Louis Larrieu

PREMIÈRE PARTIE - LE MOYEN ÂGE ET L’ANCIEN RÉGIME

CHAPITRE I - LE PRÉVÔT UNIQUE

Des origines au XIVe siècle

L’armée royale

Jetons un coup d’œil sur l’armée royale à ses origines.

Les légions que l’empereur Auguste et ses successeurs avaient postées sur toute l’étendue de l’Empire disparurent avec les invasions des Barbares.

Sous les Mérovingiens et les Carlovingiens, les hommes libres, en principe, étaient astreints au service militaire, dont ils étaient tenus de supporter les frais. L’armée, on le sait, n’était pas permanente ; quand il y avait lieu de la rassembler, la convocation était faite par les comtes, qui représentaient le pouvoir royal dans les diverses provinces. Les guerriers n’avaient droit à aucune solde ; mais le pillage était autorisé dès qu’on entrait en pays ennemi.

Sous les premiers Capétiens, l’armée fut fournie par le service féodal ; le ban appelait sous les drapeaux tous les propriétaires de fiefs ; la durée du service militaire était variable et déterminée par la coutume ; elle fut, en général, limitée à quarante jours jusqu’à Saint Louis, qui la porta à soixante ; le vassal était tenu de s’équiper à ses frais et de s’entretenir pendant la campagne. Le service militaire se nommait chevauchée, en cas de guerre privée ; ost, lorsqu’il s’agissait d’une guerre générale.

L’armée fut complétée par l’arrière-ban, composé de milices de bourgeois(1), qui ne devaient qu’un service limité. On sait que le ban et l’arrière-ban permirent, en 1124, à Louis VI le Gros d’opposer à l’empereur d’Allemagne, qui menaçait l’Île-de-France, une armée véritablement nationale ; le roi ayant demandé à ses vassaux le service les injures faites aux Français, a dit Suger, que l’empereur se déroba.

Cette organisation étant, cependant, devenue insuffisante, les rois durent faire appel à des chevaliers soldés et, plus tard, à de vrais mercenaires, faisant de la guerre leur unique métier, bandes composées de ramassis de toute provenance, la plupart « pillards, voleurs, larrons, infâmes, dissolus ex-communiés », dit la Chronique de Saint-Denis. Ces mercenaires étaient faciles à recruter parmi les aventuriers qui suivaient les armées. C’est ainsi qu’en 1214, à Bouvines, Philippe Auguste put réunir, aux côtés des milices, une infanterie mercenaire, les fameuses bandes des ribauds ou routiers et de Brabançons. Ces troupes, qui considéraient le pillage comme le complément naturel de la solde, se livraient aux pires excès ; dès la fin du XIIe siècle, leurs brigandages forcèrent les habitants de plusieurs contrées à s’armer pour les repousser par la force.

Commandement de l’armée

L’armée romaine était commandée par le général et ses lieutenants, dont le nombre était réglé sur celui des légions composant l’armée. À la tête de chaque légion se trouvait un tribun. Au-dessous de ce dernier, et choisis par lui, étaient placés les centurions, qui choisissaient eux-mêmes des sous-centurions. La légion était divisée en cohortes, dont chacune comprenait un certain nombre de compagnies(2).

Les premiers rois francs étaient surtout des guerriers, dont la place naturelle était à la tête des troupes qu’ils menaient au combat. Le maire du palais avait l’intendance des palais royaux et était le chef des officiers composant la cour ; en outre, il acquit la surintendance de la guerre, de la justice et des finances, et finit par s’attribuer le maniement de toutes les affaires de l’État. On sait que, sous les rois fainéants, les titulaires de cette dignité devinrent les véritables maîtres du royaume, que le maire Charles Martel s’illustra à la tête de l’armée, en arrêtant à Poitiers, en 732, l’invasion sarrasine, et que son fils Pépin monta sur le trône en 752.

Vers la fin de la seconde race, on trouve à la tête des armées les ducs de France, dont l’autorité avait supplanté celle des maires du palais. Il existait, sous cette dynastie, plusieurs officiers de la Couronne.

Nous ne mentionnerons, ici, que le comte du palais, dont nous aurons à parler plus loin, et le connétable, chargé de l’intendance de l’écurie royale. Les maréchaux étaient des écuyers veillant sur les chevaux du roi et subordonnés au connétable, qui remplissait les fonctions de grand écuyer(3).

Au commencement de la troisième race, l’armée royale fut placée sous les ordres du grand sénéchal, le premier des officiers de la Couronne, qui avait l’intendance du palais, administrait les finances et rendait la justice au nom du roi. En même temps, les fonctions de connétable devinrent militaires ; cet officier fut désormais « un capitaine et non plus un écuyer »(4). Le premier connétable qu’on trouve avoir commandé aux armées, lit-on dans le Dictionnaire de Trévoux, est un comte de Vermandois, sous Louis le Gros (1108-1137) ; cependant, du Tillet constate que, déjà sous Philippe Ier, en 1083, le connétable avait la surintendance de la guerre. Mais le grand sénéchal était le chef suprême. Bien que le connétable eût souvent l’honneur de commander aux troupes – ce qui devait, d’ailleurs, a dit de Beaufort, le faire désigner plus tard pour succéder au grand sénéchal –, c’était à ce dernier qu’en l’absence du prince appartenait le commandement de l’armée ; il avait sous ses ordres directs les gens de pied(5), tandis que le connétable, qui lui était subordonné, commandait la cavalerie(6).

La dignité de grand sénéchal devint si puissante qu’elle porta ombrage au roi Philippe Auguste. Aussi, en 1191, le grand sénéchal Thibaut, comte de Blois, étant décédé, le roi ne lui désigna pas de remplaçant ; ses attributions furent partagées entre le grand maître, qui eut l’intendance du palais, et le connétable qui eut le commandement suprême des armées. Ce fut en 1208 que le connétable, en la personne de Mathieu II de Montmorency, acquit ainsi le commandement de l’armée royale, mais par simple commission seulement. Le connétable n’eut ce commandement à titre d’office qu’à partir de 1262, date à laquelle la dignité de grand sénéchal, jusqu’alors vacante, fut définitivement supprimée(7).

Le commandement en chef n’appartenait au connétable qu’en temps de guerre seulement ; mais, comme ce grand officier avait une juridiction très importante sur les armées, comme on le verra plus loin, et que son autorité s’étendait sur tout le royaume, où il était chargé de réprimer les excès des gens de guerre et de maintenir le bon ordre, sa puissance, comme jadis celle du grand sénéchal, inquiéta les rois. Le connétable d’Eu ayant été soupçonné de trahison, le roi Jean, en 1350, lui fit trancher la tête. Louis XI fit subir le même sort au connétable de Saint-Pol, et Richelieu supprima, en 1627, cette grande charge de la Couronne. Le dernier connétable fut le duc de Lesdiguières (1622-1626)(8).

Les maréchaux qui, à l’origine, avaient, sous les ordres du connétable, la charge de l’écurie royale, suivirent la fortune de leur chef. Ils devinrent militaires, comme le connétable, et furent, en quelque sorte, ses lieutenants.

De Beaufort donne la liste des maréchaux de France, depuis Clotaire Ier (543) jusqu’en 1783, et Moreri depuis l’an 1185 jusqu’en 1758. Sous Philippe Auguste, époque à laquelle la dignité de maréchal de France semble avoir revêtu son caractère militaire (le Père Daniel constate ce caractère dès 1204), il n’y avait qu’un maréchal ; sa fonction était alors de mener l’avant-garde au combat (Expilly). Depuis Saint Louis, il y en eut deux ; sous Charles VII, il y en eut quatre, en 1450 ; puis le nombre fut réduit à deux, de nouveau, jusqu’à François Ier. Ce prince en ajouta un troisième et Henri II un quatrième. Malgré l’ordonnance de Blois (1579), qui fixait (article 270) ce nombre à quatre, on compta douze maréchaux sous les règnes suivants et jusqu’à vingt à la fin du règne de Louis XIV. Vers la fin de l’Ancien Régime, le nombre des maréchaux fut de douze en moyenne. La dignité de maréchal de France fut abolie par la Convention, le 21 septembre 1793, puis rétablie par Napoléon, le 28 floréal an XII. Après la guerre de 1870-1871, les nominations de maréchaux furent suspendues ; on connaît le mot du général Chanzy à ce sujet(9), et l’on sait comment, pendant la guerre de 1914-1918, la victoire de nos armes a permis de faire revivre cette glorieuse dignité(10).

Justice militaire

De haute ancienneté, les soldats délinquants étaient soumis à la justice des chefs militaires.

Déjà, sous les Romains, l’une des principales fonctions du tribun, placé à la tête de la légion, était de rendre la justice et de distribuer le butin. Il punissait les soldats de peines afflictives, telles que la bastonnade, qui allait quelquefois jusqu’à la mort, comme en cas de vol, de désertion, etc., et qui était infligée dans la principale rue du camp par les camarades du coupable. Il y avait aussi des peines infamantes consistant, par exemple, à donner de l’orge aux soldats au lieu du blé, à les priver de toute paye et, pour les poltrons, à les faire sauter au-delà du retranchement(11).

Chez les rois francs, on trouve un exemple célèbre de justice personnelle, dans l’histoire du vase de Soissons. Un guerrier ayant refusé à Clovis un droit de priorité dans le partage du butin, le roi le tua, plus tard, de sa main, sous prétexte que ses armes étaient en désordre.

Divers capitulaires des rois des deux premières races réglèrent la discipline dans l’armée et continuèrent à soumettre les coupables à la justice de leurs propres chefs ; il en fut ainsi jusqu’au XIIIe siècle, époque à laquelle cette juridiction fut centralisée entre les mains du connétable et des maréchaux de France.

Connétablie et maréchaussée de France

Nous avons vu que, sous le roi Philippe Auguste, le connétable devint le chef suprême de l’armée. Faisant l’historique succinct de la justice du prévôt des maréchaux, l’auteur du recueil intitulé Les édits et ordonnances de François Ier à Louis XIV (Bobin, Paris, 1643) rappelle que les rois « avaient créé dès l’an 1221 des connétables et établi des maréchaux de France pour connaître de tous crimes et maléfices qui se commettaient dans les armes »(12).

Le besoin d’une juridiction répressive se faisait sentir à cette époque où la guerre des Albigeois désolait, depuis longtemps une partie de la France. On connaît l’histoire de cette guerre civile. Les historiens, même les plus sympathiques à la lutte contre l’hérésie, constatent que l’ambition et la cupidité furent souvent le mobile des soldats du Nord, pour qui la conquête et le pillage étaient inséparables de la croisade. Le service féodal n’ayant alors qu’une durée de quarante jours, ce furent, pendant plusieurs années, entre le Nord et le Midi, des allées et venues de gens armés, avec leur cortège inévitable d’oppressions et de violences. La justice du connétable venait donc à son heure.

En confiant à ce haut dignitaire le commandement militaire supérieur, le roi Philippe Auguste donnait à l’armée un grand juge, tout autant qu’un chef militaire proprement dit. Et, en effet, la principale fonction du connétable, tant que subsistera cette dignité, sera « de faire vivre les gens de guerre en bon ordre et police, ou de punir les transgresseurs, délinquants et malfaiteurs »(13).

De même, les maréchaux, dira la déclaration du 26 juin 1547, furent « d’ancienneté ordonnés et établis pour faire observer aux gens de guerre la discipline militaire et tout autre ordre et police ».

Cette juridiction, qui prit le nom de connétablie et maréchaussée de France, fut mobile, à l’origine, comme l’armée elle-même, et s’établit progressivement. On constate son existence en 1265(14). De Beaufort mentionne (chapitre VII) une sentence rendue par ce tribunal en 1316. Nous verrons plus loin quelle était sa compétence.

Dès l’origine, le connétable et les maréchaux firent exercer leur juridiction par un prévôt (praepositus). Cet officier, que les vieilles ordonnances désignent sous le nom de prévôt des guerres, ou de prévôt des maréchaux, avait sous ses ordres une troupe de sergents des maréchaux. La justice prévôtale émanait, avons-nous dit, de celle du connétable. C’est donc à la naissance de la connétablie et maréchaussée de France (XIIIe siècle) que se placent les véritables origines de la maréchaussée et, par conséquent, de la gendarmerie actuelle(15).

Le prévôt, alors unique, fut subordonné aux deux maréchaux qui existèrent à partir du règne de Saint Louis. C’est pourquoi, selon de Lamare, cet officier fut appelé prévôt des maréchaux. Pour remplir la charge de prévôt, il fallait être gentilhomme et avoir commandé ; malgré ses fonctions prévôtales, cet officier restait un combattant ; le prévôt des maréchaux se trouve nommé entre les gentilshommes qui furent tués à la bataille d’Azincourt (1415). Le comte de Dunois, généralissime du roi Charles VII, fit chevalier le prévôt Tristan l’Ermite, qui s’était distingué sur la brèche de Fronsac, en Guyenne, avec quarante-neuf autres seigneurs, le 29 juin 1451(16).

Les textes donnent peu de renseignements, jusqu’au XIVe siècle, sur la juridiction des maréchaux de France. À partir de cette époque, les ordonnances nous montrent les prévôts s’opposant aux désordres des gens de guerre et cherchant à entreprendre sur la justice ordinaire du roi.

Nous allons examiner rapidement les juridictions de droit commun dont les rapports et, souvent, les conflits, avec la justice prévôtale, remplissent l’histoire de la maréchaussée.

Justice ordinaire

Prévôts(17)

Quand les comtes se furent démis sur autrui du droit de juger, en l’inféodant, le pouvoir judiciaire se trouva partagé entre plusieurs autorités, notamment les seigneurs féodaux et la royauté. Il y eut des prévôts seigneuriaux, officiers de police rurale, qui jugeaient les causes portées au tribunal des seigneurs, et des prévôts royaux, officiers aux fonctions multiples, qui, à l’avènement des Capétiens, concentraient tous les pouvoirs et rendaient la justice sur le domaine royal.

Plus tard, les prévôts royaux ne conservèrent que les attributions judiciaires, avec compétence en première instance dans les matières civiles et pour les délits qui n’étaient pas réservés aux baillis. La police ordinaire leur appartenait ; les appels étaient portés devant les baillis et sénéchaux, en vertu de l’édit de Crémieu, de juin 1536. Ainsi réduites au rang de juridiction inférieure, les prévôtés royales furent érigées en titres d’offices en 1693 et supprimées par un édit de Louis XV en 1749.

Baillis et sénéchaux

Pendant longtemps, les prévôts furent les seuls juges locaux de la royauté ; ils étaient sous la surveillance du grand sénéchal, qui faisait des tournées d’inspection annuelles pour les contrôler. Au XIIe siècle, apparaissent les baillis, surveillants locaux des prévôts. Ces magistrats, mentionnés dans un acte de 1190 que Philippe Auguste, partant pour la Terre sainte, appela son « Testament », jugeaient les sentences prononcées par les prévôts et avaient autorité sur ces derniers. Dans le Midi de la France, les baillis furent appelés sénéchaux.

