, ainsi que les pilotes, matelots et autres gens de mer, pour des délits contre le service ou la fidélité due au Prince, contre la police intérieure du vaisseau et la police des gens et bâtiments de mer.

La procédure était réglée par l’ordonnance de 1689. La plainte était adressée au commandant du vaisseau, le major remplissait les fonctions de procureur du roi et le procès s’instruisait et se jugeait sur le rapport du prévôt de la marine. Les actes essentiels étaient conformes à la procédure réglée pour la justice ordinaire, par l’ordonnance criminelle de 1670.

Indépendamment des peines d’être passé par les armes, des galères ou de la prison, communes au conseil de guerre de l’armée de terre et au conseil de marine, ce dernier pouvait faire donner la cale ou plonger dans l’eau ; il pouvait encore mettre à la boule ou aux fers et faire courir la bouline, c’est-à-dire faire passer le coupable, d’un bout du pont à l’autre, devant l’équipage rangé des deux côtés, qui le frappait avec des cordes(205).

Le décret des 20 septembre - 12 octobre 1791 supprima les compagnies des prévôts de Marine et leur substitua des brigades de gendarmerie, stationnées dans les principaux ports de mer. Ce fut la gendarmerie maritime, que le décret du 18 décembre 1926 a fusionnée avec la gendarmerie départementale.

(1) Mémoires de Martin du Bellay depuis l’an 1513 jusqu’au trépas de François Ier, Paris, 1572 ; Catalogue des actes de François Ier, t. V, p. 748.

(2) Les textes établissent une grande confusion quant au titre véritable du grand chef de la maréchaussée sous François Ier. C’est ainsi que, dans le Catalogue des actes de François Ier, Chaudiou figure tantôt en qualité de « grand prévôt des maréchaux de France » (vol. 2, p. 149), tantôt comme « grand prévôt de France » (vol. 5, p. 748). François Patault de la Voulte qui, en 1538, servait près du connétable, avec, d’ailleurs, le titre de prévôt des maréchaux, figure dans le Dictionnaire de Bauclas, à la date de 1543, en qualité de prévôt général de la Connétablie et Bauclas dit que Patault de la Voulte fut le premier prévôt ainsi nommé. Or, à la date du 27 décembre 1518, on trouve déjà un mandement en faveur de Jacques de Saint-Aubin, « prévôt général de la Connétablie de France » (Catalogue des actes de François Ier, vol. 5, p. 427). Le 29 mai 1540, une commission fut donnée à Claude Genton « prévôt général des connétables et maréchaux de France » et, le surlendemain, le même officier figure avec le titre de grand prévôt des maréchaux (Catalogue des actes de François Ier, vol. 4, p. 109). En réalité, seul le prévôt de l’Hôtel put jouir sans conteste du titre de grand prévôt de France (voir le titre 1er, p. 53 et suiv.). Le prévôt général de la Connétablie eut aussi, parfois, le titre de grand prévôt et il en fut de même des prévôts généraux, dont nous parlerons plus loin.

(3) Déclaration du 26 juin 1547, ordonnance du 11 octobre 1570.

(4) Édit de mars 1600.

(5) Ordonnance du 11 octobre 1570.

(6) Règlements des 14 octobre 1563, 11 décembre 1566.

(7) Édit d’août 1564, art. 1er.

(8) Édit de Roussillon d’août 1564, art. 1 et 2.

(9) Ordonnance de juin 1544, arrêt du Conseil privé du 7 avril 1626.

(10) Titre III, article 7.

(11) On trouvera ces arrêts du Grand Conseil dans Saugrain, Néron ou Montarlot. Nous avons mentionné ci-dessus ceux qui nous ont paru les plus intéressants. Voir aussi Brillon, aux mots Maréchaussée et Prévôt des maréchaux.

(12) Déclaration du 8 novembre 1618.

(13) Voir, en ce sens, un arrêt du 12 novembre 1716 dans Brillon, Dictionnaire…, V° Maréchaussée.

(14) « Office est fonction ordinaire et permanente. Commission est fonction extraordinaire. Toutes sortes d’offices sont perpétuels ; toutes sortes de commissions sont révocables » (Loyseau, Des offices, livre 4, chap. V).

(15) « Depuis la vénalité introduite aux offices, la plupart des commissions ont été érigées à titre d’office formé afin de les rendre perpétuelles et, par conséquent, les pouvoir vendre » (Loyseau, id.).

(16) Préambule de l’édit de février 1771.

(17) Édit d’août 1647, déclaration du 12 janvier 1648.

(18) Arrêt du Conseil du 8 juillet 1648.