Comme les prévôts, les baillis avaient, à l’origine, toute l’administration judiciaire, financière et militaire entre leurs mains ; mais, chaque branche de l’administration ayant été confiée peu à peu à un fonctionnaire spécial, les baillis perdirent successivement leurs attributions. Les receveurs leur enlevèrent, d’abord, la perception de l’impôt. Plus tard, ils furent dépossédés de leurs attributions judiciaires au profit de leurs lieutenants. Voltaire(18) explique comme il suit cette déchéance : « Louis XII voulut que tous les baillis et prévôts ne pussent juger s’ils n’étaient lettrés et gradués. La noblesse, qui eût cru déroger si elle eût su lire et écrire, ne profita pas du règlement de Louis XII. Les baillis conservèrent leur dignité et leur ignorance. Des lieutenants lettrés jugèrent en leur nom et leur ravirent leur autorité(19) ». Chaque bailli eut ainsi un lieutenant général civil, un lieutenant criminel et plusieurs lieutenants particuliers. Le lieutenant criminel, créé dans chaque bailliage par François Ier en 1522, jugeait au nom du bailli les cas royaux, dont la liste fut définitivement arrêtée par l’ordonnance criminelle de 1670 (titre 1er, article II).

Enfin, les gouverneurs enlevèrent aux baillis le commandement des troupes et ne leur laissèrent que le droit de convoquer le ban (vassaux directs) et l’arrière-ban (arrière-vassaux)(20).

Nous aurons à parler des rapports de la maréchaussée avec les baillis et sénéchaux.

Prévôt de Paris

Les baillis et prévôts étaient les successeurs des anciens comtes et vicomtes, et c’est ainsi que, dans la capitale, le prévôt de Paris, souverain juge à la place des vicomtes de Paris, remplit les fonctions du bailli et réunit toutes les fonctions administratives dans cette ville. Il rendait la justice, commandait les troupes résidant dans la ville, percevait les impôts et présidait à toutes les parties de l’administration. Philippe Auguste plaça la juridiction du prévôt de Paris au Châtelet, où le prévôt eut sa demeure. Ne relevant que du roi, le prévôt de Paris, qui était le premier des baillis, adressait des ordres aux magistrats des provinces et ses ordonnances étaient obligatoires dans la France entière, d’où l’usage, qui existe encore, de donner le titre d’ordonnance aux arrêtés du magistrat chargé d’exercer la police de Paris. Une ordonnance de Charles VI, rendue en 1389 et confirmée plus tard à plusieurs reprises, donna le droit au prévôt de Paris de poursuivre et d’arrêter les malfaiteurs dans tout le royaume, et il fut enjoint à tous les officiers royaux de lui prêter main-forte. Les aubergistes eurent l’ordre de faire parvenir chaque jour au prévôt de Paris les noms des personnes qu’ils recevaient chez eux(21).

Mais, peu à peu, les fonctions du prévôt de Paris furent divisées, et le prévôt ne fut plus qu’un juge d’épée qui laissait à des lieutenants le soin de rendre la justice en son nom. Le lieutenant civil jugeait les affaires civiles ; le lieutenant particulier connaissait des appels des sentences des juges inférieurs ; le lieutenant criminel jugeait les affaires criminelles ; mais, à partir du XVIe siècle, les affaires criminelles furent partagées entre le lieutenant criminel et le lieutenant criminel de robe courte, dont nous parlerons plus loin, qui était chargé de veiller à la sûreté de Paris, de faire arrêter les vagabonds et gens suspects, et même de les juger en certains cas.

Le prévôt, quoique dépouillé de ses attributions judiciaires, conservât une haute position jusqu’à la fin de l’ancienne monarchie.

« Il avait le premier rang dans Paris, après le souverain et les seigneurs du Parlement qui représentaient le prince ; il était au-dessus de tous les baillis et sénéchaux. »

Les rapports qui existaient, en province, entre la maréchaussée et les baillis et sénéchaux, s’établissaient, dans la capitale, entre le prévôt de l’Île (prévôt des maréchaux de l’Île-de-France) et le prévôt de Paris.

À la fin du XVIIe siècle, les droits du prévôt de Paris avaient été considérablement restreints par la création du lieutenant général de police, dont nous parlerons plus loin.

Présidiaux

Henri II, par un édit de janvier 1551, créa des tribunaux, appelés présidiaux, dans chaque siège des grands bailliages du royaume. Il n’y avait, primitivement, que trente-deux présidiaux ; dans la suite, le nombre de ces sièges fut porté à cent.

Le principal motif de leur institution était d’abréger la longueur des procès, en dispensant les particuliers d’aller plaider devant le Parlement pour les causes présentant souvent peu d’intérêt. Les présidiaux recevaient les appels des simples bailliages ou sénéchaussées de la région et jugeaient, en dernier ressort, les affaires les plus importantes. Au criminel, les juges présidiaux connaissaient, comme les baillis et sénéchaux, des cas royaux et, comme les prévôts des maréchaux, des cas prévôtaux(22).

Les présidiaux jouèrent un rôle très important dans le fonctionnement de la justice prévôtale, car le prévôt des maréchaux devait, avant d’informer, faire reconnaître sa compétence devant le présidial le plus voisin(23). Nous reviendrons sur ce point.

Parlements

À l’origine, les baillis et sénéchaux, ainsi que le prévôt de Paris, étaient juges souverains. C’est ainsi qu’en 1350, le comte d’Eu, connétable des maréchaux de France, ayant été arrêté, par ordre du roi Jean, par le prévôt de Paris, le prévôt le jugea et le condamna seul en trois jours ; on lui trancha la tête en présence de toute la Cour, sans qu’aucun conseiller du Parlement y fût mandé(24).

Au début, a dit Bornier, le Parlement était comme le Conseil d’État du royaume ; dans la suite, il en vint à connaître des différends entre particuliers, et comme le roi assistait aux séances de ce corps illustre, dont faisaient partie les ducs et pairs et les prélats du royaume, il mit dans sa dépendance les baillis et sénéchaux(25). Ces magistrats ne rendirent plus que des jugements en premier ressort, avec appel au Parlement. Afin de faire rendre la justice plus commodément, plusieurs parlements furent créés en province.

La juridiction suprême du Parlement, instituée par Philippe le Bel, ne s’appliquait d’abord qu’aux affaires civiles ; elle s’étendit, dans la suite, aux affaires criminelles ; outre les appels des procès criminels, des présidiaux, bailliages, sénéchaussées et autres tribunaux ordinaires ou extraordinaires, le Parlement jugeait, en première instance, les procès criminels des principaux officiers de la Couronne, des hauts magistrats, ainsi que des crimes de lèse-majesté. Au parlement de Paris, les affaires criminelles étaient réparties entre la grand’chambre et la Tournelle. Le Parlement siégeait, depuis Charles V, au palais de la Cité, occupé primitivement par les rois, et bâti, en grande partie, par Saint Louis.

Nous verrons qu’il fut interdit aux parlements de connaître des appels des jugements rendus par les prévôts des maréchaux. Ces cours souveraines surent, en général, reconnaître les prérogatives de la justice prévôtale. Le premier président Mathieu Molé ayant été sollicité, le 12 novembre 1640, de recevoir trois voleurs enfermés au Châtelet, qui faisaient appel au Parlement d’une condamnation à mort par la roue, répondit que cela ne se pouvait, le cas étant prévôtal et les condamnés justiciables du prévôt, en premier et dernier ressort(26).

Par contre, le parlement du Dauphiné ayant coutume de troubler le prévôt général de la province ou ses lieutenants, dans la juridiction qui leur était attribuée, le roi dut intervenir et rappeler à cette cour souveraine, le 9 septembre 1679, qu’elle n’avait à connaître, ni directement, ni indirectement, de ce qui regardait la juridiction prévôtale(27).

Nous verrons aussi que le Parlement fit quelquefois des remontrances au roi au sujet de la compétence des prévôts. En outre, par ordre du souverain, le Parlement dessaisit quelquefois le prévôt des maréchaux, de même que le prévôt de l’Hôtel, de graves affaires de lèse-majesté de la compétence de ces officiers.

Auxiliaires de la justice ordinaire

Sergents et huissiers

Auprès des prévôtés et des bailliages, se trouvaient des agents d’exécution, nommés sergents. Il ne faut pas confondre ces sergents, agents civils attachés à des tribunaux civils, avec les sergents d’armes, dont l’institution remontait à Philippe Auguste et qui constituaient une garde du roi, ni avec les sergents des maréchaux, attachés à la justice des maréchaux de France.

Les sergents étaient chargés de faire les ajournements, de lever les amendes et d’emprisonner les malfaiteurs. Il y avait des sergents royaux, attachés aux justices royales, et des sergents seigneuriaux, chargés de signifier et de faire exécuter les sentences de la justice des seigneurs.

Dans toute l’étendue du royaume, il y avait des sergents à cheval, chargés de la signification et de l’exécution des mandats de la justice ordinaire. À Paris, les sergents à verge, ou sergents à pied, signifiaient les mandats de justice et étaient chargés de la police sous les commissaires du Châtelet. Enfin, les sergents de la douzaine étaient les douze gardes du prévôt de Paris.

L’office de sergent se nommait sergenterie ; c’était souvent un fief qui imposait des obligations et conférait des droits. Les sergenteries furent supprimées, comme toutes les institutions féodales, dans la nuit du 4 août 1789.

Les huissiers exerçaient, sous un autre titre, les mêmes fonctions que les sergents. Il y avait entre eux cette différence, d’après le Dictionnaire de droit de Claude de Ferrière, que les huissiers étaient attachés aux cours souveraines, tandis que, dans les justices subalternes, il n’y avait que des sergents.

Dans l’exécution de leur service, les sergents opprimèrent souvent les populations ; c’est ce qui détermina le roi Philippe le Bel à réformer cette institution par son ordonnance du 12 juin 1309 ; il interdit, notamment, aux sergents, de procéder à une arrestation sans mandat du juge, « si ce n’est en cas hâtif où il le convienne faire de nécessité »(28). Le roi Jean leur défendit de saisir les chevaux et les charrues des paysans(29). Les salaires des sergents étaient souvent exagérés ; le roi réprima cet abus(30).

La mission des sergents était souvent dangereuse. L’ordonnance de 1309 et des lettres de Charles VI, en date du 2 juillet 1388, imposèrent aux habitants l’obéissance, et, s’ils en étaient requis, la main-forte, aux justiciers du royaume. Dès qu’un sergent criait « Aide au roi », chacun était tenu de lui prêter assistance. Rabelais, dont la verve caustique s’est exercée aux dépens des sergents, les a dépeints « gagnant leur vie à être battus », provoquant la rébellion par leurs propres excès et obtenant ainsi des réparations pécuniaires excessives, qui s’ajoutaient à leur salaire(31).

Déjà, l’ordonnance de 1525 avait ordonné aux justiciers de punir les sergents qui auraient commis des abus ou des excès. Afin d’éviter tout prétexte de rébellion, l’édit d’Amboise, de janvier 1572 (article 6), enjoignit aux sergents, sous peine de punition, de « procéder avec modestie, sans user de parole arrogante ou violente […], de ne s’accompagner que de leurs records et de n’avoir d’autres armes que l’épée seule ». Ordinairement, les sergents portaient « l’écusson des trois fleurs de lys, de la grandeur d’un teston, en leur habillement sur l’épaule », afin que nul ne pût ignorer leurs qualités, et ils avaient la baguette en main.

Le même édit (article 4) ne permettait de décréter les procès-verbaux des huissiers et sergents, en cas de rébellion, que d’ajournement personnel ; l’ordonnance criminelle de 1670 (livre X, article 6) permit de les décréter de prise de corps.

Nommés, à l’origine, par les baillis et sénéchaux, les sergents étaient trop nombreux ; diverses ordonnances intervinrent pour en réduire le nombre (1318, juin 1321, février 1327, 9 mars 1361). Les lettres du 2 mai 1363 supprimèrent les sergents qui exerçaient sans la permission du roi. Charles V, qui s’était élevé à son tour, le 19 juillet 1367, contre la multiplicité des offices de sergents, en fixa le nombre pour la ville de Paris à 440, chiffre excessif à cette époque (8 juin

1369).

Le roi Jean voulut que les sergents fussent des hommes capables et honnêtes et exigea d’eux un cautionnement(32). Louis XII voulut, de même, que les sergents fussent de bonnes vies et mœurs et il en réduisit le nombre(33).

Au Moyen Âge, beaucoup de sergents étaient illettrés et faisaient verbalement le rapport des procès, d’où l’expression de procès-verbal. Louis XII décida que les sergents sauraient lire et écrire, ne se feraient pas aider par des sous-sergents, mais qu’ils procéderaient aux ajournements ou autres exploits avec l’assistance de deux témoins(34).

Les sergents étaient payés par les parties ; ils étaient tenus de résider dans les lieux où ils devaient exercer leurs fonctions ; ils ne pouvaient faire d’exécution dans une maison sans appeler des voisins, et ils devaient délivrer aux parties copie de leurs exploits(35).

L’ordonnance d’Orléans (1560, articles 89 à 93) réglementa la sergenterie : aucun sujet ne pouvait être reçu qu’après une information préalable de vie et mœurs et en donnant caution ; les sergents étaient tenus de porter l’écusson royal, aux trois fleurs de lys (article 89). Ils étaient répartis dans différents districts où les juges taxaient leurs salaires ; ils exécutaient tous jugements sans visa ni pareatis (article 90). Ils étaient tenus de donner une reconnaissance des pièces qui leur étaient confiées et ils ne devaient garder ces pièces, ni l’argent reçu pour le compte de leurs clients, plus de huit jours (article 91). Afin d’éviter les fortes dépenses occasionnées par le trop grand nombre de records et de témoins, il était enjoint à toutes personnes d’obéir aux commandements de la justice ; le procès était fait à l’extraordinaire à celles qui se rendaient coupables de rébellion (article 92). Les huissiers étaient tenus de nommer dans leurs exploits les records dont ils se servaient et d’indiquer leur domicile (article 93). En outre, l’ordonnance supprimait une catégorie de sergents, spécialisés dans la conduite des prisonniers, et qui réalisaient des bénéfices excessifs (article 56).

Aux termes de l’ordonnance de Moulins (1566), les sergents et les huissiers devaient porter une verge avec laquelle ils touchaient ceux à qui ils notifiaient leurs exploits et qui étaient tenus de leur obéir (article 31). Les sergents et huissiers pouvaient se faire accompagner de records, mais non point des parties elles-mêmes (article 32) ; ils avaient le droit de requérir la main-forte des habitants, qui étaient dans l’obligation d’obtempérer sous peine d’amende arbitraire, ou même de punition plus forte (article 33).

Un édit de mai 1568 permit aux huissiers et sergents d’instrumenter sans permission dans tout le royaume.

L’ordonnance de Blois (1579) décida que les tarifs des sergents et des greffiers seraient dressés par les cours souveraines (article 160). La même année (juin 1579), le nombre des sergents à cheval fut augmenté de quatre-vingt et porté à trois cent.

Certains seigneurs étant redoutés à cause de leur violence, et les sergents n’osant approcher de leurs maisons pour leur donner des assignations, l’édit de Melun (février 1580) disposa, en son article 85, que les personnes ayant des seigneuries ou des maisons fortes seraient tenues d’élire domicile dans la ville la plus voisine, et que les assignations faites au domicile élu auraient la même valeur que si elles avaient été faites à la personne.

L’ordonnance de janvier 1629 défendit aux seigneurs hauts justiciers d’interdire l’entrée de leurs terres aux sergents royaux (article 119), et prononça des peines contre ceux d’entre eux qui « excéderaient » les officiers de justice (article 168) ; le 28 novembre de la même année 1629, les offices d’huissiers et sergents furent rendus héréditaires.

La manière de procéder des huissiers et sergents fut réglée définitivement par l’ordonnance d’avril 1667 pour les matières civiles.

Ces officiers étaient tenus, comme dans le passé, de se faire assister, aux exploits d’ajournement, de deux témoins ou records, qui signaient avec eux l’original et la copie des exploits (titre II, article 2). Ils ne pouvaient entrer dans une maison pour y saisir des meubles ou effets mobiliers sans y appeler deux voisins qui signaient l’exploit ou procès-verbal (titre 33, article 4). Si les portes de la maison étaient fermées et si l’entrée était refusée, l’huissier ou sergent devait se retirer devant le juge des lieux qui désignait, au bas de l’exploit, deux personnes en présence desquelles l’ouverture des portes, la saisie et l’exécution devaient être faites (titre 33, article 5).

La maréchaussée pouvait être requise de prêter main-forte aux huissiers ou sergents porteurs de décrets ou mandements de justice(36).

Commissaires de police

À l’instar des fonctionnaires qui, sous le nom de curateurs, etc., avaient soin du bon ordre pendant les périodes franque et gallo-romaine, il existait au Châtelet de Paris, dès le Moyen Âge, des commissaires enquêteurs et examinateurs, attachés au tribunal, ayant des attributions en matière civile et criminelle ; ils avaient le droit, notamment, en cas de flagrant délit ou de clameur publique, d’informer d’office et d’arrêter l’inculpé.

Une ordonnance d’Henri III, rendue en 1586, étendit à toutes les villes de Parlement, de présidial et de bailliage, l’institution des commissaires examinateurs. Ils faisaient des visites dans les villes et les lieux de leurs charges, arrêtaient et emprisonnaient les vagabonds et connaissaient des contraventions aux ordonnances de police.

Plus tard, les fonctions des commissaires consistèrent à faire exécuter les ordres et mandements des lieutenants généraux de police, créés par l’édit de 1699, dans les principales villes du royaume.

Les offices de commissaires de police étaient héréditaires. Ces charges disparurent sous la Révolution qui supprima la vénalité des offices ; mais le décret du 19 avril 1790, en confiant provisoirement aux corps municipaux la police administrative, fit renaître l’institution des commissaires de police.

Le guet de Paris

À côté de la sergenterie, dont nous venons de parler et qui fournissait à la justice ordinaire ses agents d’exécution, il existait, à Paris, un corps exerçant la police active : c’était la milice du guet, qui donna naissance, vers la fin de l’Ancien Régime, à la « garde de Paris ».

De même que la Garde républicaine concourt, de nos jours, avec la gendarmerie, au maintien de l’ordre, de même le guet de Paris veillait, avec la maréchaussée, à la sûreté de la capitale. Comme la maréchaussée, le guet trouve ses origines à l’époque médiévale ; nous allons en retracer brièvement l’historique.

Rappelant les vigiles ou gardes de nuit gallo-romaines et les custodies franques, il existait, sous les Capétiens, à Paris et dans la plupart des villes, une garde nocturne chargée de faire le guet.

On distinguait, à Paris, le guet royal, payé par le roi, et le guet bourgeois, payé par les habitants. Le guet royal, dont il est question dès le temps de Saint Louis, faisait, dans la capitale, des rondes à pied et à cheval. À partir de 1254, il fut commandé par un officier nommé chevalier du guet, parce qu’il portait l’ordre de l’Étoile, et ayant sous ses ordres vingt sergents à cheval et vingt sergents à pied. Le guet bourgeois, qu’on appelait guet assis ou guet dormant parce qu’il ne faisait pas de patrouilles, était une milice composée de gens de métier et ayant des postes fixes. De Lamare cite une ordonnance rendue par le roi Saint Louis en 1254, où l’on voit que les habitants de Paris, pour remédier aux périls nocturnes, avaient supplié le roi de leur permettre de faire le guet.

Le guet était chargé d’empêcher les désordres et de surprendre les voleurs ; il protégeait les habitants contre les gueux et les vagabonds qui trouvèrent longtemps un refuge, entre la rue Saint-Denis et la rue Montorgueil, dans les masures qui entouraient la cour des Miracles.

Le guet fut réorganisé à différentes reprises (6 mars 1363, février 1367, 20 avril 1491)(37). L’édit de janvier 1539 nous montre comment fonctionnait, sous François Ier, ce service créé pour la garde et la sûreté des habitants et des marchandises, la garde des prisonniers ; pour remédier aux « larcins, meurtres et destrousses, efforcements et ravissements de filles et femmes, inconvénients de feu », enlèvement de meubles par les locataires pour frustrer leurs hôtes et autres crimes et délits.

Le guet royal, chargé « d’aller et venir durant la nuit parmi la ville de Paris », et le guet assis, dont la fonction était de « demeurer en certains carrefours et places de ladite ville pour conforter, secourir et aider les uns aux autres », obéissaient au chevalier du guet, placé lui-même sous l’autorité du prévôt de Paris.

Le guet royal se composait alors de vingt hommes à cheval et de quarante hommes à pied, qui étaient commandés de service chaque nuit par moitié et alternativement. Les gens de métier, qui composaient le guet assis, étaient tenus de se présenter à l’entrée de la nuit au Châtelet ; deux clercs du guet les distribuaient dans les seize quartiers de la ville, où ils devaient veiller jusqu’au point du jour ; l’édit énumère les emplacements de la capitale qui devaient être gardés et fixe la durée du service de nuit suivant la saison ; le guetteur du Châtelet sonnait de la trompette pour annoncer le commencement et la fin du service.

Les clercs du guet tenaient un registre du guet royal et des gens de métier ; les défaillants étaient punis d’une amende ; s’ils ne la payaient pas, ils s’exposaient à la saisie de leurs biens, et même à l’emprisonnement. Le guet royal faisait des rondes pour s’assurer si les hommes du guet assis étaient à leur poste ; les absents étaient signalés aux clercs du guet et il était précédé contre eux comme il vient d’être dit. Si les gens de métier qui ne pouvaient assurer leur service présentaient des excuses valables, les clercs commettaient d’autres personnes pour les remplacer. L’édit exemptait certaines catégories de professions du service du guet, ainsi que les infirmes et les hommes âgés de plus de soixante ans.

Si les gens de métier désobéissaient, faisaient rébellion ou se livraient entre eux à des excès, le prévôt de Paris, ou son lieutenant criminel, commettait un examinateur pour informer contre les coupables.

Il était enjoint au guet royal, comme aux gens de métier, de saisir les malfaiteurs qu’ils trouvaient en « présent méfait » (flagrant délit) et de les emprisonner au Châtelet ; il leur était prescrit de donner « confort et aide » aux habitants de la ville de Paris, de les traiter humainement et de ne pas les molester. Telles sont les principales dispositions de l’édit de 1539.

L’édit du mois de mai 1559 apporta au service du guet une réforme radicale ; il supprima le guet bourgeois et mit à la disposition du chevalier du guet 240 hommes, dont trente-deux à cheval et deux cent huit à pied, qui n’étaient reçus qu’après information préalable. Les gages de cette troupe furent payés en partie par la recette ordinaire du domaine du roi à Paris ; l’excédent était couvert au moyen de cotisations prélevées sur les habitants.

Tandis qu’une partie du guet, devenu unique, devait demeurer « assise et dormant », c’est-à-dire aux écoutes, à poste fixe, l’autre était tenue de faire des patrouilles incessantes. Aux termes de l’édit, les archers étaient coiffés de morions, casques légers dont les bords se rabattaient sur les yeux ; ils portaient des gantelets et de légères cuirasses dites corselets ; leur armement consistait en hallebardes, javelines, pieux et piques leur appartenant. Les malfaiteurs arrêtés étaient conduits au Châtelet et il était dressé des procès-verbaux d’arrestation.

Le 3 septembre 1561, l’effectif du guet fut réduit de deux cent quarante à deux cents hommes. Il fut bien difficile à cette troupe de remplir sa mission pendant les troubles que provoquèrent à Paris les discordes religieuses ; aussi, le guet bourgeois fut-il rétabli ; mais, après la paix d’Amboise (1563), il fut supprimé définitivement ; les deux guets furent, de nouveau, réduits à un seul, et la déclaration du 20 novembre 1563 ne laissa à la disposition du chevalier du guet que cent cinquante hommes, dont cinquante à cheval et cent à pied, avec quatre lieutenants, qui furent soumis au règlement du 9 décembre 1566.

Le guet royal, devenu le guet de Paris, disparut pendant les troubles de la Ligue et fut rétabli par Henri IV en 1594. Réduit à quarante-trois hommes sous Louis XIII, le guet vit son importance s’accroître sous Louis XIV ; son effectif qui, sous ce dernier règne, était de trois cents hommes, fut porté, au XVIIIe siècle, jusqu’à 160 cavaliers et 472 fantassins.

Tenue, dès son origine, de procéder à l’arrestation des individus pris en flagrant délit, cette troupe fut chargée, aux XVIIe et XVIIIe siècles, de veiller à l’intérieur de la capitale à l’exécution des lois de police et de sûreté(38).

Un arrêt du Parlement, du 9 juillet 1668, cité par de Lamare, et la déclaration du 25 juillet 1700 ordonnèrent, en outre, au guet, de prêter main-forte au lieutenant général de police. Le chevalier du guet avait voix délibérative au Châtelet dans les jugements des procès criminels des prisonniers arrêtés par sa compagnie(39).

Les arrêts du Parlement du 19 février 1691 et du 7 septembre 1725 soumirent le service du guet de Paris à une réglementation très stricte : obligation de conduire les individus arrêtés dans les prisons du Grand Châtelet ou, provisoirement dans toute autre prison, si les distances l’exigeaient ; interdiction de les enfermer dans des maisons particulières, sauf dans celle du commissaire, qu’il fallait aviser sur-le-champ en cas de meurtre, vol ou autre crime grave commis dans son quartier ; dépôt des armes ou autres pièces à conviction trouvées sur les prisonniers, soit à la geôle de la prison, soit dans la maison du commissaire ; rapport des captures, de leurs circonstances, des armes et des pièces à conviction, ainsi que des crimes et désordres dont on avait connaissance, même s’il n’y avait pas eu arrestation ; ce rapport était établi, soit dès l’instant de chaque capture, soit avant huit heures du matin, et consigné sur un registre à ce destiné qui était déposé dans la prison du Grand Châtelet pendant la nuit et au greffe pendant le jour ; procès-verbal d’arrestation déposé au greffe dans la matinée du lendemain de la capture. Les officiers et archers du guet pouvaient être appelés en témoignage, sur réquisition du substitut du procureur général, pour déposer même devant les commissaires. En cas d’incendie, le guet devait avertir le commissaire, se soumettre à ses réquisitions et rester sur les lieux en nombre suffisant pour empêcher les vols et les désordres.

Nous verrons que, vers la fin du XVIIe siècle, il existait des chevaliers du guet, non seulement à Paris, mais encore dans certaines villes de province. L’édit de mars 1720, qui supprima les anciennes maréchaussées, excepta de cette mesure les chevaliers du guet de Paris et de Lyon, ainsi que leurs compagnies. En 1733, au décès de Choppin, le dernier des chevaliers du guet, dont le lieutenant Tasson a donné la liste depuis l’année 1308, cette charge fut supprimée et celui qui était à la tête du guet à pied et à cheval prit simplement le titre de commandant ; elle fut rétablie par une déclaration royale du 12 janvier 1765. En 1769, le guet était composé du chevalier du guet, de quatre lieutenants, un guidon, deux exempts, trente-neuf archers à cheval, cent archers à pied, un greffier, un contrôleur, un trésorier. En 1771, l’effectif fut réduit à une compagnie de soixante-neuf archers à pied.

Au mois d’octobre 1783, le guet fut incorporé à la garde de Paris, compagnie créée en 1666, préposée elle-même à la sûreté de la capitale, et disciplinée à l’instar des troupes du roi. Ce corps fut licencié à son tour à la Révolution ; certains miliciens qui le composaient ayant offert leurs services, furent enrôlés dans la garde bourgeoise, première origine des gardes nationales ; d’autres servirent à l’organisation des gardes des îles, ports et quais, de Bicêtre et de la Salpetrière.

À partir de 1791, on trouve, sous différentes dénominations, les divers corps qui ont succédé, dans le service de la capitale, à la garde de Paris de l’ancienne monarchie : divisions de Gendarmerie nationale parisienne, dont les deux premières furent créées par la loi du 28 août 1791 ; légion de police générale (1795) ; garde municipale de Paris (1802) ; gendarmerie impériale de Paris (1813) ; garde de Paris (1814) ; gendarmerie impériale de Paris pendant les Cent-Jours (1815) ; garde de Paris après les Cent-Jours (1815) ; gendarmerie royale de Paris (1816, réorganisée en 1820) ; garde municipale de Paris (1830) ; Garde républicaine (1848) ; garde de Paris (1852) ; Garde républicaine (1870).

Nous aurons à nous arrêter, dans la deuxième partie de cette histoire, aux bouleversements politiques où les divisions de Gendarmerie nationale parisienne (1791-1795) firent preuve, à cause de leur recrutement spécial, de plus d’ardeur révolutionnaire que de discipline, et où la gendarmerie royale de Paris (1830), la garde municipale (1848) et la Garde républicaine (1871) montrèrent tant d’héroïsme et portèrent si haut l’esprit de sacrifice.

Garde de l’Hôtel de Ville

Tandis que le guet, qui ressortissait au prévôt de Paris, magistrat d’épée, avait dans ses attributions la police des rues, la surveillance et l’arrestation des malfaiteurs, la « garde de l’hôtel de ville », à la disposition du prévôt des marchands dont elle était tenue d’exécuter ponctuellement les ordres, était plus spécialement chargée de la défense extérieure de la cité.

À l’origine, cette troupe comprenait trois compagnies distinctes : une compagnie de soixante « arbalétriers », établie le 11 août 1410 et confirmée le 23 septembre 1437 ; une compagnie de cent vingt « archers », établie le 12 juin 1411 et confirmée le 10 octobre 1437 ; une compagnie de cent « arquebusiers », établie par un édit de mars 1523.

Un édit de septembre 1550 réunit ces trois compagnies en une seule, placée sous les ordres d’un capitaine général (ou colonel) ; cette troupe fut réorganisée et armée en février 1566 ; en 1610, le capitaine général avait sous ses ordres, indépendamment des lieutenants, enseignes, cornettes et guidons, trois cents arquebusiers, archers et arbalétriers, confondus, depuis leur réunion sous un commandement unique, sous le nom administratif d’archers de la ville et, dans la suite, d’archers-garde.

La charge de colonel des archers de l’hôtel de ville, que l’on soutenait élective par la ville, fut jugée collative par le roi(40) et confirmée par un édit de juillet 1680 ; les places d’archers-gardes furent érigées en titre d’office par un édit de mai 1690.

Un édit de juillet 1704 créa un commissaire aux revues des archers-gardes de la ville de Paris, ainsi qu’un receveur et un contrôleur.