(19) Ordonnance d’Orléans, art. 66. Auparavant, les cumuls d’offices étaient fréquents, ce qui ne pouvait que nuire à la bonne marche du service. C’est ainsi que François Patault de la Voulte, prévôt général de Languedoc, fut en même temps prévôt particulier, prévôt général de la Connétablie et même, à partir de 1543, prévôt de l’Hôtel avec Claude Genton, prévôt général du Berry.

(20) Noté sous l’article 188 de l’ordonnance de Blois.

(21) Titre 1er, art. 8.

(22) Les assemblées diocésaines, qui élisaient leur prévôt, étaient appelées aussi assiettes, parce qu’elles étaient chargées d’asseoir l’impôt sur les différents consulats qui composaient le diocèse. Le droit, pour les assemblées diocésaines, d’élire leur prévôt, constituait un privilège auquel elles tenaient essentiellement (voir les conventions arrêtées le 1er février 1663 entre les États de Languedoc et le prévôt général de la province : « 1° le sieur prévôt général de Languedoc ne pourra pourvoir aux charges de ses lieutenants, lesquels seront nommés par les assiettes des diocèses, chacun en droit soy en la forme ancienne et accoutumée » (dom Devic et dom Vaissete, Histoire générale de Languedoc…, t. 14, p. 820).

(23) Voir E. Rossignol, Petits États d’Albigeois… Sur la mort de Manelphe, voir C. Barrière-Flavy, La chronique criminelle d’une grande province sous Louis XIV…, Paris-Toulouse-Marseille, 1926, p. 69.

(24) Catalogue des actes de François Ier, vol. 6, p. 311.

(25) Voir l’édit d’août 1537.

(26) Voir la déclaration du 10 janvier 1629.

(27) Arrêt du Parlement portant règlement général sur les voyages et séjours du 10 avril 1691.

(28) Procès-verbal des conférences de l’ordonnance de 1670, p. 29.

(29) Titre IX, art. 40.

(30) La taille, contribution devenue permanente en 1439, comme l’armée elle-même, servait à payer les dépenses faites en vue de la guerre.

(31) Les malversations étaient fréquentes dans l’armée et à tous les degrés de la hiérarchie (voyez les Commentaires de Montluc, livre 7, chap. 7).

(32) L’impôt du taillon fut établi en 1549, pour augmenter la solde des troupes et payer le logement des gens de guerre.

(33) Arrêts du Conseil du 24 avril 1585 en faveur du prévôt de Montfort, du 9 mars 1621 en faveur du prévôt du Maine, etc.

(34) Voyez J.-B. Denisart, Collection de décisions nouvelles…, Paris, 1771, V° Maréchaussée ; Beaufort, Recueil…, chap. IX ; Mémorial alphabétique des tailles, V° Officiers des maréchaussées ; Brillon, Dictionnaire…, V° Maréchaussée et G. Saugrain, La maréchaussée

(35) Arrêt du Conseil du 12 février 1679.

(36) L’Estoile, Journal inédit du règne d’Henri IV, année 1598, p. 26. Au siècle suivant, Boileau fera la même constatation : « Le bois le plus funeste et le moins fréquenté est, au prix de Paris, un lieu de sûreté » (satire VI).

(37) L’Estoile, id., année 1598, p. 32.

(38) Déclaration du 18 juin 1598.

(39) Montarlot constate que, malgré la déclaration royale, les prévôts qui voulaient jouir de la voix délibérative devaient obtenir des lettres particulières qu’on n’accordait « qu’avec grande faveur » à ceux qui n’étaient pas gradués ou qui n’avaient pas exercé leurs charges pendant dix ans. L’arrêt du 6 mai 1608 refusait expressément cet honneur au prévôt d’Armagnac. Les prévôts des nouvelles maréchaussées la voix délibérative sans restriction (déclaration du 30 octobre 1720).

(40) Arrêts du Grand Conseil des 30 septembre 1644 et 30 septembre 1645.

(41) Édit de juillet 1547.

(42) Édit d’août 1647.

(43) En réalité, un prévôt général ne fut installé à Perpignan qu’en 1720. Jusqu’à cette date et depuis le traité des Pyrénées qui le rattacha à la France (1659), le Roussillon n’eut pas de maréchaussée (arch. dép. Pyrénées-Orientales, série C).

(44) C’est ainsi que les prévôts généraux de Touraine et d’Anjou ressortissaient à la généralité de Tours ; ceux de Metz, Toul, Verdun, Épinal, Longwy à la généralité de Châlons et Metz.

(45) De nos jours, si des circonscriptions militaires (région ou subdivision de région), scindent une circonscription administrative (département), le commandant de la compagnie du département scindé relève, nécessairement de tous les commandants de région ou de subdivision intéressés.