Les compagnies d’arbalétriers, d’archers et d’arquebusiers jouirent, depuis leur création, de privilèges qui furent confirmés à diverses reprises, notamment en février 1535, août 1557, novembre 1594, août 1610, le 3 décembre 1663. C’est ainsi qu’un arrêt de la Cour des aides, du 31 juillet 1647, ordonnait que les archers de la ville de Paris pourraient vendre le vin de leur cru et leur part de 3000 muids, sans payer les droits habituels.

Pendant les troubles de la Fronde, les archers de la ville firent souvent preuve de vaillance et contribuèrent à ramener la tranquillité. Le 4 juillet 1652, une populace furieuse ayant mis le feu aux portes de l’Hôtel de Ville, avec intention de tout saccager dans l’intérieur, le chef des archers, qui s’y était retiré avec ses officiers et ses soldats, soutint un siège sanglant et opiniâtre ; les archers réussirent, en sacrifiant leur vie, à sauver quatre cents personnes de distinction qui s’étaient réfugiées dans l’hôtel.

Après avoir été plusieurs fois réorganisée, la garde de l’hôtel de ville fut versée, sous la Révolution, dans la gendarmerie des tribunaux et la gendarmerie de Paris(41).

Désordres des gens de guerre au XIVe siècle

Le XIVe siècle vit le commencement de la guerre de Cent Ans et les maux de l’invasion étrangère. Les gens de guerre commirent les plus grands désordres.

Au début du siècle, lorsque Philippe le Bel eut signé la paix avec les Flamands, les troupes, devenues inactives, infestèrent les campagnes.

En 1308, le roi défendit aux baillis de souffrir dans leurs bailliages que des gens d’armes tinssent des assemblées et ordonna à ces magistrats de saisir les délinquants, leurs chevaux et leurs harnais. Ce fut un souci constant, chez nos anciens rois, d’interdire ces rassemblements armés qui se transformaient en entreprises de brigandage. La trêve qui suivit le désastre de Crécy (1346) laissa sans emploi des bandes d’aventuriers, dont le pays dut subir les exigences et les rapines.

À cette époque, les fonctions du prévôt des maréchaux n’embrassaient plus uniquement la juridiction dont nous avons parlé, et qui s’exerçait à l’intérieur de l’armée, où le prévôt devait maintenir la discipline.

Le prévôt des maréchaux avait encore sous ses ordres des troupes de sergents, commandés par des capitaines ou lieutenants, députés dans les pays où séjournaient les troupes, « chargées d’y maintenir l’ordre, et spécialement, de saisir les pillards et maraudeurs qui suivaient l’armée »(42).

Ces sergents, dont les successeurs prirent le nom d’archers en 1501 et celui de cavaliers de la maréchaussée en 1760, sont les lointains devanciers des gendarmes d’aujourd’hui ; de même, le prévôt des maréchaux, unique dans son emploi jusqu’au XVe siècle, est le prédécesseur commun des officiers de maréchaussée auxquels ont succédé les officiers de gendarmerie actuels.

Dans l’accomplissement de sa mission de police à l’égard des aventuriers qui suivaient les armées, le prévôt des maréchaux entra fréquemment en conflit avec la justice ordinaire. Le prévôt avait normalement comme justiciables les hommes faisant partie de l’armée, et il semble que, pendant la guerre de Cent Ans, sa compétence à l’égard des vagabonds qui suivaient les troupes ne fut pas contestée(43) ; mais il était tenu de rendre au bailli les délinquants domiciliés. En fait, il fut bien difficile d’empêcher la justice des maréchaux d’étendre les limites de sa compétence ; le pouvoir royal protesta contre ces abus ; diverses ordonnances eurent pour objet d’empêcher le prévôt de soustraire les habitants à leurs juges naturels (Esmein).

Les habitants de Fleurance, dit une ordonnance de Jean le Bon (18 août 1351), ne pourront être soumis, dans les différends qui ne regardent pas la guerre, à la juridiction des maréchaux du roi, de leurs prévôts ou lieutenants. Cette ordonnance s’adressait aux troupes royales stationnées en Gascogne, qui s’opposaient aux incursions des bandes du prince de Galles, surnommé le Prince noir, fils du roi d’Angleterre Édouard III et gouverneur de Bordeaux.

Une autre ordonnance, de février 1356, disposa que les habitants de Languedoc ne pourraient être assignés devant le prévôt des guerres (prévôt des maréchaux), sinon pour des offenses faites à des gens de guerre étant au service du roi, et constatées par une information préalable. C’était alors la grande chevauchée du Prince noir. Parti de Bordeaux en 1356, avec une armée d’environ dix mille hommes, le prince anglais remonta la vallée de la Garonne jusqu’à la Réole, menaça le Languedoc qu’un autre détachement avait déjà envahi l’année précédente, en pays auscilan, et poursuivit vers le centre de la France la série de ses exploits. Laissant derrière lui une traînée de pillages et d’incendies, il ravagea l’Auvergne et le Bourbonnais, échoua devant Bourges, ainsi qu’à Issoudun et à Châteauroux, mais s’empara de Vierzon et de Romorantin. Apprenant que le roi Jean était parti de Chartres pour lui couper la retraite, le Prince noir prit définitivement en hâte le chemin de Guyenne, mais ne put éviter le contact de l’armée française, beaucoup plus nombreuse que la sienne et à laquelle il infligea cependant, près de Poitiers, une défaite complète (19 septembre 1356).

Les chroniqueurs ont attribué à des fautes tactiques le désastre de Poitiers. Il convient d’observer que la défaite fut due aussi à des causes morales, déjà mises en évidence par ce seul fait que les deux tiers des nobles avaient fui sans combattre (Henri Martin). Indépendamment des vassaux faisant le service féodal, l’armée française était composée de soldats payés avec l’argent des États généraux de 1355 et 1356. Or, une ordonnance de cette même année 1356, signée du roi Jean, attribua aux connétables et maréchaux de France et à leurs lieutenants la connaissance contre « les explorateurs, espions, proditeurs, traîtres, transfuges qui s’enfuyaient de l’armée pour se rendre au parti de l’ennemi, et déserteurs, qui étaient ceux qui s’en allaient sans congé de leurs chefs ». Ce texte prouve que le roi Jean avait des raisons de douter de la fidélité de ces mercenaires, à la tête desquels il allait connaître l’amertume de la défaite. De cette ordonnance, qui fut incorporée dans les actes fondamentaux date la compétence de la maréchaussée dans la répression du délit de désertion.

Pendant la captivité du roi Jean, fait prisonnier à Poitiers, son fils Charles décida, d’une manière générale, par une ordonnance du 5 mai 1357, que les prévôts des maréchaux députés dans un pays pour le fait de la guerre n’auraient de juridiction que sur les gens de guerre et qu’il leur était interdit d’entreprendre sur celle des baillis. Le prévôt des maréchaux étant alors unique, il s’agit, ici, du prévôt lui-même et des officiers sous ses ordres détachés auprès des troupes en campagne.

Un arrêt du 22 janvier 1361 rappelle que les maréchaux « connaissent des différends nés en guerre et pour cause d’icelle et que les appellations interjetées de leurs sentences sont sujettes à l’amende de mal jugé, mais qu’ils ont aussi l’amende de fol appel ». Le désordre était alors à son comble à l’intérieur du royaume. À Paris, ce fut la tentative révolutionnaire d’Étienne Marcel (1358), avec le meurtre des deux maréchaux.

Dans l’Île-de-France, ce fut, en même temps, la Jacquerie, dont les excès furent tels « qu’il n’advint jamais entre chrétiens et sarrasins, dit Froissart, de telles actions que celles que firent ces méchantes gens » ; la répression fut impitoyable et eut pour résultat de mettre cette riche province à feu et à sang.

Les mercenaires, qu’on appelait brigands(44), sans solde pendant la paix, formaient alors des compagnies dont le vol et le pillage constituaient le seul moyen d’existence ; ce fut en vain que les ordonnances du 28 décembre 1355 (article 30) et de mars 1356 (article 37), rendues après les États généraux, permirent à chacun de leur résister par voies de fait ; leurs excès, contre lesquels les Jacques s’étaient déjà défendus avant la bataille de Poitiers (1356), ne firent que s’aggraver après la trêve qui suivit cette défaite ; le Prince noir ayant, de son côté, congédié les mercenaires dont il n’avait plus besoin, la France devint la proie des grandes compagnies.

Sous Charles V, après la défaite des Navarrais et la fin de la guerre de la Succession de Bretagne, Bertrand du Guesclin résolut de délivrer le royaume de ces bandes de pillards qui rançonnaient les populations, faisant plus de mal que n’en avaient jamais fait les Anglais. Il les prit à sa solde et les conduisit en Espagne (1365).

Froissart rapporte que Bertrand du Guesclin, s’adressant aux capitaines des grandes compagnies, leur tint ce langage : « Vous savez qu’en France les guerres sont finies, pendant lesquelles nous avons fait tant de maux, pis que des larrons, car durant ce temps, avec ce que nous avons pu enlever au peuple, nous avons outragé les femmes, tué les hommes, mis le feu aux églises. Je le sais bien par moi-même, qui ai souvent fait ces choses, et vous pouvez vous vanter de m’avoir encore dépassé pour mal faire »(45). Élevé en 1370 à la dignité de connétable, du Guesclin ne cessa de guerroyer soit contre les Anglais, soit en Bretagne.

Au cours de ces campagnes incessantes et des mouvements de troupes qui en résultaient, le fonctionnement de la justice prévôtale devait fatalement laisser à désirer. Le roi Charles V fut informé que les sergents des maréchaux assignaient les prévenus dans des lieux très éloignés où ils n’osaient aller à cause de la guerre, et où ils ne trouvaient pas de conseil, que ces sergents ne mettaient pas dans leurs assignations les causes de l’ajournement et qu’ils prenaient des salaires plus forts que les sergents de la justice ordinaire ; un règlement était donc nécessaire : ce fut l’objet de l’ordonnance du 22 juin 1373.

Par cette ordonnance, le roi décida que les ajournements faits par l’ordre des maréchaux ou leurs officiers seraient donnés pour comparaître à Paris seulement, où il serait plus facile aux prévenus de trouver un défenseur, et que ces ajournements seraient faits, non par les sergents des maréchaux, mais par les sergents ordinaires.

Le règlement de 1373 ayant exigé que les ajournements faits par l’ordre des maréchaux fussent donnés pour comparaître à Paris, la connétablie et maréchaussée de France, jusqu’alors ambulatoire, se trouva obligée de devenir sédentaire et de s’installer à la capitale.

Le prévôt des maréchaux conserva ses fonctions à la suite des camps et des armées ; mais, en temps de paix, il n’eut pas de fonctions ; de Lamare dit que cela fut ainsi réglé entre les prévôts et les officiers de la connétablie, à la Table de marbre, par lettres patentes de Charles V du 13 décembre 1374.

Ainsi, tandis que le connétable allait, désormais, juger à Paris les causes civiles et criminelles de sa compétence, la justice, uniquement criminelle, du prévôt des maréchaux, demeurait ambulatoire, à la suite des armées. Il fut jugé, par arrêt de l’année 1388, que le prévôt pouvait être pris à partie et qu’il n’avait « ni ressort ni territoire ». Le prévôt de Paris répliqua, dans le même sens, au grand-maître d’hôtel du roi, lors d’un conflit qui s’éleva entre eux et fut porté au Parlement le 1er août 1404 : « Ni maréchal ni connétable n’ont point étable, ni juridiction, ni territoire ; mais est leur juridiction volante »(46).

Les termes ni ressort ni territoire signifient que les prévôts du XIVe siècle n’avaient pas de circonscriptions déterminées ; leur compétence territoriale était nécessairement variable, comme le théâtre des opérations de l’armée à laquelle ils étaient attachés. Les mots ni ressort ni territoire signifient encore que les prévôts n’étaient pas soumis à la juridiction ordinaire territoriale(47).

Le prévôt avait, en effet, pour juge naturel, le tribunal militaire de la connétablie. L’article 11 des articles fondamentaux, dont nous parlerons plus loin, sanctionna l’indépendance de la maréchaussée vis-à-vis le pouvoir judiciaire civil(48) et c’est en vain que les magistrats ordinaires essayèrent parfois de s’arroger des droits de commandement et de juridiction sur les prévôts. C’est ainsi que, par arrêt du 11 décembre 1548, il fut jugé que le lieutenant général de Laon n’avait sur le prévôt des maréchaux dudit lieu « autorité, pouvoir ou juridiction ».

Le grand-conseil du roi, lui-même, qui avait voulu connaître des abus et des malversations des prévôts, dut s’incliner devant une déclaration royale du 8 novembre 1618, lui interdisant de connaître des matières attribuées au siège de la connétablie et maréchaussée de France. La juridiction du connétable sur les prévôts des maréchaux fut confirmée de nouveau par un arrêt du conseil privé du roi du 7 avril 1626.

La connétablie siège à la Table de marbre du palais de justice

Siège de la connétablie et maréchaussée de France

En 1373, avons-nous dit, la juridiction du connétable et des maréchaux de France cessa d’être ambulatoire et s’établit à Paris. Elle siégea à la Table de marbre du palais de justice. À cette même table siégeaient trois juridictions, la connétablie, l’amirauté et les eaux et forêts. La Table disparut le 7 mars 1618, lors de l’incendie qui consuma le palais ; mais le siège de chacune des trois juridictions conserva, jusqu’à la Révolution, le titre de Table de marbre.

Le connétable essaya, à l’origine, de s’affranchir de l’obligation d’exercer à Paris sa juridiction. C’est ainsi que du Tillet rapporte un arrêt du Parlement, du 1er avril 1380, cassant un mandement par lequel le connétable Olivier de Clisson prescrivait d’ajourner quelqu’un par-devers lui, « quelque part qu’il fût », et interdisant au connétable d’ajourner hors la ville de Paris.

La connétablie et maréchaussée de France fut, pendant tout l’Ancien Régime, une juridiction importante en matière militaire ; son nom venait de ce que le connétable l’exerçait avec les maréchaux de France, dont il était le chef. Depuis la suppression de cet officier (1627), la juridiction demeura entre les mains des maréchaux dont le plus ancien représentait, à cet égard, le connétable disparu. C’était à cette juridiction, à la fois civile et criminelle, que les maréchaux de France renvoyaient toutes les affaires demandant une instruction judiciaire.

Le tribunal était composé d’un lieutenant général, qui présidait en l’absence des maréchaux, et rendait la justice en leur nom, même en celui du connétable, depuis qu’il fut supprimé ; d’un lieutenant particulier et d’un procureur du roi ; il y avait aussi des greffiers, des huissiers et des archers.

La connétablie ne jugeait pas en dernier ressort ; l’appel de ses sentences était porté au Parlement. Sa compétence avait été fixée progressivement par diverses ordonnances arrêtées dans les États généraux, à partir du roi Jean le Bon (1355 et 1356), et par un certain nombre d’édits ou de déclarations(49). L’extrait de toutes ces lois rendues en faveur de la juridiction du connétable était connu sous le nom d’articles fondamentaux du siège de la connétablie et maréchaussée de France (sans date)(50).

La connétablie connaissait des excès, dommages, crimes et délits commis par les gens de guerre dans les camps et en garnison ; de l’espionnage, de la trahison, de la désertion(51) ; des faux, abus et malversations commis dans l’administration et la comptabilité militaire, et, en particulier, des délits de cette nature commis par les prévôts, leurs lieutenants et archers(52) ; des excès et rébellions à eux faits, des actions civiles résultant du fait de la guerre, etc.

Juridiction du point d’honneur. Tribunal des maréchaux

Indépendamment du siège de la Table de marbre, il existait une juridiction, dite du point d’honneur, instituée par l’ordonnance de Moulins (1566). Alors que les maréchaux se rendaient rarement au siège de la connétablie, où nous avons vu qu’ils se faisaient remplacer par un lieutenant général, ces hauts dignitaires présidaient effectivement le tribunal du « point d’honneur ». Ils se réunissaient, à cet effet, chez le plus ancien d’entre eux, jugeaient les différends qui s’élevaient entre gentilshommes ou autres faisant profession des armes, et dans lesquels l’honneur pouvait être engagé : injures ou voies de fait, engagements, billets d’honneur, etc. Ils connaissaient aussi des contestations en matière de droits honorifiques. On appelait cette juridiction le tribunal des maréchaux.

Les prévôts des maréchaux étaient, à l’intérieur du royaume, les représentants de la « connétablie et maréchaussée ». De même, le tribunal du point d’honneur fut représenté, dans les provinces, par les lieutenants des maréchaux. Les édits de septembre 1651 et août 1679 donnèrent pouvoir aux maréchaux de France de commettre, dans chacun des bailliages et sénéchaussées du royaume, un ou plusieurs lieutenants pour connaître des différends entre gentilshommes. Les lieutenants des maréchaux furent créés à titre d’office, par un édit de mars 1693, et leur nombre fut augmenté en octobre 1702 et novembre 1707.

Nous reviendrons sur les rapports des prévôts des maréchaux avec la connétablie, et, en traitant de la répression des duels, sur la juridiction du point d’honneur et les lieutenants des maréchaux.

Prévôt du connétable. Compagnie de la connétablie

Prévôt du connétable

Nous savons déjà qu’à l’origine il n’y avait qu’un seul prévôt du connétable et des maréchaux de France et nous verrons qu’à partir du règne de Louis XI chacun des deux maréchaux qui existaient alors eut un prévôt à sa suite. Ce fut, vraisemblablement, vers la même époque que le connétable eut, de son côté, un prévôt spécial attaché à sa personne, prévôt « de la garde du dit et fait de la juridiction du connétable », lit-on dans l’État militaire de la France de l’année 1562.

Par un édit du mois de mars 1577, le prévôt du connétable prit le titre de prévôt général de la connétablie et maréchaussée de France, office créé en raison de la nécessité de pourvoir « à la sûreté du pays et à la correction et punition des crimes et délits »(53).

L’édit de mars 1577 et un nouvel édit d’août 1599 sur le même objet furent enregistrés au Grand Conseil ; mais il devint nécessaire de faire approuver la création de cet office de prévôt général par les cours souveraines et tel fut l’objet d’un nouvel édit qui fut enregistré au parlement de Paris le 29 avril 1600.

Grand prévôt

De Lamare rapporte qu’à l’origine, le prévôt qui servait auprès du connétable avait coutume de prendre le titre de grand prévôt de France, prétendant marquer ainsi sa supériorité sur les prévôts des maréchaux. On a la certitude que Chandiou qui, dès 1524, exerça les fonctions de prévôt du connétable, eut le titre de grand prévôt de France(54). Mais la charge de grand prévôt parut devoir être réservée au prévôt qui servait près de la personne du roi, c’est-à-dire au prévôt de l’Hôtel, dont nous parlerons plus loin. L’occasion se présenta en 1578, après le décès de Chandiou, prévôt à l’armée d’Italie et du seigneur de Baufremont, prévôt de l’Hôtel. Le successeur de ce dernier, François du Plessis, seigneur de Richelieu, hérita de la double charge de prévôt de l’Hôtel et de grand prévôt de France.

Le 3 juin 1589, sur une plainte du seigneur de Richelieu contre Nicolas Rapin(55), qui prenait indûment, en ses actes de justice, le titre de grand prévôt et entreprenait contre la juridiction du prévôt de l’Hôtel, le roi déclara « n’avoir jamais entendu et qu’il n’entendait pas pour l’avenir que la qualité de grand prévôt de France fût attribuée à d’autres qu’au prévôt de son hôtel ».

Par un autre arrêt du 7 mars 1609, sur une plainte du seigneur de Bellengreuille, prévôt de l’Hôtel, semblables défenses furent faites au sieur Morel, prévôt général de la connétablie.

Cependant, tant que dura l’Ancien Régime, le prévôt du connétable fut souvent qualifié du titre de grand prévôt ; ce fait est attesté par les lettres patentes du 6 mai 1758, citées par de Beaufort(56). Cet auteur remarque, d’autre part, que le prévôt du connétable a toujours joui du titre de grand prévôt né des armées. Lui-même, dans son ouvrage, se qualifie de « ci-devant grand prévôt des armées de France en Westphalie ». Enfin, Saugrain place en tête de l’état des maréchaussées (1697) la compagnie du « grand prévôt » de la connétablie.

Le titre de grand prévôt, ainsi attribué jadis, en fait sinon en droit, au chef de la prévôté aux armées, fut conservé après la Révolution ; il fut consacré par l’ordonnance du 3 mai 1832 sur le service des armées en campagne, par le décret du 1er mars 1854, modifié par celui du 24 juillet 1875, et, jusqu’en 1911, par les diverses instructions sur le service de la gendarmerie aux armées : 25 octobre 1887, 18 avril 1890, 13 février 1900. Aux termes de l’instruction du 31 juillet 1911, le commandant de la gendarmerie d’une armée prend le titre de prévôt d’armée(57).

Compagnie de la connétablie

Une compagnie d’archers (au nombre de cinquante-sept en 1562), placée sous les ordres du prévôt, servait auprès du connétable. Aux termes de l’édit d’avril 1600, cette compagnie était composée du prévôt général de la connétablie, de trois lieutenants, d’un procureur, nommé à l’origine par commission, puis à titre d’office, par un édit de novembre 1588, d’un greffier et de cinquante-deux archers. De même que les archers de la maréchaussée prirent, au XVIIIe siècle, le titre de cavaliers, de même les archers de la connétablie prirent celui de gardes.

D’après les lettres patentes du 13 février 1756 citées par Beaufort, la compagnie de la connétablie et maréchaussée de France comprenait un prévôt général, trois lieutenants, quatre exempts, quarante-huit gardes, un assesseur, un procureur du roi, un greffier, un commissaire et un contrôleur aux revues. Un arrêt du Conseil d’État du 17 août 1761 y ajouta deux brigadiers et deux sous-brigadiers, destinés à surveiller les gardes et à remplacer les officiers en cas d’absence.

Les offices de lieutenant, exempt, gardes et greffier de la compagnie de la connétablie furent pendant longtemps à la nomination du prévôt général ; en cas de décès, ces charges tombaient dans le casuel du prévôt. Un arrêt du Conseil d’État du 13 février 1756 rendit ces offices héréditaires ; dès lors, le roi se réserva d’y pourvoir, ainsi qu’à l’office de prévôt général, sur la présentation qui lui en était faite par le tribunal des maréchaux de France.

La subordination, la discipline, la police et le service des officiers et archers rentraient dans les attributions du sous-secrétaire d’État de la Guerre, et il fut interdit aux officiers du siège de la connétablie d’en connaître(58). Sous la Révolution, la compagnie de la connétablie fut incorporée dans la Gendarmerie nationale(59).

Droits et privilèges

La compagnie de la connétablie était réputée « la première et la colonelle de toutes les compagnies de maréchaussée du royaume »(60). Le prévôt général, dont une ordonnance du 2 février 1563 avait fixé le logement à la suite du roi, jouissait du titre de premier colonel de la cavalerie légère, et les difficultés qui se produisirent à ce sujet, furent toujours résolues en faveur du prévôt. C’est ainsi qu’une contestation s’étant produite au début de la campagne de 1744, le roi donna satisfaction au prévôt général Poulet de la Tour, en disant : « Puisque c’est son droit, il faut qu’il en jouisse » (de Beaufort).

Le personnel de la compagnie de la connétablie jouissait de l’exemption des tailles, subsides, levées de deniers, impôts, logement des gens de guerre et autres charges publiques(61) ; cette exemption fut rappelée par la déclaration du 22 février 1653, un arrêt du Conseil d’État du 5 août 1704 et divers arrêts de la Cour des Aides (de Beaufort).

Le service du prévôt général, de ses lieutenants, greffier et archers, les obligeant à « être continuellement à cheval et à aller par les champs avec grands frais et dépens », il leur fut attribué des gages et appointements ordinaires et annuels. Ainsi, l’édit d’avril 1600 accordait, par an, au prévôt général, 933 écus un tiers ; à chaque lieutenant, 266 écus deux tiers ; au procureur, 400 écus ; au greffier, 100 écus, et à chacun des cinquante-deux archers, 66 écus deux tiers, payables par trimestre, sur le rôle des revues que faisaient, quatre fois par an, les commissaires et contrôleurs de la compagnie.

Les traitements ayant paru modiques, vu les nombreuses exigences du service imposé à la compagnie de la connétablie, les gages furent augmentés d’une solde destinée à permettre au personnel de remplir ses fonctions avec l’exactitude et la célérité nécessaires. Tel fut l’objet de l’ordonnance du 18 février 1772, qui fixa la solde annuelle du prévôt général à 3600 livres et celles du lieutenant à 1050 livres, de l’exempt à 750, du brigadier à 350, du sous-brigadier à 300, de chaque garde ou trompette à 250.

La même ordonnance accorda au prévôt général le rang de « mestre de camp de cavalerie », au lieutenant celui de capitaine, à l’exempt celui de lieutenant. Les officiers et la troupe pouvaient être admis aux Invalides après le temps de service requis.

Services d’ordre et d’honneur

La compagnie du prévôt général était particulièrement affectée à la garde du connétable ; après la suppression de ce grand officier, elle fut attachée à la personne du doyen des maréchaux et elle montait journellement la garde à son hôtel. Des détachements de gardes, commandés par les lieutenants, se rendaient au sacre des rois, aux lits de justice, aux funérailles des maréchaux, aux réceptions des pairs de France, à celles des ambassadeurs, en observant le cérémonial de rigueur dans chaque cas. On envoyait aussi des détachements de la connétablie dans les fêtes ou réjouissances publiques, celles spécialement où la noblesse était invitée, de même qu’aux spectacles, bals de l’Opéra, foires et jeux tolérés, etc., afin d’empêcher ou d’arrêter les disputes pouvant survenir entre les gentilshommes.

Service à la Table de marbre

Le prévôt général était conseiller né du siège de la Connétablie. Il avait droit d’entrée et de séance sur les hauts sièges à la Table de marbre du palais, après le lieutenant particulier. Il avait voix délibérative pour toutes sortes d’affaires, civiles ou criminelles, tandis que les prévôts des maréchaux n’avaient la même prérogative que lorsqu’ils apportaient des procès prévôtaux à juger.

Service au tribunal des maréchaux

Le prévôt général de la Connétablie et, en son absence, le lieutenant de service, avaient le droit d’assister au tribunal des maréchaux et de se tenir, pendant l’assemblée, assis sur une chaise derrière le fauteuil du maréchal doyen. Les lieutenants faisaient les informations ordonnées par le tribunal. Les exempts avaient seuls le droit de notifier aux gentilshommes les défenses de voies de fait et de faire les emprisonnements. Les gardes pouvaient être mis en garnison auprès des gentilshommes ou militaires, et faisaient les commandements, communications et significations nécessaires.

Police du territoire

L’action du prévôt général, comme celle du connétable, s’étendait sur tout le territoire aussi bien qu’aux armées. À l’intérieur, il avait les mêmes pouvoirs judiciaires que les prévôts des maréchaux. Il lui était enjoint de faire des chevauchées dans tout le royaume avec l’un de ses lieutenants, le procureur et la moitié de sa compagnie.

Il connaissait spécialement des crimes « commis ès chemins et voies publiques, port d’armes, meurtres et assassinats, voleries, sacrilèges, rébellions et assemblées illicites avec armes, larcins faits avec violence, bris de coffres et portes, échellement de maisons et murailles, boutefeux et incendiaires de guet-apens, faux monnayeurs, rongeurs et billonneurs ».

Le prévôt général de la connétablie avait autorité sur les prévôts provinciaux ; il pouvait les sommer de monter à cheval, de l’accompagner et de l’assister(62).

Service aux armées

En campagne, le prévôt général était chargé de maintenir l’ordre et la discipline, tant dans les marches que dans les camps ; il était juge des crimes et délits et de toutes les malversations qui se commettaient dans les armées ; il avait la police des vivres et juridiction spéciale sur les employés à la suite de l’armée, de même que sur les vivandiers et les goujats.

Revenons au prévôt des maréchaux.

Le prévôt des maréchaux est attaché en campagne à la suite de la Cour

Après l’installation de la Connétablie à la Table de marbre, comme conséquence du règlement de 1373, l’action du prévôt des maréchaux se trouva limitée aux temps de guerre, mais les années de paix, à cette époque, furent très rares.

Par l’ordonnance rendue à Vincennes, en la même année 1373 (13 janvier), Charles V, qui avait besoin d’une armée en permanence, organisa des compagnies soldées. « Si les gens d’armes, disait cette ordonnance (article 9) font quelque pillerie, roberie [vol] ou quelque dommage durant leur service, les capitaines les contraindront à réparer ces dommages ou les capitaines les payeront de leur propre argent ». Mais les commandants des compagnies ne payaient pas régulièrement la solde de leurs soldats, et ces derniers se dédommageaient par le pillage. En 1375, le prévôt et ses lieutenants reçurent l’ordre de parcourir les routes et de faire pendre sans pitié tous les pillards (Le Maître).

Sous Charles VI, la guerre devint l’état normal du royaume. Ce règne fut rempli par les querelles des oncles du roi, la guerre de Flandre, la rivalité des maisons de France et de Bourgogne, celle des Armagnacs et Bourguignons et par la guerre anglaise, qui devait aboutir à la défaite des armées françaises, à Azincourt, en 1415.

Tous ces troubles furent une cause de ruine pour les populations des pays traversés par les troupes. Après la guerre de Flandre, le connétable Olivier de Clisson fit des préparatifs considérables pour une descente en Angleterre ; cette entreprise devait échouer, mais en attendant la fin, le pays fut mis en coupe réglée par les soldats. « Allez, allez en Angleterre, disaient tout bas les paysans, et qu’il n’en revienne pas un » (Froissart).

L’ordonnance cabochienne des 25, 26, 27 mai 1413 se proposait, entre autres réformes, de remédier aux désordres des gens de guerre et elle renfermait des dispositions excellentes ; elle interdisait les rassemblements des gens d’armes sans autorisation du roi ; toute troupe devait être agréée par le roi et avoir un capitaine à sa tête ; les capitaines étaient tenus de payer leurs hommes, à qui le pillage était interdit, au moyen des aides ordonnées pour la guerre ; l’ordonnance constatait que des capitaines réclamaient plus de deniers que ne le comportait l’effectif de leur troupe et que cet effectif était grossi frauduleusement au moyen d’hommes loués pour la circonstance, lors des revues du connétable ou des maréchaux de France ; elle faisait la défense, qui revient fréquemment dans les ordonnances de cette époque, de prendre des vivres sans les payer ; mais toutes ces belles réformes restèrent lettre morte : les Parisiens ayant ouvert leurs portes aux princes d’Orléans, l’ordonnance cabochienne fut révoquée le 5 septembre de la même année 1413.