(46) Voir N. de Lamare, Traité de la police…, Paris, 1719 ; voir aussi C.-J. de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, Paris, 1771, V) Lieutenant criminel de robe courte.

(47) Titre II, art. 28.

(48) Titre 1er, art. 12.

(49) Titre 1er, art. 14.

(50) Mémoires du cardinal de Retz, Paris, 1718.

(51) L’effectif des archers du lieutenant criminel de robe courte avait été porté de quarante-neuf à soixante par un édit d’octobre 1720 (Brillon, Dictionnaire…, V) Archers).

(52) Titre VI, art. 2 à 4.

(53) Édit de novembre 1554.

(54) Art. 2 et 17 de l’édit de 1554.

(55) Ordonnance de 1670, titre Ier, art. 12 et 14 ; titre II, art. 28.

(56) Voir, notamment, l’édit de Roussillon d’août 1564.

(57) Arrêts de 1514 et 1524.

(58) Imbert, La pratique judiciaire, civile et criminelle, Paris, 1624, livre 4, chap. 5, paragr. 4.

(59) Voir, dans Montarlot, un certain nombre de décisions relatives à des conflits survenus entre divers prévôts et leurs lieutenants.

(60) Brillon, Dictionnaire…, V) Maréchaussée.

(61) La différence entre les grands crimes et les crimes ordinaires était du même ordre que celle qui, dans les lois actuelles, sépare le crime du simple délit. Cette distinction subsista. Ce n’est que depuis la loi du 20 mai 1863 sur les flagrants délits correctionnels, que la gendarmerie a le droit d’arrêter, en cas de flagrant délit, aussi bien tous les délinquants punissables d’emprisonnement, que les criminels proprement dits.

(62) Arrêts des 4 novembre 1634 et 30 septembre 1645.

(63) Arrêt du 30 septembre 1644, ordonnance de 1670, titre II, art. 6.

(64) Arrêt du conseil du 26 mars 1668.

(65) Arrêt du 22 décembre 1669.

(66) Le présidial de Bourg, par de Combes.

(67) Ordonnance du 16 juillet 1722 sur la remonte de la maréchaussée.

(68) Raynal, Histoire du Berry.

(69) Ordonnance du 4 août 1598.

(70) Ordonnance du 9 mai 1539.

(71) En vérifiant cette ordonnance, le Parlement interdit au prévôt des maréchaux, comme aux autres officiers, de faire des perquisitions dans les maisons des habitants des villes et faubourgs.

(72) Actes fondamentaux, art. II.

(73) De semblables autorisations furent délivrées, plus tard, au prévôt de Meaux (16 décembre 1604), au prévôt de Gâtinais (15 février 1606) (voir Saugrain).

(74) Note sous l’art. 188 de l’ordonnance de Blois.

(75) Arrêt du 6 février 1680.

(76) Déclaration du 27 juillet 1548, édit de mars 1600, déclaration d’août 1666. « La raison est que ces sortes de places leur font courir de grands hasards et de grands périls ; c’est pourquoi on leur a donné de grands privilèges, immunités, franchises et exemptions » (C.-J. Ferrière, Dictionnaire…, V) Archers). Voyez le Mémorial alphabétique des tailles, V) Officiers de maréchaussée.

(77) Cependant, le personnel de la maréchaussée, au XVIIe siècle, demeura faiblement garanti contre la destitution. Nous voyons ainsi Pellot, intendant de Guyenne, révoquer de sa propre autorité le vice-sénéchal des Landes, pendant la révolte de Chalosse et le remplacer par son lieutenant (lettre de Pellot à Colbert, du 22 octobre 1665 ; arch. dép. Gascogne : La gabelle en Gascogne).

(78) Édit de mars 1600.

(79) Voir, dans P. Néron, Recueil d’édits…, les notes sous l’art. 66 de l’ordonnance d’Orléans (1560). Cette remarque, au sujet de l’utilité des études juridiques, pour les officiers de maréchaussée, a conservé toute sa valeur. Tout officier de gendarmerie devrait pouvoir, quels que fussent ses titres universitaires, s’inscrire à une faculté de droit.

(80) Règlement du 14 octobre 1563, édit de Roussillon d’août 1564, art. 5.

(81) Lettres de jussion du 12 février 1596.

(82) Voir dans Montarlot, Le prévôt des maréchaux…, plusieurs arrêts dans ce sens.

(83) Arrêt du Conseil du 6 mai 1608.

(84) Procès-verbal de l’ordonnance de 1670, p. 30.

(85) Ordonnance de décembre 1547.