Examinons, à présent, la police de la Cour.

Tant que le prince faisait son séjour dans les maisons royales, les juges ordinaires étaient en possession de la police et de la juridiction criminelle dans la maison du roi et à la suite de la Cour. La surintendance de la justice, dans l’hôtel du roi, appartint aux maires du palais sous la première dynastie, aux comtes du palais sous la seconde, et au grand sénéchal au commencement de la troisième ; nous savons déjà que, sous Philippe Auguste, le grand-maître succéda dans ces attributions au grand sénéchal ; cette juridiction s’exerçait à l’hôtel du roi, en sa cour et à sa suite, par le grand-maître et les maîtres d’hôtel assistés « de gens lettrés et experts au fait de la judicature ».

Miraumont rapporte que, dès la fin du règne de Saint Louis, les maîtres d’hôtel du roi eurent sous leur autorité un officier de rang inférieur, chargé d’éloigner de la Cour les ribauds, ribaudes, vagabonds et autres mauvais garçons ; suivant l’usage du temps, cet officier fut appelé roi des ribauds, « comme ayant commandement, pouvoir et autorité sur les personnes de cette qualité ». Ce personnage disposait de sergents pour l’exécution de sa charge, qui consistait à « bouter hors la maison du roi ceux qui n’y devaient manger ni coucher, et à se tenir hors et à la porte de l’hôtel pour empêcher qu’aucun n’entrât qui ne dût y entrer ». Le « roi des ribauds » avait aussi le pouvoir de chasser et de bannir les vagabonds et même de les punir « sans autre forme ni figure de procès ».

La juridiction à la suite de la Cour, pendant les marches ou voyages du roi, était réservée aux maîtres d’hôtel : « Maréchal et connétable ont, le roi voyageant, aucune juridiction en l’hôtel du roi », lit-on dans la réplique du prévôt de Paris(63). Miraumont constate qu’en l’an 1422, les maîtres de l’hôtel exerçaient encore la justice à la suite de la Cour.

Or, la France se trouvant partagée en factions ou en proie à la guerre étrangère, le roi Charles VI fut obligé d’être souvent à la tête de ses armées ; mais les magistrats chargés de la juridiction criminelle de la maison royale ne pouvant le suivre pendant la guerre, le roi – a dit de Lamare, après Bouteiller (ou Boutillier) – attacha, pour la première fois, à la suite de la Cour, vers la fin de son règne, le prévôt des maréchaux, qui était alors unique, pour y exercer en campagne les mêmes fonctions qu’il avait coutume d’exercer à la suite des armées. Cet officier devait, en particulier, écarter de la Cour les vagabonds, filous, femmes débauchées et autres gens de mauvaise vie, et juger les coupables ; mais le prévôt des maréchaux n’avait cette juridiction à la suite de la Cour que dans les marches et chevauchées, ou dans les camps et armées du roi.

L’établissement d’un prévôt à la suite de la Cour ayant prouvé son utilité, Charles VII continua d’avoir dans ses voyages ou campagnes le prévôt des maréchaux. Bouteiller, cité par Miraumont, et qui écrivait sous Charles VII (1459), nous apprend que, pendant la guerre ou les chevauchées du roi, le prévôt des maréchaux disposait, pour l’exécution de ses jugements, du roi des ribauds : « Item, a le dit prévôt des maréchaux, le jugement de tous cas advenus en l’ost ou chevauchée du roi, et le roi des ribauds en a l’exécution. Et s’il advenait qu’aucun forface corps qui soit mis à exécution criminelle, le prévôt a, de son droit, l’or et l’argent de la ceinture au malfaiteur, et les maréchaux le cheval et les harnais et tous autres outils s’ils y sont, réservé les draps et les habits quels qu’ils soient, et dont ils soient vêtus, qui sont au roi des ribauds qui en fait l’exécution ». Et plus loin : « Le roi des ribauds, si se fait, toutefois que le roi va en ost, appeler l’exécuteur des sentences et commandements des maréchaux et de leur prévôt, a de son droit, à cause de son office, connaissance sur tous jeux de dés et de berlans et d’autres qui se font en l’ost et chevauchée du roi ».

Les fonctions de prévôt des maréchaux étaient remplies à cette époque par le fameux Tristan l’Ermite (ou l’Hermite). Au cours des années 1462 et 1463, le prévôt accompagna Louis XI dans le midi de la France. Le roi fit son entrée solennelle à Toulouse, le 26 mai, venant de Bayonne, par la porte de Saint-Cyprien ou le Muret. Le procès-verbal en fut dressé par Tristan ainsi que par tous les grands personnages qui composaient la suite du roi : Charles, duc de Berry, frère de Louis XI ; Jean, comte du Perche ; Jean de Foix, prince de Navarre ; Jean d’Armagnac, comte de Comminges et maréchal de France, etc.(64)

Nous parlerons plus loin de Tristan l’Ermite qui, après avoir commandé plusieurs places de guerre et occupé la charge de maître de l’artillerie, fut prévôt des maréchaux, dès l’année 1435, sous Charles VII, puis sous Louis XI ; nous verrons que ce dernier prince attacha des prérogatives spéciales aux fonctions que le prévôt des maréchaux exerçait à la suite de la Cour, en confiant à Tristan une charge importante de la Couronne, celle de prévôt de l’Hôtel.

Le prévôt des maréchaux, Tristan l’Ermite, devient prévôt de l’Hôtel(65)

Le grand-maître, dont nous avons parlé précédemment, ayant d’importantes fonctions à remplir auprès du roi, dut abandonner, vers la fin du règne de Charles VI, ou le commencement du règne de Charles VII, la juridiction qu’il exerçait, tant sur les domestiques que sur les personnes qui suivaient la Cour. Pour lui succéder dans ces fonctions, on créa un nouvel officier, à qui furent attribuées la justice et la police de la maison royale : ce fut le prévôt de l’Hôtel.

On ne trouve d’officier ayant le titre de prévôt de l’Hôtel qu’à partir du règne de Charles VII, en la personne de Jean de la Gardette qui, en 1455, fit prisonnier, sur le pont de Lyon, un argentier du roi(66) : à cette époque, Tristan, on le sait, déjà, était prévôt des maréchaux. Miraumont dit que « se trouve dans nos histoires françaises de l’an 1435, Tristan l’Hermite, qualifié écuyer et prévôt des maréchaux, lequel, en octobre du dit an, fut à Reims avec Messire Jean Chennoy, porter lettres de la paix faite à Arras entre le roi et le duc de Bourgogne ». En qualité de prévôt, Tristan avait servi sous le connétable de Richemont contre les écorcheurs, nom donné aux routiers, mercenaires licenciés après la paix d’Arras (1435), et contre les rebelles de la Praguerie (1440) ; puis, il avait fait la campagne de Guyenne et était entré à cheval dans Bordeaux, à la tête de ses archers, avec les troupes de Dunois, en 1451 ; les deux charges de prévôt des maréchaux et de prévôt de l’Hôtel étaient donc distinctes en 1455.

Trois ans plus tard (1458), on constate encore l’existence simultanée du prévôt des maréchaux et du prévôt de l’Hôtel, ces deux officiers ayant assisté alors au premier procès du duc d’Alençon (du Tillet)(67).

Mais, sous Louis XI, nous voyons Tristan l’Ermite cumuler les deux charges. Il se trouve, dit Miraumont, tantôt en qualité de « prévôt des maréchaux », tantôt en qualité de « prévôt des maréchaux de l’hôtel du roi ». Tristan lui-même, en 1470, se dénomme dans ses actes : « Noble homme Tristan l’Ermite, seigneur de Moulins et du Bouschet, conseiller et chambellan du roi notre sire, prévôt de son hôtel et de messeigneurs les maréchaux de France »(68).

À la fois prévôt des maréchaux et prévôt de l’Hôtel, Tristan a joué un rôle de premier plan, dont la complexité a surpris les historiens. On n’a pas toujours su discerner la mission véritable du terrible prévôt, à qui l’on a souvent attribué un pouvoir exorbitant et mystérieux.

Prévôt des maréchaux, Tristan était compétent pour juger les traîtres, les rebelles, les déserteurs, les espions(69) ; en cette qualité, il fit décapiter, en 1469, deux soldats de l’armée de Catalogne, envoyée au secours de Jean d’Anjou, parce qu’ils avaient abandonné leur capitaine sans permission ni raison (Lecoy de la Marche). Prévôt de l’hôtel, il était titulaire d’une grande charge de la Couronne et l’héritier du grand-maître et du grand sénéchal dans l’exercice de la plus ancienne des justices de France, celle qui existait près de la personne des rois. À ce titre, Tristan était le juge naturel et sans appel des crimes de lèse-majesté, même au premier chef ; et, en effet, tant que subsista l’Ancien Régime, le prévôt de l’Hôtel connut des attentats contre la personne du souverain, en vertu d’un droit que, seul, le Parlement tint parfois en échec.

L’histoire juge sévèrement les procès par commissaires ordonnés par le roi Louis XI ; mais l’on s’étonnerait à tort, semble-t-il, du rôle actif joué par Tristan au sein de ces commissions extraordinaires, où l’appelait, naturellement, sa qualité de prévôt de l’Hôtel.

L’étude de la mission remplie par Tristan l’Ermite exige que les fonctions principales du célèbre prévôt soient dissociées. Nous verrons le rôle joué par Tristan auprès des troupes, en qualité de prévôt des maréchaux.

Dans ses fonctions à la suite de la Cour et de prévôt de l’Hôtel, Tristan acquit la réputation d’un officier esclave du devoir et d’une fidélité absolue au roi. Quand Louis XI, évitant le séjour des villes, se retirait à Plessis-les-Tours, Tristan montait autour du château une garde sévère. On ne voyait autour du Plessis « que gens pendus aux arbres, car Tristan l’Ermite, prévôt des maréchaux, que le roi appelait son compère, faisait pendre, géhenner et mourir les gens sans grands indices de preuves »(70).

Le roi, qui avait en son prévôt une confiance absolue, le chargea souvent des missions les plus délicates. Déjà, en 1441, à Bar-sur-Aube, Charles VII avait ordonné au connétable de Richemont de faire prendre par Tristan, le bâtard de Bourbon qui, non seulement avait pris part à la Praguerie, mais s’était encore rendu coupable de crimes de droit commun ; le procès fut instruit sommairement : condamné à mort, le bâtard de Bourbon fut cousu dans un sac de cuir et jeté dans l’Aube(71).

Tristan arrêta le duc d’Alençon, coupable d’avoir entretenu des intelligences avec les Anglais. Condamné à mort, le duc vit sa peine commuée en celle de la prison perpétuelle, puis fut gracié par Louis XI (1464).

En 1468, Tristan arrêta Charles de Melun, l’enferma au château Gaillard, près des Andelys, fit partie du tribunal extraordinaire chargé de juger le coupable et procéda lui-même à son interrogatoire. L’année suivante (1469), Tristan travailla à l’instruction du procès du cardinal La Balue et de l’évêque de Verdun, dans une commission dont faisaient partie également le chancelier de France, Guillaume Juvénal des Ursins, le seigneur d’Estouteville et d’autres hauts personnages(72). En 1472, nous voyons Tristan procéder à l’arrestation du duc d’Alençon, accusé pour la deuxième fois de haute trahison et prendre part au procès et au jugement(73).

Les événements requéraient la plus grande vigilance à cette époque où les intrigues des princes français tendaient à détrôner le souverain légitime. Dans ces circonstances, Tristan fut un serviteur zélé, dévoué à son maître et « prompt à l’exécution de ses commandements », ainsi qu’en témoignent plusieurs jugements rendus par le prévôt à la suite de la Cour. En 1471, au milieu des dangers que la coalition faisait courir à la Couronne, Tristan, selon Miraumont, jugea et fit noyer dans la Seine Jean de Bourges et François Mériodeau, exécuter aux Halles maître Pierre de Quéroust, natif de Lusignan, exécuter et noyer plusieurs officiers de Normandie. En février 1476, il fit décapiter au Pont de l’Arche Gauvin Maumet, lieutenant général du bailli de Rouen. L’année suivante (1477), il condamna Silvestre le Moine, coupable de lèse-majesté, le fit noyer dans la Seine (Miraumont) et fit décapiter plusieurs habitants d’Arras, coupables d’avoir violé leur serment de fidélité au roi(74).

Nous avons fait remarquer, déjà, qu’en sa qualité de prévôt de l’Hôtel, chargé de veiller à la sécurité du roi et de sa maison, Tristan était compétent en dernier ressort pour juger les complots et les attentats contre le souverain. Les sentences de mort qu’il prononça doivent être attribuées, autant qu’à sa sévérité naturelle, aux trahisons qui, mettant en péril la couronne de France et l’unité nationale, méritaient d’être réprimées par des exemples terribles.

Tristan n’agissait pas seul. Il était assisté de lieutenants et de sergents nommés par lui et qu’il chargeait de procéder aux arrestations ; il chargeait aussi, parfois, ses lieutenants de faire subir des interrogatoires à sa place, et il leur déléguait même, au besoin, le droit de juger. C’est ainsi qu’en 1474, « il nomma Thomas Lehéruc, seigneur de Torchamp, son lieutenant dans la vicomté de Domfront, pour y appréhender à sa place les auteurs des attentats ou délits commis au préjudice du roi, les emprisonner et en faire justice suivant le cas, et cela aux gages et profits accoutumés » (Lecoy de la Marche).

Lorsqu’il instruisait une affaire, Tristan procédait à un interrogatoire en règle, avec un lieutenant lui servant d’assesseur et un greffier. Il mettait les accusés à la question, s’il y avait lieu, suivant la coutume du temps, et faisait dresser des procès-verbaux circonstanciés, d’après lesquels la sentence ou l’acquittement étaient prononcés (Lecoy de la Marche).

On a reproché, cependant, à Tristan l’Ermite des exécutions sans jugement ; mais le prévôt n’aurait-il point agi ainsi selon les lois qui ordonnaient, dans certains cas, d’exécuter « sans forme ni figure de procès »(75).

On sait, d’autre part, que le connétable, dont le prévôt était tenu d’exécuter les ordres, exerçait, même encore au XVIe siècle, une juridiction illimitée terriblement sommaire. On cite souvent le passage suivant des Mémoires de Brantôme, qui prouve l’existence de ce droit de vie et de mort : « On disait qu’il fallait se garder des patenostres de M. le connétable [Anne de Montmorency] ; car, en les marmottant, et lorsque l’occasion s’en présentait, il disait : « Allez pendre un tel, attachez celui-ci à un arbre, faites passer celui-là par les armes tout à cette heure, ou les arquebusez tous devant moi ; taillez-moi en pièces tous ces marauds qui ont voulu tenir ce clocher contre le roi ». Et ainsi de tels ou semblables mots de justice et de police de guerre proférait-il, selon les occurrences, sans se débaucher nullement de ses paters ».

Il ne faut pas oublier, enfin, que Tristan l’Ermite était tenu d’obéir à un prince, dont l’historien Varillas a dit : « Il lui suffisait quelquefois [à Louis XI] de croire qu’un homme fût criminel, et, quand il était prévenu, il ne pouvait plus souffrir que l’on observât les formes de la justice ; il commençait par l’exécution du prétendu coupable »(76).

Au monarque surtout incombe la responsabilité des actes arbitraires que, trop facilement peut-être, on a reprochés au fidèle prévôt du roi Louis XI.

Les importantes fonctions que Tristan remplissait à la suite de la cour le détournaient des devoirs que lui imposait, auprès des troupes, sa qualité de prévôt des maréchaux. Louis XI reconnut la nécessité de séparer les deux charges. Miraumont rapporte que, dès le 4 février 1475, une commission fut décernée pour le paiement de trente archers, sous les ordres de Guyot de Louzière, prévôt de l’Hôtel. Les archers du prévôt de l’Hôtel remplaçaient dans leurs fonctions le roi des ribauds disparu et ses sergents, et, avec Tristan l’Ermite, allait s’éteindre la charge complexe de « prévôt des maréchaux de l’hôtel du roi ». Suivant sa mission traditionnelle, le prévôt des maréchaux allait se consacrer désormais, uniquement, à la police des gens de guerre, tandis qu’au prévôt de l’Hôtel, et à lui seul, allait incomber la charge de la justice et de la police de la Cour. La prévôté de l’hôtel était instituée (1475)(77).

Prévôté de l’Hôtel

Personnel

Le personnel de la prévôté de l’Hôtel, composé, au XVe siècle, de trente archers placés sous les ordres du prévôt, assisté d’un, puis de deux lieutenants, s’accrut, au siècle suivant (1536), de vingt archers, à cause de la diversité du service auquel cette troupe était appelée (service judiciaire, police des vivres, maintien du bon ordre).

Au XVIIe siècle (1615), le prévôt de l’Hôtel, ou grand prévôt, avait sous ses ordres deux lieutenants généraux de robe longue pour rendre la justice dans les affaires civiles, un troisième lieutenant de robe longue pour suppléer au Grand Conseil, en cas de besoin, le grand prévôt ou ses deux lieutenants généraux, quatre lieutenants de robe courte pour seconder le grand prévôt dans l’exercice de sa charge en matière criminelle, quatre exempts, un greffier, cinquante archers, ainsi qu’un procureur, créé par un édit de mai 1543. Les lieutenants, exempts et archers jouissaient de l’exemption des tailles(78).

Au siècle suivant(79), le personnel de la prévôté de l’Hôtel se décomposait comme il suit : le personnel du tribunal comprenait le grand prévôt, deux lieutenants généraux, un procureur, un substitut, un greffier, deux commis-greffiers (il y avait en outre, un trésorier- payeur, quatorze huissiers et trois notaires) ; la compagnie des gardes, commandée par un lieutenant général d’épée et comprenant un major, un aide-major, quatre lieutenants, dix sous-lieutenants, six brigadiers, six sous-brigadiers, soixante gardes, six gardes surnuméraires et un trompette.

Les marques de la dignité du prévôt de l’Hôtel consistaient en deux faisceaux de verges d’or passées en sautoir, liés de cordons d’azur avec la hache d’armes.

Miraumont fournit des renseignements sur tous les prévôts de l’Hôtel qui se sont succédé depuis Guyot de Louzière (1475) jusqu’au seigneur de Bellengreuille (1615). Ces officiers n’exercèrent leur charge, à l’origine, que par commission. C’étaient des gentilshommes, choisis, en général, parmi les maîtres d’hôtel du roi. Cependant, en 1543, François Ier choisit deux prévôts généraux de maréchaussée, Claude Genton, seigneur des Brosses, prévôt du Berry (1520), puis de l’Île-de-France (1537), et François Patault, seigneur de la Voulte, prévôt du Languedoc, pour remplir, simultanément, les fonctions de prévôt de l’Hôtel. Ils furent désignés à cause de « leur longue expérience, intégrité et bonne diligence […] pour faire cesser promptement les grands larcins, pilleries, rançonnements, rapts, homicides, tromperies, abus, malversations et autres grands crimes qui se commettaient chaque jour en la cour et suite d’icelle ». Après le décès de Patault (1551), l’office de prévôt de l’Hôtel redevint unique, au nom de Claude Genton. Au successeur de ce dernier incomba la mission d’arrêter le prince de Condé dans le château d’Amboise, lors de la célèbre conjuration (1560).

Nous avons vu qu’en 1578, la charge de grand prévôt de France fut unie à celle de prévôt de l’Hôtel en la personne de François du Plessis, seigneur de Richelieu(80), et que les prétentions du prévôt du connétable, qui revendiquait, de son côté, le titre de grand prévôt, furent rejetées par le Conseil d’État(81).

Le 23 décembre 1588, lors de l’assassinat du duc de Guise, le grand prévôt de Richelieu entra à la tête de ses archers dans la salle du château de Blois où se tenaient les États généraux, déclara qu’on avait voulu assassiner le roi, et que quelques députés, qu’il mit en état d’arrestation séance tenante, étaient du complot.

En 1589, Richelieu fit le procès au cadavre de Jacques Clément, l’assassin d’Henri III. On vit, à cette époque, un clerc du greffe de la Cour des Aides, nommé Choulier, prendre le titre de lieutenant du grand prévôt de l’Union et obéir au pouvoir de fait des Seize, ces extrémistes de la Ligue, en procédant à l’arrestation d’un conseiller du Parlement, accusé d’être partisan du roi (1591) ; ce conseiller fut exécuté, ainsi que d’autres magistrats. De retour à Paris, Mayenne, chef de la Ligue, désavoua ses fanatiques partisans et en fit pendre quelques-uns. Choulier fut condamné par défaut à être rompu et fut exécuté en effigie (1592)(82).

En 1594, le grand prévôt se saisit de Jean Châtel, qui avait attenté à la vie du roi Henri IV ; mais ce fut le Parlement qui procéda au jugement et prononça la peine réservée aux assassins des rois. Châtel fut écartelé.

Parmi les prévôts de l’Hôtel du siècle suivant, il convient de citer Charles de Monchy, qui devint maréchal de France sous le nom de maréchal d’Hocquincourt et fut tué sous Dunkerque, dans l’armée de Condé (1658).

Rappelons enfin, que sous Louis XV, Damiens, qui avait commis un attentat sur la personne du roi, fut mis, selon la règle, entre les mains de la justice du grand prévôt. L’instruction fut commencée, le 5 janvier 1757, par le lieutenant Le Clerc du Brillet qui, dix jours plus tard, fut dessaisi, pour des raisons politiques, en faveur du Parlement. L’arrêt de condamnation, rendu le 26 mars suivant par la cour souveraine, réglait les moindres détails du supplice, qui fut d’une atrocité inouïe et « sans exemple », a dit Voltaire.

Service

Le service de la prévôté de l’Hôtel fit l’objet, au XVIe siècle, d’un grand nombre de prescriptions qui furent fondues dans le règlement du 31 octobre 1570(83).

Compétence judiciaire

Le prévôt de l’Hôtel exerçait une juridiction importante relativement à la sûreté, à la subsistance et au bon ordre de la Cour.

Il connaissait de toutes causes civiles et actions personnelles entre les officiers et domestiques de la maison du roi, des marchands privilégiés et de toutes les personnes qui suivaient la Cour, de quelques conditions qu’elles fussent. Les appellations du prévôt de l’Hôtel, en matière civile, furent attribuées, à l’origine, au Parlement et, plus tard, par un édit d’octobre 1529, au Grand Conseil.

En matière criminelle, le grand prévôt était juge souverain des crimes et délits commis dans les maisons royales, dans les lieux habités par le roi et dans un rayon de 10 lieues autour de sa personne, ainsi que dans les palais royaux de la capitale, même quand le prince n’était pas présent dans la ville de Paris.

Des lettres patentes du 1er novembre 1530 voulaient que ceux qui étaient trouvés commettant des larcins dans le logis du roi fussent pendus et étranglés. D’autres déclarations, des 15 janvier 1677, 7 décembre 1682, 11 septembre 1706, confirmèrent celle de 1530 et punirent de mort les auteurs et complices de vols et larcins dans les maisons royales ou leurs dépendances, cours, avant-cours, cours de cuisines, offices et écuries(84).

Le grand prévôt avait compétence spéciale pour connaître du délit de fausse monnaie contre toutes personnes à la suite de la Cour(85). La compétence du prévôt de l’Hôtel en matière criminelle s’étendait jusqu’aux crimes de lèse-majesté ; nous avons vu, cependant, que le Parlement interposait parfois son autorité, quand il s’agissait de crimes de lèse-majesté au premier chef, tels que les attentats contre la personne du souverain ; dans ces grandes causes, la Cour dessaisissait le prévôt de l’Hôtel, par application de l’ordonnance de juillet 1493 (articles 97 et 98).

Le grand prévôt faisait saisir les criminels ou les délinquants ; s’ils s’étaient retirés à la suite de la Cour, ou parmi les gardes du roi, il faisait appréhender et punir ceux qui avaient recelé les coupables(86). Il faisait également le procès aux bannis, vagabonds et gens sans aveu qui, contrairement à la déclaration du 27 août 1701, suivaient la Cour. Le procès était fait par des lieutenants de robe longue de la prévôté de l’hôtel, en y appelant des maîtres de requêtes ou des conseillers du Grand Conseil au nombre, fixé par les ordonnances, de quatre, suivant l’édit de juin 1544, ou de sept, conformément à l’arrêt du Conseil du 26 mars 1580.

Un édit de juillet 1522 rappela que, de toute ancienneté, les jugements du prévôt de l’Hôtel, en matière criminelle ou de police, étaient sans appel ; mais dans la suite, seuls certains crimes, tels que les cas prévôtaux, furent jugés par le grand prévôt en dernier ressort ; l’appel des jugements rendus en matière de petit criminel ou de police dut être porté nécessairement au Grand Conseil(87).

Le grand prévôt ou ses lieutenants pouvaient entériner les lettres d’abolition, de grâce et de rémission, quand elles étaient accordées pour crimes commis à la suite de la Cour, dans un rayon de 10 lieues, et par des gens de ladite suite(88).

Il était défendu au grand prévôt et à ses lieutenants de prendre « plus grande somme que celle de 19 livres 4 sols pour le rapporteur et 3 livres 4 sols pour chaque juge, pour chaque vacation et épices »(89).

Le tribunal du grand prévôt eut de nombreux conflits avec les autres juridictions. On trouve dans Brillon(90) une ordonnance du 21 août 1684 portant règlement entre le bailli de Versailles et le prévôt de l’Hôtel. L’arrêt de règlement du 1er avril 1762 fixa définitivement, et avec précision, la compétence du grand prévôt.

Subsistance et police de la Cour

Le prévôt de l’Hôtel avait la police des vivandiers, marchands et sommeliers de la suite de la Cour(91) ; il exemptait les marchands de tous péages, entrées ou passages. Il devançait la Cour de deux jours dans ses déplacements ou la faisait devancer par un lieutenant pour fixer le taux des vivres et denrées nécessaires à la subsistance de la Cour ; il publiait des ordonnances, tant pour la taxe des denrées que pour les cabarets, et punissait les infracteurs. Il faisait dresser une potence pour donner l’estrapade aux contrevenants. Il veillait, lors du départ, au paiement des dettes et punissait ceux qui, ayant logé, s’en allaient sans payer leurs hôtes(92). Il avait le rôle des domestiques, connaissait des dommages commis par les gens et serviteurs des princes, seigneurs et autres de la suite de la Cour, et punissait les exactions qu’ils avaient commises(93).

Le prévôt de l’Hôtel faisait faire, par ses lieutenants et ses archers, des rondes et des patrouilles autour des lieux habités par le roi et arrêter les vagabonds et gens sans aveu qui, aux termes de l’arrêt du 12 novembre 1577, devaient être punis sans forme ni figure de procès, ainsi que les blasphémateurs et tous ceux qui troublaient la tranquillité et la sûreté de la Cour. Il prenait chaque jour les ordres du roi et lui faisait hebdomadairement le rapport des punitions prononcées à l’occasion des rondes et des patrouilles ; il remettait au roi les procès-verbaux des contraventions aux ordonnances défendant de vider à la Cour les vieilles querelles(94).

Il était enjoint à tous ceux qui suivaient la Cour d’obéir au prévôt ou à son lieutenant « sans murmure et sans user de rébellion ou de résistance, à peine d’être pendus ou étranglés »(95). Pour arrêter les coupables, les archers, qui devaient être en uniforme (hoqueton), avaient le droit d’entrer dans la cour du logis du roi mais non dans les escaliers ou les salles dont l’accès était réservé aux suisses ou aux gardes du corps.

Il convient d’ajouter qu’en sa qualité de grand prévôt de France, le prévôt de l’Hôtel avait le droit de faire des chevauchées à l’intérieur du royaume, sous l’autorité des maréchaux de France, de contraindre les prévôts des maréchaux à lui exhiber leurs informations, et de faire la capture des délinquants(96) ; mais le grand prévôt n’avait point de juridiction sur les prévôts des maréchaux, et il ne semble pas qu’il ait joui de l’autorité qu’il avait sur eux(97).

Service aux armées

En campagne, la prévôté de l’Hôtel faisait partie de la garde du roi, dont le devoir était d’entourer et de protéger le roi les jours de bataille, de faire le guet la nuit quand le roi était au camp et, en tout temps, de faire la garde, le jour autour de sa personne.

Les détachements de la prévôté de l’hôtel qui accompagnaient aux armées la maison du roi étaient de composition variable. C’est ainsi que, pendant la campagne de 1745, ce détachement comprenait, outre le comte de Montsoreau, prévôt de l’Hôtel et grand prévôt de France, un lieutenant général, un greffier, deux huissiers, deux lieutenants, deux exempts et douze gardes(98).

Comme en temps de paix, le grand prévôt avait la connaissance de tous crimes et délits commis dans le quartier du roi et la police spéciale des vivandiers, marchands et artisans affectés au service de la Cour. Le comte de Montsoreau, prévôt de l’Hôtel, ayant voulu empiéter, en

1745, sur les droits du prévôt général de la connétablie, Poulet de La Tour, le conflit fut porté devant le comte d’Argenson, ministre de la Guerre. Un règlement intervint, réglant les fonctions respectives des deux grands prévôts dans les camps et armées, lorsque le roi s’y trouvait en personne(99).

Suppression

La compagnie de la prévôté de l’Hôtel fut supprimée par une loi du 15 mai 1791. Recréé en même temps, sous le nom de Gendarmerie nationale, pour être attaché au corps législatif, ce corps fut composé de : un lieutenant-colonel, deux capitaines, six lieutenants, six maréchaux des logis, douze brigadiers et soixante-douze gendarmes, formant ensemble 99 hommes formés en deux compagnies.