(86) Arrêt du Conseil du 6 mai 1608.

(87) Ordonnance de janvier 1629, art. 188.

(88) Voyez C. Barrière-Flavy, La chronique criminelle…, p. 77.

(89) Voir déclaration du 5 février 1549 et arrêt du Conseil du 5 décembre 1579.

(90) Édit de mars 1600.

(91) Voir Montarlot, Le prévôt des maréchaux

(92) Muyart de Vouglans, Les lois criminelles…, p. 543.

(93) Voir Fontanon, t. II.

(94) A. Chéruel, Dictionnaire…, V) Prévôt des monnaies ; L. Moréri, Le grand dictionnaire historique…, V) Prévôt des monnaies.

(95) Édit de novembre 1548.

(96) A. Chéruel, Dictionnaire…, V° Prévôt des monnaies ; Moréri, V° Prévôt des monnaies.

(97) Déclaration du 5 février 1731.

(98) Muyart de Vouglans, Les lois criminelles…, p. 577.

(99) Voyez Mémorial alphabétique des tailles, V° Chevaliers du guet.

(100) Établi en janvier 1678.

(101) Voir G. Saugrain, La maréchaussée

(102) Voir dans Brillon, Dictionnaire…, V° Maréchaussée, une liste alphabétique des compagnies ou sièges de maréchaussée, avec les dates des créations.

(103) Édit de 1564, art. 9.

(104) Déclaration du 22 avril 1636.

(105) Déclaration du 29 décembre 1663.

(106) Arrêt du 6 mai 1608.

(107) Règlement du 9 septembre 1644.

(108) Arrêt du 30 septembre 1645.

(109) Voyez arrêt de mai 1608.

(110) A. Esmein, Histoire de la procédure criminelle en France…, Paris, 1882, p. 191.

(111) Ordonnance du 1er juillet 1716.

(112) Ordonnance de juin 1544.

(113) Règlement des maréchaux de France du 9 septembre 1644.

(114) Arrêt du Parlement du 4 mars 1625.

(115) Cependant, un archer ayant offensé un assesseur dans l’exercice de ses fonctions, ce dernier demanda au Grand Conseil la permission d’informer et eut gain de cause contre l’archer qui déclinait la compétence du Grand Conseil et demandait à être jugé à la connétablie (Brillon, V° Maréchaussée).

(116) Déclaration du 5 février 1549, lettres patentes du 12 février 1566.

(117) Arrêt du Conseil privé du 6 mai 1608 et déclaration du 27 mai 1610 sur les assemblées illicites.

(118) Note sous l’art. 187 de l’ordonnance de Blois.

(119) Voir ci-dessus, déclaration du 25 janvier 1536.

(120) Déclaration du 5 février 1549.

(121) Règlement du 14 octobre 1563 et ordonnance de Moulins de 1566, art. 41.

(122) Voir art. 75, décret du 20 mai 1903.

(123) Procès-verbal de l’ordonnance criminelle de 1670, titre 2, art. 6.

(124) Délibération du présidial de Bourg, du 8 février 1685.

(125) Ordonnance du 1er juillet 1716, art. 6.

(126) Sur ces divers officiers, voir A. Chéruel, Dictionnaire… ; C.-J. de Ferrière, Dictionnaire… ; F. Lange, La nouvelle pratique civile, criminelle et bénéficiale, Paris, 1729.

(127) Édit de juillet 1607, art. 14.

(128) Règlements du 4 janvier 1547 et du 28 avril 1599 sur les greniers à sel.

(129) Voir E. Rossignol, Petits États d’Albigeois… ; commandant Plique, Histoire de la maréchaussée du Gévaudan

(130) Ordonnance du 1er juillet 1716, art. 4.

(131) En 1718, les voleurs se répandirent en si grand nombre dans cette province que le duc de Bourgogne dut rendre, le 7 juin, une ordonnance à ce sujet.

(132) Nous empruntons cette expression à la brochure du capitaine Seignobosc, Une arme inconnue, la gendarmerie, Paris, 1912.

(133) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 632.

(134) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 692.

(135) Ordonnance de 1760.

(136) Ordonnance de 1769.

(137) Ordonnance de 1778.

(138) Ordonnance de 1760, titre 4, art. 3.

(139) Ordonnance de 1769, art. 16.

(140) C’est ainsi qu’on appelait alors les Archers (voir l’ordonnance du 16 juillet 1722 sur la remonte).

(141) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 692 à 695.

(142) Ibid., C 696.

(143) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 697.

(144) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 697.

(145) Voir les injonctions du ministre au lieutenant en résidence à Perpignan (arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 695, année 1747).

(146) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 693.

(147) Ordonnance de 1760, titre Ier, art. 28.

(148) Ordonnance du 16 mars 1720, art. 16, ordonnance de 1760, titre Ier, art. 27.

(149) Lettre du ministre aux intendants du 21 septembre 1719.

(150) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 695.

(151) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 692.

(152) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 692.

(153) Lettre ministérielle du 5 février 1721 aux prévôts.

(154) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 697.

(155) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 697.

(156) Préambule de l’ordonnance du 28 avril 1778.

(157) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 697.

(158) Déclaration du 28 mars 1720.

(159) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 693 à 696.

(160) Ordonnance du 16 mars 1720, art. 5.

(161) Ordonnance du 19 avril 1760.

(162) Ordonnance du 16 mars 1720, art. 14.

(163) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 696.

(164) Ordonnance du 16 mars 1720, art. 14.

(165) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 697.

(166) Ordonnance du 27 décembre 1769, art. 23 et suiv.

(167) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 69, lettre du ministre aux intendants, 31 mars 1771.

(168) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 697.

(169) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 69, lettre du ministre aux intendants du 19 juillet 1775.

(170) Voir ci-dessus le règlement de 1735.

(171) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 698.

(172) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 698.

(173) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 698.

(174) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 698.

(175) Édit de mars 1720, art. 6, et art. 1er des ordonnances de 1760, 1769, 1778.

(176) Ordonnance de 1760, titre 2, art. 1er et 7.

(177) Ordonnance de 1760, titre 2, art. 3.

(178) Ordonnance de 1760, titre 4, art. 1er.

(179) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 696.

(180) Ordonnance de 1769, art. 17.

(181) Ordonnance de 1716.

(182) J.-C. Dumont, Nouveau style criminel, Paris, 1778, t. 1, p. 390.

(183) Dans notre Service spécial de la gendarmerie, paru en 1922, nous avons émis cette opinion à la p. 140, que le visa du bulletin de service par les maires ou notables constituait, de nos jours, un anachronisme. Cette formalité a été supprimée par le décret du 31 mars 1924.

(184) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 692.

(185) Ibid., C 695.

(186) Il convient, toutefois, d’observer qu’un progrès très sensible a été accompli, depuis quelques années, dans cet ordre d’idées, grâce au général Plique, qui a préconisé des méthodes de recherches qu’une instruction ministérielle du 11 octobre 1926 a rendues applicables à l’arme tout entière. Ces méthodes, si aucun relâchement ne vient à se produire dans leur application, doivent entraîner une diminution de la criminalité et épargner au pays le retour des crimes en série commis à diverses époques, à la barbe des gendarmes, tels que ceux de l’auberge sanglante de Peirebeilhe, dont le dénouement eut lieu en 1824 ; ceux de Vacher, commis à la fin du siècle dernier ; ceux du sinistre Landru, exécuté en 1922, et dont la longue impunité a attesté un défaut certain de vigilance chez les militaires chargés de la sûreté publique.

(187) E. de Fréminville Dictionnaire ou traité de la police générale, Paris, 1778, p. 696.

(188) Voyez R. Bringer, Cartouche, et F. Funck-Brentano, Mandrin, Paris, 1908.

(189) Ordonnance de 1769, art. 15.

(190) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 692, lettre du ministre aux intendants du 14 juin 1729.

(191) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 693.

(192) Ibid., C 696.

(193) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, C 697. Voir les objections de l’intendant du Roussillon à une décision de Choiseul tendant à transférer la maréchaussée de Perpignan en dehors des murs de la place, afin qu’elle pût se mettre à toute heure de nuit à la poursuite des déserteurs qui s’échappaient après la fermeture des portes.

(194) On trouvera dans Leques, Histoire de la gendarmerie, p. 90 et suiv., un aperçu des projets qui servirent à la discussion.

(195) Voir les notes sur l’éloge du premier président du Paty, Paris, 1786.

(196) Revue d’histoire, juillet 1914, p. 43.

(197) Ordonnance du 24 juillet 1534.

(198) Ordonnance de 1586, art. 18.

(199) Ordonnance du 25 juillet 1665.

(200) Ordonnance criminelle de 1670, rendue applicable aux conseils de guerre par des décisions de février 1720 et d’août 1740 ; Foucher, Commentaire du Code de justice militaire de 1857, p. 5.

(201) Muyart de Vouglans, Les lois criminelles

(202) L. Moréri, Le grand dictionnaire historique…, V° Prévôt général de la marine.

(203) Déclaration du 27 septembre 1714.

(204) Muyart de Vouglans, Les lois criminelles

(205) Ibid.