Sous la Première Restauration (23 janvier 1815), cette troupe reprit son ancien nom de compagnie des gardes de la prévôté de l’Hôtel. Aux termes de l’ordonnance du 1er janvier 1816, elle comprenait 98 gardes et était divisée en trois brigades commandées chacune par un lieutenant ayant rang de capitaine dans l’armée et deux sous-lieutenants ayant rang de lieutenant ; à sa tête était placé un grand prévôt de l’Hôtel, du rang de colonel. Ce corps fut définitivement licencié le 27 avril 1817.

(1) Plus tard, le nom de ban s’appliqua aux vassaux directs, et celui d’arrière-ban aux arrière-vassaux.

(2) W. H. Nieupoort, Explication abrégée des coutumes et cérémonies observées chez les Romains…, Paris, 1770, p. 240 et suiv.

(3) J. du Tillet, Recueil des rois de France…, Paris, 1618, rubr. « Connétable et maréchaux de France ».

(4) Chronique de Monfort ou des Albigeois, citée par de Beaufort, Recueil concernant le tribunal de nosseigneurs les maréchaux…, Paris, 1784, chap. Ier.

(5) A. Quarré de Verneuil, L’armée en France depuis Charles VII jusqu’à la révolution, Paris, 1880, p. 7.

(6) A. Cheruel, Dictionnaire historique des institutions…, Paris, 1855, V° Connétable.

(7) Père Daniel, Histoire de la milice française, Paris, 1721.

(8) Voir dans le Dictionnaire de l’abbé Expilly la liste des connétables depuis l’année 1090.

(9) À plusieurs membres de la commission militaire de l’armée qui proposaient le rétablissement de la dignité de maréchal, le général Chanzy répondit : « Que les généraux français qui veulent le bâton de maréchal aillent le chercher de l’autre côté du Rhin. » (Chuquet, Le général Chanzy).

(10) Le 27 décembre 1916, le Journal officiel publiait un décret nommant le général Joffre maréchal de France. Le rapport qui précédait le décret s’exprimait ainsi : « La dignité de maréchal de France, prévue par la loi, et qu’une longue période de paix a suspendue, ne saurait mieux revivre qu’en faveur du général qui, par deux fois, sur la Marne et sur l’Yser, a victorieusement arrêté la marche foudroyante des armées ennemies au moment où elles croyaient atteindre leur but et nous réduire à subir leur volonté. Le pays tout entier attend du Gouvernement cet acte de reconnaissance et de justice ».

(11) W. H. Nieupoort, Explication…, p. 268 et suiv.

(12) L’aperçu historique dont il s’agit fut reproduit, plus tard, dans le Recueil des édits et ordonnances royaux de Néron et Girard, et rappelé par Pussort, lors de la discussion de l’ordonnance criminelle de 1670 (ordonnance de 1670, procès-verbal).

(13) Lettres de provision à l’office de connétable au profit d’Anne de Montmorency (19 février 1537).

(14) Abbé Velly, Histoire de France…, Paris, 1770.

(15) On lit parfois, dans les historiques de l’arme, que la maréchaussée remonte à l’année 1060. Delattre a écrit, dans son Esquisse historique de la gendarmerie (1891), que « la dénomination de maréchaussée (troupe des maréchaux) date de la fin de 1060 », mais il n’indique pas la source de ce renseignement, qu’il a sans doute puisé dans quelque vieil auteur. L’abbé Expilly précise, en son Dictionnaire (1764), que la compagnie de la connétablie, gendarmerie et maréchaussée de France, camps et armées du roi, fut créée en 1060 ; mais tous les auteurs qui ont traité des origines des grands officiers de la Couronne, tels que du Tillet, Trévoux et Expilly lui-même (V° Connétable), constatent qu’à l’époque dont il s’agit le connétable n’était qu’un grand écuyer ; il n’avait pas encore de fonctions militaires ; il est donc difficile d’admettre qu’il eût sous ses ordres une compagnie de gens d’armes. Expilly n’a, d’ailleurs, indiqué aucune référence. De Beaufort, en son Recueil concernant le tribunal de nosseigneurs les maréchaux de France (1784), chap. X, dit, au sujet de la création des maréchaussées, « qu’on en fixe l’époque au règne de Philippe Ier, en 1060 ». Ailleurs, dans le même ouvrage (chap. VIII), et toujours sans indiquer la source, il s’exprime ainsi : « Lors de l’établissement des maréchaussées, en 1060, il fut ordonné que cet officier (le prévôt du connétable) ajouterait au titre de prévôt général celui d’inspecteur desdites maréchaussées. » Mais, en 1060, le connétable et le maréchal avaient la charge de l’écurie royale ; leurs subordonnés – des maréchaux peut-être – ne pouvaient être que des écuyers de rang inférieur. L’application à l’un de ces derniers, vivant au XIe siècle, d’appellations militaires qui ne paraissent dans les textes qu’à partir des temps modernes, telles que prévôt général, ce qui laisse entendre qu’il y avait déjà des prévôts particuliers, ou inspecteurs des maréchaussées, ce qui suppose l’existence de plusieurs troupes portant ce nom, est à tous les points de vue invraisemblable. De Beaufort, qui fut prévôt général des armées opérant en Westphalie, pendant la guerre de Sept ans, a laissé des renseignements intéressants sur le service de la maréchaussée aux armées ; mais ses aperçus sur les origines de l’arme peuvent être, sans témérité, considérés comme erronés.

(16) L. Moreri, Le grand dictionnaire historique…, Paris, 1759, V° Tristan (Louis).

(17) Les prévôts dont il s’agit ici étaient des magistrats de l’ordre civil, tout à fait distincts des prévôts des maréchaux, avec lesquels on les a parfois confondus.

(18) Histoire du parlement de Paris, Amsterdam, 1769.

(19) On peut constater, en effet, que, parmi les officiers des bailliages qui ont laissé des témoignages de leur érudition, on compte plus de lieutenants (Papon, Imbert, P. Bornier, etc.) que de baillis.

(20) Le dernier appel de l’arrière-ban fut fait par Louis XIV, non point en 1674, comme on l’a admis parfois, mais en 1689. Voir les lettres de convocation du 26 février 1689, et des détails intéressants sur cette levée dans Le Présidial de Bourg, par de Combes.

(21) A. Cheruel, Dictionnaire…, V° Police.

(22) Ordonnance de 1670, titre I, art. 11 et 15.

(23) Ordonnance de 1670, titre II, art. 15.

(24) Voltaire, Histoire du parlement de Paris…, chap. V.

(25) P. Bornier, Conférence des nouvelles ordonnances de Louis XIV…, Paris, 1703, note sur l’art. 9 de l’ordonnance criminelle de 1670.

(26) A. Cheruel, Dictionnaire, V° Prévôt des maréchaux.

(27) G.-B. Depping, Correspondance administrative sous Louis XIV, Paris, 1850-1855, t. 2, p. 217.

(28) Voir aussi l’ordonnance de 1525.

(29) Ordonnance du 20 juillet 1367, art. 9.

(30) Ordonnance du 28 décembre 1355, art. 21, et de mars 1356, art. 28.

(31) Pantagruel, livre IV, chap. XII et suiv.

(32) Ordonnance du 28 décembre 1355, art. 21, et de mars 1356, art. 28.

(33) Ordonnance de mars 1498, art. 54.

(34) Ordonnance de mars 1498, art. 55 et 56.

(35) Ordonnance de 1525.

(36) Déclaration du 10 juillet 1566, ordonnance de Blois de 1579, art. 185, et ordonnance criminelle d’août 1670, titre 10, art. 15.

(37) Voyez Brillon, Dictionnaire de jurisprudence…, Lyon, 1781-1784, V° Guet.

(38) Déclaration du 18 décembre 1660 sur le port d’armes, qui enjoignait aux lieutenants du prévôt de Paris de contrôler sur place, deux fois par semaine, si le service du guet s’exécutait régulièrement ; déclaration du 13 avril 1685, sur les mendiants valides et fainéants ; déclaration du 22 juillet 1692, sur les soldats déguisés ; déclaration du 18 juillet 1724 contre les mendiants et vagabonds, etc.

(39) Lettres patentes du 14 mai 1626 et déclaration du 28 janvier 1685.

(40) Arrêt du parlement de Paris du 12 mai 1650.

(41) Voir Brillon, Dictionnaire…, V° Archer, arbalétrier, arquebusier ; Fontanon, t. I, p. 1121 et suiv., et les ordonnances des rois de la 3e race, t. III, p. 360, et t. VII, p. 395.

(42) Esmein, Histoire du droit français

(43) Voir l’ordonnance de 1351 et de 1356.

(44) Les désordres des gens de guerre firent altérer le sens de ce mot qui était pris, à l’origine, dans une bonne acception (Picot).

(45) Froissart, d’après madame de Witt, née Guizot.

(46) Le grand-maître d’hôtel du roi répondit dans une duplique : « Et à ce que partie a dit qu’ils n’ont point de territoire, dit que si ont et plus que le dit Prévôt (de Paris), car ils ont par tout le royaume partout où est le roi lequel si va en expédition ».

(47) Voir dans ce sens P. Rebuffi, Ordonnances, lois, statuts…, Lyon, 1547, rubr. « De la juridiction des prévôts des maréchaux ».

(48) Ordonnance de juin 1544.

(49) Voir l’énumération de ces textes dans Montarlot, Le Prévôt des maréchaux, Paris, 1639, et dans Briquet, Code militaire, t. 2.

(50) On trouve ces articles, numérotés de 1 à 26, dans Montarlot, et plus couramment, de 1 à 12, dans P. Néron, Recueil d’édits et ordonnances royaux, Paris, 1720, G. Saugrain, La maréchaussée de France…, Paris, 1697, Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises… (année 1514), Paris, 1825-1830, Fontanon, t. III, p. 1, et Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Paris, 1775-1783.

(51) Ordonnance de 1356 (art. 2 des actes fondamentaux, texte de Néron).

(52) Ordonnance de juin 1544 (art. II, ibid.).

(53) Voir les édits de novembre 1588 et du 29 avril 1600.

(54) Miraumont, Le Prévôt de l’Hôtel, Paris, 1615.

(55) En 1588, Nicolas Rapin fut chassé de Paris par les ligueurs, à cause de sa fidélité au roi. Il se vengea plus tard de cette disgrâce en collaborant à la Satire Ménippée ; ce fut lui qui, dans ce pamphlet célèbre, parodia très habilement le discours prononcé aux États généraux de la Ligue par l’archevêque de Lyon et le recteur de l’Université. Faisait partie aussi de la connétablie, le lieutenant Tavernay, assassiné la nuit du 24 août 1572, pendant le massacre de la Saint-Barthélémy.

(56) De Beaufort, Recueil…, chap. VIII.

(57) L’absence d’un grand prévôt ou d’un prévôt général – peu importe le titre – placé sous les ordres directs du commandant en chef, et ayant une autorité réelle sur l’ensemble des formations prévôtales d’un théâtre d’opérations, s’est fait vivement sentir pendant la guerre de 1914-1918.

(58) Arrêt du Conseil d’État du 9 mars 1708.

(59) Loi du 16 février 1791, titre 6, art. 1er.

(60) Lettres patentes du 6 mars 1758.

(61) Déclaration du 6 mai 1634.

(62) Édit d’avril 1600.

(63) Arrêt précité du 1er août 1404.

(64) Dom Devic et dom Vaissete, Histoire générale de Languedoc, Toulouse, 1872, t. XI, p. 51.

(65) Sur l’origine du prévôt de l’Hôtel, et sa filiation par rapport au roi des ribauds, ou au grand-maître, ou au prévôt des maréchaux, les vieux auteurs, du Tillet, Miraumont, de Lamare sont en contradiction, et Guyot (Répertoire…, V° Prévôt de l’hôtel) a critiqué les opinions des uns et des autres.

(66) Grande chronique de France, citée par Miraumont, Le prévôt de l’Hôtel

(67) Toutefois, Voltaire cite bien le prévôt de l’Hôtel comme ayant assisté à ce procès ; mais il mentionne le prévôt des marchands, au lieu du prévôt des maréchaux (Histoire du parlement de Paris…, 5e édition, 1769, chap. VII).

(68) Lecoy de la Marche, Revue de l’art chrétien, 5e livraison, septembre 1892.

(69) Voir l’ordonnance de 1356.

(70) Claude de Sessel, d’après Henri Martin, Histoire de France…, t. 7, p. 185.

(71) Henri Martin, Histoire de France…, t. 6, p. 396.

(72) Abbé Velly, Histoire de France

(73) Voltaire, Histoire du parlement de Paris…, chap. VII : Lecoy de la Marche, loc. cit.

(74) Henri Martin, Histoire de France…, t. 7, p. 129 ; Lecoy de la Marche, loc. cit.

(75) Nous avons vu que le roi des ribauds avait le droit de procéder à des exécutions sommaires.

(76) Varillas, Histoire de Louis XI, La Haye, 1689, livre 10.

(77) Le vieux prévôt Tristan l’Ermite continua néanmoins, à jouir de la confiance de Louis XI, puisque le roi l’envoya en mission à Arras en 1477. Tristan laissa en Gascogne de grands biens, dont la principauté de Mortaing, qui passa depuis dans la maison de Matignon et dans celle de du Plessis Richelieu. Parmi ses descendants, on compte Tristan François, auteur dramatique et l’un des quarante de l’Académie française (1601-1655) (L. Moreri, Le grand dictionnaire historique…, V° Tristan).

(78) Déclaration de janvier 1634.

(79) Édit de mars 1778.

(80) François du Plessis, quatrième du nom, seigneur de Richelieu, de Béçay, de Chillon et de Vercillières, laissa trois fils et deux filles. Armand-Jean, qui était le troisième, naquit à Paris, le 5 septembre 1585 et devint l’illustre cardinal (« Généalogie du cardinal de Richelieu », par André Duchêne, dans la Revue militaire française, octobre 1875, p. 234).

(81) Arrêts des 3 juin 1589 et 7 mars 1609.

(82) De l’Estoile, Journal du règne d’Henri IV, t. I, 16 nov. 1591, t.2, 10 déc. 1592.

(83) Voyez Miraumont, Le prévôt de l’Hôtel… Voyez aussi Brillon, Dictionnaire…, V° Prévôt de l’hôtel, où l’on trouve les textes fixant la compétence de la juridiction du grand prévôt, au regard des crimes, de la police et du civil, avec de nombreux arrêts du Grand Conseil.

(84) Voir ces déclarations dans de Lacombe, Traité des matières criminelles.

(85) Arrêt du 13 novembre 1550.

(86) Ordonnance de Blois, art. 193.

(87) Muyart de Vouglans, Les lois criminelles de la France, Paris, 1780.

(88) Ordonnance de janvier 1629, art. 182.

(89) Ordonnance d’août 1669, titre VII, article 27.

(90) V° Prévôt de l’hôtel.

(91) Voyez dans Brillon, Dictionnaire… V° Prévôt de l’hôtel, l’énumération des professions, au nombre de plus de cent, exercées par les marchands et artisans privilégiés suivant la Cour.

(92) Ordonnance de Blois, art. 328.

(93) Ordonnance d’Orléans, art. 116.

(94) Ordonnance du 12 janvier 1578.

(95) Ordonnance du 24 mars 1559.

(96) Lettres de février 1578 en faveur du grand prévôt de Richelieu.

(97) Montarlot, Le prévôt des maréchaux

(98) Revue d’histoire, octobre 1904, p. 52.

(99) De Beaufort, Recueil…, chap. VIII.